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  • CITATIONS

    C O L L I G N O N

    C I T A T I O N S

     

    Le présent recueil contient les citations relevées par romains,fascisme,souvenirs

     

    BERNARD COLLIGNON

     

    au cours de ses lectures , depuis

    l'automne de l'année 1962 (2009 n.s.)

    jusqu'à la fin de ses jours terrestres

     

     

     

     

    1. Tout comme la femme cherche à être belle

    pour plaire, l'homme cherche à être admirable. La

    femme qu'il aime doit se prêter à ce jeu. Si

    elle se montrait sceptique, si elle soulignait

    chez son amant certaines faiblesses ou certaines

    contradictions, elle serait aussi maladroite,

    d'une clairvoyance aussi inutilement cruelle, que

    l'homme qui signalerait à sa maîtresse des rides

    ou un double menton.

     

    Jules ROMAINS

    "Les Hommes de Bonne Volonté"

    T.I ch.XIV p.152 "Le 6 octobre"

     

    2. Vautel (NOCHER! N.D.L.E.) héritier de Har-

    douin. Un de ces fameux représentants du bon

    sens, qui sont chargés, de génération en généra-

    tion, de maintenir l'homme moyen dans ses pensées

    basses. Dans sa routine d'animal domestique. Dans

    son scepticisme bedonnant. Un de ceux grâce à

    qui le règne des malins continue.

     

    id. ibid.

    ch. XV p.160

     

    3. -Mais dites, la femme, vous ne l'avez

    pas revue, depuis?

    - Non, non.

    - Vous me l'affirmez?

    - Je vous le jure.

    - Ce serait très grave.

    - Oh! c'est une bonne gosse. Elle ne me

    vendrait pas.

    - Quelle illusion! Vous êtes tous

    pareils.

     

    id. ibid.

    ch. XIX p.230

     

     

     

    4. "Eh bien non, tous ces pauvres corps de

    vieilles femmes ne sont pas faits pour pareilles

    épreuves. Cela ne signifie certainement pas que

    le fracas et la destruction seraient plus juste-

    ment réservés aux corps parfaits des hommes jeu-

    nes, comme il semblait qu'il en dût être, autre-

    fois, dans les autres guerres.

     

    Georges DUHAMEL

    "Lieu d'asile"

    ch.XXIX

     

    5. "Quel est mon but dans la vie? Tout est

    là"

    Jules ROMAINS

    "Les Hommes de Bonne Volonté"

    T.II ch.XV p.185

    "Le crime de Quinette"

     

     

     

    6. Je suis persuadé qu'à tout moment, il y

    aurait un point, quelque part, où l'on pourrait

    agir. Je vous répète que nous nous sommes laissés

    abrutir par la philosophie de l'histoire. Le culte

    de l'inévitable.

     

    id. ibid.

    T.II ch.XX p.222

     

    7. Jamais rien de grand ne s'est fait sans

    des audaces morales, des entorses aux principes,

    qui auraient suffoqué les petits esprits.

     

    id. ibid.

    T.II, ch.XX p.236

    8. Voilà le nœud de la question; la jointu-

    re. Le point où l'homme d'action doit pouvoir

    s'articuler sur le théoricien. Être orateur.

    "(pour "(mater) une foule" et "attaquer l'ordre établi")

     

    d'après Jules ROMAINS

    "Les Hommes de Bonne Volonté"

    T.III ch.II p.30

    "Les amours enfantines"

    9. "Race humaine, race de comédiens. Un rôle

    qui vous est échu par hasard, et qu'on joue jus-

    qu'à la mort, par vanité, pour qu'il ne soit pas

    dit qu'on vous en a fait démordre.

     

    id.ibid.

    p.31

     

     

     

    10. Quand on veut obtenir des ouvriers, des

    inférieurs en général, qu'ils fassent à peu près

    ce qu'on leur demande, et aussi qu'ils vous con-

    sidèrent, il ne faut pas regarder à quelques

    sous.

    id.ibid. T.IV "Eros de Paris"ch.I p.9

     

    11.- Il revoit le jour de sa première communion. Journée d’affres et de tremblement ; puis de fatigue fiévreuse, de rancœur presque rancunière, après une semaine vécue à travers une nuée de scrupules, comme si l’on avançait nu dans des tourbillons de moustiques. La terreur constante de perdre le fameux état de grâce. Le matin même, sous le porche de l’église, ses yeux avaient rencontré par hasard une petite communiante. D’office il s’était soupçonné coupable de pensée impure. Il lui avait fallu aussitôt trouver un vicaire, le premier venu – sans prendre le temps de chercher son confesseur à lui – et s’accuser. Toute la cérémonie s’était déroulée sous la surveillance de ce terrorisme intérieur. Bonnes conditions pour goûter les abandons célèbres de l’Eucharistie.

    « C’était entendu. J’exagérais un peu. Mais qui était le plus dans le vrai, moi, ou le fils du crémier sur la chaise d’à côté qui rigolait en douce ? Et plus tard – un ou deux ans plus tard,je ne sais plus – quand je suis tombé sur la phrase de l’Évangile : « Il n’y a qu’un péché qui ne sera pas pardonné : le péché contre l’Esprit. » Exactement une vrille atteignant en trois tours l’endroit de l’âme le plus atrocement central. Je n’oublierai jamais le bleu-ciel douceâtre de la couverture du livre, ce bleu-ciel menteur dans lequel un tonnerre venait d’éclater. »

    Jusque-là, il avait eu la hantise du péché mortel et de la communion sacrilège. Pourtant l’absolution restait à sa portée. Mais maintenant, puisqu’il avait découvert le péché sans absolution, et par nature le plus immatériel, le moins palpable de tous, qui l’empêcherait de le commettre, ou de craindre de l’avoir commis ? La volonté n’y pouvait rien. L’enfant savait déjà, par une âcre expérience, que la volonté se divise contre elle-même. À la rigueur, quand c’est une action qui constitue le péché, la volonté peut se rassurer un peu en se convainquant que l’action n’a pas été faite. Mais quand le péché est une pensée, quand il est tout entier de la substance de la pensée, il devient inséparable d’elle ; il sort d’elle comme d’une poitrine ; il est mêlé à son moindre souffle.

    « Désormais j’avais la damnation logée en moi. Je portais en même temps le gouffre et son vertige. Je revois cette impériale de tramway du dimanche. J’allais au Bois de Boulogne avec mes parents. Les gens du dimanche ne prenaient pas garde à ce pauvre petit enfant de treize ans qui, serrant les lèvres, portait l’abîme chrétien sur l’impériale ensoleillée. Leur abîme, pourtant ; même s’ils n’y pensaient plus ; celui de leur civilisation ; celui de leurs ancêtres. Facile de sourire. L’âme n’a pas d’âge. Moi,je le sais. Honte sur moi si plus tard, quand j’aurai quarante ans, soixante ans, je jette un regard d’ironie indulgente sur un visage de treize ans habité par une douleur inconnue. Et d’ailleurs, y avait-il niaiserie de ma part, méprise puérile ? Mais non. Encore une fois non. Quel était mon tort ? De prendre les choses trop au pied de la lettre ? Mais d’abord, en matière de religion, qui vous permet de ne pas prendre les choses au pied de la lettre ? De quel droit « en prendre et en laisser ? » Attitude de farceur, de tièdes, de candidats à l’incroyance. Je dis qu’un prétendu chrétien qui eût souri de moi n’eût été qu’un amateur. Le système étant donné, c’est moi qui avais raison. Pascal aussi avait porté l’abîme. Comme je me sentais le frère, le cadet tardif de tous ces torturés des grands siècles chrétiens ! Guirlandes de la damnation sur l’ogive des portails. Gargouilles. Torsion désespérée des cathédrales. Vocero de l’enfer. Le moyen âge, je sais ce que c’est. J’y ai vécu. Tous ceux qui ont admis la prédestination et qui se disaient : « Je suis du mauvais côté. » Même Pascal criant si fort « Je suis sauvé » parce qu’il claque de peur.

    Jules ROMAINS

    Les hommes de bonne volonté

    11 bis . - « Quand je suis tombé sur les formidables imprécations de Lucrèce : Humana ante oculos… horribili super aspectu mortalibus instans… Pour d’autres, c’était un texte de version latine. Mais moi, je le vivais littéralement, son cri, vingt fois séculaire ! Ah ! Quelle sombre jeunesse préchrétienne il a dû avoir ! Car ça ne date pas du christianisme ; comme le

    croyait ce polémiste simplificateur de Nietzsche ; le christianisme a simplement approfondi le vertige ; a élevé le supplice à la puissance infinie.

    id. ibid.

     

    11 ter. - Le principal : d’avoir atteint dès treize ans le sommet de la douleur humaine.

    id. ibid.

    11 quater. - Avoir eu de son avenir, de sa destinée, une vue elle, que non seulement la mort n’y apparaissait pas comme un malheur important, mais – arme la plus terrible inventée par la religion contre l’homme - que la mort y apparaissait comme un recours inutile. Un état où l’on se dit que se tuer de désespoir serait inopérant pour mettre fin au désespoir. Après ça, de quelle hauteur on arrive sur les incidents ordinaires de la vie !

    id. ibid.

     

    11 quinquies. - Les parents ou leurs amis qu’on entend gémir sur des pertes d’argent ! Petites misères touchantes de l’adulte.

     

                            7O.    Le rationalisme parle comme si la
                        connaissance, automatiquement ou 						laborieusement,
                        allait toujours dans le sens d'un 						enrichissement
                        de l'être humain. C'est ce que l'on conteste. 
                        
                                              MOUNIER
                              
                               "Introduction aux existentialismes"        
                                     
                        
                        
                            71.    Les philosophes se (sont) 						ingéniés, en accord avec les savants, à 					vider le monde de la présence de l'homme. 
                        
                                            id. ibid.              
                        
                            72.    (Le rationalisme) a oublié que 					l'esprit onnaissant est un esprit existant, 				et qu'il est tel non pas en vertu de 						quelque logique immanente,
                        mais d'une décision personnelle et créatrice. 
                        
                                            id. ibid.                     
                            73.    L'existant...ne recherche pas LA
                        vérité, une vérité impersonnelle et 						différente à tous, mais SA vérité, une 					vérité qui réponde à ses aspirations, 						comble ses attentes, dénoue ses
                        problèmes.                     
                                              MOUNIER
                                "Introduction aux existentialismes"
    
                            74.    Ce n'est pas LA mort qui est un
                        problème philosophique mais QUE JE MEURE.
                        
                                            id. ibid. 
                        
                        
                        
                            75.    Le sujet n'...est (cependant) pas
                        enfermé dans son je-je, mais affronté au monde
                        entier. 
                        
                                            id. ibid. 
                      
                        
                            76.     On n'ose pas aviser le premier fou, le
                        fou noyé dans son rêve intérieur, mais le second,
                        le fou lucide et satisfait qui ne vit plus que 
                        chose parmi les choses, on frémit aussi de le
                        regarder, "par crainte de découvrir qu'il n'a plus
                        de vrais yeux, mais des yeux de verre et des
                        cheveux de paillasson, bref, qu'il est un produit
                        artificiel". 
                        
                                              MOUNIER
                             "Introduction aux existentialismes" p. 19
                                     + citation de KIERKEGAARD
                        
                        
                        
                            77.    Il n'y a pas d' Être, il n'y a que des
                        existants. 
                        
                                            id. ibid. 
                        
                        
                        
                            78.    Soit un poinçonneur de métro, qui du
                        matin au soir perfore des tickets dans une vague
                        inconscience, ou un petit rentier qui somnole dans
                        son confort. Vies dont on éprouve le malaise de
                        penser qu'elles sont quasi-fonctionnalisées, dont
                        les ressources secrètes, les puissances
                        d'émerveillement tarissent peu à peu. A la limite,
                        vies sans mystère. Devant de telles inexistences,
                        une exigence incoercible vous saisit, le besoin
                        d'y découvrir un mystère, une secrète plénitude 
                        d'être qui ne se réduise pas à un déroulement
                        d'états inconsistants. 
                        
                                              MOUNIER
                                "Introduction aux existentialismes"
                        
                        
                        
                            79.    Un inexistant est un homme qui ne
                        s'embarrasse pas de questions.
                        
                                            id. ibid. 
                        
                            
                        
                            80.    La philosophie ne commence pas par une
                        acquisition, mais par une conversion, comme la
                        religion. 
                        
                                            id. ibid. 
                        
                        
                        
                            81.    Il faut nous débarrasser du préjugé que
                        la volonté de rester en dehors de l'objet soit
                        toujours favorable à la connaissance. 
                        
                                            id. ibid. 
                        
                        
                        
                            82. C'est par erreur qu'on a cru voir dans la
                        méthode existentialiste une logique du
                        sentiment... 
                            L'existentialisme refuse simplement de laisser
                        aux catégories rationnelles le monopole de la
                        révélation du réel. 
                        
                                              MOUNIER
                                "Introduction aux existentialismes"
                        
                        
                        
                            83.    Oui, j'en ai assez de porter toujours
                        mon âme, j'ai hâte de trouver ce pays où le
                        soleil tue toutes les questions. Ma demeure n'est
                        pas ici. 
                        
                                               CAMUS
                                          "Le Malentendu"
                        
                        
                        
                            84.    Oh ! je hais ce monde où nous sommes
                        RÉDUITS A DIEU !
                        
                                            id. ibid. 
                        
                        
                        
                            85.    Priez votre dieu qu'il vous fasse
                        semblable à la pierre... c'est le seul vrai
                        bonheur. 
                        
                                               CAMUS
                                          "Le Malentendu"
                        
                        
                        
                            86.    Le sérieux existentiel est à la fois
                        engagement et dégagement, souci de présence et
                        d'insertion, et crainte de s'immobiliser dans les
                        positions acquises et dans les fidélités
                        enregistrées. 
                        
                                              MOUNIER
                                "Introduction aux existentialismes"
                                               p. 31
                        
                        
                        
                            87.    Une conception singulièrement
                        dramatique du destin de l'homme. 
                        
                                            id. ibid.    
                            88.    Un nouveau mal du siècle.
                        
                                              MOUNIER
                                "Introduction aux existentialismes"
                        
                        
                        
                           
     89.    Vous voyez l'air de cette jeune femme,
                        son assurance, le regard joliment dédaigneux
                        qu'elle nous jette... cette affirmation... oh !
                        charmante ! du contentement de vivre et d'être ce
                        qu'elle est... ce refus de toute crainte... ? 
                            Chaque fois maintenant que je suis en présence
                        d'une de ces images, pleine d'une gracieuse, à
                        peine agaçante royauté féminine, qui jadis me
                        séduisaient ou m'intimidaient sans plus, je pense
                        à tous les visages pareils à celui-là qui ont vu
                        s'aligner en face d'eux un peloton d'exécution,
                        dans un des pays que j'ai parcourus... moins que
                        cela... qui ont eu à pleurer en vain pour
                        attendrir le garde-chiourme d'un camp de
                        concentration... qui se sont figés d'épouvante à
                        l'entrée de policiers dans un vestibule, ou devant
                        une bande d'énergumènes qui hurlaient... Oui, …
                        tous les visages qui ont découvert en un dixième
                        de seconde que le sourire un peu dédaigneux, les
                        sourcils coquettement froncés, le regard de
                        princesse, cela ne servait à rien, absolument à
                        rien, que toute cette parade de défi,                                      
    	²de hardiesse, d'invulnérabilité, de "je ne ferai
                        jamais que ce que je voudrai", et de "c'est vous
                        plutôt qui ferez ce que je voudrai pour ne pas me
                        déplaire", que tout cela était chose creuse,
                        coquille friable, prête à s'effondrer, convention
                        et comédie bonnes pour les temps où l'on joue à la
                        gentillesse. Le jour où les brutes mettent leurs
                        pattes sur la vie, le jour de la Kommandantur, de
                        la Tchéka et des mitrailleuses... quand on n'a
                        plus devant soi que la force terrible et nue... si
                        réelle que plus rien d'autre n'est réel... hein ?
                        qu'est-ce qu'il reste de ce joli jeu ? Oui, j'ai
                        envie de dire : "Pauvre petite ! " (Pas moi)                    
                                           Jules ROMAINS
                                   "Les Hommes de Bonne Volonté"                    
                           T. XXII, Les Travaux et les Jours" pp. 184-5
                            90.    L'ON N'A PAS RAISON. L'ON SE DONNE
                        RAISON.
                        
                                            id. ibid. 
                              T. XXIII "Naissance de la Bande" p. 161
                                         
                            91.    Il ne s'arrêtait à aucune vision
                        particulière. C'était plutôt comme si des images
                        vives, marquées chacune d'un excès, eussent été
                        jetées dans la trémie de sa tête et brassées
                        ensuite par un vent violent. Il y avait des
                        visages de nègres, de grosses lèvres de nègres,
                        des seins et des croupes de négresses, des femmes
                        très parées, à cheveux courts, dansant avec
                        impudeur dans les bras de jeunes hommes minces, au
                        regard froid et sportif. Une ronde de corps nus,
                        tous noirs, tous blancs, ou alternés. Des caresses
                        qui soudain parcouraient ces rondes, les
                        ralentissaient, les couchaient à terre. Ou bien,
                        le long d'une rangée dansante et gracieuse comme
                        celle des Panath‚n‚es, de fines mains de jeunes
                        femmes, d'un geste pareil, saisissaient de jeunes
                        dieux ithyphalliques. Il y avait des cortŠges
                        d'hommes durs, des saluts du bras lev‚, des
                        matraques tombant sur de vilains cr^anes, sur des
                        dos vo^ut‚s et ch‚tifs ; des acclamations ; des
                        monuments o— l'on entrait par-dessus des grilles
                        renvers‚es ; des pelotons d'ex‚cution face … des
                        murs trŠs lumineux, et le bruit des salves ‚tait
                        couvert par celui des fanfares. Il y avait des
                        festins et des orgies dans des palais tout neufs
                        aux murs blancs, aux lignes nues, sortis du sol
                        comme un ascenseur qu'on appelle par un bouton.
                        Tout cela ‚tait fouett‚ de soleil ; travers‚ de
                        secousses rythmiques, … mi-chemin du spasme de 
                        
                        
                        BERNARD COLLIGNON
                        
                        CITATIONS                                       45
                        
                        
                        
                        sexe et de la contraction de muscle d'athlète ; et
                        réveillé constamment par une saveur qui
                        ressemblait à celle du champagne nature glacé. 
                        
                                           Jules ROMAINS
                        
                                  "Les Hommes de Bonne Volonté‚" 
                           T. XXIII "Naissance de la Bande" pp. 167 / 8
    
    XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX
                        
                        
                        
                            92.    Les imbéciles ! ils paieront ça ; ils
                        paieront leur dédain pour tout ce qui est beauté,grandeur, noblesse de la vie... leur rêve de                    toute une humanité en savates, en gilet de laine,
                        en bretelles flasques, qui acceptera de vivre dans des cabanes à lapins, sur des ruelles de gadoue,
                        du moment qu'il n'y aura plus de patrons, plus de femmes trop bien habillées, qu'on en fichera le
                        moins possible, et qu'il sera assuré aux ex-damnés de la terre un minimum de six heures par jour pour
                        jouer à la belote ou pêcher à la ligne. 
                        Jules ROMAINS
                        
                                  "Les Hommes de Bonne Volonté" 
                                         id. ibid. T. XXIV
                                       "Comparutions" p. 69
                        
                        
                        
                        
                        
                        
                                   
                        
                            93.    On nous dit qu'en suivant Hitler le
                        peuple allemand proteste contre des injustices
                        qu'il aurait subies, ou se prépare à assouvir un
                        besoin de revanche. Oui, sans doute. Mais il
                        acclame encore plus l'homme qui, par des
                        incantations délirantes, l'arrache à des années de
                        dépression nerveuse, qui, par des cérémonies
                        n‚o-barbares, lui prodigue les secousses,
                        l'‚bri‚t‚ ; qui, en lui faisant pers‚cuter les
                        Juifs,br^uler les bibliothŠques,lui procure, …
                        lui, peuple cultiv‚, le plus grand scandale
                        int‚rieur. Les Allemands savent qu'avec Hitler,
                        quoi qu'il arrive, ils ne s'ennuieront pas. 
                        
                                           Jules ROMAINS
                                  "Les Hommes de Bonne Volont‚" 
                                T. XXV - "Le Tapis Magique" p. 127
                        
                        
                        
                            94.    Pourquoi ce qui est d‚licieux … vivre
                        serait-il honteux … d‚crire ? 
                        
                                         id. ibid.  p. 199
                        
                        
                        
                            96.    Je me disais souvent que la carriŠre de
                        s‚ducteur de femmes devait ^etre trŠs difficile, 
                        
                        
                    qu'il était donc un peu trop commode de la
                        m‚priser chez autrui, que les raisins étaient trop
                        verts, etc... Il en r‚sultait une admiration
                        involontaire, et assez aigre, pour ce type
                        d'hommes ; l'id‚e que dans leur genre ils
                        formaient une classe hautement dou‚e et
                        privil‚gi‚e. Et comme tous n'offrent point de dons
                        physiques ‚clatants, il fallait aller jusqu'à leur attribuer soit une sorcellerie, soit un
                        rayonnement vital d'une puissance myst‚rieuse,
                        bref des formes de sup‚riorit‚ que rien ne
                        remplace, qu'aucune ‚tude ne procure, et dont, si
                        l'on veut ^etre tout … fait sincŠre, l'on ne se
                        console point d'^etre priv‚.
                        
                                           Jules ROMAINS
                                   "Les Hommes de Bonne Volont‚"
                                 T. XXVI - "Fran‡oise" pp. 55 / 6
                        
                        
                        
                            96.    ...il est immoral de faire les choses
                        loyalement, et il est moral de les faire
                        hypocritement.
                        
                                         id. ibid. p. 226
                        
                            97.    Ce qu'on annonce de mauvais est presque
                        toujours vrai.
                        
                                           Jules ROMAINS
                                   "Les Hommes de Bonne Volonté"
                                  T. XXVII "Le 7 Octobre" p. 296xxx 62 10 30 XXX
                        
                        
                        
                            98.    "...il n'y a pas ici de procès à faire.
                        Louis n'est point un accusé, vous n'êtes point
                        des juges ; vous êtes, vous ne pouvez être que
                        des hommes d'Etat et les représentants de la
                        nation. Vous n'avez pas une sentence à rendre pour
                        ou contre un homme, mais une mesure de salut
                        public à rendre, un acte de providence nationale à
                        exercer."
                        
                                            ROBESPIERRE
                                        Procès de Louis XVI
                        
                        
                        
                            99.    "Qu'est-ce qu'un ridicule que personne
                        n'aper‡oit ? 
                        
                                             STENDHAL
                                     "La Chartreuse de Parme"
                                           ch. VI p. 102
                        
                        
                        BERNARD COLLIGNON
                        
                        CITATIONS                                      49
                        
                        
                        
                            100.    "Qu'importe ton sein maigre, ^o mon   
                                                           objet aim‚ ?
                                     On est plus prŠs du coeur quand la   
                                                     poitrine est plate 
                                     Et je vois, comme un merle en sa cage
                                                                  enferm‚,
                                     L'Amour entre tes os r^evant sur une 
                                                                    patte.
                            
                                          Louis BOUILHET
                        
                        
                        
                            101.    Le temps qu'on passe … rire est le
                        mieux employ‚.
                        
                                            Sadi CARNOT
                        
                        
                        
                            102.    L'oiseau cache son nid, nous cachons  
                                                              nos amours.
                        
                                            Victor HUGO
                                       "Les Contemplations"
                                  "Autrefois" - "L'^ame en fleur"
                        
                        
                        
                        
                        
                        BERNARD COLLIGNON
                        
                        CITATIONS                                       50
                        
                        
                        
                            103.    Aimez-vous ! C'est le mois o— les     
                                                   fraises sont m^ures.
                        
                                            Victor HUGO
                                       "Les Contemplations" 
                               "Autrefois" - "L'^ame en fleur" nø 26
                        
                        
                        
                            104.    "Il y a quelque chose de pire que
                        d'avoir une mauvaise pens‚e. C'est d'avoir une
                        pens‚e toute faite. Il y a quelque chose de pire
                        que d'avoir une mauvaise ^ame. C'est d'avoir une
                        ^ame toute faite. Il y a quelque chose de pire que
                        d'avoir une ^ame m^eme perverse. C'est d'avoir une
                        ^ame habitu‚e." 
                        
                                               PEGUY
                        
                        
                        
                           105.   Le plagiat est la base de toutes les
                        litt‚ratures, except‚ de la premiŠre, qui
                        d'ailleurs est inconnue.
                        
                                             GIRAUDOUX
                                         "Siegfried" Acte I
                        
                        
                        
                        
                        BERNARD COLLIGNON
                        
                        CITATIONS                                       51
                        
                        
                        
                            106.    Il n'y a de joie de la jeunesse que
                        pour les parents. C'est trŠs tragique au contraire
                        d'^etre jeune.
                        
                                             GIRAUDOUX
                                   "Tessa II" - 4Š tableau sc. 1
                        
                        
                        
                            107.    L'erreur des ‚ducateurs et des parents
                        est de parler trop souvent aux enfants un langage
                        stupide.
                        
                                         Nous Deux ? nø ?
                        
                            108.    Vous croyez … la possession, alors
                        qu'en amour il n'y a que la pr‚sence.
                        
                                             GIRAUDOUX
                                  "Cantique des Cantiques"  sc. 8
                        
                        
                        
                            109.    Depuis que je t'aime, ma solitude
                        commence … deux pas de toi.
                        
                                                id.
                                           "Ondine" I 9  XXX 62 11 27 XXX
                        
                        
                        
                        BERNARD COLLIGNON
                        
                        CITATIONS                                     52
                        
                        
                        
                            110.    "Je t'aime, Lia. Je ferai ce que tu
                        veux. 
                                     - Ce que je veux ! ce que je veux !
                        c'est encore un beau ma^itre que je me donne l… !"
                        
                                             GIRAUDOUX
                                    "Sodome et Gomorrhe" Acte I
                        
                        
                        
                            111.   LIA  - Tu as mis sur ta vie pour ne pas
                        me la donner, quand pourtant ton amour soufflait …
                        la d‚tacher, le plomb de ton travail.
                                   JEAN - Tu crois en toi ? Tu crois
                        encore … cette femme que les hommes ont faite de
                        toutes piŠces ? Tu crois … ces d‚fauts et … ces
                        vertus qu'ils t'ont pass‚s au cou et qui ne sont
                        pas plus toi que ton collier.
                                   LIA   - Et l'homme, lui, garde toute
                        ces cocardes qu'il s'est attach‚es lui-m^eme ? Il
                        est bon. Il est courageux. Il est fidŠle. 
                        
                                            id. ibid. 
                        
                        
                        
                            112.    AuprŠs du p‚trole, un cadavre n'a
                        jamais senti.
                               id. "La Folle de Chaillot"  Acte I  
                             
                             
                        BERNARD COLLIGNON
                        
                        CITATIONS                                       53
                        
                        
                        
                            113.    L'amour est le d‚sir d'^etre aim‚.
                        
                                             GIRAUDOUX
                                 "La Folle de Chaillot"    Acte II
                        
                        
                        
                            114.    Que penserait celui que j'attends s'il
                        savait que j'ai dit je t'aime … ceux qui m'ont
                        tenue avant lui dans leurs bras.
                        
                                       id. ibid.     Acte I
                        
                        
                        
                            115.    Mon cher sourd-muet, taisez-vous. Vous
                        nous cassez les yeux. 
                        
                                         id. ibid. Acte II
                        
                        
                        
                            116.    O vous tous, que torture l'id‚e que
                        votre femme a un amant, imaginez qu'elle n'est
                        plus votre femme, faites qu'elle ne soit plus
                        votre femme et le bonheur vous reviendra... C'est
                        simple, et personne n'y pense. 
                        
                                    id. "Sodome et Gomorrhe"  
                                                
                       
    

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

                                          
                        
                        
                            197.    Oh ! La route est amère
                                    Depuis que l'autre Dieu nous attelle à						à                                                    sa croix ;
                                    Chair, Marbre, Fleur, Vénus, c'est en
                                                         toi que je crois.
                        
                                              RIMBAUD
                                         "Soleil et Chair"
                        
                        
                            198.    Nous ne sommes pas au monde. La vraie
                        vie est absente.
                        
                                                id.
                        
                        
                        
                            199.    Difficultés du rapport chrétien
                        d'homme à femme...
                        
                                            Y. BONNEFOY
                                      "Rimbaud par lui-même"
                        
                        
                        
                            200.    Cette vie d'illusions, de cruels
                        renouveaux, cet ENFER.
                        
                                             id. ibid.
                        
                                           
                        
                        
                            201.    Qui n'a pas été vraiment aimé, ne peut
                        se résigner à mourir.
                        
                                            Y. BONNEFOY
                                      "Rimbaud par lui-m^eme"
                        
                        
                        
                            202.    Toute conscience de soi, d‚couvrant …
                        l'homme son impuissance, l'oblige au m‚pris de
                        soi.
                        
                                             id. ibid.
                        
                        
                        
                            203.    (La sexualit‚), qui aurait pu ^etre le
                        rythme même de la participation au réel, 		ici,
                        sous le signe de l'interdit, elle ne 			produit plus
                        que le VICE.
                        
                                             id. ibid.
                         204.    Déployez votre esprit, mais ne 	servez pas
                        d'amusement aux autres ; car sachez bien 	que, si
                        votre supériorité froisse un homme 	médiocre, il se
                        taira, puis dira de vous : "Il est très 	amusant!"
                        terme de m&pris.
                                              BALZAC
                                      "Le Lys dans la Vallée"
                        
                        
                      
                        
                        
                            2O5.    Les slips "Kangourou" sont à 	la portée
                        de toutes les bourses...
                        
                                               X...
                        
                        
                        
                            206.    Le doute travaille en ce 	moment la
                        France. Après avoir perdu le gouvernement
                        politique du monde, le catholicisme en 	perd le
                        gouvernement moral. Rome Catholique mettra
                        toutefois autant de temps … tomber qu'en a mis
                        Rome panth‚iste. Quelle forme rev^etira le
                        sentiment religieux ? Quelle en sera l'expression
                        nouvelle ? La r‚ponse est un secret de l'avenir.
                        
                                              BALZAC
                                    Pr‚face au "Livre Mystique"
                        
                        
                        
                           207.    ..."Mat‚rialit‚ de la pens‚e, et son
                        ‚nergie magn‚tique... (Les) id‚es ont une vie
                        propre par elles-m^emes... Elles vivent aussi en
                        dehors... Le fluide nerveux qui se d‚gage du
                        cerveau, et qu'on appelle vulgairement la volont‚,
                        est une force dont le m‚canisme n'est pas encore
                        connu, ni le potentiel ‚valu‚, ni l'utilisation
                        appliqu‚e... La t‚l‚pathie, la clairevue, le
                        
                                     
                        
                        
                        somnambulisme... ; les extases..., sont 	des
                        ph‚nomŠnes produits par une projection de fluide.
                        C'est ainsi que s'expliquent les miracles par
                        attouchement ou … distance, op‚r‚s par J‚sus et
                        par ses ap^otres. En d‚terminant les rapports
                        qualitatifs et quantitatifs de la pens‚e avec la
                        volont‚, les physiologues arriveront … des
                        r‚sultats de plus en plus surprenants. Ils
                        trouveront les moyens d'explorer la zone subtile
                        de la pens‚e et du sentiment. Les hommes exerc‚s
                        en viendront … communiquer d'esprit … esprit ; …
                        voir, … lire dans les cerveaux sans recourir aux
                        sens charnels."
                        
                                           Ph. BERTHAULT
                                             "Balzac"
                        XXX 63 9 9 XXX
                        
                        
                            208.    Les hommes n'admettent guŠre,
                        peut-^etre avec raison, la vertu des femmes
                        ind‚pendantes. 
                        
                                            MAUPASSANT
                                        "Notre Coeur" p. 15
                        
                        
                        
                        
                        
                        
                        
                        
                            209.    Rien n' (est) plus difficile 	que de
                        rendre heureux un homme qui se sent fautif.
                        
                                              BALZAC
                                      "Le Lys dans la Vall‚e"
                        
                        
                        
                            210.    Il ne suffit pas d'^etre un homme, il
                        faut ^etre un systŠme.
                        
                                                id.
                        
                        
                        
                            211.    Cr‚er, toujours cr‚er ! Dieu n'a cr‚‚
                        que pendant six jours ! 
                        
                                               idem
                        
                        
                        
                            212.    Hoc est vivere bis,
                                    vita posse priore frui.
                        
                                              MARTIAL
                                           "Epigrammes"
                                            X, XXIII, 7
                        
                        
                        
                        	
                        
                            213.    La haine n'est pas le 		contraire de
                        l'amour, c'est son autre visage.
                        
                                             P. HERIAT
                        
                        
                        
                            214.    L'homme est un bouffon qui danse sur
                        un pr‚cipice.
                        
                                              BALZAC
                        
                        
                        
                            215.    Qu'a faict l'action genitale aux
                        hommes, si naturelle, si necessaire et si juste,
                        pour n'en oser parler sans vergongne, ... ? Nous
                        pronon‡ons hardiment : tuer, desrober, trahir ; et
                        cela, nous n'oserions qu'entre les dents ?
                        
                                             MONTAIGNE
                                       "Essais" L. III ch. X
                        
                        
                        
                            216.    Comme le coeur d‚borde de pouvoir
                        consoler l'innocent … qui l'on a fait du mal !
                        
                               LAUTREAMONT - Ier chant de "Maldoror"
                        
                    	
                        
                        
                            217.    Abstineas avidas, Mors, modo, 			nigra,  
                                                                  manus.
                        
                                              TIBULLE
                                               I, 3
                        
                        
                        
                            218.    A mesure qu'on a plus d'esprit, on
                        trouve qu'il y a plus d'hommes originaux. Les gens
                        du commun ne trouvent point de diff‚rence entre
                        les hommes.
                        
                                              PASCAL
                                       Pr‚face aux "Pens‚es"
                        
                        
                        
                            219.    L'homme compte passer les trois-quarts
                        de sa vie … souffrir pour se reposer le 4Š quart ;
                        et, le plus souvent, il crŠve de misŠre sans plus
                        savoir o— il en est de son plan ! 
                        
                                         Lettre de RIMBAUD
                                           6 - 1 - 1886
                        
                        
                        
                        
                        
                        
                   	
                        
                        
                            220.    Ton esprit est tellement 	malade que tu
                        ne t'en aper‡ois, et que tu crois ^etre dans ton
                        naturel, chaque fois qu'il sort de ta bouche des
                        paroles insens‚es, quoique pleines d'une infernale
                        grandeur.
                        
                                            LAUTREAMONT
                                      Ier chant de "Maldoror"
                        
                        
                        
                            221.    Les analyses d'hommes homosexuels
                        montrent toujours qu'ils ont peur des organes
                        g‚nitaux f‚minins, ...instruments de castration
                        capables de mordre ou de d‚chirer le p‚nis.
                        
                            (les h‚t‚rosexuels aussi, disait idem ibidem)
                                            Dr A. BERG
                           "Les problŠmes de l'homosexualit‚", 2Š partie
                        
                        
                        
                            222. Le m‚rite d'un roman n'est pas dans
                        l'intrigue.
                        
                                          Abb‚ BERTHAULT
                                             "Balzac"
                        
                        
                        
                        
                       	
                        
                        
                            223.    Sentir des élans de tendresse, des
                        palpitements d'amour, mais ne jamais savoir si on
                        les ressent avec vous ! 
                        
                                               ZOLA
                                     Lettre, … 20 ans environ
                        
                        
                        
                            224.    Lorsque je jette un regard …
                        l'horizon, je me vois seul ; rien ne m'attache …
                        la vie, ni haine, ni amour. Je me demande avec
                        angoisse si je n'ai pas de coeur, si le ciel m'a
                        fait mis‚rable,si je ne suis qu'un tas de boue
                        incapable de briller.
                        
                                                id.
                                         Lettre … Braille
                        
                        
                        
                            225.    Je me battrais vraiment, si j'en
                        valais la peine.
                        
                                               ZOLA
                        
                        
                        
                        
                        
                        
                       
                        
                        
                        
                            226.    Une peur de lui-même insurmontable le
                        paralyse. Il n'agit pas, dans la crainte de
                        l'‚chec. Il manque de hardiesse et de courage ; il
                        pr‚fŠre la r^everie qui lui donne, … bon compte,
                        et sans risque, une ‚bauche de ce qu'il
                        d‚sire...... C'est un vieux gar‡on, un pŠre
                        tranquille, un ennemi de toute complication... Il
                        renonce (… modifier ses habitudes) par une sorte
                        de paresse m^el‚e
                        d'appr‚hension..............................
                        Il a la hantise du ridicule, la constante
                        inqui‚tude de ce que l'on pense de lui.
                        
                                             CASTELNAU
                                              "Zola"
                        
                        
                        
                            227.    On retrouve son ‚tonnante obstination,
                        sa merveilleuse foi dans sa destin‚e. Il pose
                        orgueilleusement sa devise : "Tout ou rien", et,
                        durant sa vie entiŠre, sans lassitude apparente,
                        sans rel^ache, il s'‚lŠvera sans cesse, visant
                        toujours plus haut.
                        
                                             id. ibid.
                        
                        
                        
                        
                        
                        
                      
                        
                            228.    Il y a là quelque chose de sublime …
                        trouver. Quoi, je l'ignore encore. Je sens
                        confus‚ment qu'une grande figure s'agite dans
                        l'ombre, mais je ne puis saisir ses traits. 
                        
                                               ZOLA
                        
                        
                        
                            229.    Il n'y a point d'homme condamnable,
                        qui, au milieu de tout le mal qu'il a pu faire,
                        n'ait encore fait beaucoup de bien. 
                        
                                                id.
                                            "L'Argent"
                        
                        
                        
                            230.    La conduite de Dieu, qui dispose
                        toutes choses avec douceur, est de mettre la
                        religion dans l'esprit par les raisons, et dans le
                        coeur par la gr^ace. Mais de la vouloir mettre
                        dans l'esprit et dans le coeur par la force et par
                        les menaces, ce n'est pas y mettre la religion,
                        mais la terreur.
                        
                                              PASCAL
                                             Pens‚e 9
                                           Ed. Chevalier
                        
                        
                      88
                        
                        
                        
                            231.    Qu'est-ce qu'un homme dans l'infini ? 
                        
                                              PASCAL
                                             Pensée 84
                                          ‚d. Chevalier.
                        
                        
                        
                            232. Il est bien plus ais‚ d'accuser l'un
                        sexe, que d'excuser l'autre.
                        
                                             MONTAIGNE
                                     "Essais" L. III ch. V fin
                        
                        
                        
                            233.    L'homme est ainsi fait, qu'… force de
                        lui dire qu'il est un sot, il le croit ; et …
                        force de se le dire … soi-m^eme, on se le fait
                        croire.
                        
                                              PASCAL
                                            Pens‚e 102
                        
                        
                        
                            234.    Tout arrive et rien n'arrive. Autant
                        rester les bras crois‚s. 
                                    ZOLA "Au Bonheur des Dames"
                        
                        
                      
                        
                        
                        
                            235.    Les Thébains avaient le r‚giment des
                        amants : beau r‚giment ! quelques-uns l'ont pris
                        pour un r‚giment de sodomites ; ils se trompent ;
                        c'est prendre l'accessoire pour le principal. 
                        
                                             VOLTAIRE
                                   "Dictionnaire philosophique"
                                             "Amiti‚"
                        
                        
                        
                            236.    (l'Amour)... "c'est l'‚toffe 			de la
                        nature que l'imagination a brod‚e."
                        
                                             id. ibid.
                                              "Amour"
                        
                        237.    La nature de l'homme est tout naturel:
                        "omne animal".
                        
                                              PASCAL
                                         p. 121 Chevalier
                            238.    Etait-ce donc si b^ete, l'amour ?
                        Quoi! Ce gar‡on qui avait tout un bonheur sous la
                        main, et qui g^atait sa vie, et qui adorait une
                        gueuse comme un saint-sacrement ! 
                        
                                               ZOLA
                                   "Au Bonheur des Dames" ch. V
                        
                        
                        
                        
                           

     

  • CARRE DE DAMES THEATRE

    C O L L I G N O N

     

    C A R R É  D E  D A M E S

     

     

    dédié à Anne Sylvestre

     

     

    Théâtre

     

    Éditions du Tiroir

     

    Semper clausus

     

     ACTE UN, Tableau unique

     

    Une cuisine traditionnelle, avec cheminée. Une grande table sur le devant, un buffet au fond à jardin. TROIS VIEILLES DAMES debout ou assises tout autour. UN REPRÉSENTANT, UNE AUTRE VIEILLE DAME dans un fauteuil roulant, près d’une fenêtre côté cour, sous un amoncellement de couvertures.

    Prévoir un écran, un prompteur.

     

     

     

    PREMIÈRE VIEILLE DAME (JEANNE)

    WATSON’S INTERNATIONAL ENCYCLOPEDY…

     

    DEUXIÈME VIEILLE DAME (FITZELLE), accent naturel de Toulouse

    Synagogue de Dijon B.JPG

    Tell on… Very exciting…

     

    LE REPRÉSENTANT, petit brun frisé, style taurillon. Les paumes écartées bien à plat sur la table

    Alors ? Décidées ?

    JEANNE

    C’est dit !

    FITZELLE

    Un petit whisky !

    LE REPRÉSENTANT

    Si vous le dites…

    JEANNE ouvre le buffet, sert un verre de whisky ; FITZELLE verse deux verres de Porto.

    C’est du porto.

    DEUXIÈME VIEILLE

    Et du bon .

    Le Représentant boit posément. Les deux vieilles avalent ensemble, côte à côte, cul sec (éclairage:soleil couchant)

    LE REPRÉSENTANT, grimaçant

    L’Encyclopédie Watson, chef-d’œuvre de la conscience professionnelle anglo-saxonne...

    JEANNE

    Aryenne…

    LE REPRÉSENTANT se choque

    JEANNE

    Vous n’êtes pas spécialement nordique, non ?

    LE REPRÉSENTANT

    Niçois.

    FITZELLE

    Arabe ?

    LE REPRÉSENTANT

    Tout de même pas.

    Silence. Le tas de couverture sur le fauteuil respire doucement.

    LE REPRÉSENTANT

    Dites-moi…

    JEANNE

    Oui ?

    LE REPRÉSENTANT

    Il va où, cet escalier ?

    FITZELLE

    Il ne va nulle part cet escalier.

     

    JEANNE

    Il reste ici.

    LE REPRÉSENTANT

    Ah bon.

    FITZELLE

    Porto ?

    Elle le ressert d’office.

    LE REPRÉSENTANT, la main sur le volume

    Une somme incomparable…

    JEANNE

    Il est bon le Porto ?

    FITZELLE

    Nous sommes l’Encyclopédie.

    LE REPRÉSENTANT

    Tout est là-dedans.

    JEANNE ET FITZELLE lui tendent la bouteille

    Là-dedans.

    Il empoigne la bouteille et la vide en roulant des yeux.

    De l’âtre surgit la TROISIÈME VIEILLE,accroupie, tisonnant le foyer

    LA TROISIÈME VIEILLE, MARCIAU

    Pas d’accord !

    Un coup de pétard dans le feu, éclairant les visages dans les mouves rougeoyants ; une lueur inquiétante, au-dessous de l’escalier.

    MARCIAU, brandissant son tisonnier :

    Je ne veux pas acheter L’Encyclopédie Watson.

    LE REPRÉSENTANT, tourné vers les deux autres :

    Vous étiez d’accord, vous deux. Ça fait trois quarts d’heure qu’on discute.

    FITZELLE

    Au moinsse…

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

  • Carré de dames, version narrative

  • LE SINGE VERT 09

  • Le Singe Vert 07

    COLLIGNON

    LE SINGE VERT

    Numéros 70 à 77

    TOME VII

    //Singevert.free.fr

    courriel colber1@wanadoo.fr

    70

     

    Grand décalage entre la composition de mes petits numéros et leur date de publication, vu le budget inexistant dont à propos duquel je dispose (une retraite d'éducation nationale pour deux personnes et demie ne te plains pas y en a qui couchent dans des cartons, et ceux-là aussi feraient mieux de fermer leurs grandes gueules parce qu'il y en a qui sont morts, par-fai-te-ment, morts, et tant que t'es pas macchabée tu fermes ta gueule), et vu le peu de timbres dont vous me gratifiez, à 70 c s'il vous plaît, à l'exception de M. Coste de La Ciotat que je remercie vivement, je ne risque pas de rentrer dans mes frais.

    A part ça, nous aurons un nouveau président, j'aurai voté Ségolène deux fois, mais du bout des lèvres. Miss Gnangnan de la Pâte à Modeler. Qui disait (s'habituer à l'imparfait...) “moi je moi je moi je” au moins aussi souvent que le Sarko (“moi je veux que moi je veux que”). Cantat Sarko, maintenant qu'on l'l'a, ça va être des chômedus plein les rues comme en 29 à l'Os en Gelée (“Los Angeles”, merci Jean Yanne) ; l'autre jour comme ça j'ai un mec qui rentre chez moi qui s'introduit par-derrière le nez en l'air sans avoir sonné frappé ni quoi que ce soit et qui me demande si je n'ai pas des petits travaux à effectuer chez moi pour la modique somme de 300 euros ! Où est-ce que j'aurais pu prendre 300 €, sur mes 800 de découvert peut-être ? Ce que je veux dire c'est que trois ou quatre fois par jour je vais me faire emmerder par des semi-mendigots qui vont me demander si je n'ai rien à repeindre ou du bois à scier ou une grand-mère à achever (pour les talibans : à scier) sous prétexte qu'ils sont au chômage.

    Ça, c'est l'économie selon Sarko. Côté Ségo, le programme consiste à maintenir les postes dans les zones rurales : putain là je m'enthousiasme ! Quel programme ! Quelle audace, quelle exaltation ! Ce que j'aurai pu me faire chier dans cette campagne... A la télé dans les débats J'ai vu des politiciens le nez dans le guidon qui ne voient pas plus loin que leurs quatre tours de roues sans avoir au grand jamais ouvert un livre d'histoire d'avant 1920 et surtout rien, rien du tout sur la chute de l'Empire romain, il est vrai qu'ils parlaient le latin qu'est une langue fasciste Mme Dupoireau, parfaitement, fasciste ! (l'insulte suivante ce sera “pédophile” : “Ah ! pédophilie de merde ! V'là-t-il pas qu'y pleut !”)

    Des arguments, des arguments, mais j'en ai plein les intestins des arguments. Des raisonnements économiques je t'en fais tant que tu veux accoudé sur mon comptoir en zingue-zingue. Dès qu'on touche à quelque chose en économie, ça se déglingue de l'autre côté, tout le monde a raison et tout le monde a tort. Vous savez pour quoi l'on vote ? Vous croyez que c'est pour des arguments économiques ? je vais vous le dire pourquoi on vote : d'une part, on vote comme sa famille, ou son groupe social, prof avec les profs, rugbyman avec les rugbymen, mais pas comme le club d'en face parce que c'est le club d'en face mon pote, moi je vote socialo pour avoir la paix au bureau, avant c'était en salle des profs ; et deuxièmement aussi, mais ça tout le monde l'a oublié, on se bouche les oreilles, on se fout la main devant les yeux avec les doigts écartés devant la femme à poil , on vote pour l'irrationnel, parfaitement, pour l'émotionnel, pour celui avec lequel on va le moins s'emmerder.

    Avec le Bayrou on se serait fait chier, on se serait rendormi le nez dans not' caca qui sent bon. Je rote donc socialo parce que mon père rotait coco, il n'a jamais vu un seul de ses candidats accéder à quoi que ce soit. Et puis les gens de droite ils ont des sales gueules, prétentieux et tout. Cette façon de vous regarder de haut comme juste avant de lâcher un mollard. Mitterrand était paraît-il un escroc (jamais eu cette impression, d'ailleurs), mais il avait la classe, tandis que Chirac il nous a enculés sans la classe. Quand j'ai entendu le meeting de Sarko à Bercy, là j'ai vibré. Là on ne s'emmerdait pas. Exactement le même degré d'émotion à la con que dans un stade de rugby l'émotion de la foule Allez les petits ! royal,articles,dérision

    Il te chauffait tout ça, il te refaisait croire en la France, il parlait le langage de l'épicier ou du tenancier d'hôtel sans étoile, c'était mon langage, c'était la bible à Poujade (le Pierre, de St-Céré). Le “populo”. Celui qui ne comprend pas que l'on se mette systématiquement contre la police parce que c'est la police. Celui qui ne comprend pas pourquoi on fait autant d'histoire pour un contrôle de ticket. Et qu'est-ce que je vois sur le blog d'un pote ? Que Sarko est “violent” ? Mais qu'est-ce que tu vas dire d'Ahmadinedjaz qui veut rayer Israël de la carte ? Saint Chirac dixit : “A la première velléité de l'Iran, Israël vitrifie Téhéran ! “ et le pote du pote de s'indigner “Tu te rends compte ce con ? parler comme ça de réduire à néant une agglomération de six millions d'habitants!” - apparemment que démolir tout Tel-Aviv avec les juifs dedans ça ne semblait pas l'indigner plus que ça, les juifs, ça a l'habitude, non ? “Il ne le fera pas c'est du bluff, c'est du bluff !” - on disait déjà ça en 38 - manque de pot, Adolf a osé.

    C'est cela voyez-vous qui a décrédibilisé la gauche aux yeux de pas mal de gens : cette tendresse plus ou moins avouée qu'ils entretiennent tous avec le “révolté”, le “gavroche”, le “rebelle” à deux balles (dans la gueule) - en fait avec toutes les tyrannies, quand on a bien pu se barbouiller les mains avec du sang de bourgeois, ou de banquier, ou d'Israélien... Après, ça joue les

    offensés, “mais pas du tout, que crûtes-vous, nous sommes contre le terrorisme, very against very much, pour son éradication totale, il faut les comprendre vous savez ces gens-là”, et de sous-entendre que ce seraient p'têt'bien les Ricains qui lancent les bombes dans Bagdad, les Ricains qui enlèvent les Occidentaux (puisque ce sont eux qui ont suscité les talibans, DONC talibans = Américains), eux encore qui lancent leurs propres avions contre le Pentagone, tout comme c'étaient les Bosniaques qui se bombardaient leurs propres marchés aux heures d'affluence ou le gouvernement algérien qui assassinait sa propre population pour faire croire que c'étaient les islamistes, quant aux femmes qui se font violer, putain, elles l'ont bien cherché, c'est comme les juifs en 40, merde ils avaient exagéré aussi, les pauvres nazis, il y avait tout de même de quoi être exaspérés, il faut comprendre avant de condamner...

    C'est cette connivence avec toutes les tyrannies qui a fini par faire prendre la gauche pour du pipeau baveux. J'aimerais bien trouver le parti qui serait à la fois pour le maintien des écoles rurales et des droits du travailleur TOUT EN combattant le terrorisme en vrai, ou d'une droite qui combattrait les bombomanes TOUT EN considérant les ouvriers comme des humains à part entière, et je me suis toujours demandé pourquoi il n'y avait jamais moyen de trouver des gens qui jouissent de tout leur bon sens, de leur pur et simple bon sens humanitaire et humaniste dans les deux directions à la fois, c'est vraiment si contradictoire que ça ? Nom de Zeus ! “Comprendre” l'humiliation et la révolte des talibans qui découpent les cous à la scie ! (pendant qu'on y est, des Français ont décapité de la même manière des Viets révoltés en 1930, et ils ont été acquittés... Malraux s'en étrangla d'indignation)(“les bienfaits de la colonisation”, on vous dit...)

    ...Comprendre le hamas libanais qui joue les victimes, alors que depuis la guerre du Liban ben mon vieux ya plus de roquettes qu'on se demande comment ça se fait. Israël, perdu la guerre ? mais il n'en a rien à foutre de “gagner” ou de “perdre” quoi que ce soit, tout ce qu'il veut, c'est qu'on arrête de bâtir des fortins sur la frontière à un millimètre près pour tout espionner aux jumelles afin d'envoyer quelques roquetttes de carnaval. Et elles se sont arrêtées. Ah bien sûr il y a eu des morts. Et on a bombardé une usine de lait en poudre, c'est malin. Quelques usines aussi à Hiroshima. Alors Sarko, violent ? Si tu veux voir de la violence mon vieux, va en Colombie ! Ce qui me plaît chez Sarko me plaît parce qu'il est du côté des Américains. C'est le titre de ce Singe Vert : “les Américains”. Qui nous ont sauvés deux fois. Ah ça on n'aime pas s'en souvenir... C'est comme à treize ans, on n'aime pas se souvenir que ce sont les parents qui vous ont nourris, supportés, qui se sont coltiné les petits merdeux en pleine crise de puberté. Ben y en a beaucoup qui en sont resté là, à treize ans, et qui n'auront jamais treize ans et demi. En 17, on était vaincu sans les Ricains. En 44, itou. Mais en 2003 ils se sont trompé de pays : c'était la Syrie qu'il fallait pilonner, pas l'Irak. Bon. Tout le monde peut se gourer. Il fallait sans doute continuer à soutenir Saddam, n'est-ce pas, et ses massacres de Kurdes. On met tous les Kurdes dans un grand trou et on appelle ça le Trou du Kurde. Fin, non ? Et il fallait laisser croupir les femmes en Afghanistan. “Ah mais ce sont eux, les Ricains, qui ont fomenté la révolte des talibans.” Et alors ? Tous les attentats, c'est la faute aux Américains ! Ben voyons ! Qu'est-ce que vous auriez voulu qu'ils fissent, les Américains, quand on leur a bouzillé leurs tours : “Pardon, pardon, on ne le fera plus, il y a d'autres tours par derrière, pourriez-vous nous en descendre encore deux ou trois” ? la grosse réponse astucieuse, on la connaît par cœur, consiste à désolidariser “l'Amérique de Bush” et “l'autre Amérique” : mais avec Clinton, personne n'était content non plus. Avec personne d'ailleurs : que voulez-vous, les Américains son tassez cons pour ne pas élire un Français... Qu'est-ce que vous voulez donc, à la fin, des Américains ? Qu'ils agissent contre leurs intérêts mais en faveur des vôtres ?

    Quel Etat ferait cela au monde ? N'est-il pasnormal que chacun essaye de tirer le mieux possible son épingle du jeu ? Tout le monde n'est pas aussi masochiste que les Français. Je me souviendrai toujours de ce petit con de reporter, lors de la réélection de George Bush, qui se demandait pourquoi “les USA vot[ai]ent contre leurs inérêts” - c'est toi, petit merdeux, qui donne des leçons à toi tout seul au peuple américain ? Je ne suis pas pour l'abolition de la liberté de la presse. Mais il y a tout de même des coups de pieds au cul qui se perdent. En particulier pour tous ceux qui estiment que le mal incarné s'écrit “Etats-Unis”, de la grippe aviaire au tsunami, des attentats en Algérie à la mort de leur clebs.

    ... Vous voudriez donc retirer les troupes d'Irak ? Il y a même des Américains qui voudraient le faire ? Ils ne se souviennent donc plus de ce qui s'est passé au Viêt-nam ? puisqu'on veut comparer l'Irak et le Viêt-nam – sans tenir compte de la disproportion du nombre des morts : dix fois moins à Bagdad que chez les Viets tout de même... La “vietnamisation” du conflit ? Total quatre millions de génocidés au Cambodge ; c'est ça que vous voulez avec les chiites, bande d'irresponsables ? Ces pacifistes plus sanglants que les guerriers ! ”Fallait pas y aller” - oui mais maintenant on y est ! Alors ? On se retire ? On dit aux islamistes – pardon aux barbares, je ne veux même plus qu'il y ait le radical “islam” dans leur dénomination – aux barbares, donc, on leur dirait “Allez-y, voie libre” ? J'entends nos grands généreux dire : “Nous devons aider nos amis les musulmans démocrates, autrement c'est du racisme” - ça y est, le grand mot est lâché, l' Argument suprême (de volaille), “eux aussi ont droit Allah démocratie” - eh bande de nazes, je ne doute pas un seul instant que les musulmans sont parfaitement capables d'être démocrates. Dans vingt ans. Pour l'instant, tout ce que certains trouvent à faire quand ils sont en désaccord à Gaza, c'est de se tirer dessus.

    On fait quoi ? Là, maintenant, concrètement ? On accuse Israël ? ou les Américains ? Je ne suis pas d'acord avec tout ce que fait Israël” - “on s'en fout de ton avis”, me dira-t-on, “tu n'es qu'un tout petit anus qui n'y connaît que dalle” - attends, qui s'y connaît ? Voire, s'y reconnaît ? Je suis Monsieur Machin moi, j'ai des opinions sur tout, non seulement c'est mon droit mais je ne peux pas m'en empêcher, c'est ma caractéristique d'être humain, c'est même pour ça qu'on a inventé la démocratie, et s'il n'y avait que les “spécialistes” (autoproclamés) qui pouvaient s'exprimer, personne ne dirait plus rien sur rien, relisez le Protagoras de Platon et toc, j'ai de l'instruction Môssieur ça vous la cloue (c'est de l'autofoutage de gueule pour ceux qui n'ont rien compris).

    J'essaye de comprendre, moi ; quand je vois Israël accusé de terrorisme, je me prends la tête dans les mains, Israël ne fait ni terrorisme ni génocide, arrêtez, il n'y a pas de camps d'extermination en Israël ça se saurait -”oui, mais on finira bien par en trouver un” - ouais l'argument, ouais, vas-y ! Ça n'existe pas donc ça existe ! On est en plein Da Vinvi Code ! Ce que pratique Israël, c'est l'apartheid, ce n'est déjà pas rien, il me semble, comme crime, ça suffit à l'indignation, non ? Ce n'est pas la peine de rajouter “génocide” ! Qui osera par exemple faire le pari énorme d'ouvrir les frontières internes pour que chaque Israélien puisse voir de ses yeux la misère des territoires occupés ? Mais il n'y a pas de terrorisme “d'Etat” perpétré par les Israéliens ! “Qui est terroriste?” interroge un tract bien connu - la réponse est toute simple : ceux qui faisaient sauter des gosses dans les bus... J'emploie le mot “terrorisme” au sens propre, pas au sens métaphorique. Voyez le mur... On en aura dit sur ce mur... Vous avez des mots comme ça : “mur” ; “fasciste” ; “pédophile” ; des mots qui font perdre leur sang-froid aux prétendus “journalistes”. Alors à propos de mur - vous n'auriez rien remarqué par hasard? rien de rien ? Eh bien depuis qu'il est construit il n'y a plus d'attentats palestiniens... Avant, c'était tous les trois jours que les Israéliens sautaient dans les buS et dans les dancings par paquets de dix ; c'était bien fait pour leur gueule évidemment. Regardez à Belfast depuis qu'il y a des murs : la haine de chaque côté, soit, mais plus d'affrontements ! A présent “on” critique les Américains parce qu'ils érigent des murs dans Bagdad - “Ça empêche de circuler”, “Tout ce qu'ils savent faire c'est des murs” (Berlin, le ghetto de Varsovie, et allez donc, encore une petite louche) “C'est une entrave à la liberté”... vous ne voyez donc pas que ce qu'ils réclament, tous ces râleurs, c'est la liberté de se massacrer ?

    Oui, dans vingt ans, les chiites et les sunnites (prononcé “seunnites” pour faire plus english) s'entendront, et à la fin des temps les lions viendront laper le lait dans les mêmes écuelles que les gazelles, mais pour l'instant, là, tout de suite, qu'est-ce qu'on fait? On grimpe sur des tabourets en faisant de beaux discours avec moulinets de bras sous les bombes, en attendant la fraternité universelle ? On prie ? On chie dans les violons ? Il pleut c'est la faute aux Américains, qui ne respectent pas les accords de Kyoto ! Il ne pleut pas c'est la faute aux Américains qui ne respectent pas les accords de Kyoto ! J'ai pété c'est la faute aux Américains qui ne respectent pas les accords de Kyoto !

    Merde à la fin ! Quand ce n'est pas la faute d'Israël ! Ah pardon : l' “Israël d'Olmert”, qui n'est pas “l'autre Israël” ! Mais qu'est-ce que vous voulez qu'ils fassent, en Israël ? Qu'ils retirent leurs troupes de partout pour se faire massacrer ? “Excusez-nous d'être juifs, pourriez-vous nous massacrer un peu plus s'il vous plaît, ça fera pleurer dans les chaumières” ? Je l'ai entendu dire, cela, “les Israéliens sont devenus un Etat militaire, ce serait tellement plus noble de se laisser faire noblement sous le regard de l'opinion internationale, ça provoquerait une extraordinaire admiration, et tout le monde les secourrait” - et l'Arabe à qui s'adressait ce discours en avait presque la larme à l'œil tellement il compatissait avec la souffrance du peuple palestinien...

    La prochaine fois, je vous parleai de la souffrance du peuple allemand brimé les juifs... Voyez-vous, il y a des choses qu'on ne peut pas comparer. Par pure et simple décence. N'importe quel gouvernement israélien ou américain ferait ce qu'a fait le précédent, sur le plan extérieur du moins. Dernièrement un humoriste palestinien (si si ça existe) suggérait aux dirigeants israéliens et palestiniens d'échanger leurs places, pour qu'ils voient l'effet que ça fait, de l'autre côté... Pas bête ! Alors à côté de ça, la France, elle fait popote et paquet de nouilles moi je vous le dis. On est bien

    en Franfrance. “Tant qu'ils se tuent entre eux”, n'est-ce pas ? “Mais avec Sarko, la France va redevenir une terre d'attentats !” Pauvres loques, vous ne voyez pas que Sarko ou pas Sarko, ils n'ont pas besoin de prétexte pour taper n'importe où ? “les terroristes ne sont pas organisés militairement” - vous attendez qu'ils le soient ?

    Qu'il y ait 51% de cellules cancéreuses dans l'organisme pour commencer le traitement ? J'aurais bien dit la chimio, mais on va me dire “la chimie, c'est les gaz, vous voulez employer les gaz c'est raciste” - ça c'est du raisonnement la petite dame. Et quand al Qaïda sera installée dans le Maghreb pour nous envoyer des commandos, vous ferez quoi, tas de lâches ? Tas de Daladier ? Sarkozy n'est pas parfait. Mais il nous parle de nous, de nos indignations, il ne fait pas de discours creux, enfin pas toujours, il est le seul à pouvoir discipliner les tendances totalitaires de certains imams. Hélas, dans le débat Sarko-Ségo, pas un mot ou presque sur le Grand Effondrement de l'Occident.

    Pas un mot sur la Barbarie. Rien que des chiffrrrres sur la petite économie, le petit nombril de la Franfrance, les statistiques sur l'emploi, un chipotage permanent, une atmosphère parfois de cour de maternelle ou de L'Arène de France. Il faudra tout de même bien qu'un jour on se retrousse les manches jusqu'aux couilles pour aller la défendre, notre civilisation ! Et s'il y a un jour des attentats en France, peut-être que certaines autruches des deux sexes vont arrêter de se foutre la tête dans le sable avec le cul à l'air ! Les choses seront bien nettes ! Ah ! nos fameux démocrates musulmans ! Qui seront au pouvoir ans vingt ans, promis juré ! En attendant, nos braves modérés chrétiens se font tout simplement les complices objectifs du plus abject terrorisme...

    Il faut toujours ête cool avec les gens de gosh, ne jamais s'énerver, toujours jouer la finesse et la diplomatie, ne pas rentrer dans le tas, et pendant qu'ils font la morale, eh bien ce sont toujours les mêmes qui se font gruger, en se laissant tartiner le cul avec la morale à papa. La bonne

    grosse vieille droite bien dégueulasse, c'est bien franc, mais les cafards de sacristie marxiste ou autre qui vous défendent par devant et qui font grimper tous les petits copains par derrière pour vous la mettre jusqu'à l'os quand même, je commence à ne plus tellement pouvoir la blairer, la vie m'a mis dans le cul jusqu'à en avoir des renvois de gland, excusez-moi si je suis vulgaire. Je me suis laissé aller à l' “engagement politique”. Malheur à toi Philippe, tu as pensé au bonheur de l'humanité. “Lorenzaccio”, de Musset. Moi je – ET MOI ET MOI ET MOI - suis simplement devenu con, et Dieu sait si je m'en suis foutu, de l'humanité, au moins autant qu'elle de moi-même. C'est tout mon destin raté qui me remonte à la gueule. Certains deviennent sages en prenant de l'âge.

    Moi non. Des efforts, des efforts, je n'ai pas arrêté d'en faire, des efforts. Maintenant j'en ai marre, et je vous salue bien tous, avec la totalité de ma courte connerie.

     

    71

     

    786 – D'abord on pèche peut-être par faiblesse (hélas ! car ta faiblesse c'était la force même du désir; du penchant, de la passion et du péché) ; mais alors on en est si désespéré qu'on pèche une seconde fois peut-être, et cette fois c'est de désespoir.

    Soeren Kierkegaard “Journal” Avril 1848

    Amis lecteurs, et vous tous inconnus à qui j'ai forcé la main, j'ai aujourd'hui le cœur plein d'amertume, de rancune et d'apitoiement sur soi-même, ce n'est pas propre et ça salit tout ce que ça touche. Sommaire : Federer – l'Yeaune, Reaume, Eûdipe, la messe en latin, et Rolft, celui qui se prend pour un présentateur de journal télévisé.

     

    FEDERER

    Il est bien gentil Federer. Il a une bonne tête. Il est le champion et il se la pète pas. Il est bien brave aussi. Jamais ça ne lui est venu à l'idée de protester avec véhémence contre le massacre de son prénom. ROGER. Ça se prononce RO-JÉ. A la française. A la franco-suisse. En italien, c'est Ruggiero, ROU-DJIÉ- RO, comme Raimondi ; en allemand, RÜDIGER, RU-DI-GUEUR. Mais quele est le foutu con, quel est le bâtard inculte, en un mot quel est le journaliste, car il n'y a qu'un journaliste pour avoir inventé ça, qui s'est mis en tête, n'ayant jamais lu ce prénom ailleurs que dans ces insipides bandes dessinées sur les as de l'aviation dans les Spirou de 1950 (moi aussi, comme tous les petits garçons de l'époque, je me demandais ce que venait bien foutre ce “roger” dans toutes les conversations - “Roger” pour “Ready” - qu'est-ce qui lui a pris, à ce Premier Plouc, de prononcer cela A L'ANGLAISE, WO-DJEUW ?

    ...Et tous d'enchaîner ! Wodjeuw, wodjeuw, wodjeuw ! Le ridicule ! Le ridicule ! anglais de mes couilles ! Of my balls ! Parfois une Schönberg, un Poivre d'Arvor qui rectifient, sans conviction, et passent le relais radiophonique à un de ces connards analphabètes qui te renvoient illico du Wodjeuw comme une balle de match en revers croisé ! Putain ! Vous le savez que je suis grossier ! Bordel ! Damned brothel ! Et Roger-jéjéjéjé qui s'en fout ! Qui trouve que ça fait mieux si ça tombe ! Et si je laissais prononcer mon nom à l'espagnole ? “Collignon”, “Koyi-Guenonn” !

    YEAUNE, REAUME, VIVE LA BRETAGNE

    Ah ! La promotion canapé ! La promotion insolence ! La promotion ignorance ! Les présentatrices qui parlent du département de l'Yeaune ! De “notre envoyé spécial à Reaume !” Attends, plus fort de chez Plusfort : “la température à KIMMPER ! Vous avez bien lu, amis Bretons, bien entendu : à Kimm-per ! Dites-moi, écrivez-moi vite par retour du courrier, je vous en supplie à genoux, au nom

    de la Sainte Vierge, comment on dit Putain d'enculé de bordel de merde en breton, d'urgence, d'urgence !

     

    FASCISME, SAUCE ANTIQUE

    Quant à Œdipe prononcé Eûûûûûdipe à la place d'Édipe, j'y renonce, on me répond “l'usage”, moi je réponds “le BON usage” ; à ma dernière “formation pédagogique, sur les douze professeuses de français ici présentes, douze prononçaient Eûûûdipe, c'est moi qui ai dû le faire remarquer ; toutes alors de se tourner vers l'inspectrice ! “Mais comment doit-on prononcer ?” Et elle, humblement : “Édipe”. Mais toute petite, la voix, pour ne pas vexer, parce que c'est facho, n'est-ce pas, de rectifier la prononciation... Elle avait peur, l'Inspectrice, la Supérieure Hiérarchique, ça fait facho, d'être chef. On me dira que je lutte pour des conneries, pour “des causes perdues d'avance” - la vie aussi, c'est une cause perdue d'avance. Mais je me bats, je me bats, je me bats ! ...mon pote Cyrano...

     

    LA MESSE EN LATIN

    Et à propos de fascisme : la messe en latin. Ah ! voilà bien le comble du fascisme, commentateurs de mes glaouis. La messe en latin ! Si The Pope avait dit : “la messe en anglais !” - alors là, c'eût été un immense bavochement de congratulèchieunne, ouais ! enfin de l'eûûûûûûcuménime (voir plus haut), enfin de l'universel, enfin l'anglais, la fameuse langue qui apporte la paix au monde ! Especially in Irak. Et si ç'avait été LA MESSE EN ARABE, alors là, l'enthousiasme ! Des rugissements de délire ! La paix universelle ! Le juif et l'arabe autour du même rôti de porc ! HAHAHAHA ! (le Singe indique toujours l'endroit où il faut rire : laugh, comme chez Fogiel, comme chez Ruquier).

    Pierre Coffe gueule bien sur les jambons à l'eau et les produits salopés, je ne vois pas pourquoi je ne gueulerais pas contre nos massacreurs de langues. Vous savez pourquoi les sections littéraires se vident ? Parce que ce qu'on y enseigne n'a plus rien à voir avec le plaisir de lire. Parce que les inspecteurs inspirateurs de programmes font tout ce qu'ils peuvent pour dégoûter les candidates (il n'y a plus d'hommes : un homme, un vrai, ça rote, ça pète, ça pousse la brouette)(Le vide de leur cerveau leur meuble les couilles, c'est de Simone) (de Beauvoir évidemment)(notez que la Badinter n'est pas mauvaise non plus). Et comme dit Abadie, parolier de Bedos : L'enseignement du français est à la littérature ce que la gynécologie est à l'érotisme.

     

    MOI JE

    JE LE SAIS QUE JE RADOTE MAIS AUJOURD'HUI JE M'EMMERDE JE NE PENSE QU'A MOI Y A DES JOURS COMME ÇA alors on y va :

    JE JE JE JE JE JE JE JE JE JE JE JE JE JE JE JE JE JE JE JE JE JE JE JE JE JE JE JE

    ME ME ME ME ME ME ME ME ME ME ME ME ME ME ME ME ME ME ME ME

    MOI MOI MOI MOI MOI MO I MOI MOI MOI MOI MOI MOI MOI MOI MOI MOI

    Voilà qui est fait. Il faudrait aussi une ligne de merde, une de bordel, une de putain, une de couilles, une de diarrhée. L'une dans l'autre. On vous l'épargne. Qui c'est qui dit merci ? C'est le

    lecteur – le quoi ? Bon. Alors je vais vous proposer quelque chose de vachement sérieux. De lit-té-raire. C'est ce que j'écris maintenant. Ça s'appelle GASTON-DRAGON. C'est l'histoire de mon grand-père Gaston, le père de ma mère. Quand il s'est fait écrabouiller par un camion le 10 décembre 45, ma mère a failli devenir folle. Et ce qui s'en est suivi, c'est dans les pages qui suivent.Je vous ai donné l'explication tout de suite, parce que sinon c'était difficile à comprendre, et je ne veux pas vous la jouer Faulkner, on s'emmerde déjà assez comme ça. Bonne lecture, et envoyez des timbres, y a pas de raison que ce soient toujours les mêmes qui s'y collent, merci ! Juste encore une remarque : c'est inachevé. Tout dans la recherche coco...

     

    G A S T O N - D R A G O N

     

    EXERGUE : Les exploits d'Ulysse, accomplis par la ruse et l'intelligence, me semblent méprisables ; car je sais très bien, moi, je suis largement payé pour savoir, que l'intelligence sans la force ne mène absolument nulle part.

     

    AU LECTEUR

    Lisez lentement. Lisez successivement. Ne cherchez pas à tout prix l'enchaînement. Tout se constituera en son temps, à son rythme. Formons une alliance et ne craignons rien l'un de l'autre;

     

     

    PERE HISTOIRE

    Père Histoire ayant expédié Gérard P., gravé par son nom sur le monument aux morts, dans les camps du même nom, fut condamné au peloton. Puis écroué par nos libérateurs atlantiques en forteresse à Laon : commutation de peine en droit commun. Quand la cité fut bombardée, Père Histoire déblaya ces corps, dont une fillette à bout de bras. Il m'a dit que rien ne peut rendre l'odeur de la mort. Que rien n'en peut approcher. Odeur sui generis, dont rien ne donne l'équivalent. J'en suis venu à penser que cette odeur donne faim ; les pisse-presse, après l'incendie parlent immanquablrement d'une « ignoble odeur de brûlé ». Les plus précis risquent « sucrée ».

     

    PARTURITION

    Mes trois prénoms chrétiens sont Gaston, Lucien, André. Dieu dessécha mon âme, et purifia mes lèvres par un charbon ardent; et Isaiae labra carbone ardenti purificavit. Ma cathédrale catholique présente en bas-relief sous le buffet d'orgues les Douze Travaux païens d'Hercule ; aucune notice n'en fait mention. Mon dernier prénom, André, l'Homme, est celui de mon second père, le médecin accoucheur. "Boucher !" criait ma mère , « boucher ! » - le sang giclait! giclait partout ! - sur les murs, le sol, les cuisses ouvertes de ma mère et la table aux pattes torses où la famille a mangé jusqu'à mes treize ans

    GASTON-DRAGON PREMIERE PARTIE …

    "Me voici. Mes yeux sont d'azur baignés."

    Valéry, "L'Enfance de Sophocle"

     

    Sans souvenir encore de rien. Pourtant passé le meurtre des serpents, d'autres monstres se lèvent à l'horizon d'une mémoire antérieure. Je vois au loin d'immenses jambes nues franchir en déchirant les brumes de longues étendues d'eau pâle, terre et mer enlaçant leurs courbes indécises, où mon âme et le monde se créent. Je ferme un instant les yeux, je m'aperçois en les rouvrant que la vision s'estompe. Je suis l'enfant portant sur le sommet du crâne l'ombilic de mes vies antérieures. Mère avant moi vivante. Boute-en-train – pour étrange que soit l'origine du terme - « étalon » - un numéro - définition de cirque – après moi Gorgone, rictus, serpents. Trône à seize ans ma mère en costume d'Esther sur un cliché sépia parmi les jeunes pensionnaires entorchonnées de châles. "Un jour en classe » dit ma mère « à la question "qui fut le roi de la Lorraine en 1738 ? j'ai crié : Stanislas Leszczynski !"

    Ma vie est le monde ; son histoire, ma cosmogonie.

     

    LA MORT DU DRAGON

    Histoire de la mort du père d'Alcmène, Gaston-Dragon. Gaston, de « Vaast », prononcé [vâ], (« la gare St-Vaast », à Soissons), la terre déserte (« Terre Guaste »), dé-vastée. Die Wüste.

    Jour de verglas, 8 h 12. Gaston-Dragon meurt écrasé par un camion-benne à betteraves de faible tonnage, vide, la tête écrasée, plate comme un fromage au sang ; lui, l'ancien Chien du patron (le contremaître, celui qui aboie sur les ouvriers : « Plus vite fainéants ! » Dur-à-lui-même-et-aux- autres, universellement détesté à la sucrerie d'Aguilcourt arrête-toi ! tu viens d'écraser le père Liénard ! (là-bas dans le nord, on ne dit pas « Monsieur, Madame », on dit « le père », « la mère » ; et «Liénard », c'est son nom) - je lui parlais y a pas une minute a glissé sous tes roues.

    Quinze jours avant la retraite. Je reconstruirai la cabane à lapins quinze jours à Noël. « Quand j'ai vu » dit Frida la veuve « arriver de loin le Maire l'Adjoint le Patron tous en noir chapeaux bas j'ai su tout de suite qu'il était arrivé quelque chose." Notables de campagne phrases convenues sues par cœur du fond du cœur, il se retirait toujours avant pour que j'aie pas d'enfant Tu les préfèrerais à ma fille cette fille était ma mère absente ce jour-là, où la Seconde Epouse de Gaston-Dragon prenait debout recevait la mort en pleine face. Et si éloignée que fût ma mère, à dix

    kilomètres de là en ces temps si lointains où le bout du monde commençait aux frontières du canton, le téléphone chez le Maire en cas d'urgence, elle apprit par son rêve - il est sans tête criait-elle je ne vois pas la tête mon père mon père – il portait un bandeau ? du sang (...) - je ne sais plus répondait-elle plus de tête un souvenir comme coagulé comme à bout de mémoire et jusqu'à sa mort j'ignorais le séisme et et si ma mère avait pleuré crié je ne connaissais pas le tréfonds de ma mère.

    (En vérité sur son lit de mort lit d'exposition Gaston-Dragon portait de larges bandes étanches et propres sur ce même lit où je devais plus tard enfant rejoindre Frieda de sept à huit heures, mes deux parents dormant encore, au signal doucement frappé sur les conduits d'eau chaude. Je rejoignais la veuve pour ces voluptés enfantines, si profondes et si peu génitales et adultes, au sein de ce lit chaud tout imprégné de femme et de bergamote - il faut un odorat longuement imprégné, affiné de dévotions, pour percevoir dans l'odeur de femme le plus quintessencié des parfums ; et si je prétendis un jour en être incommodé, ce fut avec l'impudence à claque du plus parfait petit morveux : « Comment » dit la Veuve « peux-tu donc savoir cela ? » - ainsi donc les femmes loin d'en faire mystère ne contestaient rien, admettaient, reprenaient à leurs compte et maléfices cette puanteur dont on les faisait dévolutaires... Alcmène prétendit que j'avais dû flairer parmi les jambes ouvertes de quelque employée logeant alors chez sa mère, et qui se fût contre toute vraisemblance assoupie sur sa chaise en position propice - or je ne me souvins d'aucune

    exploration ni reptation de cette espèce.)

    FIGURES DU PERE

    Un père tout embarrassé, contaminé, de son entrave charnelle. Amfortas ou Roi Pêcheur atteint, mehaigné d'un coup de lance enmi les hanches entendez non pas claudiquant mais oui bien dévergé, lacéré et castré, à lui tout miel et résurrection selon son rite, lorsque la terre gaste reprend couleurs de fleur et d'herbes, rameaux et bourgeons. Je consolerai ce père et oindrai telles de ses parties du corps de ce miel de natron dont on conserve les momies car il est plus grand mort que vivan ; c'est Arthus Roi d'Echecs Arcturus encore se déplaçant d'une seule case, lui dont la seule, ultime et funeste campagne ne put s'engendrer que de l'usurpation de son propre fils, qui le trancha de son épée, si bien dit la vulgate que l'on vit le ciel au fond de son corps entre les lèvres de sa plaie Arthus figé en son château de Camaalot dans une éternelle festivité d'Ascension ou de Pentecôte, premier célébrateur, Dêmiourgos de la Gnôse, crée ce monde où nous sommes entre ciel et terre) ; n'incitant ni aventure ni quête qui vaille, mais bien les ordonnant, les proposant. Tout ce qui part de lui est fondé, lui revient, en bon garant : la quête s'est effectivement déroulée puis accomplie, c'est lui qui l'authentifie, qui l'estampille. Il s'apparente en cela au dieu romain : quoi que fît en effet un citoyen de Rome, c'était sous le regard d'un dieu, trouvant pour chacun de ses gestes sa répercussion à l'échelle du firmament, où il s'inscrivait, où il se portait en ombre. Voilà donc tout ce que c'était qu'un Père : aussi bien Wotan, amoureux dépité de la race des Walsung, héros et vaincus - ou Encelade le Titan sous le poids de l'Etna, plus grand ô combien que tout dieu, ou Prométhée.

    Je fus adoré de mon père. Il fonda sur moi ses espoirs de rédemption. Ainsi les mortels sauvaient-ils les dieux ligotés de sagesse. Tout homme est en attente du Messie. Toute femme emmure et garantit le temps, de l'insititution de lanaissance au grand scellement de la mort. Or je ne fus ni le Christ ni Oreste, vengeur de son père, ni le fils dAbraham qu'il épargna, ni même Siegfried au petit pied, un Siegfriedchen. Juste, mon père et moi : deux hommes.

     

    PREMIERE APPARITION DES EURYSTHEES

    Sur l'écran qui me tient lieu de ciel et de toute réalité m'apparurent les sœurs Eurysthée.

    L'une me dit : « Tu es notre frère. » L'autre ajouta : « Dans la soumission à Dieu se trouve quelque chose de plus sacré que toute Révolte, car elle procède de la nature même de Dieu ; il y a dans la rébellion, la convulsion de mort et de défaite plus de sacré que dans la soumission, car le cri du rat

    sous la serre de la chouette s'inscrit à tout jamais dans le temps, dimension de l'homme dont le dieu, tout éternel qu'il soit, est à tout jamais privé. » Lorsque Gaston-Dragon mourut, la terre s'arrêta. Seul celui qui meurt a besoin d'un nom sur sa tombe. Qui se soucie du nom d'une divinité ? «Ô Zeus, ou quel que soit le nom que l'on te donne... »

    Innombrable est le compte de ceux qui doivent mourir.

    Père décédé, disait le télégramme. Un certain Evguéni passa pour le mort ; père de mon père pour l'anecdote, buveur, pourri d'asthme, bassiné d'eucalyptus. Le tampon de la poste indiquait '"GVIGNICOVRT". En cette époque les époux naissaient à trois lieues l'un de l'autre. Les cousinages étaient légion. Les types humains, appelés races, n'étaient que des familles : Dragon, Evgueni, un village, quel père ?

     

    PAROLES RAPPORTEES

    De la bouche de Sinne, Wisigothe : A Guignicourt, la guigne y court. 

    - Pour être satisfait de ton destin, regarde toujours au-dessous de toi.

    Proverbe : "Le vin d'Arbois, plus on en boit, plus on va droit". La carte représente un Incoyable vacillant sur son gourdin tordu. Ajouter à l'arbois le pastis (Evguéni), le guignolet pour Alphonsine. Je n'ai disait-elle jamais éprouvé le moindre plaisir avec mon mari. 

    De la bouche de mon père : J'ai assisté à des scènes, mon fils, dont tu n'as pas idée.

     

    LE ¨PETIT HOMME DANS LE LIT DE LA VEUVE

    Il parlait avec elle à sept ans, à sept heures au matin, d'une usine d'armements sous la glace d'Arkhangelsk, où luttaient les espions. C'était l'an 4004 de notre ère ; la naissance du Christ passait juste entre nous et la Création du monde. Les Martiens, disait Veuve Dragon, possèdent deux mille et cinquante ans d'avance.  Leurs soucoupes apparaissaient cette année dans le ciel.

     

    DEUXIEME APPARITION DES EURYSTHEES.

    Deux déesses blondes. Ce chapitre, où se précise la mission d'Hercule, présente des similitudes avec les indication des jeux vidéo. Gardez à l'esprit ces données fournies par le game boy, afin de ne pas céder aux désorientations. Les Jumelles Blondes empruntent leur nom à celui du commanditaire,

    beau-frère d'Héraklès, afin qu'il accomplît ses Douze Travaux. L'écran montre leur char de feu sur

    fond d'étoiles, et leur immense chevelure blonde tombe sur leurs reins : telle Yseut, ou tout autre

    princesse digne d'amour. La voix des Eurysthées offre le sensuel métallisme des reconstitutions téléphoniques, même structure hachée, voix gazées (mirliton, papier à cigarettes ?). Les Eurysthées lovées naguère dans la même poche utérine, incurvées yin et yang, deux souffles retournés aux mêmes bouches.

    Quelque chose de doux et de confus ; comme une nasse de cheveux, étouffant un peu, sur les narines. Mission : purger le Continent de ses fauves et de ses reptiles (plus tard je conclus, hâtivement, qu'il me fallait me concilier ma propre mère, en m'assimilant au père même de cette dernière, un certain Gaston ou Vaast, celui-là même qui jadis catéchisa Clovis, et périt au vingtième siècle sous les roues d'un véhicule utilitaire) (ces confusions ne s'éclaireront pas en leur temps). Pour l'instant les Eurysthées se tiennent toujours dans le ciel, sur un nuage en forme de char : cela ressemble aux chances, potion magique, nunchakus, dont on se pourvoit au début d'un de jeu ; les voici :

    1°) les armes de mes adversaires ne seront ni la peur ni la force, mais l'envoûtement, la fascination (charme, pitié, langueur...) : les compagnons d'Ulysse ayant consommé les fruits du lotus refusèrent de rembarquer, oubliant Ithaque leur patrie.

    2°) étant l'offensé, j'aurai toujours le choix des armes - les autres seront toujours dans leur tort.

    J'éprouvai une grande volupté à ces voix, contournant de l'œil ces profils sinueux ; j'aurais enfin le droit sur mon lit de mort, puisqu'il s'agirait enfin de moi seul, de crier "Assassins, assassins", jusqu'à mille fois, à tous ceux qui me soigneraient, qui resteraient vivants quand je mourrais, infirmières décolletées aux blouses transparentes révélant les slips (dans What de Polanski, l'héroïne chevauche un vieillard en relevant sa jupe : Porte du monde au seuil de laquelle retombe foudroyé l'agonisant aux yeux brisés d'extase, murmurant "Que c'est beau").

     

    MISSION (SUITE)

     

     

    - Tu feras, dirent-elles (et l'alternance de leurs voix vibra comme un écho, à la façon des anges d'Abraham) l'amour aussi souvent que nécessaire, en effet, poursuivait la seconde, loin de nous l'idée que l'abstinence confère quelque pouvoir à quelque homme.. - ...ou femme... - ... que ce

    soit". Tel Antée reprenant vigueur sitôt qu'il touchait du pied la Terre, je recouvrerais mes forces sitôt que je baiserais, non pas avec l'une d'elles mais suivant les indications qui sur un phylactère me furent données : un parchemin roulé que je trouvai passé dans ma ceinture. Mais j'espérai ne pas

    me battre : il n'est pas indispensable de recourir à la totalité des armes pour la quête, à supposer qu'il soit avantageux d'y parvenir - mais n'anticipons pas.

    Muni de ces précieux viatiques je m'apprête à combattre la terre entière, évoquant ces souvenirs dont on m'avait livré la clé, dans ces ténèbres d'avant ma naissance; réseau toutefois suffisamment précis pour que je puisse reconstituer sur ces pilotis de mémoire ma cité lacustre, popularisées par les livres d'histoire, n'ayant paraît-il jamais existé ; je me rappelais d'abord d'immenses salles de mariage, de grandes gueules de grands hommes et de femmes enjambant l'espace.

     

    COMBAT

    Puis les Eurysthées me convièrent à une lutte à trois, gréco-romaine, dont je me dépêtrai, bien qu'une fois descendues de leur char elles se fussent révélées plus musculeuses et souples que je ne pensais, et plus d'une fois leurs prises m'ôtèrent le souffle. L'Ange ayant plusieurs fois touché terre demeura vainqueur, laissant au fils d'Isaac une boiterie de la hanche en signe d'appartenance ; les Muses me tordirent à ras du sol soufflant dans le sable, et reprenant leur vol m'assurèrent que je porterais à jamais la marque d'une extrême vulnérabilité : un point particulier, peut-être du corps, talon d'Achille, ou ce point dans le dos "qu'on n'atteint jamais", que le traître Hagen transperça de l'épieu ; il n'était pas inéluctable cependant que je dusse périr un jour de la sorte.

    Je me relevai horrifié, fortifié : il se dégageait de mes épaules une pénétrante odeur de tilleul, dont la feuille marquait la fragilité de Siegfried, mal baigné dans le sang du Dragon – sexe de femme entre les épaules ? je n'avais ni massue ni glaive. Dans mes vies antérieures affleurant peu à peu je ne combattais qu'à mains nues, craignant à juste titre que l'adversaire ne retournât mon arme contre moi ; je recherchais le corps à corps et la morsure : "il se bat comme une fille", disait on ; j'en étais fier. Mais je refusai d'être une femme, afin de ne pas échanger une prison contre une autre. Les Eurysthées en songe m'approuvèrent : la confrérie des femmes exige en effet des contraintes bien plus fortes que celle des Héros.

    Je ne saurais ici poursuivre la relation des entrevues que j'eus souvent avec mes Eurysthées ; elles me visitèrent tant qu'elles flottaient pour ainsi dire et flottent encore autour de moi comme une cape d'invisibilité, die Tarnkappe.

     

    MA VOCATION DE PRETRE

    C'était une bien belle église à GVIGNICOVRT. Enfant, bigot, bien coiffé, j'escaladai par l'abside la pente argileuse et couverte de ronces d'où tombaient, pressés, impérieux, les premier, deuxième coups de la messe ; je dérapais dans mes souliers dominicaux, serrant dans mon poing une image pieuse où l'on avait cousu - c'était un scapulaire - un vrai coupon de la robe à

    Marie, un carré brun de bure. Je priais en pestant contre la boue, l'âme pure et les pieds sales. Et franchissant enfin le porche, par la grande entrée de tout le monde, je constatai que pas un putain de

    paroissien ne s'était encore déplacé. Déception, mais fierté : j'étais le premier de l'ekklésia. A la fin de l'office j'ai attendu le prêtre dans la sacristie ; les enfants de chœur passaient par-dessus leurs têtes de ploucs leurs soutanelles rouges à dentelles sans mesurer un seul instant l'honneur insigne qu'ils avaient eu de servir la messe, au plus près du Seigneur.

    Avec quel orgueil n'ai-je pas déclaré à l'homme de Dieu :

    «  Je veux devenir prêtre ! » Il ne m'écouta pas. Au lieu de s'extasier, de m'accueillir en son giron comme un exemple à suivre ("Voyez ce jeune garçon! il n'est pas comme vous ! il sera

    prêtre !") avait grommelé je ne sais quoi, impatienté par mes souliers sales, et mon odeur de brillantine.

     

    MA MERE EN DELEGATION

    Il me revint de racheter les pleurs de ma mère : toute jeune en effet à GVIGNICOVRT ma propre mère, privée en son temps des funérailles de sa propre mère, fut déléguée en rattrapage aux inhumation paroissiales, son père Gaston Dragon manquant de temps, Fernande, la seconde épouse souffrant de mélancolie.

     

    MA MERE EN REPRESENTATION

    ...Me faudra-t-il un jour, et pour le peu de temps qu'il me reste à vivre, revenir à GVIGNICOVRT (telle était l'orthographe au fronton de la mairie) me placer à l'endroit précis où branlaient, perchés sur leurs tréteaux, les cercueils pleins accompagnés par ma mère, afin d' y flairer cette amorce de macération - sentie le lendemain même de son propre enterrement – espace

    que rigoureusement ma mère

    m'interdit de nommer ici -

    plus tard occupé par la boîte obscène et définitive cette fois d'Alcmène ma mère en cours de sournoise décongélation, ayant refusé l'immortalité proposée par Zeus, dont j'avais encore en moi l'image fraîche et d'un rose malsain [il manque un bout d'oreille - chuchotait ma fille

    épouvantée - papa, regarde] drapée dans la robe de chambre à ramages orange déjà collant sur ses chairs suspectes – lieu suspendu à 120 cm du sol où je sentis, physiquement, le lendemain de

    la cérémonie, les vibration, substance et subsistance d'une masse exactement coïncidant avec cette figure volumique de chêne verni fantôme dont mon instituteur de père m'avait bien auparavant transmis la dénomination magique : parallépipède rectangle.

    Ma mère désirait ; désirait des obsèques qui fussent religieuses. Sur son corps le prêtre agita le goupillon – "si nous n'attendions pas, mes frères, la résurrection, nous ne serions pas ici réunis autour de ce cercueil" - et je reconnus bien là une réplique à cette exaspérante faconde de mon père qui cabotina sans doute en secret avec ce prêtre - "je ne crois pas lui dit-il à toutes ces

    histoires de résurrection, de Bon Dieu, de jugement" - du ton faraud de celui qui suça le lait sûri de l'Ecole Normale et républicaine.

     

    DE MA MISSION, ET DERECHEF

    "Tue le Dragon » dit mon père ; « délivre-nous toi et moi en atteignant Gaston où qu'il

    se trouve, Enfer ou Ciel. Jamais, mon fils, jamais en effet ta mère, telle que tu l'as connue, n'a pu admettre que je fusse équivalent en quoi que ce soit de son père des Terres Guastes. Si tu t'assimiles

    Gaston-Dragon, que tu te baignes dans son sang, il te révèlera son règne et sa longévité - car il survit n'en doute pas malgré son crâne écrasée. Tu deviendras lui, et il deviendra toi, et vous ne serez plus qu'un, moins maléfique pour moi car je sais que tu m'aimes. Pour toi tout bénéfice ; pourvu de toute supériorité tu consoleras, tu valoriseras ta propre mère la tête haute, ton père désormais plein d'estime, et toi-même seras Fondateur.

    "Il n'est pas exclu que le cycle se reforme parmi ta descendance - que t'importe ? » Il n'ajouta pas que j'aurais enfin dénoué les générations, devenant ainsi père de mon père et de ma mère. Je ne promis rien et fis bien ; mais il me défendit de l'imiter, voire de me soucier de lui ; ce qui fut impossible.

     

    ENQUETE

    Consultant alors les Eurysthées j'appris :

    que Gaston, fervent joueur d'échecs, initia son gendre mon père à ce jeu pendant neuf mois d'état de

    grâce après les noces ; mais que jamais du vivant du Dragon, je veux dire avant que la roue du Grand Véhicule n'eût fait éclater son crâne matériel, mon père ne l'avait vaincu - la diagonale de l'Evêque ( Bischof , le fou en allemand) surgissant de l'angle adverse sans qu'il eût jamais pu parer la Tenaille de la Mort...

    chose ignorée de tous les acteurs de cette histoire, que l'Homme des Terres-Guastes ne pouvait se fléchir que par le recours à la Femme ; à tout homme il ne laisserait nulle chance, et le combattrait à mort, spirituelle s'entend, après quoi rien ne subsiste ; mais la chose tourna d'une autre manière.

    En ce temps-là je consultai beaucoup sur Gaston-Dragon seul témoin, seul pilier, fondateur, destructeur. Ma mère s'écria : "Jamais mon père ne m'a manqué de respect" - hélas Lotharingienne Alcmène il est tant d'autres façons de manquer de respect à son enfant.

     

    LES EBRANLEURS DU MONDE - ENOSICHTHONES

    Mes investigations menées à bien (dans ce lieu idéal où l'on ne mange ni ne dort, où l'on

    demeure sans cesse éveillé sans éprouver la moindre fatigue, où le temps lui-même obéit à des lois inconnues) j'eus à nouveau la vision des ébranleurs du monde : Héraklès encore parut en ses dimensions véritables, torse nu de trois-quarts, tête, épaules - moi spectateur effaré contemplant cette expression massive, dominant de la barbe et des bras musculeux (je le revois encore) la plaine brumeuse où fuyaient les foules en chariots, traînant leur exode éperdu sous les cuisses mêmes du monstre (de Francisco Goya y Lucientes ?) - je le vivais en ma vision, ce tableau, de toute ma frayeur ; si le monstrum (latin : signe des dieux, qui proprement démonstre leur puissance) se retournait ? de quelle rage sanguinaire...

    Devais-je en vérité m'affronter à cet homme, à ce Colosse, afin de refonder l'Harmonie de leur Monde, en recousant leurs lèvres et les miennes ? je réfléchis à tout cela.

     

    DIEU EN SOI

     

    Rien ne garantit que l'intuition, ou la raison seules, m'eussent mené sur des voies

    assurées. Car l'ignorance et la malédiction humaine l'emporteront toujours. Merde aux prédicateurs et aux maudits, donneurs de leçons. De Gilgamesh à Faust, la seule chose qui compte c'est de me garantir, moi seul animal dit-on qui sait que je dois mourir, contre toute mortalité : "Si vous goûtez de cet arbre de vie, qui est au milieu du jardin, vous mourrez". Nous avons goûté, nous sommes morts. « Vous connaîtrez le bien et le mal » nous sommes bouffés par Différence. Et vous serez « comme des Dieux » : contradiction – tout dieu fusionne toute différence. Ou bien : toutes contradictions poussées à l'extrême et cependant fondues ; aussi toutes découvertes de sont à la fois plus grand blasphème et mort du dieu, car il n'est plus de Dieu, car il n'est plus de mort. Abrotoï, dit le grec, privés de nourriture, privés de Brot, le pain.

    Que dit Alcmène, mère mythologique véritable d'Héraklès : : "Ne me parle pas de ne pas mourir tant qu'il y restera un légume immortel" (à Zeus, Amphitryon 38" Acte II Scène 3), car s'il n'y a plus de mort, tenant compte des infinités possibilités de l'infini des temps, toutes les virtualités successives de l'homme, voire concomittantes, se réaliseraient, il n'y aurait plus besoin de plusieurs hommes, et je serais homme-dieu - peu importerait alors qui je suis, peut importerait mon nom. J'aime donc qui je suis maintenant, ici, nommé, dans ma mort, mon corps et ses déplacements, et je saurai ce qu'on met sur ma tombe : Ci gît Héraklès, homme de lettres - les deux dates et le trait d'union. C'est donc pour l'épitaphe seule que je relate les obsèques, pour le nom, et non l'immortalité, son exact contraire.

     

    LA MORT DU JUSTE

    Gaston-Gustave Le Dragon (1885-1945) mort sans que je l'aie frappé. Rentrait du bistrot en faisant gueuler tous les chiens attachés du village et tous les hommes qui gueulaient ce con de Dragon. L'affliction ne s'applique pas à l'injuste qui dit Si ça ne me fait pas de bien, ça ne me fera toujours pas de mal en parlant des derniers sacrements de l'Eglise. L'affliction vole à Gaston maître-chien contremaître de chiourme haï de tous crâne broyé sous le camion-benne comme tous ceux de son espèce dur à soi-même dur aux autres. Je suis tendre à moi-même. Que de la dureté pour moi les autres se chargent.

     

    LA TUNIQUE DU MORT

    Sa mort me ronge à la façon de la tunique de Nessus enduite de poison ; corrosion de la chair ; incorporation ; fusion tel tissu synthétique repassé sur le bras brûlant. Revêtu, investi désormais de la Chair de Dragon, front, mâchoire, jusqu'à l'étreinte de la taille – rivalisant avec un mort ce qui est tout autre chose que ces modèles Arthur ou Cophétua le Méhaigné - dont la lance cisailla le sexe –

    celui de mon père était l'harmonie même - il est beau de donner dans un premier temps les Oracles à déchiffrer (Paroles de Dragon), objets qu'ils sont depuis des lustres de vénération. Or ces formules, communes à tous les gens de terre du pays lotharingien depuis maintes générations, témoignent en second lieu d'une inanité tyrannique.

     

    D'UNE MISSION PEUT-ETRE DERISOIRE

    Vantardises. Admirations irraisonnées dont ma Mère nimba les moindres proférations du Dragon son père ; imitations en vérité religieuses, pour autant que la barrière des sexes en laisse percevoir ; mais : s'apercevoir en définitive que tout cela se soubasse, ne trouve son substrat, que sur un amoncellement, sur un ciment d'atavique et soupçonnée sottise. Voilà toute une vie brûlée. Sotte prérogative de la mort.Trop tard. Comme si Mort tendait à bout de bars son flambeau à Vie.

     

    DE LA FRATERNITE - DE LA TRANSMISSION

    L'homme vit seul. Sa seule vie, sa seule existence est de se contempler. De s'envoyer l'un à l'autre, de s'échanger d'ineffables signaux. Ineffables : qui ne peuvent se dire ; ici, voici un homme ; ici, je suis un homme ; regarde-moi, interprète-moi. Cri du corbeua, cri de l'outarde en compagnies, avant qu'elle s'envole ou se repose. Cris d'identité, valeur phatique, emphatique, empathique, de la proclamation. C'est ainsi, ici, un homme - ici, un homme - regardez-moi, je vous regarde - d'une ignorance à l'autre, d'une fraternité perdue à quelque pressentiment d'espèce, tels ces appels d'oiseaux fondus parmi les brumes en vue d'une destination commune, que s'établissent les liens sociaux, et quelle immense déception lorsqu'on découvre, en son âge tendre, la cruauté.

    Le corollaire de ces conditions est qu'il ne sert à rien, en vérité, de connaître un homme. Connaître un homme ne sert à rien, n'apprend rien.

    DU MAGNETISME – DES PÔLES

    Gog et Magog : dans les littératures juive, chrétienne e tmusulmane, personificaiton des forces du mal. Précisons que les Ecritures les peignent sous les formes d'une double montagne.

    Rappelons que les forces juvéniles d'Héraklès défirent au berceau les Deux serpents d'Héra. Que l'adolescent s'il veut vivre écrase la tête de son père et de sa mère. Que les émanations du Dragon mort ici pestilencisent et faussent les vibrations courant de l'un à l'autre entre Gog et Magog le père et la Mère, les adultèrent et les frelatent. C'est à l'enfant de déjouer au-delà, en deçà des magnétismes parentaux les frémissements antérieurs, la menace antérieure et diffuse du Dragon,instillée, renforcée par les antagonismes de Gog et Magog.

    Père et Mère transmettent leurs conflits je demeure couvé sous la menace immense où nous avons vécu. Vastes orages (Saint Vaast des Terres-Guastes), mous et inéclatés, brumes infiltrées au sein des chairs. L'esprit méphitique de Gaston-Dragon, non tout à fait mort ni dissous, sans absolution ni reçue ni donnée – règne un grésillement à la fois pesant et délétère, dissolution de nerfs ; poursuivant ma voie je parviens au pied des monts jumeaux dans le pli organique et chancreux nommé Guignicourt - à Guignicourt la guigne y court.

    UNE VILLE ETRANGERE ET DETRUITE

    Plus tard je vis dans une ville étrangère et détruite où toits et terrasses abondent de ces herbes au suc jaune, l'herbe aux mendiants, qu'ils appliquaient sur leurs plaies pour les ulcérer. Voilà ce qui se cache en vérité dans les contrées d'arrière-gorge : une telle cité aux crépis gris et jaunes, parfois vieux rose, échappée aux combats et tapis de bombes, souffrant sur son asphalte une

    irruption de vieux hommes niant les exactions qu'ils avaient prodiguées : aux Polonais, aux Hébreux : "Les prisonniers marchaient sur deux colonnes ; peut-être y avait-il des exécutions sommaires (Hinrichtungen) dans l'autre colonne. J'entendais bien des coups de feu. De mon côtéje n'ai rien remarqué."

    Vienne. Décor de fantômes, dédale concentrique et poudreux où survivaient vieux hommes et vieilles femmes terroristes aux yeux vides cachant sous leurs cabans des armes enrayées, non point tant enrayées toutefois qu'elles n'exécutassent de loin en loin quelque cibles choisies pour leur jeunesse, pour leur beauté ; je me souviens de certains noms abandonnés, Arrigo, Nadia. Martino, des territoires irrédentistes. Autant de morts sans traces ; mais c'est de Roswitha, de son deux pièces ouvert été comme hiver sur les deux voies d'un pont autoroutier tout vibrant de vapeurs délétères, que partaient les ordres de liquidation. Roswitha portait une perruque rousse et

    bouffant sur le crâne, dont ses volutes sales couvraient à peine la calvitie. Je la surnommais "Robespierre", dont certains affirment sans preuves qu'il s'agissait de ma propre mère ; l'Hôpital Général (Allgemeines Krankenhaus) vantait encore le souvenir de son extrême compétence d'infirmière lorsqu'elle officiait, jadis, dans la section des grands vieillards. De retour en France j'écrivis à ma mère une carte postale, où je disais que son prénom ferait l'objet d'une imagination en cours, un roman, dont elle porterait le titre : Roswitha. Je ne reçus pas de réponse : depuis quand les Sibylles répondent-elles à ceux qui les consultent ?

     

    DE GOG ET DE MAGOG

    Ce sont les monts jumeaux de tous les maux ; partout sur mes chemins extérieurs ou secrets il m'incombe de recenser, de débusquer sur Gog et Magog, féconds en ravins, les taureaux et les hydres – ces deux montagnes en vérité s'enlevaient d'un coup sur la plaine comme deux seins, aiguisés, ravinés. En vérité j'œuvrais pour la civilisation même. Dans le réseau d'étroites tranchées unissant Gog et Magog, je rencontrai souvent deux créatures malheureuses et méphitiques, Père et Mère, s'efforçant en vain de me retenir : la fascination de l'enfance et du malheur passé - "Eh oui", gémissaient-ils, sans fin, d'une longue intonation fascinante.

    Ce fut entre Gog et Magog, symbolisant le Mal dans les mythologies hébréo-chrétiennes, que s'étaient déroulées ces tortures dont je fus l'objet; sous les yeux ronds cerclés d'or, sous les phares chromés du tracteur "Masey-Ferguson", image au mur, sous cellophane, Calendrier Perpétuel.

     

    LA VEUVE EN SA CUISINE

    Etait aussi présente à ces tortures la Veuve de Gaston-Dragon, Seconde Epouse, Survivante, les traits carrés d'une calandre, jamais ne se départissant de la solennité du rôle :

    indélébiles contusions qu'imprime un décès violent sur les traits mous d'une vieille grosse ; le sceau de l'Epreuve sur la face. Seule justification d'être (les enfants compatisssent peu – cet âge est sans pitié). Dans sa maison de GVIGNICOVRT gisait la cuisine, entre quatre murs gluants d'épais badigeon vert, très cru, jurant, parois sur lesquelles, faisant maigre pendant à la cuisinière qui ronflait à plein régime en plein été – à peine achevé le repas de midi nous devions préciser ce que nous voulions pour le soir, afin que tout se déroulât d'une mangeaille à l'autre dans l'orthodoxie ménagère - se détachait une pendule carrée, d'un vert plus pâle.

    Il en tombait en cliquetant secondes et minutes, tac, tac, tac, lentes saccades,

    mitraillette à vieux. Tout vivait encore au temps du disparu

     

    L'ENFANT, LE TEMPS

    J'ignorais qu'il fût si proche, qu'il m'eût tenu dans ses bras : le temps commence à ma venue au monde. L'atelier du Dragon demeure maniaquement rangé. Gouges, poinçons, chignoles

    par ordre de taille sur le mur. Et l'établi couvert de cicatrices. Couturé. Gaston-Dragon mort voici huit ans, l'éternité ! laisse en héritage une meule verticale. Que je lance et fais tourner, accélérer, s'éteindre à la façon d'une rame de métro – j'ai visité Paris dont la vie souterraine m'a pénétré de ravissement : je pouvais donc enfin m'échapper - mes souterrains s'étendaient à l'infini, perdus à l'extrémité clignotante de longues lignes perdues - j'annonce devant la meule mes stations à haute voix.

     

    L'ENFANT, LE PECHE

    Le temps de la question sous les yeux cerclés d'or du Masey-Ferguson survient deux ans plus tard – le temps est immobile - quand je crois bon d'avouer à ma mère - n'est-ce pas dans ce gros volume d'Histoire Sainte – comme ça tu nous foutras la paix - que je découvre entre deux gravures - Massacre des Macchabées / Daniel dans la fosse aux lions - l'assertion sans réplique les bons enfants n'ont aucun secret pour leurs parents - de confier à ma mère dis-je l'étrange chose que nous commettions cousine Berthe et moi dans cet autre village - ah ! ce sont là de bien étranges époques pour vous autres, vous - mais de quel droit, comment pouvez-vous dire sans frémir "et le vert paradis des amours enfantines" ...? Cousine F. - qu''elle soit bénie, et à jamais - se branlait au-dessus de moi, loin, très loin, très longuement et vigoureusement, comme font les filles seules, sans révéler jamais, sans croire bon jamais de m'expliquer ce qu'elle accomplit là, tandis qu'en elle-même j'attends qu'elle s'achève, sans jamais révéler à l'enfant quel plaisir elle se donne. On me cachait des choses. Forcément, à un gosse.

    Juste avant je faisais mes prières, "Notre-Père qui êtes aux cieux" disait Gaston-Dragon (« ...des fois si fatigué qu'il avait juste le temps de dire : "Notre Père » et plouf ! il s'endormait.") - on les recommencera les cochonneries d'hier soir ? - Tais-toi, tais-toi si tu veux qu'on puisse continuer - toutes mes prières, toutes les prières que je savais je les récitais Confiteor compris me vidant, me vidant l'esprit pour m'étanchéifier; pour me dédoubler; pour me dédouaner,

    m'insensibiliser. Juste après l' « acte de contrition ». C'était bien. C'était merveilleux. C'était extraordinaire. Bien que je ne connusse pas l'éjaculation. Ou puisque. Puisque je ne connaissais pas

    l'éjaculation.

    Sous le Calendrier Masey-Ferguson aux phares cerclés d'or jumeau ma mère feignit d'étouffer devant la Veuve en se couvrant les yeux de son mouchoir : "Mon Dieu !" - quel Dieu ? - mon père écœuré m'évita. Toute information épargnée. Lorsque j'apprends un jour qu'ainsi se font les enfants jene veux jamais croire que je suis né au prix de cette ignominie, j'ai été assurément le

    seul de toute la terre seul suffisamment dépravé pour imaginer semblable saleté, d'introduire son sexe dans le sexe d'une fille, fille du frère de son père – la chose est en vérité si lointaine que j'ai

    grand tort, promis à de si hautes destinées, de m'y attarder aussi sottement.

    72

     

    MÔSSIEU PUJADAS

     

    C'était pendant la préhistoire ; lors d'une certaine campagne présidentielle. M. Pujadas présidait avec sa petite tête de Playmobil et sa perruque Groland. Vint à s'annoncer le résultat de la commune alsacienne appelée Ringelsdorf. Ce fut le boyautage sur le plateau. Quoi ! Etait-il possible, grand Dieu, ma chèèère, qu'un village pût s'affubler d'un nom si ridicule ! Et notre Pujadas de se contorsionner, de tordre en tous sens son sphincter buccal, pour articuler “Rinn ! Gueulsse ! Dorfff !” “Eh bien, ajouta-t-il finement, ça sert, les élections ! Au moins, on apprend sa géographie !” - ce dernier mot prononcé sur un tel ton de mépris, avec des grimaces du plus beau simiesque, en se tortillant le cou et les deux épaules à la Jean Gabin-Gueulard, que tout téléspectateur avait bien compris : non, décidément, un bled au nom aussi con que Ringelsdorf n'avait pas sa place dans une quelconque géographie, et que de tels ploucs ne représentaient assurément pas la Race Française...

    On accordait vraiment le droit de vote à n'importe qui... Ma fille s'appelle Sonia. Une élève s'exclama “SoGNA ColliGNON, ça fait moche.” Il lui fut répliqué en pleine poire : “Quand on s'appelle Raton, on ferme sa gueule.” Très juste. Ou Tartempion. Ou Dupont-Durand. Ou Collignon.

    Ou Pujadas.

    Tu pues, jadas. Wawawawawa !

    ...Le même qui nous a informé plus tard que les cendres de Béjart seraient dispersées sur la plage d'Ostinde, parfaitement, Ostinde... N'a-t-il donc jamais entendu parler du fameux proverbe belge “Pour l'Anvers, il faut que mon os tende” ? Et c'est pas tout : on découvre dans les Côtes-de-Poivre-d'Armor un trésor gaulois “datant de la Guerre des Gaules, en 70 avant Jésus-Christ” ! Non, Dugland : en 52. Marignan 1497 qu'est-ce que vous en dites ? Evidemment le commun des rappeurs n'en a rien à foutre ; comme on dit au Congo, on Sambalek. Avec mes exigences de trouduculture générale pour les présentateurs, je fais Supervieuxcon. Eh ben parfaitement. Et j'te merde. ...Ecoute, écoute (Robert Lamoureux) ça n'a pas de fin : Pujadas vient de recevoir le prix récompensant le journaliste usant de la meilleure langue française... Au pays des aveugles...

    A LA DEMANDE GENERALE DE MONSIEUR JDLGSEDGPSGDA, voici quelques impressions de mes petites errances de fauché-voyageur, qu' “aimerait bien avoir l'air, m'ais qu'a pas l'air du tout”.

     

    PETITES ERRANCES

    BURGOS 2003

    C'est bien ici, à Burgos, que j'ai préféré siroter du vin vieux avec des vieux, contre un tonneau debout, plutôt que d'aller m'en jeter un dans le troquet d'à côté avec des Mickeys de vingt berges. Même chose à Sagonte (« Sagunt » en “valencien” : ces langues prétenduments vernaculaires m'ont toujours profondément agacé ; à Bilbao, capitale du Pays Basque, je n'en ai pas entendu un traître mot, bien que tous les panneaux fussent scrupuleusement bilingues) ; jusqu'à Bergerac, en Périgord, qui s'est crue obligée d'y aller de son petit panneau « Brageira », alors que le dernier petit vieux susceptible de jargonner le patois s'est éteint depuis plusieurs dizaines d'an-nées, comme ils disent...

    A Sagunt, d'où partit Hannibal, je vis donc ce soir-là une immense place envahie par toute une tribu, sortie d'on ne sait où, plus de mille jeunes campés sur leurs deux pieds mains dans les poches de leurs vestons trop clairs et cacardant à qui mieux mieux (le castillan, si noble, si courtois, si empesé, devient, manié en foule, un véritable bruissement de basse-cour, famille des anatidés : autant de nasillards canards). Je l'avais déjà constaté, au grand détriment de mes tympans, au pied de ces affreux immeubles directement empilés sur le sable de plage, d'où s'échappaient par les fenêtres empestées de fritures et de chorizo de véritables bourrasques d'oies en partance ou reprenant des forces sur quelque banc de marée basse ; les immeubles assurément s'apprêtaient à battre des ailes avant de s'enfoncer à-haut dans le ciel bleu.

    L'industrie du bâtiment là-bas s'envole encore comme en 90 : pesants balcons sur quatre côtés sur douze étages. Mais pou ren revenir à Sagonte, j'ai ce jour-là le tif trop long, la démarche trop souple. J'ai fui cet infini quadrilatère où caquetaient les insolents de tous sexes. Et à Burgos, ils étaient deux seulement, à s'être simplement poussés du coude, puisque je ressemblais exactement à ces mannequins mâles des Soixante-Dix, avec pat' d'eph et crinière dégoulinante – vous suivez là ? Burgos – Sagonte- la plage – Sagonte- Burgos ; comme dans les récits emboîtés du Quijote. Re-Bergerac à présent. Pas trop perdus ? je vas-et-vient. C'est le thème du Décalé aujourd'hui. A Bergerac (bis) je me suis croisé avec mon double. Un revenant vêtu d'un jean en plein cagnard, mains dans les poches, l'air piteux et le bassin chaloupé. Décalage d'époque. Jumeau. Erreur d'époque. C'était si dingue comme ressemblance que j'ai eu envie de l'inviter mais nous avons baissé les yeux tous les deux pour ne pas s'aborder, parler de nous et finir ensemble au pieu, on ne sait jamais. Avec l'attendrissement. Voilà ce que ça m'inspire, Burgos, où je viens de me prendre un P-V de 60 € pour stationnement interdit... Ils me le feront suivre en France, ces enfoirés. Vive l'Europe.

    Allez on reste en France. LA CHAISE-DIEU, juin 2005. Moi j'aimerais bien voyager tout le temps. Mais je veux le confort. Et avec ma paye, c'est râpé. Je tiens le journal du voyage. Pour y aller, puis ça s'arrête en plein milieu, parce que j'ai la flemme d'aller jusqu'au bout. Douillet, Flemmard et Fauché Associated. So it is. C'est comme ça. Le six juin deux mille cinq, je suis parti le matin (tin-tin-tin, Renaud). Une ligne de bus conduit directement de chez moi à la gare. C'est ça qui fait monter le prix des terrains. Je ne me souviens plus de ce trajet. Pas la moindre exaltation. Avant de prendre le train, j'ai acheté « Marianne », qui portait en titre « Rébellion », en grosses lettres rouges, sur le triomphe des adversaires à la constitution européenne. J'ai voté oui. L'Europe doit avoir une police, une armée, pour foutre dehors les bougnoules. Ça c'est de la motivation. Eviter le choc des civilisations ? Mais ça fait longtemps qu'il a commencé mon con. Dépiaute ta cataracte tu verras mieux. Dans mon wagon, une fille à petite poitrine occupe le siège à côté du mien, contre la vitre. Le nombre de jeunes filles que je rencontre dans mes déplacements tient du prodige. Il y en a partout. C'est comme les immigrés ya plus que de ça (humour) (quoique).

    Celle-ci s'est enfoncé un écouteur dans l'oreille et je n'ai rien dit. Elle se fout complètement de moi, normal, j'ai 60 ans. Vers Périgouille, arrivée d'une jeune femme, ving-cinq ans cette fois, dépucelée celle-là. Tout à fait décidée à choper la place de ma voisine, qui occupe le 13 au lieu du 23. Elle émigre en face et je lui succède, sur l'empreinte de son cul. La vieille jeune déclare en effet : « Je vais encore être désagréable, mais le côté fenêtre, je ne peux pas. » Qu'à cela ne tienne, je me colle à la fenêtre. Et surtout je ne la regarde pas. C'est qu'attention, 60 ans ou 25, on ne les regarde pas comme ça, les femmes. C'est pas des objets.

    Du coup comme elles respectent aussi les hommes, elles ne les regarde pas non plus. Comme ça tout le monde se fait la gueule et on est tous civilisés. C'est vrai ça, les voyages c'est fait pour faire des rencontres. Peau de zob, oui. Ma nouvelle voisine se plonge dans des articles de revue sur le chômage. Les deux gonzesses antagonistes descendront à Limoges. Je n'ai rien de définitif à dire sur les gonzesses de Limoges en général. Mais jusque là je me serai toujours bien occupé l'esprit – enfin l'esprit : à quoi elles pensent ; de quoi elles ont l'air à poil, au-dessus de l'échancrures des manches, en dessous de l'élastique du slip. Avec de blanches étendues de chair et le cratère aplati qui leur tient lieu de sexe. Le mien serait d'ailleurs plutôt du genre lapilli (“projections volcaniques de petites dimensions, entre 2 et 64 mm” - enfin 2, tout de même pas...) Plus tard vers Clermont (c'est long, c'est plein d'arrêts) je ne détrompe surtout pas ceux qui pensent que tout est réservé. Je me sors mon petit jeu d'échecs à pièces magnétiques, qui intrigue une autre jeune fille. Tiens, je devrais bien draguer avec mon jeu d'échec ; sûr, ça marcherait d'enfer. Elle racontera cela le soir en arrivant ; et comme j'attire son attention, la voilà qui se pose du vernis à ongle, une âcre odeur se répand. Un partout. Il paraît que tout le monde veut faire l'intéressant en train. C'est Daninos qui a remarqué ça dans les Touristocrates je crois.

    Putain même plus dans le dictionnaire le Daninos... Moi je l'aurais bien fait en 58, l'intéressant, lorsque je partais avec papa-maman pour Tanger. Hélas, une bande d'excités juste à côté se tiraient encore plus loin, à Fez, tout le wagon était au courant. Je n'avais plus qu'à fermer ma gueule. Aujourd'hui je monte dans la navette St-Germain-Clermont. Encore une femme, en face, la quarantaine bien engloutie. Avec les femmes, c'est facile : tu leur demande la permission de les prendre par les épaules et tu les serres très fort ; ensuite elles t'emmènent chez elles et leurs étreintes sont torrides. Surtout à 50 ans. C'est plein de volcans près de Clermont. Mais moi, je pousse à Brioude. Je ne vais tout de même pas foutre mon évasion en l'air pour me prendre une gamelle... D'ailleurs la petite ligne de Brioude est super-équipée, bien mieux que moi ça c'est sûr, un vrai petit bijou de navette (c'est de la rame que je parle, imbéciles). Le contrôleur me dit quelque chose que je ne comprends pas.

    Je fais le signe du sourd autour de mon oreille mais ça devait être du genre "Vous occupez deux places et vous n'en payez qu'une" – bien vu - je me rectifie. Deux très jeunes filles de dos devant moi. La ligne de leur nuque, sans cédille (“la nuc”); cet espace infiniment velouté, infiniment émouvant, juste sous l'angle de la mâchoire, où l'on voudrait poser sans fin les lèvres. Une troisième, en face. Fille, pas lèvre. Les deux invisibles s'écoutent un baladeur à écouteurs jumeaux – douze, treize ans ? la plus jeune montre à sa copine (sa sœur ?) une carte d'anniversaire

    avec dessins d'enfants et petits cœurs. Elle croit encore que tout le monde est gentil, surtout les garçons : “Tu penses que ça lui fera plaisir ?” Descendues en cours de route, elle s'assoient sur un bord de ciment au pied d'un transformateur.

    D'heureuses parents viendront les chercher, les enfermer dans leurs petites familles – Nabokov, Nabokov ! - je déteste Nabokov : surfait, mal traduit, plat. A Brioude, chargé de mes deux

    valoches, je bêche l'hôtel miteux très cher juste en face de la gare. Je vais au centre, les poings serrés sur les poignées comme leur nom l'indique. Chambre au deuxième, tourner la clef deux fois à l'envers. Une salle à manger au premier, toute raide, le couvert mis depuis des semaines style Bal du Comte d'Orgel – coucou Pujadas ! Alors pour faire peuple (épapipeul), je demande au bar si le repas a lieu "là-haut" ou "ici". - Ici". J'ai bien fait. Malgré l'étonnement poli du garçon (38 ans, petit brun), je demande à être servi à l'intérieur.

    Pour la vue sur flanc de bagnole je suis aussi bien dedans c'est claiaiair. Bouffe honnête, “routiers”, j'en ai derrière moi justement, qui parlent métier avec des intonations d'enfants ou de braves gens : conditions de travail et de revenus, sans aigreur. Merci patron. Je suis allé me promener après le repas, d'abord sous la pluie. Ce que j'ai remarqué : Brioude est une ville mal foutue, sans plan d'urbanisation, gros bourg grossi par les siècles. Rien de pittoresque, une basilique Saint-Julien fermée, et mon bourdonnement intérieur : "Je vais réussir à me perdre à Brioude, et il faut le faire". Une espèce de demi-fou m'entend par derrière, croit que je lui adressais la parole, je le détrompe avec des mines effrayées : avec mes airs naïfs pour ne pas dire couillon, gare aux abordages pédés pique-assiette. Je ne veux plus entendre parler d'homos, d'originaux, de drogués, j'ai assez avec moi-même, dès que tu leur parles ça devient tout de suite revendicatif. Une deuxième silhouette du même acabitte - faux soixante-dizards et faux clodos doivent pulluler ici, en été. Il faudrait ne pas bouger de chez soi tout juillet-août.

    Comme je n'ai pas de télévision, et que je dois me lever aux aurores, je me suis contenté de ma petite radio ; la patronne serait debout dès cinq heures et demie, et les routiers m'avaient bien expliqué tous les horaires de car, avec leurs arrêts, "là derrière, pas loin". Mais je ne suis pas d'ici. Je me fixe un petit 6 h à la gare même. Donc à 5 h ½, j'aide moi-même la patronne à descendre les chaises des tables ("vous permettez ?"- ça fait peuple, serviable), et je me mets en route à travers la petite ville aux premiers passants parmi les poubelles. Je demande au boulanger en short sur le pas de son fournil si je dois prendre à gauche ou à droite d'un chantier, avec ses échafaudages. Je dois

    progresser juste devant ses yeux en gardant l'air naturel, lui dire par exemple, sans qu'il m'ait rien demandé, que je prends le car vers Le Puy. A l'horaire qu'il m'indique, le car est déjà parti. Mais je ne me presse pas. Ou j'ai mal compris. Le chauffeur a 40 ans, brun, mince, portant beau. Les passagères sont des dix-sept/ dix-huitenaires qui le tutoient avec une familiarité titillante. Il m'est demandé si j'ai une réduction, je dis que je ne sais pas, le chauffeur me répond que ce n'est pas lui qui va me le dire. Elles sont si jeunes que je n'ose exciper de mon âge pour demander une réduction-de-vieux. Tout le long du trajet, les conversations vont se succéder, où l'on ne parle que de cul sans en parler. Disons directement. Le chauffeur s'appelle Tonio. Les filles le houspillent, lui parlent de ses nuits blanches, de sa petite amie, de leurs petits amis, de la pluis et du beau temps aussi, bien des sottises d'adultes se seront échangées, bien des insipidités.

    Telles qu'elles en diront plus tard, quand elles seront devenues dures et âpres au gain, comme le laisse deviner certain profil de mâchoire. Mais je sais de quoi l'on parle avec des jeunes filles : "ce ne sont que des copineries", mais je sais bien, moi, pour l'avoir pratiqué des années durant pendant ma carrière de prof, que l'on parle de cul, de cul, et exclusivement de cul. De branlette. De la vitesse et de la précision dans le doigté (der Fuch, enrichissez votre vocabulaire. Mais juste la pluie et le beau temps - c'est la voix qui fait tout, c'est les agaceries vellaves (“du Velay”, salut Pujadas !) J'ai aimé un nombre incalculable de jeunes filles.

    Je leur ai imaginé à toutes le sexe et la technique. Celles-ci se rendent aux exams, au bac peut-être, un bac marchand, un bac de montagne. Ou de secrétariat. Je repense à ces filles agglutinées chacune avec son mec sous les porches d'Oloron-Sainte-Marie, le dimanche soir avant le retour au pensionnat. Le soir ce serait chacune sa chacune... J'ai toujours trouvé ça vachement bien d'être une fille... Une toute petite avec du rouge dans les habits monte dans le car, elle me sourit, comme quoi il y a des vieux qu'on trouve sympa, même et surtout sans coucher. Mes seuls succès féminin, à tout âge d'ailleurs. N'empêche que j'étais bien satisfait en arrivant à la gare du Puy. Les bavardages devenaient un peu passe-partout. Des garçons aussi étaient montés puis redescendus; plus jeunes, plus ternes, balourds. Comme engoncés. Considérant leur sexualité comme sale.

    Et j'ai dit au revoir au chauffeur, arrivé là trois bons quarts d'heure d'avance sur la correspondance de train. Consigne inefficace (les fentes à pièces encore en francs, inutilisables). Puis vers huit heures est venu vers moi un employé, jeune et nettement maghrébin, qui m'a emmené

    non loin de là pour signer le contrat de location de voiture. Etrange spectacle au bureau. Le petit Marocain remplissant des papiers, me réclamant obséquieusement documents et garanties, fébrile sous le regard de son petit singe de petite entreprise qui paradait au téléphone, le ventre en avant, le verbe haut : plus un véhicule disponible jusqu'à Brive, et de pérorer sans fin ni trêve. Une secrétaire toute grise et toute briméee. Je me souviens pourtant que le petit Arabe m'avait dit, avant d'arriver, que de "La Chaise-Dieu", j'aurais vite fait le tour", parce qu'il n'y avait "pas grand-chose à voir". Et la prière, connard ? et la campagne, et moi-même et - bon... pas brillant tout ça... Tous papiers signés, je me dirige vers un parking centre ville (après un fourvoiement dans une cour gravilllonnée), hoquetant par ignorance des passages de vitesses. Passée une zone de travaux bien bruyante, et parqué enfin, je suis monté vers la cathédrale ; c'est juste en face du Grand Séminaire.

    Figurez-vous que l'on célèbre, de temps en temps, au Puy, un jubilé, chaque fois que le jeudi de l'Annonciation coïncide avec la veille du Vendredi Saint (ça va toujours, Pujadas ?) : du début à la fin, saisissant raccourci de la mission du Christ... Du vrai Léon Bloy... J'ai vu trois prêtres se suivre en grand apparat d'aubes et d'étoles. Je ne me souviens plus de cette visite du vieux Puy. Des rues qui descendaient, du pittoresque assez convenu sans doute. Je m'attarderai davantage sur un incident prouvant ma stupidité, car j'en raffole. Sur la place du Puy face à l'Hôtel de Ville, après avoir évité un gitan roumain qui en voulait évidemment à mon pognon avec un journal à la main, je fais vraiment connaissance avec ma voiture de location.

    C'est la première fois que je possède des vitres à ouverture automatique. Mais je ne sais pas les refermer. Il faut éviter le gitan, qui ne manquera pas de me reharceler. J'avise un quinquagénaire avantageux, avec moustache blanche, très séducteur, homme à femmes. Et puis je l'ai déjà vu quelque part, à la télé, au cinéma, sûr. Il me montre le mécanisme avec étonnement. J'appuyais au mauvais endroit. Il croyait peut-être se faire draguer. Je m'imagine toujours environné d'homos. Il faut croire que ça me rassure. Et me voilà parti vers La Chaise Dieu, ça monte, forêt de sapins, forêt de sapins. Ma seule émotion est de m'imaginer apercevoir, au sommet d'un pli de terrain, le petit bourg dominocathédrain (“de La Chaise-Dieu ?” là c'est moi, le Pujadas.) L'hôtel ridiculement intitulé "du Monastère et Terminus" se présente à moi dès le premier virage. Toute sa devanture, à l'extérieur, est occupée par des sculptures de champignons en bois, d'environ 60 cm de haut. Puéril. Je me dirige à la réception, où une femme interrompt une conversation pour me recevoir. Je dis avoir réservé quatre chambres - je rectifie aussitôt : une chambre pour quatre jours.

    Je m'aperçois que la chambre en question, comme les autres, vides, du couloir, ne correspond pas au label deux étoiles : pas de fenêtre, une simple tabatière avec vue sur le ciel, une dimension riquiqui (mais je m'y attendais). Le site internet s'était bien gardé de me préciser cette absence de normes. Mais je suis si content malgré tout d''atterrir dans une petite boîte blanche très lumineuse, rien qu'à moi, que j'acquiesce. Les prix sont d'ailleurs triplés pour la durée du festival, fin août. Des musiciens ont dû se branler là, dans le lit à deux places, et plus si affinités. J'ai dû m'étendre d'abord, puis me suis promené vers l'abbatiale, en prenant par le haut, par la nationale. Nous étions le 7 juin, je consulte le carnet. Voici ce que j'y ai noté : le hall de l'hôtel-restaurant est couvert d'inscriptions comminatoires et discriminatoires. Les chambres sont à prix réduit pour ceux qui passent ici au moins trois jours et qui acceptent de dîner au restaurant. On est prié de ne pas faire trop de bruit après 22 h. Et ceci, et cela. Surtout, deux articles affichés là sont lus par moi in extenso. Il s'agit de la carafe ou du verre d'eau fournis à la demande par le restaurateur en sus du caé ou du repas. Ce verre d'eau n'est pas obligatoire, nous prévient-on. Il s'agit là d'une coutume italienne, qui n'a pas lieu d'être ici. Certains ont même facturé la carafe 5 francs ! Le tout accompagné de rappels de jurisprudences à propos de procès engagés à ce sujet.

    Eh bien ça ne donne pas envie de manger ici, bien qu'il soit précisé que l'eau est fournie gratuitement ; on rappelle simplement que ce n'est pas obligatoire. Et qu'il ne faut pas prendre les hôteliers pour des esclaves. Et que dans un restaurant gastronomique, le service ne peut pas être aussi rapide qu'ailleurs, qu'on y est débordé, qu'on doit fermer tôt parce qu'on ne peut pas ranimer le feu de toute une cuisine juste pour une table de bouffe-tard, etc. Je ne sais pas les ennuis qu'ils ont dû avoir avec les clients ici, mais ça devait être pittoresque. A la Chaise-Dieu, il faut saper pour assister au festival ; disons qu'une tenue de ville plus que correcte est vivement recommandée, voire des tenues de soirée.

    Alors quelques snobs de Paris ou de Londres ont dû se prendre pour des V.I.P. à larbins... A l'abbaye donc, visite payante, examen minutieux de toutes les tapisseries, forme d'art que je n'apprécie pas particulièrement, mais j'ai suivi scrupuleusement la description du prospectus. Bon, une église, c'est une église. Toujours aucune émotion. L'âge. La Danse Macabre est dans un état de délavement inquiétant, aucun éclairage, cela semble au-dessous du médiocre et du convenu. Enfin j'aurai fait mon boulot. Au retour, passant devant la caserne des pompiers, je monte en marmonnant (je parle seul) la pente vers le Signal Saint-Claude, sous le soleil. Je me sens âgé,

    fatigué. Le sommet n'existe pas, c'est un sous-bois clairsemé de fougères détrempées, je m'assois sur un banc. Je m'étends sans doute, comme je fais souvent en voyage, comme ma femme le fait en temps ordinaire chez elle. Je lui envie de pouvoir s'étendre ainsi à tout bout de champ pour "faire le point". Et je veux faire quelques provisions au supermarché d'Arlanc, Puy-de-Dôme, en bas de la pente, comme y invite un panneau publicitaire.

    Un bled quelconque, fourmillant de panneaux annonciateurs de ce fameux supermarché, mais tellement mal conçus que l'on rate sans cesse la bonne rue. Je tourne dans le village. Et comme j'ai eu plus que la flemme de continuer, cette errance s'arrête là.

     

    VERS GAVARNIE 09 08 2055

    Ces dates sonnent faux. Depuis l'an 2000, leur énoncé ne m'évoque plus qu'un quelconque jeu stérile de nature mathématique. Une espèce de répertoire téléphonique. Et non plus cette substance vitale, cette épaisseur qu'on ne palpera plus deux fois : 09 08 55, 05 02 52, cela sonne irrémédiablement faux. Jusqu'en 1999, c'était encore l'ancienne vie, la vieille succession des mois et des années, il y avait un avant, un après, un plus tard encore – désormais le temps est devenu arbitraire. Ce sens-là pourrait aussi bien être l'autre, cette succession-là n'est pas plus nécessaire que cet ordre-ci. "Zéro cinq", c'est aussi bien le mois que l'année, cela ne veut plus rien dire. “Quatre-vingt dix-huit”, c'était bien net, cela ne pouvait en aucun cas désigner un mois.

    C'est d'abord une longue traversée des Landes, sur une route à quatre voies, sans rien qui vienne agrémenter la monotonie du voyage, malgré le plaisir de la compagnie, car il s'agit d'atteindre un but : Bussunaritz, lieu de résidence de G. L. Le véritable but du voyage, qui est jele répète solitude et moi-même, ne commence qu'après libération de politesses, de conventions. Nous n'avons jamais voulu lui et moi véritablement discuter, cela nous mènerait trop loin, sur des terrains bien plus conflictuels et douloureux que nous n'imaginions peut-être, il ne nous reste plus qu'une vingtaine d'années à louvoyer. Le plus dur est fait. Nous resterons sans doute indifférents jusqu'à la mort.

    Bref, le 7 à 13 heures (j'avais vu du coin de l'œil la table mise mais je n'étais pas (heureusement) invité), j'atteignais, parole de châtaignier, le dessous du col d'Osquich, où j'avais déjà passé la nuit deux ans auparavant. Puis Musculdy, Mauléon (je n'ai jamais repéré "Licharre"). Grosse chaleur et fatigue. Je lis à l'ombre sur un banc, un banc de pierre au grain très raide, puis m'y

    allonge à la clocharde, un bras par-dessus tête. Un banc moins ombragé que les six autres, occupés par des scootéristes. Mes cheveux longs me font éviter les gens. Il n'y a plus personne ou presque à en porter aujourd'hui, les hommes arborant d'affligeantes tenues de facho à hurler de laideur. Je ne veux passer ni pour homo ni pour pédophile, ce qui est difficile : face à moi, derrière une clôture symbolique, se trouve un jardin d'enfants, avec tout ce qu'un enfant normalement constitué peut souhaiter en tant que jeux ! Petits sièges à ressorts en forme de canards, toboggan, filet à grimper... Il y avait là un petit garçon à voix stridente, comme tous les petits garçons. Ecris mon ami, conjure le sort, le petit chat est mort, mon tendre bouffon aux muscles si tendus, il a sauté de nuit dans le jardin d'autrui, flèche d'or, il a sauté pour ne plus jamais retomber, je ne l'ai plus revu, il est désormais suspendu dans le ciel où il règne parmi tous les chats perdus, je poursuis : le petit garçon progressait, le grand-père chronomètre en main disait "Tu peux mieux faire", il faut encourager les garçons à être compétitifs, et je ne pouvais pas dormir à cause des cris, j'ai regagné mon véhicule, constatant à proximité la présence de policiers municipaux : avertis ?

    Je suis reparti, il fallait que je prenne un bain froid, comme l'écrivait quelque auteur caricaturé. Moi aussi je tombe plein pot dans le travers autobiographique. Je suis (ici manque le mot "certain", à même le manuscrit) d'avoir perdu mon chat, si bondissant, si souple (retrouvé depuis, vivant). A quoi servent tant de vies gaspillées, où s'accumulent-elles ? Où sont les piles, les batteries, rechargeant incessamment les sources de vie ? Arrivant à Tardets-Sorholus, j'ai constaté une fois de plus à quel point ce n'étaient que maisons jetées au hasard, en ces temps de villages anarchiques. J'escaladai le calvaire local, tout en haut d'une pente raide, véritable chemin de croix. Et j'ai poursuivi, montant plus tard vers Ste Engrâce, craignant d'essouffler mon moteur, que mes petits budgets ne permettent point de bichonner.

    Demi-tour à mi-pente, après ces encombrements de touristes autour d'une église excessivement signalée, ôtant l'occasion de tout recueillement, fût-il de commande. Je suis redescendu vers Montory et trouvai à Lannes-en-Barétous une chambre cubique et bleue passé pleine de mouches et d'odeurs suspectes ou bovines, c'est tout un. La patronne ce soir avait l'œil tout exophtalmé, d'alcool sans doute, et je la soupçonnais d'obsession sexuelle. Je me suis trouvé beau et je l'ai montré, elle me guidant vers ma chambre après avoir ôté son tablier, « Il faut bien tout faire n'est-ce pas Monsieur ? » - je ne sus trop que répondre à cela. J'ai consommé de la garbure et d'autres mets en abondance.

    Une autre femme aux traits sévères et pathétiques me servit sur fond d'exaspérante boucle musicale, de six ou sept morceaux, où revenaient sans cesse de braves gars alternant en leurs chants basque, espagnol et français, sur accompagnement de vieux bal de campagne. Et je lisais du Frédéric Vitoux, L'Ami de mon père, prenant soin de bien m'interrompre au moment de goûter, pour démontrer à quel point j'appréciais le repas. Mes convives furent d'indifférents Flamands, aux deux enfants très blonds et très bruyants. Du flamand de Belgique, tout édulcoré tout morne. Et quand ils sont partis, ce fut un jeune marié, tout brun, à boucles brunes, qui tourna son index en l'air en imitant le bruit de la mouche qui vole. Il était beau et le savait, lui aussi, je reconnais les hommes qui me plaisent, même flanqués d'une épouse, d'un bébé silencieux enfoui sous les linges et le cercueil technique de ces poussettes d'internautes vendues à présent. Il y avait aussi trois vieux : le père Samuel, à un bout de table, et Myriam, la mère. Le jeune père, Jeannot, m'a souhaité dehors une bonne fin de soirée. Je suis allé me promener la nuit tombée dans le village, m'efforçant de ne point parler haut, m'étant cependant fait surprendre à commenter (à haute voix) le nombre des morts gravés sur les faces, en hauts trapèzes, du monument aux morts. Il y a toujours, en ces circonstances, méfiez-vous, soliloqueurs, deux ombres assises dans l'ombre, qui vous entendent, et vous jugent, dans leur désœuvrement, hautement ridicules.

    (Ici, changement de style) “Or ce qui importait, ce soir-là, c'était qu'Annie me rappelât, lui ayant appris que le 27 juillet son propre oncle Janot (lui aussi) était mort, et qu'on l'avait incinéré le 31, alors que nous n'avions été prévenus (moi seul) que le lundi 7 août. Cela s'était passé dans la plus stricte intimité, une incinération, comme on tire une chasse, puisqu'à présent la mort n'existe plus, certains se faisant même disperser en mer. Les cendres de l'oncle étaient conservées par sa femme, attendant leur transfert au Bouscat dans le cimetière de famille. Annie à l'autre bout du fil s'exclamait « Oh non... Oh non... », quoiqu'elle dût s'y attendre, le cœur de l'oncle peintre, et musicien, battant depuis longtemps la chamade.

    “Il avait les mains déformées, ne pouvait plus ni peindre ni jouer. Mais la Simone depuis bien longtemps l'avait contraint de ne plus peindre, parce que c'était trop salissant... Et je me suis renfermé dans ma chambre d'hôtel, « avec le sentiment du devoir accompli ». Mon Iris ! Mon Iris ! Je ne dois pas pleurer pour un chat, je voudrais lire le journal de Léautaud, mais je n'en aurai plus le temps. J'avais averti Annie comme il fallait, lui laissant le temps de revenir de S. où elle séjournait avec son amie. Elle n'eût pas apprécié, me dit-elle au téléphone, que je différasse davantage la nouvelle de la mort de son oncle et parrain, qui favorisa l'éclosion de sa vocation picturale : elle proposait ses dessins, il l'épinglait sur ses défauts techniques. Le lendemain matin, après le petit déjeuner de l'hôtel, j'ai annoncé que je laissais « un de mes livres » sur la table de nuit. L'hôtelière aux yeux rougis d'alcool m'a remercié d'une esquisse de révérence, ayant bien compris que j'en étais l'auteur. Arette. Achat de dentifrice - « qui est-ce qui va vouloir acheter ça ? » - n'achetez rien, volez, lisez. Lourdios-Ichère col d'Ichère, promenade en descente et remontée, quelques nuages atténuant le soleil, quantité de petits incidents sans relief, quelques photos, pointe jusqu'à Accous. Je m'arrête devant l'église, que je pollue de ma silhouette automobile garée tout du long. Les employés de mairie viennent reprendre leurs véhicules, je traduis, de l'allemand, un texte à moi confié par Anne T.

    Puis je cherche un certain obélisque de Despourins. La carte, pourtant précise, ne saurait me tenir lieu de plan. Je demande mon chemin à une jeune fille toute fraîche, portant une gamine de deux ans sur le cou. Elle me prie de la suivre, ce qui m'embarrasse. Je l'entretiens donc, chemin faisant, de toutes sortes de choses, prenant garde que son fardeau déjà lui coupe le souffle. Une de mes questions l'interloque : « Vous êtes d'ici ? » Elle répond : « J'habite ici à l'année ». Je me suis rendu compte ensuite que ma demande correspondait exactement à la première phrase d'un dragueur de bal de bled. Nous nous sommes trouvés très agréables. Elle m'a indiqué « une grimpette » pour laquelle elle n'était pas équipée. Et de fait, le long du sentier encore horizontal, des torsades de papier métal figuraient sur le sol une silhouette déjetée ; plus loin c'étaient des bouts de verre fumés, qui évoquaient des sortes de daguerréotypes. Puis le chemin butait sur l'entrée bien barbelé d'une prairie : « Défense d'entrer », avec panneau de sens interdit, e tutti quanti.

    ...Comme le sentier se poursuivait sur main gauche, à peine perceptible mais bien raide, je me suis hissé là-dedans, lentement, par chance à couvert du soleil. Parfois le terrain s'effondrait sur ma droite, vers la prairie que masquaient les broussailles, parfois je pataugeais dans un écoulement. Longtemps après, le sentier s'acheva d'un coup contre un tronc d'arbre, comme un frayement d'ours perclus de démangeaisons. Du coup je craignis d'en rencontrer un vrai. Je fis pour le retour un long détour, postai deux cartes, et redémarrai au sein d'un gros dégagement de vapeurs bleues puantes. Sarrance. Excellente église. Annonces de spectacles inégaux, tantôt de grands solistes dignes de St-Bertrand-de-Comminges, tantôt de chorales patoisantes. J'entre. Pénombre bienfaitrice, propice à la méditation molle. Pour éclairer et sonoriser les fresques, introduire 1 € dans la fente. Dans ton cul, curé. Les gens de l'époque n'avaient pas besoin de projos. Les ombres célestes et dorées veillaient sur eux du fond de leur cul-de-four comme des silhouettes de bovins réchauffeurs. Je prends en photo un naïf berger en jaquette XVIIIe car ce siècle présenté comme libertin fut très croyant, dans les campagnes où la foi résista, jusque dans les années 1950. A partir de cette date, et plus encore après 68, la croyance fut assimilée au fascisme, et nul n'osa plus. Quand je sors, trois touristes, ignares en famille, se fendent d'un euro dans la fente. Horreur ! Trois fois ! La fresque est éclairée, mais se déverse dans les oreilles une chorale béarnaise à mélodie médiocre, aux voix appliquées, niaise et démago. Alors qu'il eût été si congruent de miser sur quelque bon vieux Bach ou Haendel, ponctuant un beau commentaire gravement émis. Je ressors en pestant à part moi, ayant appris pour me consoler que Ma Grosse Bite de Navarre, sœur d'Anchois Pommier, avait ici séjourné, rédigeant plans et brouillons pour son Heptaméron (12/20 en licence, ma femme sortie avant la fin). Avant cette visite, j'écoutais Goering dans le texte ; il exposait sur France Culture les projets du parti nazi, tandis que je mâchais des biscuits secs. « Mon père », dit Vitoux, « rédigea des milliers de pages de journal ». Quelle infime partie de ceci franchira l'avenir ? J'arrive à Escot, déterminé à franchir, faute de mieux, le col de la Marie-Blanque. J'y avais renoncé l'an dernier pour automobile toussoteuse, en est-ouest. Aujourd'hui, en ouest-est ! How exciting ! Au sommet, véritable tapis de touristes, ça saucissonne tous azimuts : le col forme clairière, des petits malins s'engagent dans un sentier montant, car ce n'est rien d'avoir franchi un col, si l'on n'a pas tant soit peu piqué sa canne sur les pentes avoisinantes. Se dresse là une stèle, vague et grandiloquente, inaugurée en juin dernier, sur l'aide apportée à la Rrrrrésistance par « les glorieux débris de l'armée espagnole » (Bossuet), des vaincus cette fois. Y eut-il donc à la Marie-Blanque de glorieux combats, à tout le moins des parachutages ? Que nenni. L'on a dû ériger cette stèle en cet endroit parce que ça culmine, et pour complaire à toute une brochette d'élus ci-gravés, qui ont bien dû se faire chier à grimper là-haut dans leur costume-cravate pendant que le vent leur soulevait les basques.

    Et comme je suis encore le moins con, je me retape assis sur un talus un bon exercice d'échecs. En revenant, je détourne les yeux sur la gauche, pour ne pas voir juste au-dessus de moi un gosse de dix ans qui me pisserait bientôt dessus à travers fougères et rameaux, en faisant bien briller la pisse dans le soleil. Autres touristes à Notre-Dame de Houndaas, arrêt à Bielle : un monument aux morts qui serait si poignant pour peu que le sculpteur eût possédé le quart d'une idée

    subversive : la mère Patrie, endeuillée, qui tend au-dessus du casque une couronne de laurier. Je prends des photos, un peu déçu tout de même : c'eût été tellement plus cinglant si ç'avait été une mère qui rajustait un cache-nez à son fils : « Et ne prends pas froid dans les tranchées!  - Ne t'en fais pas la vieille, ça chauffe là-haut.

    Peu d'humour en ce temps-là. Je me paye un cours d'hébreu en plein air, sans parler trop fort, pendant qu'un blaireau s'aère l'habite -acle toutes portes ouvertes sans descendre de son coussin de cul. Puis Louvie-Juzon, Mifaget, Asson et Nay. Me voici dans une chambre d'hôtel à Nay (prononcer "Naÿ"), face à la glace de l'armoire. Je me trouve beau, plein, noble, intéressant, et j'aimerais me prendre en photo, mais si je vise à bout de bras, au hasard, je risque de m'estropier, ou pis, de me décapiter (ce qui s'est produit en effet). Je vis encore sous la sentence extraordinaire de Max, un ami, qui n'a point fait d'études et me juge souvent insupportablement pédant. "Tu vis", m'a-t-il dit, "dans l'atmosphère, le projet, la permanence justification d'un regard sur toi. Il faut que tu sois regardé, non pas " - il se reprenait – "à la façon d'un cabotin, ou d'un bouffon, mais en ce sens que tu ne peux te retrouver, te trouver, que dans le regard d'autrui." Il ajoutait que c'était là bien moins du narcissisme qu'une constante marque de manque de sûreté de soi.

    Depuis que Max m'a dit cela, je me sens justifié, car la question pour moi ne se pose plus de savoir (à l'instant je me photographie, de biais) s'il est bien ou mal de me soucier ainsi de moi et de mon image, mais de la façon dont je puis mettre le mieux en pratique cette perspective constituante ; imagine-t-on un Rembrandt s'interrogeant sur sa vanité, au moment de tracer l'un de ses étonnants 63 ou 64 autoportraits ? et y renonçant, crainte de ridicule ? Me voici donc libre de me trouver suprêmement intéressant, et d'y fouiller à fond. Je suis déjà venu à Nay. Mon compagnon d'internat Esquerré venait de là, "ce doit être à présent un pépé comme moi". Je suis arrivé ici, Hôtel du Béarn, suite aux indications hautaines ("Ce n'est pas un hôtel, plutôt une" (un temps) "une pension") d'une bistrotière dont l'établissement, sur le foirail, portait encore l'inscription défraîchie "HÔTEL". Visiblement, elle ne me recommande pas trop cet "Hôtel du Béarn", "ici à Naÿ" (on prononce donc "Naÿ") ; "mais autrement", s'empresse-t-elle d'ajouter, "il vous faudra descendre sur Bétharram et Lourdes" – plût au ciel ! se faire écorcher dans les cités de la Vierge ! Dieu merci, après le pont, dans un tournant, j'avise l' "Hôtel du Béarn", qui en effet ne paye pas de mine. Une charmante vieille dame sèche, ce qui signifie d'à peine plus de quinze ans que moi, m'accueille et m'informe que oui, je peux profiter d'une chambre ce soir.

    La bistrotière quadra snob n'avait pas menti : c'est en effet une pension, nombre de vieux y séjournent, eux aussi, “à l'année”, dans un confort antique. C'est vaste, haut de plafond, j'affecte la rondeur pour annoncer l'arrivée de mes valises portées par moi-même depuis le parking de l'hôtel, de l'autre côté d'une rue bien passante. Heureusement, ma chambre donne sur les arrières, sur une cour à galerie interne, dans une petite chambre sans télé - malgré tout : hélas ! – d'où me parviennent du rez-de-chaussée des voix séniles et appliquées, parlant des inconvénients du déambulateur. Sans oublier ceux des neuroleptiques... J'espère simplement que les parois de ma chambre sont assez épaisses pour absorber ces répugnants ronflements de vieux.

    Ils vont bien devoir me devenir familiers, d'ici très peu, car j'espère bien devenir l'un d'eux, et que l'émoussement des agressivités pourra me faciliter, enfin, in extremis, quelque insertion sociale - ne rêvons pas. Et tous ces préambules formulés, venons-en aux commencements : au commencement était la jeunesse, ma fille de 33 ans, et son grand fils de 16. L'angoisse de la mort. Plus tard, pas si tard que cela, j'aurai une surabondante compagnie féminine, qui ne pourra plus rien faire, à qui je ne pourrai plus rien faire, mais pleine d'attentions et de tendresses. Ce sera chouette, ce sera dérisoire, ce sera trop tard. Allant pour passer la porte (j'adore les déambulations crépusculaires dans ces trous provinciaux, je me ravise : je préfère le menu de l'hôtel.

    Dans la salle à manger, telle quelle depuis 1960, je vois arriver la femme à la diction ralentie, et son vieux que je ne verrai que de dos. Ce repas sera silencieux, non pas sépulcral mais recueilli, très propre, sans bruits de bouches. On entend absolument tout. Le couple ancien sait que tous les mots qu'il pourra prononcer sont entendus par moi, qui suis à l'affût le nez dans ma soupe (j'en reprends). Peut-être n'ont ils aussi plus grand-chose à se dire. Qu'est-ce que j'en sais ? La patronne, plus jeune qu'eux, les appelle devant moi "mes petits pensionnaires". On est toujours les petits vieux de quelqu'un. Et même s'il n'y a que du croque-monsieur réchauffé au micro-onde et une glace en cornet de plastique visiblement rescapée du congélateur (le menu ne me sera facture que 10 €), je me régale dans une ambiance absolument surréelle, car silencieuse, et respectueuse. Ce n'est qu'ensuite que je passe le pont à pied, mes clefs en poche, et que j'erre lentement dans les rues de Nay, Béarn. Cette fois-ci je ne descends pas au bord du gave, où je lisais l'an dernier je crois bien l'histoire bien compliquée de Clotaire II, roi de France. Je m'assieds seulement sous un projecteur, au pied du clocher de Saint-Vincent. Il s'agit d'un ouvrage en gros caractères, pour vieux, emprunté à la bibliothèque municipale de Mérignac. Mon Dieu, qui est-ce qui va bien vouloir acheter ça ?

    L'histoire me passionne, car elle parle d'un père plus ou moins collaborateur, et de son fils, qiu a mon âge. Ce fils, en 1961, âgé de 16 ans, fait connaissance d'une petite salope d'allumeuse américaine du même âge. Ce jeune homme, plus tard ce sexagénaire qui recontemple son passé, c'est moi. Puis je me promène, sans conviction, très lentement. Ce n'est que depuis peu que je me promène si lentement. Je rumine sans trop savoir quoi. Je jouis de chaque pas. Et en rentrant, coincé entre le transistor et L'ami de mon père de Frédéric Vitoux, je m'achemine vers le sommeil. Auparavant, j'aurai eu le plaisir d'entendre, au rez-de-chaussée, une Italienne demander une chambre, se la faire montrer (elle donne sur le balcon de la cour intérieure), et se faire rejoindre par son motard de mec ; dommage. Et la nuit, ils n'ont pas baisé : trop épuisé par un voyage à moto. Ça ne tient pas sa langue, un vieux.

    Ça commente tout, et la cour raisonne. Le matin, j'ai laissé mon roman Omma sur la table de nuit, au cas où des petites vieilles y jetteraient un œil. Extraordinaire étape, où je me familiarise avec ma vieillesse à venir, où je m'apprivoise à une proximité de la mort qui ne semble pas affecter outre mesure (que sais-je après tout de la vieille à diction ralentie) les personnages qui déambulent et vivent là. J'en trouverai de sympathiques, et nous nous parleront à peu près spontanément, de même que des enfants s'abordent volontiers autour des bacs à sable et que se nouent de puériles idylles... Et j em'en vais, pas très loin, le matin, à Coarraze, épaté comme tous les touristes de surprendre ainsi le quotidien d'animaux si exotiques, les habitants de Coarraze, dont le château (berceau d'Henri IV) n'ouvre que l'après-midi (je m'en aperçois en cheminant aller-retour par la grand-rue fâcheusement dépourvue de trottoir, mais l'espace manque ; il faudrait tout démolir ; mais alors, pourquoi marcherait-on ?).

    Et comme je suis un peu blaireau moi aussi, j'obéis à l'injonction d'un panneau de pub : tel grand magasin, Arudy. C'est là finalement que je la fais, ma leçon d'hébreu, à l'ombre d'une de ces poubelles à tri de bouteilles ; et je pouvais articuler bien à l'aise. Avant de trouver ce refuge à l'ombre, j'avais abondamment compissé un montant de tôle à l'arrière du supermarché, tandis que dans mon dos, sans oser intervenir contre le pisseur, une gardienne à chien-loup passait bien raide en vitesse. Honte. Et bouffe bien lourde, comme j'aime : bananes, Yoplait, Buzy (rate le dolmen), Buziet, Ogeu dont j'ignore s'il se prononce Ogeux ou bien Oju. Et comme il fait bien chaud, et que l'heure avoisine les 15, je me fixe d'office la première église venue, à condition de la chercher. Il n'y a rien de plus beau que de bouffer comme un malade, le coude gauche dans une jardinière de géraniums, les yeux fixés à travers le pare-brise sur un portail typique Napoléon III soit parfaitement atypique, et d'écouter Dieu sait quelle musique classique de remplissage pour la bonne conscience. Demi-tour devant la colonne « Marquisa ».

    73

    ARAGON SANS CASTILLE, NAVARRE et autres lieux

    823. LE CORPS HUMAIN EST LE PLUS HAUT SYMBOLE DE LA BEAUTE

    ISADORA DUNCAN

     

     

    Ce soir, Halloween. Je n'ai eu que des soucis d'ordres mineurs ; comme un sous-diacre. Ainsi à Saint-Jean-Pied-de-Port, les supermarchés n'ouvrent qu'à deux heures trente, afin que tous les restos puissent bien bourrer à roter tous les amateurs de cuisine basque. Saint-Etienne-de-Baïgorry. Rue étroite, très longue, tortueuse. Il m'a bien semblé au mouvement des lèvres qu'une autochtone conductrice a murmuré « Qu'est-ce qu'il fout celui-là ? » - malgré mon pas ralenti, mon absence de regards en l'air (si caractéristiques des touristes, je fais bien attention ; prendre l'air indifférent, éventuellement assimilable) ; mais d'autres habitants m'ont souri. J'ai acheté des confiseries.

    Poussé jusqu'à l'église : magnifique intérieur à trois rangs de galeries en bois, jusqu'en haut. Accès interdit. J'y suis monté quand même et les planches ont cédé, les trois étages se sont effondrés de chaque côté, dans un affreux enchevêtrement, où Dieu sait quel court-circuit a déclenché l'incendie où j'ai péri coincé. ...Pour visiter, j'ai remisé mes cacahuètes au fond de mon sac d'épaule. Des panneaux sur un pilier de bois : « Veuillez respecter le silence dans cette église » : les Basques tiennent leur langue ; pas les touristes. « Interdit de monter les trois marches de l'autel » – introibo ad altareDei. Je suis revenu de là-bas très lentement, cou tendu comme une tortue sur mes épaules disproportionnées.

    A présent un parking de supermarché (contraste ! vu ?). La vendeuse m'aide à trouver un triangle (pas le sien) réglementaire et le gilet, la caissière me confirme que je suis le premier client (les seules rencontres de mes voyages sont, qu'on ne s'y trompe pas, les commerçants, seuls recours des « troisième âge » même sédentaires ; je ne parle, ne désire parler à personne d'autre ; ça ne m'intéresse pas, de parler. Col d'Ispéguy. Je fais un effort pour commenter ces grands pans d'ocre où se faufile une route de flanc, comme un tracé de bête dans les fougères basses. Flânerie à 40 kmh. Des Français redescendent vers leurs gîtes. Côté espagnol, la route devient mieux entretenues, plus larges, mieux liserée de blanc.

    J'arrive à Elbete. Petite église au soleil, mangée d'ombre. Accueil bruyant d'un chien enfermé. Je tourne avec mon appareil numérique, ignorant si je photographie, ou non, pas de déclics, ces maniements contemporains me passent au-dessus de la tête. « Madame, je fais la même

    chose que vous mais ça ne marche pas » - réflexion la plus courante, et de loin, dans les stages d'informatique... Ça ne doit donc pas être si « logique » que ça, comme ils s'en vantent tous avec des mines gourmandes. Et méprisantes. Pour le connard qui débute. Elbete n'ouvre pas sa porte, vernissée, d'église. Un banc de pierre suit l'intérieur d'une courette abritée. Ils se mettaient là côte à côte et cul à cul, estimant leurs biens, leurs filles. Photos. Photos. Très, très lent. Un trinquet peut-être : « passe » et « manque » (falta) sur le fronton - rebond à gauche, rebond à droite ? pas de joueurs...

    Je m'assieds sur un banc de bois pour lire Nicolas Bouvier, lui-même sur le Turkestan... A l'intérieur d'un voyage, un autre en abyme ; voir de près banalise ; d'où la nécessité d'un redépaysement. Repartant d'Elbete je m'aperçois soudain à l'entrée d'un tunnel routier (je pense à Charles VIII, roi con, qui franchit une porte basse au grand galop : mort en plein front) - que mon compteur (enlevez le m, reste « copteur » - imaginez : toutes les indications de mon tableau de bord en copte... - d'essence est à zéro : comment se peut-ce ? Merak ediyorum : « je faisétonnement », « je m'étonne » (ça, c'est du turc). Les routes en descente sont particulièrement traîtresses : on se retrouve en survitesse, dans un vertige endormeur. Qui débraye se fend la gueule dans le décor. Après un demi-tour en entourloupe sur une route camionneuse, je reprend malgré moi la direction de Pampelune ; parviens à un hôtel tout délabré, fermé, en aperçois un autre en face. Encore des risques. Le barman, jeune brun charmant, recopie mes trois prénoms sur ma carte d'identité ; je lui signale obligeamment mon vrai nom de famille. Ma chambre me plaît bien, le mec aussi, je lui fais greffer le téléphone sur ma chambre, il tambourine peu après à ma porte, je ne puis croire que ce soit ma propre porte, mais si, « Formez le zéro pour sortir de l'hôtel ! ». Je lui dis que je le savais.

    Il me dit en se frappent le front qu'il savait que je le savais, était-il bête. Il n'est donc monté que pour moi. Il me sourit. On s'encule. Mais non, c'est pour rire. Simplement je décrypte très bien les codes de séduction masculins. Pour les femmes, je n'a jamais décrypté rien de rien de rien. Une véritable calamité. (Comment voyais-je d'ailleurs, moi-même, à 23 ans, les sexagénaires ? certainement pas en tout cas comme des proies de plumard.) Après avoir fait je ne sais quelle leçon d'hébreu (toujours à faire l'intéressant ; « voyage dans le voyage », si l'on y tient ; à Carthagène déjà, en 93, par 41°, je chantais dans la rue déserte en faux « israélien » ; et à Reinosa, en 63, j'apprenais le portugais), ici donc, aujourd'hui, je suis allé demander el indicativo telefonico para Francia. Cette fois-ci à des vieux, de mon âge.

    Avec la lenteur sereine des rhumatisants, l'un d'eux m'a montré, sur l'annuaire : « 00-33 ». Ne pas composer après cela le « zéro » du numéro interne : j'ai la France, et ma femme au bout du fil. J'ai surtout parlé de moi. Un écho métallique m'a permis de m'écouter parler, au sens propre. Anne aima bien que je l'appelasse, et que je raccrochasse : trois jours loin de l'autre nous feront le plus grand bien. Tant de dizaines d'années pour devenir enfin ce que je suis... banal, mais c'est comme pour mourir : quand c'est pour soi, c'est toujours la première fois. J'étais, donc, un foutu flemmard Vous avez mis au point un sacré putain de moyen de ne pas en foutre une secousse, me disait Scherer, et ça doit remonter ! ... à vraiment longtemps... Oui, Scherer. Fin de la première journée, explicit primus dies.

    J'en profite pour insulter grossièrement les enculés du cul d'inspecteurs qui imposent jusque dans les bouquins scolaires le terme  excipit pour désigner la dernière phrase d'un livre, en opposition avec l'incipit, connement prononcé «  innkipitt », comme si on disait « un alboum », « un aquarioum ».  Excipit veut dire « il extrait », « il choisit ». C'est explicit, le verbe exact. Quand on ne sait pas le latin, qui ne sert à rien, qui fait facho, eh bien on ferme sa gueule. Claudatur suum cuique os.

     

    Premier novembre 2054

    A la demande générale de Jean de Bourges, tenons notre journal de bord. Sortant de ma chambre 103 virgule, je descends prendre un petit-déjeuner. Les serveuses empilent les coucoupes, sans contrepet ; cela forme des pyramides quinconcées très élaborées. Lorsque j'entre dans un lieu public, je suis toujours embarrassé sur l'attitude à adopter. Il paraît, c'est dans les livres (Guérir de la timidité en vingt leçons) que tout le monde, absolument tout le monde, se contrefout d'un inconnu parfaitement indifférent. Mais je sais bien, moi, foutus idiots, que si mon maintien ou ma grimace faciale diffèrent par trop de la norme, on ne regardera, on ne détaillera plus que moi. Avec vos conseils à la con. Donc je me présente au bar pour commander, malgré l'accumulation de tâches ménagères auxquelles semblent soudain soumises les donzelles de service. L'une d'elle enfin me dévisage sous le nez avec une attention respectueuse et soutenue : juste ce que j'imagine d'une mère, imaginaire, que j'aurais eue... Je comprends mal, on me suggère une tostada, « muy grande » (geste) (comme si j'étais crétin).

    Puis je demande une carafe d'eau ; la fille se fait aussitôt plus distante : un fauché... Pour l'enculer, ce sera une autre fois. Ayant constaté que mon réservoir ne fuyait pas trop, mais pas moins, j'ai pris la direction de Pampelune : de bons souvenirs de cathédrale – 88 ? 98 ? c'est lorsque les dizaines se mélangent qu'on est certain d'avoir atteint le vieux... - bref ! garé place Sarasate, violoniste oublié, après avoir ma foi presque raté la ville tant le réseau de contournement est efficace – je confirme, vous pouvez passer Pampelune sans vous en apercevoir) – du calme, du calme : tout restera inachevé – je marche à pied autour du Catedral (masculin, mas viril, mas macho), et après avoir bien tourné, viré partout, bien reconnu le cours au pied des arènes, bien tout vérifié, force me fut de constater que la cathédrale, et tant qu'à faire le musée aux Vierges, étaient fermés, parce que tout de même, c'était la Toussaint...

    Sans doute que pour Noël, pour Pâques, la Cathédrale de Pampelune est bouclée à double tour – sans parler de la Pentecôte : normal, c'est congé. Il fait 5°, bon nombre d'Espagnols se promènent au bout de leurs chiens, es la paseada de los perros. Sur un banc, je lis « Chroniques italiennes » de Stendhal (de même, je n'avais rien trouvé de mieux que L'Assommoir pour visiter Lisbonne en 2000, par 38° centigrades). Soudain voilà qu'un jeune bouledogue bien gras me bondit affectueusement sur les genoux. J'éclate de rire, la jeune femme à l'autre extrémité de la laisse me demande bien pardon, je suis écroulé, elle me quitte confuse puis se ravise et me tend la main, très inquiète, pour vérifier que je ne suis pas en train de sangloter de douleur ; ma foi je lui aurais bien claqué dans la paume, à la sportive, sperme inclus, mais l'inévitable mec moche est là, plus loin, avec le jumeau du chien.

    En repassant, il tourne la tête pour cracher, comme un clebs qui marque son territoire de la longueur de sa bite ; même pas peur. Après une brève incursion dans une église, où les confessionnaux tournent plein pot (cabines aux verres opacifiés où l'on se tient face à face ; en parler à ma psy), je repars vers l'est, je cherche le soleil en pleine poire. Je m'enquiers, avec un s, de la route dans un bled envahi d'enfants endimanchés (il se concocte Dieu sait quelle fête de patronage), enfin j'arrive route d'Urroz. Nadine Urroz est la petite fille de Monségur 47, en vente dans toutes les librairies si mes éditeurs avaient fait leur boulot (ce n'est plus la peine de me presser ; où que j'en sois la mort m'interrompra) (Il faut être Wagner pour se dire : Je peux mourir ; j'ai achevé mon œuvre ; la mort n'attendit pas trop longtemps. Il laissa tomber sa montre en murmurant : Meine Uhr !) ; à présent le monastère de Leyre domine la retenue de Yesa. J'y parviens par une pente bien raide. Et c'est là que je l'ai bien bichonnée, ma petite voiture, sans la forcer, d'une vitesse à l'autre. Arrivée sur parking, certes, mais « belle bâtisse belle vue ». Prédominance écrasante de véhicules espingouins - c'est qu'ils visiteraient leur pays, ces cons. Avec bébés, poussettes et débonarité bourgeoise. Mais pour visiter, makache, sauf à passer par la case restau, pour atteindre l'heure d'ouverture. Je me rabats donc sur la Fontaine des Vierges en contrebas. Et sur le panneau de signalisation je lis y de los gays - vierges de femmes, pas d'hommes, on rigole ! ...Labite – pardon ladite fontaine se compose d'un abreuvoir surmonté d'un robinet coulant tout triste et tout courbé. Pas gâtées, les vierges. Partout autour de moi j'entends la langue espagnole, pas mal canardière. Et je peux vous garantir qu'il s'en dit, des conneries. L'église « ne se visite pas », nous dit sur le seuil du bâtiment une charmante brune, à faire péter un moine. Et de nous refermer le porche sous le nez avec un sourire à claque. Côté recuerdos, même fermeture, même fille, qui a traversé le bâtiment, et monte dans la guinde à son inévitable mec moche. Mais le paysage est à tout le monde. Derrière la grille de clôture une belle tire de moine (de Père Supérieur ?), un chat qui miaule et m'apitoie : ne pas s'exciter ; le restau n'est pas loin. Un panneau multilingue invite les visiteurs à prendre garde, en ce lieu tout monacal, aux façons de se vêtir et de s'exprimer... Alors ma foi, dit l'incroyant, comme tout ici n'ouvre qu' à 16 ou 17 h, je renonce à gravir la pente vers la fontaine de San Virila (il en faut pour tous les goûts) et je me reconvoie tout doucement vers la retenue de Yesa ; sur un mur : ¡Yesa no ! Eh bien, Yesa que si... Le barrage fut bel et bien construit, le val ennoyé, le lac magnifique, d'un bleu terreux quasi méditerranéen.

    Tant pis tas de ploucs... J'aimerais admirer, ça défile, ça défile, je ne vois que de brefs remblais de dernière seconde, et lorsque je peux enfin me garer, je ne peux même plus contempler le lac disparu à tribord ni les cimes enneigées à (babord), c'est très exactement là où fleurit le plus de mocheté : une station service, où je me gave de sucreries (brûlant la politesse, pour le paiement, à un authentique automobiliste qui venait vraiment de faire le plein) ; plus : un abribus démoli, quelques végétations souffreteuses où je pisse d'une pine souffreteuse, plus : une sorte de cimenterie miteuse interdite aux personnes ajenas (étrangères) al servicio. Ce lieu idyllique s'appelle, retenez bien, Puente de la Reina de Jaca. Mais je n'ai pas poussé jusqu'à Jaca même, jadis dragué là-bas par une bigote (trop long à expliquer, je n'ai pas su en profiter ; la sainte confite a regagné bredouille son autocar).

    Par une petite route fraîchement aménagée, je me hisse vers San Juan de la Pena. Vitesse limite 40 kmh - à 41, il serait impossible de contrôler dans des virages lacets pareils. Les pointillés, précisent les panneaux, ne font que signaler l'axe (el eje) (de la carretera). Le Monastère Vieux se visite, mais l'accès au parking, exigu, en contrebas, ne m'est pas accordé par le Divin Discernement... Ménageant donc toujours ma monture, grimpant de courbe en courbe, je surgis en surrégime le long d'une muraille magnifiquement ensoleillée sur la gauche, Monastère Neuf du XVIIe, tandis qu'à droite se déroule une prairie bourrée de gens qui bouffent sur des tables à pique-nique. Sous les arbres le Seigneur m'accorde un miracle : parking gratuit.

    Honte pendant que j'y suis aux 3 € de parking de la ville de Q. en France, avec chiottes de chantier, les glaces à 4€ en agglomération ; ou au bourg de W. en C. où l'on rançonne le visiteur, qui bien entendu ne peut se rendre à pinces dans le village... Je suis déjà venu ici, mes années s'accumulent. M'étant garé, revenant à pied vers la façade sinistre du monastère, je me ressouviens à présent de cette bande de gamins de huit ans qui se trémoussait sur Dieu sait quelle horrible bande de rock, tandis que des curés branchés tendaient de long en large le coton de leurs soutanes, l'air de dire « voilà comme il faut désormais appâter nos recrues ». Avec du rock. On n'arrête pas le progrès, surtout celui de la connerie. A preuve ce tortillon artistique d'énorme ferraille au beau milieu de la cour d'honneur, déjà vu dans les avenues de Bordeaux (j'ai bien fait de voyager). J'entre à gauche. Inscriptions espagnoles qui ne me permettent pas de comprendre à quoi j'ai droit en achetant mon ticket ; je ne demande rien - flemme, timidité, indifférence, qu'importe.

    La boutique souvenirs me présente des ours sur plaquette, semblables aux animaux de ferme que ma vieille rapportait de Paris. Puis elle est passé de la ferme au zoo, et du zoo au cimetière. Patience. Je n'achète rien, mais je fais le tour d'un cloître fort laidement couvert et vitré, aux murs duquel pendouillent maintes toiles contemporaines. Le droit ou pas, j'en flashe quelques-uns (déformations à la Bacon). Il sera donc dit que je n'aurai jamais rien vu ici de médiéval ni de baroque. Je rejoins ma voiture au parking arboré. Un jeune con m'éclate de rire sous le nez : en effet, penché-tordu avec ma tignasse et l'air paumé du type qui ne retrouve pas sa guinde, j'avais dû me payer d'un seul coup une de ces gueules de clown qui me tombent dessus sans crier gare. J'ai gueulé en français : « Tu t'es vu ? » - mais ce connard ne comprend pas ma langue ; l'expression y suppléera...

    Il m'aura gâché toute ma redescente vers Bernuès, ce cabrón, où je reprends à fond mon antienne sur la saloperie du genre humain, toujours prêt à se foutre de la gueule des nègres, des boiteux et de tous ceux qui ont l'air con (réflexions qui m'avaient déjà accompagné la veille à pied, hors de propos cette fois, entre Espérua et Yarmoz : tronçon offrant de belles vues latérales vers Zabalegui, mais complètement massacré par des rambardes et du marquage blanc. Et marchant dans moi-même (du pied gauche, je ne vous le fais pas dire), je prenais l'exact contrepied du voyageur obsédant, Bouvier Nicolas, mort en 98 ; ils nous disent tous, ces braves bougres d'errants, qu'il faut se vider, se rincer de soi-même, pour aller vers les Aûûûûtres, qui sont de si bonne compagnie. Eh ien non. Pas du tout. S'il y a quelque chose que j'évite en voyage comme la peste, ce sont bien, très précisément, les autres. A quoi bon en effet récolter d'un pôle à l'autre, comme un vulgaire reporter de « Thalassa », ces exaspérantes doléances stéréotypées sur la misère, de la bouche de pauvres hères ou héressses dont le seul rêve semble d'acquérir un jour suffisamment de fric pour laisser choir enfin cette putain d'existence pittoresque, si exotique et (sanglots) menacée d'extinction, pour enfin, enfin, vivre et bouffer à l'américaine ? A quoi bon (dans mon cas) tomber sur des abrutis qui me zyeuteraient de travers parce que j'ai une gueule de fou ? les yeux surtout. Fixes et paniqués. Surtout quand je suis fatigué. « Arrête de me regarder avec ces yeux-là, Bernard, autrement ça va mal finir », comme disait un Arabe qui m'avait dragué toute la soirée à Manzanarès del Rey...

    Bref, si je voyage, c'est pour me trouver, puisque c'est de cela qu'il s'agit, et les vagabonds en demeurent d'accord ; mais au lieu de « se perdre pour mieux se retrouver gnagnagnère, se retrouver « autre », disent-ils, « totalement imprévisible », j'entends et prétends qu'il faut bien au contraire resserrer autour de son vide les maigres et disent-ils méprisables faisceaux de sa propre gerbe, que les autres, à domicile, ces fameux Aûûûûtres, tentent sans relâche de vous arracher pour y substituer Ce-Qu'ils-Sont-Eux-Mêmes. Sûr que si je les avais laissés faire, il ne me serait plus rien resté, tant ils sont persuadés de marcher dans le Vrai comme on marche dans la merde : c'est qu'ils ne me laisseraient ni une minute de libre, ces cons-là (do that ; and do that) – ni la moindre conviction debout, (« ah c'que c'est bête c'que tu penses, tandis que nous... »)- ils ne me laisseraient pas pierre sur pierre de moi-même !

    Voilà pourquoi j'ai toujours nié toute possibilité de transmission sacrée de bouche de maître à oreille d'âne de disciple. En voyage donc, loin de me perdre, eh bien je me retrouve, je rassemble autour de moi mes conneries comme un mourant qui ragrippe ses draps. Mes opinions débiles, mes préjugés, tout ce que je sens et pense, conforme à Bouddha ou non, je me le ressasse, tout en me répétant cette phrase sublime de Vipère au poing : « J'ai raison, parce que c'est moi. » Tandis que les autres, les Nicolas Bouvier (que j'adore, que j'admire), une fois lavés-vidés-rincés, n'ont finalement

    rien d'autre à me proposer que l'éternelle sérénité des Bouddhas de tout poil, la sempiternelle ouverture à autrui et à tous les vents, le sempiternel reliement (Bouvier relie encore la « religion » à religare) à l'éternel, au Silence, à la Nuit, à Dieu si l'on y tient – mais ce reliement, pour moi, est reniement : oui, un jour, je serai relié au grand Tout, impersonnellement, je ne souffrirai plus, au cœur du bonheur, de l'Etre-Néant voir plus haut, mais ce Grand Jour-là, mes braves prêcheurs, voyageurs, moines ou philatélistes, Narzissen ou Goldmünde, figurez-vous que je l'ai déjà vécu et le vivrai, mille ans devant, mille ans derrière : alors plutôt que de m'unir au grand Tout, ce qui à Nicolas Bouvier faillit coûter la raison, je me vautre dans l'imperfection, j'aime ma merde et je la justifie à l'infini, je fais tout ce qu'il ne faut pas faire, surtout si cela constitue la preuve des plus abjectes connerie, vieillesse et débilitation – Céline d'ailleurs (entre autres) se contredit, puisqu'il affirme aussi que la plus grande défaite et décomposition serait d'oublier, en particulier ce qui vous a fait crever...

    Après quoi je descends sur Huesca, m'arrête en plein virage pour photographier de mon siège Los Malles, qui sont d'énormes mils de grès rouge, lorsque les ultimes rosâtreries du couchant les effleurent encore. Et je me suis ainsi retrouvé à Murillo, où je fus déjà, été 92, pour une nuit. Le patron louchon, torse, cagneux, me tend un grand rond de bois marqué « 6 », après 50 kilomètres d'impatiente descente, si magnifique, si déserte. A présent dans ma chambre j'admire les poutres, sentant peu à peu la bonne chaleur du radiateur en fonte. La seule véritable fraternité, je la ressens devant la télévision, ou bien le transistor collé à l'oreille. Ces voix déformées venues d'outre-agonie de piles ne parlent alors que de moi, ne chantent que pour moi. Elles ont fait un effort pour venir jusqu'à moi. C'est un monde où les femmes sont amoureuses des hommes, le leur chantent, le leur crient, et chaque parole devient un conseil, une déclaration personnelle, une chaîne universelle, dont cette extraordinaire présentatrice chinoise polissant depuis le bout du monde son accent italien avec une telle volupté qu'elle en devenait l'incarnation, la féminité-telle-qu'on-l'imagine, mièvre, sucrée, souple ; plus caricaturale partant plus vraie, carément pédé, noyant, étirant la guimauve, la plus fascinante des italianités jaunes – delle gialle italianità. Puis la radio s'éteint, les ombres colorées de l'écran s'effacent, et je me retrouve dans le monde dur où les hommes se dérobent et font toujours des choses inattendues, ou pour me nuire, ou profiter de moi – some of them want to use you / some of them want to abuse you. A Murillo, je renonce à explorer le village aux rues étroites et rouges – en 92 déjà, la nette impression (toutes les vieilles sur leurs chaises) de violer une cour privée indéfiniment ramifiée ; le touriste, l'Intrus du Cul. En bas dans l'auberge, ça crie, ça cancane, à l'espagnole. Je redescends bouffer. La jeune et la vieille me servent.

    La jeune rubiconde et pataude, je lui demande une gigantesque et rectangulaire ensalada aragonese, dont je mange à même les tomates fermes et crues. Il n'y a qu'en voyage que j'aime les tomates crues, ce qui est de la plus haute importance pour vous, lecteurs. Puis un lomo de cerdo bien sec con batatas fritas. Deux euros l'eau minérale bande de porcs, et une noix de coco directo du congélo avec sa mouche toute gelée, pattes en l'air – les patrons croient si bien faire ! je ne dis rien ! Il y a un couple d'amoureux qui jacasse contre un mur dans mon dos. Je m'en vais sans rafler l'eau minérale - deux euros, ¡ maricones de mierda ! Programmes télé infects dans ma chambre. Où je me rends compte, scandale ! que le personnage important, de ce côté des Pyrénees, ce n'est pas Sarkozy, mais Zapatero.

    Ce sont les pilotes espagnols retenus au Tchad qui tiennent la vedette, et non pas les Français, bassement acusés de pédophilie. Le lendemain au petit-déjeuner plus que succinct les clients disent bonjour, on ne fait pas ça en France, sinon ils vous regardent comme des bovins puis tournent le dos en faisant : « Pffff... » - ça oui, ça, c'est bien la France ; et quand on vous croise, on vous toise du haut de son petit volant. Dans le Heraldo, pareil : personne n'a entendu parler de Christine Boutin. Ah comme les infos françaises deviennent petites ! province ! Et à la radio, des torrents de paroles, sur tous sujets, un débat permanent, la démocratie verbeuse, trente-neuf ans de franquisme pas encore guéris peut-être, mais « le dialogue », « le djalogue » comme diisait Djamel - ça va vite, je comprends apenas.

    ...Nous sommes le deux novembre 2007 au matin, Jour des Morts, anniversaire de Barbey d'Aurevilly – mort le jour de Pâques en plus le con. A Murillo ce matin, hôtel de los Malles, le patron ne se souvient pas de moi – c'est un comble ! « En 1992 ! ¡ noventa y dos ! - « ¡ Pero hay tantos anos ! » 17 années en effet. Il était déjà là. Je ne me souviens pas qu'il était aussi moche, vous voyez... Revenu sur mes pneus une journée entière pour fouiller ma chambre où je croyais , avoir paumé un appareil photo – à peine remonté que je retrouvais mon appareil coincé sous le siège... Voilà comment on rate Lisbonne... Avant de partir, je reviens de justesse rendre la clef à l'hôtelier : « ¡ No ès un recuerdo ! » Il a ri, reprenant figure humaine. Au lieu de sa bonne bouille rose d'enfant battu.

    Je ne peux pas aller plus loin : évasion calculée... Huesca se passera de ma visite. Mais pas le château de Loarre. Sans rapport évidemment avec Azay-le-Rideau. En 92 (car je reviens toujours sur mes traces), c'était fermé ; j'en avais fait le tour par l'extérieur, en chantant très fort, en faux français. Des mots, comme ça, hurlés, qui avaient l'air français, mais qui ne l'étaient pas. J'étais tombé par surprise, au détour du mur, sur un couple hilare et bienveillant - espagnol ? français ? Jamais su. Aujourd'hui j'y monte, en vrai. La pente est raide, je ménage ma monture : 40 à l'heure, l'œil sur l'indicatif de surchauffe, et le parquage à l'ombre. Encore fermé. Rien ne se visite ici avant onze heures. Je refais donc le tour du château. Des Français que je dépasse ne répondent pas à mon ¡ olà ! typiquement espagnol. Le Français a tout lu, tout vu, se blase de tout, parle du château d'un air entendu, commente l'accessibilité du chemin, avec l'air, mon Dieu, de ne pas avoir sous les yeux le plus extraordinaire château chrétien du XIe siècle, mais quelque chose de «pas mal... » Je grimpe en tirant sur les touffes d'herbe, comme un chimpanzé. Parvenu au sommet du ressaut, je m'aperçois que ce n'est pas mes poumons qui se sont essoufflés, mais, bien plus alarmant, mon cœur.

    Arrêt. Considération du versant ouest, parmi des éboulis buissonneux. Je dis : « Si j'avais vingt ans de moins, je le ferais ». Après un petit repos respiratoire, je monte à la porte de la chapelle, bien close au cadenas, puis une rampe redescend vers l'est à l'intérieur de la porte d'enceinte : je suis tout simplement en train de frauder le Ministère du Tourisme. Mes Français sont loin, échangent leurs réflexions de bon ton. Le petit doigt en l'air dans le cerveau. J'admire les tours « ouvertes à la gorge » (merci M. Eydoux, Les châteaux fantastiques ; celui de Loarre n'y figure pas). Quand je rejoins ma voiture par l'extérieur, à pas lents,

    « Après un long détour évitateur de vache »

    qu'est-ce qu'elle fout là - je consulte le panneau historique : une mule me dit-on, porte-reliques, a eu les yeux crevés, puis s'étant avancée au petit bonheur, perdant son sang, elle s'est effondrée en un certain endroit où Dieu voulut qu'on érigeât une église – il n'en était pas à une cruauté près. Les yeux intacts, j'hésité à mon tour ; c'est décidé : je reviens sur mes pneus par Ayerbe, et bifurque vers Santa Eulalia, Fuencalderas, Biel. Bourgades impénétrables aux voitures, serrées sur leurs châteaux ruinés. Des habitants qui ne le sont pas moins. Des chiens. Des bas-côtés le temps d'une photo, par-ci, par-là. Mes calculs : s'arrêter dans (tant ) de minutes, pas si évident sur des routes étroites. Je photographie “Luna, 25 km”, je ne m'en croyais pas si près.

    Enfin, je repère un buisson (le soleil espagnol, même en novembre, est redoutable) et je fais quelques pas sur les traces d'un tracteur, pas trop boueuses. C'est le silence, les feuilles dorées des peupliers se détachent en froissant. Du silence, surtout, par pitié. Rien d'autre à voir que les contours d'un champ, les ruines d'une ferme au travers des feuillages, et je m'arrête pour ne plus même entendre le bruit de mes pas. Je murmure “ici, je communie avec l'univers » - si je me tais, qui me dira à quoi je joue ? c'est bon pour ma pantoufle dans le cerveau. Je sors du champ pour surprendre ce chemin de la ferme écroulée, en vain. Je ne m'astreins jamais à rien, qu'à être bien moi-même, au mieux de ma mollesse. Il ne s'est rien passé comme toujours, j'ai lu l'avant-propos à Stendhal, vérifié l'eau et l'huile, n'ai pensé à rien, l'apaisement, malgré la soif, un peu, la faim, un peu. Uncastillo : “Un-Château” ? “Non -Château” ? (“Unburg”) ; la route m'indique, à angle aigu Sos del Rey Catolico. Au pas de l'homme je traverse toute l'agglomération d'Uncastillo, avec des enfants qu'on protège peureusement : il ne s'en fait plus beaucoup en Espagne. Et personne pour observer ma tête. Ça aussi, ça fait du bien. Sur cette route vers le N-N-O, me voici longeant une grande série d'éoliennes : les petites qui tournent, les grandes qui s'ébranlent plus lourdement – tandis que pour les femmes, la taille ne joue pas. Je roule ainsi dans un décor propice aux rencontres du troisième type, où règne une merveilleuse sensation de dépaysement, de vie mécanique, douce, bienveillante, familière, étrangement maternelle. Rien qui soit plus euphorisant, plus protecteur, que ces vastes trios de pales. Partout les divines éoliennes, discrètes, métalliques, tutélaires, paisibles, silencieuses, poétiques, soulignant si heureusement ces mamelonnements secs si souvent vus dans ces contrées, éoliennes hors d'espace et futuristes, douces, souples, suspendues, ce qui fait, pour 8 lignes, 25 adjectifs.

    Je fais halte à Sos del Rey Catolico, perché, resserré “comme un poing”, d'abord au parador. Le “parador”, en Espagne, c'est un hôtel de grand luxe, perché, moderne, en hauteur, somptueux par ses salles de réception, ses chiottes de moines fortunés (j'y pisse), ses ascenseurs où l'on croise des Ibériques rupins, qui ne m'accordent pas un regard (j'aime cet incognito). Tout est démesurément vaste, et je suppose, à considérer la cafeteria, immensément cher. Quant à l'escalier, il ne mène qu'à une plate-forme crayeuse, vue sur la campagne environnante, sans issue ; essoufflé, râlant, je redescends, je gagne plus loin une pizzeria et prends mon élan pour

    commander en castillan sans bafouiller un crujillo tropic y un Coca-Cola. C'est un établissement plus à ma portée. Je n'attends que huit minutes. On me sert une sorte de lasagne que l'on tranche soi-même au sortir du four avec un fer recourbé, sur une arête de gril. Le patron, Javier, me recommande de ne pas me brûler ¡ Cuidado, que se quéma ! Il souffle dans ses doigts, mais je comprends parfaitement quemarse. Peu après s'installe un couple fort laid pourvu d'une gamine fort grosse, pour qui l'on sent que la table restera la seule volupté à tout jamais, par son contentement naïf et goinfre. Mon cœur absent se serre un peu. Les parents bâfrent à l'unisson. On rajouter une table. Je lis un peu de Stendhal. Non loin, des Français populo se répètent en boucle abondance de propos crétins sur ce qu'ils bouffent, aux oignons ; les conversations cons sonnent finelament mieux en espagnol. Mes Français se croient drôles.

    En revanche, dans les rues escarpées du bourg, les gagateries papapapapapa m'exaspèpèpèpèrent, pauvre gosse, entre sa mère et sa grand-mère gâteuses à hurler. PAPAPAPAPA. Jamais je n'ai parlé si sottement à ma fille, même à moins d'un an. Jamais. Toujours comme à une adulte, en égalité. “Et qui c'est ça ? Et qui c'est celui-là ? Y quién es ese ? » Deuxième gosse, deuxième accès de conneries. Cette fois ils m'auront bien tapé sur le système. Je ne monte pas à la Juderia, aux pentes à péter l'oreillette, les juifs dominent le monde, c'est bien connu. Je photographie dans les ruines des chats noirs jumeaux. Ruines souvent trouvées, si mystérieuses, au sein des petites villes espagnoles, seuls espaces libres dans la chair des murs... Tout s'achève au franchissement d'une muraille, et je retrouve ma bagnolette noire.

    Pour sortir de Sos del Rey Catoloco, un carrefour évasé, j'explique : à droite, une balise peinte au sol ; à gauche, un accès pour les entrants ; tout droit, un stop. Je prends gauche toute et tac, la flicaille. Un magnifique olivâtre d'opérette m'enjoint martialement de descendre. Il est flanqué d'une fliquette fausse blonde à queue de jument, qui se tape un rictus à faire avorter une guenon. Et où je vais. Et d'où je viens. Et pourquoi je n'ai pas l'immatriculation européenne (“quoi ! pas encore ! ¡ aùn no !”) - ben non mon con, pas obligé en France. “Où avez-vous couché ? - A Murillo.” J'ajoute le numéro de la chambre, je mentionne la visite du château de “Loarre”, trébuchant sur le mot. L'homme de l'art me tend un piège : alors comme ça, j'ai couché dans le village même ? - Non, à Murillo.” Et de fouiller mon linge, mon carnet d'adresses (“pas une en Espagne”). La fliquette se fait ouvrir la boîte à gants, ouvre un petit sac de plastique blanc : bingo, c'est le papier-cul, voilà du flair. Je dis “Il ya du désordre”.

    Elle répond No importa. Là j'ai touché la fibre ménagère, de la verdadera mujer espanola : une flique. Pas peu fier. Ils me disent que je peux circuler, me recommandant d'être prudent, parce que là, tout de même, j'empruntais le sens interdit, carrément. Ensuite, en roulant, je me marre comme un bossu. Mais je n'en ai pas mené large. Ils ne m'ont même pas demandé mes papiers, ni ceux du véhicule. J'ai joué le touriste couillon, c'est ce que je suis, massacrant la langue, écarquillant les yeux et plein de bonne volonté. Le contrôle de flics procure le même soulagement que confesse autrefois ; j'ai toujours adoré prouver ma bonne foi, mon infantilisme. Et je me répète le dialogue, je corrige mes fautes, j'invente d'autres questions-réponses, très fier de tant de soupçons, de tant d'acquittement.

    J'aime les flics. L'uniforme, l'air grave, les sourcils de Guignol. Absous de frais, je fais mes courses à Sangüesa, dont une indispensable brozadàn. “Yo soy el Senor de Brozadàn” : je hurle de rire au volant, et maintenant, une heure avant l'hôtel, il s'agit cette fois de contourner vraiment Pampelun, je quitte la rocade à contretemps et finis par me paumer dans les cités à 30 km/h (je savais bien que j'aurais dû tourner vers Huarte), et pour finir, de ronds-points en gendarmes couchés, j'aperçois le panneau salvateur Roncesvalles (Roncevaux”, tout sur les moines, que dalle sur Charlemagne). Dix-sept heures cinq pile : prochain hôtel à droite, c'est la règle. Zubiri. Hosteria. Muy caro. L'hôtesse me montre le prix sur un panneau : mais si, j'ai de l'argent, mais non, je ne suis pas si marginal que mes godasses et mon air gland, je vais rassembler mes bagages, et je monte au 213- putain pas de télé ; belles poutres, mais rien à foutre, et le plus fort prix de ma virée : Euskadi touristique mon pote...

    J'alterne donc, sur mon lit basque, lecture (Stendhal, Chroniques italiennes, particulièrement confuses), récit de voyage, écoute du transistor. Vers 19h 15 je sors dans l'obscurité, car le téléphone de ce fameux hôtel si cher ne fonctionne qu'avec des monedas. Je parviens enfin, dans une cabine publique, à joindre Annie. Puis je vais voir le “pont moyenâgeux”, qui bombe très fort dans le noir au-dessus de l'eau. Au retour, trois enfants ; le premier me dit “ola”, le second “hello”, le troisième, je ne sais, visiblement pour se foutre de ma gueule (rien que je haïsse plus que les enfants : cruels, hargneux, sûrs de l'impunité), railler mon cou de tortue sortant de mes grosses épaules - tu veux mes vertèbres, hijo de puta ? je devrais dire “va chier”, comme aux Gitanes de Granada qui voulaient me fourguer du mimosa à 4 euros le brin ; c’est fou ce que c’est polyglotte, ces peuples errants. J'entre acheter des gâteaux étouffe-Basques et me paye à fond de train tout un étalage intérieur : ¡Tranquilo ! me dit le patron - en vérité, je sue, traqué, par accès, comme ça, partout. A nouveau de nuit dans la cabine téléphonique, j'essaye de joindre X., en France, chez qui séjournent Y. et Z. Pour un euro j’arrive juste à dire “J'espère que” - coupé. Le froid, les sales morpions qui traînent dans la rue noire en braillant, pas un mot d'euskara, comme partout d'ailleurs y compris en plein Bilbao, ici la rue glaciale n’est qu’un conduit de poids lourds. La 213 chez moi c‘est la chaîne porno, ici c'est ma chambre, je me gave de biscuits bourratifs, c'est tout dans l'aorte. Le lendemain je reprends la route de Roncevaux, quand un de ces fringants petits Basques en béret rouge m'informe, sixième de la queue de bagnoles, de l’obstruction par éboulement (desmoronamiento) du chemin de Roncesvalles - « je passerai par la route de Baigorri » - ça lui semble au diable.

    Adieu donc les clopes de Z., car il n'existe par là-bas aucune agglomération digne de Cenon. Je décide en forêt de me payer une de ces balades qui font mes délices, des feuillages dorés, une montée qui serpente ou un serpent qui monte, le désert. Au fond du ravin c'est l'Arga qui sinue en bouillonnant, ou qui bouillonne en sinuant, à droite, à gauche, d’un petit pont l’autre ; des ruines de je ne sais quel moulin ou octroi, et le rebrousse-chemin au premier toit vu de loin : Olaberri ? Bien sûr, à peine redescendu après quarante minutes de pur bonheur que j’aborde, sur mon siège et sur mes traces, un de ces « trajets pittoresques » de cartographe, simplement distingué par une route plus large, plus propre, et un parking d'excursionnistes... Passé le magnifique Collado de Urquiaga, je reçois sur mon cœur la première vibration du portable : Annie, la voix pleine de tendresse orientée, me rappelle ces fameuses cigarettes espagnoles, dont il faudra bien que Z. se passe.

    Dans la redescente vers Esnazu, c'est à quelques détails (poteaux, piquets de prairies)que je m’aperçois de mon retour en France. Une borne, puis deux, me le confirment. Et mon petit moi de bifurquer vers Urepel (sans le H initial de je ne sais plus quel reître) - je suis en France ; sur un dégagement près d’une benne à déchets, je puis à présent répondre longuement aux mamours téléphoniques. Urepel possède, signalée sur carte, une église ne payant pas de mine, mais dont l'intérieur présente ces fameuses tribunes superposées où se séparaient garçons et filles, face à face ; combien d'adolescents bridés (pas des yeux, des braguettes) ont dû s'échanger là de menus signes de connivence, sous le regard des bilieux du cru ! J’y monte, et comme il n'y a rien de plus désagréable que ces planches qui décidément cèdent sous les pieds comme une coupée de péniche pourrie, je redescends prudemment.

    Sur le parvis je photographie le poilu sur son monument aux morts, j'erre dans le cimetière aux tombes à touche-touche, avec leurs chrysanthèmes et leurs épitaphes en basque. Langue opaque, dalles de même. Aux Aldudes, même église, mêmes tribunes. A l’extérieur une chienne boiteuse et décrépite feint de m'accompagner, toréant les bagnoles qui déboulent du virage. Et comme il me reste à flâner, mon rendez-vous n'étant qu'à deux heures trente, je m'égare sur les pentes de Banca/Banka, sans transcription un Basque se serait perdu. On ne dira jamais assez les bienfaits des panneaux bilingues. Banca/ka, célèbre par ses truites (pauvres bêtes), puis retour à St-

    Etienne de Baïgorry, en basque Baïgorry tout court. Le magasin “Spar” encore ouvert me vend des boîtes à chat (les téléphones sont des mitraillettes à corvées). Le caissier largement sexa récapitule en basque la liste des emplettes qu’il encaisse, tandis qu'une paire de clientes de vingt ans se regardent l’une l’autre en souriant bien emmerdées de ne pas comprendre, du moins ne faut-il pas désobliger le bascophone. Pour moi, ce sera du français, tout aussi impeccable, je suppose. Ma dernière étape sera pour St-Jean-Pied-de-Port, Donibane Garazi, où je suis censé dénicher quelque canne typique, bernique, sauf les non pas bernacles mais coquilles saint Jacques à profusion gravées sur le gros bout, ou cette ridicule tête de jeu de petits chevaux ou ce non moins risible ensellement chevalin peinturluré de vif en guise de prise de paume. J'ai monté le raidillon vers la Citadelle, je me suis épuisé, affalé sur un banc de pierre en feignant de ronfler comme un vieux perclus qui s'endort, on me prend en photo : vieux basque typique effondré sur banc typique. Pour terminer ce récit de voyage sur une note fraîche et pittoresque, j'ai vu, en pissant, un mec le cul tourné vers le mur et pantalon bas : c'était une urgence, en l'occurrence une vieille giclée de diarrhée : amusant, non? ça, c'est la chute.

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    SARKOLÂTRIE

     

    AVANT-PROPOS

    ...Que les choses soient bien claires : ce numéro du Singe Vert se veut résolument PRO-SARKO. Que voulez-vous il me fait marrer ce type-là. Il me remonte le moral. Il a des visions, des convictions, il arrive à m'entraîner. Les autres -TOUS LES AUTRES – me font irrésistiblement penser à des petits épiciers qui voient l'avenir à l'aune de leur calculette. DONC SI VOUS ETES “ANTI”, NE ME LISEZ PAS. Parce que moi je ne crois pas un instant qu'on puisse persuader ou convaincre qui que ce soit de quoi que ce soit, contrairement à ce que tentent d'enfourner les vaseux de l'IUFM (à bas ! à bas !) dans les crânes de nos progénitures. Parce que les opinions, c'est irrationnel, et que tout ce qui me fait aimer Sarkozy EST EXACTEMENT CE QUI LE FAIT DETESTER PAR LES AUTRES.

    Comme disait Gaston-Dragon : “T'as raison, et moi j'ai pas tort.” Pour l'excellente raison que la raison, justement, la cervelle humaine, c'est tout petit de chez Tout Petit. Alors au lieu de m'emmerder avec votre courrier fleuri (style Moi je suis de goche et je t'emmerde) (je cite, hélas) ou de m'envoyer des rats crevés par paquet recommandé, vous n'avez qu'à balancer ma saloperie pourrie à la poubelle et qu'on n'en parle plus... OK ?

     

    Citation

    La réalité est une hallucination due au manque d'alcool

    (proverbe irlandais lu sur un tee-shirt, à Ganges – Hérault)

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    Les journalistes ne vivent pas dans le même monde que nous. Ils vivent dans leur monde à eux, qu'ils se racontent à eux tout seuls, où ils décident entre eux, en comités fermés, à grands renforts de ricanement péremptoires, ce qui doit nécessairement nous intéresser vous et moi dans les jours qui viennent (d'ailleurs ils sont bien emmerdés pour l'Irak, parce qu'il n'y a (presque) plus de cadavres... parce que les Américains, figurez-vous, ont gagné la guerre : les journaux reparaissent, les chiites sont au bout du rouleau – alors les Petits Malins, dont la seule analyse politique tient en une seule formule dont vous apprécierez la finesse J'ai pété c'est la faute aux Américains, ça pue, c'est la faute à Israël, ben ça ne leur plaît pas, mais alors pas du tout.

    ...Ils disent que les attentats continuent, qu'on ne nous dit pas tout, et que la preuve qu'ils existent, c'est qu'on n'en parle pas – comme si les ennemis de Washington ne trouvaient pas toujours le moyen de se faufiler à travers toutes les censures, à l'affût du moindre doigt cassé, pour le mettre au compte des saligauds d'Occidentaux... “Faut pas croire ce qu'on dit dans les journaux” - mais oui ! mais oui mes braves ! Vous êtes les seuls à pouvoir démêler le vrai du faux, ce qu'il est bon de croire et ce qu'il est bon de ne pas croire, ah ! quelle sublime clairvoyance ! Et c'est pourquoi, tout muselage mis à part, ce ne serait ma foi pas tellement volé par les journalistes de se recevoir quelques coups de pied au cul de remise au point déontologique – ne serait-ce déjà, pour commencer, que de ne pas s'adresser au Président de la République française sur le ton d'un garde-champêtre qui engueule un voleur de pommes, style “Combien faut-il d'arrestations pour obtenir un expulsé ?” - le genre de question qui ne font pas avancer le débat, mais qui ressassent en boucle “Sépabo Sarko, Sépabo Sarko” en excitant bien le populo – qu'est-ce que ça peut bien nous foutre, rationnellement parlant, de savoir “combien d'arrestations” etc...

    Ah mais c'est qu'on est insolents, nous aut' journalistes – vous n'avez pas répondu à ma question – et compétents – vous n'avez pas répondu à ma question – et 'achement pertinents - VOUS N'AVEZ TOUJOURS PAS REPONDU A MA QUESTIANANANAN ! Je me souviendrai toujours de la première réunion du maire de Machinchose-sur-Seine, élu de gauche grâce à la dissension de la droite (une sombre histoire de cul...); ne voilà-t-il pas qu'un énergumène se lève et se met à te lui adresser la parole d'un ton à se faire mordre par le premier clebs venu. Insolent, hargneux et tout. A un moment donné, un petit mec mal fringué, style artisan vieilli sous le harnais, se dresse à son tour dans l'assistance, toute indignation dehors : “Votre ton est inadmissible ! Ce n'est pas à Monsieur X. que vous parlez en ce moment, mais à Monsieur le Maire ! Parfaitement ! À l'Elu du Peuple ! Et que vous soyez d'accord ou non avec lui, vous n'avez pas à lui parler comme vous le faites, parce que c'est votre Maire aussi bien qu'à celui de n'importe lequel d'entre nous ! Et tenez-vous le pour dit !”

    Le malotru se l'est tenu pour dit, il a baissé d'un tétrarcorde, et a fini par la fermer. Car je voudrais tout de même faie observer que si nous avons beaucoup, beaucoup entendu parler du “Casse-toi pauvre con”, c'est à peine si l'on a mentionné l'incroyable grossièreté de la première réplique : “Touche-moi pas tu vas me salir”. C'est d'une incorrection inqualifiable. Moi j'appelle cela “outrage à chef de 'Etat”. Voulez-vous que je vous dise pourquoi la gauche et les intellectuels de gauche se font zapper au profit de la pub (Amora au moins, “ça relève le plat”) ? Parce que la gauche n'a cessé de s'aplatir devant les plus écœurants des totalitarismes. Deux et deux, ça faisait cinq, et c'était é-vi-dent parce que c'était comme ça et c'était comme ça parce que c'était pas autrement et situmecroipaje fépipisurletapi éjemrouldedan.

    ...Tout a foiré à partir du moment je ne dis pas où l'on s'est “engagé” - quoique... - mais à partir du moment où les intellectuels de gauche se sont proclamés seuls intellectuels, la droite étant automatiquement vouée à la bêtise la plus épaisse, que dis-je, MATHEMATIQUEMENT IDENTIFIEE A LA BETISE; ce qui permet encore aujourd'hui à une clique de foireux de se demander comment les Américains ont pu élire deux fois de suite un président aussi Khon. Alors pour faire bien, les mêmes se mettent à présent à vanter Cli(n)to(n) (pourquoi tant de “n” ?) - et Reagan, mais je me souviens bien de tout, quand même : à l'époque des dessusdits, tout ce qu'ils faisaient (J'ai pété,...voir plus haut) c'était automatiquement nul de nul à chier. Quand Obama aura viré les troupes américaines d'Irak vite fait (à supposer qu'il le fasse), et que tout le monde se tapera sur la gueule, on le portera peut-être moins aux nues. Je donne 6 mois pour que Barak devienne la bête noire – suis-je drôle ! - de tous les altermondialistes... Pour Israël, même jeu ! BHL (un jouèf) a tout à fait raison, même s'il s'est énervé un peu, d'assimiler antiaméricanisme et antisémitisme. “Assimiler”, pas “identifier” - mais à quoi bon préciser : BHL n'a pas été lu, et le seul argumet qu'on ait su trouver c'est l'ampleur de ses cols de chemise – pardon, pardon : une fois, un collègue m'a déclaré “Ah oui mais alors à ce moment-là tu comprends...” - que dire ? j'ai rendu les armes.

    ...Que répondre en effet, comment imaginer pouvoir s'opposer tant soit peu à un argument aussi foudroyant, aussi ratatinant, que “ah oui mais alors à ce moment-là tu comprends...” - que dire? qu'objecter ? Merde trop fort le mec, il faut graver cela en lettres d'or sur le manteau de la cheminée : AH OUI MAIS ALORS A CE MOMENT-LA TU COMPRENDS...BREF !... Si on en revenait aux journalistes ? parce que mon discours n'est pas fini, ça ne fait même que commencer: le sujeet, le grand must des journalistes, c'est de casser du Sarkozy. Quoi qu'il fasse, quoi qu'il ne fasse pas, il faut qu'il ait tort. Qu'il ait eu tort, de toute éternité. Son nez, sa taille, sa voix, ses slips, tout, on vous dit, absolument tout. D'abord. D'emblée. Dans un premier temps. Et puis, pas de deuxième temps.

    J'ai même lu que Si Sarkozy marchait sur les eaux, l'opposition lui reprocherait de ne pas savoir courir sur les eaux... Enfin, les pisse-bave s'interrogèrent : ça ne faisait pas très sérieux, tout ça, pas très productif. Alors ils ont observé les actes. Les actes politiques, parfaitement. Or en France, dès que tu touches à quoi que ce soit, le diamètre des boutons, la hauteur des furoncles, la loi du 12 juillet 1763 modifiée par l'arrêté du 30 février 1874 et annulée par l'amendement du 14 octobre un quart 1985, tu as 40 000 personnes dans la rue selon la police, 400 000 selon les syndicats, soit 2% de la population selon la police et 2% selon moi. Et qui font chier. Carrément, cubiquement chier.

    Or ce qu'il y a d'absolument himalayen, chez les politiciens de tout poil, c'es tleur ignorance historique, vertigineuse. Everestienne. Dès qu'on remonte au-delà de 1900, c'est le désert. Et avant la Révolution française, alors là on débarque très exactement sur la face cachée de la lune. Je ne parle pas tant ici de la connaissance des faits que d'une attitude, d'une perspective, d'un recul historiques. Notre époque, voyez-vous chers ignares, se situe ni plus ni moins dans la continuité des autres époques. Eux aussi, en 1715 (mort de Louis XIV), en 1815 (Waterloo), ils se sont crus en “rupture” totale avec l'époque précédente, à la fin du monde (la “rupture” de Sarko, c'est uniquement avec l'immobilisme de Chirac – parce que, tout arrive ! j'ai entendu regretter Chirac ! (on a bien regretté Saddam Hussein...) - mais sous Chirac, bande de nazes, on ne faisait rien, de rien, de rien ! on lui entendait par les oreilles le bourdonnement de la mouche qui lui servait de cerveau sous son crâne ! c'est vraiment Les grenouilles qui demandent un roi ! relisez votre La Fontaine, je ne vais tout de même pas passer mon temps à tout expliquer – ces gens-là, dis-je, ils s'imaginaient que c'était l'effondrement de tout, la Fin du Monde, ils tremblaient d'espérance et de panique.

    Et ils gueulaient : “Tout est foutu ! Je vais mourir !” - juste comme nous. Et une fois que tout le monde de ce pays-là, 1610, 1515, a fini par mourir, eh bien tous les suivants les ont, comme c'est bizarre, oubliés, avec tous leurs problèmes : à la trappe, à la fosse ! Ça vous passionne encore, vous, les histoires de catholiques et de protestants ? les droits du roi de France sur la Navarre et de son frère sur Jérusalem ? Qu'est-ce qu'on se croit donc tous, avec notre XXIe siècle, qu'est-ce qu'elle a donc de si particulier, notre époque de merde semblable à toutes les époques de merde et qui crèvera comme toutes les époques de merde ? Dans 500 ans personne ne s'en souviendra plus, surtout s'il ne reste que les fourmis ; et rien que de l'évoquer ça fera bâiller tout le monde jusqu'à sa glotte de fourmi – le pouvoir d'achat en 1440, ça vous intéresse encore ?

    Ça ne vous est jamais venu à l'éponge, pardon, à l'esprit, que, toutes proportions gardées, tout est resté absolument pareil ? Vous avez déjà vu le coût de la vie diminuer, vous, depuis que vous êtes nés ? Vous avez déjà vu les pauvres devenir riches, hop, comme ça ? révolutions et guerres mises à part bien sûr ; mais vous ne voulez pas qu'on change le sens de brossage de vos pantoufles, n'est-ce pas... Et vous vous êtes imaginé qu'on allait vous donner d'un seul coup 30 ou 40% de fric en plus ? Vous avez vu ça où ? vous avez vu ça quand ? Moi je ne suis pas là pour faire l'original : c'est la pub à la télé, parfaitement, qui répand “jusque dans les campagnes les plus reculées” que tout le monde il est riche et que tout le monde il a droit à tout. C'est ça et uniquement ça, votre “baisse du pouvoir d'achat”. Quand j'étais jeune – agagahh...- j'étais toujours fourré au cinéma, toujours en voyages – oh, de tout petits voyages... Maintenant je regarde ma télévision et je suis bien content quand je peux me payer dix jours par an dans ma petite pension de papy-mamy près de Montpellier, sachant qu'il me faudra bien trois moi après ça pour sortir mon compte du déficit. La publicité vous rend cons, la publicité vous prend pour des cons – vous ne vous rappelez pas ? c'était un slogan de 68.

    ...Sarko veut supprimer la pub à la télé : toujours pas content, la goche ? C'est Sarkozy qui veut le faire, DONC c'est mauvais ! Je m'en fous complètement, moi, que TF1 ou M6 récoltent tout le blé de la pub. Leurs films entrecoupés, leurs émissions dans leur snesmble, deviendront tellement nuls que personne ne voudra plus les regarder. Et admettons que 150 chaînes soient obligées de mettre la clef sous la porte, vu les conneries qu'elles diffusent, ce ne sera pas une grande perte – au temps de l'ORTF, il paraît que c'était la dictature – ah bon ? mais au moins il y avait des émissions publiques de qualité. Allez on change. Les suppressions de postes à l'Education Nationale.

    Depuis le temps que les profs nous rasent avec leurs cours à chier debout. Promenez-vus voir dans les couloirs à l'heure des cours, et vous entendrez à travers les portes les élèves ronfler, ou bien déconner. Tant qu'il y aura neuf profs sur dix qui feront des cours comme ça, les élèves se feront caguer. Quelle que soit la méthode. Quel que soit le nombre de profs, ou d'élèves, ce seront les bons qui donneront envie de travailler ou de vivre, or, la plupart du temps, un bon cours, c'est non en classe mais dans un bouquin que je l'ai trouvé. Qu'est-ce que 11 000 profs en moins sur trois cent mille ? C'est quoi cette plaisanterie ? De toute façon pour moi l'enseignement est sinistré depuis belle lurette.

    Je me fous que l'Enseignement Public crève ou non. Il a déjà coulé au Cinquième Siècle et il s'en est remis. Grâce à l'élite. Et grâce aux initiatives privées. Parfaitement, privées. Vouloir enseigner à toute force le peuple entier par paquets de cent mille est une hérésie sociologique, une idiotie. Les gens se contrefoutent de l'enseignement. Ce qu'ils veulent, c'est un métier et du FRIC. (Pas plus à notre époque, ne me faites pas rigoler, ceux qui dénoncent l'omniprésence de l'oseille le font depuis la nuit des temps avec le même refrain “c'était mieux avant” ; petits rigolos...) Les gensses, Richard (justement) Wagner ou Balzac, ils n'en ont RIEN A FOUTRE. Revenons donc sur la mort annoncée des IUFM (Institut de Formation des Maîtres, une trouvaille de la goche bénie de saint Jospin) : béni soit Sarkozy de nous débarrasser de cettemerde, qui fout entre les mains des latinistes débutants du Tacite, directement, allez rrrran, pour leur faire sélectionner les subjonctifs...

    ...Qui a failli remplacer les cours d'histoire par des interviews du boucher-charcutier ; qui a démoli les victimes de la méthode globale, appliquée bel et bien malgré les dénégations, que je ne crois pas ; qui a interdit d'apprendre quoi que ce soit aux élèves afin qu'ils conservent leur spontanéité, ce qui transforme les explications de textes en banalités, malgré les farouches dénégations, que je ne crois pas. Tel élève n'a-t-il pas proclamé dans un silence religieux que tel paysage de forêt présentait une dominante horizontale, parfaitement, horizontale au lieu de verticale, sans la moindre rectification, il ne faut pas traumatiser l'élève... Voir aussi Florent P. devant les gosses...

    Ils disaient des conneries, forcément, Jacques Brel n'est pas à la portée du premier CM2 venu. Vous croyez qu'il les aurait contredits, qu'il aurait amélioré quoi que ce fût ? Que nenni. Il rigolait, DEMAGOGIQUEMENT. Apprendre quelque chose à l'enfant, c'est l'inférioriser n'est-ce pas. Bravo la gauche. “Le retour du par cœur” ai-je lu : ben oui, parfois. Je lace mes godasses par cœur. Je me torche par cœur. Je sais ma table de multiplication par cœur. Le “par cœur” n'est pas synonyme de connerie. Alors l'IUFM, cet apprentissage de méthodes d'apprentissage alors qu'on a la tête vide, AUX CHIOTTES... Ça fait bien quarante ans que je vois l'école couler, avec tous les ministres qui s'appuient sur la tête des profs pour bien les maintenir sous l'eau, afin que le peuple EVITE d'apprendre, parce qu'il faut que les gens SOYENT cons et qu'ils ZACHETENT, ZACHETENT, ZACHETENT. Et ça, quel que soit le gouvernement. Même socialiste. Même avec Jack Lang. Il ne fallait plus choisir le grec, le décourager, par tous les moyens. Parce que ça fait bourge, élitiste. Merci les populo. Attends attends, j'ai pas fini, une sorte de raGe me tient lieu de verVe : la co-lo-ni-sa-tion ! Les bienfaits de la colonisation ! Ah que c'est pas beau, la colonisation, c'est horrible ! Le christianisme non plus c'est pas beau : ça allait de pair, d'ailleurs. Déculturation, massacres, massacres, massacres – salut les Indiens.

    Le communisme aussi : massacres, massacres, massacres. Toujours des massacres, alors, dès que l'homme veut faire quelque chose pour l'homme – eeeeh oui tas de puceaux. La colonisation a éradiqué l'anthropophagie, les guerres de tribu à tribu, le trafic des esclaves (nous l'avions arrêté, les Africains l'ont continué ; et les Arabes, donc...) - et l'Algérie ? Ça ne vous est jamais venu à l'idée qu'avant la colonisation française, on ne pouvait pas circuler en Méditerranée à cause des pirates ? Chacun défend son bifteck, ce n'est pas la peine de verser dans le sentiment glauque et grandiose... Le-bif-teck on vous dit. Le colonialisme est aussi ignoble que le reste. Mais pas plus.

    Pas moins mauvais que le reste, çà non ! mais pas plus... Pour tous les idéaux humains, c'est comme ça : parce que la cupidité, le désir de dominer, détruisent tout. Ça s'appelle “péché originel”. Comme quoi c'est pas forcément des conneries. La connerie, la vraie, c'est le baratin sur la rédemption. L'espérance de la rédemption, d'accord ; ça ne mange pas de pain. Mais à part ça, les humains, nous sommes tous pourris. Regardez le féminisme : au début c'était libératoire. Maintenant ces salopes, si on les laissait faire, elles nous couperaient les couilles. Déjà on ne peut presque plus baiser – quand elles veulent, et si elles veulent - autant dire : presque plus ; la prostitution a de l'avenir, moi je vous le dis. La pornographie, aussi... Je dirais bien la pédophillie, mais je vais me faire flinguer... “Tu mélanges tout !” - vous vous souvenez, les vieux, en 6/8, dès qu'un individu voulait discuter un peu, sortir de la Vulgate (non, ce n'est pas une obscénité) on lui fermait la gueule en répétant “Tu mélanges tout” - et aussi : “D'où tu parles, toi ? d'où tu parles ?” - si tu étais fils de militaire, ou fonctionnaire, tu pouvais la boucler ; sauf si tu étais noir, toutefois. Non, je ne suis pas raciste ; et pour les connards, non, je ne fais pas de propagande (voir plus haut) pour la pédophilie, ça va pas non ? Alors évidemment, je pourrais discuter, peser le pour et le contre, fendre les cheveux en quatre - “ah oui mais”, “ah neuf juin”, “si l'on veut”, “ce n'est pas tout à fait faux”, mais vous avez déjà le Nouvel Obs pour ça, qui donne l'impression à le lire qu'on se fait chier dans la poussière et qu'on s'en fout partout (de la poussière, et de la merde). Et en avant pour la sagesse à l'eau tiède, style christianisme, bouddhisme, théosophisme, la secte Moon, Albert Cassartre et Jean-Paul µ (“Mu”), l' “honnêteté intellectuelle” e tutti quanti. Seulement

    vous savez ce qui vous arrive, quand vous donnez là-dedans tête baissée couilles rabattues ? Eh bien les beaux prêchi-prêcheurs vous passent devant et vous la mettent bien profond (il faut le faire, d'ailleurs ; des acrobates...)- et vous expliquent que pour eux “ce n'est pas la même chooooose”, que vous n'avez rien compris et que vous... “mélangez tout”. Fin finale de toutes les sagesses, “continuez à faire ce que vous faites, faut pas se prendre la tête, Dieu pour tous et que le meilleur gagne, cool Raoul relax Max tranquille Emile tout doux Abdou, de toute façon tu crèves quand même et n'oublie pas d'être con Léon” - la loi du plus fort, ou du plus malin, les baiseurs et les baisés, paradis ou enfer. Sauce droitière amère, ou sauce gaucho-jésuite. Et pour ce qui est d'essayer d'être le plus fort, ou celui qui prie le mieux; si ça n'était pas inscrit dans ta destinée, eh bien tu l'auras dans ton cul. On ne se refait pas. Comme Céline Dion (Duvillage), On ne change paaaas / On devient juste un peu plus con et voilàààà – bon ce n'est pas les paroles ? Depuis le début, l'histoire ce n'est que ça : des peuples qui se recouvrent, qui se conquièrent et qui fusionnent... ou s'éliminent. “Oui, mais nous allons changer tout cela. C'est qu'on est en 2008, coco... Allez, encore deux sujets et je vous lâche. L'héritage. “L'héritation” comme il dit Sarko, il n'y a pas que la bravitude... Qu'est-ce qu'on nous aura bassiné avec le méchant Sarko, qui favorise les fils à papa ! Mais quand ma femme a hérité de sa grand-mère et de sa mère, les frais d'héritage accumulés on les a bien sentis passer, il a fallu revendre tout, à perte.

    Alors ma fille, qui est repasseuse à mi-temps et qui roule sur l'or, si le sale Sarko n'avait pas réduit les frais de 95%, elle devrait tout brader ou traîner la misère. Et quand j'hériterai de ma femme, ou vice-versa, le/la survivant(e) ne donnera plus un sou au notaire... Vous vous rendez compte ? Des droits à payer pour le legs au dernier vivant ? Quelle honte ?! Donc, merci Sarko pour les lois sur l'héri-tage ou -tation, merci pour la suppression de la pub, merci pour la mise aux poubelles de l'IUFM et sa pédagogie de merde qui fout l'école en l'air, merci pour rassembler autour d'une même table au moins certains Arabes et Israël. Oui, cent fois oui, Sarko fait des conneries, en démolissant le système des hopitaux en particulier.

    Mais ceux d'avant les avaient bien enclenchées aussi. A la limite je me trouve un point commun avec Flaubert – et ça s'arrête là, hélas : il adorait Napoléon III parce que, disait-il, ces cons de Français ne méritaient pas mieux. Moi c'est exactement ce que je pense, non seulement des Français mais du monde entier : les humains sont des cons, à 95% (même pourcentage que les femmes qui s'emmerdent en baisant) et ne méritent qu'une chose (les humains) : de lécher le cul des 5% qui restent, et qu'on appelle Elite, parfaitement, le gros mot, élite-élite-élite, prout prout prout. En espérant qu'elle ne leur fera pas de mal, voire, qu'elle saura les mener petit à petit sur le chemin de la sagesse. Mais il n'y a pas le feu au lac. Et ça ne dépend pas de nous. Depuis perpète la politique galope après l'évolution de l'humanité, en tirant la langue. J'ai même trouvé une métaphore fleurie, dont je suis très fier : les hommes politiques se débattent dans le tourbillon, l'Histoire tire la chasse. Je suis pour le despotisme éclairé. Ça a toujours échoué ? Et alors ? Le reste aussi... C'est toujours une oligarchie qui a gouverné. L'évolution de l'homme, que certains placent dans la main de Dieu, disons “X” pour n'énerver personne, “l'inconnue” de l'équation, ce n'est pas demain la veille que je verrai sur le point de naître le premier hurluberlu, de droite ou de gauche ou du centre du trou de mon cul, qui sera capable de me la révéler. Révélation, ça se dit Apocalypse. Après moi le déluge. Vive Sarko.

    75

    LE MENAGE ET LA VAISSELLE

    Citation 847 : « ...et il ajouta encore qu'à ce qu'il croyait d'une foi plus forte qu'aucune croyance, plus noble et plus dangereuse, Dieu maudissait certains êtres parce qu'il les préférait aux autres et qu'il savait que, quoi qu'il leur advînt, ces êtres-là seraient toujours pour lui les enfants de son coeur puisqu'ils avaient été assez dignes, assez généreux pour accepter qu'il les outrageât en les précipitant dans la malédiction. « Et, au jour du Jugement, Dieu pleurera sur les maudits, et les maudits pardonneront à Dieu ».

    ALEXANDRE KALDA « Le désir » ch. 8

    Chez moi, c'est dégueulasse. Tout est dégueulasse. Un vrai bouge de chez Bouge. Amoureux du ménage bien fait, passez votre chemin. Ceux qui viennent chez moi et qui ne veulent pas revenir, Des épluchures par terre. Des moutons sous le lit : carrément l'Australie (grande victoire napoléonienne : La bataille d'Australie). Les poussières, pas faites. Le lit, large ouvert. Les chiottes, crado. Les chemises sans boutons, les braguettes coincées, les semelles carbonisées. Alors les ceusses qui reviennent (la plupart ne reviennent pas - ils sont jugés : Mané, Thécel, Pharès - je n'ai pas perdu grand monde) ils me disent : “Je ne sais pas, moi” - excellent début, ils devraient se borner là, hélas ils continuent - “pourquoi qu'vous n'changeriez pas un p'tit quequ'chose tous les jours ? Juste un petit coup, le lundi ci, le mardi ça ? Ça vous prendrait, quoi, deux minutes !” C'est leur mot : ça vous prendrait, quoi, deux minutes. L'ennui, braves gens, c'est – indépendamment du fait que sitôt arrivé au bas de la Tour Eiffel, il faut tout recommencer du haut – que deux minutes plus deux minutes plus deux minutes, on arrive au bout de la journée sans avoir rien foutu d'intelligent, et ça donne Ma Mère avec son caractère exécrable et ses intarissables râleries.

    Elle est morte, Dieu ait son âme. Mais l'interloque, huteur, précise sa... comment dire ? “...”pensée”...? - Tiens tu vois, la baignoire, tu la rinces, un peu de produit (faut pas attendre que ça

    soit sale) et hop ! trente secondes ! ...et là, tu vois, le sol de la zinecui, tu balayes les miettes, même pas une minute !” - le lit à faire, deux minutes ; se brosser les dents (eh oui), trois fois par jour pour ne pas finir comme Ma Mère avec son Dentier du Haut et son Dentier du Bas... Sans oublier de débarrasser la table et de faire la vaisselle (“Evidemment, faut pas attendre que l'évier soit plein, tu lave juste ce qui a servi au repas : 2 assiettes, 2 fourchettes, 2 couteaux, vite-vite, tu rinces l'évier – trois minutes !”) (plus quatre, parce qu'avec ce rythme-là tu t'es ouvert le pouce avec le schlâsse, Synthol-Sparadrap...).

    L'écran de la télé aussi, régulièrement, une minute ; les godasses, dix coups de brosse chacune, avant de sortir. Les vitres une fois mettons tous les dix-quinze jours, et l'aspirateur dans la voiture (“il est en panne” “T'as qu'à l'racheter”) - j'oubliais : une machine, au moins une fois par semaine. Parce qu'il ne faut pas exagérer, on n'est pas des maniaques, non plus, certaines choses ne se font que tous les deux ou trois jours, on fait un roulement (in french : a turn-over) – comme les médocs des alzheimer dans les petits casiers, pilules-sachets-gouttes-ampoules - “et deux biscottes” ajoutait Jacques Faizant – je ne quitte pas le sujet : c'est quand même lui, Jacques Faizant, qui devant le public, interrogé sur la raison qui permet aux femmes d'en mettre plein la gueule aux hommes de dix années de longévité, a répondu avec finesse entre les bouffées de pipe : “C'est normal ! Les femmes ont leurs soucis...” Murmures d'attendrissement féminin dans la salle. Quel brave homme, ce Jacques Faizant. Il va sûrement ajouter que les femmes ont bien le droit au rab de vie, après s'être tant de fois décarcassées pour leurs ingrats de maris et leurs salopiauds de morveux. Or le grand Jacques poursuit : “Les hommes ont aussi leurs soucis... plus ceux de leur femme.” Hurlement féroce d'allégresse masculine, applaudissements prolongés... Parce que les femmes qui geignent sur leur “double journée” (“boulot/ménage), c'est bien fait pour leur tronche. Elles n'avaient qu'à m'épouser, Moi. Quand je rentre le soir en effet, le lit bâille sur ses taches obscènes – les oreillers froissés en plein milieu ; la poubelle, j'ai dû la rentrer moi-même en descendant de ma Poubelle-Opel ; le p'tit-dej est resté intact sur la table avec les fonds de bol au thé froid, les pots de conf tout ouverts grouillants de mouche (c'est l'été) plus les miettes soigneusement positionnées sur la nappe en ordre alphabétique. Ma femme est au lit, elle se repose de ses coups de téléphone. Quant au chat, il miaule comme un dératé à côté de sa merde à côté de sa litière qui déborde et réclame sa pâtée (le chat) pour pouvoir en rechier une truelle...Vous avez compris : mon épouse est une Phéministe.

    Il paraît – il paraît – que les hommes à présent font un peu plus le ménage – 10 % au lieu de 5 % - eh, le double, tout de même ! Et femmes de concéder – les hommes cons, ça fait longtemps qu'ils ont cédé - “Oui c'est vrai, ils en font ; plutôt mal, mais enfin, un peu.” On le fait mâle ? Mais enfin, Mesdames, qui est-ce qui vous force à tout frotter-briquer-récurer impec-nickel dans votre appartement de mes deux ? Est-il si indispensable d'astiquer la chambre une demi-heure chaque matin, d'aspirer la moquette six fois par semaine plus le dimanche à l'heure de Télé-Foot ? (à donf, l'aspirateur...) A chaque mauvaise fois qu'on veut “aider”, on se fait jeter : “Non ça tu laisses j'ai l'habitude toi tu vas tout saloper”- OK, OK ! Mais ne vous plaignez pas ! »

    ...et une fois que vous avez fini tout ça, et que votre femme s'est bien recouchée jusqu'à midi, vous vous apercevez que ça fait bien deux heures que vous êtes en train de courir, entre la toilette, la vaisselle et le petit-dèj, et franchement, deux heures de corvées non-stop dès le lever ça vous met dans une pêche d'enfer et une envie exaltante d'envoyer votre poing dans la gueule à tout ce qui bouge. Même à ce qui ne bouge pas d'ailleurs. Comme me disait un pote à moi : « Mais enfin, quand tu rentres du boulot, et qu'il te reste mettons vingt minutes avant de manger, tu pourraisje ne sais pas moi faire un peu de ménage, un peu de rangement ? Ça ne te prendrait pas grand-chose, et ça ne te ferait pas plaisir d'avoir autour de toi une maison, un intérieur bien propre, bien ordonné ? - Excuse moi not'Glaude, mais ces vingt minutes-là, c'est le seul moment que j'aie dans la journée pour écrire. »

    Ah pour le coup ça lui a tout coupé à not' plouc. Il ne s'y attendait pas,à celle-là : écrire ! Je te demande un peu ! Pourquoi pas lire, tant qu'on y est ? Parce que « ces gens-là », ceux qui «font le ménage », ça ne leur vient pas à l'idée qu'on puisse écrire ou lire ou faire quoi que ce soit d'autre que le ménage ou la télé. Ça les dépasse. Ça n'est pas de leur monde. Ça ne fait pas partie de leur paysage. Ils ne voient même pas de quoi il peut bien être question. Seul un vague souvenir, un vague respect résiduel, les empêche de vous éclater de rire à la gueule (« qu'est-ce que c'est que ces conneries ? » »). Et ceux qui lisent, qui écrivent, qui peignent, les vivants, quoi, ils t'assènent parfois: « Mais regarde, MOI, j'y arrive, à lire, à écrire, à jouer du piano, et pourtant tout est bien rangé chez moi, ce n'est pas le bordel comme chez toi. »

    Ben jene sais pas comment ils font. A vrai dire je ne sais même pas comment ils font pour conserver leur puissance créatrice, leur sincérité, leur AME. Parce que vou ssavez, on peut très bien consacrer toute sa vie au Ménage, à la Sécurité sociale, aux Procès, au Torchage de Mômes, on trouvera toujours quelque chose à faire 18 heures par jour, quitte à se relever la nuit pour en refaire. Après c'est la grande litanie : « j'ai pas le temps j'ai pas le temps »... On se crée le temps, mais oui, bien entendu, vous le saviez ! (de Marseille...) La grande découverte de la Sagesse aussi Con que Temporaine, c'est que le corps et l'esprit sont liés, que le bien et le mal sont liés, que tout se vaut et s'interpénètre.

    OKK – KKKAY ! Mais je sais bien, moi, qu'il y a le corps et l'esprit, le muscle et l'âme, c'est ma modeste petite expérience comme ça, je ne suis pas Sage, je ne suis pas un Exemple, je ressens comme ça qu'est-ce que vous voulez que j'y foute... Je faisais de la peinture près du plafond, mon co-peintre (pas mon copain) me dit : « Qu'est-ce que c'est que ce gâchis ? Regarde, c'est comme ça qu'il faut faire. » Il faisait, très exactement, comme moi. Je refais après lui, très exactement comme lui, c'est-à-dire comme moi. Il me redit : « Mais non, pas comme ça, comme ça » - et il refait exactement la même chose que moi qui faisais très exactement comme lui. A la fin ça a fini par le pot de peinture sur sa gueule. Même chose pour enrouler les vrilles de la vigne autour du fil de fer (travail vigneron...) (autre copain (c'était un vrai un ami, celui-là) est mort depuis d'un cancer aux couilles ; il avait dû mal se les tortiller - ah ça m'a emmerdé quand même... -il me disait, 17 ans avant sa mort : « Mais enfin tu ne comprends pas ? Comme ça je te dis ! Mais non, pas comme ça, comme ça ! » - je refaisais très exactement le même geste, même torsion, même enroulement, au quart de millimètre près, mais c'était la même chose. Non moi ce que je crois, mai ssincèrement, c'est qu'une personne qui possède une certaine connaissance, un ruc purement technique, comme d'ouvrir une capsule de bière avec un manche de fourchette ou autre talent de société, vu qu'il ne sait rien faire d'autre, surtout pas sur le plan intellectuel (car ne venez pas me faire croire que de savoir gratter son allumette sur sa semelle fait partie e la vie intellectuelle), il se sent tellement fier (et humilié aussi de ne pas savoir faire autre chose) qu'il n'a qu'une envie, c'est de vous HUMILIER.

    C'est comme le nettoyage de ma bagnole : tout juste si je ne me faisais pas dire que c'était encore plus dégueulasse qu'avant. Alors je suis allé dire, innocemment, devant le reste de la famille dans une autre pièce, que c'était un truc pour se faire mousser, et que ça me faisait bien rigoler. Là-dessus je fais semblant de me remettre au nettoyage, le mec se repointe, et dit : « Ah, ben cette fois, c'est parfait ! Tu vois quand tu veux ! » Et le coup du frein à main bloqué, ou du pot de confiture (ou du pneu) trop vissé, que le garagiste te débloquait dans le temps d'un coup de vilebrequin, avec un air faussement modeste, tu crois qu'il te dirait, ce petit prodige, qu'il faut FORCER pour redévisser, et que (tout à fait illogiquement d'ailleurs, parce que chez moi, quand on aggrave une situation, elle reste aggravée) c'est justement ce forçage qui débloque tout ? Non, il ne te le dit surotut pas, c'est é-vi-dent, c'est sa marque de fabrique, c'est son petit truc à lui de bricolo MATERIEL, il m'a fallu quarante ans pour le découvrir tout seul, ce truc paraît-il si logique, si évident...

    Et quand vous venez de faire le ménage, c'est toujours à ce moment-là que quelqu'un arrive : « Oh, mais c'est dégueulasse ici ! » Tu réponds : « Tu fais bien de me le faire observer, mon con, parce que c'est justement à l'instant que je viens de nettoyer. » Tentez l'expérience, tenez, faites donc les poussières, pour voir, juste avant l'arivée de votre belle-mère : elle trouvera toujours un petit coin que vous avez oublié d'astiquer. Alors vous répondez : « Astique ton cul . » C'est ainsi que nous avons reçu deux lettres d'insultes méprisantes, sortant d'un appartement de Bordeaux, d'un autre de Nice, après avoir tout soigneusement nettoyé, frotté, briqué, parce que nous avions tout laissé dans un état vomitif, et qu'on allait nous retenir la caution, non mais, ces intellos, qu'est-ce qu'ils se croient, même pas foutus de laisser tout propre derrière eux ! Quant aux letttres reçues, elles étaient quasiment illisibles tant elles grouillaient de fautes d'orthographe et de constructions : des griffonnages sans suite... Moi je n'ai rien contre les pauvres, les prolos, les gens qui n'ont pas les moyens. Je vote toujours pour eux. A gauche, parfaitement. Mais qu'ils ne viennent pas la ramener avec leur courte science de maniement du chiffon et du balai-brosse. Parce que les prolos de l'esprit, ça je ne supporte pas. Et je suis désolé, celui qui passe tout son temps à tout nettoyer, ou à bricoler,

    et qui veut par-dessus le marché me donner des leçons, non seulement de bricolage, mais de façon de vivre, je ne dis pas que c'est le roi des cons, parce que c'est peut-être bien moi aussi, le roi des cons, mais je ne trouve rien à leur dire. Rien. Rien de rien de rien...

    Ah les ménagères ! Avec au fond des cieux l'image en grand de la Parfaite Maman Femme de Ménage, qui vous espionne et vous félicite du haut de son nuage, comme dit Simone de Bavoir... Le matin ? Ça donne : sykonomai, plinomai, dynomai – c'est du grec à 6000 : “je me réveille, je me lave, je m'habille”. Toilette 3 mn, douche 10 mn, rasage 3 mn. Ouvrir les volets 2mn, nourrir le chat (et non pas “nourrir les volets” et “ouvrir le chat”)(putain la vieille envie qui me tenaille). Demander d'un ton suave à la forme sous les draps Bonjour MINOU ! Tu veux bien déjeuner avec moi MINOU ? Et la forme répond Arghblouglouglou et j'entrouvre le volet. Je mets la table , bols, beurre, trois pots de confiture (s'il en manque un, c'est le troisième qu'elle voudra) (la forme dans le lit, ma femme), les 2 beurres (chacun le sien), les quatre cuillers les deux couteaux qui coupent et les deux qui tartinent, puis 2e appel : MINOU ! (etc.) - vaisselle en partie, 3e appel MINOU ! - et parfois elle se lève. Fin de la vaisselle, petit-déjeuner. Couverts dans le bac - “Il est bon qu'une femme ait ses deux bacs : un pour l'eau froide, un pour l'eau chaude”, mdr, putain je ne m'en lasse pas – d'accord, j'arrête. Mpfff...

    UNE NOUVELLE ERE DE LIBERTE

     

    Bernard COLLIGNON, Singe Vert,

     

    Ton admiration sans borne pour tsarkonazi aurait-elle l'obligeance de tirer un certain Philippe d'un très mauvais pas ?

    Comme tu le liras dans l'article de la Dépêche du Midi, un journaleux se mouille et prend des risques dans son article concernant une simple histoire de carte postale mail art, laquelle ose dévoiler un nichon pincé à linge ... 

    Suite : Perquisition, saisie des collages et de l'ordinateur de P, qui a décidé de prendre un avocat à 2500 euros. Comme il n'a pas de fric, il va essayer l'aide jurifictionnelle... 

    Mais ma proposition tient toujours : tu écris à ton copain Chef de l'Etat et l'affaire est close... 

    Sinon tu ne m'envoies plus ta revue, que je lisais ma foi avec un certain plaisir...

     

    Jean-Pierre

    ici j'envoie un petit courriel modérateur...  

    « Ce qui t'arrive (et qui pourrait arriver à bien d'autres) est gerbant au dernier degré. Mais je ne vois pas le rapport avec Sarkozy, que je suis loin d'admirer "sans bornes". Ta réaction est la preuve par neuf de ce que je pense : "J'ai pété, c'est la faute à Sarkozy, ça pue, c'est la faute à Fillon." Est-ce que tu t'imagines que la France a attendu Sarkozy pour être parfaitement conne ? Non, la preuve, c'est tout de même bien elle qui l'a élu. Pourquoi ? Parce qu'il correspondait à l'évolution, à la lepénisation dans un sens, des esprits. Est-ce que tu t'imagines par hasard que l'élection de Ségolène Royal aurait changé quoi que ce soit ? Avec une féministe comme elle, tu aurais autant morflé, car elle est très remontée contre tout ce qui ressemble de près ou de loin à une érection. On aurait gueulé à la "dévalorisation du corps de la femme", à l' "atteinte aux organes sacrés de l'allaitement maternel", etc... Il est ignoble de s'acharner ainsi contre toi. Mais je ne suis pas "le copain" de Sarkozy, qui me renverrait aux pelotes et aux instances judiciaires.
    Moi aussi, figure-toi, je peux me faire arrêter et menotter d'un jour à l'autre, pour peu que dans le climat d'hystérie antisexe actuel une de mes élèves se mette en tête de déclarer, vingt ou trente ans après, que je l'ai tripotée. Et je serais livré aux journalistes. Nous vivons dans une ère de suspicion généralisée, en plein Procès de Kafka. Et je ne vois pas ce que Sarkozy ou Ségolène Royal, ou les Américains, ou les Israéliens, ou qui que ce soit, viennent faire là-dedans. C'est l'époque et le pays qui sont devenus cons. Quant aux   flics, ils le sont par définition depuis la nuit des temps. Je ferai circuler ta lettre pour que ce procès scandaleux soit connu du plus grand nombre. Et si tu as envie de me tenir au courant, ce sera avec la plus grande attention de ma part. Bernard

    Réponse:

    Pour ne point t'embrouillaminer, j'espère que tu as compris que c'est moi, Jean- Pierre ESPIL (adresse "Maison Campots, 40180 YZOSSE"), qui t'ai envoyé le

    message ci-dessous, au sujet des ennuis que subit Philippe PISSIER actuellement... Philippe PISSIER n'est d'ailleurs pas au courant de ce message...

    De quoi je me mêle ? De ce qui ne me regarde pas, comme toujours... Je connais

    Philippe depuis si longtemps...  

    Philippe PISSIER, si j'ai bien compris, porte plainte pour diffamation contre La Poste et veut monter un comité de soutien avec un avocat parisien anti-sarko (paraît que ça existe à 2500 euros)... 

    Ta revue pro-sarko est forcément pour quelque chose à ma réaction épidermique... EN FAIT JE HAIS LES POLITICARDS DE TOUS BORDS, ET PLUS PARTICULIÈREMENT LES DÉCIDEURS, CEUX QUI SE LA JOUENT GRANDS, MOYENS ET PETITS CHEFS... 

    Tu as été prof, j'ai été instit, et à 60 balais je suis retraité... 

    Comme toi je détruirais sans remords les IUFM, mais aussi les RASED (tu sais le truc avec un pissecologue scolaire qui fait dessiner un gamin 10 minutes pour le placer en famille d'accueil selon la couleur de ses rêves)... MAIS AUSSI LES KAPOS DE LA HIÉRARCHIE  (DU MINISTRE A L'IEN) QUI FONT CHIER LES BESOGNEUX D'ENSEIGNANTS JUSQU'AU SUICIDE... CES SALAUDS PLANQUÉS QUI NE SAVENT PLUS (OU N'ONT JAMAIS SU) CE QU'EST UNE CLASSE, (ALORS QU'ILS NOTENT EN FAIT DES OUVRIERS SPÉCIALISÉS), JE LES PLACERAIS D'OFFICE 6 MOIS EN FORMATION CONTINUE CHARGÉS DE COURS, EN CLASSE UNIQUE, EN ZEP, EN CHAUDE BANLIEUE... CONDITION SINE QUA NON POUR POSTULER AU PORTEFEUILLE MINISTÉRIEL SI CONVOITÉ... Jean-Pierre ESPIL

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    L'EDUCATION NATIONALE

    EXERGUE

    863.- Lorsqu'on se fait brebis, le loup vous croque.

     

    Qu'elle crève. Une bonne fois pour toutes. Personne n'en a plus rien à foutre de la Culture et des Programmes. Qu'elle éclate, six élèves par-ci, trente-trois par-là, avec à leur tête qui on veut, qui les embrigade comme on veut, dans le sens du bien. 10 000 petites structures de bonne volonté. Tout ce qu'on veut, mais plus ce gros machin qui ne digère plus rien. Je ne vois rien d'autre qu'une foultitude d'initiatives personnelles et dispersées pour constituer un remède. Au Ve siècle n'existaient plus que des cours privés. C'était le bon temps. Les Barbares barbarisaient, les curés instruisaient, chacun à se place dans la société, la loi du plus fort, c'était clair et net. Nous voici revenus au temps des Grandes Invasions, mais bien plus internes qu'externes : celles de la connerie, de la démagogie et de l'idéologie libertaire.

    On finasse, on atermoie, on n'enseigne plus l'orthographe mais on place toutes les fautes de la classe au tableau et on fait discuter les élèves pour choisir. A six ans. On ne brutalise pas les pauvres petits nélèves qui ont droit au respect, prout-prout, et puis on les lâche dans la jungle (ils appellent ça « la vie », « le bac à sable »), et v'lan, et poum, et chtonkkk ! Je t'en foutrais moi de la démocratie, c'est tout hypocrisie et jésuitisme, et à la fin, c'est comme aux temps préhistoriques, les meurtres en moins (du moins cheux nous), toujours eul' plus costaud qui gagne. Ou le plus intelligent, le plus rusé, le plus social, le plus, quoi ! … Mais avant, pour affaiblir les plus faibles, on te les aura bien enduits de vaseline morale, pour qu'ils glissent mieux dans la gueule du gobeur, sans trop souffrir, et en se répétant avant de crever : « J'suis été l'meilleur, sur le plan moral, sur le plan éthique ! » et colégram.

    Ah, le bon vieux temps du Ve siècle (j'y reviens), où on pouvait massacrer à tour de bras, piller, violer, puis une confession au curé le plus proche (avant de le trucider) – et à l'assaut ! Au feu les nonnes ! (bon, fin du délire) (c'étaient eux tout de même, les religieux, les clercs, qui dispensaient l'enseignement, qui transmettaient Virgile et Horace (j'aime pas Horace), bien que ces

    derniers fussent païens... Donc, au Ve siècle, d'un côté les puissants, de l'autre ceux qui [...tiens, une coupure ; ce que c'est tout de même que le progrès de l'électronique : on perd des phrases...]- l'Apennin Ligure, au pied duquel j'ai couché sans savoir encore que c'était Bobbio, où s'étaient conservés des centaines de manuscrits antiques. Mais il est vain de vouloir apporter au Peuple la sagesse, le savoir, que sais-je... 98,5% des gens se contrefoutent de la culture, des bouquins, des tableaux, des sculptures – les maths, direz-vous ? Les sciences, la technique ? Pardon, ce n'est pas de la culture : c'est l'autre partie du cerveau.

    De la spécialisation. Vous me voyez, franchement, discutant équations ou intégrales pendant le repas de Noël ? Notez qu'il y en a bien pour parler octets ou megabits : ce sont des mufles. Parlez-moi de Pascal, de Montaigne, du Clézio, mais ne m'embrenez pas les tympans avec votre informatique ou vos tubulures de Yamaha. Chaque fois qu'on a voulu instruire le Po-heuple, ç'a été en vain ; je le souviendrai éternellement de la phrase la plus puissante que j'aie entendue : « Qu'est-ce que j'en ai à foutre de vos passés simples, moi ce que je veux plus tard c'est conduire des camions. » Ben oui mon con, toi yen a prendre le volant, et toi déchiffrer les panoroutié. Ça te suffira pauvre tache.

    Les prolos n'accèdent pas à la culture : ce n'est pourtant pas faute de la leur proposer. Il y a peu de fils d'ouvriers dans les études supérieures ? Évidemment, ils n'en voient pas l'intérêt. « Oh moi les études, ça ne m'intéressait pas trop » - dis plutôt que t'y comprenais rien, analphabète, et va remettre tes pognes dans le cambouis. Comme disait l'autre : « Eh, personne ne leur a demandé de faire des études. » Authentique. « Ah mais permettez, c'est intolérable, il y a des tas de choses à savoir pour devenir camionneur, techniquement, intuitivement (« Ça passe ou ça ne passe pas ? - Une pipe si ça passe !...eh merde il a passé – pttt', pttt', putain de camion – garçononon ! UNE BIERE ! ») - et la réalisation d'un camionneur vaut bien celle d'un prof de fac, puisqu'on va tous mourir à la fin » - désolé, désolé : il y a plus, infiniment plus de sensibilité, plus de raffinement, de culture en un mot que ça vous plaise ou non, à s'y connaître en Mozart ou en Vivaldi qu'en moteurs de Trente Tonnes.

    Or nous avons tout fait pour les garnir, les gaver de culture, les prolos ; et ils n'en ont pas voulu. « Lire ? Avoir des ailes ? Ça va pas non ? Nous ON PREFERE RAMPER ! Se cultiver ? Bon pour les pédés ! » Et c'est ainsi que le prolo se ramène dans la vie avec trois idées qui se battent en duel, alors que l'intello en aura une vingtaine... Il faut avoir vu des classes entières de prolos, Parfaitement, de fils d'ouvrier, fils de chômeurs, fils d'immigrés, taper le bordel, empêcher le prof de parler, jacasser, tonitruer Ça n'sert à rien en grasseyant bien les deux r ça serh à rhien avec la torsion méprisante de la gueule et de la gorge style "un poil près et je lâche le mollard" – le latin, le dessin, la musique ça serh à rhien ce qui sert c'est le Code de la Route et de remplir un Chèque et de s'acheter un bon Frigo pour conserver la Bouffe. Ce qui a foutu en l'air l'Education Nationale voyez-vous ce sont une fois de plus eh oui les jjjournalistes : il ne se passe pas de semaine, il ne se passe pas de jour sans que paraisse un article, une "enquête" démolissant l'Education Nationale, et soulignant à l'envi le fait que je ne sais combien pour cent des élèves sortent de l'école sans diplôme.

    Voulez-vous que je vous dise pourquoi ils n'ont pas de diplôme ? Ce n'est pourtant pas sorcier : les études, ça n'intéresse personne. 98,5% des élèves et des gens je le répète n'en ont strictement rien à foutre de la lecture, de l'écriture, des beaux-arts ou de la musique : ça serh à rhien on vous dit. Ceux qui déconnent en classe, ce sont les enfants de prolos, parfaitement, ceux pour qui on se décarcasse, parce que, tout simplement, ils n'en ont rien à cirer. Les journaleux prétendent avoir entendu en conseil de classe des profs orienter leurs élèves en fonction du milieu social où ils vivent. Or j'ai assisté, en personne, 39 ans durant soit trois fois plus multiplié par 4 classes, dans les 468 conseils de classe et jamais, vous m'entendez, jamais, je n'ai entendu l'ombre d'un commentaire désobligeant sur l'origine sociale d'un élève ("ouais, euh, vu le milieu d'où il vient, personne ne va pouvoir l'aider ou le soutenir", allez hop, section courte") – JAMAIS.

    C'est une honte. Une ignominie. Une calomnie – "calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose" – et j'oubliais les sociologues : j'ai lu ceci, parfaitement, de mes yeux lu : "Le but de l'école demeure la sélection des élites, le maintient à tout prix de la hiérarchie existante, et non l'ambition d'amener tout le monde à la connaissance" – dans un grand hebdomadaire de télévision suivez mon regard – et ce sont des "constatations", des vomissures idéologiques de cet ordre, et rien d'autre, qui ont enlisé l'Education Nationale dans ce bourbier. Depuis plus de quarante ans chacun vient taper sur l'E.N. à bras raccourcis en l'accusant de tous les maux. Les parents lisent cela, les enfants aussi, comment voulez-vous que s'établisse la moindre confiance entre les gens et l'école ? "Tout se passe comme si", à la rigueur ; mais dire que c'est fait exprès, que ce soit UN BUT ! vous vous rendez compte de ce que vous dites, sociologues de chiottes ? SON BUT ! Venez donc les voir, les fils de prolos, transformer la classe en souk, faire chialer les débutantes, emmerder à mort celui qui veut travailler (celle, plutôt), lui cacher son cartable, lui barbouiller ses bouquins, lui saloper les classeurs, le traiter d'intello ou de pédé (pour les filles, c'est "collabo"). Venez, enquêteurs-sociologues, faire cours dans une classe du peuple fermement décidée grâce à vous à transformer le cours en bordel et le prof en bourrique ("Celle-là, on va voir en combien de temps on la vire", je vous dis le nom de la prof et de l'établissement quand vous voulez, souteneurs de Staline, à présent de l'islamisme) – venez gueuler contre l'élitisme et dénoncer "la panne de l'ascenseur social" – TIENS DONC !

    ...Il y a des professions inférieures, et des positions supérieures ? MESSIEURS LES EGALITAIRES ??? Parce que les élèves qui ne suivent pas, soutien scolaire ou pas (tu parles, embryonnaire), quel va être leur premier souci, à votre avis ? De semer la zone ; putain je pige que dalle, pas question que les autres puissent comprendre quoi que ce soit. Ce ne sont pas les fils de bourgeois qui déconnent, je peux vous le certifier. Alors cessons de nous apitoyer ou de nous indigner vertueusement : gonflés à bloc par les calomniateurs, la plupart des élèves à présent veulent bien prendre l'ascenseur social, mais surtout, sans en foutre une rame, et surtout, ah ! surtout, sans être sélectionéns. "L'école est ennuyeuse" - mais depuis la nuit des temps, nande d'ignares !

    J'ai donc pris ma plume pour écrire à l'hebdomadaire en question voir plus haut, et poliment, si si. Vous croyez peut-être qu'on m'a publié, qu'on m'a répondu ? Que dalle ! mêmepas d'accusé de réception ! Ah mais ! "On n'est pas des fachos par cheux nous". Voyez-vous, si les journalistes un beau jour décident d'attaquer les boulangers, en répandant le bruit que leur pain est dégueulasse, avec des traces de fioul dans la pâte, sans compter qu'ils pissent dans le pétrin pour délier la farine, tout ça pour 100% trop cher – mais on trouve des cafards cuits dans les baguettes – je ne donne pas cinq ans à la profession pour s'effondrer. Présenter la police comme un ramassis de poivrots qui multiplie les contrôle au faciès et les matraquages en arrière-salles de commissariat – bavures, viols collectifs en uniforme, fausses contraventions payables en liquide et complicité de réseaux de prostitution : je préfère ne pas vous dire ce qu'ils vont penser de leur police, les Français.

    D'ailleurs sur ce plan-là ils ont déjà fait très fort, les journalistes. Il ne leur a plus manqué que les nounous qui tripotent les gamins du côté d'Outreau, d'ailleurs ils ne sont pas passés loin. Il y aurait une série de vigoureux coups de pied au cul à donner à ces diviseurs de société, qui montent les classes les unes contre les autres, et qui transforment le Vingt Heures en statistiques des Pompes

    Funèbres Internationales. Jamais rien qui va bien, jamais rien sur les programmes de relance économique ou les luttes victorieuses contre la corruption en Afrique – "On ne parle pas des trains qui arrivent à l'heure ! - Et vos prétendus reportages sur les départs en vacances, la neige en décembre et le soleil en été, c'est quoi ? Le bac, la rentrée, les voisins de l'assassin qui le trouvaient "si poli, si tranquille" ? - je t'en foutrais moi des "soutiens aux élèves en difficulté", qu'est-ce que vous voulez que je fasse d'une grande conne de seconde qui ne sait toujours pas conjuguer un imparfait ? "Derrière un guichet de poste elle n'aura pas besoin de conjuguer l'imparfait" putain l'argument !

    Le drame voyez-vous c'est quand Jules Ferry a décrété l'enseignement laïque – ouf !! - gratuit – très bien ! - et, malheureusement... obligatoire ! Extraordinaire, dans les années 1890 ! Mais à présent, orientez-les, par pitié, le plus vite possible ! "Il ne faut pas sélectionner" – non mon brave, orienter, ça revient au même et ça sonne mieux. "Autrefois, il y avait plus d'ouvriers dans l'enseignement supérieur" – oui, mon brave, mais il n'y avait pas une meute de feuilles de chou pour leur bourrer le crâne avec l'inutilité de l'éducation, ârce que les profs c'est tous des guignols juste capables de foutre des bafs et de tripoter leurs élèves dans les vestiaires ! Je me souviens du fils R., qui emmerdait toute la classe à lui tout seul, dont les parents étaient venus gueuler "Vous voyez que notre fils se casse la gueule et vous ne faites rien pour lui – pardon, pardon : c'était LUI qui faisait se casser la gueule à toute la classe.

    Le plus beau est à venir : "S'il commençait par se taire en classe... - Et vous ne voyez pas que ce bavardage perpétuel est un appel au secours ?!" Mais au but de la quinzième observation sans résultat, le prof moyen voudrait bien commencer son cours, comme beaucoup d'élèves aussi d'ailleurs. Qui n'ont pas du tout, mais alors pas du tout l'impression que le prof les "brime" parce qu'il en sait plus qu'eux. Mettez les cancres au boulot ! Et si plus tard, à 19 ans, à 27 ans, à 58 ans, ils veulent reprendre leurs études, se recycler, acceptez-les en classe ! Il y a des gens comme ça qui ne se rendent compte qu'il faut travailler en classe qu'après 10, 20 ans de vache enragée. Alors, une remise à niveau.

    Sans aller aussitôt penser "mise en contact adultes-enfants égale pédophilie" c'est quoi ce délire ? S'il y avait ne fût-ce que deux ou trois adultes par classe, vous verriez s'ils ne se tiendraient pas tranquilles, les mômes... Au premier déconnage, il entendrait ceci : "Ecoute morveux, moi je suis là pour étudier OK ? Alors tu vas pas emmerder le peuple." Et les morpions se calmeraient fissa, je vous le jure. L'avenir de l'Education Nationale est dans sa disparition, dans son éclatement en une multitude de petits établissements privés, autonomes, délivrant leurs propres diplômes, professionnels surtout. Tout se ferait comme aux Etats-Unis, vous savez, cette nation de tyrans obèses qui bouffent un Irakien au repas et un enfant afghan au dessert) – c'est-à-dire qu'on vous jugerait sur votre compétence (et non pas sur votre "expertise", assassins de la langue française) : "Vous savez travailler sur "excell" ? ...fabriquer de la saucisse ? ...lancer des fusées ? OK, just show to us... Vous ne savez pas ? ...foutez de notre gueule ? Fuck off." Evidemment il y aurait le piston social : Un tel connaît Un tel connaît Un tel...

    De plus, "que l'on sélectionne par le diplôme, le piston ou le canapé, il y aura toujours la même proportion d'incompétents" – mais pour décrocher un boulot : sans recommandations, vous ne trouverez rien. Et surtout pas à l'ANPE ("Avec Nous Plus d'Espoir", variante : "Arabe N'a Pas d'Emploi") – je vous en foutrais moi de l"autonomie de la recherche", de la "réflexion personnelle". Mais toutes ces vastes réformes obligatoires, toute cette systématique démolition de l'enseignement par des pignoufs qui n'ont jamais foutu les pieds dans une classe (Pivot : "Ah tiens ce srait bien ça : si toutes les classes faisaient leur journal au lieu de s'emmerder avec la littérature" – tu en as lu des journaux de classes, Bébert ? Entre les vannes niveau Grosses Têtes et règlements de comptes censurés par Môssieu le Proviseur...) - en vérité je vous le dis : placez vos enfants dans des petites structures vissées à mort, passez des uniformes à tout le monde – les Anglais qui le font ne sont pas plus dégénérés que les autres, il est vrai que là-bas c'est souvent la racaille qui fait la loi dans les classes) et AVEC LE NOM sur l'uniforme SVP pour apprendre à nos enfants lz responsabilité de leurs actes et non pas la lâcheté de l'insulte dane le dos par groupe de cinq... Et surtout, aux profs, foutez-leur la paix, vous entendez ? la paix.

    La paix. Peace. Frieden. Páz. Pace. Journalistes, philosophes de comptois en zinc, allez-y donc voir ! Faites-les, ces fameuses 18 heures par semaine ! Qui pour la tension nerveuse vous en font 36 ! je sais, il existe des chirurgiens qui font 34 heures par jour. Il y a toujours plus malheureux que soi. Qu'ils ne plaignent pas, ces fameux chirurgiens, ça pourrait être pire; ils pourraient être morts. C'était notre passage "démolition des arguments à la con". Evidemment que je les admire, les chirurgiens. Tiens, digressons donc : l'IUFM ("Institut Universitaire de Formation des Maîtres") est une crétinerie ridicule qui vise à donner aux élèves une autonomie dans l'acquisition de son savoir : PARFAIT ! MAIS EN MÊME TEMPS il désapprouve toute tenttative d'enseigner aux élèves quoi que ce soit, parce que ce serait une intolérable brimade. Comme disait le Directeur des Beaux-Arts de Bordeaux à tel éminent technicien en dessin et gravire : "Monsieur P., n'oubliez pas que vous n'êtes pas ici pour apprendre aux élèves de façon directive, mais pour les aider à s'exprimer !" Il en avait les larmes aux yeux à nous raconter ça. Paix à son âme ! Un facho de moins, n'est-ce pas... Alors, on les laisse s'exprimer, les grands nélèves, et ils s'apprennent entre eux tout ce qu'ils ne savent pas.

    Et comme ils y sont vivement encouragés, ils pataugent dans l'ignorance, et se vautrent dans le prétentieux et le péremptoire. C'est nous, les profs, qui sommes les bourreaux, les déconnectés de la Réalité (qu'ès aco ?) - les Feignants, les Ringards ! Total ce n'est même plus l'orthographe qui est en cause ("la science des ânes", bien sûr) mais la compréhension même des textes produits par des élèves. J'ai lu des phrases comme "le chat sont noir", en seconde ! L'élève avait confondu tenez-vous bien le singulier et le pluriel du verbe être ! Et ne venez pas me dire que c'est une exception, les copies à corriger sont un véritable supplice, on ne comprends plus ce que l'élève a voulu dire! Et le lui faire remarquer, c'est une brimade !

    Une brimade raciste, si l'élève est noir. J'ai vu, moi qui vous parle, un élève lire, en seconde, en suivant les lignes avec sa règle ! Des jeunes me déclarer qu'ils n'aimaient pas lire, parce qu'arrivés à la fin de la page ils avaient oublié de quoi parlait le texte au début ! La seule façon d'apprendre à enseigner, c'est comme au théâtre : hop, sur les planches ! Ou la nage : on se jette à l'eau ! L'IUFM apprenait à nager sur le sable. J'ai sauté de joie quand j'ai appris qu"il allait être supprimé. Nous allons donc peut-être enfin enseigner sans nous faire soupçonner de fascisme – apprendre le français, c'est ni plus ni moins que du fascisme. Exactement comme pour la Marseillaise.

    Maintenant, pour faire taire M. Lang, c'est difficile. Même Zemmour y a échoué. J'en ai marre d'entendre ricaner de tout son nez à chaque fois qu'on parle de la ruine de la langue française, autrement dit de la ruine de l'expression et de la pensée des élèves. Ces derniers se mettent désormais à écrire dans une espèce de gloubiboulga qu'ils ne parviennent même pas à relire en compreant ce qu'ils avaient voulu dire – sauf les fils de bourges : bizarre, non ? En plus je suis prof de LATIN et de GREC, vous voyez si c'est fasciste (la messe en latin, Benoît XVI, les Jeunesses Hitlériennes, allez-y dans la connerie, allez-y !) ...Un jour je serai fusillé. A bas les démagogues qui n'ont jamais fait cours dans une classe où les fils de pauvres, parfaitement, sèment le bordel avec une grande fierté, parce qu'ils sont "modernes", eux ! À bas Mozart, vive le rap ! A bas Hugo, vive le Journal de Classe -désolé : vive la langue française, vive le respect du savoir, vive la civilisation occidentale qui n'est pas la seule mais qui est la mienne, excusez-moi d'exister. Seulement les gens sans instruction, DEPOURVUS DE TOUTE CULTURE CULTIVEE, qu'on leur donne donc juste à bouffer, et qu'ils restent à leur place, qu'ils ferment leurs gueules.

    Qu'on cesse de leur donner la parole à travers tous les micro-trottoir – à eux qui ont toujours tout lu, tout vu, tout su. Moins on en sait plus on se vante, c'est couru. Avec une opinion sur tout. Irrévocable. Pas la peine de se documenter sur les ho-mo-se-xuels, c'est des pédés pis c'est tout ! Rhâ rhâ rhâ – rire gras). Car, à quoi pense-t-on en définitive, quand on n'a pas fait d'études - "personne ne leur a demandé de faire des études" (authentique !) - j'espère tout de même que si un jour tu te fais opérer, le chirurgien aura fait des études de chirurgie, et pas de charcuterie appliquée . Quand on ne sait même pas qui était Cosette, ni Wagner ! ("Ouagné"...) - et je peux vous dire exactement de qui je parle, j'ai les noms, les adresses, je n'invente rien.

    Quel peut bien être le paysage mental d'un bac moins dix ? De quoi peut-on bien se rendre compte ? Qu'est-ce qu'on a dans la tête, du brouillard ? De la purée de pois ? Le menu de la prochaine bouffe, la caravane à louer au bord de la mer ? Des – comment déjà – des opinions, voilà, sur les juifs, les Arabes, les Anglais, les Belges, les blondes, des opinions cons puisque c'est pas les miennes, paradoxe allemand. Et à 40 ans, s'il y en a une minorité qui veut reprendre "des études" pour apprendre à quoi que ça ressemble un cerveau qui fonctionne, eh bien soit, d'accord, O.K., plutôt trois fois qu'une, j'applaudis des quatre mains. "Ah que les discours du Singe Vert c'est portnaouak" – et qu'est-ce que j'en ai à foutre, moi, de la cohérence ?

    Je mets la balle en touche, ce qui vaut mieux que de mettre la chatte en boule – non, définitivement non, je ne sais pas répondre aux zob jections. Seulement, les autres non plus. Car on peut sans fin opposer les objections aux objections : nos cerveaux sont débiles, c'est-à-dire, étymologiquement, "faibles". Ecoutez-les, nos braves philosophes : au moins aussi cons que les économistes et les astrologues réunis. Ah, on peut bien se foutre de la gueule des joueurs de foot. Ecoutez-les vos sociopsychomachinologues aligner leurs "cas limites" et autres tortillonnements. A la fin des fins, "au final" comme disent nos fins stylistes (genre "cerise sur le gâteau", "en fait" et autres "réponse du berger à la bergère"), vous savez ce qu'ils nous radotent ? "Il ne faut pas s'en faire", "avec de la volonté on arrive à tout" – même à cesser de fumer, connard ? - "nous sommes libres, mais en même temps nous ne sommes pas libres" – et réciproquement, "coupables mais en même temps non coupables" ("Je ne suis pas coupable !" criait Louis XVI; "C'est ce qu'on va voir" dit le bourreau) ou bien (et c'est encore le moins con) "Démerdez-vous et que le meilleur gagne", quand ce n'est pas "Ayez confiance en Dieu et pétez un grand coup" – eh, c'est 25 euros mon bouquin, vous n'allez pas vous en tirer comme ça...

    Alors à la fin ! à la fin des fins ! Vous savez ce qu'il y a de plus cohérent ? Que plus cohérent tu meurs ? LA MORT AU BOUT ÇA C'EST LE TRUC COHERENT, le seul truc logique de chez Logique, et le plus con de chez Ducon. Et il faut les voir tous s'évertuer, s'époumoner, pour surtout ne pas plonger au fin fond du puits de la vérité – ils s'arrêtent tous soigneusement aux étages intermédiaires : la vérité politique, la vérité économique, la vérité morale, la vérité religieuse, mais personne ou presque ne descend au dernier sous-sol. Et ceux qui concèdent une seconde le désespoir absolu, l'épouvante, il faut ensuite les voir se battre les flancs et se trifouiller l'anus pour vous sortir leurs bobards ("nous sommes les maîtres de notre Ddddestinée", "nous sommes les rois du monde", "Si tout allait bien tout irait mieux – et si tout allait mieux tout irait bien", "allez on se secoue on rigole", et tous les trucs de la méthode Coué dont tout le monde se fout parce que personne ne l'a lue (moi non plus mais yaksakimarch) – ah je t'en foutrais moi de la Pensée Humaine ; dans le qualificatif, l'ornemental et la fioriture, alors là, oui, nous sommes imbattables.

    Mais pour ce qui est de l'ontologie, de la quiddité, nous sommes nuls comme nous le disait l'autre jour l'ancien ambassadeur d'Arménie Archichian. Et puis je n'ai rien inventé je sais, c'est leur grand argument à tous ("Il n'a rien inventé ! - Ta gueule.") La vie c'est pas marrant. Tu ne peux jamais t'éclater. "L'ennuyeux avec la morale, c'est qu'il s'agit toujours de la morale des autres" (Oscar Wilde). Toujours en face de toi tu trouves un con en face pour te dire "Interdit ! Verboten ! C'est pas beau ! Nilzia !" - au nom de la FRA-TER-NI-TE comme dit l'autre cruche. "Oublier l'ego " - c'est c'là, ouiiii... Dès que vous pensez aux autres, dès que vous vous intéressez à l'autre, dès que vosu montrez la moindre trace de commisération, de pitié, de charité, aussitôt c'est "Tu m'fais ci ? Tu m'fais ça ? T'as pas un euro ? Ou deux? T'as pas dix minutes ? Une heure ?" - total il faut les envoyer braire urgent, se réserver son petit soi-même, sinon tu es bouffé, jusqu'aux vertèbres, carrément piranhisé.

    Alors qu'on ne vienne pas me dire « Il faut renoncer au moi » : cela ne veut strictement, rigoureusement rien dire. Nous y renoncerons bien assez tôt, à notre moi, et ce sera suffisamment poignant. Mais ce qu'il faut dire, ô mes sages abrutis, c'est « Bien gérer le moi, et les autres – bien délimiter son territoire : Père, gardez-vous à droite, père, gardez-vous à gauche, comme disait Jean le Bon, 16 ans, à la bataille de Poitiers (1356) – ça ne dit plus rien à personne, n'est-ce pas tas d'ignares. On n'apprend plus ça à 'école, ça ne serh à rhien – mais non je n'ai pas dit qu'il fallait rester égoïstes ! Mais garder ses frontières. Bien étanches. Même les psy ça ferme la porte pour chier.

    Enfin j'espère. Et tout le monde savait tout ça d'instinct, et toutes vos leçons de Fraternité, de Solidarité, c'est de la DAUBE - Tous engsemgbleu tous engsemgbleu GNOUF ! GNOUF ! et puis la mort au bout. Evidemment que ça fait mal la haine, évidemment que ça salit de partout. Evidemment que j'aime ma famille et des tas de gens Seulement j'en ai plein le rondibet du radada (San-A) d'entendre jacter partout la même chose, tempêtes, assassinats, cours du pétrole et chauffage solaire (qu'on ne sait pas comment recycler pis les capteurs coûtent la peau des fesses et pis faut les changer tous les quinze ans ça on ne vous le dit pas), les éoliennes (une tonne de ciment dans le sol par moulinette à fromage et ça on ne vous le dit pas non plus), les pédophiles par-ci et les « dangereux schizophrènes » par-là, ce qui se fait et ce qui ne se fait pas, faut pas vexer les cons c'est pas leur faute et si tu penses comme ci tu DOIS agir comme ça et si tu ne fais pas ci tu ne DOIS pas faire ça, pis sois adulte, sois raisonnable, sois affable et DISCUTE SI SI SI DISCUTE avec les autres (leur connerie j'ai la même à la maison il faut il faut il faut MUSZ ES SEIN ES MUSZ SEIN alors Scheisse, wieder Scheissen dreimal Scheisse, nochmal une noch immer Scheisse, dazu Scheisse und DARÜBER SCHEISSE – mais c'est qu'il mordrait ce con-là. Liberté de l'un qui s'arrête où commence la liberté de l'autre – coups de massue, Ve siècle, coup de massue dans la gueule- c'est pas vrai parole je tiendrais pas le coup je ne saurais pas faire pourrais pas suporter même l'idée.

    N'empêche que Sidoine a fait tout ce qu'il pouvait pour maintenir l'amour des lettres dans son Auvergne et son Lyonnais. Un joour nous aussi nous serons clandestins comme les Hellènes sous occupation ottomane qui enseignaient à leurs enfants, la nuit, la Culture et la Langue grecques interdites par les conquérants SIGNE LE SINGE VERT UN CON PETANT - putain je rêve pas moyen de discuter cinq minutes avec ce taré...

     

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    885 .- C'est un travail gigantesque que de varier l'ennui. N'est-ce pas ce qui peut expliquer la création du monde ? A la longue, l'infini devait être bien ennuyeux.HONORE DE BALZAC – Lettre sur Sainte-Beuve


    PREMIER ARTICLE

    "au-delà de cette limite..."


    Les avisés complèteront d'eux-mêmes : "...votre ticket n'est plus valable". Sacré Gary. Son nom est celui du lieu de naissance de Michaël Jackson, Michel fils de jacques . c'est bien leur seul point commun. Gary s'est suicidé. Le fils de Jacques fut expédié d'une sale surdose. Gary ne pouvait plus bander ; Michaël n'aurait guère été plus performant sur ce point que notre regretté Napoléon , à peu près aussi bien monté, dirent les indiscrètes, qu'un enfant de dix ans... Bref (c'est le cas de le dire), ce n'est guère avec ces deux-là que notre Ministre des finances eût pu renflouer les caisses de l'Etat : ne lui prête—t-on pas l'intention d'établir impôt sur l'érection ? intensité, dureté...

    ²Ainsi, - ainsi, seuls les riches auraient le droit de bander. Ce qui réduirait d'autant la prolifération de ces cons de pauvres, dont tous les sous-sartriens ("Nous sommes responsables de tout ! Ceux qui s'abstiennent sont aussi responsables que ceux qui ont agi ! Chômeur, c'est bien fait pour ta gueule !" - non, ça, il ne l'a pas dit, c'est Sarko) ("De Sartre à Sarko" : il nous manque un brillant essayiste – tiens, BHL par exemple - nous vont répétant – prout - qu'ils ont CHOISI leur destin – que NOUS avons choisi notre destin.

    N'oubliez pas en effet, lecteurs et trices, que nous avons toujours le choix. Un peu de Palmade : "Qu'est-ce que tu choisis ? Des dents en bois, ou des jambes en laine?" et quand vous avez choisi entre la peste et le choléra, les sous-sartro-sarkozistes vous vont cornant aux oreilles AH MAIS NE VIENS PAS TE PLAINDRE ! TU AS CHOISI ! Je n'ai rien choisi du tout, mon con.

    Le choix, c'est quand on le fait exprès. Un enfant de cinq ans te le dirait. Si l'on s'aperçoit longtemps plus tard que "dans le fond", on a tout fait pour que "ça" arrive, eh bien désolé, c'était inconscient, personne ne peut vous balancer à la gueule qu'on "l'a fait exprès". Les enfants sont très sensibles à cette notion de "exprès/pas exprès"; la justice également, qui distingue les "homicides par imprudence" et les "homicides volontaires". Je ne vois pas pourquoi les "philosophes" iraient faire les malins. Groddeck disait à peu près "Quand on ne sait plus quoi faire de sa vie, on se "fait" un beau cancer". Mais il ne s'agit que d'une boutade. Exacte, et inexacte. Permettant de se retenir de tomber malade, assurément. Mis dans la vie courante : il est bien joli de remplacer l' "inconscient" par la "mauvaise foi", n'est-ce pas, Sartre, ô Eternelle Cible ; mais c'est transformer l'humanité, par systématisme, en un troupeau de coupables. Ou alors, on distingue soigneusement "responsabilité" de "culpabilité", ce qui donne un non moins beau troupeau de cyniques...

    Sartre et les volontaristes occidentaux nous opposent la notion de "moindre mal", le "moins douloureux", donc tu as CHOISI. Tu parles... Tous ces cons qui applique la logique mathématique à l'âme humaine...

    X


    Où en étais-je, dit Montaigne... Euh... A Gary. Romain. Au-delà de cette

    limite, votre ticket n'est plus valable – vous "n'avez plus le ticket" (avec les femmes). Pour les femmes, c'est dès 50 ans qu'on ne les regarde plus disent-elles ; alors là, c'est bien fait pour leurs gueules. Comme ça, elles voient l'effet que ça fait d'être un homme, jamais regardé, jamais désiré. Puisqu'il paraît que c'est si avantageux, d'être un homme. Et Romain Gary (Kacew) s'est suicidé de ne plus bander. C'est vulgaire, n'est-ce pas... Dans son roman, le personnage louait un beau sabreur du Bois de Boulogne et le regardait BESOGNER sa femme ("il la besogna séance tenante", comme on disait) en se tripotant le mou. C'est encore le riche qui en profite : parce qu'un MAC ça se paye, infiniment plus qu'une pute, qui ma fois n'a quà se laisser faire. Pour les pauvres - Veuve Poignet ! Ou le cancer de la prostate, pour éjaculations insuffisantes.

    J'en connais qui en sont là. Enfin, pas loin. Et qui ne se suicident pas. Comme disait Clemenceau, enterré debout près de son père enterré debout (depuis longtemps le crâne dans les talons) : "Je ne connais rien de plus inutile qu'une prostate, si ce n'est une Chambre des Dix putains" – euh, "des Députés". Plus désirs plus rien. Le bouddhisme, quoi, le vrai. Et ce n'est pas cette indifférence qui dérange : non, c'est le fait que ça ne dérange pas – qui ME dérange.

    X

    Et pas question de compter sur une femme pour se sauver la mise en sensualité. C'est pur, les femmes. C'est chaste. Quand ça désire, c'est noble, ça tire des larmes. Si c'est un homme, ce monsieur est un pur salaud, un violeur en puissance ; il peut crever les couilles en bataille et la bouche ouverte. Mais s'il n'y arrive pas, alors c'est un minable. Cherchez pas de logique, y en a pas.

    On peut coucher (pardon : faire l'amour) avec une femme. Il n'y a rien de plus facile. Surtout

    d'après les femmes. Ce qui est difficile, ce sont les conditions qu'elles y mettent : un véritable parcours du combattant. Surtout, surtout, ne pas s'engager dans la discussion, dans la négociation. Toujours, toujours, la femme trouvera un moyen de prolonger le délai jusqu'à l'infini : ses besoins sont très faibles, et la majeure partie de sa sexualité consiste en une pratique assidue de la masturbation. Après quoi, elle prodigue à tire larigo, comme il se doigt, des leçons de Morale. De Sentiment. Choses de quoi nous autres, les hommes, nous trouvons totalement dépourvus. Et n'allez pas dire que vous devenez impuissants ("non-assistance à zizi en danger" !) - qu'il vous serait tellement rassurant de pouvoir donner à une femme (j'oubliais : pour les femmes, ce sont elles, qui donnent ; un homme, ça prend, ça déchire, ça défonce ; qu'un homme puisse avoir envie de "donner", ça les dépasse ; ça leur troue la comprenette). L'amour, direz-vous ? toi, l'homme, tu n'aimes pas assez, pas de la façon qu'il faut – à moins que tu n'aimes trop : là, tu es ridicule, et putain, qu'est-ce que tu es mal venu, vulgaire ma chère, d'insister à ce point-là pour une chose qui a si peu d'importance.

    La femme ne fait l'amour que lorsqu'elle est amoureuse. Autrement dit tous les dix ans, parce que l'amour, ce n'est pas si fréquent : on ne vit pas dans un film, ni dans un roman – mais dans la vie de tous les jours. La femme ne désire jamais un homme, directement, comme ça. Je ne m'indigne pas, je ne me plains pas : c'est comme ça. Il fait chaud l'été, il fait froid l'hiver. Simplement j'aurai mis la vie à m'en apercevoir. Et je suis d'accord avec vous : tout ira mieux dans 150 ans, comme dirait le Parti Communiste.

    Mais dans 150 ans, il ne me restera plus rien à mettre en arc-de-cercle pour soulever le couvercle, comme dans la chanson de Bali-Balo. Oui, ceux qui me connaissent me trouvent monotone ; ça tombe bien, je les trouve chiants. Ceux qui ne me connaissent pas, c'est parce que personne jamais n'a écrit ça. On édite les fachos, les navets. Mais ça, la misérable condition sexuelle des hommes, je parle des sincères, pas de ceux qui la ramènent avec leurs baises par paquets de dix, on ne l'édite pas. Pauvres femmes victimes. La caractéristique de la masculinité ? C'est la solitude sexuelle. Oui, bon, sauf dans le mariage, OK, avec le trois-pièces cuisine, etc. Mais le sexe, pour les hommes, c'est OU BIEN interdit, OU BIEN obligatoire. L'amour ? Je vous l'ai dit : ne vous laissez jamais entraîner sur ce terrain-là. Vous aurez vite TORT. Vous n'aimerez pas assez. Tous les prétextes seront bons pour NE PAS. La femme est le sexe du NE PAS. En alchimie, la Lune, la Passivité. Elle est libre. Oui, de NE PAS faire l'amour. Ou avec qui elle veut. En général ses doigts. Ou son mari. Qui vire vite impuissant, évidemment, par fidélité. Nous allons changer de sujet, avec l'Académie française (où les hommes ne doivent plus guère tendre leur petit arc pustuleux).

     

    DEUXIEME ARTICLE

    DECLARATION DE L'ACADEMIE FRANÇAISE

     

    L'Académie a appris par la presse l'existence d'une Commission de terminologie, créée à l'initiative du Gouvernement (décret du 29 février 1984), "chargée d'étudier la féminisation des titres et des fonctions et, d'une manière générale, le vocabulaire concernant les actitivités des femmes."

    Le décret précise que "la féminisation des noms des professions et des titres vise à combler certaines lacunes de l'usage de la langue française".

    On peut craindre que, ainsi définie, la tâche assignée à cette Commission ne procède d'un contresens sur la notion du genre grammatical, et qu'elle ne débouche sur des propositions contraires à l'esprit de la langue.

    Il convient, en effet, de rappeler qu'en français comme dans les autres langues indo-européennes, aucun rapport d'équivalence n'existe entre le genre grammatical et le genre naturel.

    Le français connaît deux genres, traditionnellement dénommés masculin et féminin. Ces vocables hérités de l'ancienne grammaire sont impropres. Le seul moyen satisfaisant de définir les genres du français eu égard à leur fonctionnement réel consiste à les distinguer en genres respectivement marqué et non marqué.

    Le genre dit couramment masculin est le genre non marqué, qu'on peut appeler aussi extensif en ce sens qu'il a capacité à représenter à lui seul les éléments relevant de l'un et l'autre genre. Quand on dit "tous les hommes sont mortels", "cette ville compte 20 000 habitants", "tous les candidats ont été reçus à l'examen", etc., le genre non marqué désigne indifféremment des hommes ou des femmes. Son emploi signifie que, dans le cas considéré, l'opposition des sexes n'est pas pertinente et qu'on peut donc les confondre.

    En revanche, le genre dit couramment féminin est le genre marqué, ou intensif. Or, la marque est privative. Elle affecte le terme marqué d'une limitation dont l'autre seul est exempt. À la différence du genre non marqué, le genre marqué, appliqué aux êtres animés, institue entre les sexes une ségrégation.

    Il en résulte que pour réformer le vocabulaire des métiers et mettre les hommes et les femmes sur un pied de complète égalité, on devrait recommander que, dans tous les cas non consacrés par l'usage, les termes du genre dit féminin – en français, genre discriminatoire au premier chef – soient évités ; et que, chaque fois que le choix reste ouvert, on préfère pour les dénominations professionnelles le genre non marqué.

    Seul maître en la matière, l'usage ne s'y est d'ailleurs pas trompé. Quand on a maladroitement forgé des noms de métier au féminin, parce qu'on s'imaginait qu'ils manquaient, leur faible rendement (dû au fait que le cas non marqué contenait déjà dans ses emplois ceux du cas marqué) les a très vite empreints d'une nuance dépréciative : cheffesse" – jamais entendu ça... "la chef(fe)", oui – "doctoresse" – pas du tout : ce nom, comme ceux de "mairesse" et de "factrice", je l'ai entendu toute mon enfance, aucun n'avait de nuance "dépréciative" – "poétesse" – non plus, Messieurs les vieux croûtons – je m'adresse aussi aux "féministes" de style viragos revanchardes ("Ouah ! Ouah !...") "On peut s'attendre à ce que d'autres créations non moins artificielles subissent le même sort, et que le résultat aille directement à l'encontre du but visé" – je n'ai jamais compris par exemple, moi Singe Vert, que l'on tolère l'ignoble auteurE alors qu'on dit acteur/actrice (cela vient du même mot fasciste, pardon, latin : actor) – nous pourrions dire "autrice", facteur/factrice (voir plus haut). Il faut vraiment méconnaître le sens (je n'ose dire le génie, on me taxerait encore de lepénisme) de la langue française pour tenter d'imposer de telles monstruosités. Il faut, Mesdames, avoir perdu tout sentiment du ridicule, que dis-je, de dignité, pour oser appeler la première magistrate d'une ville sa "maire". Nous avions déjà l'homonymie "mère" – "mer", que vient foutre ici, en bon français ("LE français", parfaitement) cette intrusion grotesquement administrative ? ...pléonasme...

    "Il convient enfin de rappeler qu'en français la marque du féminin ne sert qu'accessoirement à rendre la distinction entre mâle et femelle. La distribution des substantifs en deux genres institue, dans la totalité du lexique, un principe de classification, permettant éventuellement de distinguer des homonymes" – "le mousse" et "la mousse" – encore ce féminin désigne-t-il deux choses très différentes, sur une écorce ou dans un verre – "de souligner des orthographes différentes, de classer des suffixes, d'indiquer des grandeurs relatives, des rapports de dérivation, et favorisant, par le jeu de l'accord des adjectifs, la variété des constructions nominales... Tous ces emplois du genre grammatical constituent un réseau complexe, où la désignation contrastée des sexes ne joue qu'un rôle mineur. Des changements, faits de propos délibérés" basques "dans un secteur, peuvent avoir sur les autres des répercussions insoupçonnées. Ils risquent de mettre la confusion et le désordre dans un équilibre subtil né de l'usage, et qu'il paraîtrait mieux avisé de laisser à l'usage le soin de modifier."

    Déclaration faite par l'Académie française en séance du 14 juin 1984.

    ...Messieurs et désormais Dames, si on laissait faire l'usage, comme vous dites, ça fait belle lurette que nous parlerions un jargon anglais. Il faut parler non de "l'usage", qui parle de la "gente féminine" – imbéciles : la gent ! - mais, avec Vaugelas, du BON usage, celui de la cour ; de nos jours, des fascistes – pardon : des gens cultivés.

     

    TROISIEME ARTICLE

    Une fois de plus, et de façon fort banale – comme dit Péguy "On se plaint que je répète toujours la même chose – mais c'est parce que C'EST TOUJOUR LA MÊME CHOSE." - je proteste furieusement, furibardement, contre la formulation de certaines louanges. Imaginez en effet un champion de basket, qui d'un seul coup, par accident, vire tétraplégique. A force de courage, de volonté, il s'entraîne comme un malade, et collectionne les médailles aux Jeux Parolympiques, scandaleusement occultés par les médias. Eh bien on ne dit pas (je cite) "La volonté d'une personne engendre le succès, tout dépend de son état d'esprit". C'est ridicule. On est en pleine méthode Coué, en pleine magie.

    Alors comme ça, il suffit de se persuader qu'on va gagner, et on gagne ? Et si on perd, alors, c'est qu'on ne n'est pas assez autopersuadé ? C'est vraiment n'importe quoi. "Si vous pensez que vous êtes battu, vous l'êtes"("le poète Walter D. Wintle – poète, ou marchand de merguez ?) - là c'est n'importe quoi, c'est révoltant, c'est carrément à gerber. D'abord, si je me sens battu, si je le pense, je ne fais pas exprès de penser cela. "On ne fait pas exprès de penser ce qu'on pense". Je ne sais pas où Simone de Beauvoir a écrit cela, mais je le retrouverai. Ensuite, je le connais, ce raisonnement : il fait carrément passer celui qui se décourage pour un pauvre con, qui n'a pas su bander suffisamment. Je salue le courage du basketteur tétraplégique, je l'admire, mais permettez : tout le monde ne peut pas l'imiter, c'est une tromperie d'affirmer cela. Il avait déjà des antécédents sportifs de haut niveau. Moi, si je deviens tétra, je reste tétra, et je me désespère ? Désolé. Je suis une couille molle. Ce genre d' "exemple", ce genre de "commentaire" à la Monsieur Tout-le-Monde renfonce dans leur merde tous ceux qui "n'y sont pas arrivés".

    Ce genre d'aphorismes stupides va à l'encontre du but recherché, plonge dans la culpabilité tous ceux qui ne se sont pas haussés à la hauteur du grand homme, dont il n'est nullement question de diminuer les mérites. Il est à noter que tous les heureux surmonteurs d'épreuves, tous ceux qui ont vaincu d'énormes obstacles, s'ils s'expriment à ce sujet, ne parlent nullement de leurs découragements. Ils ne feront qu'insister sur leur détermination, leurs sursauts de volontté. Mais qui leur a donné ces sursauts ? Le hasard, Dieu, X, le déterminisme psychique, appelez ça comme vous voudres. Mais ne me parlez pas de l'action décisive et déterminante de l'homme seul. J'enrage (du moins, j'enrageais : c'est loin, la vie) d'entendre d'autres ratés me répéter que non, ma foi, je n'ai pas suffisamment VOULU décrocher l'agrégation (10 ans d'études, 4 admissibilités, tout de même), je n'ai pas suffisamment VOULU éditer mes modestes ouvrages (126 ventes en librairie) ; ils me disent : "Si tu as échoué, c'est qu'il y a bien une raison". Certes. Certes. De plus, "on" (ne me demandez pas les noms, ce sont des gens que vous ne connaissez pas, mais vous en connaissez tous de semblables dans votre entourage) – me dit : "Ton esprit n'a pas fait SON BOULOT de reconnaître le désir des femmes" – stupidité inimaginable. "Tout de même, ajoute la même femme" – c'est une femme ; faut pas demander, aussi... le désir de l'homme, elles le voient tout de suite... celui de la femme, tiens, essaye donc de le repérer... - "tu aurais bien pu te douter, vu la répétition des mêmes situations" – me doute de quoi ? qu'il fallait que je changeasse de connduite ?

    Mais il ne t'est donc jamais venu à l'esprit qu'un être humain, pénétré d'une certaine erreur de jugement, et constatant que les choses se déroulent toujours de la même façon, c'est-à-dire à son désavantage, trouvera tout simplement que les faits ne cessent de confirmer son erreur, son opinion, et de consolider ses (plus ou moins) fausses certitudes ? Il recommencera donc toujours les mêmes choses, et constatera qu'il a, lui, de plus en plus raison. Car l'être humain n'obéit pas à la logique : ce n'est pas parce que ta femme te trompe que tu la quittes, ce n'est pas parce que ton homme te bat que tu vas porter plainte. Je ne m'appelle pas Michel Onfray, à qui un pote avait dit : "Mais alors, compte tenu des opinions que tu professes, en toute logique, tu devrais te suicider", et qui, comme ça, dans la nuit, du jour au lendemain, avait changé de système philosophique, que dis-je, d'opinion générale sur la vie, de Weltanschauung, allez hop, on tourne la manette, et arrière toute ? J'ai beau me dire qu'il faut assumer ses erreurs, se faire un étendard des choses que l'on vous reproche, et prétendre qu'on les a choisies... Je n'y arrive pas, ou si imparfaitement que c'est misère, et je ne peux ainsi renier tout mon passé, tout ce sur quoi s'est bâti ma vie, se sont édifiés ces colonnades d'échecs constituant ma vie...

    L'âme humaine, le cœur humain, ce n'est pas ax + b... On ne change pas de "vérité" comme une girouette. Celui qui aura le plus tort du monde se trouvera toujours une multitude de raisons. ("Anche tu hai le tue buone ragioni", "toi aussi tu as tes bonnes raisons", comme disait Corto Maltese avant de vider le chargeur de sa mitraillette dans le ventre d'un espion gênant ; voir aussi le Tigre, alias Kinski, répondant à une femme qui lui demandait s'il n'avait pas honte de liquier les hors-la-loi, et en particulier son propre fils : "Il faut bien que chacun gagne sa vie..." Et pour en revenir à des choses moins tragiques, je me charge, moi, de trouver des candidats, des écrivains, exactement de mon genre, du même modèle, qui ont réussi, eux. "Oui, mais pour eux ce n'était pas la même chôôôôse" – ah tiens donc.

    Et tes échecs à toi, mon pote, tu te les tranformes bien entendu en volontés explicites, n'est-ce pas, tu n'as pas réussi parce que tu étais trop fier, que tu ne voulais pas te compromettre, e tutti quanti. Alors je vais te dire, vous dire une bonne chose : "des" raisons, le petit esprit humain en trouvera toujours, quitte à se contredire outrageusement. Mais la petite cervelle d'ici-bas échoue lamentablement à trouver LA seule Raison qui vaille, et qui est une volonté qui nous dépasse, ou une absence de volonté totale. Ainsi soit le monde", proclame une inscription à l'entrée d'un temple japonais si j'ai bonne mémoire. "Amen", et "Aman" ; telles sont en défionitive – euh, définitive – pulcherrimus lapsus ordinatoris - les deux seules méditations qui s'offrent à l'esprit humain, ce cloporte : aman, "octroi de la vie sauve à un ennemi vaincu". "Aman ! " criaient les vaincus sur le champ de bataille : "Pitié !" Vous avez aussi, côté chrétien : "Que ta volonté soit faite" et "'Prends pitié de nous" – en grec, avec plus fière allure : "Kyrie éléïsson". Mais qu'est-ce qu'on s'emmerde... Et mieux vaut une mauvaise foi, même politique (voyez comme on fustige le personnalisme de Sarkozy, alors que deux phrases sur trois de Ségolène Royal commencent par "Moi je veux...") - que pas de foi du tout. Et voilà pourquoi le peuple (vous et moi) préférera toujours quelqu'un qui le fera rêver, même cauchemarder, à toutes ces braves bonnes volontés qui vous expliquent : "Eh oui ! Nous n'y pouvons rien, on ne fait pas ce qu'on veut, soyons réalistes et lissons nos pantoufles dans le même sens..." Et c'est encore pourquoi le petit juif à qui Dieu du haut de sa puissance avait demandé s'il préférait la Gloire et l'Eternité pour tout de suite, ou bien le journal du matin, répondit humblement, la tête basse et la bouche pleine de croissant : "...Adonaï, je t'en supplie, que ce soit le journal du matin..." Les théories de la liberté m'inspirent ceci : nous allons enlever tous les panneaux indicateurs dans un département, mettons, au nom de la "liberté et de la "responsabilité", et du contact humain, parce qu'il faut alors sans cesse demander son chemin, ce qui crée des liens.

    Peut-être. Mais pendant ce temps-là, dans les départements d'à côté, les gros ploucs et blaireaux ils auront fait du chemin, ceux-là, au lieu de tourner en rond avec leur petite fierté...  Je préfère les livres stupides "comment se comporter en telle, telle, telle circonstance". "Les hommes viennent de Mars, les femmes de Vénus". "Apprenez à parler en public". "Réussissez à faire adopter vos points de vue en entreprise". C'est peut-être couillon, je ne les achète pas, mais ça te donne au moins des indications précises. FACTUELLES. Je préfère réussir dans les "chaînes" (???) que de m'enliser dans je ne sais quels marécages au nom de ma "liberté" de mon cul. Et je reçois la réponse suivante : ?----ta comparaison est facile et tout a fait innadaptée----mais bon ça te permet de faire semblant de n'avoir rien compris et de rediffuser a l'infini le meme message----

    Eh bien non ma chère. "Faire semblant de ne pas comprendre", c'eest une de ces expressions qui ne veulent strictement rien dire, avec "il faut savoir s'en donner les moyens". Quand tu n'as pas les moyens... eh bien tu n'as pas les moyens, point barre. Tu ne vas tout de même pas cambrioler une banque pour financer ton expédition au Pôle, ni divorcer parce que ta femme t'emmerde, yop là boum, poru décrocher une agrégation... Et quand tu ne comprends pas, eh bien c'est que tu ne comprends pas, point barre. C'est à celui qui explique de se faire comprendre. C'est une phrase que même le plus mauvais des instituteurs n'aura jamais à la bouche, que dis-je, à l'esprit. C'est ridicule. Je ne com:prends pas, parce que c'est faux, ou inexactement expliqué. Tout ce que je comprends, c'est que l'autre veut absolument qu'on se mette à sa place, de son point de vue à lui, en étant lui, en ayant eu très exactement la même expérience, dans l'abdication la plus béate, en lui donnant raison à quatre pattes la queue dans la poussière. Non. Et non. Et merde. Je n'ai pas de solution, moi. Si, mais pour moi, et j'ai mis toute la vie à la décrocher. A savoir dormir dans les faux plis du drap. Et ce n'est pas maintenant, aux portes de la vieillesse (elles me passent au-dessus en ce moment, comme un maudit portail) que je vais me mettre à remettre le drap d'aplomb, ou à changer de jument et à tout démolir, sous prétexte que "je fais semblant de ne pas comprendre"... ("Abracadabra...") Je ne vais pas dire avec Halimi (Gisèle) : "Ne vous résignez pas !" Personne n'a d'ordre ou de conseil à donner à personne, cet impératif est tout à fait hors de saison.

    La résignation, ça vient comme ça, d'un coup, ou insidieusement, mais quand ça vient, ça vient, et puis c'est venu, et puis rien à faire malgré tous les exercices "de volonté". C'est à toi de te les trouver, tes exercices. Et puis ça repart, ou bien ça ne part pas. Mais les autres ne pourront rien, absolument rien t'apporter. Et surtout pas te faire prendre pour un con à tes propres yeux parce que tu n'auras pas su y faire, alors que "c'est si simple", n'est-ce pas, "moi j'y suis bien arrivé." Oui, ben toi, c'est toi, et moi, c'est moi. Je ne dis pas "Faites ceci, comme moi", ou "Faites cela, comme Moâ", Je dis : "Voilà, j'ai fait comme ça, je pense telle et telle chose, pour moi, tel truc marche, tel truc ne marche pas, mais vous avez parfaitement le droit de faire autre chose, et ce qui est bon pour moi n'est pas forcément bon pour vous." Chacun pour soi, et démerdez-vous.

    Certains trouvent ce qu'ils veulent dans tel livre, d'autres ne l'y trouvent pas. C'est toujours la même morale, vous savez, Messieurs les Volontaristes Occidentaux : "Restez cool, et DEHMERDEN SIE SICH." La loi du plus fort, peut-être. Il y en a qui appellent ça comme ça. Et si vous êtes dans le camp des vingt culs, je vous parie tout ce que vous voulez contre n'importe quoi (c'est du San Antonio) pour vous concocter une bonne petite justification des familles qui vous donne un petit air de héros. L'essentiel (moi je vous dis ça, vous en faites ce que vous voulez), c'est de pouvoir encore se cligner de l'œil en se regardant au miroir. Ce n'est pas donné à tout le monde ? Eh ! démerdez-vous, un jour, vous verrez ! vous finirez bien par crever...

     

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    TRENTE--SEPT ARTICLES -

    TOUS PLUS CONS LES UNS QUE LES AUTRES

     

    VOUS RECEVEZ UN MESSAGE NON SOLLICITE.

    AU LIEU DE LE « SIGNALER » A DIEU SAIT QUELLE « AUTORITE » INQUISITORIALE DE TYPE STALINIEN, POURRIEZ-VOUS, TOUT SIMPLEMENT, LE CAS ECHEANT, L'IGNORER ET LE SUPPRIMER ?? MERCI.

     

    901. « Je suis un anarchiste modéré »

     

    propos de Pierre Roy

     

    rapporté par Jean COCTEAU

     

    in « La difficulté d'être » - « Du rire »

     

    1. Shoah, bis

    Un jour la bombe tombera sur Tel-Aviv : jour béni ! La France entière, drapée d'épouvante et de douleur, pourra défiler par escadrons entiers à ras bord des avenues, braillant Ils étaient des milliers, ils étaient vingt et cent, de Jean Tenenbaum, La Marseillaise, de Rouget de l'Isle,

     

    2. Parenthèse sur la Marseillaise

    .(sans comprendre que le sang « impur » n'est pas, n'est pas du tout « incitation implicite au massacre raciste » comme le brame, comme le bêle un lecteur con de Télérama ; juste l'indication d'un mélange («et de leur sang au nôtre fait d'horribles mélanges »),

     

    3. et un p'tit coup de patte sur les francs-Maçons, un

    et autres chants hurlés, tous Francs-Maçons défilant barbe haute et tabliers au vent, s'arrêtant de temps à autre pour bloquer de leurs dos le cortège en barrage et permettre l'immense et formidable exhibition de leur indignation.

     

    4. Et un petit coup de griffe à BHL

    Pendant ce temps, une vingtaine d'irréductibles, juchés sur quelque bâtiment, tiendra haut et raide un panneau Qu'avez-vous fait pour la Bosnie ? Rien

     

    5. Et une grosse claque sur ma gueule à moi

    et lorsque tant d'esprits hagardisés par la terreur tolèreront que l'on entonne Prendre un Arabe par la main / Pour le balancer sous l'train, il me faudra prendre la tangente, la fuite, les rues adjacentes,

    pour ne pas voir qu'après avoir mis à sac le restau chez Jenny où se fêtent bon an mal an les anniversaires d'Hitler (20 avril) ils s'en prendront à la Mosquée en gueulant A mort les bicots, et m'enfermer pour ne rien voir,

     

    6. Digression sur les éoliennes, faut c'qui faut...

    avec dans les oreilles autant de ciment qu'un socle d'éolienne

    (100 tonnes, tout de même) (une énergie propre !) - et la petite éolienne qui tourne toute seule à côté des grandes immobiles, « pour montrer comment ça fait », alimentée par la bonne vieille électricité nucléaire...

     

    Vive le commerce

    Pendant ce temps, des petits malins, ayant le sens du commerce (des juifs, peut-être ?) vendront tout au long du chemin des quantités de masques de crocodiles. Et mes larmes de modéré, mes larmes de chez moi, couleront-elles d'yeux de lapin ou de cloporte (les cloportes ont-ils des yeux ?) - avant que mon corps ne cède au grand anéantissement de la mystique – Seigneur prends pitié

     

    9. Conclusion anticipée

    Kyrié éléisonn - botte en touche mais quoi d'autre – seulement voilà, c'est bien dommage, ce grand jour-là ne viendra pas, tant pis pour les jouissances hystériques et autres jets jaculatoires de bonne conscience.

     

    10. L'Afghanistan, y a qu'à

    Il n'y aura pas même, en ce moment de mi-novembre, 40 000 hommes de troupes supplémentaires en pays pachtoun, alors qu'il en faudrait 400 000 une bonne fois, pour transformer Kandahar en parking surmonté d'une bouteille à Coca (¡ refresca mejor !),avec déclaration de guerre et tout le toutim, Rambo par paquets de mille débarquant des ventres sous pales (des hélicos).

     

    11. Le Moyen-Orient, question réglée en 4 lignes, ouaouh !

    Les uns comme Enderlin affirmant que le Terrorisme Fourbit ses Armes, les autres comme un Nouvel Obs et comme un seul homme affirmant sans preuves (eux non plus) que al Qaïda est aux abois (c'est ça l'inconvénient d'une démocratie : chacun dit ce qu'il veut en même temps, c'est à Toi

    Auditeur de prendre ton parti tout seul.) Ce que je propose est pourtant simple : Rien. Rien non de Dieu, m'exclamassè-je en frappant du chausson sur la table.

     

    12. La chatte en boule – pardon, la balle en touche

    Vous savez bien que je fais ici, au double sens du mot « faire », une œuvre littéraire, ce qui me permet de ne pas me perdre de vue (définition, but unique même de toute œuvre littéraire) et de me fondre dans la masse, laquelle ?

    13. Le petit prof héroïque, ta mère

    Au lendemain du 11 Septembre, j'ai tenu ma classe debout, sortant un discours mou, contradictoire et convaincu, d'où il ressortait que nul même après et malgré tout cela ne devait désespérer de l'excellence et de la bonté humaines. La classe qui ne m'aimait pas attendit que j'eusse fini, puis reprit son existence morne et molle, entre deux bavardages et quelque insipide explication de texte.

     

    14. Les salauds d'ELEVES

    Ce sont les seuls à m'avoir reproché en juin de ne pas leur avoir enseigné « les procédés pour bien réussir le bac » : l'acoustique de la salle était déplorable, on ne m'entendait pas, et puis il n'y avait que des garçons, ou presque - le moyen d'aimer travailler ?

     

    15. M'sieur, C'EST PAS MA FAUTE...

    Ça je l'ai fait, oui, j'en suis sûr, mais ce que j'aurais pu faire, je ne l'ai jamais su. Vous non plus. Et ce jour n'arrivera pas.

     

    16. Les sans -papiers, fast-thinking, avec un zeste de racisme

    Puisque les sans papiers nous font pitié, commençons, d'abord, par en héberger un chez nous. Ce ne

    sera pas facile. Chez moi comme c'est bizarre c'est trop petit. Aménager un camp digne de ce nom ? Tout une ville, même, tant qu'on y est : avec une mosquée, tant qu'à faire, et l'application de la charia islamique (je rappelle que « charia » veut dire simplement « loi » ; il existe une « charia » française, anglaise, etc...). Il faut que ces immigrants retrouvent ici les mêmes conditions que là-bas ; comme dit Guy Bedos, si nous accueillons des cannibales, pas de problème, c'est leur nourriture, c'est leur culture, ils doivent pouvoir les suivre ici. Quant au Néo-Sangatte, il n'aura plus qu'à faire sa fusion avec la ville de Roubaix, qui comporte plus de musulmans que d'autres croyants. Marseille fera bientôt sécession. « Les valeurs musulmanes » : mais ce sont celles de tous les gens de bonne volonté. De même que les « Droits de l'homme ».

    17. Tiens, si on tapait sur les Droits de l'homme

    Cependant, errant ainsi d'un sujet à l'autre, en tout bon montanéen qui se respecte, je rapporte cette histoire : un Occidental disant à un Chinois que chez lui, on ne respectait pas beaucoup les Droits de l'homme, s'entendit répondre : « Oui, et lorsque je suis allé moi-même à Paris, j'ai observé qu'on n'y respectait pas tellement les préceptes de Bouddha ».

    18. Sur la Chine, aussi, un point partout

    Oui mais, Bouddha recommandait-il les exécutions publiques pour sabotage par exemple lorsqu'un paysan avait dérobé huit vaches (le con...) à la coopérative ? Parce que si l'on devait appliquer la peine de mort à la connerie... « et on tuera tous les affreux », n'est-ce pas...

     

    19. Afghanistan, Afghanistan – pubis repetita placenta

    Et puis aussi : retirons nos troupes d'Afghanistan, du Pakistan, et lorsque les prétendus « talibans » (étudiants de Dieu, warf warf !) se seront bien répandus partout, avec la bénédiction du nain de Téhéran, nous seront à deux doigts d'une belle petite attaque militaire bien méritée. Ce ne sont pas 40 000 soldats qu'il faudrait amener là-bas, mais 400 000, tout le paquet, mobilisation générale, mais je dis des conneries, peut-être ?

     

    20. Doutes existentiels

    Que c'est agaçant de ne pas pouvoir se maintenir en colère permanente, de ne pas pouvoir devenir

    fanatique en dépit de tous ses efforts, d'avoir toujours à côté de soi cette espèce de putain de conscience poil à gratter style Jiminy Criquet, ah, volupté du mal, Schadenfreude, non pas « joie sournoise » comme faussement traduit dans le Larousse, mais « jouissance de mal faire » - faudra-t-il que tu nous abandonnes ?

     

    21. Sociologie express, et Moyen Orient (bis)

    Voilà pourquoi les films où l'on se fout sur la gueule (Alexandre, 1492, et même Le seigneur des anneaux) rencontrent un tel succès. Alors, j'ai trouvé une solution, avec Obama, qui m'a copié, de même que le President of the United States a imité Ségolène Royal (c'est évident) : noyer la population sous les bienfaits matériels, ôter la misère du sein des peuples, l'afghan par exemple, reloger les Palestiniens par paquets de villas comportant piscine et baignoire pour égorger le mouton (mais non, c'est une plaisanterie, là, on se calme, on se calme...) - et ils seront aux anges, pleins de pognon et d'emplois, pas dans la bande de Gaza, mais « ailleurs, il y a de la place » (c' est vrai, entre parenthèses...).

     

    22. Souvenirs, souvenirs : Guerre d'Algérie

    Cela ressemble à ce qu'avait essayé de faire l'armée française sur les Plateaux algériens, distribuant du lait et des bombons, ouvrant (tiens, comme c'était urgent tout à coup !) des écoles indigènes et des centres de secours infirmier, ce qui était un peu tard (on était en guerre – pardon : en « opérations de maintien de l'ordre ; on débroussaillait, on faisait même des corvées de bois – c'est de l'humour, prière de se renseigner auprès des anciens combattants...) - parce que voyez-vous, depuis 1830, personne n'y avait encore pensé, sauf ce tyran de Napoléon III, parfaitement, qui avait voulu donner la citoyenneté française et le droit de vote aux « indigènes » - mais les Céfrans de Cheussou s'y était vigoureusement et racistement opposés...

    Alors vous pensez, les soldats américains, le P.-M dans une main et les doses de lait dans l'autre, c'est fou ce qu'on va leur faire confiance... Mais que c'est

    chiant de réfléchir, ce que c'est chiant...

     

    23. Bourka Caouët

    Tenez, la bourka... Il n'y en aurait « que » 800 et quelques... Alors on ne va pas l'interdire n'est-ce

    pas, elles sont si peu... Et quant elles seront 8000, ou 80 000, qu'est-ce qu'on fera ? On va leur lâcher la troupe ? Avec droit de viol, pour se marrer un peu le temps de soulever les voiles ? (mais non putain c'est de l'humour, merde, c'est dingue, ça...). J'ai une idée ! dit Jiminy : les femmes en bourka, ou en nikba (vous voyez qu'on accroît son vocabulaire, au lieu de leur gueuler « à poil » par la vitre de la portière avant d'accélérer (on ne sait jamais, les maris sont juste derrière avec des couteaux) (des couteaux arabes) - eh bien, draguez-les. Si ça tombe, vous allez emballer comme des bêtes. Gentils, polis – vous verrez, ce sont des femmes comme les autres, elles se savent bien plus mystérieuses et attirantes comme ça ; vachement élégantes et tout.

    Et chez elles si ça se trouve, c'est elles qui commande, le mari par le bout du nez – bon, tu idéalises, Jiminy ; à propos de nez justement (Pinocchio, pour les relous).

     

    24.  Quiconque se méprise se sait toujours un peu de gré de ce mépris » (Nietzsche)

    Je ne sais pas. Je ne sais rien. J'ai peur. J'ai confiance.

     

    25. Petit couplet humaniste

    Les humains ne sont pas si cons. Ce n'est pas possible.

    Dans mes premiers numéros, je faisais mon numéro de pousse-au-crime, pour casser du sucre sur tout et n'importe quoi, les femmes en particulier, les Arabes j'osais pas trop. Et vous savez ce qui m'est arrivé ? La diminution de ma testostérone (je ne vais tout de même pas attribuer ça Allah grâce de Dieu (mais je plaisante, MERDE !) - m'a permis de constater, de mars à juin 2008, le développement d'un phénomène stupéfiant : au lieu de regarder les femmes dans la rue comme autant de frustrations, de trous que je ne boucherais pas, je me suis mis à les considérer comme des êtres humains, sans blague (où donc allais-je chercher tout cela), qui avaient leurs problèmes, leurs tourments, pas seulement sexuels, mais aussi bien sentimentaux, ce qui revient au même d'ailleurs pour elles, avec des projets d'avenir, des rêves d'amour – et chaque femme qui passait devenait une histoire d'amour à côté de moi, une somme de déceptions, d'espoirs ou de désespoirs, un homme enfin, au sens de Mensch, d' « humain ».

     

    26 Le Singe lèche les imams

    et je comprenait les imams (c'est un comble) assurant aux femmes voilées qu'elles ne

    seraient plus considérées comme des femmes, mais comme des êtres humains, entendez non

    plus comme des tas de viande à tripoter, mais comme des personnes à part entière, dont on ne regarderait plus uniquement les nichons et le cul.

     

    27 « J'aime les filles... »

    Où ai-je lu ce témoignage d'une femme forte en poitrine, magnifique et intelligente, qui s'était trouvée à pleurer la première fois qu'un homme, pour lui adresser la parole, s'était mis à la regarder dans les yeux au lieu de commencer par lui reluquer les seins ?

     

    28. Lucidisique et métaphyqué ATTENTION IL Y A 31 ARTICLES ET NON 32 ALLER DABOROBOU

    Je fais le tour de toute ma parole (sans jeu de mots cette fois). Attends, attends, c'est pas tout : pour Dieu (le « x » des équations), j'ai réfléchi à ceci : nous sommes de la poussière d'étoiles, n'est-ce pas? Quoi de plus logique que de vouloir se sentir en unité avec l'univers, en harmonie ? Pourquoi ne pas prier ? Pourquoi ne pas supposer une « conscience » de l'univers ? haha, j'aimerais dire « je plaisante », là – mais non, je vieillis, je blettis, je me pourris, je voudrais bien trouver le sens, mourir, soit (dans 100 ans, les riches pourront être immortels) – mais je ne veux pas mourir absurde.

     

    29. Le Singe retourne à son vomi

    Parce que toutes les théories courageuses de la liberté individuelle, de la fraternité envers les aûûûtres – eh patate, à partir du moment où tu dois en éliminer 99% qui t'indiffèrent ou qui t'emmerdent, qu'est-ce que tu viens me les casser avec ton « amour des autres », de 1% des autres, et encore ! - toutes ces théories mises en application avec courage et détermination, elles me gonflent : Proudhon disait « Me contraindre au dévouement, c'est m'assassiner ».

     

    30. « Le porc, il nous surprend encore et encore » (ou : « QUE JE M'AIME QUE JE M'AIMEUUUUH... »)

    Vous voyez où ça mène, le pamphlet? À la morale... A l'amour de la justice. A l'horreur du plus grand qui tape sur le plus petit (non non les Palestiniens, ne prenez pas ça pour vous...) ; du pauvre con qui force l'ivrogne à boire pour bien rigoler, ou l'idiot du village à se ridiculiser pour bien se marrer, ou qui se moque de celui qui a l'air con, ou qui traite son voisin de juif ou de pédé – mais tout ça, je le pensais dès le début, et je n'étais pas le seul heureusement, nous sommes des millions à le trouver juste.

     

    31. Ce n'est plus le ras des pâquerettes, là ; on creuse des tranchées, carrément.

    Et puis à force de forcer ma force à faire effort (Johnny, authentique), je suis devenu amoureux. Manquait plus que ça. J'ai l'air de quoi ? Ridicule. D'une femme, parfaitement. Et réciproquement. D'où l'immense schproum, parce que chacun de nous tient à conserver le partenaire précédent. Mais ceci – ne vous regarde pas. C'est donc ça, vieillir : s'apercevoir que certaines choses étaient fausses (mais ont été vécues comme vraies), et que d'autres, que l'on croyait fausses, ont bénéficié d'une fidélité sans faille. Ah ben merde.

     

    32. Thomas Mann et John Lennon

    Ça me rappelle tel personnage des « Buddenbrook », perpétuellement perplexe, qui se répétait sans cesse: « Curieux... curieux... » ; et qui mourut, en pleine conscience, murmurant toujours : « Curieux... Curieux... » Puisque nous sommes en pleines références, rappelons-nous évidemment le mot de John Lennon : « La vie, c'est ce qui arrive quand on avait prévu autre chose. »

    33. Durchbruch (auf französisch : « diarrhée »)

    ÇA REVIENDRA, LA PARANO, ÇA REVIENDRA, ÇA REVIENDRAAAA... - chassez le nucléaire, il revient au Gaillot... « Excusez-moi d'être banal. - Mais mon vieux tu es tout excusé » - la vieillesse est un naufrage, je vous dis (eh je vanne, là, je vanne...). Je suis plus vieux, même par temps sec...

    34. Du cul

    Et ce que je regretterais le plus en crevant – ce sera les femmes - je vous jure : les femmes... J'espère trouver une infirmière suffisamment exhibo pour se mettre sur mon ventre et retrousser sa jupe - « Que c'est beau... » dit le vieillard – et il retombe en arrière, en plein sourire, mort. C'est dans What ? De Polanski. D'aucuns prétendent que si ce n'était pas Polanski, personne n'aurait protesté contre son emprisonnement – permettez, permettez : si ç'avait été un autre, il aurait bénéficié de la prescription. Tout simplement.

     

    35. De Polanski (logique...)

    C'est justement parce qu'il est Polanski qu'on s'acharne sur lui ; et lorsque sa victime, qui supplie la justice d'arrêter tout ce cirque, se sera suicidée, alors là, tout le monde sera content : les uns diront « C'est la preuve qu'elle était détruite par Polanski », les autres « C'est la faute de ces salauds de juges. » Ce qu'il y a d'emmerdant en démocratie voyez-vous, c'est que même les cons ont le droit de s'exprimer. Que moi aussi je suis le con de quelqu'un. Que tout se perd en discutailleries. « Finasser, toujours finasser... » (Astérix et les Normands, évidemment).

     

    36. Eugénisme (« Eugénisme »)

    Tenez, un exemple : la surpopulation. Sujet tabou. Un Palestinien (tout à fait au hasard, mon exemple) se plaint d'être obligé de travailler clandestinement de l'autre côté du mur de séparation pour nourrir ses sept enfants : sept enfants ! Mais tu penses à quoi en tirant ton coup ? Ce n'est pas de l'irresponsabilité absolue, ça ? Aussitôt, le tollé : « Ouais, euh... Racisme, eugénisme, onanisme... » Ben oui. Faites moins de gosses. Comme en Chine (les Chinois sont des racistes antichinois, c'est bien connu). Ça y est ? Vous l'avez bien eu, votre chargement de conneries ?

     

    36 BIS, j'oubliais : «Des logements pour les Roms – oui, mais pas dans mon immeuble.

    « La scolarité pour les Roms – oui, mais pas dans mon établissement.

    « Du boulot pour les Roms – oui, mais pas dans mon entreprise.

     

    37. RIDEAU

    Allez rideau.

     

  • Le Singe Vert IV

    Chapitre unique

    COLLIGNON HARDT VANDEKEEN

    LE SINGE VERT -

    DER GRÜNE AFFE

    T. IV

     

    s 41 à 52

    “Quelle admirable invention du Diable que les rapports sociaux !

    FLAUBERT

    Lettre à Louise Colet du 22-7-1852

     

     

    Dans un lointain numéro Treize, en vente nulle part, j'émettais la vile hypothèse de tenir les conférences sur l'enseignement du latin – carrément – en anglais. Eh bien c'est presque fait . J'ai reçu une convocation en langue anglaise pour le concours général – du coup, d'indignation, j'en ai oublié d'inscrire ma championne de latin – trois fois de suite les mêmes références, toutes enrobées d'anglais par l'inévitable internet. Or, qui défend paraît-il le latin en France ? Un vieux club de vieilles filles geignardes qui vont bataillant dans leurs oripeaux déglingués – mais s'y prenant de façon tellement ringarde et revendicative qu'elles font chier tout le monde du haut en bas du ministère, et je retrouve là-dedans une espèce de faune vieillotte et plaintive, qui demande des rendez-vous chez des sous-fifres qui les leur refusent ou le leur repoussent sans cesse : « Quand serons-nous enfin débarrassés de ces vieilles peaux ? » Et face à toutes ces tronches de chiens battus, j'avais envie de crier d'une part qu'il faut se révolter au lieu de la jouer profil bas et légaliste, et que ça faisait belle lurette que je donnais des cours de grec clandestins sans passer par les fourches caudines de Dieu sait quelles administrations qui forcément se foutront de notre gueule à nous autres hellénistes et amants de la vieille Rome.

    J'avais été d'autre part sur le point de les traiter toutes et tous (quelques hommes égarés parmi ces bouilles d'obstruées de la chatte) de ringards et de croûtons moisis : « Vous ne voyez donc pas que pour faire moderne, up to date, vous devriez faire toute la conf' en anglais ? » Seulement comme l'humour n'est pas la première qualité de toutes ces vieilles, je suis sûr qu'elles se seraient toutes entreregardées d'un air navré en disant : « Ma foi it's true ! Qu'est-ce qu'on est con-connes! Let's begin ! » Promouvoir la culture latine à travers la langue qui y est la plus hostile, la plus imprononçable, la plus rebelle aux sons de la romanité !

    McDonald au secours du latin, help ! help ! Je me suis sali la glotte avec un Big Mac à la merde molle ! Ah bêêêrk ! Ces salauds nous confisqueront tout, de Blanche-Neige à Notre-Dame de Paris en passant par le Mardi-Gras halloweenized Unlimited ! Est-ce qu'il va falloir que tout passe par this fucking english moulinette ? Déjà, sans anglais, plis un seul ouvrage sérieux en médecine, en physique, en chimie, ni en biologie ! Mais my dear Monsieur Ducercueil, vous ne voudriez tout de même pas qu'on traduise ! Si vous voulez faire des études, apprenez l'anglais, l'anglais, l'anglais ! Même pour faire du latin, c'est dire ! Consultez voir la bibliographie de – je ne sais pas, moi - La Nature, De Natura rerum, par Lucrèce, vous ne trouvez plus que des ouvrages in english, des thèses in english, printed in Oxford, printed in Chicago ! Les Ricains nous rattrapent et ils nous retournent !

    Ah, ce sont des ignares : bien sûr, même qu'ils nous ont confisqué les lettres classiques... Style Chin-Tock au Tibet, tiens... Ou les Japs avec les Aïnous du Hokkaïdo : fini les autochtones ! The natives ! Nous nous laissons bouffer par excès de scrupules, de respect des lois. Sans transition, voir Vivendi qui promeut paraît-il des films contestataires, au rayon conntestéisheun, de même que les Etats-Uniens relèguent Proust en section gay books ! - le « reste » de Proust, à dégager... Je m'étrangle ! Des points de suspension partout, et je n'imite pas Cilaïne you fucked bastards ! Dans l' Atlas juif, admirez la transition : que des titres en anglais dans la bibliographie, édités en Amérique, sous prétexte que la plupart des juifs de nos jours sint de langue anglaise, dehors le français !

    Sans parler de l'hébreu, certes, mais ces ouvrages hébraïsants ne pourraient-ils pas avoir été traduits en français et non pas encore et toujours dans ce putain de bordel de Jéhovah d'anglais ! Ça-ne-sert-à-rien-d'être-grossier – Mais si ! Si ! Il n'y a plus qu'en cassant des abribus et en caillassant des cognes que tu obtiens des crédits ! au prix où sont payés les traducteurs, ça ne va ruiner personne... Vous avez déjà vu des réformes urgentes votées par des assemblées démocratiquement élues, vous ? Alors p... d'enc... de b... de m... pubis repetata placenta, que ceux qui ont des oreilles entendent, il faut être latiniste pour comprendre, bien fait pour vos leugueux – métallurgie, hellénisme, hébraïsme, tout en anglais !

    Vous savez ce que c'est, vous, que la revue Néïtcheure ? Eh bien c'est «Nature » à la télé ! Sans oublier les magasins « Saint-George's », qui n'ont pas fait long feu dans notre beau pays, parce qu'il dépouillait les pauvres à tant par mois, des télés à crédit à dix fois leur prix : une speakerine - oups, la main dans le sac : une présentatrice – y est allée de son oxfordianisme en prononçant sèyinnt Djiourjizzz ! On dirait du géorgien, tiens... Voilà comment qu'c'est-y qu'y faut prononcer l'english, bande of ploucs, je vais vous montrer à bien dire les montres Sssssitizen, et même (plutôt allemand cette fois) le GURONZAN !! SCHEISSE !! Je ne penZe pas que RonZard serait d'accord ! La propriété du capitaine Haddock : MoulinZart, sacrilèges of my ass !et la GZARA pour XSARA tas d'abrutis ? Il y a un « X », il y a un « S » qui suit, eh bien non ! Il faut que ce soient ces enfoirés de constructeurs, ces trous du cul de pharmaciens analphabètes, qui nous apprennent à prononcer notre propre langue ! Être behahu le franké, au nom de la libertt' !

    On ne touche pas au français, compris ? VERSTANDEN ? VERBOTEN ! HODFERDAM ! (pour les flamingants)... Que les autres pays, sans Académie (tous des vieux cons facho, n'est-ce pas) laissent donc leur langue se pourrir comme ils l'entendent, allez-y les français, allez-y, démolissez ! Destroy it ! Toujours cette manie des Français (« Et maintenant, allons voir comment font nos voisins », antienne télévisée (anthi-enne svp, tas d'ignares) de vouloir automatiquement imiter tout ce qui ne va pas à l'étranger, c'est toquard la France, regardez la rapidité des actions de justice en Chine ! ...Ça ne vous vient donc jamais à l'idée que le français est une langue plus fine, plus fragile, plus friable que les autres et qu'elle nécessite plus de soins, de précautions que les autres ?

    Je suis allé à Lisbonne (quel exploit...) - et là-bas, que voulez-vous, ils parlent portugais, normal : une langue magnifique, chantante, chuintante, on en a plein la bouche comme du loukoum, c'est d'une douceur, d'un voluptueux inégalable ; les touristes espagnols, eux, vachement vivaces, et tant mieux. Les Italiens, tu les entends de l'autre bout de la rue, c'est un ensoleillement impérial de tout le palais et de tout le tympan – et le français ? À quoi reconnaissais-je le touriste français ? ...à sa langue mince, gracile, flûtée, distinguée, déliée, bimbelotière et presque mièvre, cassable, fragile, que même en jurant bordel de Dieu d'enculé de merde, le français a toujours plus ou moins l'air de sucer des bonbons acidulés...

    Oh putaing cong qu'il faut le préserver le français, une langue d'intellos même en santiags ou en short – oh la honte des conférences tout en anglais à l'intérieur de notre beau pays !
    Criminels, criminels, vous qui faites l'entretien d'embauche en anglais, ce qui est ILLEGAL ! Braves connards trop justement tatanés qui viennent de se faire bananer d'une amende de 4000 F pour avoir tenu leur conférence en anglais et qu'il n'y avait pas un seul anglophone dans la salle ! Et

    qui se montraient tout surpris ! Ben ça alors ! Oui, oui, Toubon eut des tas de défauts, il envoya de l'hélicoptère dans l'Himalaya pour arranger à l'amiable une jolie petite affaire politico-judiciaire, à chacun sa connerie, seuelement, le Toubon, je lui baise les pieds, parce que sans sa loi sur la langue française, notre chanson, notre ciné, seraient tout entiers en anglais ! Gloire, gloire à Toubon, parfaitement ! Il y eut des cardiologues à Strasbourg qui tinrent leur symposium en français ! se sont fait foutre de leur gueule, mais vive eux ! En vérité je vous le dis, l'anglais est le cancer linguistique de la planète, on en crèvera tous ! Dernièrement, à la télé, nous avons découvert que 66% des Français ne connaissaient que leur propre langue : je ne les félicite pas ; seulement, savez-vous comment les reporters (les enquêteurs, soit...) formulaient leur question dans leur infect micro-trottoir ? Est-ce que vous savez l'anglais ? Ô sublimes connards, savez-vous que l'anglais n'est pas la seule langue étrangère ?

    Que ces gens interrogés pouvaient aussi bien savoir l'allemand, le tchèque, l'occitan, ce qu'il ne serait jamais venu à l'idée de vos gueules de courges de le demander ? C'était vraiment utile de tourner le film Amen en anglais ? Sans vouloir me rappeler le nom de l'autre abruti, auteur d' Eyes Wide shut, qui interdit – de quel droit ? - que l'on appelle son film « Les Yeux grand fermés », cette clause figurant dans le contrat d'exploitation même ? Il n'y a donc que l'anglais pour traduire la poésie, l'absurde, l'imaginaire ? Afin de ridiculiser les anglomanes, remplacez « challenge », avec un bel accent anglais, par le mot « défi », prononcé à l'anglaise : « dea-fee », presque pas ridicule, « sleeping partner » devient « pawtenaew dowmantt » - t'as pas l'air d'un gland. Week-end disparaît pour laisser la place à « fin de semaine, ce qu'une préface de grammaire qui vient de paraître jugeait «impensable et  ridicule ».

    Nulle part vous ne trouverez plus « WC », mais « toilettes », même à Duras, Lot-et-Garonne ! Et bravo à ces éditions du Bord de l'Eau qui viennent de se doter non pas d'une adresse « e-mail » (essayer, ce « l » rétroflexe est imprononçable, mais d'un « courriel », la classe ! Ah, je me fous pas mal de l'équilibre de l'awguioumenntèïcheun ! « Les langues sont des organismes qui croissent, qui vivent et qui meurent », ma grand-mère aussi, est-ce que je dois la laisser crever ? Quand tu as un bobo, grand savant, même si tu es destiné à crever, est-ce que tu ne cours pas dare-dare chez le docteur ? La mort du français est inélouctèbeul, est-ce à nous de l'accélérer ? Est-ce à moi, professeur de langue française, est-ce à toi, Bernard Pivot, de décréter que le combat est perdu d'avance, et de traiter les défenseurs de la langue française d'aimables fantaisistes ? Et quand elle va crever, ta vieille peau, comme une vulgaire langue vivante, tu ne seras pas content peut-être (j'y reviens) de courir chez un chirurgien qui te la retape et te la prolonge de dix ans, d'un an, d'un souffle ? Je suis ce chirurgien, I'm that surgeon, je me bats contre la mort, jusqu'au bout, même programmée, même indéprogrammable, vive le vie, jusqu'au bout ! « Il n'y a pas de décadence, ni d'effondrement, mais évolution et transformation, et celui qui se dresse contre l'évolution se dresse contre la vie », hey, Ducon, quand tu sera bouffé aux asticots, la vie va continuer mais la tienne fils de pute, you son of a bitch ? Faudrait p'têt' ben voir à distinguer ce qui relève de l'évolution et ce qui relève de la décomposition, de la Mort !

    Mon rôle à moi, en tant que médecin, c'est de prolonger, le plus possible, l'individu appelé « Langue française » - vu ? Autre « argument » : nous sommes furieux que notre impérialisme s'en aille déclinant – et alors ? est-ce à moi, Français, de lutter contre le prestige de ma propre langue, moi qui suis sans haine, sans sectarisme, sans expansionnite, mais plein de respect ? Est-ce que je ne pourrais pas décliner tranquillement, dignement, me défendant jusqu'au bout, sans recevoir sarcasmes, outrages ou crachats ? Autre mauvais argument : la « bêêêêle langue française »: ni plus « belle », ni plus « claire » qu'une autre... « Il a vu son frère », le frère de qui ? « Nous portions des portions », « Les poules du couvent couvent », c'est clair, ça, pour la prononciation ?

    Et « les filles des villes » ? J'en passe. Nous trouverons tout autant d'obscurités dans la langue française que dans n'importe quelle autre. L'allemand précise toujours bien plus que le français les phénomènes de mouvement grâce à ses particules hin, auf, hinauf, herab, herbei, usw. Jan Neruda, poète tchèque : Ta langue est à la fois la plus ingrate et la plus belle du monde. » Dans mon numéro Treize je gueulais contre la prononciation fautive « Heûûûdipe » ; un correspondant m'a fait observer qu'il valait mieux prononcer mal que de ne plus en parler du tout, eh bé t'as qu'à prononcer Youdaïpe et qu'on n'en parle plus ! Barbares ! Analphabètes ! Puisque même Laurent Teurzieuff s'y met ! « Heudipe », qu'y susurre, « Heudipe » !

    ...Combat dépassé ? « Tout le monde s'y met », « Il faut vivre avec son temps » - c'était quoi, Monsieur Papon, « vivre avec son temps » ? « Ça ne sert à rien ce que tu fais » ? Je sais. Mais je crois encore en l'individu nom de Dieu, et les foules ne sont jamais que des sommes d'individiews, poil au mildew. Nous ne laisserons jamais des journaleux faire la loi, et malheureusement, tout le monde s'est laissé contaminer par le Poivre d'Arvor, qui parsème toutes ses phrases de « qui » parfaitement inutiles : « Les Américains qui... », « les Afghans qui... », « la Turquie qui... » - sans oublier les liaisons à la Chirac : « Ecoutééézzz eueuh... ». Mais je me battrai, je pisserai dans mon violon et je m'en fous, pas question de laisser l'amérangliche récupérer tous les éléments de notre culture pour la répandre aux quatre coins de l'hexagone et de la planète. Même si la résistance est désespérée. Luttez, Russes, luttez, Gaulois, la mort au bout pour tout le monde, mais l'honneur, Messieurs, l'Honneur ! Fors l'honneur ! Et vive Anchois Pommier !

     

    Aaaaaaaaaa

     

    ...Pour finir, un beau coup de gueule d'un ancien élève, germanophone de naissance recalé par des Français au Concours de langue allemande s'il vous plaît, parce qu'il avait trop l'accent autrichien – Marseillais, sachez-le, aux yeux des Allemands, vous ne parlez pas le vrai français – je t'engcule povre bagasse ! Tel quel :

    Nicolas KOVACS (alias Kiki NOVAK)

    1 rue Saint-Barthélémy 34000 MONTPELLIER

    04 67 92 04 91 (lui, il met son téléphone ; moi non, pas fou)

     

    Alfred R.

    Président du Jury

    CAPES externe d'allemand

    34, rue de Chateaudun

    75436 Paris-cedex 09

     

     

    Montpellier, le 23 juillet 2001

     

    Monsieur le Président,

     

    Le Monde a Internet, la Frane a le Minitel, et ce dernier vient de m'apprendre à raison de 0,152 euros la minute que j'ai l'honneur d'être nommé Ségrégé d'Allemand par le Jury que vous présidez. Fort de ce nouveau statut, j'ai décidé de vous adresser ce courrier, et de vous l'adresser en français.

    Certes, j'aurais plus de facilité à vous écrire dans ma langue maternelle, mais la décision de votre Jury vient de confirmer un soupçon que je rumine depuis longtemps. En effet, mon professeur principal, Monsieur Q.X., lui-même Directeur de la Section Germanique à l'Université N. III et membre de votre Jury, ne se lassait pas de me répéter que les Autrichiens ne parlaient pas un allemand correct, contrairement par exemple aux Alsaciens de sa trempe. Cette théorie ethnolinguistique a ensuite été étayée par un autre membre de votre Jury, un inspecteur académique et anonyme, qui me faisait savoir qu'avec mon accent il était clair que je ne venais pas de Lübeck; ho ho ho. J'ai décidé d'en rire un coup avec lui, par politesse, tout en gardant mes objections pour moi.

     

    Dans un premier temps, il en résultait certes pour moi un désarroi considérable dans le maniement de ma propre langue natale, mais soyez rassuré. Celui-ci s'est dissipé brusquement avec l'obtention de la ségrégation. Car ce titre fatidique permet de se rendre compte que ce que les universitaires français désignent par le terme de « langue allemande » n'est en fait qu'une espèce d'eurobabil stérilisé avec zéro pour cent de matière grasse, et qui ressemble autant à ma langue maternelle qu'une brique de tofu à une escalope viennoise.

     

    Mais je tarde à entrer dans le vif du sujet. Alors voilà. J'ai cru remarquer que selon un consensus tacite, le corpus des textes au programme prévoyait toujours un certain quota d'auteurs autrichiens, même si les critères de sélection dans le choix des textes m'échappent quelque peu. Rien à redire sur les auteurs Fin de Siècle comme Schnitzler, Freud ou Hoffmannstahl, dont la valeur est incontestée, et qui figurent tout en haut dans la liste de mes préférences personnelles. Mais pour ce qui est des textes plus modernes, la part de mes compatriotes chute considérablement, et que penser par exemple d'un examen portant sur un texte de Peter Sichrovsky ? Ce monsieur est certes autrichien et romancier, mais aussi secrétaire général de le la FPÖ, le parti d'extrême droite de l'Autriche. Ce dérapage ne concernait certes pas votre Jury, mais je pense que vu la situation politique actuelle en Autriche, il faudrait se montrer plus circonspect dans le choix des textes, ne serait-ce que pour rassurer Monsieur X., qui ne cessait de répéter à qui voulait l'entendre que de toute façon les Autrichiens n'ont jamais rien compris. Je trouve le comportement de ce membre du Jury d'autant plus incompréhensible qu'à en juger d'après ses commentaires durant l'année, la correction de mes copies de dissertation lui procurait des érections d'une violence rare. Bref.

    Je vous propose donc en toute simplicité un auteur autrichien à faire découvrir aux étudiants des années à venir, et je prends l'initiative de vous envoyer Rythm and Blue, mon premier roman, dont j'ai moi-même effectué la traduction en français, avec l'aimable participation de mon amie germaniste et austrophile Mlle Eulalie Mousil, elle aussi Ségrégée d'allemand tout comme moi. Le roman en question vient de paraître chez l'éditeur parisien iDLivre, et si j'ai décidé de vous l'envoyer, c'est non seulement pour faire la promotion d'un auteur autrichien vivant en France et réjouir par là le service marketing de mon éditeur, mais aussi pour éviter aux malheureux étudiants germanistes en France de toujours se voir confronter aux mêmes raseurs de service comme Heinrich Böll ou Christa Wolf, écrivains dont l'orientation politique a cessé depuis des lustres d'excuser le manque de talent.

     

    Ceci étant dit, soyez assuré que je suis bien conscient des risques que comporte mon nouveau statut de Ségrégé : il s'agit de rester humble. Là, votre Jury m'a bien fait comprendre – par son zéro Mention Eliminatoire – que malgré la promotion dont il allait me gratifier, il ne fallait jamais perdre de vue le fait que je n'ai pas le cerveau assez sec pour trouver ma place dans l'Enseignement Secondaire ou Supérieur, déficit auquel une expérience de cinq ans dans l'enseignement privé ne changeait évidemment rien. Il est vrai que lors de mon exposé, j'ai commis l'imprudence de m'aventurer hors des sentiers battus de la culture générale du Jury, mais celui-ci 'a pas été dupe. J'accepte la leçon en toute humilité, et me contenterai désormais de produire la matière première pour votre profession.

     

    A ce propos, le Ministère de la Culture a doté mon deuxième projet de roman, Austrian Psycho, d'une bourse assez substantielle pour me permettre de payer quelques factures en retard. Je ne manquerai pas de vous en faire parvenir un exemplaire dès la parution, et qui sait : si la critique universitaire décide de concentrer ses efforts sur autre chose que des nombrils qui écrivent comme des pieds, peut-être que cela lui permettra un jour de trouver suffisamment de lecteurs pour que l'Etat ne soit plus obligé de la subventionner pour assurer sa survie. Je vous prie d'agréer, Monsieur, l'expression de mes sentiments distingués. Et je vous souhaite bonne lecture.

     

    Nicolas KOVACS

    (alias Kiki NOVAK)

     

    ...ex-élève du Singe, qui voit avec jubilation repris par un Autrichien le panache même de Cyrano – quelque vengeance posthume de « l'Aiglon », sans doute... parce que la roue tourne pour tout le monde. Et que les regards des vaincus de la vie, des anonymes du soir, dans la rue et dans le métro, nous emplissent d'une rage froide, eux que la télé ne voit pas, dont elle ne parle pas. Et c'est à eux que nous pensons, quand viennent pleurer de vieilles gloires qui furent choyées par la déesse télé.

    Alain REMOND « Mon œil » - « Meilleure est la chute » Télérama n° 2624 du 26 avril 2000

     

    ...Voilà c'est dit je lis Télérama, et j'espère ne pas avoir un procès, ou des droits exorbitants à payer parce que je cite Alain Rémond, merci.

    N° 42 – LE PETAGE DE PLOMBS DU CON DE PROF (SUITE ET PAS FIN) 42 - 11

     

    Le prochain qui me critique la fonction d'enseignant je lui fous mon poing sur la gueule. Depuis le temps. Depuis le temps que j'ai envie. Depuis le temps qu'on se crève le cul à leur expliquer que ce n'est pas du tout comme ça que ça se passe. Et qu'ils ne comprennent rien. Et qu'ils ne veulent surtout rien comprendre. Depuis le temps que j'ai envie de leur balancer mon poing sur la l-e le. Comme dit Camus « Il faut bien frapper quand on ne peut plus convaincre ». Et que je te raconte toujours les mêmes bobards.

    ...Les fameuses dix-huit heures : « Les profs ne font que dix-huit heures par semaine. » Pauvres cons. Je t'en foutras moi des 18 heures. Plus les corrections. Plus les préparations de cours. Plus la documentation. Parce que je lis, moi, Monsieur, je lis, j'écris, je lis, j'écris, je lis, j'écris, sans arrêt, et pas de l'Irène Frain, pas du Florence Chapsal, pas de la littérature de gare, pas les Pueds Nickelés, pas du San Antonio, pas du Bécassine chez les Pourris, et encore, même si je lisais cela ce serait pour les analyser têtes de nœuds, pour en tirer des enseignements avec ma classe, même avec du Konsalik (le Guy des Cars germanique), même avec du roman-photo que je leur ai rapproché (ou éloigné) de Corneille, parfaitement, de Corneille, pour leur permettre, à mes élèves, de dominer la situation, d'émettre des jugements pas forcément défavorables au contraire – mais en général des ouvrages que rien qu'à lire le titre t'arrives pas à comprendre, vive Coluche.

    Des auteurs qui te font hausser les épaules et que moi je suis obligé de lire, de relire, de rerelire – je me souviens encore de ce con de pompier populaire qui demandait à un collègue « Oh

    qu'est-ce que c'est que tout ce tintouin autour du théâtre ? Qui c'est-y donc qui vient aujourd'hui ? » - et l'autre con, dédaigneux, mais alors ! sur un ton ! à claquer ! lui répond, le mollard au bord des lèvres : « Bof tu parles ! c'est des scolaires ! pour Molière ! » - avec une de ces intonations à vomir (Ce n'était que Molière) - et le premier de renchérir « Oh ben alors... » - je hais le peuple je hais le peuple je n'ai rien contre les pompiers et je-se-rai-bien-con-tent-quand-ils-vien-dront-me-sau-ver mais je hais le peuple – parce que je suis bien imprégné de toute cette culture-là qui permet de sauver (puisqu'il faut bien, paraît-il, du fric) les théâtres à la dérive, parce que je la dégorge, je la régurgite bien enveloppée, précuite, prémâchée, prédigérée, pour que tes gosses de merde, Ô Peuple, puissent comprendre de quoi ça cause, La Bruyère, Proust, Montaigne (« Ah moi ça ne rentre pas, Montaigne, je ne le suis pas du tout ») - évidemment pour lire Montaigne ou Rabelais il faut être tombé dedans depuis tout petit, quinze seize dix-sept ans, dix lignes par jour, puis on s'habitue, puis on goûte toutes les finesses du langage, même chose pour Chrétien de Troyes, au bout de vingt ans à patauger tu arrives à lire l'ancien français dans le texte ce qui ne sert à rien et je t'emmerde, et encore, seulement la langue d'oïl, parce que Ventadour en limousin tu peux toujours te la brosser, Hugo, tous ces cons-là qui ne servent à rien, parce que l'alpinisme ça sert à quelque chose peut-être, et traverser l'Atlantique à la rame ça sert à quelque chose aussi, parce que n'importe quoi y compris ta tronche d'analphabète tu crois que ça sert à quelque chose je t'en foutrais du respect de l'interlocuteur.

    Tiens, voilà du Ionesco, attrape au vol, et apprends par cœur : L'homme modèle, universel, c'est l'homme pressé, il n'a pas le temps, il est prisonnier de la nécessité, il ne comprend pas qu'une chose puisse ne pas être utile ; il ne comprend pas non plus que, dans le fond, c'est l'utile qui peut être un poids inutile, accablant. Si on ne comprend pas l'utilité de l'inutile, l'inutilité de l'utile, on ne comprend pas l'art ; et un pays où on ne comprend pas l'art est un pays d'esclaves et de robots, un pays de gens malheureux, un pays de gens qui ne rient pas ni ne sourient, un pays sans esprit ; où il n'y a pas l'humour, où il n'y a pas le rire, il y a la colère et la haine. Car ces gens affairés, anxieux, courant vers un but qui n'est pas un but humain ou qui est un mirage, peuvent tout à coup, aux sons de je ne sais quels clairons, à l'appel de je ne sais quel fou ou démon se laisser aller par un fanatisme délirant, une rage collective quelconque, une hystérie populaire. Les rhinocérites, à droite, à gauche, les plus diverses, constituent les menaces qui pèsent sur l'humanité qui n'a pas le temps de réfléchir, de reprendre ses esprits ou son esprit, elles guettent les hommes

    d'aujourd'hui qui ont perdu le sens et le goût de la solitude. »

    C'est moi qui souligne, comme disait Berbérova. Parce que je suis lourd, parce que je suis prof, parce que j'ai tellement peur que les autres deviennent cons que je les prends pour des cons mais c'est pour leur bien, parce que dès que j'ouvre les yeux je suis prof, dès que je respire je suis prof, dès que j'ouvre un bouquin, une revue, je suis prof, dès que je respire je suis prof, je ne suis pas profileur de pare-choc chez Renault moi, il n'y a pas de sots métiers, mais quand je sors de mon boulot je ne suis pas en train de pêcher à la ligne, je ne pourrais pas. J'utilise toute ma vie comme matériel pédagogique, même si je lis Tintin je me demande ce que je pourrais dire sur Tintin à mes élèves, même si je vois un navet à la télé, c'est pas une profession d'être prof, c'est une vocation, ça te dit quelque chose ça une vocation ?

    On demandait à Mgr Marty quand il trouvait le temps de dire ses prières, il a répliqué : « Mais je suis toujours en prières, en ce moment même sous les sunlights de la télé je dis mes prières » - pour un prof c'est pareil, si tu fais ton cours et que tu t'en vas t'es pas un vrai prof, tu es prof 24h sur 24 y compris dans ta tête y compris dans ta manière d'appréhender le monde, et quand tu vois un spectacle tu t'y vois avec tes élèves parce que tu aimerais leur montrer ce que c'est et le commenter, ils sont dans ta tête alors tes « 18 heures » que tu nous jettes haineusement à la gueule tu peux te les foutre où je pense. « Oui ben y sont pas tous comme ça, j'en connais qui foutent pas une rame » - bien sûr cher mai, tu trouveras des merles blancs, des putes heureuses de vivre, des drogués au comble de la félicité voire des Gitans heureux mais moi je te parle de ce que ça devrait être, un prof idéal, et je te réponds comme Sénèque : « Même si je ne suis pas au sommet » dit-il à peu près, « même si je suis encore en train de ramper dans la boue, du moins j'ai les yeux tournés vers le Sommet » - même si neuf profs sur dix (j'écoute aux portes dans les couloirs - et je vais encore me faire bien voir – ne sont que d'épouvantable raseurs, qu'est-ce que vous voulez que j'y fasse si personne ne leur a encore appris qu'il est plus important de déconner de temps en temps avec ses élèves ou de leur raconter sa vie que de finir le programme.

    ...Et un comédien alors ? Il ne joue que deux heures par jour et encore sans compter les soirs de relâche. Et un footballeur ? Ça ne joue que deux heures tous les trois jours et ça se plaint. OUI MAIS UN FOOTBALLEUR ET UN COMEDIEN ÇA S'ENTRAÎNE ÇA REPETE eh bien moi aussi connard, si je ne lis pas, comment veux-tu que mon cours ait du liant, comment veux-tu que je passe sans cesse d'une idée à l'autre, que j'établisse des interconnexions passionnantes et des digressions sans fin, comment veux-tu que je sois capable comme ça au débotté de te pondre un cours d'une heure sur l'histoire de la langue française ou celle de la persécution des juifs ou sur l'histoire de la folie, sans notes, tu crois qu'un cours ça se prépare en claquant des doigts, pour tels et tels cour j'ai passé vingt minutes de préparation PLUS des années de lecture et d'imprégnation forcenée, ce n'est pas comme avec l'internet où il te suffit de taper n'importe quoi mon cul.com pour avoir « un renseignement », espèce de con si ce renseignement n'est pas connecté dans ta tête avec toutes tes lectures antérieures sédimentées sur des dizaines d'années qu'est-ce que tu vas en faire de ton « renseignement Hûtile » isolé ?

    Qu'est-ce que c'est qu'un sportif qui ne passe pas plusieurs heures par jour à s'entraîner (mais ça on le sait: il n'y a plus que du sport à la télé, quant aux émission culturelles beaucoup s'imaginent encore que c'est « Questions pour un champion » ou « Le jeu des mille-z-euros » - ah ! les cours professoraux, magistraux, parfaitement, sur Rimbaud, sur Péguy, à 23h sur les chaînes câblées, qu'on est obligé de rechercher dans les archives de l'INA parce que ces choses-là n'intéresseraient plus personne mon pauvre Monsieur – qu'est-ce que c'est qu'un danseur qui ne s'esquinte pas plusieurs heures par jour sur une barre fixée au mur, les profs, c'est pareil, la lecture, l'écriture, la lecture, l'écriture, quand j'écris je délie ma plume pour être plus à même d'apprécier les travaux écrits de ta progéniture ô Peuple, c'est pour découvrir des « trucs » d'écriture et les leur communiquer pour leur apprendre à ne pas écrire comme des abrutis, « pygane » pour « pyjama » parole d'honneur je l'ai vu écrit ça, j'apprends l'hébreu, et le portugais, c'est pour découvrir les secrets des langues et l'universalité de l'âme humaine à travers l'infinie diversité des langages, chaque langue nouvelle est un nouvel espace de liberté c'est du Steiner, tu me les comptes les heures que je passe à essayer de déchiffrer du breton ou du polonais « qui ne servent à rien », ça fait partie des heures de travail que tu m'imagines face de rat ?

    Sans oublier les conseils de classe, les introductions de notes sur ordinateur, les contacts avec les parents et j'en passe, elles sont où tes 18 heures de démago haineux ? J't'encule avec mes vacances mon pote, si tu t'imagines que c'est ça qui a déterminé ma vocation (« Il y a trois raisons qui ont motivé mon choix de l'Education Nationale, le premier mois de vacances, le deuxième mois de vacances, le troisième mois de vacances ») ben tu te fourres le doigt dans l'œil mon con, d'abord je te signale que mes impôts me reprennent très exactement deux mois de ces vacances-là, en plus elles ne sont pas payées mes vacances connard, et d'autre part tu sais ce que j'en fais de mes vacances mes couilles ? Eh bien je lis, j 'écris, pas du Pierrette Fleutiau mais du solide, du gargouillique, que même le titre ça te fait tomber les bras, parce que tu vois mon con si je reste sans m'entraîner c'est comme le sportif parfaitement, mon cours, sans entraînement, je peux me le mettre quelque part, l'autre jour j'ai pu improviser une heure et demie sur l'Histoire de la Folie de l'Antiquité à nos jours, sans un poil de notes, et pourquoi j'insiste ? parce que j'avais lu depuis trente ans je ne sais combien de bouquins chiants sur la question ça m'a pris 30 ans ce cours-là, parce que je m'étais assimilé je ne sais combien de livres, c'est autre chose qu'internet et c'est ça mes vacances, j'apprends des langues et quand je t'engueule je fais encore de la polémique et du journalisme, et je m'exerce, comme un sportif, exactement.

    Deuxième grief : il paraît qu'on est une profession « sans responsabilités ». Premièrement regarde bien la gueule des collègues, je ne parle pas pour moi qui suis un décontracté dès le début, j'ai compris que c'était un métier de guignol, je suis prof-clown parfaitement, j'ai monté sur les chaises bien avant Le cercle des poètes disparus – jette un œil je te dis sur leur anxiété, leurs scrupules pour mettre 8 ou 8 ½, leur hantise de l'injuste alors que tout est injuste bien que ce ne soit pas la peine d'en rajouter, leurs souffrances quand un élève ne « marche » pas et qu'on vient leur claironner à la gueule que c'est leur faute, alors que c'est l'élève qui ne veut rien foutre mais que c'est la faute des profs, c'est leur faute, c'est leur faute, c'est leur très grande faute, l'élève entend ça toute la journée à la maison, et tu ne dirais plus que nous nous sentons toujours irresponsables.

    Qu'est-ce que tu veux, citoyen ? Que nous soyons rétribués au mérite ? O.K., je bloque toute ma classe à 18, et je l'aurai, ma prime au mérite. Il y en avait un comme ça au Lycée de Vienne, il foutait toute la classe à 5, puis au deuxième trimestre tout le monde à 9, et au troisième, à 15, il se recevait des cadeaux que c'était une honte, il les revendait après sur une grande table dans la salle des profs – bon, il s'est fait virer. Pas responsables les profs. Pas de risques. Leur paye à la fin du mois. Va voir dans les asiles ce que c'est que les risques du prof, que la paye du prof. Va voir s'ils ne préfèreraient pas les « Risques Phynanciers » dont tu te gargarises.

    Alors qu'ils les aiment, leurs gosses, et pas au sens pédophile pauvre type, qu'ils les bichonnent, qu'ils les font travailler de leur mieux, mais comment voulez-vous faire si toute une partie de la classe a compris et pas l'autre ? Tu veux recommencer jusqu'à ce que tout le monde ait compris ? Trois fois, dix fois, vingt fois, jusqu'à ce que le dernier des derniers, celui qui ne veut rien comprendre, ait compris ? Et qu'est-ce que tu fais de ceux qui ont compris et qui voudraient avancer, ô conseilleur de mes deux ? Ça ne vous est pas venu à l'idée que les autres vont se mettre à régresser et à déconner ? Des classes à un élève ou deux, ça marche, mais à 20 ? Et bé ça ne marche pas Herr Dükon.

    Et pourquoi Machin passe de 4 à 16 ? parce que ton cours a été bon ? Non, parce qu'il s'est mis à travailler. Je suis spectateur de mes élèves, je me propose à eux et je les voir progresser, ou non, quand je note c'est souvent au petit bonheur, d'ailleurs essaye d'avoir les notes de tes élèves au bac, c'est la croix et la bannière, sans parler de ce qu'ils deviennent après, je te signale que tous s'en sortent, quand je rédige des appréciations trimestrielles j'ai souvent l'impression de diriger une rubrique astrologique. Maiaiaiais je comprends très bien ce que vous voulez dire avec votre « responsabilité » : c'est que réussite ou pas, nous touchons notre paye, notre sale paye que tout le monde nous envie.

    Voilà à quoi vous jugez le monde, tas de fielleux, voilà votre aune : ceux qui reçoivent leur paye, et ceux qui doivent se la gagner. « Si je ne vais pas au boulot, je ne suis pas payé » - et moi, alors, pourquoi j'y vais, à mon boulot ? Puisqu'en restant chez moi je serais payé quand même ! C'est pour une chose dont tu n'as même pas idée, pour un mot qui te fait ricaner (« Ouah, l'honneur, ça ne nourrit pas son homme ! ») - oui l'Honneur, parfaitement, la conscience professionnelle si tu préfères, la Nation, parfaitement, le Peuple, qui me confie ses enfants, tes enfants, et j'ai l'honneur de les éduquer, et c'est pour l'honneur que j'y vais, parce que je ne veux pas avoir volé cet argent que tu me reproches.

    Toi tu travailles pour le fric, et nous pour le fric et pour l'honneur, tu ne sais même plus ce que ça veut dire dans ton entreprise dont tu fais sonner les deux « r » comme un racle-mollards et qui fonctionne au lèche-cul et à la délation style Lauzier ça tu ne peux pas le comprendre ça dépasse ton cerveau de primate articulé, ne t'en fais pas mon pote même si ton entreprise ferme ses portes tu ne crèveras pas de faim vu le niveau des alloc' chômage qui sont prises mon Dieu comme c'est bizarre sur les impôts de ces flemmards de fonctionnaires. Tu as vu Deux ou trois choses que je sais d'elle de Godard ? ...nous sommes tous des putes sur notre lieu de travail; et toi t'es toujours en train de mendier, de mendigoter, de gagner tant par mois et de demander : « Pardon Missié moi fabwiqué chaussuwes, moi monté la pièce le théâtwe, tu pouwais pas donner soussou j'ai produit des biens qui serrvent à quelque chose t'aurais pas deux euros sious plaît ? t'aurais pas une subvention avec le pèze des contribuables pour ma troupe qui bat de l'aile Missié Fonctionnaiwe que j'ai twaîné dans la boue, pour mon théâtre qui bat de l'aile » c'est pas du racisme tas d'analphabètes c'est pour faire association d'idées avec « esclavage » si t'as pas compris tu vas faire du rap.

    En quoi est-ce plus honorable ? Pourquoi veux-tu que je risque quelque chose pour vivre comme un mendiant au lieu de vivre comme une vache à l'engrais ? En quoi ça te donne une dignité supplémentaire de courir après l'argent dans la poche des autres au lieu de l'attendre de l'Etat ? D'être une pute de trottoir au lieu d'une pute d'intérieur ou une femme mariée ? Ça me rappelle cet éleveur de moutonss qui vivait dans la misère et qui nous engueulait parce que « nous autres, on avait la paye à la fin du mois », eh mon con je ne t'ai pas forcé à élever des moutons tu as choisi maintenant t'assumes, qu'est-ce que c'est que ces manières de vouloir que tout le monde adopte TES façons de vivre à toi, j'ai le droit d'exister non ?

    Au nom de quoi qui que ce soit voudrait-il m'imposer son mode d'existence ? C'est incroyable cette réaction des gens maintenant, dès qu'ils se font enculer ils exigent que les autres écartent l'anus au lieu de vouloir libérer tout le monde, bravo le civisme, c'est donc ça votre idéal de

    « vraie vie » ? se battre comme des hommes préhistoriques ou des gamins dans une cour de maternelle pour défendre son bifteck ? Lécher le chef, magouiller, dénoncer les collègues ? Ben merde alors, moi j'estime que le prof et l'ado ont seul l'accès à la vraie vie, la vie où on pense, ensuite on fait rien qu'à régresser, mais je ne l'impose à personne.

    C'est quoi cette manie de toujours vouloir dresser une partie de la population contre l'autre, tous ceux qui ne foutent rien tandis que Monsieur Eric Vourachon, lui, travaille ? Les profs sont restés toujours adolescents ? Et alors ? Est-ce qu'il ne faut pas des adolescents pour s'occuper d'autres adolescents ? C'est toi avec ton air con et ta vue basse qui vas t'occuper des ados ? « Des profs qui n'ont pas vu la réalité », c'est quoi notre vie c'est pas la réalité ? « Des profs qui se racontent des histoires de profs dans des salles de profs », en quoi c'est pire que des informaticiens qui racontent des histoires d'informaticiens avec d'autres informaticiens, des bouchers qui racontent des histoires de bouchers avec d'autres histoires de bouchers, des chasseurs qui racontent des histoires de chasse – en quoi est-ce plus « ouvert », plus «adulte », qu'un prof qui raconte des histoires de prof avec d'autres profs ? Chaque métier, tu m'as bien entendu, chaque métier t'enferme dans un ghetto professionnel, pourquoi le mien serait-il plus bas, inférieur au tien ?

    Tu me reproches d'être demeuré enfant, c'est comme si tu étais assez con pour reprocher à un basketteur d'avoir 2m 10, ou à une infirmière d'être trop « nounou », et alors ? Je ne suis jamais sorti de l'école, jamais sorti de l'enfance ? Et comment je fais pour leur parler, aux ados ? Je me souviens de ce con de proviseur qui voulait rétablir la discipline dans la cour de son établissement, et qui voyait l' « emploi jeunes » discuter avec les casseurs, et parvenir à les calmer, et qui l'a convoqué : « Monsieur, je n'aime pas la façon dont vous semblez établir une complicité avec les élèves, vous allez me faie le plaisir de rétablir un peu les distances SVP, rompez. » - total, tout est redevenu comme avant, la violence, les mollards et tout.

    Et le flic alors, qui en est resté « aux gendarmes et aux voleurs » ? et l'infirmière, qui « joue au docteur » à longueur de vie ? Et l'informaticien qui joue au game boy ? Et le chef d'entreprise, qui joue à la marchande ? Et le chauffeur de bus qui fait vroum-vroum? Pourquoi serions-nous les seuls à être restés des enfants ? Tout travail d'adulte, toute vocation, tout métier, a pris ses racines dans l'enfance. Pourquoi ce qui est louable chez les autres serait-il blâmable chez nous ? chacun voit une partie de la réalité, la nôtre existe aussi, nous ne risquons rien pour l'argent, mais nous risquons notre santé mentale - est-ce que je les critique, moi, les routiers, est-ce que je les traite de cons, les boulangers, les électriciens ? Et puis ne me raconte pas d'histoires, tu en trouveras toujours de l'argent, avec toutes les indemnités que les petits malins de ton genre finissent toujours par se dégotter. Et les trois mois de vacances, dont un mois revient en impôts dans les caisses de l'Etat pour te payer tes allocs, tes subventions, tes primes et autres indemnités ? Tu crois vraiment que c'est pour avoir des vacances qu'on devient enseignant ? Elles ne sont pas payées. Et mon Dieu comme c'est bizarre tout le monde prend ses vacances en même temps et « s'aligne sur les vacances scolaires », encore un peu on nous accuserait d'entraver la bonne marche de l' « Hântreprise » - l'autre jour je discutais avec mon dentiste invité au Canada par des amis, « Ah je ne sais pas, le Canada, je vais me les geler en hiver, et si c'est en été je me ferai bouffer par les maringouins » - eh Ducom-Dentcreuse, t'as bien de la veine de pouvoir te payer le voyage au Canada comme ça, moi je vais à la plage à 60 km de chez moi, une fois j'ai voulu me payer trois jours vers La Rochelle, premier hôtel 400 balles, j'ai dit à Jacqueline « On referme les valises et on rentre » - curieux non tous ces profs qui encombrent les routes les jours de vacances à la neige, vous croyez qu'ils ont de quoi se les payer les vacances à la neige tas de connards – tous les bouchons des autoroutes et aux péages c'est que des profs tout ça dis c'est que des profs ? mais mon pauvre vieux y a plus que les couillons qui ne prennent pas de vacances en même temps que les profs !

    Moi maintenant je réponds merde à tous ceux qui me les cassent question vacances, c'est vrai quoi ils sont tous là à gagner moins que moi en travaillant plus, faudrait que je les croie en plus ? C'est comme quand tu te plaine le mec en face il est toujours plus malheureux plus fauché alors maintenant quand on me cherche je me mets à gueuler « Moi je bosse 26 heures par jour et je gagne 6 briques par mois et je t'emmerde, et si t'es pas heureux t'avais qu'à faire bac + 7, les médecins qui gagnent le smig je les emmerde parce qu'au bout de dix ans c'est bizarre ils ont les deux voitures et les deux baraques ».

    Autre chose : la privatisation – je ne sais pas faire les transitions – modèle Berlusconi, « anglais, informatique, entreprise », voilà les trois mamelles de l'Italy, Michel-Ange ? poubelle ! « S'il veut s'intéresser à l'art et à la culture plus tard il le fera » - connard ! connard ! Plus tard il n'aura plus envie de rien ! C'est très facile de transformer un gosse en petit vieux ! Alors que si tu lui avais ouvert l'éventail de la curiosité, il serait devenu d'autant plus curieux plus tard ! Des évidences pareilles, être obligé de les répéter ! On va être gâtés, comme disait Madelin qui voudrait couper la France en 13 républiques bananières bouffées par les USA, vous en faites pas les gars; il n'y a pas d'échec scolaire, il y a seulement l'échec de la démocratisation de l'enseignement, je n'ose même pas dire de la culture, les gens n'en ont rien à foutre de la littérature, on les a déjà vidangés de la musique et des arts plastiques, alors vous pensez, le latin, la poésie ! Tes gosses ratent leurs études parce qu'ils entendent toute la journée à la télé plus chez toi-même que les profs sont tous des cons, rengaine qu'ils ont tous envie d'entendre depuis l'Antiquité – ouais oh cong, c'est vieux ça l'Antiquité – t'en fais pas mon vieux, t'en fais pas : l'enseignement professionnel ! Y a que ça de vrai ! L'entreprise on vous dit ! L'Entrrrreprrrrise ! Un jour un employé de chez Danone viendra vous expliquer en anglais la façon de fabriquer un yaourt, un mec de Firestone vous expliquera en anglais comment fabriquer un pneu, et on sera enfin débarrassés de ces putains de rapports humains, j'oubliais l'autre con qui viendra vous raconter l'histoire du pétrole (plus besoin d'histoire, ces gens-là sont tous morts, qu'est-ce qu'on en a à foutre, nous on est vivants on sort en boîte et on t'emmerde, alors plus rien avant 1930 vu ?

    C'est l'histoire de la décadence romaine qu'il faudrait étudier à fond, ça fait longtemps peut-être mais on est revenus en plein dedans, plus de géographie, avec les agences de voyage tu vas où tu veux les yeux fermés, « Où c'est Le Puy ? - ben on n'en a rien à foutre – ah oui ! On y est allés en vacances ! - ben t'as intérêt à vivre longtemps si tu veux arriver au 90 (« Territoire de Belfort » - l'histoire et la géo ce sera les cours de la Bourse, en avant pour la crétinisation il faut que ça SERVE que ça SERVE du latin « servus », « esclave », tas de race d'esclaves ! Tu crois que ça ne fait pas gerber d'entendre mon petit-fils me demander « A quoi ÇA SERT l'espagnol » - je lui ai parlé Culture que dalle, puis j'ai trouvé le bon tuyau : « Tu te présentes à une place tu ne sais que l'anglais ; il y en a un autre qui sait l'anglais ET l'espagnol il te prend ta place » voilà le genre d'arguments qu'on est obligés d'employer à présent bande d'enfoirés, ah le peuple, putain que je hais le peuple, c'est inimaginable, les gens, je ne peux pas les blairer, ça bougera, on les aura, je ne fais que répéter ce que disent les autres ? ça en fera un de plus toujours ça de gagné, merde aux réformateurs, comme dit Sallenave « du moment que l'école est malade de réformes eh bien qu'on fasse encore plus de réformes », en cas d'hémorragie faites une saignée, je vais vous dire moi pourquoi l'enseignement résiste et résistera toujours : les élèves s'en sortent dans la mesure exacte, je dis bien très précisément exacte, où nous autres à la base prenons le contre-pied systématique de toutes les réformes imposées d'en haut par tous les connards de démagogues de ministres de mes couilles.

    Je fais des cours de grec clandestins dans les classes, parfaitement, nous ne céderons pas aux Madelin, Jack Lang et compagnie, parce que nos sommes éternels, entendez-vous dans nos campagnes, éternels, et je continuerai toujours à préférer un chômeur cultivé, aigri et révolutionnaire à n'importe quel plouc bien payé roulant dans une grosse bagnole et incapable de distinguer Vivaldi de Stockhausen, Botticelli de Kandinsky, aux chiottes la réussite à l'occidentale, vive la culture, et pas Vivendi. Ma foi si qu'on fait avancer les choses en jurant, depuis le temps qu'on est poli et que rien n'avance ! Maintenant tu fais une manif, trois Abribus en l'air et tu obtiens ce que tu veux, tandis que par les voies légales, que dalle ! alors tiens je t'en rajoute une ligne : enculé d'enfoiré de mes glandes, etc. (ça fatigue, c'est vrai).

    Oh ! bien sûr, Monsieur Tout-le-Monde ne va pas crier au scandale ! pas si fou ! trop peur de passer pour ringard ! Alors il te dira « C'est banal », « dépassé », mais en réalité tu l'aurais vraiment choqué. - « et à quoi ça sert ? » - O.K., mais à quoi ça sert de ne pas le faire ? chacun sa fonction, la mienne c'est de faire « ça », comme celle du navet d'être navet, de Napoléon d'être Napoléon, ô spécialistes ignarissimes de mes couilles, et vive le Père Duchesne !

    COLLIGNON HARDT VANDEKEEN LE SINGE VERT T. IV 42 - 21

    MARCEL COSTE - « SOLLICITUDE ABUSIVE »

    Et une page de Marcel Coste, une :

     

    Sollicitude abusive

    D'un pas qui se voulait alerte, je déambulais sur le quai de la gare jusqu'au wagon numéro six.

    J'allais voir des amis à Paris et m'en réjouissais.

     

    °

     

    De nature précautionneuse j'avais un bon quart d'heure d'avance ce qui m'avait permis de trouver mon magazine habituel et de choisir un épais quotidien parisien.

    Traînant sans peine apparente ma valise à roulettes (en français moderne : « trolley »), j'arrivai enfin devant cette voiture six. Je m'y hissai d'un coup de rein hardi.

    Après une minute de récupération, je repérai ma place « côté-couloir », celle qui permet d'aller aisément au bar, voire aux toilettes, en toute impunité et discrétion. Celle qui évite aussi de regarder un paysage fugitif et inintéressant.

     

    °

     

    Par chance ma voisine placée près de la fenêtre m'apparut particulièrement agréable. La trentaine visiblement épanouie, élégamment habillée, discrètement fardée.

    Alors que j'extrayais ma lecture de la poche extérieure du « trolley » elle se leva, prit ma valise et, sans effort, la plaça en souriant sur l'étagère.

    Je balbutiai un remerciement en forme de grognement.

     

    °

     

    Effondré mentalement, je me calai dans mon siège et ruminai sur mon apparence décatie, vieillotte et impuissante.

    Que cette haridelle, perchée sur ses hauts sabots, se permît de m'aider à placer cette valise ! Que cette amazone s'autorisât à suppléer mon hypothétique débilité physique ! Sûrement quelque cheftaine prolongée en manque de B.A. !

    Moi, qui suis plutôt du genre amène, affable, sociable, je m'enfermai face à cette probable péronnelle, dans un mutisme total, méditant sur une politesse surfaite de nos jours et attentatoire à notre autonomie. Je pensais aux aveugles que l'on assiste de gré ou de force pour traverser les carrefours... aux sourds que l'on tourmente avec des mimiques et des signes approximatifs... aux anorexiques que l'on alimente autoritairement à l'aide d'une sonde... bref à toute cette contre-euthanasie rampante.

     

    °

     

    Je me plongeai ensuite dans une lecture exagérément attentive de mon quotidien favori puis dans celle de mon mensuel apprécié pour ses renseignements précis et indispensables : placements monétaires et boursiers, maisons de retraite, centres pour invalides, assurance-vie et capital-décès, convention-obsèques... sans oublier les « trucs » qui garantiront votre succession contre une administration fiscale insatiable.

     

    °

     

    Brusquement, je m'arrêtai de lire ayant surpris ma voisine lorgnant ma revue d'un œil présumé ironique mais plus sûrement compatissant.

    D'un pas hésitant, la démarche titubante, j'allai jusqu'au wagon-bar... d'où je pus admirer la monotonie du paysage et compter les vaches sages bourguignonnes.

     

    °

    Vingt minutes avant l'arrivée en gare je retournai à ma place, saisis ma valise d'un geste douloureux mais précis et m'installai dans le sas de sortie. Je n'avais eu aucun regard pour cette perspicace voisine m'ayant signifié d'ostentatoire façon que j'avais un âge un peu trop septuagénaire.

     

     

     

    Comble de sollicitude, à l'arrivée, pour m'éviter d'espérer trop longuement un taxi, mes amis m'attendaient sur le quai.

     

    °

     

    Convenez avec moi que la « bonne éducation » devrait aussi avoir ses limites.

     

    Le 18 septembre 2001

    COLLIGNON HARDT VANDEKEEN LE SINGE VERT T. IV 43 - 24

    BLOCKHAUS B

     

     

     

    A mon arrière-petite-fille

    Qui ne saura plus lire et

    Qui ne parlera plus ma langue

     

     

    « La pluie m'emprisonne. Je ne peux plus atteindre les arbres. »

    Il y a son nom sur l'enveloppe.

    « La prairie est détrempée, jusqu'au cœur de la terre. »

    Les oiseaux croassaient de toutes leurs forces.

    « Il pleut depuis le premier du mois. Si j'avais de bonnes bottes, je pourrais rendre la lettre : c'est mon nom sur l'enveloppe, mais ce n'est pas moi. »

    S'il traverse la prairie – le champ de boue, le cloaque - il deviendra une masse informe. Au mieux, le vent l'encroûtera. Et puis, de l'autre côté des arbres, il y a le fleuve...

    « Celui qui porte mon nom a besoin de cette lettre. Plus que moi. Celle-ci, à moi, n'apportera que des tourments. »

    Il habite loin, au sec, dans son dos :

    « Formán Tikhonovith Biédrinine

    « Blockhaus B ».

    Je ne suis pas cet homme.

    Les corbeaux dans le ciel font et défont des cercles noirs. Il tend le bras comme un fusil.

    « Pan ! Pan !

    Sans s'émouvoir, les oiseaux s'engouffrent dans une énorme boule d'arbre malade, au bord du marécage, puis, l'homme commence la traversée.

    A chaque pas la boue montait jusqu'aux genoux. Il regarda sa montre : quatre heures avant la tombée du jour. Il tâta le message, dans la poche de chemise : il pouvait aussi bien tout laisser derrière soi. Les choses au pire, il trouverait au bourg une chambre sèche, un pantalon neuf.

    De trou en trou, il se déhanche.

    Le soleil perça les nuages, réveillant des nuées de moucherons acides. Il eut le souvenir d'heures paisibles, de soirées à l'air libre, sur le banc, le jardin fait. De ce côté-ci du marais, donc derrière lui, c'était Bostrovitza, un gros village plein d'enfants placides.

    Et devant, il y avait Gréménovo, où il n'avait jamais mis le pied depuis la destruction du pont ; plus exactement, l'édifice branlait de toutes parts après l'attaque des Stukas. Ils avaient bombardé les réfugiés. Les autorités l'avaient déclaré dangereux. Il avait sauté, le pont, par ordre du voïvode.

    Il fallait prendre le sentier. La boue, après la crue, avait tout recouvert.

    Les anciennes photos du Pont d'Aval le montraient aux jours de foire, grouillant comme une fourmilière : bateleurs, charrettes, marmaille... C'était avant la naissance d'Endrick. C'était avant la mort du grand-père. Avant le bombardement.

    L'homme avança, leva les bras, tira sur ses cuisses. Il laissa échapper un tonnerre de jurons. L'eau touchait le ventre. Les sous-vêtements se trempèrent d'un coup. Il prendrait froid. Désormais coûte que coûte il fallait un docteur, celui de Gréménovo. Pourquoi lui, Formán, douillet, grincheux, avait-il entrepris cette folie de vouloir à tout prix remettre cette lettre à son destinataire, dont il ne connaissait foutre Dieu que le nom, le sien ?

    La vase remonta sous ses pieds. Bientôt la partie de son corps au-dessus des genoux se trouva hors de l'eau. Il souffla un instant. Ses mains, demeurées sèches, vérifièrent encore sous la chemise que le message n'avait pas bougé. De l'autre côté de la digue il apercevait, sur le ciel gris, les premiers toits pointus de Gréménovo.

    Les premières cheminées se mirent à fumer. Dans un bruit de succions alternées, il se dégagea au plus vite, gravit un perron sans rampe, redescendit quelques marches : il était sur le pavé, au sec, à Gréménovo. Il dégoulinait de saletés, mais nul, à part lui, ne foulait le sol irrégulier de cette demi-rue, à l'abri, face au marais.

    Formán se sentit revivre. Il avait malgré tout éprouvé de l'inquiétude, malgré le jour encore haut, et en ressentit une vague honte. Son reflet dans une glace extérieure – un tailleur en faillite – le persuada de chercher au plus vite un magasin d'habillement, pour remplacer son pantalon, devenu bloc de boue.

    Il lui faudrait aussi des chaussures. Alors seulement il pourrait se présenter au Bloc B, Kuiaz Ulitsa, et remettre décemment le message.

    La vendeuse de pantalons lui effleura délicatement la braguette au moment de l'essayage. Il se contenta de lui réciter quelques vers. Elle n'avait pas encore allumé la lumière : le magasin d'habillement baignait dans le gris. Formán oubliait sa mission.

    La vendeuse l'entraîna dans une arrière-boutique sombre, où ils prirent un café sur une table branlante auprès d'un réchaud. Il découvrit sur son crâne à elle, derrière l'oreille, une cicatrice en relief. « Ils m'ont interrogée un peu brutalement, dit-elle avec un pauvre sourire.

    Il ne lui demanda rien, le jour continua de tomber, la couronne bleue du brûleur prit une intensité vacillante. Bientôt ils se trouvèrent tous deux vêtus d'amples robes de chambre.

    « C'est celle de mon mari, dit l'habilleuse. Il m'a quittée après l'interrogatoire. Et toi, que vas-tu faire ? »

    Il tira la lettre de la poche de sa chemise.

    Tandis qu'elle prenait connaissance du message, une étrange torsion paralysa l'estomac de Formán, et il se sentit à la fois proche de l'évanouissement et rempli d'un étrange espoir, solide au-delà de toute raison. Il se leva pour marcher, passa dans le magasins où les vêtements, à présent, semblaient autant de fantômes suspendus aux épaules. Raides, parallèles.

    Un miroir lui renvoya une image si effrayante qu'il chercha et trouva instinctivement un interrupteur. Les néons tremblotèrent, puis s'allumèrent brutalement dans un grésillement continu. La jeune femme le rejoignit, ferma le magasin de l'intérieur, baissa le volet de fer.

    Je m'appelle Viéritsa; dit-elle. Reste avec moi. Tu porteras la lettre demain.

    A peine quitté son village – définitivement, il s'en avisait à présent – Formán devait à nouveau composer avec l'espèce humaine. Qui plus est, avec une femme – l'être le plus exigeant et le plus dévoué qui fût. Une vendeuse de pantalons, au visage rond et grave, avec une couronne de cheveux bouclés et une cicatrice au-dessus de l'oreille.

    La chambre du premier donnait sur le marais. Ils avaient fait l'amour au rez-de-chaussée, sur des manteaux étalés à la hâte, en pleine lumière. A présent, la fenêtre éclairée découpait sur la vase et les plantes un grand carré glauque par-delà la digue.

    Même ici, de l'autre côté de l'eau et des joncs, au-delà des frontières de provinces, d'autres policiers sévissaient, d'autres tortures. Pourtant, Formán se sentait désormais en sécurité. Il ne pouvait être poursuivi pour les mêmes délits que Viéritsa – bien qu'ils eussent commis ensemble l'acte le plus répréhensible aux yeux de tous, en tous pays.

    Mais la cicatrice était ancienne. Il parcourut encore du doigt la boursouflure sous les boucles, et la femme eut encore ce petit rire triste ou inexpressif. Dieu merci, ils s'étaient aimés tout de suite, sans tous ces atermoiements qui découragent l'un et l'autre sexe.

    Ils éteignirent la lumière et se couchèrent sagement l'un près de l'autre, comme d'anciens mariés, en tirant bien le drap chacun pour soi, pour éviter les plis. Quand il se réveilla, il tenait Viéritsa par la main, le matin doux éclairait une chambre de dimensions modestes, à l'ameublement neutre, et il comprit pourquoi l'amour se faisait surtout dans la nuit. Mais il n'éprouva nulle amertume, rien d'autre que ce sentiment de douce sécurité. Viéritsa se réveilla, et posa sur lui son sourire.

    Ils quittèrent le magasin sans être vus.

    « Il n'est que sept heures, dit-elle, et c'est dimanche. Cherchons ensemble le destinataire de ta lettre.

    - Qu'y a-t-il d'écrit ?

    - C'est une convocation au Commissariat, dit-elle en souriant. Ils se sont trompés de province.

    - Il faut trouver un autre pays, dit-il.

    - Qui postera la lettre ?

    - Est-il indispensable, avant notre départ, de tourmenter un inconnu ?

    Peut-être qu'ils le convoquent pour lui dire : « Vous êtes innocent ! ». Le ton général du formulaire ne semble pas déplaisant. Oui, cet homme va recevoir un certificat d'innocence.

    « Cet homme porte mon nom.

    Il demanda la lettre, l'ouvrit, se tourna vers le mur et la lut :

    « Ce n'est qu'un formulaire ordinaire, dit-il.

    - Nous sommes des gens ordinaires, dit-elle, nous faisons des choses tout à fait ordinaires.

    Il hocha la tête d'un air dubitatif et remit la lettre dans sa poche. Il était propre à présent, presque élégant.

    Le bourg tardait à s'animer. Ils se dirigèrent vers une gare en faisant le compte de leurs ressources.

    Ils pensèrent dévaliser une station-service jaune et verte, mais ils se contentèrent de demander quelques smenks au pompiste. Il les leur tendit en riant : il connaissait la musique. Il ne s'aperçut pas que Viéritsa volait trois Karamélis. La police ne poursuit pas ce genre de chapardeurs.

    Dans le train, ils se partagèrent les Karamélis.

    Leurs dents se collaient, ils s'ouvraient la bouche l'un devant l'autre, se rappelant l'excellente farce du chien qui mâche un gros chewing-gum : le chien se tord la gueule et se racle le museau avec la patte. Le train démarra vers Saint-Ziriex. Formán et Viéritsa se regardent gravement. Ils sont assis l'un en face de l'autre sur les banquettes en skaï de Vonat Kompanyi, sans billet, « après avoir risqué sa vie dans les marais », dit Formán. Viéritsa ne pense pas retrouver son emploi, parce que les néons du premier étage sont restés allumés :

    « Un court-circuit est si vite arrivé !

    Elle s'accuse et pleure.

    Formán relève sa tête bouclée. Elle dit : « Nous agissons comme des enfants. »

    Formán tapote sa pochette, et dit qu'il lui reste la lettre :

    « Un certificat d'innocence, c'est quelque chose !

    Le train roule, ils examinent le paysage, l'un à l'endroit, l'autre à l'envers. Le train est un pont qui roule, entre le passé et l'avenir. Viéritsa espérait que l'Autre dirait la vérité. Viéritsa craignait le mensonge. Formán se sentait lassé à l'avance de toutes ces confidences qu'il faut faire aux femmes.

    « Une queue de sirène, qui empêche de marcher. »

    Il dit cela tout haut, Viéritsa le comprit, posa sa main brune sur la main verte de Formán: ils pensaient les mêmes choses en même temps :

    « Plus tard » dit-elle.

    Ils se caressèrent le visage. Le contrôleur passa dans le couloir sans s'arrêter.

    Formán et Vieritsa se retrouvèrent à 14h 38 sur le quai d'un pays tout à fait inconnu. Il flottait dans l'air une odeur marine. L'Etat de Wyczuri n'était pourtant pas si étendu. Le train s'était arrêté souvent, il n'avait jamais dépasse les 100 km/h.

    Ils contournèrent les documents de gare :

    « La Baltique » dit-elle.

    C'est horrible, pensa-t-il.

    La lettre était sur son cœur, il avait failli à son devoir. Véritsa devinait tout. D'abord, elle prétendit que les frontières s'étaient déplacées. Qu'une décision administrative - « du fond de tes marécages, tu ne pouvais pas savoir ! » - avait repoussé les limites du Wyczuri vers le Nord et la mer.

    Les uniformes avaient changé, mais il y avait toujours des uniformes. Ils interrogèrent un de ces hommes. Ils apprirent que les troupes d'Abimani s'étaient emparées sans résistance de la « nation-amie » de Wyczuri, pendant les heures consacrées au sommeil. Autour d'eux, dans la gare, dans les rues avoisinantes, et au centre ville, tout le monde souriait, soulagé. Les amoureux s'étreignaient dans les rues piétonnes. Le sol pavé de briques autrefois rouges figurait des rigoles, des troncs de cône en pierres accumulées formaient au centre des allées des piédestaux de lampadaires. Toutes les boutiques avaient fermé pour le dimanche. La zone commerciale butait contre un mur gris souillé de tags. Ils revinrent sur leurs pas, trouvèrent une autre rue, défoncée, sans boutiques, aux trottoirs dentelés : la vieille ville des entrepôrs, aux vitres brisées, reprenait ses droits.

    Mais il y avait eu ce rêve de vitrines, et l'on respectait le dimanche, cette années encore. Formán et Viéritsa marchaient main dans la main, évitant les dislocations du trottoir.

    Ils trouvèrent plus confortable de prendre le milieu de la chaussée, déserte, bosselée. Formán se sentit l'estomac creux : le remords, sans doute. « Tu n'as pas risqué ta vie. L'eau n'a pas dépassé ta poitrine. Le fleuve avait changé son cours. - Je dois me débarrasser de cette lettre, dit-il à haute voix. Ils la jetèrent dans la première boîte aux lettres venue : une grise, au petit auvent écailleux. « Je me sens mieux.  - Tu veux tout balancer, Formán. Un jour ce sera moi. » Il n'en savait rien. Il le lui dit, la serra contre lui, la fit avancer dans des rues ouvrières, et désertes, plus que jamais. Les crampes reprirent : c'était la faim. « J'aime mieux cela » dit-il. - Préfères-tu rentrer ? -J'ai de l'argent.

    - Me trouves-tu monotone ? » Il répondit simplement qu'il souhaitait rencontrer d'autres personnes pour fuir ensemble, plus loin. « Mais je suis un groupe », dit-elle. Viéritsa effectua un geste désespérément commun, mais qui provoque toujours l'émotion : serrant la taille de Formán, elle colla sa poitrine à la sienne et renversa le visage. Il lut dans ses yeux beaucoup de foi tranquille. « C'est la religion du groupe qui a tué notre pays », dit-elle. Il se dégagea doucement. La rue, sombre, se dirigeait vers la mer. Après le passage à niveau, ce fut la plage, les boîtes à conserves, un soleil clair sorti des nuages. Formán retroussa son pantalon, courut vers une barque et la poussa dans l'eau.

    Ils s'étendirent et se laissèrent dériver, confiants dans la force de leurs bras et dans les rames sèches, au fond de l'esquif. Et quand ils se furent accouplés, c'est-à-dire collés l'un à l'autre sans ôter leurs vêtements, Formán passa la main sous le plat d'une rame. Il sursauta : une enveloppe sèche était camouflée là, elle portait son nom, et l'adresse de l'autre encore. Il secoua Viéritsa, lui mit l'enveloppe sous les yeux. Ils l'ouvrirent à grands coups saccadés. La barque roula. « Un instant, fit-elle en posant un doigt sur la bouche de Formán. Si tu me rejettes, tu me trouveras toujours sur ton chemin. » La lettre disait : 'Rendez-vous à Copenhague ». Il empoigna les rames. Déjà l'hélicoptère de ronde avait pris son tour dans le ciel du dimanche. D'abord, ils furent pris pour de paisibles canoteurs. Le ciel s'était enfin dégagé, il régnait une douce chaleur. Mais bientôt, comme ils longeaient la frontière des eaux, la voix du haut-parleur tombée du ciel leur enjoignit de regagner la zone autorisée. Ils s'allongèrent au fond de la barque.

    Pendant trois jours, au centre de détention pour hommes, Formán refusa de manger. Viéritsa fut mise avec les femmes, à Boïdanek. Tous les soirs, à la même heure, les gardiens des deux prisons tournaient les clés dans les serrures jusqu'au lendemain matin.

    Tous les deux dessinaient sur les murs de leur cellule un plan imaginaire de Copenhague. Dans leur ignorance, ils multipliaient les canaux, si bien que leur plan finissait par évoquer Bruges, ou Amsterdam. Les gardiens toléraient cette innocente manie. Bientôt, les murs de toutes les cellules, dans les deux prisons, se couvrirent de graffiti, puis de fresques. Cela détournait les prisonniers de tout projet d'évasion. Les récidivistes, retrouvant leurs murs, admiraient de nouvelles perspectives de ciels bleus. L'un d'eux initia Formán aux échecs. A Boïdanek, Viéritsa écoutait les récits de voyage d'une nouvelle amie. Celle-ci prêtait patiemment l'oreille aux histoires de la vendeuse de pantalons, qu'elle débitait d'une petite voix honteuse.

    La gardienne se mêlait à la conversation, avant l'heure du couvre-feu. Parfois, la gardienne récitait du Fejtö, scandant les vers avec son grand porte-clés circulaire, comme sur un tambourin. Ils ne faisaient pas de cauchemars, chacun dans leur cellule. Dans la prison pour femmes, la gardienne proposait aux détenues des grilles de mots croisés, dont elle gommait régulièrement les solutions. Il n'y avait ni tortures ni sévices dans ces établissements-là, mais la surveillance s'exerçait sans failles, et dans le respect de l'humanité. Pour Formán, tout faillit se gâter lorsque son gardien lui découvrit l'enveloppe et son contenu, qui avaient échappé aux fouilles d'entrée.

    Le fonctionnaire comprit alors le sens de tous ces plans de villes qui transformaient les murs en autant de fenêtres, barrées de toiles d'araignée. Viéritsa, de son côté, parvint à faire sortir un message, que la gardienne avait promis de ne pas lire. « Mais depuis que je vous ai confié la lettre, je ne dors plus, dit Viéritsa. - Moi non plus, répondit la gardienne. - L'avez-vous bien portée ? - Je le jure », dit la gardienne. Le directeur de la prison des hommes tournait et retournait entre ses doigts le message litigieux. Il baissait la tête derrière son bureau, avec une moue préoccupée : « Vous comptez vous évader ? - Pas du tout. - Pouvons-nous continuer à vous faire confiance pour effectuer les réparations techniques dans le bâtiment ? - Sa ns difficulté. - Voulez-vous sortir de là ? dit la gardienne dans l'autre prison. - Et comment ! répondit de son côté Viéritsa. - Suivez-moi. Il y a longtemps que je veux m'évader, moi aussi. Oubliez Formán. » Ce dernier quitta la maison d'arrêt de Kostrzyn le même jour, en compagnie d'un apprenti hongrois. Cet apprenti répondait au nom de Vaszláv. Il s'intéressait aux phénomènes électromagnétiques et prétendait régenter « les esprits ». Vaszláv ne pouvait subsister que dans la nature.

    Il avait souffert plus que quiconque à l'intérieur des bâtiments, où il n'était venu que pour une réparation bénigne. Son angoisse s'était accrue lorsque Formán, à peu près de même taille, avait proposé d'échanger leurs tenues. « Ça ne marchera jamais, dit le gardien qui les avait épiés. Prenez plutôt ce couloir, puis descendez l'escalier C à gauche : vous aboutirez tout droit sur les poubelles. Attendez le ramassage, glissez-vous parmi les hommes. Ils ne feront aucune difficulté. » Vaszláv et Formán venaient de se connaître. Ils se regardèrent avec perplexité. Le gardien à présent tournait le dos. « Pourquoi pas dit Vaszláv. Je t'accompagne. Tu seras moins suspect. - Tu es courageux, dit Formán.

    Après une nuit passée dans l'odeur aigre-douce des épluchures, ils suivirent les indications. « Ho, les nouveaux ! Prenez-moi ces gants, videz-moi tout ça en vitesse ! » Les poubelles basculèrent cul par-dessus tête, se secouèrent, puis retombèrent à vide. Les deux « nouveaux » galopaient, chargeaient les grosses boîtes brunes, les détachaient, couraient s'attacher à l'arrière du camion orange. Au coin d'une rue de banlieue, ils se détachèrent, lancèrent derrière eux leurs gants de protection, traversèrent une étendue de hautes herbes et se retrouvèrent sur la berge d'un ruisseau côtier à sec, épaule contre épaule, faisant des passes magnétiques sur un galet. Vaszláv était de dix ans plus jeune que son nouvel ami.

    Ils ont longé la mer. Viéritsa et Xénia, la gardienne, grosse en jupe verte, se sont rendues dans une petite maison. « J'habite de l'autre côté des Maraîchers, dit Xénia. Nous ne serons pas dérangées. Le seul inconvénient, c'est le bruit des motoculteurs : ils binent le sol. Ils tracent des sillons. Ça s'éloigne, puis ça revient, sans cesse. Les hommes regardent la terre, juste la terre : c'est un coin tranquille. Tu partiras quand tu voudras. » Elles sont parties ensemble au bout de trois jours. C'étaient en ce temps-là de bien curieuses destinées. Les uns longeaient la mer en direction de l'Odra, les autres s'enfonçaient vers les grasses plaines du sud. Nul n'aurait su dire s'ils se reverraient. Formán n'avait pas de passé. Viéritsa non plus. Ils n'avaient jusqu'ici connu que la vie simple et droite, qui d'une vendeuse de pantalons, dont la main s'était parfois égarée, qui d'un instituteur de bourgade. Les deux nouveaux venus, Vasláv et Xénia, tenaient à faire partager leurs expériences, leurs interrogations sans réponses, à ceux qu'ils accompagnaient désormais. Et depuis trois jours, de part et d'autre, l'électricien et la gardienne se taisaient, attendant des jours meilleurs. « Szczecin, dit Formán. De l'autre côté du fleuve, c'est l'Allemagne.

    Qu'est-ce que tu veux aller foutre là-dedans, dit Vasláv. Le même jour, les deux femmes cherchaient dans Lódz un logement occupée par une amie. « J'ai des amies dans toutes les villes », dit Xénia. Tout séparait les deux amants. La lettre de Viéritsa s'était perdue. Formán avait disparu. Il avait conservé le message adressé à Pan Bérénine, Borsga, Blockhaus B. Le pays sombrait dans la décomposition. Les hommes remontaient l'Odra, retardés de pont en pont par les barrages. Xénia et Viéritsa s'enfonçaientà perte de vue dans les champs gras de pommes de terre. Les charrettes grinçaient dans l'air crépusculaire. Puis Viéritsa tomba malade. Xénia et elle séjournèrent quelque temps dans une petite ville frontière, au bord du fleuve.

    Formán et Vasláv les y rejoignirent : on ne pouvait sortir de là ; tous les déchets venaient s'accumuler au même endroit, comme autant de débris tourbillonnant au-dessus d'une bonde. Et d'emblée, entre Xénia, qui n'avait pas ôté sa jupe verte, et le trop blond Vasláv, ce fut l'hostilité déclarée. Les amants réunis n'osèrent pas les contrarier, ils modérèrent les transports de leurs retrouvailles inopinées. Dès le lendemain pourtant, ils décidèrent de se marier. Alors, leurs cerbères se relâchèrent, juste un peu. Xénia murmura entre ses dents que ce n'était pas la peine de s'être évadés, si c'était pour se marier. Le délai administratif imposé leur parut interminable. L'officier municipal ne manifestait aucune hâte à falsifier les papiers. Viéritsa se remettait peu à peu. C'était une ville de garnison, plongée pour l'éternité en 1960. Tout rassemblait à nouveau les quatre personnages, en premier lieu l'oisiveté. L'argent pourtant ne manquait pas – grâce à l'agent municipal – étrange bonhomme. Ils atteignirent ainsi le début du moi de mai. Ils se rejoignaient dans un café au sol semé de sciure, et passaient des après-midi entières, et des soirées aussi, à échanger leurs passés. Formán souffrait de tout cela, mais n'en laissait rien paraître ; en effet, tout ce qu'il souhaitait éviter devenait inévitable. Viéritsa dévidait des souvenirs sans importance, ayant atteint ce point où la pudeur s'efface dans les yeux ; les deux autres se roulaient avec délectation dans leurs années d'avant, se découvraient des complicités. Un souci commun de justification les soutenait encore. Pour finir, Formán et Viéritsa se taisaient, écoutant se confier les gens du commun. Il leur semblait encore et à jamais que rien ne s'était passé avant l'unique nuit d'amour, dans la ville aux marais, au-dessus du magasin d'habillement. Ils se rejoignirent plusieurs nuits, sans retrouver le goût de leur première étreinte. Cependant, le plaisir renaquit peu à peu, les rues se couvrirent de neige fondante, Vasláv ravauda les canalisations vétustes du quartier. Xénia trouva un poste dans la Citadelle où croupissaient trente opposants. « Une lettre pour vous. » Xénia n'avait pu se résoudre au tutoiement.

    Formán, qui revenait de l'unique promenade au bord du fleuve, trouée de gravières, tendit la main. C'était son nom, c'était l'adresse : « BLOCKHAUS B ». Un frisson lui parcourut le Japon. Viéritsa lui arracha l'enveloppe et l'ouvrit : « Tu es convoqué au Gouvernement Militaire. » L'officier, sec et brun de peau, le fit asseoir dans un fauteuil en cuir. Les trois autres avaient tenu à se faire également recevoir, et se tenaient debout à côté de l'officier. « Nous ne vous avons jamais perdu de vue, Pan Bilinine. Le pays n'est pas encore aussi désorganisé que vous le souhaiteriez. Nous connaissons les circonstances de vos évasions à tous, dit-il en regardant fixement Xénia.

    « J'ai été engagée à la Forteresse, dit-elle. - Et vous avez prêté serment. Nous ferons sauter vos protections, dit l'officier brun.

    Vaslàv s'interposa : « Elle sera ma femme. Elle n'aura plus besoin de travailler.

    - Quel âge as-tu ? demanda Formàn.

    - Vingt-huit ans.

    Vive la Révolution, grommela Formán. Puis, à l'officier : « Comptez-vous me réincarcérer ?

    L'officier lissa ses cheveux sur les tempes : « Uniquement vous avertir de vous tenir à carreau tous les quatre.

    Ils se retrouvèrent libres sur la grande place pavée devant la Citadelle, incrédules.

    « Il m'a laissé la lettre, dit Formán.

    Vasláv et Xénia se considéraient avec stupéfaction.

    Le soir, la lettre fut examinée, scrutée dans les moindres détails de sa présentation, de sa formulation : elle ne recélait aucun message secret. « Partons plus loin », dit Vasláv. ...Ce seraien encore d'autres villes grises, comme le souhaitait Vasláv, d'autres campagnes nues à la fertilité incertaine. Ils fuyaient. Indifférenciés. Se tenant la main, ou marchant l'un derrière l'autre. Les couples s'échangeaient dans la misère, tantôt de l'un et l'autre sexe, tantôt non. C'était à pied que l'on fuyait le mieux. Sous les hauteurs du ciel gris, le vent poussant, la Guerre indispensable s'était réveillée, faisant de tous les êtres autant de grains qui volent. Moins d'un pays, d'un groupe ou d'un parti contre l'autre que par l'effet d'un vaste bouillonnement, levure désordonnée de l'âme du monde qui s'échappe à soi-même, et jette à l'air les balles, les obus – trop longtemps comprimés.

    La plaine s'achevait en fortes rampes où dévalaient des rapides, puis en falaises. Ils escaladèrent les rochers détrempés, s'aidant l'un l'autre de la main sous les chutes d'eau, tandis que dans le bruit de l'écume précipitée passaient les échos tordus des canonnades. Parvenus sans manger, le troisième jourr, au sommet des Contreforts Rouges ou Monts de la Géante, il contemplèrent les vastes plaines deBohême. Le vent passait sur leurs têtes. A mi-pente montaient les premiers vergers. Les quatre humains méconnaissables descendirent entre les arbres à la recherche d'un village. Ils pénétrèrent dans une maison déserte, remplie de vivres et de couvertures à l'usage des personnes de passage.

    C'était la coutume en Bohême, avant la guerre. Mais on les avait suivis de loin à la jumelle. Sans leur demander de rebrousser chemin, ni les tenir pour des espions, un garde-frontière en uniforme vint leur conseiller de poursuivre au sud-est, en évitant la capitale. Il apportait des vêtements, des chaussures et du savon. Quand ils se furent lavés et changés, le garde tendit le bras vers un sentier, leur souhaita bonne route et beau temps. Ils n'excédaient pas vingt kilomètres par jour. Le soleil à nouveau marqua midi. Ils retrouvèrent leurs identités en s'étirant dans une prairie cernée de haies. En même temps les vivres vinrent à manquer. « Cafetiers ou comédiens », dit Vasláv. « Tel est notre seul choix. » Passant la tête par un trou de haie, le blond Vasláv n'en crut pas ses yeux : une gande maison était là, délabrée, avec sur le devant une verrière brisée.

    Partout la mousse des murailles, et l'abandon. Gouttières rouillées, fenêtres pendantes, portes ballantes. A l'intérieur, plafonds moisis, sol pourris, murs détrempés. Tous manifestèrent une profonde satisfaction, et se répartirent les chambres les plus habitables : Vasláv dénicha au premier un confortable galetas. La gardienne verte monta l'escalier aussi vite que ses jambes le lui permettaient. Viéritsa voulut aussitôt exercer le métier de vendeuse à Krevenčo, « 6km ». Ce furent

    des projets, et la nuit tomba, sans eau ni électricité. A Krevenčo, Formán et Viéritsa se procurèrent des vivres et du travail. C'était une époque bénie. Un jour, en ouvrant les volets, Formán et la Gardienne s'aperçurent que les deux autres avaient disparu, choisissant de reprendre la route. Alors la Guerre franchit la frontière, un obus tomba sur la maison “Vritska”, et il n'y eut plus rien.

     

    F I N

    COLLIGNON HARDT VANDEKEEN LE SINGE VERT T. IV 44 – 36

     

    JE NE SENS QUE QUAND JE SENS L'ETERNITE DRIEU LA ROCHELLE "Gilles" "L'Apocalypse, V"

     

     

    Sonnez hautbois résonnez musettes, voici la dernière en date du féminisme triomphant, certains diront dernière connerie, moi infamie. Une femme peintre ayant fait poser seul à seule dans son atelier un modèle quelque peu échauffé, le vit bander. Ca fait très conte de fée, délicat et tout, on va dire s'épanouir pour ne pas effrayer les petites filles. Elle s'approcha toute surprise, oh là là dis donc, le prit à bras la bite (c'était doux et chaud) et lui fit shampooiner Charles le Chauve, entendez par-là qu'elle le branla dûment et correctement (Blanche-Neige croyait que Seven Up était une boisson avant d'avoir vu les sept nains, ouâââf !). "Il répandit son encens devant mes autels" (Mirabeau, carrément, porno clâsse) (c'est vrai y a de ça dans l'odeur) (un peu lessive aussi) ( cuvette!) et le sperme se répandit sur le bas-bide. Le modèle honteux et confus partit se torcher au-dessus du bidet le plus proche : "Ouah surtout tu dis rien à ma femme ouah putain je me sauve" (comme le lait sur le feu NDLR) sans demander son reste. La peintresse absolument ra-vie se confiant à sa meilleure amie eut la surprise extrême d'entendre dire d'un ton docte que c'était pas bien du tout, ah mais pas du tout, de la part de l'homme pour changer, qui s'était comporté comme un gros porc égoïste, qui devait revenir s'excuser, parce qu "on ne se conduit pas comme ça avec une femme", afin de proposer un "dédommagement", et qu'il "ne devrait pas recommencer avec une autre femme". Et le plaisir de la voyeuse, connasse, et la fantaisie, et la poésie, et le primesaut ? Ce serait à se tordre ta réaction si ce n'était pas si infect. L'initiative est venue de la femme. Qui a pris du plaisir a voir et à toucher. L'impulsion est venue des deux à la fois. Mais le désir féminin n'est-ce pas est tellement beau, tellement pur en soi, tellement amoureux, qu'il doit à tout prix être glorifié, encensé, tandis que le désir masculin, pouah beurk, quelle dégoûtation ma chère, un homme qui se branle mais c'est à vomir, voilà où on en est, retour au XIXe s.

    Comme disaient des Américaines (faut pas demander) à Sollers qui vantait l'érotisme dentellier de Fragonard ("L'Escarpolette") "Vous n'avez pas honte you french pig de promouvoir ces acceessoires qui font de la femme un objet" - "ce n'aura pas été la première fois dit Philippe qu'un instrument de libération se transforme en moyen d'oppression"... Une récente émission a fait part de la répugnance des femmes à la fellation et à la sodomisation, mais je vous prie Mesdames, allez donc au fond de votre pensée, c'est en fait toute pénétration qui vous indispose, qui vous répugne. Les préliminaires, et rien que les préliminaires, à en écouter certaines on a l'impression que le partenaire masculin idéal, ce serait tout simplement... une femme. Heureusement qu'il y a les putes et les vedettes du porno, parce que sinon mes pauvres vieux, on serait bon pour la veuve poignet à tour de crampes. D'ailleurs ce ne serait pas si mal, d'un côté les putes et les films, de l'autre les femmes entre elles, quand je vois mes pauvres vierges de première et que je pense aux abrutis qu'elles vont devoir se mettre sur la fente, et qui vont les esquinter et les dégoûter - c'est à ça que je me vante de repérer les pucelles, à l'étincelle qu'elles ont encore dans les yeux - j'ai envie de leur dire "Mettez-vous entre vous surtout, jute entre vous, fuyez cette race de gorilles dégénérés qui de toute façon n'auront ni votre degré d'études ni vos raffinements."

    Tant qu'on ne me l'aura pas interdit par la loi, et pour le peu de temps qu'il me reste encore à écrire librement, je maintiendrai que la répugnance je dirais instinctive des femmes pour le contact de la bite de l'homme (ça se comprend) est cause directe de toute prostitution (certaines voudraient l'interdire - ça aussi : criminelle inconscience !), de l'homosexualité masculine, de la pédophilie, du viol. Le mâle moche, sans séduction, con et flemmard, ne réussira jamais à intéresser une femme quelle qu'elle soit - vous savez bien ! ces êtres éthérés qui vous balaient d'un coup d'éventail, qui vous draguent à deux dans les boîtes et dès que vous commencez à vous enhardir vous jettent "y s'croit où ce connard, tu t'es regardé va chier" - bref une Phâme, adorable et fragile comme chacun sait.

    Il faudrait baiser seulement quand elles veulent, où elles veulent et dans la position qu'elles veulent, sans oublier de demander toutes les trente secondes comme un TGV qui se signale "Tu es sûr que je veux continuer ?" puisqu'un type en Angleterre s'est fait condamner pour ne pas avoir obtempéré sur-le-champ au commandement "Stop" au milieu du coït - notez que dans le même genre des juges italiens ont débouté une femme violée sous prétexte qu'en jeans elle n'avait pu être que consentante, parce que c'est trop difficile à enlever de force, un jean...

    Le viol c'est un crime. Mais on en a marre les filles. Marre des leçons de morale, que vous appelez "discours amoureux". Il faut toujours subir la morale, la morale, la morale, la morale avant, la morale pendant, la morale après : "Vous êtes vraiment tous les mêmes, des vrais chiens" - et toi, tu ne voulais pas peut-être ? Toujours ce salaud d'homme qui vous a forcé la main ? non, pas la main, chez vous ça se déclenche tout seul... Vous voulez à la fois la considération de l'homme et le respect de la femme. Une abrutie que je connus s'indignait qu'un jour, seule dans la rue et trimballant de lourds paquets, aucun homme ne se soit proporé pour l'aider. Mais il fallait voir l'allure de la gonzesse, le tête en arrière et tout, demandant à deux huissiers sous je ne sais quel porche de venir l'aider - l'un des bonshommes a dit à l'autre, sans se bouger : "Tu vois c'est ça, le féminisme" - eh oui ma vieille, t'avais beau t'étrangler d'indignation en racontant ta petite anecdote de merde, nous les mecs, jamais, en tant qu'hommes, jamais il ne nous serait venu à l'idée de demander quoi que ce soit à qui que ce soit comme ça dans la rue pour se faire aider, parce que nous autres, hommes, nous avons appris à nous démerder tous seuls, et mêpme si tu ajoutais hargneuse à nos dénégations : "Mais enfin ils étaient là à ne rien foutre" - non, ce n'était pas une raison, jamais un homme en bonne santé ne demandera à qui que ce soit de l' "aider". Navré. Je me serai toujour bien marré, tiens, à écouter ça...

    De même dans "La Vie est un songe" de Calderon, un personnage, Rosaura, est une femme travestie. "A quoi reconnaît-on que c'est une femme?" demandais-je à mes bacheliers - réponse : "A ce qu'elle est toujours en train de demander de l'aide" - c'est vrai : les femmes, c'est toujours plus ou moins "Madame Fais-Moi-Ci-Fais-Moi-Ca", sur la table par exemple dès qu'un objet est éloigné d'elles de mettons dix centimètres de trop, c'est à l'homme de le faire passer pour leur éviter de soulever leur précieux cul. Sur quoi on me rétorquera que les hommes se font servir aussi, laver les chaussettes et faire les bagages - eh oui, le Singe Vert donne dans le "Bonnes Soirées" en ce moment, voire le "Journal de Mickey " rubrique "Les garçons et les filles". Combien de femmes méprisent-elles encore leur mari, estimant qu'il est bien assez payé par la qualité de leur cul ? C'est pour ça qu'il est mal vu, le Singe Vert :parce qu'il n'emboîte pas le pas derrière le prêt-à-penser féministe ou autres, parce qu'il n'encense pas par exemple les exploseurs de bébés qui s'intitulent "héros de la cause palestinienne"- eh tu changes de sujet là, brusquement. Attends j'envoie la soudure : pourquoi est-ce qu'ils ne commettent pas des viols de juives collectifs, les Palestiniens ? ça les souillerait peut-être, comme des nazis '"Rassenschande"). Comme ça on pourrait exposer leurs portraits dans les classes de petites filles, à côté de ceux qui se contentent de faire sauter des civils. Et les morpionnes admireraient ces nouveaux héros, en faisant le V de la victoire... On a déjà utilisé le viol collectif en Bosnie, contre des musulmanes d'ailleurs, pourquoi pas sur le front de mer de Tel-Aviv ? Quitte à descendre, autant descendre jusqu'au bout. Alors évidemment ça fait tache, ce que je dis. Des femmes vont se dire que je défends le viol. Non pas du tout, je hais le viol et les violeurs, qui déshonorent la masculinité, qui la réduisent à la bestialité, qu'ils en prennent le maximum, je n'irai pas les plaindre, QUOIQUE... S'il n'y avait pas eu les putes, dans mon jeune temps, comment est-ce que j'aurais fini ? La fois où j'ai fait semblant d'étrangler une fille peu collaboratrice, pendant que mon copain s'envoyait en l'air dans la pièce d'à côté ? Et celle où je me suis promené dans un bal de Dordogne en exhibant mon gros schlass à cran d'arrêt ? on nous a virés. Peut-être que je me serais retrouvé en taule, puisque tout ce que les filles savaient dire à mon sujet c'était "Oh çui-là alors qu'il est con" ?

    ...Ou encore, dans le noir, sur un ton super-méprisant : "Tu ne serais pas le fils Untel, toi ? Parce que tu fais exactement les mêmes blagues que ton père !" - ça sert à quoi d'humilier les gens comme ça ? et dans le noir, courageux ! quand on s'est retrouvés sous les premiers réverbères de St-Front-de-Pradoux, vous croyez que j'ai su qui c'était, mon insulteuse ? Courageuse et tout... Encore maintenant trente-neuf ans après je rumine les réponses que j'aurais pu faire, j'avais médité de rebrousser chemin, mais pour me retrouver tout seul... rentrer chez moi... J'ai tout subi pour ne pas rester seul. C'est bien fait pour ma gueule. Maintenant je ne bande plus, ou mal, et je me fais reprocher de ne plus bander, c'est la nature, mais j'aimerais bien me réfugier comme d'hab dans le "c'est pas moi c'est les autres", et dire à toutes ces femmes ui ont autant manqué d'audace que moi : "Ca y est vous êtes contentes ? encore un de castré ?" C'est la mélancolie coco, "toutes celles qu'on n'a pas eues", "au-delà de cette limite" - tout de même 57 ans c'est tôt, c'est vrai ça Hugues Aufray qu' "à 70 ans, [tu n'as] pas encore baissé le rideau ?" Si tu l'as dit à Christine Bravo, c'est véridique non ? Je ne vous parle pas d'amour dans tout ça. Je suis tout de même parvenu à faire une petite scène dans la salle des profs, pitoyable en vérité, pathétique ! Il paraissait qu'Allègre, le ministre, pas le tueur en série, n'avait jamais digéré d'avoir dû redoubler sa cinquième - et Moâ, toujours prompt à Me substituer à quoi que ce soit, j'avais sorti qu'ent out cas je n'avais jamais dépassé non plus le traitement que "les filles" m'avaient fait subir entre 15 et 20 ans, gueulant que c'était une véritable honte, et que - horresco referens ! - chaque viol appris c'était désormais pour moi comme une revanche !

    Ah c'est du propre Singe Vert ! Y a du mou dans la brindille! eh bien mettez que je me décompose, on ne peut pas être excellent tout le temps, ni même moyen, vous jetez ça et on n'en parle plus ! Complaisant, parfaitement, complaisant, et "y a pas que toi" eh bien de quoi de plains-tu je suis ton porte-parole ou ton porte-coton... Je veux qu'on s'occupe de moi, je veux qu'on me parle, je veux un amour fusionnel, tout savoir de l'être aimé savoir ce qu'il fait et lui dire ce que je fais à tout moment de la journée, le truc horrible amibien suffocant et blême... Misogyne, moi ? allons donc ! Chiant comme tout et puéril, incapable de concevoir un couple où chacun serait libre, plus collant qu'une gonzesse, malheureux dès que la Femme ne regarde pas ma prouesse (verbale), immature, chialatif, sentimentale et tout, besoin de gros câlins ridicules avec son nounours, besoin de mots d'amour mais seulement quand je veux, moi j'aurais le droit de dire des vacheries mais pas la femme sinon je hurle à la victime, et je fais caca dans les draps. C'est l'histoire d'un petit garçon pas propre à qui sa mère dit (merdy) : "Si tu n'arrêtes pas de souiller la literie, ton papa ne va pas être content !" Total je suis devenu propre, mais pour faire plaisir à papa ! défense de se faire dorloter par sa Manman au-delà de quatre ans ! On ne chie plus au lit on devient grand ! Mais alors l'Edipe hein, oui je fais la faute exprès comme ça vous prononcerez correctement bande de nazes, l'Edipe disais-je, il n'a jamais été résolu ! Défense d'attirer l'attention de Maman, c'est du papa qu'il faut avoir pitié ! - Ca n'intéresse pesonne. - Pas moins que les plaquettes de poésie, ta gueule. Tout ils me disent ça : "Qu'est-ce qui te prends de continuer tout seul ta guerre des tranchées c'est fini 14/18" ben alors si tout le monde il est beau tout le monde il est gentil comment est-ce que je vais continuer à me plaindre moi ? - Il y a des Viet-Namiens qui meurent de faim - Pourquoi tu as fait quelque chose toit pour les... - Non rien mais un peu de pudeur... - Rien du tout ? - Rien, mais... - Ta gueueueueueule ! Le Viet-Namien c'est moi ! Méchant moi ? Lâche oui, et le disant en même temps, tous les défauts mais les dénonçant avant que les autres ne le fassent, donc adoléchiant, parfaitement, inintéressant et le disant, donc inutile, enfant gâté mais ils souffrent aussi les enfants gâtés qu'est-ce que vous croyez, mais oui on t'aime putain la glu sans e bande d'ignare orthographiques bien sûr que je suis banal mais si on n'avait jamais demauvaise foi on ne pourrait jamais gueuler, c'est comem ma psy (Monsieur a unE psy) qui me répète que l'homme Occidental vraiment n'a pas à se plaindre et vient l'encombrer de ses petites misères de cul mais chère Psy (j'ai envie de faire psy-psy) vous ne remonterez jamais le moralà un malade en lui montrant un mort ! Le mec qui souffre d'un complexe il SE FOUT des gens qui meurent de faim et de froid ! de la petite vieille de Vladivostok! de l'ouvrier cairote ! du condamné à mort de l'Alabama !

    encore que celui-là, justement, mais on nepeut pas se mobiliser pour tout ! Les gensses bien intentionnés vous disent qu'il faut s'aimer d'abord pour aimer les autres, eh bien je me soigne et je pleurniche un bon coup et je retourne au turbin : faire aimer la culture et la littérature à des fils de bourges du Bassin (d'Arcachon, je dis ça pour les ploucs du Nord-Est) chacun son boulot "Il n'y a pas de sot métier il n'y a que de petits salaires" et justement un garçon de 16 ans m'a dit vendredi une phrase qui commençait par "Ce qu'il y a de passionnant en littérature..." - eh bien vous voyez que je ne perds pas toutes mes journées!

    On se disait bien aussi que je n'étais pas si méchant, juste grimacier ; que je ne détestais pas tant que ça les ceusses qui n'avaient pas fait d'études, puisqu'ils me parlent, en sachant bien que je ne prends pas mes haines au sérieux - qu'est-ce que ça peut me foutre de n'avoir pas même le talent et la haine du polémiste, je suis comme tout le monde l'ennui c'est que je ne supporte pas qu'on l'ignore mais ce que je ne supporte pas ce sont les Grands qui veulent me faire taire parce qu'ils font ce que je fais en tellement mieux. Mais si que j'aime les femmes et même de temps à autre un petit Julio Iglesias (tous les trois ans faut pas pousser) ou Julien Clerc (tous les trois mois) ou Benguigui sauf avec Johnny (on se gâte en vieillissant) (moi-ç-aussice) parfaitement banal mais regardez-moi, regardons-nous avant de disparaître dans la fosse (prononcez comme "brosse" et pas comme "grosse" tas d'ignares) où en étais-je ? Ah oui, les féministes sont des connes et des salopes mais il fallait qu'elles existassent, heureusement qu'il y en a eu et qu'il y en a encore, faut les éviter c'est tout. Et puis pour baiser c'est toute une histoire, on appelle ça le sentimentalisme, les mystères de l'amour, les larmes aux yeux qu'on en oublie de baiser, "Laisse-moi oui laisse-moi rien qu'une fois / Mettre mon bras dans la chèvre d'Esméraldaaaa" (les Frères Brothers que-je-vous-recommande) - bon j'arrête. De pieuvre. Et pendant que j'y pense - cette histoire des Bouddhas millénaires et non moins dynamités, quel rapport y a-t-il je vous prie de leur destruction au sort misérable des Afghanes ? Ne vous est-il jamais venu à l'idée que les femmes, ça se remplace, tandis que les monuments de l'histoire de l'humanité sont irremplaçables ? Pardonnez mon cynisme, je ne dis pas qu'il fallait qu'elles fussent plus longtemps opprimées, et l'on a bien fait de renverser les talibans, et plût au ciel qu'on l'eût fait plus tôt, mais établir un point commun, une commune mesure entre ces deux faits constitue un contresens aussi dépourvu de pertinence, aussi fondamentalement profond, que si l’on demandait le nombre de mètres de lait contenus dans une bouteille, ou le poids d’une température ! Toujours le syndrome de « La Locomotive et l’oiseau » - « je sauverais l’oiseau » : vraiment, camarade Boris? Fasse le hasard que jamais nous ne nous trouvions dans le cas de devoir sauver un enfant ou la Joconde. Bien sûr nous sauverions l’enfant. Mais avec la ferme et sauvage résolution de capturer, de couvrir de merde le salaud qui nous aurait acculés à un tel dilemme : car soyez assuré qu’après avoir détruit la Joconde, il aurait massacré l ’enfant.

    Ne pensez pas d’ailleurs que les femmes de Kaboul et de Kandahar soient sauvées ; n’oubliez pas l’horreur que c’est d’être une femme aujourd’hui même encore ne fût-ce qu’en Iran (essayez voir un peu d’aller toute seule Allah piscine...) - et ne fragmentez pas les lignes d’attaque : c’est sur tout les fronts à la fois que l’obscurantisme, d’islam ou de Christ, doit être combattu avec la plus grande férocité (à moins qu’on ne puisse défanatiser les foules ? on les a bien dénazifiées - quoique...) - mais de grâce, féministes distinguées, ne mettez pas sur lemême plan ce qui ne peut pas l’être, par nature, par logique, par mathématique - à noter cependant que les Occidentaux enfin à ce faux argument s’émurent, tant il est hélas vrai qu’on ne peut entraîner la conviction qu’à la suite de fausses raisons... Et puis faux départ : HOMMAGE (il y a homme dedans) - HOMMAGE aux héroïques femmes de l'Afghanistan, gloire à celle qui a cassé le crâne de son mec à coups de marteau parce qu'il la cognait et qui fut exécutée dans le stade sans jugement, honneur sans fin aux institutrices qui enseignaient les petites filles en cachette au péril de leur vie, mon coeur aux dévoilées, ma merde aux machos qui éructent "elles vont bientôt vouloir se balader à poil et quoi encore", vive les animatrices radio, les journalistes qui repoussent et pas du goulot, allez les femmes, allez les femmes (et ça sert à quoi que t'écrives ça? - Ta gueule.)

    COLLIGNON HARDT VANDEKEEN LE SINGE VERT T. IV 45 – 43

    L'ACACADEMIE FRANÇAISE

     

     

     

    4385. - Tout est mythologie. Ils ont remplacé les démons, les dieux et les saints par des idées, mais ils n'en sont pas quittes pour cela avec la force des images.

    DRIEU LA ROCHELLE

    Gilles - « L'Apocalypse »

     

    Messieurs,

     

    ...A l'heure bénie où Mike Jagger dit Papy Stones, après avoir longtemps roulé, bondi, pété sur toutes les scènes d'England ou d'ailleurs, flamboyant symbole de la contestècheune de l'establishment, accepte avec reconnaissance et gratitude l'anoblissement à lui conféré par Her Gracious Majesty – les Beatles ayant en des temps plus anciens reçu l'ordre de Dieu sait quelle Jarretière ou Bain de la même Queen pour « services rendus à l'Etat », ce qui provoqua illico une vague de renvois – de décorations, je m'empresse de le préciser, de la part de maints valeureux guerriers qui l'avaient méritée, eux, cette décoration, sur les champs de bataille ; sans oublier que Sheïla et autres valeureux défenseurs de la littérature française ont accepté la Légion d'honneur - et là je me bats les flancs pour d'autres exemples, qui, eussè-je mes entrées dans le monde, seraient je n'en doute pas légion, bref : toute honte bue, et piétinant allègre ment (pas encore décoré, ce gnouf ?) la grammaire et l'élégance, par la présente, le Singe Vert a l'insigne honneur de présenter sa candidature à l'Académie française.

    Nous avons tous en tête bien sûr ce raffiné quatraib, à l'adresse de La Bruyère :

    Quand parmi nous Alcide se présente,

    Pourquoi sur lui crier haro ?

    Pour compléter le nombre de Quarante,

    Ne faut-il pas un zéro ?

    ...ou à peu près. Eh bien, le Singe Vert, pour sa part, déjà revêtu par sa coukeur naturelle de l'habit adéquat, adé-com-quat comme on dit au Viêt-nam, n'a pas d'autre prétention, ô inclyte Académie, que de briguer le rôle de bouffon. L'Académie a besoin d'un bouffon, contrairement aux calomnies qui prétendent cet emploi largement représenté en vos rangs... Non pas un bouffon métaphorique, ou allégorique, mais d'un véritable bouffon bouffonnant, qui rote qui pète et que rien n'arrête comme sur la casquette (« Lège-Cap-Ferret, Souvenirs, Produits de Beauté, Crèmes Solaires »). Vous serez abreuvés grâce à lui de jeux de mots tôt, de jeux de mots tard, de jeux de mots laids et de calembours bons – que voulez-vous que la bonne y fasse ? si la bonne ment, qu'alors y faire ! Le Singe Vert vous renommera l'Académie sans fraises, alors que les mauvais plaisants ne manqueraient pas de dire que ses membres, virils ou non, les sucrent déjà, horresco referens ! - ignoble vision, bien révélatrice de ces temps de décadence et d'Apocalypse que nous vivons, agaga... mais mnon ! Vous aurez tout loisir et licence de ricaner, voire d'éclater, à lire sur chacun de vos patronymes ces prodigieuses et pathétiques saillies sur chacun de vos délicieux patronymes, n'est-ce pas Messieurs Rémy-Fassol, François Revel, ô Drôme ! comme on dit à Valanche.

    Vous pourrez crier au sarcasme et à l'indignité : faut-il que tant de gérontes en conclave essuient les outrages d'un cadet de Lorraine alors que pleuvent de toute part les imputations de fascisme sénile – eh bien non ! Le Singe Vert révère l'Académie Française, sans arrière-pensée, quelque difficile que cela soit. Il fait partie, la brave bête, en dépit des ironies, de l'Association de Défense de la Langue Française ; il s'arc-boute contre la « simplification de l'orthographe », futel ortografic, alors que ses promoteurs s'indigneraient qu'on osât déplacer la moindre griffure sur un idéogramme cantonais. Gardez l'accent circonflexe de la flûte, alignez en revanche l'incompréhensible « je faisais » sur le « je ferais », et suggérez donc à votre nouvelle recrue, François Cheng (voire à Jamel de Bouse), d'orthographier enfin leur nom à la française : Tcheng (ou Djamel), afin que nul n'ignore que les caractères étrangers n'ont pas à se transcrire, de ce côté-ci du Tchannel, en fonction des diktats outre-manchots.

    Et par pitié, rendez-nous édipe, l'ésophage et jusqu'aux édèmes, car nos cuistres bientôt ne saurons plus s'il faut que Marianne – pauvre Musset ! - s'éprenne de « Seulio » ou « Queulio » - puisque Monsieur TEURZIEUFF lui-même (paix à son âme ! ) s'était entiché du hideux « Eûeûeûeûdipe »... Non, Messieurs les Académiciens, vous n'êtes pas une assemblée drôlatique de schnoques. Reprenons tout d'abord cette histoire de bouffon : je le suis, certes, et l'on pourra bien me reprocher de n'avoir composé œuvre qui vaille ; de n'être ni lu ni parcouru ni renommé. Qu'il me soit permis d'avouer, de plus, que je n'ai lu ni parcouru aucun ou presque de l'auguste assemblée des Quarante, excepté Bianchiotti, Carrère d'Encausses ou d'Ormesson.

    Enclin de plus à confondre Decaux et Decaunes, d'estimer bien surfaits les accords d'Eon, bien usurpés les Rois Maudit de feu Druon, bien compassés les édito du Tourd, sans compter l'immense Romilly, Serres et Troyat, Votre très humble et obéissant serviteur. Et je crois que c'est tout. A ce niveau les Immortels sont vaccinés, je pense, contre la vanité ! Pas moi. Vous savez bien, même du bout des lèvres, à quel point le « relationnel » sélectionne sans états d'âme quiconque n'apporte pas sa thune à l'Editeur, à son Mac – soyons clair. Pas d'argent, pas de Suisse – cooptation, publication – hors des salons, point de salut. C'en est au point que je je suis absolument convaincu de l'immense inutilité, voire de la nocivité, des éditeurs. Perdu dans le grouillement même des recalés du Comité de lecture (dont les membres ne peuvent se regarder dans les yeux sans rire), j'entends et prétends que désormais le Public se trouve assez mûr pour opérer son tri lui-même, sna qu'un malotru commercial (ce qu'est avant tout l'éditeur) vienne décréter du bout de son gros groin ce qui est littéraire et ce qui ne l'est pas.

    Ces plaintes désormais bien usées, autant que deux et deux font quatre, ont désormais convaincu « les meilleurs d'entre nous » que l'écrivain occidental est à présent aussi brimé que sous l'ère soviétique – à part, oui, bon, tout de même, qu'il ne risque ni bagne ni peloton d'exécution – un « détail de l'histoire » comme dit l''autre. Ce qui fait que ma foi, me grattant « la région anale » avec la modestie d'un Michel Leiris, je me dis que Mes dizaines de volumes de Mes Œuvres, pas plus mauvaises que d'autres largement réécrites, constituent un corpus non moins respectable que celui de maint académicien. C'est la tchatche qui m'aura manqué, la tchatche utile, des amitiés utiles, des coucheries utiles, une politique utile, et surtout une éééénorme dose de conformisme, surtout dans l'originalité (j'avais beaucoup aimé, dans l'aigreur ! ce commentaire d'un ancien normalien sur le jeune Julien Gracq : On voyait bien que c'était un original ; en effet il portait une cravate – ici un temps – blanche !) - ah ! la « cravate blanche » de Julien Gracq, on en rigole encore chez moi.

    Cela dit Julien Gracq est un maître, à la cheville duquel je ne prétends pas me hausser. Mais le conformisme épais du comportement, ça aide, tout de même. Par exemple, on est original comme un salonnard de bon ton qui fait glousser les dames, seulement, on ne s'exclame pas d'un coup « PUTAIN BORDEL CON je viens encore d'en lâcher un bien bruyant » - simple exemple. Pourtant, « putain », « boredl », « con », figurent dans le dctionnaire de l'Académie. Vous m'objecterez encore, chers non-confrères, que la tradition exige des visites. Certes, vous la représentez, cette Tradition, avec le grand thé Lipton – mais il y a des tradition, parole, à éliminer, comme l'absence de femme à l'Adadémie, ou la clitoridectomie ; Mitterrand avait condamné l'abandon des nouveaux-nés aux cochons en Papouasie – bel académicien, s'il eût survécu – pas le porc – et Simone de Beauvor l'usage du knout. Permettez-moi de rappeler non sans malice que M. d'Ormesson, recevant Marguerite Yourcenar, avait trouvé le moyen de faire voisiner les termes de façon exquise : « La règle veut que les femmes n'entrent pas à l'Académie Française ; mais les règles sont faites pour être violées » - la clâsse, mec, la clâsse. Ne pas fourcher de la langue, Monsieur le Secétaire Perpétuel, surtout sur le cas Yourcenar... Ce sont là des insolence grand style qui renvoient mes borboygmes génitaux de naguère à l'innocence de l'enfant de chœur. Mais parmi les coutumes qui me fonch, comme disent les djeunnz, il y a celle des contacts humains.

    Je vous l'ai déjà dji, comme on dji en banlieue, seuls ceux qui savent jpoindre la souplesse d'échine à l'élégance des manières en ce momnde ô combien bas parviennent à quelque chose. Pourquoi irais-je me ridiculiser, me salir à esquisser des contacts insincères, mon rêve étant de ne plus entretenir que des liens virtuels avec des entités virtuelles, puisqu'aussi bien les contacts dits « réels » sont fabriqués et tissés de part et d'autre dans un perpétuel malentendu ? Virtuel pour virtuel, autant l'être pour de bon. Et ne me parlez pas des femmes s'il vous plaît, il y a longtemps que je trouve celles des films infiniment plus réelles, sympathiques et splendides que les femmes réelles, dont Lacan je crois disait « La femme cherhe un maître pour le dominer » : ces jeux de cons, je n'en ai rien à foutre.

    Mais alors, pourquoi voulez-vous entrer à l'Académie Française ? Pour dominer sans avoir vendu. Sans m'être sali sur les étagères des libraires. Directement du cabinet aux bibliothèques. Tel Gustave Moreau, dont les toiles passèrent directement de l'atelier au musée, puisque le Musée Gustave Moreau n'est autre que son atelier. Quel besoin de passer sous les fourches Caudines du Pognon ? Est-il sain d'avoir mon Dieu les yeux incessamment fixé sur le fond de sa bourse ? On voit ce que ça donne pour l'édition. Peut-être, sûrement même, que si j'étais édité, convenablement, et bien vendu, je chanterais les louanges d'un système « qui n'a jamais abandonné personne sur le bord de la route », prenant la suite d'un Bernard Pivot, d'un Bernard Clavel qui osèrent affirmer (ce dernier devant moi) que «Jamais un talent n'est laissé de côté par l'ensemble des éditeurs » - permettez-moi d'en douter...

    Bernard Lavilliers, tenez – troisième Bernard – ne cessait de râler au chanteur persécuté, jusqu'à ce qu'il devienne, à juste titre, une référence de la chanson française – il est depuis evenu franchement hideux, une vraie pub à lesbiennes, mais ceci est une autre histoire. Mais c'est fou ce qu'il a mis d'eau dans son vin. Et je ne parle pas ici de ceux qui se sont fait plein de fric en jouant les

    contestataires. En tout cas, je n'ai aucune envie d'avoir un contact humain même de politesse. Je ne sais pas comment on parle aux « gens », moi. Juste comment on fait le guignol devant une classe, et encore, ces temps-ci ça me lasse, Guignol sent le sapin. Chez « les autres », je déconne, je lâche quelques phrases décousues, je réponds un peu pour faire plaisir, et je m'en vais à la fin en poussant un gros ouf. Les autres ne m'aiment pas : c'est logique. Pourquoi l'Académie m'aimerait-elle ? Je n'en sais rien. Vous voyez bien que par-dessus le marché je me montre incapable de conduire un raisonnement sans me casser la gueule. J'ai peur de l'échec, c'est la réalité. Mon cas, pas original du tout, se trouve dûmet répertorié dans la nosologie courante. « Si la pierre qui tombe, dit Spinoza, avait conscience de sa chute, elle se croirait libre ».

    C'est la seule phrase que je connaisse de Spinoza, je la ramène à tout bout de champ. Laissez-moi mes illusions. Moi je fonctionne comme une boîte à musique : ti-di-di-di, ti-di-di-di... Les autres aussi, allez leur dire, vous verrez comme ils seront fâchés. Il se vexent, et en plus, ils vous excluent. Je les emmerde, et réciproquement. Vous savez, moi, la logique... vous, la logique... Ce qui me plaît, c'est l'Institution des Immortels – d'un coup, comme ça... Directement au but. Dans la mère. On a tout de même plus de chance d'être immortel en faisant partie des Immortels, qu'en voulant courir sa chance avec les francs-tireurs, les Balzac, les Flaubert, les Baudelaire... Tandis qu'avec vous, c'est bingo illico, voir Jules Romains dans Les hommes de bonne volonté – il y a combien de francophones quécrivent, déjà ?

    Plusieurs millions je crois. Y a pas photo. Et ne comptez pas sur moi pour faire l'éloge de mon prédécesseur (j'ai tout prévu), je m'en contrefous, de mon prédécesseur. Un bref rappel, et puis ma pomme, tant de choses à dire. Par exemple, de conchier – avec vous ! - l'abandon de la langue française – tenez : je suis allé à Lisbonne (grande nouvelle !) - et j'ai entendu parler, comme de juste, portugais ; une langue magnifique, chantante, sensuelle, qui donne une impression de bouche pleine : extraordinaire. L'espagnol : vivace, tenace, pugnace. L'italien, alors là l'italien, Mamma mía ! - d'un bout à l'autre de la rue, la langue des princes, la langue reine, la reine du soleil, éclatante comme lui.

    Ces jours-là Dieu merci ni anglais ni allemand - et le français ? ...Le français, j'avais du mal à l'entendre. Une petite langue toute fluette, toute fine, toute distingués, avec des « ü », des « ss », des chuintantes, un tout petit flûtiau de bibliothèque, une minuscule brindille toute menue, toute fragile, même chez ceux qui proféraient des gauloiseries, un ton bas, discret, humble et mesuré, petit mécanisme frêle, aristo, distingué, poussiéreux – langue de petit marquis, belle, émouvante, en voie de disparition. Mais quelle répulsion quand j'ai etendu brailler une Française brailler en anglais au pied de la Giralda de Séville, pour obtenir ses billets, en faisant bien sonner sa maîtrise de la langue des marchands de gomme à mâcher ! (en français, chewing-gum). Putain ! quand je vais à Séville, c'est pour entendre de l'espagnol, des Andalous, des guitares derrière es persiennes – et non pas des connasses rougeaudes et niçoises éructer l'anglo-saxon comme on chie !

    N'écoutez pas, Messieurs les Académiciens, les railleurs qui daubent sur l'inutilité de votre institution ; les langues ne peuvent pas se traiter de la même façon. Nulle autre je vous le dis plus que le français n'a besoin d'une Académie pour veiller sur elle : c'est la plus intellectuelle, la plu fragile de toutes. On ne pisse pas sur les portes de la Basilique Saint-Marc. On ne maltraite pas la langue française, cet autre prestigieux monument. Et merde aux progressistes. Et remerde à ceux qui vont prétendre que le combat pour la « préservation » n'obéit qu'à des objectifs de prestige et d'économie – quand cela serait ! pourquoi serait-ce à moi, français, de nuire au prestige de mon pays, ou à ses intérêts commerciaux ?

    Pourquoi faire du français une langue d'oppression ? C''est ainsi que l'enseignement du français, jusqu'à la simple orthographe, se voit ravalée au rang d'auxiliaire de l'esclavage ! Académie égale vieux égale gâteux égale fachos. C'est nous qu'on dit comment qu'on parle et qu'on dit comment qu'y faut qu'on cause. Je leur ai dit un jour à mes élèves qui me hululaient dessus : « Ah ce serait de l'angliche, vous seriez tous à vous tordre la gueule pour attraper le bon son, la bave aux lèvres ; mais la bonne prononciation française, que dalle ! » C'est malheureux ça : tout un chacun veut avori son mot à dire sur le français, sous prétexte que c'est « l'usage » qui en régit le bon emploi.

    ...Mais qu'est-ce que « l'usage », ignoranti, ignoranta, ignorantum ? Cette notion n'a plus rien à voir désormais avec celle du Grand Siècle, et vous affublez de ce mot la moindre faute commise par un de ces grands-prêtres de l'idiot-visuel ; d'où les ignobles « nominés », qui ont la vie dure, et pis encore les gens qui vont « supporter » leur équipe au lieu de la soutenir, alors que ma foi oui c'est sa femme, ou sa belle-mère, ou les cons, qu'il faut bien suppporter... L'usage, moi je ne sais pas ce que c'est, mais ce n'est surtout pas monsieur Jean-Claude Narcy, qui se révèle incapable de distinguer à la prononciation « notre » et « nôtre », malgré sa récompense linguistique... Et ne croyez pas non plus ceux qui vont claironnant que « le français, c'est fini », sous prétexte que les langues sont des organismes qui naissent, vivent et meurent – et alors ? Ma grand-mère aussi, mais nous l'avons soignée jusqu'au bout, et nous y avons mis les moyens, pour qu'elle subsiste le plus longtemps possible. Ces criminels qui proposent d'abandonner la partie avant la fin seront les mêmes à se précipiter chez le toubib au moindre bobo, afin de prolonger leur précieuse carcasse, et je le fais aussi, mais je refuse de laisser à l'abandon le fait francophone, si pourri qu'il soit par la politicaillerie, parce qu'on n'achève pas un mourant qu'il ne l'ait demandé à maintes et intelligibles reprises, n'est-ce pas Messieurs de l'Académie ?

    Et encore. Je ne souffre pas de parler français. Ma patrie, c'est ma langue. Tant que je tiendrai debout je la défendrai. D'autres après moi j'espère. Surtout les Canadiens. Et les Noirs, parfaitement, s'exprimeront bientôt en français mieux que nous. La bataille sera perdue ? Mais je la livrerai jusqu'aux dernières minutes. Comme la chèvre de monsieur Seguin. Et l'anglais aussi crèvera un jour. Nom de Zeus. Et voilà pourquoi je vuos prierais bien instamment, bien humblement, Messieurs et Dames, de bien vouloir mettre aux voix la candidature du Singe Vert.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    COLLIGNON HARDT VANDEKEEN LE SINGE VERT T. IV 46 – 50

    DES FILMS X

     

     

     

    4386. Rien n’est plus neuf et rafraîchissant, intellectuellement, poétiquement, que ce concept de la “ lontanité ” d’un artiste, de sa lontanezza, après qu’on nous a tant bassinés avec la prétendue contemporanéité de Shakespeare, de Molière (...) RENAUD CAMUS “ La Campagne de France ” Journal 1994Nantes, hôtel de France, samedi 17 décembre, neuf heures du matin

     

     

    X

    DES FILMS X

     

     

    Ainsi donc, CHER Télérama, nous n'indiquons plus l'horaire des films porno ? Le programme s'arrête à 1 h 35, et c'est la ligne blanche ? il reste pourtant bien assez de place : "Les branleuses", "Les suceuses", non ? vous n'allez pas me faire croire ça, que le programme s'interrompt, sur Ciné-Cinéma 1, 2, 3 ? ...Vous pensez donc que le porno pervertit la jeunesse ? Pousse à l'acte ? Vous croyez vraiment que le porno pousse à l'acte ? Les tournantes dans les caves, c'est la faute au porno ? Il n'y a jamais de scènes de "tournantes" dans le cinéma porno : vous ne saviez pas cela ? "Ca fait longtemps que je n'en ai pas regardé" - ah bon, je me disais aussi - quoi ? vous n'avez jamais regardé... menteur ! - vous avez oublié ?____Et puis les couples aussi, du Cantal ou d'ailleurs, trop heureux de se stimuler du fond de leur petite pantoufle lassante. Et puis les pas beaux, les plutôt cons, qui n'y arrivent pas, que les gonzesses envoient chier au nom de la morale Marie-Claire - mais tel prof de philosophie de mes amis n'a-t-il pas dit que "ceux-là, ils n'ont qu'à ne pas exister" c'est beau l'amitié, ça résiste à tout - morale de magazine féminin très en vogue parmi les Chiennes de Garde - lu dans un magazine à l'usage des futures connasses encore jeunes "quoi ? il n'y a pas que les garçons qui se masturbent ? ah ben ça alors !" - ta gueule, enlève ton doigt. ______Bref ! Le désir féminin, une fois de plus ! est chou comme tout, attendrissant, le désir de l'homme n'est que d'une bitte à pattes vulgaire à remettre à sa place ah mais, nous ne voulons baiser que quand nous voulons, pas vous, c'est nous toutes seules qu'on désire. Nous pataugeons en plein ridicule, en plein odieux, voulez-vous que je vous dise ? ...en plein pathétique. Du coup nous nous sentons tous, nous les mecs, abandonnés, désespérés - "mais qu'est-ce qu'elles ont toutes ? on est pestiférés ou quoi ?" - il ne nous reste plus que les putes, ou le porno. __

    Quant à celles qui prennent des airs affolés de petites filles qu'on abuse parce que dans le film, elles devront en tant qu'actrices ôter leur sous-tif et pratiquer une fellation, ah ce que je peux les plaindre, c'est fou... Tartufe est une femme, ça je vous en fous la main au feu. Voilà tous ceux que ça va gêner, Monsieur, sans compter les petits vieux à qui vous ôtez leurs derniers plaisirs, Monsieur... j'ai oublié votre nom... Nous vous appellerons Monsieur X... __ ...Vous gênerez tous ceux qui n'en ont plus rien à foutre, de passer la batterie de tests que leur feraient subir les femmes, parfois lassées de leurs masturbations effrénées (sans avoir besoin de films, elles... Oh mon Dieu que la Vvvvertu des femmes m'émeut...) - voilà ceux que vous allez gêner. Ca en fait tout de même un paquet. Mon petit fils va avoir treize ans. Qu'est-ce que je lui dis des filles ? Rien, cela vaudra mieux. De toutes façons, il a reçu l'hormone mâle de naissance, il les trouve "gentilles". Vous voyez bien qu'il y a des jeunes gens normaux. __Alors parlons d'enfants, justement. Que jacte le Père La Morale ? Queue - pardon que - si un enfant risque de voir un porno - ils en auraient presque tous vu - eh bien ! (mouvement de menton) "peu importent les désabonnements massifs de Ciné-Cinéma 1, 2 ou 3, je préfère ôter ce risque d'au-dessus de leurs têtes." Mais mon pauvre Monsieur. Vous les avez vus les enfants. Vous les avez bien entendus. Bon d'accord, il y a le petit mot frais et joyeux d'une fillette de sixième criant dans le couloir "Va te faire enculer par une autre fille, mais t'es plus ma copine". __ Mais franchement. Vous croyez que ce sont les films porno qui les ont mis "au courant", les enfants ? "C'est toute l'époque" - laissez donc l'époque tranquille. Elle est "permissive" ? ...pas tant que ça. Elles l'ont toutes été, permissives, pour les petits malins, les "débrouillards", ceux qui se trouvent des femmes comme ils veulent, et jamais assez pour la grande majorité de couillons qui butent sur l'obstacle de la Femme fermée à double tour sur sa branlette.

    Retenez bien ceci : c'est toujours aux enfants que les censeurs de tout poil (j'ai dit poil ! j'ai dit poil !) ont fait référence pour justifier leurs sales castrages. Mais il me semble que dans les familles normales (les autres trouvent toujours le moyen de bousiller leurs enfants) les chers ubins sont surveillés, non ? sans être brimés ! ou alors, ils ne trouvent pas la chose si désastreuse que ça ! "Le porno est déséquilibrant dans la mesure où il ne montre que des filles qui disent oui" : mais espèces de nazes, c'est le scénario !

    Et puis c'est un conte de fées ! ça change du monde réel, où les filles disent toujours non, vous poussant carrément dans les bras des putes ! Allez ! ce n'est pas tout ça ! Nous allons durcir nos sexes pardon nos textes : les enfants ! qu'il faut protéger ! auront au moins autant de chances de surprendre leurs parents en train de jouer la bête à deux dos ! hein ! (c'est du Rabelais). UNE SEULE SOLUTION : EMPECHER LES PARENTS DE BAISER. Dès fois qu'ils engendreraient un censeur ; des fois qu'ils auraient mal fermé la porte ; oublié de blaxonner leurs murs ("d'insonoriser", pour ceux qui ne sont pas carrossiers ; à propos : "Ma grand-mère admirait les rossignols du caroubier". Elle est vieille mais je l'adore. La grand-mère bien sûr, mais aussi la contrepèterie...) ______________ Et pis faudrait aussi empêcher les salauds de chien de sauter sur les salopes de chiennes (il était une fois un clébard, charentais, qu'on avait enfermé toute la journée dans une pièce obscure , et qui hurlait, qui hurlait - salauds de paysans. Vous comprenez, y o des infints qui pourraient vouâr çâ - paysans, salauds) - et les coqs - qu'est-ce qu'il fait le coq ? - Il cherche les poux sur la tête de la poule je pensais qu'il en trouvait beaucoup, des poux, et souvent - c'est bien cela, Monsieur XXL ?

    C'est à cette belle époque si romantique que vous voulez revenir, où les filles (et les garçons à l'occasion) croyaient que les enfants se faisaient par le nombril ? Vous voulez aussi interdire la prostitution, si si ! ne niez pas ! en coffrant les prostituées, en les mettant à l'amende pour qu'elles soient obligées de se prostituer pour la payer - vous êtes fous - en tabassant leurs clients, comme aux Etats-Unis ? Mais on va où là ? "Je ne veux pas que mon fils apprenne les choses de l'amour comme ça " - mais s'il est moche, votre fils ? ou con ? ou pauvre ? ou bloqué ? il va faire quoi votre fils ? des tentatives de viol ?__ "Les hommes ont plus de besoin que les femmes" "ben voyons", rétorque la Chienne Alonso, ben désolé, "ben voyons" n'a jamais été un argument, non plus que "allons donc" ou "à d'autres". Ou "pssschchttt". Ça ne démontre rien, "allons donc". Il va falloir trouver autre chose. Allez, soyons bon singe, admettons (ce qui reste à démontrer) que les femmes aient autant de désir que les hommes (si c'était vrai, ça se saurait) (ce n'est pas un argument, OK). __ Mais il se trouve que les femmes, mon Dieu comme c'est étrange, réagissent tout à fait différemment des hommes. Elles se masturbent, seules ou entre elles. Leur terreur des mecs entretenue par les journaux télévisés (viols à la une en série) et relayée par les mouvements de je ne sais quelle libération féminine dont vous n'êtes qu'une pâle continuatrice la terreur dis-je les écartant avec répugnance des hommes qui ne leur garantissent pas la sécurité, le trois-pièces-cuisine le gosse le chien la paye à la fin du mois et la demi-pension du mari pendant les vingt années de veuvage.

    Et comme les gonzes, contrairement aux femmes (après tous, je ne blâme ni les uns ni les autres !) éprouvent la faiblesse psychique de ne pas tellement apprécier la consolation entre hommes (ça change, les femmes sont bien contentes, enfin des hommes (les pédés) qui ne nous embêtent pas) (pour les femmes ? pas de problème ; on est libérées ou on ne l'est pas) et que la branlette les déprime (les femmes, ça les requinque) eh bien ils auraient envie, les hommes, d'une femme à peu près, je dis bien à peu près, parce qu'il y a des aigries et ça se comprend, qui leur reviendrait finalement bien moins cher qu'une légitime, car commem le dit Jacques Brel (vive lui ) (vous n'auriez pas voulu le châtrer non plus, celui-là ?) les putains, les vraies, c'est celles qui font payer pas avant, mais après.) __ Et je ne pense pas que ce soit en faisant de l'homme une créature sexuellement aussi molle et timide que la femme ("Pourquoi les femmes aiment-elles les hommes insignifiants ? ...parce qu'ils leur ressemblent", ouâh excellent [oui bon enfion euh "enfin" putain de machine] ) que nous contribuerons au sans rire "progrès moral". Je pense au contraire que l'homme ayant durant des siècles confisqué à son profit les comportements de liberté, c'est à la femme d'accéder à ces altitudes non pas masculines mais universelles.

    Et s'il doit y avoir des prostitués hommes pour femmes, tant mieux, bordel. A condition que ce ne soient pas une fois de plus les hommes qui otrouducupent le terrain. Au passage, je suis contre la réouverture des maisons closes. Au nom des timides, justement, qui n'oseront plus en franchir les portes. Tandis qu'au hasard de la rue, c'est ni vu ni connu. Du courage, plus qu'une page. Reprenons : le porno, c'est un espace de rêve et de liberté. Le porno est un conte de fées confer supra. Il est faux de dire (comme on voit bien que vous n'en avez jamais vu, Monsieur X ! ...vous aussi sans doute vous faites partie de ces 95% d'hommes qui ont pris un verre au bar mais qui ne sont jamais "monté" à l'étage ? quel commerce florissant pourtant !) (sans compter ceux qui prétendent "n'avoir jamais pu regarder un porno jusqu'au bout" - j'ai une explication toute simple...) que "la femme est placée dans la situation de ne pouvoir jamais refuser" - j'espère bien ! __ Si c'est pour revoir les mêmes situations que dans la vie, autant revoir "La Leçon de piano" ou "Meurtres dans un jardin anglais", chefs-d'oeuvre certes mais sexuellement obscènes, puisqu'on y voit des deux côtés une baise par contrat, par petits morceaux (avec dans le second la femme qui dégueule le sperme dans un baquet ah ! salauds d'hommes, ah ! salauds d'hommes), ou tout autre film moyen d'ailleurs où l'on peut voir baiser au quart de tour amour toujours et la pucelle qui jouit au premier coup en deux minutes trois secondes mais où avez-vous vu cela ? on n'y croit pas.

    Dans les films porno on voit la chose, il y a une preuve. Quelle que soit la nullité des scènes à Rio (bonjour Bébel) (tu vois, tes vannes à la con, ça nuit à tes démonstrations - Ta gueule) - des tas de femmes de décision, qui font les premiers pas, PDG, chercheuses, fonceuses, qui traquent les hommes, qui n'ont pas froid aux yeux ni ailleurs, qui ligotent les mecs, qui se font doigter, lécher (d'ailleurs les mecs lèchent soigneusement à côté - entre femmes c'est génial parce qu'elles le font pour de bon et bien méticuleux avec des roulements de clite au ralenti sur la langue et là dites, Monsieur le Censeur, quelle est la femme qui "humilie" l'autre ? toutes les deux parce qu'elles obéissent au metteur en scène mais ça ne va pas ? vous croyez qu'elles ont attendu l'apparition des metteurs en scène pour inventer le cunnilingus ? ...

    Et les hommes, ils n'y obéissent pas non plus au metteur en scène ? vous faites semblant de confondre la situation dans le scénario et la situation sur le plateau ! Mais encore une fois tout le monde st volontaire ! Et je ne vois pas pourquoi le mec serait plus macho ou plus autoritaire ou moins souillés si vous y tenez vraiment que les femmes ! Moi je dis qu'il faut être héroïques pour baiser devant les caméras ! Plus pour les mecs justement, non seulement parce qu'il est plus facile "d'avoir la bouche ouverte que le bras tendu" merci Monsieur Guitry, mais parce qu'avec trois tubes de vaseline une femme volontaire je répète y arrivera toujours matériellement !

    Souvenez-vous de ce proverbe de Patrick Sébastien :

    "Un peu de patience et beaucoup de saindoux

    "Et l'éléphant encule le pou" - bref, pas moyen d'être sérieux un instant.

    Mais, savez-vous comment on se retrouve acteur ou -trice de porno ? Eh bien parce que les fistons, cousines, beaux-frères et copains de copines encombrent tellement tout le terrain qu'il n'y a plus de place pour les acteurs qui crèvent la dalle. C'est un peu pour cela aussi qu'il y a du porno. Alors qu'on arrête de crier au charron, qu'on surveille ses gosses et qu'on nous foute la paix avec cette censure à la con. Merci.

    COLLIGNON HARDT VANDEKEEN LE SINGE VERT T. IV 47 – 56

    Z-ZAMAN – LE TEMPS

     

    4495. Je trouve qu’il n’y a pas beaucoup de choses plus agréables à voir qu’une jolie femme en robe basse qui mange de bon appétit de belles viandes saignantes.
    
    	Valery LARBAUD 
    « Journal intime d’A.O.Barnabooth »
    	
    
    	Le temps. Z-Zaman. C'est ce qui me saute dessus dès que j'écoute certains morceaux de musique, tu vois, certaines chansons de ma jeunesse. de ce que je suis bien obligé d'appeler ma jeunesse. Saloperie. Tout l'air du temps est là, comme le tabac froid dans les mailles du pull. Tu ne peux pas l'enlever. C'est concentré. Plus même dans la musique, dans l'air justement, que dans les photos, parce qu'au moment même où tu m'as prise, tu savais que c'était de l'éphémère, du mortel, du funèbre. 
    	Les photos tu sais que ça va ternir, que ça va se craqueler, se délaver - les teintures vieillottes des films de 70 ! - virer sépia comme sur les médaillons de cimetières - mais la chanson ! mais la danse que tu dansais ! tu ne pouvais pas savoir, tu ne sentais rien venir forcément, parce que ton corps bougeait, tandis que pour la photo tu dois te prendre la pause, des deux côtés de l'objectif, tu dois te figer une seconde, comme quand tu te peaufine bien l'orgasme avant de lâcher ta purée de mort, y a pas photo. 
    	Quand tu danses, tu danses, ni plus ni moins que le vieux Michel Montaigne, et le vieux rythmos que tu récoutes, il te repénètre intact, pareil, tout vierge tout net, avec charriés dedans tout frais tout incorporés (le crapaud dans le goudron) toutes les parties de ton âme d'alors tous les espoirs les désespoirs toutes les salades  telles quelles pêle-mêle et tes amours et tout l'avenir que tu croyais t'avoir pauvre pomme avec toute l'énergie qui va avec et la connerie de ta jeunesse tiens comme l'insecte, quand il est pris dans l'ambre tout vivant tout frais.  
    	Je dis les amours mais même quand tu ne dansais pas quand tu ne faisais pas frotti-frotta parce qu'avec ta gueule les filles elles préféraient encore faire tapisserie c'est de vos mères que je parle pétasses, tu rageais tu pétais sur ton banc tout seul "Je me vengerais" tu disais "je me vengerais" maintenant que  te v'là tu t'es vengé de quoi pauvre con, qui c'est que t'as écrasé sauf toi, tu es devenu Vieux-Tendre, en plus on te félicité On c'est les autres, enfin d'autres autres parce que
    t'as déménagé maintes fois et qu'on t'a dit je ne sais combien de fois que non c'était pas bien, c'était pas beau, c'était vilain comme tout la rancune, que ce n'était pas en réglant ses comptes ni par désir de revanche qu'on devient grand écrivain ou quoi que ce soit, doux doux, fais ronron, allez crève. 
    	Et ce qui ne va pas non plus, ce qui est tout faux tout faux (c'est fou ce que les aûûûûtres te trouvent tout de suite ce qu'il ne faut pas que tu fasses trop tard tu l'as fait et c'est toi et tu les emmerdes)  c'est de t'imaginer, de laisser entendre et de proclamer que si tu fais le clown, si tu fais le zouave, c'est par opposition ah mais, tu le fais exprès si si, c'est pour bien montrer un jour, un jour vous verrez tous, vous tous qui vous foutez de ma gueule, que je vous vaux bien, que je vous surpasse, que j'obtiens les meilleurs résultats scolaires, Prix d'Excellence en sixième et  la croix d'honneur chez les bonnes soeurs, jusqu'au jour où tu te fais rétamer huit fois de suite à l'agrèg ça te fout la claque et t'es par terre et t'es cul nu t'es juste un pitre sans faire semblant guignol premier degré, "manque d'ordre et de logique, vision superficielle des perspectives littéraires" et toc, ce n'était donc pas calculé, ce n'était qu'en dépit de ta connerie que tu parvenais à ces EXcellents résultats de onze sur vingt - tu n'étais qu'un insecte voir plus haut qui palpait qui tapotait sur la paroi tes antennes et tes six pattes qui trépignaient contre ta vitre juste à côté de la fente que t'as pas vue qui t'aurais mené droit sur la flamme, t'aurais flambé t'aurais vécu.  
    	Tout écrivain écrit contre le temps ça se dit zaman en arabe zman en hébreu tu dirais des coups de faux se peut-il se peut-il que tous mes souvenirs meurent avec moi , je relis tous les jours mes vieux carnets jour après jour s'maine après s'maine depuis le premier janvier soixante qu'est-ce que je faisais tel jour aujourdhui y a huit ans, vingt ans, trente ans  et y a plus rien, plus rien d'essentiel dans toutes ces heures dans tous ces mois jamais jamais  je ne trouve de ces jours de ces instants "qui décident de la vie d'un homme", " à compter de cet instant tout a basculé" que dalle, "celui qui perd l'heure perd le jour perd le mois et l'année et la vie" et la tête alouette, si vous voulez savoir jour après jour la vie de Mahler, Gustav, vous lisez je ne sais plus quels épais volumes de je ne sais plus qui où tout tout est mentionné précisé épinglé maniaquement tout tout absolument transparent, le 20 juin 80 à huit heures et le 22 avril 1900 au soir tout vous dis-je sauf la vie intérieure sauf l'esprit sauf la pulpe. 
    	Pour connaître la vie de Mahler écoutez ses symphonies, plus encore les Kindertotenlieder ou les Chants du Compagnon Errant et rrran, au temps au temps pour moi qu'est-ce que j'ai fait moi,
    qu'est-ce que j'ai fait ? On dit en Chine entre lettrés qu'on a déjà vécu, en s'excusant par politesse (car c'est leur politesse) tant et tant d'années "si inutilement". Et l'on se congratule en inclinant la tête entre vieux mandarins, de la vraie Chine s'entend, celle d'antan ( cent ans).
    	Or justement Mahler (n'ayons pas honte) a si fort prodigué sa vie (dirigeant son orchestre ou son opéra tout au long de l'année, bouffé par ses obligations, allant jusqu'à auditionner les candidats chanteurs ou compositeurs ("Il a mieux réussi que les fois précédentes ! cher Maître, revoyez votre appréciation ! - Je n'ai jamais vu, assena-t-il un jour, un marronnier se mettre à produire des oranges"), cette vie, que l'illustre compositeur passait à des conneries tout comme un autre, j'en fais, moi, très inférieurement, mes choux gras, ma matière, passant très obscènement mon Temps à expliquer pourquoi j'ai agi, surtout non agi, de telle ou telle sorte, bref à me justifier ("c'est pas ça qu'il faut faire" - "ta gueule") au double sens de ce mot : sire d'une part pourquoi j'avais eu raison, ou tort, le mettre en scène et repasser sur chacun de mes actes et non-actes cette patine dont ils furent et demeurent singulièrement dépourvus (j'ai mis 18/20 à cette élève qui m'avait déclaré un jour  Monsieur on sent bien que vous avez eu une vie de con, et que vous montez en épingle  les
     moindres choses qui vous sont arrivées) .
    	Il s'agit d'autre part pour moi (deuxième sens du mot "justifier") de sauver, de racheter, de rédimer en tant que tels, de garantir, de certifier, d'estampiller comme un vétérinaire ("a vécu") chacun de mes instants, et moi-même comme la somme des consciences propres de tous ces instants. Alors que la vie est bien sûr autre chose que la somme de tous ses instants...
    	...De quoi auraient eu l'air les vies horriblement médiocres de Kafka, Hoffmann ou Maupassant, s'ils n'avaient su que magnifier, sublimer - ou décortiquer - leurs sublimes émois ! de scribouillards ! Car s'il est une chose qui me manque absolument, définitivement, irrévocablement, c'est bien l'imagination - j’espère bien d’ailleurs que ça me servira au moment de ma mort. A moins de consteller mes écrits de projections météoriques (c'est ainsi qu'on appelle les diarrhées qui giclent sur les cuvettes de chiottes, elles sont  littéralement constellées) - si je cesse en effet, comme me le conseillent toutes les bonnes âmes, d'écrire "bite" et "bordel de Dieu", je cesse d'être, à la lettre, je perds toute originalité, je rentre dans le rang, et je suis, horreur, accepté. 
    	Banal comme Flaubert. Comme Greene; Comme Genet. Couverts d'opprobre aux débuts. J'aurais des amis, des ennemis, aucune passion ne se lèvera plus dans mon sillage, il faudra que j'oeuvre dans le relatif, non plus dans l'absolu, mais dans le modeste... Dix ans, vingt ans, trente ans ! qu'elles me le promettent pourtant, l'avenir, le vrai, ces surnaturelles musiques dont je parlais plus haut, ces rocks super-sauvages, alors qu'elles étaient, sans que je m'en doutasse, et d'une façon traîtreusement dégueulasse, l'avenir et la  promesse de l'avenir à la fois, tromperie ! kolossale imposture ! pathétique morsure de queue, contamination sémantico-ontologique ! 
    	Car les écoutant, je me voyais, je me sentais de tout mon corps déjà pris dans cet avenir, où j'avais déjà triomphé de tout, ce qui me dispensait du moindre effort, d'envisager même la moindre forçure !  Assassins ! Assassins !  comme disent les djians ! Ah phûmiers, vous m'y avez fait croire ! Ah salopards d'Autres (car je dansais seul, les autres ne me laissaient pas  faire partie d'eux, jamais, jamais) - vous m'avez fait obstacle ! Comme ça, vous m'avez trahi ! (air connu) - et ce n'est pas à vous, paraît-il, que je dois m'en prendre, mais A MOI-MEME ! 
    	...Jamais ! Jamais ! puisque je ne le sens pas ! alors je gueule contre qui, moi ? le Temps ? dont le seul tort est de passer ? "c'est toi qui te construis ton avenir" tu veux mon poing sur la gueule Donneur de Leçons ? depuis que je le fais tu dois avoir la tronche comme un trou ! du cul ! parfaitement ! Tu veux que je te le dise, le Problème ? Il est le même que celui de toutes les minorités, et qui est plus minorité que moi, Individu ? Voilà, je parle à tous les Individus, moi aussi je fais mon petit prêchi-prêcha, ma petite Démo : le dilemme est celui du funambule, sur le fil du Moi.
    	...Tu bascules d'un côté dans le conformisme, de l'autre dans la folie. L'homme est un bouffon qui danse au-dessus d'un précipice, Pascal. Ca fait deux précipice, bouffon : l'acceptation résignée, l'assimilation - ou la révolte, la dinguerie. Et qu'est-ce qui nous empêche de tomber, dans cette nauséeuse oscillation ? C'est quoi le balancier ? la Dignité ? la Mémoire ? ...la Conscience? vous voyez bien que je ne peux pas m'empêcher de dire des gros mots ; l'hippocampe a-t-il une conscience ? une mémoire ? une peur de la mort, une peur de ne pas s'intégrer dans la communauté des hippocampes  à venir, après sa mort ?
    	 Bifurquons. MOI MA VIE, TOI TA VIE, c'est un mauvais film, ça c'est vrai putain qu'il est mauvais, qui est-ce qui m'a foutu ce rôle de figurant à la con, alors j'espère en la vie future, Cicéron dans  les Tusculanes pensait que le désir de gloire, de survie, prouvait l'immortalité de l'âme, qui devait bien par quelque partie survivante prendre conscience de son encensement après la mort, pauvre Cicéron ! qui a dit également que "rien de si absurde n'a pu exister qui n'ait été dit par  quelque philosophe,  nihil tam absurdum est quod non ab aliqui philosopho dici potuerit, bref l'humain animé de ce beau  souci (piétiné par les penseurs modernes, par la doxa contemporaine, traduction par la pensée de Monsieur Machin) - que doit-il faire ? 
    	Mettre de côté ses maladresses et crapahuter dans l'Universel du Lagarde et Michard, ou les accentuer au contraire ("Ce qu'on te reproche, cultive-le, c'est toi"), façon Cocteau ? jamais en retard d'une mode d'ailleurs... Parce que les élucubrations brut de décoffrage, mon ex éditeur en reçoit par paquets de dix, il ne répond même plus aux courriers tellement c'est NUL. Telle est la question : montrer sa misère, sa déchirure, et sa plaie, sans s'écarter du cadre, sans déborder hors du champ opératoire. Gesticuler, mais dans l'humain - le Singe est-il humain ? 
    	D'où ma rage. Car les révolutions viendront de l'animal, ou des étoiles : manipulations génétiques du fond de notre animal, ce que je souhaite de tout mon coeur - enfin, enfin dépasser la condition humaine ! ceux qui hululent contre les "apprentis sorciers" me font penser à ceux qui ne croyaient pas accoucher sans douleur, "parce que c'était contre nature"; quand tu seras immortel, pauvre con, tu seras bien content. Enfin moi oui : pouvoir décider quand je meurs... Ce pied !
    	De plus, maîtrise un jour des énergies inter-galactiques, transposable sur notre petit cosmos à nous. "Je meurs au moment précis où ça devient intéressant" (Ampère). Ma rage donc, notre rage, parce que je n'en peux plus de tant de sagesse, de résignation noble à la Yourcenar + Platon + Bossuet... Marre... Sans compter que ma rage s'éteint, par simple évolution physiologique, je me mets à présent à philosopher au lieu de hurler, et tout le monde autour de moi : "C'est bien ! tu deviens enfin insignifiant, confiant et résigné, comme nous, tu vois bien que tu n'es pas si méchant" - je hurle.
    	Trop humain. Trop fini. Trop mort. 
    	Trop de police. Je parle imprimerie. Car c'est ainsi qu'ils règnent, c'est ainsi qu'il faut régner. Par le langage policé des puissants, qu'il faut que les inférieurs imitent s'ils veulent se faire entendre. Clodos, exprimez-vous à l'imparfait du subjonctif. Peut-être serez-vous écoutés dans les hautes sphères, grammatically and politically correct. Pourtant Dieu sait combien je méprise ces couches de population (une partie de moi bien sûr, l'autre sait que j'ai tort, démerdez-vous). 
    	...Ces couches d'ignorance crasse... Je disais à ma psy ("tu disais à ta psy, il ou elle disait à sa psy") qu'un ouvrier, c'était quelqu'un "qui rote à table et qui crie Vive Le Pen". Indignée mais calme elle me rétorqua : "C'est ainsi que vous voyez l'ouvrier ?" Je répondis non moins calmement : "Oui." Récemment encore, déclarant à table que les plombiers m'ennuyaient, ainsi que leur conversation dès les trente premières secondes, je vis une collègue s'étrangler devant son assiette : son mari était plombier, et mes allégations la mettaient hors d'elle. 
    	Je lui souris, elle me sourit, à plusieurs reprises les jours qui suivirent, mais je ne saisis pas la perche de politesse, ne présentai aucune excuse ou atténuation : telle est mon opinion, je maintiendrai : un ouvrier qui pense, ça fait trente ouvrier qui rotent. Et je me soucie peu de ce que ces bipèdes à peine articulés pourront me sortir sur "les youtres et les bicots", merci, sans façons. Ces gens-là doivent être éliminés du mécanisme démocratique. Ne devraient pouvoir voter que des bacheliers. "La république des profs" me conviendrait parfaitement. 
    	Et si le peuple est si peu représenté à l'Assemblée, c'est que tout simplement, et dans le même esprit qui poussa les petites gens en 1789 à confier la rédaction de leurs Cahiers de Doléances aux nobles et aux bourgeois, parce qu'obscurément tout le monde sent bien qu'il faut pour gouverner  de bonnes bases éducatives, et qu'il n'existe pas de "culture bourgeoise" ; pour l'excellente raison encore que tout homme qui se cultive devient par le fait même un "bourgeois".
    	Notre brave ministre prétend qu'un mécanicien est aussi cultivé qu'un philosophe, pardon, pardon : sortez le mécanicien de sa mécanique, il ne saura pas aligner deux idées correctes ; le philosophe ne s'y connaîtra peut-être pas en mécanique, mais il saura discourir du monde entier ; et le peu de bon sens et de connaissances qu'aura très, très, très éventuellement le mécano, eh bien il les devra ou il le saura empruntés... à la culture dite "bourgeoise"... Quant à celui qui se sent opprimé, il ne lui reste, ou il ne lui revient à la bouche, s'il a quelque instruction, que le bas langage des perdants, car on peut être intello et perdant : il sera soit vulgaire ("faut-il vous l'envelopper ma p'tit' dam' ?") soit bouffon. 
    	Le bouffon, ou Singe Vert, ne saura défier l'autorité que par son impuissance, justement, à la singer correctement, et sans vouloir en fait le moins du monde la moindre parcelle de pouvoir, car il ne saurait qu'en faire, ni d'efficacité, car il ne croit plus en l'efficacité. A supposer que la Dérision accède au Dirigisme, elle n'engendrerait en effet que la folie, ou la terreur. C'est pourquoi le meilleur soutien du pouvoir est le fou, et sa marotte. Quant au clochard, au jacques, au Palestinien, il ne peut avoir d'autre rôle que de subir la répression : toujours les seigneurs ont massacré leurs croquants et botté le cul de leurs fous. 
    	Mais alors, Singe Vert aujourd'hui bien poli, bien sentencieux bien chiant, que deviennent ces imprécations, ces histoires de cul, qui sont à la grammaire et à la littérature ce que sont les bombes en territoires occupés, sinon des prétextes décoratifs ? Faudra-t-il que les rebelles et les mal embouchés déposent leurs explosifs et leurs insultes afin d'être entendus ? Faudra-t-il qu'ils deviennent bourgeois ? pour combattre les bourgeois ? On nage en plein Jean-Marc Sylvestre là, en plein Minc...  
    	...Mais c'est à se flinguer ! Mais je ne l'ai pas fait exprès ! Ne me louez pas de ma modération !  Les ans en sont la cause...  Donc pour me rattraper, et reconférer au Singe Vert cette "mauvaise image" que paraît-il on lui prête, voici quelques réflexions sur un sujet qui fâche : coincé nu dans ma chambre spartiate à l'Hôtel de Provence, il m'a bien semblé ouïr du fond d'une radio le mot "Israël". Aussitôt m'ont assailli une foule de mauvaises pensées (autrefois, je pensais que "mauvaises pensées" se rapportait au pagne couvrant sur la Croix les Parties du Christ ; mais on l'aurait bel et bien crucifié nu, puis l'on satisfit à la décence (de lit) des bigotes) - les mauvaises pensées sont en fait ce qui permet de soulever le voile et de voir le roi nu. 
    	...Israël a toujours suscité en moi l'admiration. Suspecte, je n'en disconviens pas. Mais suffisante pour me  faire suspecter, moi et ma revue, de "mauvaise presse". Israël représente pour moi, colonie ou pas, la démocratie, la discussion, la civilisation. En face je ne vois, je ne veux voir, qu'aveuglement et fanatisme, ce qui montre sans doute mon aveuglement. Je ne peux pas imaginer que des hommes - sont-ce encore des hommes ? - capables avant d'actionner une bombe de se représenter les dix-huit vierges, pas une de plus pas une de moins, qui l'attendent au Paradis d'Allah après son crime, soient dignes s'ils survivent de se voir accorder le moindre droit de vote. 
    	Des chiens barbares capables de transformer des mariages en boucheries ne sont pas dignes de mourir pour un Etat, pour quelque cause que ce soit, car leur geste dégrade et souille ipso facto toutes les causes. "Les forces du coeur sont souvent les facteurs qui en dernière instance emportent la décision, dans le bien comme dans le mal. Lorsqu'elles ne volent pas au secours de notre raison, celle-ci est le plus souvent impuissante." JUNG. 
    	Souhaitez que le cœur, le vrai, triomphe un jour de l'excès du coeur qui a nom fanatisme, de quelque bord qu'il soit, souhaitez-moi d'être moins con, je voulais juste parler du temps, de la reconnaissance de l'individu, de la mort et de l'immortalité, de la paix, de la gloire, de Dieu et de moi-même, et je crois bien, ma parole, que je me suis un peu laissé emporter. 

    COLLIGNON HARDT VANDEKEEN LE SINGE VERT T. IV 48 – 63

    HOMMAGE A PASCALE DE BOYSSON

     

     

     

    4496. Mais il y a en moi, comme en chacun de nous sans doute, un esprit de ténèbres, une force qui me fait craindre l'audace de ma pensée et qui me fait adopter, en guise de vérité, le premier mensonge qui se présente parmi la provision de mensonges en cours autour de nous. Et un jour j'ai vu cet Esprit de ténèbres, et c'était mon amour- propre.

    Valery LARBAUD

    Journal intime d'A.O.Barnabooth 3 mai 19**

     

    Dernièrement mourut Pascale de Boysson, qui fut sur scène comme à la ville la compagne de Laurent Terzieff. Ca n'a pas fait la une des journaux. Parce que les vrais, les grands comédiens, n'ont pas besoin de racolage. Ils travaillent, vivent et souffrent en silence, auréolés de la ferveur de leur art. Et si vous cherchez ici les laborieuses pitreries du Singe Vert, vous ne les trouverez pas : je n'ai voulu qu'apporter un petit témoignage de reconnaissance et de sympathie.

    L'admiration, c'est trop. C'est le théâtre qu'il faut admirer, ce sont ses serviteurs qu'il faut respecter, comme on respecte un luthier, un cavalier, dans l'exercice de sa profession. Ce mot est aussi qu'on y songe bien celui que l'on retrouve dans profession de foi. C'est une telle démarche à laquelle Terzieff s'est livré, après avoir subi la tentation des succès paraît-il faciles du cinéma, et d'autres tentations narcissiques : il a vu le diable dans son miroir, et il ne l'a pas trouvé laid.

    Puis il suivit le chemin d'austérité qu'on lui connaît. Nous ignorons tout de la façon dont certains se sont trouvés sur sa route, mais nul doute que le hasard n'y fut pour rien : ce n'est pas le simple hasard qui place sur le chemin des croyants ceux et celles qui un jour, sans qu'on y ait pris garde, partagent depuis des années votre existence. Mais nous avons toujours observé sur la scène, lorsque Laurent Terzieff descendait dans nos contrées, la présence de Pascale de Boysson, dans des rôles souvent ingrats.

    Nous voulons dire ces rôles qui exigent un abandon total de toute vanité, servante rabrouée du "Bonnet de fou", mère déplorable de "Temps-Contretemps", mère encore et catastrophique d'un soldat nazifié, qui nous donna à entendre lors de cet inoubliable récital de Brecht au château de Villandrault, les si difficiles et délicats accents d'une femme orpheline de son enfant - tombé du mauvais côté. Ce n'était pas pour se montrer que Pascale de Boysson montait sur

    les planches, pour faire admirer sa coiffure ou son rôle, de pin-up ou de garce, mais pour donner toute son âme, toute sa voix, qu'elle avait grave, voilée, infiniment nuancée, à des emplois dont nulle n'aurait voulu.

    Or il serait inexact de penser qu'elle soit restée dans l'ombre, voire d'affirmer comme je l'ai entendu dire qu'elle s'est montrée grande et pleinement femme dans la mesure où elle se serait "effacée" pour servir l'homme qu'elle aime (conception incomplète à mon sens de la grandeur féminine, dont Pascale de Boysson ne manqua pas : quiconque la voyait sentait émaner d'elle cette puissance équilibrée, ce rayonnement sourd et prenant, cette autorité même devant laquelle plient et baissent le tête les plus acharnés des démons intérieurs), car il semble dépourvu de pertinence d'évoquer l'ombre à propos de celle qui demeure pour nous, et pour Laurent Terzieff, l'incarnation d'une lumière.

    Jusqu'au dernier moment, atteinte, marquée, condamnée, Pascale de Boysson aura voulu monter sur scène, non par orgueil, mais parce que c'est ainsi : de même que le capitaine ne doit sous aucun prétexte abandonner son navire, de même un acteur ne peut pas disparaître ailleurs que sur le plateau. C'est comme ça. Ce n'est même pas une question de déontologie : c'est dans le contrat. Le contrat le plus astreignant qui soit, celui qu'on passe avec soi-même. Dès l'instant où l'on décide d'embrasser la carrière du théâtre. Sans qu'il soit même besoin de l'exprimer, oralement ou par écrit, voire d'en être pleinement conscient : l'un de ces réflexes constitutifs, dirons-nous, de la psychologie de l'acteur.

    Si j'avais pris le temps de réunir une documentation, j'aurais pu rendre un hommage bien plus précis, élargir l'éventail des masques incarnés par Pascale de Boysson. J'aurais précisé ce que son travail d'investigation, d'adaptation, et pour quelle pièce, a su apporter aux apparitions des interprètes, protagonistes et seconds rôles - mais y a-t-il des seconds rôles...

    En écrivant tout cela, malgré sa sincérité ou justement à cause d'elle, le Singe Vert se fait l'effet d'un piétineur de plates-bandes, d'éléphant dans un service de porcelaines. Je voulais simplement témoigner à l'acteur que j'estime plus que tous un peu de ma présence, fût-elle indirecte, loin en tout cas de ces indiscrétions de charognards dont il aura su j'espère se préserver.

    Le spectacle continue, car la fonction de représenter l'homme, de le présenter à nouveau, pour une sorte de consécration, de même qu'on élevait l'enfant à la face des dieux pour qu'ils décident de le faire vivre s'ils l'estimaient ou non viable ; le ministère sacerdotal d'élever l'homme à la face de l'homme, pour que ce dernier, en son propre miroir, se constitue, incessamment se reconstruise, est non seulement sacré, ce qui serait peu et grandiloquent, mais indispensable.

    Le spectacle continue, il ne peut pas être interrompu, parce qu'il participe du sacré, qu'il tire après lui l'humanité vers le haut dans sa course insensée vers le ciel, quitte à s'y heurter, quitte à retomber, car il est du devoir le plus absolu de l'artiste de ne jamais révéler, de ne jamais laisser sous-entendre au Public - qu'il va mourir - qu'il mourra - ce qui se passerait, et immanquablement, et immédiatement, si le spectacle, ne fût-ce qu'un moment, s'interrompait.

    Impensable disions-nous que l'on s'en dispense, car du jour même où le théâtre disparaîtrait, ce serait l'homme qui disparaîtrait. Ecoutez bien : "L'homme s'ennuie, et l'ignorance lui est attachée depuis sa naissance.

    "Et ne sachant de rien comment cela commence ou finit, c'est pour cela qu'il va au théâtre.

    "Et il se regarde lui-même, les mains posées sur les genoux.

    "Et il pleure et il rit, et il n'a point envie de s'en aller."

    C'est du Claudel. Et c'est pour moi le plus beau texte qu'on ait écrit sur le théâtre. Mais ce pourrait être de n'importe qui de ces interminables dynasties de fous, de gueux, d'itinérants, de moines (oui !) et d'ascètes, qui depuis l'aube des temps se succédèrent, jusqu'à celui qui ne veut être que l'un d'entre eux, et fit en des temps si lointains et si proches, triompher l'auteur de "Tête d'Or" dans le rôle de Cébès.

    Nous ne nous quittons pas. S'il est vrai que les plus anciennes coutumes antiques voulaient que les restes des ancêtres fussent enfouis sous le seuil même de la demeure, afin qu'en les foulant chaque membre de la fratrie sentît passer en lui et s'élever plus haut la flamme sacrée de ses prédécesseurs, ne doutons pas que le souvenir de Pascale de Boysson, dans le coeur de tous ceux qui l'auront aimée, ne féconde et n'exalte les âmes errantes dès ce bas monde des officiants du temple du théâtre...

    COLLIGNON HARDT VANDEKEEN LE SINGE VERT T. IV 49 – 66

    ISRAËL

     

     

     

    39.- Mais les ouvriers que nourrit la Nation ne se trouvent jamais assez nourris.

    Louis MADELIN (parent de l'autre ? Qui sait...) (« C'est le plombier...!)

     

    « La Révolution » p. 117

    ......................................

    Eh bien ça y est il va falloir que je m'y mette. Depuis le temps que tout ce que j'écris disparaît dans les entrailles d'un ordinateur que je ne parviens pas à maîtriser (« Ben, que t'es con ! C'est pourtant simple, écoute :... - TA GUEULE » ) - c'est peut-être le signe que c'est mauvais.

    Je voulais en effet rédiger un vrai brûlot, des appels au meurtre carrément.

    Tâtons de la prétérition. Ca commence par la lettre d'une charmante collègue et amie, qui se demande pourquoi on ne me lit pas plus souvent, dans des tas d'autres journaux que (ici une publication à qui je ne veux pas faire du tort). Réponse, chère amie : parce que j'ai une tête de con. Vous allez vous récrier : pas du tout je sais de quoi je parle. L'autre jour je suis envoyé à la cantine chercher un kilo de sucre pour le café. L'employée qui distribue les repas a évidemment autre chose à foutre, et me dit de repasser à un autre moment. Les collègues envoient Nicolas, jeune, beau, sympa : il revient aussitôt avec le kilo de sucre.

    Et il me lance : « T'es nul ! » Ben vous voyez, l'histoire du kilo de sucre, c'est l'histoire de ma vie. Multipliée par mille. Et mille kilos, si vous savez calculer, ça fait une tonne. Et j'en ai marre, et je hais les gens. C'est comme ça. (« Ben que t'es con ! C'est pourtant simple : tu demandais où étais le kilo de sucre, tu allais le chercher toi-même, et... - TA GUEULE. JE N'Y AI PAS PENSE. Il y a des gens qui pensent à tout, qui savent se débrouiller. MOI QUAND ON ME DIT NON, C'EST NON. Je ne mendigote pas, moi. Je ne m'adapte pas, moi. Les adaptés de la vie, je les emmerde. Et ils se permettent de me faire la morale, en plus. JE LES CONCHIE. ET JE ME PLAINS. PARFAITEMENT. Je t'en foutrais moi de la logique.

     

    Allez, deuxième chapitre. Les ouvriers. Y en a plus ? Mettons les gens de peu. L'expression est à la mode. Je maintiens que ce sont des cons. Qui détestent la culture. Un pote à moi metteur en scène a ouvert un petit théâtre (deviendra grand) sympa, tous publics, intellos, populo, enfants, tout. Il a dit aux mecs du bistrot d'à côté : « Si vous voulez venir c'est gratuit. » Il n'y en a pas un qui est venu. Pas un en huit ans. Ils préfèrent se roter leurs ricards à la gueule,

    wââ putaing kong. Ce sont des connards. Je maintiens. Alors voilà-t-y pas que ma correspondante me dit : « Qui est-ce qui fabrique les programmes de télé ? Qui est-ce qui tient absolument à les empêcher de penser ? »

    D'accord ma poule, mais qui est-ce qui paye ? Les annonceurs. Et ainsi de suite. On ne peut pas chambouler comme ça tout le système de la télé. Ca dépend du contrat capitaliste et otut le tremblement, bon, total, on va faire la révolution, mais tu ne touches pas à ma bagnole. Ben c'est pas demain qu'on pourra illuminer la télé avec ta culture, et en attendant, je suis navré, les gens de peu sont et seront toujours pou rmoi des cons. Deuxième exemple ? Une autre collègue fait les marchés avec des marchandes prolos.

    Jusque-là tout va bien. Arrivent des touristes russes. La collègue, qui a appris le russe, se trouve toute contente de parler avec ex, de les guider dans leurs achats. Le soir, les prolotes lui disent : « T'es d'origine russe toi ? - Non, j'ai appris à l'école. » Du coup elles lui ont fait la gueule, parce que c'est une offense pour ces gens-là de paraître en savoir plus qu'eux, en fait de savoir quoi que ce soit. Et elle a rompu avec les « femmes du peuple », qui elles au moins étaient « comme tout le monde » et ne « cherchaient pas à faire leurs intéressantes ». LES DESCHIENS SONT DES CONS. ILS NE ME FONT PAS RIRE; ILS SONT TROP VRAIS, PLUS VRAIS QUE NATURE, Y EN A PLEIN DES COMME ÇA ILS VOTENT LE PEN ET JE NE PEUX PAS LES ENCAISSER.

    Allez troisième volet, encore plus grave. Les Palestiniens. « Les » - bon, certains. Ceux qui se suicident dans les bus. Si admirables n'est-ce pas, si admirés, désavoués du bout des lèvres, et encensés aux murs de certaines écoles avec le nombre de juifs – pardons, d'Israéliens – qu'ils ont bouzillés. Proposés en modèles, même aux petites filles. Il manque le portrait d'Himmler au mur : lui au moins avec ses camps de concentration, il a battu tous les records. Il est vrai que ça m'étonneerait beaucoup qu'on enseigne l'existence de la Shoah dans ces... comment déjà , « écoles »?

    Désolé, je n'ai jamais compris comment le fait de lancer des bombes sur des gosses et des femmes enceintes constituaient une méthode reluisante pour faire avancer « la noble cause du peuple palestinien ». On me parle de désespoir. « Il ne leur a été laissé que les bombes ». Ils sont humiliés. Ben moi aussi je suis désespéré. Les femmes m'ont toutes envoyé chier (du moins pour faire l'amour : mon corps, c'est de la merde) (j'ai une femme ; mais il paraît que ça doit me suffire) –

    est-ce que je prône le viol collectif pour me « venger » des innombrables gamelles que j'ai subies ? Est-ce que je leur fous mon poing sur la gueule quand je passe dans les rues ?

    Les éditeurs ont toujours refusé mes manuscrits (sauf un : il paraît que ça doit me suffire, 150 exemplaires vendus) – je ne fais pas partie des copains qui remportent les kilos de sucre- est-ce que j'ai appelé au meurtre des éditeurs ? À l'incendie de leurs bureaux ? Non, juste au boycott, dont ils se foutent éperdûment. JAMAIS le meurtre ne se justifie, quelle que soit l'intensité de l'humiliation qu'on a subie. Quel que soit son désespoir. Même si on me tue ma famille devant moi, je ne tuerai pas. TU NE TUERAS PAS. Enfin j'espère. Je me tuerais plutôt moi-même. Je me laisserais tuer, en insultant copieusement mes bourreaux (je ne suis qu'une grande gueule au sein de mes pantoufles) plutôt que de mutiler seulement un de mes semblables.

    Comment des centaines de milliers de personnes rationnelles, intelligentes, sensibles, peuvent-ils justifier, comprendre, le meurtre ? L'attentat aveugle ? Ça me dépasse. La racaille sanguinaire peut crever par paquets de mille, ça ne me fait ni chaud ni froid. Un négationniste ignare et pétri de barbarie peut se faire crever avec sa bombe, un con de moins. D'accord, aux Etats-Unis tu n'es pas d'accord avec la ligne directrice du journal tu te fais virer, mais en Algérie tu te retrouves avec une balle dans la tête. Je préfère être chômeur et vivant. Le désesppoir, je t'en foutrais du désespoir.

    Le dingue du conseil municipal de Nanterre était un désespéré lui aussi. Qu'auraient dit les braves gens du fast-thinking s'il avait été un désespéré palestinien ? Ah ! La question sacrilège ! «Ca n'est pas du tout le même chose ! C'est uen honte de faire de tels rapprochements ! » Bien sûr que je respecte la douleur des victimes, martyres de la république, mais je la pose quand même la question, je le fais tout de même le rapprochement : parce que la chose se produira peut-être un jour, quand on aura fini en France de lècher le cul aux terroristes pour éviter d'avoir des attentats sur notre territoire.

    ...Je serais curieux d'entendre les commentaires des journalistes à ce moment-là. Je serais curieux de savoir s'ils continueront à trouver admirable en Palestine ce qui serait odieux en France. Connards. Dès qu'il y a un attentat là-bas, on montre la peur des Palestiniens, « parce qu'ils vont se venger, les salauds d'Israéliens. » C'est tout de même un comble : la faute aux victimes, une fois de plus. « Israël est un état guerrier ; il ont élu des extrémistes. » Si j'ai bien compris ils devraient se laisser tous tuer jusqu'au dernier ; et s'il en restait, on enverrait les gaz ? Ça fait deux mille ans que les Juifs tendent l'autre joue. Maintenant ils se défendent. C'est ça qui fâche. C'est ça le scandale. Quand on aura créé un Etat islamiste aux portes d'Israël, qui est-ce qui ira crier au charron pour défendre les femmes voilées, les pédés lapidés, et autres joyeusetés de la charia ? Il sera bien temps de chialer, crocodiles de gauche enfin si on peut appeler ça la gauche.

    La gauche, les intelos, l'intelligentsia, voit les choses de bien plus haut que ça mon con, de bien plus abstrait : il faut s'attaquer aux causes profondes. Oui ben elles sont tellement profondes, tellement liées aux structures capitalistes ou de fonctionnement de l'humanité voire de l'esprit humain qui est pervers n'en déplaise à Jean-Jacques Rousseau et à tous ses sectataires bêlants, qu'il faudra des générations avant que ça ne change. Et en attendant, il faut encenser les assassins sanguinaires... Quand un mec tire sur la foule avec une kalachnikov, je l'arrête lui, je le juge lui, je ne vais pas accuser le vendeur de l'arme, le fabricant de poudre, le responsable du trafic d'armes entre les pays de l'est, la France (qui n'est pas la dernière)et tant qu'on y est le milieu marseillais. Les repsonsabilités se diluent, total on ne fait rien et on se lamente.

    Ah ils adorent ça les lamentations et les incantations dans le milieu intellectuel enfin autoproclamé. Je vais vous dire comment ça fonctionne : l'intello en sait plus que les autres. Et c'est vrai. On ne peut pas le nier. Il se sent supérieur, mais comme ça fait vilain, et pas démocratique, il ne veut pas avoir l'air supérieur, avec son système bien pratique pour amener la paix dans le monde. Il a découvert comme a dit Prévert « la balance à peser les balances ». Alors il demande pardon aux ignorants, il les pare de toutes les vertus. Et ce qui le fascine, lui le totalitaire refoulé, lui le despote éclairé, lui le marxiste qui a tout trouvé, c'est le totalitarisme adverse.

    Et que je te soutiens le stalinisme, et l'hitlérisme (n'est-ce pas Drieu La Rochelle, n'est-ce pas Malraux, parfaitement, qui a toujours nié avoir rencontré Doriot sur la Côte d'Azur pour discuter de la manière la plus sûre d'amener la récolution : la gauche ou le fascisme ? Parce que les fascistes aussi se disaient révolutionnaires !) - et que j'admire Mao-Tsé-Toung, et Pol-Pot, et Castro, et les Palestiniens, si désespérés, si romantiques, si gavroches, contre le méchant occupant !

    ...Avec la différence que les Résistants attaquaient des militaires, eux (ce qui arrive aussi aux Palestiniens, d'accord) , mais n'allaient pas faire sauter des bébés (notons qu'à Dresde et à Dantzig, nos chers Alliés et nous-mêmes n'avons pas hésité à le faire).

    Les totalitaristes élitistes sont paralysés, fascinés, hypnotisés par les totalitaristes de la tyrannie. Moi aussi j'ai envie d'exister, j'estime qu'il y a d'autres moyens pour le faire que de tirer à l'aveuglette dans la foule, n'en déplaise au surréaliste de mes couilles André Breton. Histoire drôle : quelle est la différence entre un enfant palestinien et un enfant Israélien ? Ben pour tuer un enfant israélien, il faut vraiment aller le chercher dans le bus qui l'amène à l'école. Si je comprends bien c'est encore la faute à ces salauds de victimes qui arment les bras de leurs bourreaux. On m'a fait croire ça toute ma vie à moi aussi toutes proportions gardées : il paraît que mes merdes, je les avais bien cherchées. C'est même le grand truc des psychiatres. Salauds d'Israéliens.

    Le Singe Vert va même vous raconter une autre histoire drôle : il apprécie vachement Sarkozy. Parce qu'il a beau interroger ses élèves, il n'y a pas une seule famille qui serait prête à accueillir chez soi un Kurde fugitif. Il faudrait les mettre dans un grand trou, ce serait le trou du Kurde – « on ne plaisante pas avec ces choses -là ! - je plaisante avec tout et je t'emmerde. » A part ça tout va bien mais ça va chier. La solution ? Que les Palestiniens soient raisonnables, et s'en aillent. Il ne manque pas de pays antidémocratiques tout autour où ils pourront exercer à loisir leur manie de la bombinette : la Libye, l'Arabie Séoudite (et non pas saoudite, ignares), la Syrie... Qu'est-ce que c'est que ces gens qui se croient déracinés dès qu'ils sont à 25 km de chez eux ? Au bout de ma rue il y a des gonzes qui n'ont pas déménagé depuis 30 ans ! Putain l'horreur ! Savoir dans quelles chiottes tu vas avoir ta dernière crise cardiaque ! Moi je voudrais bien qu'il n'y ait pas la guerre. Mais je ne suis qu'un trou du cul. Et j'ai chié, forcément. Forcément je me sens gêné. Forcément j'aimerais bien la fraternité universelle. Forcément j'aimerais bien le renversement de Bush et de Sharogne. Forcément j'aimerais bien la réconciliation générale. Et bêler tous en choeur. Et faire l'amour et pas la guerre. Et que je m'emmerde à l'avance des actualités où vont défiler pendant un an tout ce que la bidasserie a pu produire de plus con sur des chars tout neufs à nourrir trois villages du Burkina-Faso pendant une semaine. Mais défendre les attentats, jamais. Tout ce que j'ai dit, mettons que ce soit des conneries. J'en suis tout en sueur, avec un début de larmes aux yeux. Ca me gêne d'avoir écrit ça. Mais je veux exister. Alors j'excite les gens. Mais je ne crois pas que vous serez excités. Vous êtes moins cons que j'en ai l'air. Moins cons que je ne l'ai dit. Au point de vue littéraire, au point de vue philosophique, il va falloir que je fasse des progrès. Mais plus d'attentats s'il vous plaît, plus de tripes au soleil, plus de petit garçon qui se précipite sur le cercueil de son papa en hurlant sur le beau drapeau au fond de la fosse, si je vous dis que je viens de pleurer ça va faire obscène alors je ne le dis pas. CHALOM, SALAM, et puis merde...

    COLLIGNON HARDT VANDEKEEN LE SINGE VERT T. IV 50

    LA DOCTE ASSEMBLEE

     

     

     

    144. Le beau est la manifestation du divin dans le terrestre, de l'infini dans le fini.

     

    SCHELLING

     

    Ecrits philosophiques

     

    C'EST POURQUOI

     

    pour son numéro 50 d'Octobre 2002

    paraisssant en mars/avril 2003

     

    LE SINGE VERT VOUS PRESENTE LE PLUS INFECT DE SES FONDS DE TIROIRS

     

     

    - Ta gueule !

    - La porte !

    N. voit dans l'ombre une douzaine de formes enveloppées autour d'une table.

    - Fais chier !

    - Courant d'air !

    Il passe, la porte se ferme, deux fous à l'attache (des chauves, petits, hargneux, blêmes) s'aplatissent au sol. )

    Lutti désigne un siège entre deux formes humaines ; elle même, tout en rouge, s'installe vis-à-vis, de biais, les lumières montent d'un ton, les formes s'émeuvent progressivement, révélant une épaule, une main ; une tête qui rejette le voile : de longs murmures, des étirements. Des bribes de phrases,des bâillements d'hommes, de femmes. Tous se débarrassent pour finir de leurs étoffes : en tordant légèrement les épaules. A présent tous les personnages, ordinairement vêtus, se lèvent précipitamment pour disparaître par les battants du décor ; Lutti, N., se regardent par-dessus la table , et reçoivent dans les oreilles le concert solennel des chasses d'eau. Puis tous reviennent s'asseoir, très naturellement, et s'entretiennent.

    Mais chacun parle devant soi, en mélopées, mêlées de silences et de soupirs, sans paraître s'adresser à tel ou tel. Or ces mots indistincts se perdent tous dans un étang noir, c'est-à-dire la longue table vitrée qui s'étale entre eux.

    Dans son dos, trois baies basculantes donnent sur une cour cimentée, face à lui l'assemblée, alignée, têtes basses et prodigieusement lasses, entre ces bustes avachis se dressent sur le mur des plaques de marbre (douze), formant douze rectangles en hauteur ornés d'autant de demi-cercles, un dessus, l'autre dessous, soit 24 demi-cercles. Et le long du plafond une cimaise gris argent. Nous sommes par un chaud après-midi d'octobre.

    N. reconnaît face à lui Douce et Biff, dont Lutti lui a parlé : Douce au visage de plâtre rose (fond de teint), où saillent les forteresses écarlates des pommettes et la tranchée rouge des lèvres. Ses dents sont tachées de fard, ses yeux cernés de cils trop noirs, sur sa tête de Douce un amas médusien de boucles blondes au petit fer.

    A son côté rampe tout assis ce petit homme Biff à grosse tête déformée, crépuet blême, nez crochu : il formait avec Douce un couple inséparable. Il se lève, il est bossu. Ces deux personnages donnent au nouveau venu, à N., l'idée de sa propre supériorité - Lutti lui fait signe de se détromper : elle lui montre face à lui sa voisine, du menton.

    - Celle-là ?

    - Oui.

    C'est une géante, aux longues retombées de tifs roux et raides, le nez puissant, la bouche au rasoir et les yeux de serpent d'eau. « N'y a-t-il personne à qui je puisse me fier? » pense-t-il. Lutti lui fait parvenir un message plié que les autres font glisser sur la table de vitre opaque. « Méfie-toi », dit la lettre, « tends tout ton esprit », et plus bas, en démotique (στά δημοτικά) «Préfère la colère à tout autre sentiment. » Il se souvint de ce qu'ils avaient dit : " les insurgés se sont présentés à la porte aujourd'hui condamnée ; à leur tête, Djiwom,la géante rousse. Elle a vociféré en leur nom » Immédiatement LES déprédations ont commencé. Les insurgés ont réclamé un droit de regard sur « nos activités », le renvoi de Biff et la Douce, la suppression de l'Instance - comme si l'on pouvait supprimer l'Instance !

    - Nous les avons supportés une heure durant », disait Lutti. « Nous ne pouvions articuler une phrase complète : Djiwom prenait la parole, retirait la parole. Tu verras comme elle est silencieuse. Elle digère son fiel : à présent, elle siège parmi nous, les sentences de la Géante figurent parmi les plus sévères. Il est bien question d'insurgés ! Elle te fera des ouvertures d'amitié‚ dont tu pourras tirer profit si tu sais garder la mesure."

    A côté de Lutti encore et de biais face à lui figurent deux autres femmes en parfait contraste : Noffe, la plus âgée, minuscule, en bleu cru, fourrage sa tignasse d'une main, curant de de l'autre ses dents sales avec une allumette au bout pointu ; son visage tiré vers le nez évoque le museau des rongeurs, où deux petits yeux myopes (μυ – οψ, « regard de la souris ») - fixent le vide avec inquiétude. Et ses mandibules sont agitées d'un exaspérant mouvement de grignotage.L'autre femme, grande blonde aux langueursde lionne, porte au cou trois rangs de rides concentriques où serpente un collier d'or : Séphora, opposée dès le début aux insurgés ; ses longues phrases égales disparaissent puis reviennent à la surface, et le silence revient juste après qu'elle a parlé.

    Mais bien qu'il tende l'oreille, N., pas plus que les autres, ne parvient à comprendre ses propositions aristocratiques. Le flux des voix la couvre encore sans qu'elle ait daigné y prendre garde.

    Ce que dit Séphora – ce qui s'est passé la veille :

    Noffe « Souris Bleue » avait obtenu par ses cris suraigus l'admission de la Géante au sein de l'assemblée, pourvu qu'elle renonçât au soutien des insurgés ; la reconnaissance publique auréole visiblement ce couple disparate.

     

    Retour au temps présent

    ... Fermant la longue table à l'opposé N. reconnaît le maître des lieux, flanqué des deux fous (ou « bouffons ») à l'attache : Maître Luhács (« Louhatch »), froid, hiératique, mains à es à plat sur la table translucide, il fixe le vide.

    Premier bouffon, ou fou : un paysan vosgien puissamment taillé, cheveu ras, tête étroite et longue – dolicocéphale. Les tics le ravagent : mains, avant-bras ; la bouche qui se fend, l'haleine qui flamboie, indépendamment d'autres tics de l'oreille, du larynx. Face à lui la folle, tailleur gris perle, les yeux pétillants de méchanceté niaise ; sa tête minuscule assiégée d' « anglaises » tic-taque sans cesse du Maître à l'Assemblée, de l'Assemblée au Maître. « Chaffa » est son nom. La folle et le fou se font des niches sous la table ; il faut pour cela passer par-dessus les genoux du Maître. « Méfie-toi de Luhac », a dit Lutti. « Il n'a pas son pareil pour jeter bas les flatteurs. Il ne croit pas à l'amitié mais tous le recherchent. Il est en relation avec l'Instance. »

    N. avait demandé ce que c'était que l'Instance. « Nous dépendons tous » avait dit

    Lutti « d'une Autorité qui règle nos départs et nos entrées. Celui qui vient ne peut plus se repartir sans notification expresse de l'Instance.

    Personne ne sort d'ici ?

    - Personne ne sort.

     

    Nouhaut (tel est son nom) a évoqué par plaisanterie la possibilité d'intrigues en vase clos : « C'est un conclave mixte », dit-il. « Ces intrigues existent », lui dit Lutti. Nouhaut a demandé à Lutti si ce n'était pas elle, l'Instance. « Autrement, dit-il, comment vais-je pouvoir m'introduire dans cette Docte Assemblée ? » Lutti a répondu qu' « il y a[vait] des voies parallèles ». L'entretien préalable s'était déroulé dans un salon attenant, tout en cuir, communiquant par uen porte aux bâtiments carcéraux ; Nouhaut ne se souvient plus à présent qu'il y ait un monde exté rieur, à supposer qu'il y ait vu le jour. Il a compris qu'on l'introduisait dans un monde plus clos encore, où il lui faudra observer, manoeuvrer. Quelle improbable intervention extérieure peut-elle donc l'ébranler ?

    Toutes les imaginations antérieures de N. (« Nouhaut ») se résument ainsi : un héros, fraîchement libéré, extrait de son champ clos, introduit par une femme, doit affronter quelque nouveau Monarque en son nouveau champ clos, mais, inmmanquablement, échoue ; le monde s'écroule, et le héros sombre, inévitablement, dans la folie- qu'il s'imagine originelle. Notre héros sort de ses réflexions : « Echec au Monde » dit-il à mi-voix – personne ne l'entend, mais il se souvient de l'avertissement « Luhac met à profit tous les faux-sens. Garde-toi des paroles à double portée. - Je te promets de me taire ; mais j'aimerais gagner cette fois ». Il n'a pas tenu parole. Il repasse dans sa mémoire les péripéties de l'entretien ; Lutti se tenait bras écartés,

    jambes croisées, livrant la poitrine et fermant le sexe ; ce jour-là son ensemble rouge se détachait sur le canapé de vrai cuir. Il pensa qu ' « un jour [il] lui ferai[t] croiser les bras et ouvrir les cuisses ».

    A présent il ne quitte plus des yeux Luhacs qui le regarde précisément ; mais il n'en est pas ému, car les yeux morts du Maître percent sans les voir les objets qu'il contemple ; ainsi Luhac fait-il le tour de la table, tandis que de part et d'autre Chaffe et Souvy, les deux bouffons, se houspillent en feignant l'hilarité.Quand il les a secoués de lui, ils se tiennent alors de part et d'autre froids et raides. Luhac prend la parole, et tous se tournent vers lui :

    Que veulent les insurgés ? dit-il ; « nous renverser. Mais, que proposent-ils? rien qui vaille. »

    Nouhaut note : voix mesurée, nasale mais très claire. « Notre pouvoir, nos connaissances, l'étendue de nos attributions ne sauraient se partager ni se transmettre au demi-monde des Moyens-Courriers ou de leurs protégés, le peuple.

    A ces mots une exclamation d'extrême dégoût parcourt l'assistance.

    « Nous avons su adapter nos énergies à des pensées nouvelles, par le système bien appliqué de la cooptation. Permettez-moi de remercier M. Nouhaut de s'être joint à nous. » Murmure d'approbation. Les têtes pivotent dans sa direction. Il se demande pourquoi il n'est pas fait mention de Lutti. L'Assemblée s'attache de nouveau à Luhac. Lutti imite en tout leurs mouvements.

    « Ils aspirent au savoir » poursuit le Maître. « Ils appellent cela "démocratie" ; or les Barbares ne manquent jamais de l'emporter. Du moins faut-il en retarder le plus possible l 'avènement, afin que par la suite ils s'inspirent de nous. Quatre cents ans séparent Marc-Aurèle des Burgondes. » Un voile d'ignorance passe sur les yeux de l'assemblée ; Lutti baisse les yeux. Dan l'impossible extérieur ( ou « lointain ») Nouhaut perçoit le brouhaha d'une multitude déterminée. Les autres l'entendent-ils ? « Une seule fois » reprend Luhacs, « nous avons enfreint nos lois »

    Il se passe la main sur la barbe). « C'est pour cettte femme » - son doigt se pointe sur Djiwom (N.B. : géante rousse ) « que nous avons ouvert la première brèche. » Douce proteste que la Géante « [leur] est plus dévouée que quiconque ». La Folle s'exclame grossièrement : Djiwom serait « le ver dans le fruit » (rappel : le nom du clown femelle est « Choffa »).

    Luhac poursuit son discours monocorde. Sans élever la voix, il énumère ses griefs: Djiwom ne présenterait aucune des garanties exigées des membres les plus anciens ; il serait à prévoir qu'après cela bien d'autres viendraient inconsidérément altérer la composition ou les décisions de l'Assemblée ; «  il est pour le moins irréfléchi que d'aucuns se soient cru habilités à investir un inconnu de privilèges mal justifiés » - tous regardent Nouhaut, puis Lutti, puis Nouhaut.

    «D jiwom » poursuit le maître « s'est immiscée parmi nous à la faveur d'un climat insurrectionnel instauré peut-être justement par ceux-là même qui l'ont installée sur ce siège. Il n'est jusq'à sa récente conversion aux vues de l'Assemblée qui ne doive exciter d'autant plus la défiance. Elle a berné la loyauté des siens. Elle n'hésitera pas à duper son second camp. » Un ton plus haut, vers Souris Bleue et Séphora aux colliers d'or : « Vous

    avez disputé devant moi pour introduire cette Géante Rousse : elle n'est pas de notre race. »

    Noffe redresse son faciès de rongeur. Elle a repoussé son siège, prenant appui d'un bras sur la table, secouant l'autre comme une possédée. Elle braille, la Noffe : « Le peuple a besoin d'instruction ! il doit savoir où on le mène ! ...Qu'on lui donne des livres ! »

     

    X

     

    Trois semaines plus tard, N. (Nouhaud) demande à Lutti, son instructrice :

    - Et Luhac ?

    - Il ne pouvait plus ouvrir la bouche ! dit-elle. Les vitres volaient sous les jets de pierres ! C'était un vacarme à ne plus s'entendre !

    - Avez-vous résisté ?

    - Nos gardes se seraient faits tuer ! ...Noffe (« Souris Bleue ») disait encore : « Notre systŠme est pourri ! Luhacs détient tout le pouvoir ! Au nom de quoi ? " Les autres autour d'elle protestaient :

    «  - L'Instance ! L'Instance !

    «  - Qu'est-ce qui le prouve ? Criait-elle.

    «  - Pas besoin de preuves !

    «  - Ignorants ! hurlait-elle. Plus nuls que les Extérieurs ! «  Elle proposait de voter, de destituer Luhacs, de « régénérer nos institutions... »

    Retour au temps présent

    Luhacs poursuit : « ...Et vous aussi, Séphora, êtes devenue hautement indésirable au regard de l'Instance...

    - Des preuves, dit Biff (les bouffons, mâle et femelle, négligent d'aboyer.)

    ...vous nous avez défendus, Séphora. Vous avez certes préservé in extremis le Savoir de l'invasion des masses ; mais sur un ton si mesuré, que l'on y décelait de l'ironie Parfaitement. C'est vous qui avez suggéré cette demi-mesure » - sa voix se fit suavement méprisante – prétendûment démocratique, et véritablement détestable, d'admettre Djiwom-la Géante au Conseil : « Prendre la tête » disiez-vous, « jeter le corps" – à présent, c'est votre tête que réclame l'Instance. »

    Lorsque Luhac se tait, sans avoir de beaucoup élevé la voix, il se fait un instant de silence. Séphora intervient brusquement, voix sifflante. Elle se lance du haut de ses colliers dans une longue et sincère dissertation, portant fréquemment la main à son cou ; elle a toujours eu l'intime conviction que les Masses tireront le plus grand profit de l'Instruction ; cette dernière cependant ne doit leur être fournie que très progressivement, eu égard à leur abrutissement, à leur turbulence, « dont nous pouvons encore percevoir les chocs et manifestations extérieurs ». Il lui est encore apparu judicieux que « les plus libéraux de Notre Aréopage » et « les plus évolués de « ce qu'il est convenu d'appeler « le Peuple » - joignent leurs savoir-faire afin de mettre en oeuvre quelque « injection homéopathique » de la culture dans l' « organisme populaire ».

    «Rien ou presque n'a été jusqu'à présent initié, mais je ne désespère pas que la collusion de la droite progressive et de la gauche modérée n'entraîne une " évolution significative de la conjoncture" - « Faites-la taire !» hurle Souvy, le Fou Vosgien. Mais l'inexpressivité de Luhàcs tourne à la performance – tandis qu'une hilarité nerveuse gagne l'assistance. Lutti elle-même, l'Introductrice, cligne de l'oeil, Nouhaut croit donc pouvoir sourire. Djiwom prend la parole, Nouhaut trouve le temps long, les autres se grattent le corps ou jouent avec leurs mains, la Géante a de larges épaules, un regard bleu pâle sans un cillement, la mâchoire agitée, la voix rauque ; le

    buste droit, les bras sans expression - Nouhaut dessine une petite carte de son invention, avec des fleuves, des rivières, des routes et même une capitale.

    Lutti lui passe à travers la table un papier plié, le papier dit «  A la première pause

    je me mets à côté de toi", à quoi Nouhaut répond « Djiwom a un dentier, elle croit que ça ne se

    voit pas », Lutti répond "Elle s'en sort bien, la vache. "

    Nouhaut dit à mi-voix : « Lutti – malgré tes cinquante ans – tu gardes tes yeux de braise ».

    Il a parlé à ras de table. Le son s'est propagé à merveille. Noffe Souris-Bleue se dresse pour mettre en valeur sa petite taille. Elle commence. Tout le monde se tasse au fond de son siège. Luhàcs la fixe. Elle a des sourcils très touffus. Lutti dit à son protége qu' « [il] n'[est] pas là pour regarder les femmes. » Elle lui enjoint de préparer son intervention. N. (Nouhaut) regarde à droite, à gauche, effaré : des têtes s'inclinent, des signes s'échangent. Souris-Bleue se défend avec énergie. Son petit museau se plisse et se déplisse. Elle parle de Droits de l'Homme, personne ne l'interrompt. Soudain Nouhaut :

    « Crois-tu qu'il faille donner de l'instruction à tous ? »

    Bien sûr répond Lutti ; comment penser autrement ?

    Mais ce sont des Barbares ! (interruption de Biff, qui a intercepté le message suivant, sur un papier plié : Les Barbares sont toujours vainqueurs ».

    Nouhaut, à Lutti : CE N'EST PAS L'INSTRUCTION QU'ILS VEULENT, C'EST LE POUVOIR. Supporterez-vous plus longtemps Luhàcs ?

    « C'est pourquoi poursuit Souris-Bleue qui n'a pas été interrompue nous devons leur accorder les moyens d'uen vigoureuse et définitive organisation », elle se rassoit.

    Or Nouhaut tient devant lui une feuille parfaitement vide. Tout le monde rit, c'est la première fois. Le décor, lui, demeure immuable : des carreaux de marbre noir veiné blanc, plaqués au mur.

    Biff : Fasciste ! Niais !

    DOUCE, outrageusement fardée : Débat dépassé ! Regarde ses yeux : plissés, ou déplissés ? Sa bouche : vers le haut, vers le bas ?

    NOUHAUT, change d'avis : Lukàcs, tu est le meilleur. Tu racontes des histoires drôles, tu profères d'excellentes férocités, tu connais chacun de nous...

    BIFF : Il l'a appris par cœur !

    DOUCE, outrageusement fardée : Il n'y avait rien sur sa feuille !

    SOURIS-BLEUE : ... et la politique extérieure ?

    LUHACS ne manifeste aucune émotion. SEPHORA, par-dessus ses colliers, le considère avec angoisse.

    NOUHAUT : ...C'est pourquoi nous nous en remettons en définitive – à toi, ô Lukàcs, quelles que puissent être tes imperfections, comme ils disent. Nous tiendrons tête pour l'éternité, si c'est toi qui nous guides.

    Murmures désapprobateurs.

    LUHACS se lève. CHAFFA et SOUVY (deux bouffons) se soulèvent aussi, la sottise est sur leurs visages.

    CHAFFA, voix précipitée, mains en grappins sur les seins : Nos livres ! Ne touchez pas à nos livres !

    SOUVY, crétin des Vosges, menaçant : Le savoir ! Le savoir au peuple !

    LUHACS : Wechselt ! « Changez... »

    SOUVY, docile : Le pouvoir – à ceux qui en sont dignes !

    CHAFFA, secouant la tête : Brûlez tout, tous les documents, le chef et les bibliothèques ! Brûlez !

    (Chantant ) Power to the people !

    LUHACS, remontant sa cravate : Vous êtes grotesques. Voyez combien les révoltés vous trompent. Ils ne sont pas malheureux. Mettons un frein à la démagogie. Tout peuple est rebelle au savoir. Ou il ne serait pas le peuple.

    SEPHORA, se rengorgeant : Tout de même, le niveau général de culture...

    CHAFFA : Ta gueule.

    SEPHORA : Tout vaut mieux que...

    SOUVY, crétin des Vosges : Ta gueule.

    LUTTI, en rouge, se levant : Je ne comprends pas le poids de ces bouffons.

    BIFF : Que pensez-vous du concept d'épuration ethnique ?

    LUHACS : Je m'en contrefous.

    DOUCE (outregeusement fardée) et BIFF se consultent.

    DOUCE : Si je comprends bien, le style hésite entre satire et psychologie.

    LUTTI : Exactement. Les personnages manquant d'épaisseur, tout ce qu'on peut retenir – en dernière analyse – est ce désastreux discours en faveur du chef.

    NOUHAUT se rengorge. A tout hasard.

    BIFF : Et les types qui gueulent là dehors, pour la liberté d'expression ?

    SEPHORA : C'est du décor.

    Une vitre vole sous un pavé.

    SEPHORA : Trucage.

    DJIWOMM, Géante, Rousse :Permettez, permettez...

    CHAFFE et SOUVY : Ta gueule.

    SEPHORA : Et puis j'en ai ma claque de ces colliers de chair.

    LUHACS : Ne baissez pas les bras ! L'essentiel, je vous le révèle : nous sommes enfermés à clef. Le but n'est pas d'en savoir la cause.

    DOUCE et BIF : Ah si ! Ah si !

    LUHACS : Bon, ben, plus tard.

    NOUHAUT : Sous la culture, on voit la plage.

    LUHACS : Nous saurons tout bien assez tôt. Pour en sortir, vous devez me juger – m'éliminer.

    CHAFFE et SOUVY : Ta gueule.

    LUTTI : C'est malheureux tout de même qu'on ne puisse pas ouvrir la bouche sans que...

    CHAFFE ET SOUVY prennent un air menaçant. LUHACS s'interpose : ils baissent les yeux. LUHACS invite LUTTI à poursuivre, elle fait signe qu'elle a terminé.

    LUHACS : C'est à vous, chers collègues...

    TOUS : « Collègues » ???

    LUHACS : ...qu'il appartiendra de déterminer, en votre âme et conscience...

    Coups vifs à la porte.

     

    DEUXIEME TABLEAU (le premier, c'était avant)

    NOUHAUT est pris d'un rire nerveux.

    BIFF : Vous voyez bien, qu'on peut entrer.

    SEPHORA : Cette nouvelle intrusion...

    CHAFFE et SOUVY se dressent au bout de leur chaîne, SEPHORA se tait, entre LE

    BALAYEUR. Noir, avec un balai de plastique vert. Avec lui PAQUITA, les yeux noirs, le profil aquilin ; elle fixe LUHACS d'un air féroce.

    NOUHAUT la reconnaît.

    TOUS : Mais c'est NGWADJA, le balayeur !

    « On n'a pas tous les jours l'occasion de se fendre la gueule. »

    NGWADJA désigne sa compagne de la main ouverte. Il s'exprime dans un français impeccable, avec un accent des bords de la Loire :

    Je suis sorti de la prison de Sarreguemines.

    NOUHAUT, à part : Que fait ici cette femme que j'ai tant aimée ? ...S'ils ont libéré cette femme, c'est que tous ceux que je vois autour de cette table sont fous ; assassins, ou assassins devenus fous... (à haute voix) Tant pis... (Tous le regardent).

    NGWADJA : Luhàcs vous le dit : il faut le croire. Il faut le renverser. Luhacs ne demande que cela. Et d'autres tomberont avec lui.

    NOUHAUT, à part : Pourquoi me regarde-t-il ?

    NGWADJA : Voici le récit d'une tromperie ; d'une séduction ; d'un viol. (désignant PAQUITA) Elle ne connaîtra pas le père de son enfant.

    NOUHAUT, à part : Et l'éducation du peuple ? Qui se soucie désormais de l'éducation du peuple ? ...L'infirmière-chef ne s'est même pas dérangée en personne...

    NGWADJA, solennel : Le père, c'est lui (il désigne LUHACS) ou lui (il désigne NOUHAUT).

    NOUHAUT crie : Je n'ai jamais touché cette femme !

    PAQUITA : ...mais tu l'aurais bien voulu.

    NOUHAUT : Comment s'appelle ton enfant ?

    PAQUITA : Nicolas.

    NOUHAUT approuve de la tête.

    NGWADJA crie : Il sait son nom !

    LUHACS : Et moi alors ?

    SOUVY, crétin des Vosges : Ta gueule. Tu es un personnage incohérent, à qui personne ne s'identifie.

    SEPHORA, du haut de ses colliers, à NGWADJA : Vous parliez d'un viol...

    BIFF : C'est bien la première fois que tu vouvoies un Noir.

    PAQUITA : Parfaitement. Séduite et abandonnée.

    DOUCE, du fond de ses fards : C'est bien le moment d'avoir l'accent espagnol.

    NOUHAUT, à part : Tout ça ne me dit pas ce que je dois faire de l'éducation du peuple...

    PAQUITA rectifie avec aigreur : Catalan. L'accent catalan. (Désignant LUHACS du doigt) « C'est lui. »

    LUHACS se montre ravi.

    NGWADJA, appelant derrière lui : Les demoiselles de Luhàcs !

    Une demi-douzaine de jeunes personnes, de 16 à 26 ans, se répartissent autour de la table, chacune derrière un membre de l'Assemblée.

    NOUHAUT : Apparemment, aucune n'est enceinte.

    DES MANIFESTANTS, dans la rue : Ins-truc-tion ! Ins-truc-tion !

    LUTTI, en rouge : Ça ne vaut rien. Depuis le début nous hésitons : registre mystique, documentaire, pamphlet – partout, partout, la même superficialité. A présent nous en sommes au vaudeville. Même pas trace d'humour juif.

    NOUHAUT, d'un ton coupant : Je ne suis pas Juif.

    LUTTI : ...ni pédé...

    NOUHAUT : Non plus.

    LUTTI : Comment voulez-vous qu'on s'y retrouve ?

    LUHACS : Mais de qui parlez-vous ?

    Silence consterné.

    NOUHAUT découvre que son siège est pivotant.

     

    Troisième tableau

     

    Fondu au noir. Tout le décor disparaît. NOUHAUT seul dans une cellule d'asile, au pain et à l'eau. Sur les murs les portraits de toutes les femmes précédentes, jeunes ou moins jeunes. NOUHAUT se lève, parle silencieusement à chacun de ses portraits, se rassoit pour écrire fébrilement dans un grand carnet de cuir rouge.

    NOUHAUT : Toutes enceintes... et de LUHACS... « ...Une salle aux marbres gris, avec sa longue table en bakélite.

    « Mesdames, Messieurs – Considérez la richesse de coeur que c'est – d'avoir si souvent senti ce pincement de coeur, cette électricite subtile autour de l'occiput – dans les commencements de l'amour.

    Protestations furieuses de voix féminines en coulisses.

    NOUHAUT, devant le portrait de CHAFFA, la bouffonne : Je t'ai connue jeune et désemparée, j'ai su tout ce que tu cachais, avec la plus grande précision. Tout ce que tu vivais. J'aurais aimé vivre avec toi, dès le début de la vie.

    Mais dès qu'elle prend de l'assurance, une femme cesse de m'en imposer.

    Petit à petit les personnages font leur entrée dans la cellule, en silence, et s'accroupissent le long des murs.

    BIFF, à mi-voix : Nous perdons notre temps.

    DOUCE, outrageusement fardée : nous entendons des choses – que nous ne devrions pas entendre.

    LUHACS, voix feutrée : Rien- de tout cela – ne saurait m'ébranler. (Raffermissant sa voix) En conséquence, et en vertu des pouvoirs qui me sont conférés... J'expulse toutes les grandes gueules : Séphora (elle se lève) , Souris-Bleue (même jeu).

    SOURIS BLEUE : Nous avons pourtant fait tout notre possible.(Exit)

    LUHACS : Djiwomm la Géante (Djiwomm se lève)

    SEPHORA : La dictature est inexpugnable.

    DJIWOMM : Démerdez-vous. (Exit)

     

    Quatrième tableau

     

    Le décor pivote. Un amphithéâtre se découvre soudain. Le peuple occupe tous les gradins. (On peut aussi plus simplement inverser les éclairages, le public jouant le rôle du peuple. ) Bruits de gorges, raclements de pieds, un ou deux applaudissements dérisoires.

     

    LUHACS : Le voici donc, ce peuple que je repoussais. Il s'apprête à rugir – ou à se taire...

    SOUVY, crétin des Vosges : Sire, ils ne sont pas armés.

    LUHACS : Ont-ils payé leurs places ?

    SOUVY : Qu'est-ce qu'on fait ? Qu'est-ce qu'on fait ?

    LUHACS : Chers amis, bonsoir !

    LE ¨PEUPLE : Ta gueule !

    Deux femmes dans le public agitent les bras, tendant des papiers.

    LUHACS : La question ne sera pas posée.

    UNE FEMME : Comment vous représente-vous une forêt ?

    LUHACS : Haute, claire, les troncs bien espacés. De beaux sous-bois, couleur orange.

    NOUHAUT : Touffue, pleine de ronces. Infranchissable.

    TOUS LES ACTEURS se regardent avec uen gêne extrême. On entend « Qu'est-ce qui lui prend ? » - « Ce n'est pas à lui de parler » - etc.

    BIFF : Il va tout foutre par terre.

    CHAFFA, à voix basse : Ta gueule.

    Scène muette. LA FEMME et LUHACS échangent questions et réponses en mimiques. NOUHAUT les observe et prend des notes, fébrilement, sur un registre entre ses genoux.

    LA FEMME, depuis le public : Vous voyez une clef sur le chemin.

    LUHACS : Je la fourre dans ma poche.

    LA FEMME : Sans savoir à qui elle appartient ? Sans chercher une maison, une porte qu'elle pourrait ouvrir ?

    LUHACS : Rien à foutre.

    NOUHAUT : Bien dit.

    LA FEMME : Vous rencontrez un lac. Que faites-vous ?

    LUHACS : Je plonge. Je nage le plus longtemps possible. J'aménage une piscine, des courts de tennis, un hôtel – et des golfs.

    NOUHAUT, soulignant rageusement : Il ment.

    LA FEMME : Vous rencontrez, au milieu du chemin – un lion.

    LUHACS : Je l'hypnotise, et je passe.

    NOUHAUT, face au public : La question est mal posée. Elle ne spécifie pas si le lion dort, ou non. S'il vous voit, ou s'il ne vous voit pas. S'il dort, je le contourne, à pas de loup, de très loin. S'il ne dort pas, j'effectue le détour le plus long possible, fût-ce à travers les fourrés les plus épineux.

    BIFF : Le lion symbolise les responsabilités. Monsieur Luhàcs (il salue obséquieusement) ne manifeste quant à lui aucune lâcheté – ni aucune témérité – affrontant le fauve à mains nues : c'est l'arme la mieux appropriée.

    Applaudissements d'abord du public, puis de la Docte Assemblée. NOUHAUT fait seulement semblant.

    LA FEMME, du public : Vous affronterez un mur, immensément haut, immensément étendu de part et d'autre, infranchissable.

    NOUHAUT : Je le scrute ; pierre à pierre – chaque mousse, chaque insecte.

    LUHACS : Je le franchirai, quelles que soient les impossibilités.

    Nouveaux applaudissements.

    LUTTI : Le mur, c'est la mort.

    NOUHAUT saute sur ses pieds : Vous assistez à une imposture. Ce public ne devrait pas se trouver ici mais devant sa télé ! Jamais il n'a été question de faire appel à vous ! Puisque c'est noue qui décidons de tout, entre personnes compétentes. Ce n'est pas vous qui avez conféré à LUHACS des pouvoirs exorbitants. Ce n'est pas à vous d'y mettre fin !

    UN HOMME au premier rang : C'est nous qui avons installé Luhàcs.

    NOUHAUT : Et l'Instance ?

    LE PUBLIC : A bas l'Instance !

    « Il n'y a pas d'Instance !

    «  Ta gueule !

    « Pourri ! ... Fumier !...

    «  Pourquoi qu'on a chassé les vieilles ?

    LA FEMME : Pourquoi tant de femmes ?

    L'HOMME : Les vieilles possèdent la sagesse ! Les vielles connaissent toutes les solutions !

    LA DOCTE ASSEMBLEE se tord de rire, sauf LUTTI et NOUHAUT. NGWADJA fait un signe : les jeunes femmes s'en vont, les vieilles prennet leur place.

    DJIWOMM, au peuple : Peuple ! Nous aussi nous avons été belles, et silencieuses. Mais, pas plus alors qu'aujourd'hui, personne ne nous a accordé d'exhiber nos véritables personnes. Je vous renvoie aux Ecritures.

    Elle se rassoit.

    SOURIS-BLEUE : Vous... et puis merde. (Semblant reprendre un fil)Vous êtes tous là à vous foutre de moi sous prétexte que j'ai réussi malgré moi.

    SEPHORA : En dépit de ma méfiance antérieure, j'accepte d'être prise à parti par le peuple.

    NOUHAUT : Bénissons la présence du chef, Coordinateur sans précédent, sous la férule duquel a prospéré la Caste des Flamines. Jamais de tels rôles n'auraient dû s'inverser ! Haute trahison du destin ! (Premières huées) Ecoutez ! (Solennel) C'est l'histoire du Belge qui encule un travelo, il passe sa main par-devant et dit : Merde, je l'ai transpercé, une fois ! »

    LUTTI affiche un air écoeuré. DOUCE, outrageusement fardée, et BIFF, admiratifs.

    LE PUBLIC, prononçant à la con : Le – veaute ! Le – veaute ! (Meuglements)

    NOUHAUT : Etes-vous français ?

    LE PUBLIC : Yes we are !

    NOUHAUT : Le vot-tt-te sera donc effectué par nouzigues ici présents biscotte vous valez que dalle et que j'me tape du vote popu comme eud'ma première branlette !

    Il lève le bras flappi de LUHACS

    SEPHORA : Jamais l'Instance n'avalisera un tel changement de cap.

    NOUHAUT : Fais chier avec l'Instance !

    Vote, ramassage, dépouillement. BIFF et BLONDE, outrageusement fardée, scrutateurs. LUHACS réélu à l'unanimité moins un blanc.

    NOUHAUT : Au nom de la pitié qu'inspirent l'enflure et le pouvoir déchu, je proclame LUHACS réélu !

    VOIX OFF (Haut-parleur venu des cintres) : Ici l'Instance... Ici l'Instance... Vous vous payez Ma Très Sainte Tête... Réélire LUHACS est contraire à tout ce qu'il y a de plus honnête en Moi... La Démocratie n'a pas de soutien plus actif que l'Instance... La Fraternité...

    Hourvari généralisé. Hurlements de rire.

    VOIX OFF DE L'INSTANCE : ...l'Antiracisme, c'est Moi ! L'Anti-émeutes, c'est Moi.

    Tous se regardent épouvantés.

    DOUCE, outrageusement fardée : C'est la voix de NOUHAUT !

    SEPHORA : Il fallait s'y attendre.

    DJIWOMM : Pas du tout.

    VOIX DE L'INSTANCE : Je proclame élu NGWADJA, Noir et Balayeur ! Approche, brave négro, toi y en a pas peur – présentez... balai !

    LE ¨PUBLIC : Non ! Non !

    CHAFFE et SOUVY, bouffons, traînent le Noir sous l'œil vertical du haut-parleur à présent descendu des cintres.

    SEPHORA : Un Noir, soit ; mais un balayeur !

    BIFF : Un inconnu !

    DJIWOMM : Un non-diplômé ! (Elle se mord les lèvres – trop tard...)

    LUHACS : Je m'empresse de m'intéresser à tout, de peur de l'intéresser à rien !

    BIFF : Il se réveille...

    VOIX DE L'INSTANCE : Je vais tous vous mettre d'accord...

    Tous se tassent les uns sur les autres, côté jardin. L'INSTANCE EN PERSONNE descend les marches de la cabine de régie. Il ressemble au Bonhomme Michelin.

    DJIWOMM : Je ne le voyais pas du tout comme ça.

    SEPHORA : Ne m'en parlez pas ma chère, je croyais que ce n'était qu'une voix.

    LUHACS tente un bras d'honneur, puis se raffaisse. Absence totale de réaction dans le public.

    L'INSTANCE : Ben alors ?

    L'INSTANCE se débarrasse de tout son attirail boudinant. Il est exactement semblable à quelqu'un dans la rue. Il regagne les coulisses.

    51

    204. Déployez votre esprit, mais ne servez pas d'amusement aux autres ; car sachez bien que, si votre supériorité froisse un homme médiocre, il se taira, puis dira de vous : “Il est très amusant !” terme de mépris.

     

    BALZAC

    “Le Lys dans la vallée”

     

    Le Singe Vert vous présente certains de ses numéros de clown favoris.

    I LES FEMMES

    II L'EDUCATION NATIONALE

    III LE FASCISME DE BASE

    Il ne croit pas un mot de ce qu'il dit. Ou plutôt, il sait qu'il ne fait que le croire. Que la vérité, comme la Vraie Vie, est ailleurs. Et que (Dieu merci) – jamais il ne convaincra personne. C'est pourquoi il ne se gêne pas. Estimant qu'il a passé son indigne existence à se faire ignorer, piétiner, mollarder, il ne se sent tenu à aucun, mais alors absolument aucun respect pour qui que ce soit, surtout pas pour ses lecteurs. Qui d'ailleurs ne payent rien, et reçoivent sa revue ou son torchon à travers la gueule sans l'avoir demandé. Ce que le Singe Vert ne supporte pas, c'est de se voir refusé, ou agressé, alors qu'il agresse les autres. Ce n'est pas logique, mais je vous emmerde.

    Penser que des connasses se sont permis de le menacer de poursuites pour agression, en découvrant – quel scoop ma mère ! - que cette publication était “nulle” et “vulgaire” (la nullité, que je sache, et la vulgarité, n'ont pas encore été cataloguées par nos chieuses de vertu au rang de délits d'Etat, si tous les nuls vulgaires étaient en taule ça ferait du monde) le jette, lui le Singe Vert, dans des rages billieuses. Ce qui l'exaspère encore, c'est l'appel à la logique : pourquoi veut-on à tout prix que je “veuille en venir” à quelque chose, que je “propose” quoi que ce soit, que je “serve” tel ou tel projet ?

    La seule réalité, c'est la mort. Un jour je crèverai, tu crèveras, il crèvera. Et en attendant, le Singe Vert s'agite et pue. Rien de plus banal vous voyez. Mais tous ceux qui se demandent pourquoi le Singe Vert ne ferme pas sa gueule au lieu d'être ordinaire s'agitent eux aussi, au nom d'idéologies ou de larmoiements bien casse-couilles, et n'ont en fait en tête que le projet commun à tout individu de cette putain d'humanité, moi y compris : écraser l'autre, le réduire au silence, en faire son clone ou son “paillasson admiratif, en dépit de toutes ses dénégations. Ce que je veux ? Faire du bruit, semer sa merde, le tout minuscule, en attendant que ça passe. Il paraît que je fais la leçon en détestant les donneurs de leçon. Dont acte.

    Je répète. Ceux qui ont tout compris, je les emmerde.

    Quant à la vulgarité, voici : au commencement, j'étais vulgaire. Je me suis fait rejeter, normal. Je me suis donc mis à la correction. Je me suis fait rejeter. Alors maintenant je suis vulgaire et banal, et bitte, poil, couilles. Très, très banal.

    Ceux qui n'ont rien demandé, ils font comme avec les papiers de pub : direct poubelle. Ou un petit mot de refus, de ceux qu'ils ne se fatiguent jamais à faire pour les entreprises à pub, parce que celles-là, elles sont normales, elles cherchent à vous soutirer de l'argent. La seule chose que le Singe Vert aimerait vous soutirer, ce sont les timbres. Die Briefmarken. Sells. On y va ? Tournez la page. Alors les femmes coco. Croco. Je lis dans le sacro-saint Télérama, rubrique “Courrier des lecteurs” - la plus passionnante : “Où sont passés les hommes ? Ils n'osent plus vous aborder. Ou alors la grosse drague “Tu viens pour le week-end” ? Moi je préférerais tomber amoureuse. Depuis la libération de la femme, je suis toute seule. On en est réduites à draguer nous-mêmes” et autres larmoiements.

    Ma grande, je vais t'expliquer. Depuis qu'on dit aux hommes qu'ils sont emmerdeurs, qu'ils sont chiants, qu'on voudrait bien pouvoir se promener tranquillement dans la rue ; que les mecs c'est tous des violeurs, des tripoteurs de petites filles et des machos qui tapent sur leurs gonzesses. Depuis que des traîtres comme Renaud prétend que nous sommes des manieurs d'armes à feu, des toreros, des guerriers, des SS et j'en passe, eh bien nous nous écrasons, nous nous les écrasons. Je ne vois pas l'intérêt à se faire insulter ou frapper à coups de sac à main dans la rue. Si tu abordes une femme, mon mec, tu risque de te retrouver en prison (harcèlement). Si tu la touches, évidemment – attouchements.

    N'oubliez jamais mes frères le programme des connasses :

    PLUS DE PROSTITUTION

    PLUS DE PORNOGRAPHIE

    PLUS DE SODOMIE

    PLUS DE FELLATION

    PLUS DE PENETRATION

    PLUS D'ERECTION

    FICHAGE DE TOUS LES MECS A L'ADN

    CASTRATION DES GARÇONS A LA NAISSANCE PAR PRINCIPE DE PRECAUTION.

    Vous aurez compris bien entendu que dans les 5 premières propositions, “plus” se prononce [plü], et qu'il s'agit d'abolir, non d'augmenter. Alors pas de quartier. Il n'y a que l'avant-dernière proposition qui m'agréerait : le viol me fait horreur, les types qui font ça ne sont pas des hommes, ils contribuent à détruire l'image du mec – mais comment veut-on abolir le viol et en rester, Mesdames, à la mentalité du XIXe siècle ? Vous haïssez les hommes, vous ne pouvez pas sentir l'acte d'amour, vous appliquez aux hommes exactement la même attitude que celle des antisémites aux juifs : tous les hommes (juifs) sont dégueulasses, excepté MON (meilleur ami juif) mec-à-moi.

    Et à part ça vous vous étonnez de la recrudescence des viols, de la prostition et de la pédophilie tant qu'on y est. Vous dites qu'il est facile de vous obtenir, que vous draguez, que tout cela a bien changé : à d'autres. Vou ssouriez aux mecs, et vous appelez cela “draguer” : personne ne s'y laisse prendre ; aucun homme n'a envie, après avoir répondu à votre sourire, après avoir essayé d'aller un tout petit peu plus loin, de se faire traiter de gros porc- macho, de préférence très fort et en public, du style “Mais où c'qui s'croit çui-là ?”

    Je vais vous raconter une histoire drôle : il était une fois une fille “folle de son corps”, ou du moins qui lefaisait croire. Dès que tu la voyais, tu avais envie de passer avec elle dans uen pièce fermée. Evidemment, les autres femelles la traitaient de pute, alors qu'elles ne lui arrivaient pas à la cheville question beauté. Elle s'habillait à peine, on la sentait prête à faire n'importe quoi. Plusieurs années après, je la revois, élégante, mystérieuse, distinguée, raffinée, grande dame, carrément intimidante. Une amie me dit : “Ah ! La voilà bien mieux tout de même ! de la classe, du

    maintien, une vraie femme ! Tu ne la préfères pas comme ça, Bernard Singe ?

    Non. Je la préférais en pute. Parce que c'était bien franc, bien affiché, on pouvait y aller, c'était franc, sans bavure. Tandis que dans son nouveau et je le crains définitif avatar, elle était devenue comme toutes les autes femmes : aguicheuse, sensuelle, provocattrice, vamp, mais surtout ! Surtout ! Surtout ! ON NE TOUCHE PAS. On respecte. On voit de loin. On en pense pas à ça. Est-ce qu'elle pense à ça, elle ? Pas du tout. De quoi tomber amoureux fou. L'oeil, la chevelure, la douceur, le caractère, le coin des lèvres, le fond de teint, la féminité exquise, mais surtout : ON NE TOUCHE PAS. Respectable on vous dit. Plus question de faire l'amour. Une femme, une vraie. Qui inspire les passions et ne les ressent pas.

    La femme gère sa sexualité. Très tôt elle apprend à faire l'amour quand elle veut, quand il le faut, jamais en fonction d'une impulsion. Parce que si impulsion, un gosse à la clef. C'est risqué d'être une femme. T'avais oublié ça. QUANT A ETRE AMOUREUX MA VIEILLE, c'est bien simple : LES FEMMES VEULENT LE BEURRE ET L'ARGENT DU BEURRE. ETRE PROMUES SOCIALEMENT CERTES, MAIS AUSSI PROFITER DE TOUTES LES PETITES ATTENTIONS, MENER PAR LE BOUT DU NEZ UN HOMME A TRAVERS TOUT CE DEDALE DE VULGARITES ET DEMESQUINERIES QU'ELLES APPELLENT L'AMOUR ? Et qui pouvaient se comprendre LORSQUE LE CODE INTER-SEXES S'APPLIQUAIT HARMONIEUSEMENT. MAIS COMMENT VOULEZ-VOUS TOMBER AMOUREUX D'UNE FEMME QUI N'A PLUS LE MOINDRE CARACTERE ATTIRANT, DONT ON SAIT QU'ELLE VOUS ATTEND AU TOURNANT POUR VOUS PROUVER SOIT SA SUPERIORITE, SOIT SON CARACTERE DE VICTIME, DE VICTIME, DE VICTIME ? ... DES HOMMES BIEN ENTENDU.

    ET C'EST VRAI IL Y EN A ENCORE? EN PAGAÏE. MAIS MERDE? CE N'EST TOUT DE MËME PAS MA FAUTE A MOI QUI AIMERAIS TOUT SIMPLEMENT AVOIR CONFIANCE... ADIEU LA CONFIANCE, “ADIEU TOUTES LES FEMMES” COMME DISAIT LE REFRAIN...

     

    2È article, 2E NUMERO DE CLOWN : L'EDUCATION NATIONALE

    J'EN AI ECRIT DES CONNERIES LA-DESSUS AUSSI .MA DERNIERE

    TROUVAILLE ? LA VOICI : SUPPRESSION DE L'OBLIGATION DE SCOLARITE.

    DANS “TELERAMA” - ON SE SIGNE - ON EST TOUJOURS EN RETARD D'UNE GUERRE:

    IL FAUT” REPETE, RADOTE UNE VIEILLE BARBE STYLE JULES FERRY, “QUE LES FILS D'OUVRIER ET DE PAYSAN” - C'EST QUOI PAPA UN OUVRIER, UN PAYSAN ? - “PUISSENT AVOIR ACCES A LA CULTURE.” MAIS MON PAUVRE POTE ! Tu prends le problème à l'envers ! Les fils disons de chômeurs ou de blaireaux de banlieue ils n'en ont plsu rien à foutre maintenant de Victor Hugo ou de Jean-Paul Sartre : ILS VEULENT NE PLUS RIEN FOUTRE ! DU TOUT , DU TOUT, DU TOUT ! VENDRE DE LA CAME A LA RIGUEUR ! DEVENIR ZIDANE A LA RIGUEUR ! MAIS SANS AVOIR RIEN FOUTU ! ET CEUX QUI NE PENSENT PAS COMME EUX, ILS LES PERSECUTENT ! LE PETIT ELEVE PORTOS OU ARAMIS QUI VEUT TRAVAILLER, IL SE FAIT RETOURNER SON CARTABLE, CACHER SES AFFAIRES, PISSER DANS SES BOUQUINS ! ALORS QU'EST-CE QU'ILS VIENNENT FAIRE EN COURS, CES PETITS CONS-LA, A PART LE SABORDER ? A L'USINE ET VITE ! AU PATRON, COMME AU TAUREAU, ET VITE ! A BALAYER LA COUR A COUPS DE PIED AU CUL !

    ET IL LE RESPECTERA LE PATRON ! AUTREMENT QU'UN CONNARD DE PROF MEME PAS FOUTU DE GAGNER QUATRE MILLE EUROS EN FIN DE CARRIERE ! PARCE QUE LE PATRON C'EST LUI QUI DONNE LE HHHARGENT ! C'EST CA QU'IL FAUT RESPECTER, LE HHHARGENT ET CELUI QUI LE DISTRIBUE ! QUELQU'UN QUI EST ASSEZ DIMINUE DU CERVELET POUR ALLER DIRE A SON PROF QUE “LUI, IL EST PAYE” ALORS QUE L'ELEVE NON, SANS SE RENDRE COMPTE QUE C'EST LA FRANCE ENTIERE QUI SE COTISE POUR LUI PERMETTRE D'ALLER A L'ECOLE, DEHORS !

    TIENS JE T'ENVERRAI TOUT ÇA AU BURKINA-FASO MOI, AUX SYNDICALISTES BELANTS ÇA NE LEUR FERAIT PAS DE MAL NON PLUS, DES

    classes DE 90 MOMES QUI ECOUTENT LEUR PROF EN SILENCE SOUS DES HANGARS OUVERTS, JE T'EN FOUTRAIS DES EFFECTIFS SURCHARGES MOI, ET QUI ONT ENVIE DE TRAVAILLER PARCE QUE SINON C'EST LA FAMINE... QUI PLEURENT PARCE QU'ILS N'ONT PAS PU SE FAIRE INSCRIRE ! TOUS LES FOUTEURS DE MERDE DE BANLIEUE, ALLEZ HOP ! AU BURKINA FASO, EN MAURITANIE ! ILS VERRAIENT UN PEU LEUR PETITE PR2TENTION, LEUR PETIT RIDICULE ! Y A QU'A ! FAUT QU'ON ! SEULEMENT, TOUS LES BIEN PENSANTS VONT SE RECRIER ! PRIVER LES ENFANTS DU PPPEUPLE DE L'EEEDUCATION ! SACRILEGE ! FASCISME !

    TOUT LE MONDE S'EN TOUT DE L'EDUCATION MON POTE ! LES PROFS NE VEULENT PLUS RISQUER LEUR SANTE AVEC DES CLASSES DE MALADES MENTAUX, DE

    PETITS VIEUX, DE CASSEURS DE GUEULE ! J'entendais dans une bouquinerie que le jour où ils ne voudraient plus enseigner “Ce serait fini” : mais c'est déjà fini ! LES ENSEIGNANTS SE METTENT EN GREVE DES SEMAINES DURANT A PRESENT, ET L'ETABLISSEMENT NE TOURNE PAS PLUS MAL ! SIMPLEMENT LES PARENTS D'ELEVES NE SAVENT PLUS OU PLACER LEUR PROGENITURE !

    ESSAYEZ VOIR DE FAIRE GREVE TROIS SEMAINES SI VOUS ETES EBOUEUR, LA VOUS LES VERREZ VITE SATISFAITES VOS REVENDICATIONS ! VIDER LES POUBELLES, VOILA DE L'INDISPENSABLE ! MAIS FAIRE LE PROF, OUAH MINABLE ! SI AU MOINS LES SALAIRES ETAIENT EN CONSEQUENCE ! AU LUXEMBOURG ILS EMBAUCHENT A 3000 EUROS, ILS FINISSENT A 7000 ! EN FRANCE, APRES BAC PLUS SIX, ILS SONT PAYES COMME A BAC PLUS DEUX EN BOITE ! JE M'EN PASSERAIS BIEN DES VACANCES MOI ! SI JE POUVAIS GAGNER PLUS ! TOUS CES CONS QUI ME SUSSURRENT L'AIR NIAIS : “ALORS, ENCORE EN VACANCES ?” ... ET QU'EST-CE QUE VOUS CROYEZ QUE JE FOUS PENDANT MES VACANCES BANDE DE CONS ?

    QUE JE VAIS A LA PECHE , QUE JE JOUE AUX BOULES ? ÇA NE VOUS VIENT PAS A L'IDEE QUE JE LIS, QUE JE LIS, QUE JE LIS, QUE J'ECRIS, QUE JE COMPOSE PARFAITEMENT POUR SAVOIR DE QUOI JE PARLE QUAND JE JACTE LITTERATURE ? UNE DE MES COLLEGUES M'APREND QU'AU COSTA-RICA ILS FONT 40 HEURES DE COURS PAR SEMAINE ! MAIS AU BOUT D'UN AN T'ES FOUTU, QU'EST-CE QUE TU VEUX LEUR TRANSMETTRE A TES GOSSES SI TU ES TOUJOURS A FAIRE COURS ? QU'EST-CE QUE TU AS EU LE TEMPS DE LIRE, D'ECOUTER, DE VOIR AU CINE ? RIEN, QUE DALLE.

    PARCE QUE JE VAIS VOUS DIRE MOI : LES AUTRES METIERS, QUI TRAVAILLENT

    PARAIT-IL BIEN PLUS QUE VOUS, ILS SE COMPTENT LES HEURES DE TRANSPORT PARMI LES HEURES DE TRAVAIL ! ET CELLES DES “REPAS D'AFFAIRES” ! BEN MERDE ALORS ! MOI AUSSI JE VAIS ME COMPTER LES REPAS, ON Y PARLE D'ELEVES ! ET LES TRANSPORTS ! COMME LES AUTRES ! ET CEUX QUI VIENNENT ME DIRE QUE LES MEDECINS TRAVAILLENT UN TEMPS FOU (C'EST VRAI D'AILLEURS, ET HOMMAGE A EUX) – ET QU'EN PLUS, VOUS AVEZ BIEN LU, EN PLUS, ILS SE METTENT AU COURANT DES DERNIERES TECHNIQUES ET DU DERNIER ETAT DE LA RECHERCHE MEDICALE !

    FAUX COCO : POUR ÇA ILS ONT DES STAGES. AUTREMENT QUAND EST-CE QU'ILS AURAIENT LE TEMPS DE BOUFFFER, DE PISSER, TES FAMEUX MEDECINS SUPERMAN ? JE REFUSE DE PARLER D'ENSEIGNEMENT AVEC QUELQU'UN DONT CE N'EST PAS LA SPECIALITE. RIEN DE PLUS EXASPERANT QUE D'ENTENDRE CES BRAVES CONS DE CITOYENS LAMBDA QUI T'APPRENNENT COMMENT TU DOIS FAIRE COURS, PARLER AUX ELEVES ET MAINTENIR LA DISCIPLINE ! Et qui te traitent de feignant par-dessus le marché ! Ah ! Le jour où j'interdirai aux masses turbe-inantes l'accès à la culture, le beau tollé que ça sera parmi les intello de broussailles ! ...LES AUTEURS D'ARTICLES HUMANISTES DE TELERAMA ! LES GENSSES DE GOCHCHE ! ...ET LE SOULAGEMENT CHEZ LES CANCRES ! PLUS DE BOUQUINS OUAH LE PIED LA PUTAIN DE TA MERE ! PEUT-ETRE D'AILLEURS QU'ILS VONT S'Y RUER ? PARCE QUE JUSQU'ICI ON S'Y RUE PEU ! ET SI JE PROPOSE DE REMPLACER NE SERAIT-CE QUE LA MOITIE DES EMISSIONS DE TELE COMPLETEMENT CONS PAR DES EMISSIONS CULTURELLES, POUR COMPENSER LA RUINE PROGRAMMEE DE L'ECOLE, ALORS LA ! ALORS LA ! CE SERA TOUT LE GRATIN DE LA MEDIOCRITE QUE JE VAIS AVOIR SUR LE DOS !

    TOUS CEUX QUI PRETENDENT QUE SI LE PEUPLE TE DEMANDE DE LA MERDE TU DOIS LUI DONNER DE LA MERDE AU NOM DE LA DEMOCRATIE ! ALORS QUE LE PEUPLE EST TELLEMENT JE NE DIS PAS CON MAIS MOU, SUIVISTE, MOUTONNIER, QUE SI ON LUI DONNE TOUS LES SOIRS DU SHAKESPEARE, DU BEETHOVEN ET DU FOUCAULT (MICHEL, PAS L'AUTRE) – EH BIEN IL S'Y FERA ET EN REDEMANDERA ! A CONDITION BIEN SUR QU'IL N'Y AIT PAS (ET IL Y AURAIT, HELAS) TOUTE UNE CAMPAGNE DE PRESSE DENONÇANT LES INTELLECTUELS SALONNARDS, PARCE QUE LE PEUPLE EST TELLEMENT CON N'EST-CE PAS QU'IL N'Y A QUE LES INTELLOS SALONNARDS POUR APPRECIER BALZAC OU LIGETI !

    LES HOMMES DE TELE SE COMPORTENT EXACTEMENT COMME DES PARENTS QUI REFUSERAIENT D'APPRENDRE A LEURS ENFANTS A MARCHER, A PARLER OU A CHIER AU POT SOUS PRETEXTE QUE ÇA LEUR COUTERAIT DES EFFORTS AUX PAUVRES CHERIS, ET QUI LAISSERAIENT DEMOCRATIQUEMENT LEURS ENFANTS SE TRAINER A QUATRE PATTES DANS LEUR MERDE...

    III LE FASCISME DE BASE

    TO BE OR NOT TO BE AMERICAN. LE SINGE VERT SOUTIENT ISRAEL. ET TOC. IL EST REPUGNE JUSQU'AU VOMISSAGE DE TRIPES PAR LES ATTENTATS-SUICIDES, QUI ENTRE PARENTHESES NE SONT PAS DU TOUT L'EXPRESSION D'UN DESESPOIR INCONTROLABLE, MAIS UNE MANIPULATION PARFAITEMENT MISE AU POINT SUR LE DOS DE QUELQUES NEVROSES FANATIQUES : VOUS EN AVEZVU BEAUCOUP VOUS D'ATTENTATS-SUICIDES PENDANT L'ATTAQUE DES TROUPES AMERICAINES ? ...NON. Les Palestiniens faisaient bien trop petit cul. Ce n'était pas le moment de se faire sauter. J'ai la flemme de développer ici, mais je crois que les Ricains feraient aussi bien de renverser trois ou quatre régimes dictatoriaux dans le secteur, évidemment ça fera des morts Coco, sous les bombes allées à Dresde et Hiroshima aussi il y avait des femmes et des enfants qui n'avaient rien fait ni demandé, mais on ne parle que des Japonais, qui avaient pourtant un régime largement aussi terroriste que celui de Hitler (100 000 fusillés à Nankin en 1938).

    JE VOIS TRES BIEN L'US ARMY PATROUILLER DANS LES RUES DE DAMAS, AMMAN ET JERUSALEM POUR FAIRE REGNER L'ORDRE, UN COUP DE PIED AU CUL A SHARON UN AUTRE A ARAFAT OU A CE QU'IL EN RESTE, ET IMPOSITION D'UN TRAITE DE PAIX. ON N'A PAS FAIT AUTREMENT APRES LA GUERRE 40 : LES ALLEMANDS D'UN COTE, LES POLONAIS DE L'AUTRE ET LES TCHEQUES DANS LE TROISIEME COIN, CE QUI DONNE BEAUCOUP DE MORTS ET DE SOUFFRANCES, SEULEMENT MAINTENANT CHACUN RESTE TRANQUILLE DANS SON COIN.

    JE PREFERE MILLE FOIS L'AMERICAN WAY OF LIFE AU MUSLIM WAY (“FAÇON DE VIVRE MUSULMANE) . D'ACCORD, QUAND TU N'ES PAS EN PHASE AVEC LE JOURNAL RICAIN QUI T'EMPLOIE TU TE RETROUVES AU CHOMEDU, MAIS SI TU ETAIS EN ALGERIE MON POTE, TU AURAIS DEUX BALLES DANS LA TETE, ENCORE HEUREUX SI TU ECHAPPES A LA TORTURE PREALABLE. ET GUEULEMENTS D'EXTREME-GAUCHE OU PAS, JE PREFERE ETRE CHOMEUR QUE MORT.

    LES PALESTINIENS NE SONT DANS LEUR IMMENSE MAJORITE QU'UNE MASSE INCULTE, QUI APPRENNENT ESSENTIELLEMENT DANS LEURS ECOLES CORANIQUES A DISTINGUER UN JUIF VIVANT D'UN JUIF MORT (ETC. ETC. ETC.) Telles sont donc les élucubrations habituelles du Singe Vert, qui viennent de paraître effroyablement répétitives à ceux qui le lisent habituellement, et horribles à d'autres qui découvrent ce caca vomitif.

    RELISEZ DONC L'AVANT-PROPOS ÇA NOUS FERA DU BIEN A TOUS.

    Bientôt, un numéro littéraire. Ouf.

    Ecrit en majuscules par incapacité du rédacteur à éliminer ces petites chenilles rouges si exaspérantes.

    Quand on ne sait pas se servir d'un ordinateur on ne publie pas.

    Ta gueule.

    L E S I N G E V E R T D E R G R Ü N E A F F E 52

    TI SENTO

     

     

     

    283. Presque toutes les fictions ne consistent à faire croire d'une vieille rêverie qu'elle est de nouveau arrivée.

    André MALRAUX Préface aux Liaisons dangereuses

     

     

    Collé au mur Boris Sobrov tend l'oreille, ce sont des frôlements, des pas, un robinet qu'on tourne, une porte fermée doucement - parfois, sur la cloison, le long passage d'une main. Le crissement de l'anneau sur le plâtre. Un froissement d'étoffes, presque un souffle - une chaleur ; puis une allure nonchalante qui s'éloigne, vers la cuisine, au fond, très loin, des casseroles. Un bruit de chasse d'eau : une personne vit là seule, poussant les portes, les tiroirs – il glisse plus encore à plat, à la limite du possible, sa joue sur le papier peint gris, mal tendu au-dessus de l'oeil droit : il voit d'en bas mal punaisées une vue gaufrée de Venise, « La Repasseuse » à contre-jour.

    Boris habite un deux pièces mal dégotté, au fond d'une cour du 9 Rue Briquetterie sans rien de particulier sinon peu de choses, des souvenirs de vacances posés dans l'entrée sous le compteur et soudain comme toujours la cloison qui vibre plein pot sous la musique le tube de l'été OHE OHE CAPITAINES ABANDONNES toute la batterie dans la tronche il est question de capitaines, d'officiers trop tôt devenus vieux abandonnés par leurs équipages et voguant seuls à tout jamais, suivra inévitablement LA ISLA ES BONITA en anglais scandée par Madona - les plages de silence sur le vinyl ne laissent deviner ni pas de danse ni son d'aucune voix parole ou chant.

    D'autres Succès 86 achève la Face Un, Boris a le temps de se faire un café, d'allumer une Flight ; la tasse à la main, il fait le tour de son deux pièces, jette un œil dans la cour, le jour baisse, ce n'est pas l'ennui, mais la dépossession, comme de ne pas savoir très bien qui on est. Sur la machine à écrire une liste à compléter. Boris s'est installé à Paris depuis quinze ans, il s'y est marié, y a divorcé, n'a jamais donné suite aux propositions des Services. La naturalisation lui a donné une identité : né le 20-10-47, 1,75m - petit pour un Russe - , teint rose, râblé, moustache intermittente.

    - Les exilés attendent beaucoup de moi.

    - Tu es Français à présent.

    Un jour Macha je t'emmènerai en Russie.

    Mon frère m'écrit d'Ivanovo.

    - Je ne l'ai jamais vu.

    - Moi-même je ne le reconnaîtrais pas.

    Boris tire sur sa cigarette. Le mur de la chambre demeure silencieux. D'ici la fin de la semaine il aura trouvé un logement pour un dissident. Ici ? Impensable. Trois ans écoulés depuis ce divorce. Où est Macha? ...trois ans qui pèsent plus que ces vingt-cinq lourdes années de jeunesse, grise, lente, jusqu'à ce jour de 73 où il a passé la frontière, à Svietogorsk Le voici reclus rue de M., à deux pas de Notre-Dame de Lorette., tendant l'oreille aux manifestations sonores d'une cloison - qui habite l'autre chambre? il n'y a pas de palier ; ce sont deux immeubles mitoyens ou plutôt, car le mur est mince, deux ailes indépendantes qui se joignent, précisément, sur cette paroi.

    Pas de fenêtre où se pencher.

    Ce n'est pas un chanteur, ce n'est pas un danseur, ce n'est pas un écrivain, il ne fait pas de politique et ne sait pas taper à la machine.

    C'est une femme.Un homme roterait, pèterait. C'est une jeune fille, qui fait toujours tourner le même disque. Elles font toutes ça : quand un disque leur plaît, elles le passent toute la journée. Les mêmes rengaines, deux fois, dix fois. Boris n'ose pas frapper du poing sur la cloison : A, un coup, B, deux coups, le fameux alphabet des prisonniers - il ne faut pas imaginer. «Je ne connais pas le sexe de cette personne » répète Boris. « Capitaines abandonnés ». « La Isla es bonita ». Et pour finir, toujours, en italien, « Ti sento ». "Ti sento tisento ti sento" sans reprendre souffle - la Voix, voix de femme, la ferveur, le son monté d'un coup, « ti sento - je t'entends - je te comprends"- ti sento - la clameur des Ménades à travers la montagne, le désespoir - la volupté - l'indépassable indécence - puis tout s'arrête – la paroi.grise - le sang reflue.

    Déperdition de la substance.

    Mais cela revient. Cela revient toujours. TI SENTO c'est toi que j'entends toi qu'à travers ta voix je comprends tu es en moi qui es-tu. Il est impossible. Boris frappe au mur, se colle au plâtre lèvre à lèvre, mais on ne répond pas, mais on ne rompt pas le silence, Boris halète doucement, griffe le mur : « C'est la dernière fois. » Il se rajuste plein de honte, se recoiffe, jette un œil en bas dans la cour : c'est l'heure où sur les pavés plats passe en boitant une petite fille exacte aux cheveux noirs, son cabas au creux du bras ; Boris renifle, se lave les mains, se taille un bout de fromage, la fillette frappe et entre.

    - Bonsoir Morgane dit Boris la bouche pleine.

    - Tu le fais exprès d'avoir toujours la bouche pleine?

    Elle pose le cabas sur la table : « C'est des poireaux, des fromages, une tarte aux pommes, un poulet ; des bananes. Ça ira? »

    C'est une gamine de dix ans, la peau brune, la frange noire et les dents écartées. « Comment va ta mère? - C'est pas ma mère, c'est la concierge. Aide-moi à décharger. Tu te fous l'estomac en l'air à bouffer ce que tu bouffes. » Boris fait semblant de se vexer. Marianne (c'est son nom) passe toujours le cinq-à-sept chez la mère Vachier, à la loge, en attendant que sa mère sorte du travail. La gamine fait les courses en échange d'une heure de maths. Voilà qui est convenu. « Qu'est-ce que tu m'apportes aujourd'hui?

    - Le quatre page cent.

    - Vous avancez vite!

    - La prof a dit "Ça vous fera les pieds".

    Boris se plonge dans les maths et dans la cuisine, à même la table – à chaque fois le même jeu, la vue de la bouffe lui met les crocs. «  Tu ne peux pas éplucher tes poireaux ailleurs ? ça pique les yeux.

    Soit un carré A B C D , une sécante x, une circonférence dont le centre... « c'est horrible, tu es sûre que c'est au programme?

    - Punition collective. Moi j'ai rien fait.

    - Ca m'étonnerait.

    Marianne attaque une banane. Boris prépare une vinaigrette, tache le bouquin , jure en russe, écrit d'une main et s'enfonce la fourchette de l'autre.

    - Tu pourrais fermer la bouche quand tu manges.

    - Un peu de poireau?

    - Après ma banane?

    Boris s'étrangle de rire.

    - T'es franchement dégueulasse, Boris. T'as fini au moins?

    - Sauf la troisième question.

    - Tant mieux, elle croira pas que j'ai pompé.

    Boris ne comprend toujours pas pourquoi Marianne tient absolument à lui proposer des problèmes de maths.

    Et tes quatre en français? - Je sais tout de même mieux le français qu'un Russe.

    Même pas. »

    Marianne engloutit un yaourt. « Pour une fois » pense Boris « elle ne m'a pas dit T'es pas mon père" pense Boris.

    Marianne se penche sur l'ordinateur : « Qu'est-ce que c'est que tous ces noms à coucher dehors? - C'est la liste de tous les émigrés russes de Paris. - A quoi ça te sert ? - L'association verse de l'argent aux plus nécessiteux. - Aux plus pauvres?...C'est tous des pauvres? 

    J'appuie sur le bouton? - elle appuie sur le bouton. Deux heures de travail perdues. Boris l'engueule. Ils se séparent fâchés comme d'habitude.

    X

     

    Le travail à domicile permet de choisir l'heure de son lever. Boris ne dépasse jamais huit heures - la robe de chambre, les bâillements, la barbe qui tire ; le placard, le bol, la cafetière, le réchaud. Un yaourt pour commencer, surtout pas de radio. Les biscottes, le café bu bruyamment, ramassage de miettes, envie de pisser - un homme très ordinaire, en Russie comme à Paris. A huit heures et demie, de l'autre côté du mur, il, ou elle, s'éveille. Pas de bâillement, pas de chanson, pas de jurons, juste des pieds qui se posent, des pantoufles qui s'agitent, un pas léger vers les toilettes.

    Comme la porte est fermée, on ne peut pas distinguer si c'est le jet d'un homme ou d'une femme. Les coups de balai, dans les plinthes, ne prouvent rien non plus : il existe des petits nerveux, soigneux comme des femmes, qui font le ménage tous les jours. Sans oublier la toilette du matin, sans exception, même le dimanche : eau chaude, eau froide ; puis le petit-déjeuner : cette personne mange après s'être lavée. Logique. Le bol, la cuillère, le raclement dans le beurrier en fin de semaine, jusqu'à la fermeture caoutchoutée du réfrigérateur : aucune différence d'une cellule à l'autre ! ces bruits-là passent les murs. Pas les voix. Puis le claquement exaspérant des quatre pieds de chaise. Mais il y a des femmes brusques.

    Et le déclenchement des crachouillis du transistor. Indifféremment des infos, de la pub, de la musique de bastringue, du boniment de speaker. Inutile de coller l'oreille au mur. D'un coup tout s'éteint, la vaisselle dans l'évier d'alu, les chaussures qu'on enfile - pas de hauts talons - pas de clé qui tombe, pas de juron - pas de monologue – pas de sifflotement - la porte claque. Boris peut enfin procéder à ses ablutions. Un soir, Boris perçoit un cliquetis étouffé‚ la clé tourne, le battant s'ouvre, des voix se mêlent dans le vestibule - ce doit être un vestibule – vite un bloc-notes : un homme, une femme.

    Qui invite l'autre?

    Chacun ôte son manteau ; que se disent-ils? des choses gaies, des choses quelconques. Boris s'appuie si fort que son coeur doit s'entendre, ou le plâtre se fendre. Les répliques se chevauchent, un homme, une femme, peut-être homosexuels tous les deux, Boris ne désire rien d'autre qu'une conversation banale, mais enfin compréhensible - « Je ne suis pas un espion soviétique » - répète-t-il entre ses dents. Les intonations sont franches. Il existe entre les deux êtres une forte intimité. Mais toujours un bruit parasite (chaise heurtée, glaçon frappant le verre) embrouille les phrases à l'instant précis où les syllabes se détachent.

    L'homme et la femme se séparent. L'homme répond en mugissant du fond des toilettes; il ssont décidément très intimes - la femme répond de la cuisine. Puis l'homme se lave les mains, la voix de femme plus étoufée répond d'une chambre. Voilà une disposition de pièces facile à déduire : de l'autre côté du mur, ce serait la cuisine, plus au fond donc - les toilettes (bruit de chasse d'eau), la chambre à gauche avec son petit cabinet de toilette (des flacons qui s'entrechoquent). Boris esquisse un plan. Au nombre de pas, le logis mitoyen ne doit pas être beaucoup plus grand que le sien ; quand le couple élève la voix, Boris comprend qu'ils se tutoient ; il se félicite de n'avoir jamais introduit de femme chez lui – à présent ils se sont rejoints dans la chambre. Le reste va de soi. Tout cependant n'est pas si facile. Il y a discussion. L'homme exige des preuves. La femme proteste et veut se laisser convaincre. C'est la première fois qu'ils couchent ensemble. Dans ce cas de figure c'est la femme qui reçoit ; mais elle peut être venue sans préméditation. Quoique. Le ton monte. On se bat. « Suffit! » gueule Boris. On ne l'entend pas. Bon sang ils se foutent dessus. C'est un viol. Par où entre-t-on chez ces gens-là ? Il passe la main sur le combiné - des rires, à présent. « J'aurais passé pour un imbécile. ». La lutte s'affaiblit.

    Ça devient autre chose. Evidemment. Mais le lit a beau lancer du fond de son appartement toute une rafale de grincements, les deux salauds peuvent bien se tartiner des couches de gueulements à travers la gueule, la quique à Boris continue à pendouiller. Quand ils se sont relevés, lavés, rhabillés, quittés, Boris bande d'un coup, se précipite à la vitre et se reprend juste à temps pour ne pas soulever le rideau. De sa fenêtre il n'aperçoit que la cage d'escalier de l'autre aile d'immeuble : d'en bas, les jambes - de face, le buste sans la tête, d'en haut, les crânes. Le soir (la scène se répète le lendemain, mais impossible de savoir qui de l'homme ou de la femme, reste sur place...) il faut compter avec les irrégularités de la minuterie, réglée très serrée ; ce n'est pas facile.

    D'après la disposition des lieux, l'Occupant Contigu tient donc dans un deux-pièces au troisième, avec un retour peut-être sur la droite ; même en passant la tête et tout le torse par la fenêtre, l'alignement du mur interdit toute vision. Boris imagine un invraisemblable jeu de miroirs, de périscopes, de potences orientables. En tout cas le vingt-quatre avril, dans l'immeuble d'à côté, la loge sera vide ; tout fonctionnera au Digicode - bientôt il faudra réintroduire les concierges dans Paris comme les lynx dans les Vosges. La mère Vachier fait la gueule à tout hasard, garde la petite Marianne et refuse toute collaboration : « A côté? c'est l'interphone. » Démerdez-vous. « Code BC24A. » Boris n'a rien demandé.

    Il n'a même pas posé de questions sur la petite fille. « C'est une voisine, comme ça. ». La portière a besoin de se confier. De l'autre côté de la cour se trouve une deuxième cage d'escaliers aux vitres encore plus sales encore. Moins animée. Boris n'y regarde jamais. « Tu as peut-être tort » suggère Marianne- Boris aussi a besoin de se confier. Tous les soirs avant la télé- on n'entend plus rien,a-t-il – a-t-elle – déménagé ? - Boris s'assoit devant la fenêtre la tête dans l'ombre et observe le défilé des locataires ou visiteurs. Ça monte, ça descend, avec des arrêts dans le trafic, des reprises, des précipitations,des temps morts ; des crânes sautillent de marche en marche, des mollets s'embrouillent, des jupes, des pantalons, des profils : graves, riants, tendus, le plus souvent sans expression. Il y a des hommes qui se grattent le cul, des femmes qui se sortent la culotte de la raie ; personne ne se raccroche du bras, ni ne s'arrête pour bavarder. Normal. Les clients de la psy du troisième se succèdent exactement dans le même ordre. Notaire au deuxième droite. Une manucure, le détective - au n° 26 donc, juste à droite en sortant – là où précisément l'inconnu ou toute nue fait son nid - il ou elle est revenu(e), les habitudes sont les mêmes, les disques aussi : « "Ti sento", le rock italien, à intervalles réguliers.

    Peut-être un peu moins souvent. Boris guette. Il note dans le noir sur ses genoux. Le carnet comprend une feuille par nom : "A-X", « Tête à l'Air", "l'Oignon Bleu". Ou bien  François Debracque, Aline Aufret, Gérard Manchy : les symboliques, les sobriquets, les noms communs. Pas un russe. Plus de femmes que d'hommes , aucune vraiment qui plaise. « Tu connais bien des bonnes femmes à ton boulot, dit Marianne. Pourquoi tu ne les dragues pas? » Boris a du mal à expliquer que ces femmes-là, justement, à l'Institut Pouchkine, ne se soucient pas de flirter ; elles suspendent leurs organes génitaux aux patères. Ou c'est tout comme. Maintenant c'est Marianne qui mate ; elle soupèse les femmes : « ...Pas mal..Un peu forte. - Et les hommes ? - Tu deviens pédé ? - Je veux savoir qui habite à côté ; il n'y a plus de concierge. » Marianne redouble d'attention. « Mais tu connais tout le monde, Marianne – non ?

    - Pas du tout - ce cul ! - eh, mes maths?

    - Plus tard.

    - Je reprends le cabas.

    - Garde un éclair pour toi, n'oublie pas l'huile la prochaine fois.

    - Ciao.

    Boris joue le tout pour le tout. Il va se poster, sans se montrer, sur le trottoir, tout près de la porte ; le code est faux ; alors il se glisse derrière un locataire qui lui tient la porte. Il voit tous les noms d'un coup sur les boîtes aux lettres : des Italiens, des Français de Corse, des Bretons. Un certain Dombryvine. Abdelkourch. Lornevon. Le courage lui manque ? non, l'idée même de monter au troisième – "bon sang, c'est trop stupide, j'y vais" - mais dans le couloir, là-haut, les portes sont anonymes ; la minuterie allume sur le bois des lueurs de montants de guillotine. Boris redescend très vite dans le noir en s'insultant ; il aura mal retenu la disposition des lieux. Mais le lendemain, il récidive. La rue grouille. Le même homme lui tient la porte. Cette fois il s'attarde : au troisième – ni médecin donc, ni voyante, rien de ce qui se visite – il distingue vers le fond une fenêtre sale : exactement dans l'angle mort de sa fenêtre à lui. Impossible de voir ; de retour au 24, Boris fait son croquis : appartement 303.

    Manque l'âge, le nom, le sexe. Le sexe manque. Ne pas lâcher prise. “Qu'est-ce que tu lui veux à Madame Vachier ? - Juste parler avec elle. Tu vas aussi lui demander ce qu'elle pense de moi, d'où je viens, qui c'est ma mère... - Ce ne serait peut-être pas inutile. Tu veux savoir qui habite à côté  ? Tu manques de femme?... - Il y a toi. - Cochon. - Je ne veux pas que tu ailles chez la concierge. - Moi aussi je manque de femme. - Elle est grosse, elle est moche, elle est mariée, dit Boris. Il va voir le mari de la concierge. C'est un Alsacien à gros ventre et bretelles, loucheur, boiteux ; Boris met au point une histoire à dormir debout : « Je suis fonctionnaire à l'immigration ; la locataire - il choisit le sexe - du 237 n'est pas en règle. » Monsieur Grossmann - il ne porte pas le même nom que sa femme - est l'honnêteté même. « Pourriez-vous me prêter dit Boris votre passe ? je suis sûr d'avoir oublié mon portefeuille chez Madame Schermidtau 237...

    - Vous connaissez son nom?” Le souffle coupé, Boris voit le concierge détacher du clou le grand anneau qui tient les trente clés plates. «.C'est elle gui remplace M. Laurent ?” Boris acquiesce, la boule dans la gorge. « Je vous accompagne. » Grossmann est bavard. Il faisait partie des "Malgré Nous" sous le Troisième Reich. Il en est miraculeusement revenu. Il aime bien raconter. Le portail vitré du 26 s'ouvre sans effort : « J'ai le même passe que le facteur » dit Grossmann.Boris monte les étages avec le boiteux. « Dix ans qu'on attend l'ascenseur...Regardez l'état de la moquette... - Il faut bien que les escaliers servent à quelque chose." Vous dites des conneries, Monsieur Grossmann. Voici la porte ouverte. Boris écarquille les yeux et grave tout dans sa tête : le corridor de biais, très court, très étroit, vers la gauche ; trois portes ouvertes, la salle à vivre claire, avenue Gristet, bruyante; la chambre au fond, sombre, retirée - « salle de bain, cuisine » dit le portier - « je vois bien » dit Boris. Difficile après cela d'imaginer, de l'autre côté, son propre foyer, solitaire – il ne ressent pas son appartement – où est-ce qu'il colle-t-il son oreille? Très exactement ? ...Ça n'a pas du tout la forme d'un L... Boris ne cherche rien. Il ne bouge pas. Grossmann comprend ; il reste en retrait, muet. Trop d'immobilité, trop de respect dans le corps du Russe lorsqu'il s'approche enfin des étagères et lit les titres lentement, le "Zarathoustra" de Nietzsche, "l'Amour et l'Occident", « Deutsches Wörterbuch », « A Rebours" de Huysmans, un Traité de Diététique – une Bible - quelques ouvrages sur le vin.

    Une collection de "Conférences" des années trente - dis-moi ce que tu lis...? La penderie est restée ouverte ; ils y voient une proportion égale de vêtements féminins et masculins - chacun sa moitié de tringle : des habits soignés, sans originalité excessive. Revenant au salon à pas précautionneux Boris aperçoit contre son mur un tourne-disque. J'aurais dû commencer par-là. Sur la platine "Ti sento", rock-pop italien. Boris coupe le contact; le voyant rouge s'éteint. Qui relèverait mes empreintes ? La pochette, luisante, à l'ancienne, représente une femme fortement décolleté‚ cuisses nues, décoiffée, en justaucorps lamé. «Madame Serschmidt ne vit pas seule, dit le concierge. Boris a inventé ce nom. Il s'informe gauchement (« Reçoit-elle des visites ») - Vous devez le savoir, Monsieur Sobrov.» Boris repère encore la Cinquième de Beethoven, la Celtique d'Alan Stivell, René Aubry et un double album de folklore maori.

    Plus la Messe en si mineur, BWV 232. Jamais il n'a rien entendu de tout cela. Le concierge propose de manger un morceau. Boris refuse, effrayé. « Mais elle ne revient pas avant six heures ! » Boris se retient si visiblement de poser des questions que l'Alsacien précise malignement : « Je reçois les loyers au nom de Monsieur Brenge". Il prononce à l'allemande, "Brenn-gue". - C'est peut-être son frère qui paie ? ...Serschmitt est son nom d'épouse, elle a divorcé... » Grossmann ne confirme rien. Il se dirige vers le réfrigérateur : « Vous saurez toujours ce qui se manche ici ! » - des oeufs, des pots de crème de langouste, un rôti froid en tranches et trois yaourts. « A la myrtille », dit le concierge ; il se sert, rompt du pain, choisit du vin. “Tant pis pour la langouste”, dit Boris - ils s'empiffrent - Boris veut faire parler le gros homme. Seulement, il n'y a plus rien à ajouter. Le portier tente d'en faire croire plus qu'il n'en sait. Il prétend que "tout le monde défile » dans ce studio. « N'importe qui tire un coup ici, puis s'en va. » Ils se défient du regard en mâchant. Rien ne correspond aux longues attentes, aux exaltations de Boris dans son antre – à moins qu'il ne s'agisse d'une autre chambre ? « Gros porc » dit Marianne le lendemain ; « Tu y es allé. Je sais que tu y es allé. Je ne voulais pas que tu y ailles. Saligaud. Vulgaire. Je t'ai vu entrer dans l'immeuble avec le mari de la mère Vachier. « Tout le monde y vous a vus monter la cage d'escalier. Même que tu es entré dans l'appartement, et que tu as regardé partout, fouillé partout, dans les livres, dans les disques, même entre les robes. Et vous avez bouffé du saucisson et du pâté de langouste et ça c'est dégueulasse. Au goût j'veux dire.

    - C'est chez toi ? - Ça ne te regarde pas. Déjà que tu me fais reluquer les grosses qui descendent les escaliers, et quand il y a de la musique tu arrêtes la leçon de maths même si j'ai rien compris et tu colles ton oreille au mur comme un sadique.

    - C'est ta mère qui habite là ? - Dans ton quartier pourri ? on est riches nous autres, on a une BMW, on va aux sports d'hiver et c'est pas toi qui pourrais te les payer pouffiard. - Tu veux une baffe ? - .Je le dis à maman et tu ne me revois plus et tu seras bien emmerdé parce que tu es amoureux de moi mais tu peux courir et si tu me touches j'appelle les flics.

    - Tu t'es regardée? - C'est dégoûtant d'espionner les gens t'as qu'à te remarier ou aller aux putes. - Ça suffit Marianne merde, c'est chez toi oui ou non ?” Marianne prend son souffle et lâche tout d'une traite «Avant c'était chez moi maintenant on a déménagé mais c'est pas une raison t'as pas le droit d'entrer fouiller partout avec tes pattes de porc pour piller dans le frigo et si on avait su que tu devais habiter là on se serait tiré encore plus vite - C'est le concierge qui... - Parfaitement que c'est le concierge - Et pourquoi tu ne vas pas l'engueuler lui ? - Parce qu'il est pas tout le temps à me chercher.Tu ne m'as pas encore tripotée mais c'est dans tes yeux. » Boris Sobrov demande pourquoi le concierge éprouve le besoin de raconter tout ce qu'il fait;

    Marianne répond que sans ça il ne serait pas concierge, elle ajoute encore qu'elle préfère s'amuser avec Grossmann que de rester à faire des maths avec un vieux grognon - "chez toi il n'arrive jamais rien ». Puis ça s'arrête, la petite fille aux cheveux noirs revient le lendemain avec les provisions. Boris s'est arrogé le droit de contrôle sur tous les résultats scolaires de Marianne ; il consulte le carnet de notes, il joue au père, l'exaspération croît de part et d'autre. Boris lui dit qu'elle a les mêmes yeux noirs que sa fille à lui, qu'il n'a pas revue depuis longtemps. « Elle faisait les mêmes fautes que toi. - Elle est dans ma classe.” Boris est bouleversé. Il demande doucement, comme on tâte l'eau, la manière dont elle se coiffe, si elle travaille bien. Si elle parle de lui...Marianne se rebiffe. « Elle est dans une autre section, ta fille, on se voit aux récrés, ce n'est pas ma meilleure copine, ma copine c'est...

    - Je m'en fous - attends, attends ! - comment elle s'appelle ta meilleure amie ? - Ah tout de même! Carole.” Boris demande si Carole travaille bien, si Marianne et elle ne se sont pas disputées, si elles ne pourraient pas venir travailler ensemble... « Je ne l'amènerai jamais ici ; tu nous forcerais à faire des choses.” Boris pousse un soupir d'exaspération.

    Il la laisse en plan, passe à la cuisine pour bouffer du fromage blanc, à même les doigts. Il est bien question de leçon de maths. Quand il revient Marianne de l'air de se payer une tête. Boris fouille dans une pile de dossiers, les dossiers s'effondrent, il les reclasse. Récapitulons. « Tu n'es pas mon père". Elle ne me l'a pas encore faite celle-là. « Tu n'es pas ma mère ». « Tu ne sais rien de moi" - ne pas raisonner. "Intuiter". J'ai divorcé depuis six mois. Cette fillette est déposée chez les concierges par une femme qui n'est pas sa mère. Marianne ressemble à sa fille qu'il n'a pas vue depuis six mois – putain de juge – une femme. Marianne connaît Carole Sobrov. Non seulement c'est sa meilleure amie, mais elles sont devenus demi-sœurs par remariage – sa femme s'est remariée avec le père de cette petite guenon de Marianne.

    Il se cache le front dans la main. “J'ai très mal à la tête. - Je m'en vais, ciao”.

     

    X

    A peine Marianne et sa tignasse ont-elles tourné le coin du palier que Boris dévisse la minuterie. Panne. « Merde » dit l'enfant. Boris se faufile en chaussons derrière elle dans l'escalier. Juste la lumière du puits de cour. Il dérape sur les marches. La rampe est encaustiquée. Devant lui, Marianne s'arrête dans le noir, relève la tête. Au premier, elle réussit à renclencher la minuterie. Boris la suit toujours. Au rez-de-chaussée, la loge forme l'angle dans la cour. Les vitres laissent tout voir. Boris, dans la cour profonde, se colle contre un mur entre deux poubelles. Comme dans un film. Dans les couples, ce que Boris déteste, c'est le mari : il n'a rien d'intéressant entre les jambes. Tant de femmes raffinées collées à des butors. Le père de Marianne, c'est pareil. Trop grand, trop fort, la voix désagréablement masculine. Ses gestes sont brusques. Il ressemble à une bite. Tous les hommes ressemblent à des bit es.

    La petite fille pleure, à présent. Même si c'est une teigne Boris se sent bouleversé. Tout le monde s'engueule, le père et le concierge se menacent mais c'est Marianne qui se prend une claque. Boris bondit, arrache presque la porte et se mêle au tas. Le beau-père le prend à partie : « Vous laissez traîner vos pattes sur la petite. Vous faites espionner un appartement privé par l'intermédiaire de cet individu. Vous êtes un fouille merde. Je vous en foutrai des cours de maths. » Tout le monde se quitte pleurant, gueulant, Boris s'en remonte chez lui, brouillé avec Grossmann et sans espoir de fillette à venir.

    A ce moment "Ti sento" se déclenche dans la pièce voisine, et cette fois, on danse.

    X

     

    "Chère, Lioubaïa Tcherkhessova !

    "Je souffre à crever parce que le voisin ou la voisine fait gueuler un tube infect en italien, "Ti sento". C'est pire qu'une rage de dents et je ne peux pas m'en passer. Je ne sais toujours pas si c'est un homme ou une femme qui passe le disque, et qui danse. Ce qui chante, c'est féminin, ça crie toujours les mêmes voyelles avec chambre d'écho, mes cours d'arménien vont bien, je m'embrouille encore dans le tatar. "Ti sento" est le meilleur morceau, les autres braillent le rock à la sauce Eighties', je suis sûr qu'on le fait exprès pour m'emmerder, si tu n'habitais pas à l'autre bout de Paris ce serait toi.

    "D'ailleurs j'y suis allé l'autre jour avec le concierge et son passe-partout. Je n'ai rien fouillé, rien dérangé du tout. D'après le père Grossmann ce serait une sorte de chambre de passe, une fois j'ai surpris des baiseurs à travers le mur mais ce n'était pas toi. Le concierge ment. Il y a là quelqu'un. Qui paye son loyer. Qui n'emmerde que moi. Un jour je le coincerai. Le ou la. Si c'est une femme, ça va chier. Terminé les petites astuces : Marianne c'est ta fille, enfin, celle de ton homme, un vrai, un gros porc - pour l'insolence, la morveuse, impeccable. Elle a craché le morceau.

    C'est vous qui me l'envoyez depuis trois mois pour espionner. Il n'y a rien à espionner. Il n'y a pas de femme ici. Pas d'homme. Pas d'argent. Comme un moine. Et je suis en règle avec les services d'immigraiton si tu tiens à le savoir. Et je suis sûr qu'elle cache autre chose, ta Marianne. Elle me cache ma fille. La vraie. Elle sait quelque chose sur l'appartement d'à côté. Elle a pleuré quand elle a su ma visite avec Grossmann. Elle est allée se répandre comme une poubelle à la loge devant ton mari de mes couilles, qui a failli me taper dessus.Elle raconte que je la tripote.

    "Toi, ça fait un temps que je ne t'ai pas vue. La dernière fois c'était au grand bureau. Soixante-dix ordinateurs. A devenir fou. Je ne sais plus comment ça a commencé. Tu as toujours une engueulade de réserve. Moi aussi. Ce n'était pas la même. Petit à petit les soixante-neuf têtes se sont levées, les ordinateurs se sont tus, nos paroles se perdaient dans l'épaisseur de l'air, tu t'es fait virer puis aussitôt réintégrer pour "bons antécédents", pour moi c'était définitif, je travaille pour la misère, tu crois que ‡a m'intéresses de vérifier des listes, de faire le compte des morts, vérifier les adresses , les patronymes : «Ivanovitch » ou « Pavlovitch? »

    ...Sagortchine a-t-il reçu sa pension ? Que devient Berbérova? A-t-elle trouvé un

    emploi en rapport avec sa formation ? A quels cours sont inscrits les frères Oblokhine ? Pourquoi Sironovitch a-t-il divorcé ? de quoi est morte la Bibliskaia ? Quel nom portait-elle en Espagne ? Le KGB a-t-il relâché Dobletkine ? Pourquoi tous ces gens-là n'adoptent-ils pas définitivement un nom bien français ? toi au moins tu ne t'es pas remariée avec un Russe. Mais ton Léon Nicolas, dont je viens de faire la connaissance, c'est just un gros tas de vulgarité - le Russe, c'est un prince, ou un moujik. Je sais comment ça va finir : toujours la faute de l'homme ! Je ne suis tout de même pas le seul éjaculateur précoce de France et de Russie Blanche réunies !

    "Avant l'informatisation nous travaillions ensemble. Avec de vraies fiches, dans les vraies mains. Tu dictais, j'écrivais. Maintenant je travaille seul. J'ai une carte de Paris et de l'Ile-de-France où je peux lire qui, et à quelle heure, dort dans quel lit, et en quelle compagnie. Je te promets de t'aider à la cuisine, j'essuierai mes pieds, je ne te tromperai plus sans en avoir vraiment envie, je ne ramasserai plus de chiens dans la rue, en ce moment je n'en ai pas. Nous écouterons autre chose que de la musique classique, tu pourras aller seule au ciné, tu ne peux pas savoir à quel point ces vingt-cinq semaines m'ont transformé‚ reviens." Le surlendemain Boris reçoit un télégramme ainsi conçu :

    "VA CHIER. "

     

    "Ti sento" se déclenche, Boris prend le métro jusqu'à La Râpée, pour visiter la rue Brissac : il la remont‚ il la redescend, la rue est à lui, il en est à la lettre B. Il hume le parfum du métro, il trace dans les couloirs carrelés, bifurque sans ralentir sous les plaques bleues, suit des épaules, un cul, des talons, s'accroche aux barres, marque ses doigts sur le chrome, invente les coucheries des femmes, note les rides de fatigue, évite les haleines, joue avec son reflet sur la vitre noire et le tunnel qui court, tâte son portefeuille, ne cède jamais sa place. Dans Paris, Boris prend la première à gauche puis à droite et ainsi de suite, ça le mène parfois très loin, il voit des maisons, des trottoirs, des voitures ; des crottes, des gouttières avec les petites annonces collées dessus, la pierre des immeubles, des vitrines de coiffeurs, de bouchers, d'ordinateurs ; des prismes Kodak, des servantes en carton "Menu à 60 F" "Menu à 120 F" – et des gens.

    Des gens comme s'il en pleuvait, comme s'il en chiait, mal fringués, super-chic, soucieux, d'âge moyen, noirs, enfants, groupés, par couples qui s'engueulent, qui s'aiment, en débris, "alors j'ui ai dit", "pis elle a répondu", "forcément » - les oreilles qui traînent, les narines à l'essence, et le grondement continu de marée montante qui fait Paris.

    Comme au débouché de sponts, ou sur les places circulaires, il est difficile de trouver "la première à gauche", "la première à droite", Boris s'immobilise, tend les bras dans la foule indifférente, se décide pour un cap. Derrière la Bastille, en un quartier cent fois parcouru, voici qu'il découvre un quartier - "...j'aurais pourtant juré..." - où jamais ni lui, ni personne, n'a mis le pied. Il s'avance en flairant , deux murailles, un trottoir déjeté, une vitre fêlée, « CREPERIE », plus bas en biais « en faillite » et des pavés. Un petit vent. Un caniveau qui pue. Peut-être un vieux qui crochète une poubelle avec application. Peut-être un chien.

    Et là-haut, dans les étages, "Ti sento ti sento ti sento » - Boris immobilisé - sur le tuyau de gouttière un papier périmé "La Compagnie de l'Oreille » joue "La Cerisaie"- le soleil ne perce pas, un pigeon pique du bec, le chien nez au sol, le pigeon s'envole, fin du disque, le portail s'ouvre, le heurtoir retombe, une femme jeune, vive, sur le trottoir en cape orange ; peut-être que là-haut chez elle les fenêtres donnent sur (le bassin de l'Arsenal ?) Boris lui laisse une bonne distance d'vance, la suit (la cape orange !) place Mazas, à la Morgue au Pont d'Austerlitz. Il baptise la femme "Ysolde", au-dessus de la Seine l'odeur de l'eau emplit les narines ou le devrait, un jeune homme dépasse Boris en rejetant son foulard sur son dos.

    Place Valhubert, face au jardin des Plantes, il la suit de très près, de feu rouge en feu rouge, la cape orange court et court dans le déferlement des roues, un grondement continu remonte par le Quai d'Austerlitz, les voici côte à côte.

    Elle a très exactement le nez de Paris, les cheveux bouclés, le sac à main est vert – il la perd – bouche de métro – figure obligée - couloirs d'Austerlitz. Chacun sa voiture. Station, station - près de la porte – montant de chrome - pivote, s'efface - pivote, redescend, remonte – bienfaisante affluence - le nez dans les cheveux d'autres femmes ou sur les calvities, les pellicules - « Place d'Italie » - facile - la cape orange force - Boris lourd et vif contourne les épaules, les hanches, passe de biais, trébuche devant le dos des vieilles.

    Une autre rame et même jeu. C'est elle, la rockeuse latine – mais à la station vide, enfin, où elle descend, la femme fait volte-face, l'insulte, le frappe avec son sac à main - « Attendez! Attendez ! » - Boris court, trébuche. Ils débouchent tous deux à l'air libre [Nuit, Pluie] :

    « Qu'est-ce que tu me veux ?

    - Vous parler.

    - Me parler, me voir, me toucher, me sauter, dégage!

    - "Ti sento, ti sento , ti sento"!

    Ils crient, ils courent [pluie renforcée] - Votre nom? Votre prénom?

    Un portail lui claque au nez. 26 rue de M. Le même disque aux deux adresses. Boris s'essuie la joue, tourne le dos, s'engouffre dans son propre escalier, tourne la clef de son enclos – aussitôt le disque se déclenche, très fort – alors Boris danse, comme un ours, comme un boeuf sous électrochoc ; le lendemain il se demande pourquoi le père de Marianne amène sa fille à la loge. Soit pour le narguer. Hypothèse exclue : le divorce fut aux torts exclusifs de Boris. Soit pour se débarrasser de Marianne - haine réciproque. Possibilité de récupérer l'affection de sa femme = ? Boris lutte cinq minutes contre la nostalgie. « A moins que » poursuit-il « le nouveau mari ne dépose Marianne chez le concierge que pour se rendre chez une maîtresse - Mauricette » - il l'appelle Tcherkessova - me reviendrait - ah non ! »

    Le concierge est suspect : parfaitement, Grossmann. Impossible à filer. « Il s'introduit là-dedans comme il veut ; il se sert en saucisson , il prétend que l'appartement sert de chambre de passe ; il déclencherait lui-même « Ti sento" sans parler - quand le disque se déclenche Boris ferait mieux de lorgner par-dessus la loge depuis là-haut plutôt que de courir s'écraser l'oreille au mur, Grossmann lit dans sa chaise longue, bientôt dans son fauteuil roulant – ce n'est pas lui. A moins qu'il ne tienne une télécommande sous le journal ? "Acheter des jumelles".

    Boris se pla soque au mur, haletant, les lèvres sur la peinture sale, soud ain le disque ralentit, la voix vire au grave en pleurant, c'est la panne, c'est grotesque. Silence. La cour est noire. Grossmann est rentré. Dans le ciel la rougeur de Paris, les meubles se découpent peu à peu, Boris se déplace avec des précautions de poisson-chat. Les autres cours résonnent, lointaines, aquatiques. Un faisceau mobile sous la verrière de la loge. Et voici les fenêtres partout qui s'éclairent. Fin de la panne. « Sauf chez moi ». Le disque ne reprend pas.

    Boris frappe à la cloison. C'est la première fois. Dans l'épaisseur du mur en dessous une tuyauterie transmet un message , la minuterie des cages d'escaliers se rallume. A côté, personne. Pénombre. Inquiétude. Boris téléphone : « Concierge ! Concierge !

    - Vous êtes obstiné, M. Sobrov.

    On a trouvé en Chine centrale une touffe de poils n'appartenant ni à l'espèce animale, ni à l'espèce humaine.

    ILS Y RETOURNENT.

    Le concierge souffle au deuxième palier ; il resserre ses bretelles . -...Vous n'avez jamais vu de petite femme blonde, frisée?...Nez en trompette, cape orange ?

    - Les femmes changent souvent de vêtements. Je ne sais pas ce que vous trouvez à cet appartement. Il est loué. Personne n'y habite. Vous feriez mieux de consulter les petites annonces.

    - Je ne veux pas déménager.

    - Les annonces matrimoniales.

    Vous me prenez pour un cinglé.

    ILS ATTEIGNENT LE TROISIEME ETAGE

    - Le r'v'là votre appartement...C'est ouvert. Il y a de la lumière. »

    En bleu de travail à même le sol, un coffret d'électricien entre les jambes, les yeux levés la bouche ouverte, le père de Marianne. Il dit : «J'installe. - J'installe quoi ? » Il se redresse. Un mètre quatre-vingt dix. Des cheveux gris blanc. Boris ne lui serre pas la main. L'Alsacien est de la même taille. « Vous ne m'avez pas dit que vous étiez électricien, dit Grossmann.

    - A l'occasion.

    Le concierge sort trois bières du frigo. « C'est petit ici dit-il. Je me suis trompé dans les branchements l'année dernière. Moi aussi je bidouille de temps en temps." Il prononce « pitouille ». Boris demande lâchement au père de Marianne ce qu'il tient dans la main. L'autre appuie sur les touches d'une espèce de boitier blanc ; chacune d'elles correspond à un bruit particulier. Il fait entendre successivement : l'ouverture d'une porte, le déclenchement de la radio, la chasse d'eau, une baise. Tout cela sort d'une bonne dizaine de haut-parleurs habilement dissimulés dans tous les angles des plafonds.

    - Je peux aussi allumer ou éteindre les lumières, lever ou baisser les stores.

    Ses doigts pianotent avec désinvolture, c'est un vrai tonnerre de stores.

    « Vous pouvez mettre un disque en route ?

    - Je n'y ai pas encore pensé.

    "Ti sento" trône sur le tourne-disque, noir, insolent .

     

    X

     

    Les trois hommes se retrouve au « Rétro" pour de bons instants de gueule. On a les amis qu'on peut. Les garçons portent des tabliers blancs, des moustaches en crocs et des rouflaquettes. Décor ordinaire, prix modérés. L'Alsacien picore des moules en faisant des grâces, , Boris ne quitte pas des yeux le grand Auguste, père de Marianne, second mari de sa femme, qui décortique l'os de son petit salé. « Tu comprends Boris dit Auguste en mastiquant – ce tutoiement me souille l'estomac - nous sommes quatre à louer cet appartement ; Heinrich - il montre l'Alsacien qui empile ses valves au bord de son assiette - nous a signalé une belle occase.

    "En revanche il ne paie rien et peut baiser à deux pas de chez lui - tu ne manges pas ? » Boris enfourne précipitamment sa fourchette de nouilles : « Je ne crois pas ce que vous dites, fait-il la bouche pleine.Grossmann avale d'un trait un verre de Traminer. « T'entends ça Heinrich, v'là l' Russkoff qui se la joue fleur bleue. Mais y a personne là-dedans, mon vieux, rien que des couples de passage, comme toi et moi! » L'Alsaco rit très fort. Boris : « Connaissez-vous une femme blonde avec une cape orange ? avec un sac à main. » J'aurais bien revu ma femme ; Auguste me protégerait contre les rechutes.

    A haute voix : « Je peux venir avec vous ? » Auguste devient dur. Il dit que c'est trop tôt. L'Alsacien bien rempli devine tout. Il se rejette en arrière, repousse les moules : « Ma femme ébluche des patates à la loge - tranquille! La sienne vient souvent au 126 faire des passes. » Et Boris ne bondit pas. « Vous êtes tous montés sur ma femme ? ...On ne peut pas satisfaire une femme en la faisant pute !... Est-ce qu'elle va bien ? - Comme une pute dit Auguste. - Vous mentez. » Le ton monte. Boris dit qu'on lui vole un amour immortel, juste au-delà du mur ; que c'est une jeune femme isolée qui vit là, chaste, mystérieuse, attirante, d'origine italienne, et silencieuse. « Quant à la connasse qui partage ton lit maintenant, elle ne mérite pas tant de recherches. »

    De retour chez lui Boris, calmé, examine la situation. Il avait failli

    nouer des liens : ces hommes indignes ne

    l'impressionnaient plus.

     

    X

    Ce que se disent les petites filles

     

    - Je vois ton père tous les jours dit Marianne.

    - Plus maintenant dit Sandra.

    - Tu t'appelles Sandra dit Marianne c'est naze.

     

     

    Sandra souffre de son prénom : une idée qu'elle a. Sa mère la couve ou l'engueule, c'est selon : « Tu ne verras plus ton père. - C'est pas juste. - Il me tirait par les cheveux. - Pourquoi Marianne elle peut le voir, papa ? » C'est Marianne qui répond, un soir, sous les draps : « Un jour il me tripotera, et comme ça il aura des emmerdes ; les étrangers, c'est tous des anormaux. - Pourquoi tu fais ce qu'il te demande alors ? - Ça m'intéresse de me faire tripoter. - Il le fait ? - De toutes façons je ne peux plus y aller. - Tu lis que des cochonneries. - Toi aussi. - C'est pas les mêmes livres.

     

    X

     

    Lettre d' Irène (“Tcherkhessova”) à son ancien mari

     

     

    Cher Boris,

    Auguste nous laisse de plus en plus tomber. Il s'absente, et ne boit pas. Son humeur est de pire en pire. Tu m'as parfois claquée mais après on s'embrassait, lui, c'est ni l'un ni l'autre. Je m'ennuie tellement que je me mets à lire. Marianne, c'était pour avoir de tes nouvelles, mais elle ne dit que des méchancetés, Auguste ne veut plus qu'elle te revoie, il a peur que je te rencontre, il nous boucle toutes les trois, il revient à deux heures du matin, il ne sent même pas la femme, on peut dire que je n'ai pas de chance.

    L'après-midi va sur sa fin, il y a encore du soleil. Sandra lit beaucoup. Je t'embrasse.

    Irène.

    X

     

    Suite

    Une femme blonde en cape orange, très à la mode en ce temps-là, Sandra, et Marianne, en jupe vert crado, se faufilent dans l'appartement mystérieux ; les pièces ne conservent aucune trace d'occupation : murs propres, meubles d'hôtels, fringues bon marché sur les cintres, autant d'hommes que de femmes ; Sandra déchiffre les titres sur l'étagère : « Ainsi parlait Zarathoustra », "Vieux crus de Bourgogne", les "Fables" de La Fontaine, qu'elle ouvre sur un canapé bleu, les genoux bien droits. « Qu'est-ce qu'on est venues foutre ici ? » dit Marianne. La tête plate d'Irène (une idée qu'elle a) pivote à la recherche des judas décrits par Auguste. Marianne se dirige à pieds joints vers le tourne-disque. "Ti sento", qu'est-ce que ça veut dire ? - "Je t'entends", "je te sens", dit Clotilde.

    Elle applique son oeil au viseur : juste aux dimensions de son orbite. Sandra, qui lève les yeux, ne voit de sa mère que la tresse blonde remontée en crête, à l'indienne - "Ti sento ti sento ti

    sento..." - Marianne ! Qu'est-ce que tu fais dans mon dos ? » La rhytmique passe d'un baffle à l'autre (échos stéréo, effets de vagues, caisse claire – "ti sento ti sento") - « Les Italiennes crie Marianne faut que ça gueule ! »

    Irène voit tout par l'œilleton : Boris qui danse avec des grâces d'ours, qui se balance,qui tourne sur soi-même, puis d'un seul coup fonce droit sur le judas. La perspective déformée fait voir une grosse tête de tétard avec un petit corps et des petites pattes derrière. Si Irène se retire, il verra la lumière, il se saura observé – deux yeux de part et d'autre se fixent de trop près pour se voir, c'est Boris qui recule, qui montre le poing, qui prend un gros cendrier puis qui le repose, pour finir il se tourne et se dégrafe la ceinture, sa femme s'enlève du trou, le disque continue à gueuler.

    Quand le silence est revenu, les trois espionnes se sont regroupées sur le canapé, elles se parlent tout bas, un verre se brise de l'autre côté de la cloison – "et s'il s'ouvre les veines ?" dit Sandra, "Tu connais mal ton père" répond sa mère. « Ce qu'il faudrait dit Marianne ce serait de faire venir ici une femme très jeune et très blonde. Moi j'aimerais devenir une jeune femme blonde. - Ça m'étonnerait ricane Irène. Marianne dit d'une voix bizarre qu'elle en connaît une qui lui plairait bien, qui serait prête à emménager ici ; elle n'a qu'un seul défaut : « Elle a voulu me tripoter. - Tu ne penses qu'à ça dit Sandra. - Où as-tu connu cette femme ? Dit sa mère.

    De l'autre côté une porte claque, une clef tourne dans la serrure, Marianne n'a pas répondu, « Il s'en va » dit Clotilde. Elles quittent précipitamment toutes les trois le 127 et descendent quatre à quatre les escaliers. « C'est papa ! C'est papa ! » crie Sandra . Elle saute contre le carreau sale ; en face dans la cage vitrée symétrique Boris tête basse - « vite ! » - Sandra fait le tour, pousse le vantail du rez-de-chaussée, reçoit son père dans ses bras, Boris chancelle, Marianne et sa femme se sont rejetées à l'intérieur, Auguste rapplique sur le trottoir les deux hommes se gueulent dessus en même temps Qu'est-ce que vous foutez là ? - Sandra s'enfuit en pleurant, on l'entend courir dans la rue de l'autre côté du vantail.

    « Elle remonte vers le métro dit la mère, pour une fois elle se prend Marianne dans les bras - « tu trembles ? » A voix contenue les deux hommes continuent à se quereller, ils ne veulent pas se battre, ils n'ont rien à se reprocher, rien de bien précis - « Le judas ! » crie Boris – puis tous s'enfuient, Marianne et Irène repassent la porte cochère en retenant leur souffle, Sandra est sur le quai, elle n'a pas osé prendre le métro toute seule.

     

    X

     

    Boris viole des domiciles

    Boris tient à la main une lampe sourde. Il a juré qu'il finirait bien par savoir « ce qui se passe ailleurs ». Au moins savoir « ce qu'il y a » : des objets, des profils de vases dans la lumière,

    des coins de meubles, des coudes de fauteuils. Et puis la peur, l'envie d'être surpris, d'être abattu : les intestins, le coeur. L'intérieur. Il a eu l'idée d'envelopper ses souliers. Il voit des.piles de livres, un bureau, un miroir où il se reconnaît avec sang-froid - pourquoi ces portes intérieures ouvertes ? qui est-ce qui bouge dans l'armoire ? - autant de sourdes palpitations. Déjà Boris aimait de jour longer les murs où les fenêtres au rez-de-chaussée se défendent sous leurs jalousies de bois ; il regardait furtivement, par-dessus, la préparation du repas et les lèvres qui remuent dans le vacarme des voitures, la blême électricité du jour qui tombe ; plus au premier étage, parfois, des têtes coupées par des larmiers, des bras levés dans des armoires, qui ferment des volets.

    Ce qui instruit aussi c'est de se porter en avant des passants, pour capter leurs propos tronqués, insensés, « alors je lui dis... » - « et elle a répondu... » - Boris choisit les appartements momentanément vides, c'est toute une enquête, toute une filature, il épie les femmes seules mais toutes se méfient, instinctivement, se retournent à l'improviste, il se rabat sur la loge du concierge, un soir qu'ils sont au cinéma – rien d'exceptionnel : des tiroirs, des ficelles, des cartons, des rideaux champêtres et la Bible en allemand. Il flotte une odeur de loge. Non, le bon plan, ce serait d'entrer juste sur les pas d'une femme mariée, sans viol, avec des enfants bruyants, un mari dans un fauteuil qui demanderait "Qu'est-ce qu'il y a au programme à la tévé ?" - les gens auraient laissé la porte ouverte.

    ...Il s'est introduit par la cuisine, s'est glissé dans le vestibule‚ aplati dans l'allée du lit, la peur au ventre et la retraite coupée, s'est dévoilé. « J'aimerais qu'on viole mes intimités », c'est ce qu'il a dit, le mari a gueulé «Appelle la police ou les dingues », il s'est enfui d'un bond. L'étape suivante est de surprendre un couple pendant son sommeil. Il dort deux heures à l'avance. Plusieurs fois il s'enfuit sous les signaux d'alarme. Il acquiert une grande dextérité dans le maniement des clés plates. La marche à l'aveuglette : silence absolu, retraite assurée. Les doigts sur la lampe, translucides et rosâtres, l'ombre des os – des sens d'aveugle – aucun heurt. et ne heurte rien.

    Les enfants n'entendent rien. Eviter les chiens, à tout prix éviter les chiens. Mais parvenu sur place : jamais - les gens ne ferment leurs portes intérieures. Boris hésite, sent s'épancher l'onde mixte d'un couple, devine formes, souffles, parfois le néon de la rue - la veilleuse - ou la lune – qui surlignent un profil ou modèlent un visage entier – sur les lits de doux mouvements de dessous l'eau. Les couples aux yeux fermés se regardent ou se tendent le dos, jamais ne font l'amour, ni ne s'éveillent. Boris ensuite redescend à pied la rampe du parking souterrain, sans arme, sous le plafond trop bas la lumière et la forte musique où se fondraient les cris de victimes, sur fond de vrombissement d'extracteurs d'air.

    Le sol est noir semé de paillettes, les voitures de longs corbillards aux chromes troubles, Boris ne sent pas le danger. Il ouvre les portes, ne trouve qu'un parapluie télescopable qu'il jette sous de grosses roues, plus loin. Il couche dans le duvet vert qu'il tenait sur son dos et s'allonge place 27 ou 30, à 7 h une équipe de réanimation le tire à demi asphyxi », il doit se présenter chez un psychiatre commis d'office, il maigrit, ne parle plus, reste en liberté, ressort plus fréquemment - ti sento ti sento ti sento" – chaque soir de plus en plus fort, la cloison tremble il n'en parle pas pour éviter de passer pour fou - ses déplacements ne sont pas encore sous contrôle, une nuit, mouvant paisiblement ses doigts en coquille rose, il se sent soudain saisi au- dessus du coude : « Qui t'a mis sur le coup ? »

    - Personne, personne, dit Boris.

    Le cambrioleur fait main basse sur tout ce qu'il trouve avec une banalité de toute beaut‚ le Couple sur sa Couche sommeille dans la présence, Boris suit le voleur sur le palier, le frappe et le laisse évanoui, il a le coeur qui bat à se rompre, c'est à présent une nécessité : repérer l'immeuble et les allées et venues, s'introduire de jour dans l'escalier, chercher refuge dans des coins très exposés, les concierges n'existent plus, les siens sont les derniers ; il reconnaît volontiers qu'il lui serait totalement impossible de travailler en banlieue.

    Cela devient de plus en plus monotone, de plus en plus excitant. Un homme seul soudain sortit de son sommeil, ouvrit les yeux, se dressa, le fixa sans frayeur. Boris sortit à reculons, heurtant une chaise, ce n'est rien murmura l'homme à sa femme qu'il n'avait point vue. Aussi les jours suivants Boris se livra à une frénésie d'effractions, perdit toute maîtrise, mangeant peu, ne buvant plus une goutte de vin. Il s'engagea dans une interminable suite de pièces de plus en plus profond devant une file de - fauteuils, tables, dressoirs, houssés de blanc, et comme une lueur l'attirait il se trouva auprès d'une veilleuse comme on en voit souvent au chevet des enfants.

    Le mort est sur le dos, nez découpé, bras le long du corps, femme à son côté les yeux grand ouverts, boucles noires détachées sur le blanc cassé de l'oreiller. Un souffle passe ses lèvres entrouvertes et la femme sourit, découvre sa poitrine et son bras jaune, Boris éclate en sanglots et se retire au pas de charge à travers tous les meubles, dévale les étages et sur le trottoir lâche une clameur de victoire. Il se barricade chez lui jusqu'à midi. Il a dormi sans rêve, sa bouche n'est pas sèche, vérifiant son haleine au creux de la main il la trouve très pure, le soleil donne à travers un trou du rideau.

    Tirant du lit son bras gauche il observe à présent l'étrange phénomène de la terreur, un frisson dressant chaque poil au sommet d'une minuscule pyramide, quoiqu'il éprouve une intense irradiation de paix. Il respire profondément, rejette le drap des deux jambes et se prépare un café‚ des chansons plein la tête, il se fait des grimaces en se rasant. Il sait qu'il ne retournera plus dans les appartements obscurs où s'endorment les spectres. Il change tous ses habits de la veille. En promenade il s'achète des chocolats et des pralines pour vingt francs‚ et, l'estomac délicieusement barbouillé, passe rue Broca, traverse Port- Royal, son pas est vif, l'atmosphère encore matinale, je suis heureux de vivre seul..

    Il se tient droit, respire le trottoir fraîchement arrosé, se perd place Censier, remonte vers la Mosquée, repère une affichette contre l'invasion du Tibet, voit sortir de Jussieu une marée d'étudiants. Puis Boulevard Saint-Germain, le pont, rue Chanoinesse le cœur neutre, indolore à présent, rue Massillon, puis le métro. Il se récite des vers, personne ne fait attention aux fous dans le métro. Demain – trois mois depuis le divorce – finies les scènes de soixante-douze heures – nuits comprises - bénie soit la solitude, la solitude, la solitude. Il revient chez lui, chez son disque, chez une femme imaginée dont il est fier de se passer.

    Il jette sa veste sur le lit, court se coller à la cloison et frappe au mur, c'est la première fois qu'il ose, que ça lui vient à l'esprit, les solutions les plus simplistes vous surprennent comme ça, d'un coup, de taper comme les prisonniers de partout - un coup pour A , deux coups pour B, c'est l'illumination, c'est l'évidence, il tape 17, 21, 9 ; 5, 20, 5,19 ; 22, 15, 21, 19 « QUI-ETES-VOUS ? » ça répond "M-O-N-I-C-A" puis le mur dit « 21, 5, 14, 5, 26 » - « Venez me voir » - cest un appartement de passe pas vrai dit une voix ce n'est pas vrai TI SENTO TI SENTO TI SENTO chant de cristal tout en écho tout en feed-back « estatua spaventosa, io son la tua schiava, ti sento ti sento ti sento" - « statue effrayante je suis ton esclave car je t'aime perchè ti amo et Boris danse, danse, depuis Monteverdi, Gesualdo, Lulli, toujours, toujours dans l'opéra italien la modulation en finale "perchè ti amoooo" - Boris danse, danse, "this is a long-playing record" - l'amour est d'être l'écho de l'Autre l'infinie répétition de miroirs face à face à l'infini qui se recourbent il est sûr qu'elle aussi danse de l'autre côté du mur il sait qu'ils s'effondreront haletants sur les divans exactement symétriques il sait que ce moment ne devra pas cesser.

    Viens dit le mur vien me voir - et la voix,la voix du disque interminable crie, vivante, en boucle, fend le plâtre et bat dans l'aorte, dans l'occipitale – ils sont bien habillés tous deux, pâles, très pâles, calmes. Elle a souri la première, il a ouvert les bras, il ne la connaît pas mais c'est comme

    si l'on se revoyait, se remerciait – vous avez tous connu cela - dans les deux sens du mot reconnaissance : le vrai désir vient des traits du visage « j'ai pensé à vous Ne me regarde pas comme tu as tardé » peu importe qui parle, ils s'assoient loin l'un de l'autre.

    X

     

    A quatre rues de là une famille unie regarde la télé un captivant programme : ce sont deux captifs en effet, l'homme, la femme, tournant dans un petit appartement, frappant les portes et fenêtres, sondant les murs, balançant leurs gros plans de gueule sur les caméras repérées hors d'atteinte et les insultent, cherchant sous l'évier des pots de peinture et de n'importe quoi, s'étreignent désespérément ; juste à l'instant où ils s'exclament "s'ils veulent du spectacle ils en auront", Auguste tourne la tête vers son épouse en larmes qui éloigne les enfants, deux filles sans expression, qui se tiennent par les épaules : « Vous avez assez regardé. Sandra, Marianne, on part en promenade » et les filles cherchent le plus longtemps possible leurs vêtements de pluie.

    Auguste dit alors qu'il faut en finir, sort de sa poche un téléphone, Sandra pose la main sur le poignet de son beau-père, atteint la télévision avec de grandes difficultés respiratoires.

    Boris et Monica, nouvelles connaissances, se trouvent déjà rendus aux dernières extrémités de leurs adieux : allongés sur le petit lit de reps rouge, ils se sont pris aux épaules, par la taille, la bouche et les larmes, et se sont placés côte à côte, sans se toucher. Le pli de leur bouche s'est effacé, puis ils se sont souri, se sont pris la main, se sont relevés pour vérifier posément la fermeture des portes, ont adopté le comportement le plus ordinaire.

    Ils ont attendu. Monica s'est levée pour passer le disque, ils ont dansé en se serrant, la harpe électronique dans les oreilles comme une armée en marche ; à quatre rues de là Sandra et Marianne réconciliées dévalent l'escalier : « Je ne peux pas supporter dit l'une d'elle qu'on tue, qu'on torture, il y a trop longtemps que l'école est finie, que les seuls événements sont ceux des parents et des beaux-parents. » C'est à peu près ce qu'elles se disent. «  Nous allons vivre ensemble ajoute Sandra, et Marianne sous ses cheveux raides se moque d'elle : « Il faudra chercher des hommes, comme les grandes ! »

    Les deux filles donnent l'adresse au Commissaire le plus proche. Elles parlent de « torture ». « Séquestration » rectifie le Commissaire. Pendant ce temps, Auguste le Nouveau Mari et Irène la Nouvelle Femme décident pour Boris (et Monica, qu'ils ont recrutée dans la rue) un châtiment pire que la mort, la Perpète :

    Marions-les. As-tu vu comme ils s'aiment ?

    Tu as laissé sortir les filles ?

    Monica sera comme un taureau qui survit à la corrida : irrécupérable ; tomber amoureuse de sa cible ! Je n'aime pas la banalité.

     

    - Tu te rends compte de ce qui peut leur arriver seules dans la rue ?

    - Elles sont déjà au Commissariat.

    - On va leur rire au nez. Je ne veux pas que mon ancien mari – que Boris soit tué.

    - Ne t'en fais pas. Tout le monde comprend tout au moment de mourir.

     

    X

     

    Dans l'appartement 127, Boris prend une résolution : armé d'une paire de ciseaux, il tranche tous les fils qui se présentent. Le disque s'interrompt, le silence tombe comme une masse, Boris parle dans un micro qu'il a découvert sous un pot ; peut-être sa voix débouche-t-elle dans un gros mégaphone au milieu d'une pièce vide : plus la peine de l'écouter. (il crie à s'en péter les veines). Derrière une armoire qu'il fait pivoter s'enfonce un escalier, où s'entassent des journaux, des cageots, de la poussière ; descendant plusieurs étages, il parvient au niveau des caves – quatre étages exactement - "Ti sento" se déclenche « Qu'ils y viennent, qu'ils y viennent » dit-il ; Auguste et Irène font alors irruption au 127 abandonné, baissent le son. Ils sont accompagnés d'une demi-douzaine de gabardines grises mettant à sac tout ce qu'ils trouvent dans les deux appartements, dans les deux immeubles.

    « Regarde, crie Auguste en brandissant des disquettes : rien n'est plus à jour ! Il ne foutait plus rien, rien du tout ! »

    Les filles sont ravies.

    Il règne un tumulte hors de toute mesure ; tous se bousculent dans le boyau qui mène aux caves, on s'interpelle en français, en itlaien, en russe, pas un coup de feu n'est tiré, cependant, Boris s'est faufilé dans un dédale. Partout règnent des portes à claire-voie, des planches verticales, des dos d'armoires en biais. La sciure, et la pénombre qui descend des soupiraux. Les couloirs se retournent sur eux-mêmes. Le tapage des poursuivants permet d'abord très bien de fuir sans discrétion, puis le silence s'établit. On n'entend plus, là-haut près des trottoirs, que les passages espacés des voitures. Boris est cerné, dans un labyrinthe de bois. Sa main serre une solive hérissée d'échardes, il est assis sur une cuisse, s'il dégage son pied le couvercle d'un seau (par exemple) s'écroulera. Sa respiration courte soulève sous son nez la poussière d'un abat-jour et les sbires se rapprochent. Ils écartent les obstacles avec la précision

    des joueurs de jonchets  Mikado. Les deux filles arrondissent les yeux et mettent le doigt sur la bouche, Boris se minimise - « Il nous le faut vivant » - et lorsqu'il s'aperçoit que sans l'avoir senti sa manche imperceptiblement glisse contre un vieil étui de violon, Marianne pointe exactement sur lui son doigt et souffle à mi-voix : « Ti sento ti sento ti sento ».