Proullaud296

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  • On aime ça, les rêves, en général

     

    15 06 2055

     

     

     

    Je suis dans un train russe en période révolutionnaire. Je chie dans des toilettes où sont déjà assises trois personnes. Michel Polac se penche sur moi :”Essaye de chier avec trois personnes dans la pièce”, lui dis-je. Il me répond en souriant qu'en effet je suis ridicule. Surtout que j'ai attendu que l'on quitte une gare, et qu'à peine installé voici un autre arrêt. “Estime-toi heureux de ne plus être au temps où l'on s'arrêtait pour une durée indéterminée”- rien ne marchait. Il faut donc que je me retienne. Quand enfin un peu de merde sort, la puanteur fait que tout le monde se lève et s'en va. Je me “colmate la brèche” avec un bouchon de papier cul. Je pense que je parlerais le djungo pour faire semblant de m'exprimer en russe. Le djungo, avec des accents différents, servirait pour toutes les langues...

    Mur de défense et goéland.JPG

     

     

     

     

    06 07

     

    Réunion électorale au village, c'est en même temps la fête patronale, une petite foule se presse sur une place. Il y a Josette et Mme Dorelon. Je vote, mais sans avoir le droit. Je porte un petit garçon, Jean-Pierre, sur les épaules, son échine présente une croûte, comme mon chat. Je recherche sa mère (Marie-France) pour signaler qu'il faudrait établir une liste électorale. A chaque fois qu'on vote on reçoit une hostie. Je dis à un participant : « Attention de ne pas avaler de travers. » Présence de chats, de boue, de joie populaire.

     

     

     

    13 07

     

    A une cantine, les femmes me servent avec mauvaise grâce : je suis un chipoteur, donc je n'ai presque rien. Et j'en renverse – il m'en reste encore moins ! On me soupçonne de savoir quelque chose au sujet de Chevènement disparu dans la Sarthe...

     

     

     

    21 07

    A

     

    Consultant mon agenda, je constate qu'une fois de plus Anne a dessiné des caricatures, de plus en plus foisonnantes et talentueuses. Je regrette presque qu'il n'y en ait pas davantage, mais la recherche, pour lui administrer une superratatouille.

     

    B

     

    Sur le chemin du retour à la maison, j'aperçois en contrebas un attroupement autour d'une dizaine de femmes, les unes voilées, les autres non. Une des premières s'est fait agresser, les autres se sont rassemblées pour soutenir les premières. Elles sont très belles et dignes. Il règne une immobilité menaçante. Pour moi, je perds le souffle et m'agenouille en pleurant sur la connerie humaine. Aucun son ne peut sortir de ma bouche, on commence à me regarder.

     

     

     

    08 08

     

    Notre appartement, mi-rue David-Johnston mi-allée des Tulipes, envahi par une famille de réfugiés, mi-maurétanienne, mi-cinghalaise. D'abord c'était Fatimatou, puis sa sœur, puis ses parents ; alors je me fâchais, ils prenaient leurs aises, bloquant les toilettes : celles du palier étaient dégueulasses, inutilisables. Je finissais par brailler, désignant tels et tels hommes à grosse tête et bons bouffeurs, disant que je n'avais pas l'argent pour nourrir tout ce monde, les autres râlant dans leur langue. Je parle même d'appeler la police, parce que ce sont peut-être des dissidents, voire des terroristes. Mais ensuite, au troisième (ailleurs), qui était tout ce qui nous restait, je parlais de vendre, en rangeant des assiettes.

     

    Anne prétendait que, si nous vendions, nous serions accablés d'impôts. “Première nouvelle !” disais-je sans vraiment le croire.

     

  • Spire versus Renaud Camus

        Une fois n'est pas coutume : le compte-rendu qui sera fait aujourd'hui portera sur un ouvrage que je n'ai plus entre les mains, ayant dû le rendre, et vous n'en ouïrez hélas aucun extrait. Il s'agit de "L'Obsession des origines" de Spire, officiant à France-Culture, et désireux de s'opposer à Renaud Camus. Encore lui, direz-vous en parlant de ce dernier. Certes. Il introduit dans sa première version de "Campagne de France" ou Journal de 94 un antisémitisdme sournois en même temps qu'avoué, dans une démarche vicieuse que M. Spire nous dévoile avec bonheur.

    CI-DESSOUS MICHEL SIMON SUR STORE, A LA CIOTAT
       

    Michel Simon sur store.JPG

    Ce sont tout d'abord dans ce livre, "L'Obsession des origines", des pages magnifiquement écrites et sincères sur l'enfance de cet homme, la découverte de sa judéité, les questionnements qu'elle a induits en sa personne. Nosu retrouvons cela dans maints récits de jeunesse, et pourvu que le style et la hauteur d'esprit en imprègnent les pages, le lecteur demeurera captivé par ces relations toujours à la fois vaguement les mêmes et si humainement individualisées.
        L'ouvrage cependant diffère des simples constatations chronologiques et se dirige rapidement vers son but : dévoiler disais-je, une fois de plus, car les portes ouvertes possèdent les plus solides chambranles, ce que cachent les discours bien-pensants et cauteleux de l'antisémitisme comme-il-faut. Première contre-vérité de Renaud Camus, "les" Juifs. Le pluriel lui-même est une absurdité.

        Il y a 1 Juif plus 1 Juif plus 1 Juif. Cela n'autorise jamais le pluriel. Il est impossible de déterminer "ce que pensent les juifs", "comment votent les juifs", "quel est le niveau de culture des juifs". Ils constituent, comme les Belges, les femmes, les Auvergnats ou les coiffeurs, une communauté qui n'a de communaujté que par le nom. "Les" juifs donc, puisque pluriel il y a, se déchirent entre eux aussi bien que les autres, voyez ce qui se passe en ce moment en Israël, voyez la multiplicité des points de vue qui les font s'affronter à travers le monde au sujet des affaires du Proche-Orient par exemple.
        Il est donc particulièrement absurde et dangereux d'affirmer que "les" Juifs ne seraient pas aptes à assimiler aussi bien la culture française que les paysans d'Auvergne ou du Velay, purs Gaulois. Nous nageons là en pleine faribole. La culture française a précisément cette caractéristique de fédérer toutes les ethnies, toutes les origines, juive, marocaine, écossaise, polonaise, dès l'instant où l'individu s'est appliqué à étudier, à aimer - car on s'applique à aimer - les écrivains, les peintres et les musiciens de la France.
        Cette capacité de fédérer les intelligences s'applique d'ailleurs aussi bien à la culture grecque contemporaine, mongole ou serbe. C'est l'intelligence, c'est l'ouverture qui priment, et non pas telle conception étroite de quelque nationalisme que ce soit. Nous sommes nos parents et grands-parents et arrière grands-parents, soit, mais nous pourrions peut-être avoir fait quelques progrès depuis Barrès, et je citerais ici volontiers Stefan Zweig :
    "Toujours la nature, conformément à sa tâche mystique qui est de préserver l'élan créateur, donne à l'enfant aversion et mépris pour les goûts paternels. Elle ne veut pas un héritage commode et indolent, une simple transmission et répétition d'une génération à l'autre : toujours elle établit d'abord un contraste entre les gens de même nature et ce n'est qu'après un pénible et fécond détour qu'elle permet aux descendants d'entrer dans la voie des aïeux".

    (certes ; après Zweig, je me tais ; mais j'aime mieux Renaud Camus que Spire ; parce qu'avec Renaud Camus, on peut parler ; tandis que ses adversaires ont raison, ils ont raison, ils ont raison, point barre, et tu fermes ta gueule et gnagnagnère, sinon tu es un facho ; qu'on ferme sa gueule après Zweig, d'accord, total respect ; mais après Spire, non : je cause. Même avec Renaud Camus). 

  • Tristan et Iseut



        Très intimidant chers leciteurs de vous entretenir d'un chef-d'oeuvre : Tristan et Iseut, dans la collection "Livre de poche - Gothiques". J'aimerais vous faire partager de l'enthousiasme, et j'ignore si j'y parviendrai. Cette oeuvre n'existe ici qu'en fragments, car c'est tout ce que l'on a pu retrouver du texte.  Vous trouverez la totalité de la légende en norrois, c'est-à-dire en vieux norvégien, traduite heureusement, et en intégralité, en fin de volume.
      Poutres et mezzanine.JPG  Tristan, neveu de son oncle, et seul héritier de ce dernier, doit lui chercher une fiancée au-delà des mers : ce sont les barons de l'oncle qui l'exigent, car le roi Marc, appelons-le par son nom, ferait ainsi un enfant, mâle de préférence, et Tristan, le favori, ne succéderait pas au souverain en place. Or, c'est là que les choses se compliquent, sur le bateau qui ramène la fiancée au roi Marc, Tristan et Iseut boivent du même philtre d'amour, et se sentent pris l'un  pour l'autre d'une irrésistible passion.
        Toute l'histoire de Béroul, qui en est l'auteur, ne consistera plus qu'en de multiples rebondissements, faits de séparations et de retrouvailles plus ou moins coupables, car enfin, ce neveu qui rejoint la femme de son oncle est à la fois parjure à son roi et incestueux. Mais il est beau, il est jeune, il est noble, et rien ne serait plus normal, selon les moeurs de l'époque, d'enlever cette femme et de se l'approprier au nez et à la barbe de toute l'aristocratie.

        Au lieu de cela, il remet la fiancée à son oncle, après en avoir usé, tout en se promettant de la conserver pour maîtresse. Voyez l'ambiguïté ! De soi-même, se mettre en contradiction, lui et son amante Iseut, avec la loi féodale, et avec la loi sacrée de l'Eglise. Problème insoluble, bien propre à nourrir les rebondissements, à fournir matière aux développements littéraires !
        Tristan et Iseut représente le schéma de toutes les histoires d'amour occidentales désormais : elle, lui et l'autre, qui fourniront à l'envi toutes les intrigues de nos tragédies classiques, de nos romans bons ou mauvais, de nos films chefs-d'oeuvre ou navets. C'est l'oeuvre fondamentale par excellence. Toutes les amours sont impossibles, ou interdites : il ne saurait en être autrement, ou c'est la fin de toute littérature : que resterait-il en effet à raconter, si un jour Madame Tristan demandait à son époux : "Passe-moi le sel" ?
        Il faut des obstacles aux amants, il faut des conflits. On dirait même, et Denis de Rougemont l'a démontré dans son livre  l'Amour et l'Occident, que le couple des amants s'ingénie à multiplier les obstacles ou les situations risquées, voire scabreuses, afin de prolonger un amour qui autrement s'effilocherait dans le bonheur. Ils sont sans cesse découverts et dénoncés par les barons, qui sont les méchants de l'histoire, mais en même temps les seuls véritablement loyaux, ah ! loyaux, puisqu'ils défendent l'honneur du roi, qui, sauf son respect, se fait planter les cornes.

  • Turista

     

     

    Le petit éboulis.JPG

    Banderoles et matin éclatant, rock et fiesta, casse-toi touriste, pêches à vendre, pas de carte routière ici, "rue de Teruel", bordée de tranchées au repos, carretera 420, Alcañiz ou Tarragone ? Ciudad romana, va pour Tarragone – "tout ce qu'il faut absolument connaître", parfois touriste – petit tour d'un vignoble entre ses murs de pierres, portefeuille perdu retrouvé, me voici en Alcañiz – changé d'avis.

     

    Le nom m'a plu. Garé coincé dans un virage en plein soleil, en pleine ville, bâfrant par la portière deux pêches dégoulinantes, explorons : d'abord le Parador, point de vue occupé par l'hôtel, deux filles accoudées sur la rampe qui donne abruptement sur une porte close, je les refrôle tout confus à la descente mais elles s'en foutent, pas même enlacées. Cathédrale obligatoire. Appareil photo en rébellion. La photographe à son comptoir me frôle de partout, passe les mains dans les manchons pour palper l'appareil, je dis en espagnol que je suis un peu lent, No importa Señor, de verdad, répond la clientèle dans mon dos – la photographe me ramène sur le pas de porte me palpant le bras, l'épaule, et me montre la rue salvatrice (salvadora ?) en direction de l'opticien : "Ils sont trois côte à côte ! ...dans une avenue larga, larga, larga" – prononcer "lar-ha, lar-ha" – mimiques expressionnistes, écarquillements d'yeux, les touristes sont de grands enfants.

     

    Sans avoir donné suite à tant de palpations je prends la suite d'un petit vieux, un viejecito, qui justement passe devant les opticiens. "Attendez-moi là", dit le vieux, "cinq minutes à la banque" – si je le suce, combien ? - planté au carrefour des rues piétonnières, j'observe l'incessant va-et-vient au pied du parvis en pente et j'emboîte le pas au petit sexagénaire qui à présent trottine à perdre haleine – rien de plus embarrassant que d'escorter ainsi son propre guide au pas gymnastique. Mon espagnol rudimentaire permet heureusement d'esquiver la conversation de politesse et de rigueur. Tous en chemin le saluent, à tous ils répond en soulevant son chapeau. Vous habitez ici depuis longtemps sans doute ? Il acquiesce et me lâche en face des trois opticiens. C'est une jeune employée lesbienne (comme toutes) qui me redresse en deux minutes la branche autour de l'oreille, laquelle me cuit toujours ce 26 août à l'instant où j'écris ; j'apprends qu'en espagnol apretar veut dire "serrer". Je me laisse donc "apprêter" puis j'achète un gros Atlas Routier d'Espagne en papier bien épais, tout en doubles-pages de part et d'autre d'une forte spirale de plastique blanc malcommode, comme tout ce qui n'est pas français, je n'avais qu'à rester chez moi. En route pour de nouvelles aventures. Chaleur déjà pesante. Partout des panneaux VIÑAROZ, que j'espère atteindre avant toutes les plages qu'il me faut à tout prix éviter, j'étouffe en pleine campagne, c'est super, Puerto Torre Miró 1250m. J'ai souvent roulé à plus de mille mètres.

     

    D'après ma carte d'un autre monde c'est le Más del Cap que j'ai visité ("...del Barranc"). Via pecuaria c'est "attention troupeaux" calqué sur le latin, une draille en gros cailloux qui me descend droit dessus. Devant le petit bois de pins qui susurre sous le vent j'ai regretté de n'avoir pas emporté le Sophocle mais une carcasse de bagnole bleue me ranime la tronche, je me vois bien l'enflammer de nuit dans le ravin, plus un chien, petit, jaune, attaché, misérable, pris en photo, voilée. Quand je m'éloigne, il me rappelle. Je reviens sans eau ni salive, je mitraille les pierres sèches et la cabane creuse en tombeau, la charrue et l'angle du mur, le chien encore, hirsute : "C'est tout ce que je peux faire pour toi." Il garde un grand portail de bois neuf au milieu d'un mur pourri qu'un coup de poing descendrait.

     

    En revenant sur mes pas je me retourne : c'est une vraie voiture qui stoppe devant le bâtiment neuf d'à côté que je n'ai pas voulu voir, le tout déjà rapetissé dans le lointain ; ni le chien ni la porte neuve n'ont été abandonnés, mais j'ai toujours évité les humains ! en voyage, ne voir personne. Sinon à quoi bon voyager. Sauf les fournisseurs, qui me vendent à boire et à manger. Des pellicules argentiques. Un lit pour la nuit. Morella. Clichés de murailles aussi voilés qu'ailleurs. Je me souviens du chien pelé del Barranc, chaleur sans vent, bonne bifurcation, les arcades de San Mateu, boissons fraîches, les jeunes movida insolents que je fuis, vieux que je cherche et qui s'expriment en catalan (finales en -áts pour -ádos). Dansl'église il fait frais et je touche l'harmonium ; les vieux à casquettes ne se sont pas décollés du banc de bois pour m'entendre. - l'autochtone se reconnaît à son falzar blanc crème sale qu'il n'abandonnera jamais si étouffant qu'il fasse non plus que sa morne incuriosité, toujours moins con qu'un touriste plein pot plein sud.