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Le Singe Vert 07

COLLIGNON

LE SINGE VERT

Numéros 70 à 77

TOME VII

//Singevert.free.fr

courriel colber1@wanadoo.fr

70

 

Grand décalage entre la composition de mes petits numéros et leur date de publication, vu le budget inexistant dont à propos duquel je dispose (une retraite d'éducation nationale pour deux personnes et demie ne te plains pas y en a qui couchent dans des cartons, et ceux-là aussi feraient mieux de fermer leurs grandes gueules parce qu'il y en a qui sont morts, par-fai-te-ment, morts, et tant que t'es pas macchabée tu fermes ta gueule), et vu le peu de timbres dont vous me gratifiez, à 70 c s'il vous plaît, à l'exception de M. Coste de La Ciotat que je remercie vivement, je ne risque pas de rentrer dans mes frais.

A part ça, nous aurons un nouveau président, j'aurai voté Ségolène deux fois, mais du bout des lèvres. Miss Gnangnan de la Pâte à Modeler. Qui disait (s'habituer à l'imparfait...) “moi je moi je moi je” au moins aussi souvent que le Sarko (“moi je veux que moi je veux que”). Cantat Sarko, maintenant qu'on l'l'a, ça va être des chômedus plein les rues comme en 29 à l'Os en Gelée (“Los Angeles”, merci Jean Yanne) ; l'autre jour comme ça j'ai un mec qui rentre chez moi qui s'introduit par-derrière le nez en l'air sans avoir sonné frappé ni quoi que ce soit et qui me demande si je n'ai pas des petits travaux à effectuer chez moi pour la modique somme de 300 euros ! Où est-ce que j'aurais pu prendre 300 €, sur mes 800 de découvert peut-être ? Ce que je veux dire c'est que trois ou quatre fois par jour je vais me faire emmerder par des semi-mendigots qui vont me demander si je n'ai rien à repeindre ou du bois à scier ou une grand-mère à achever (pour les talibans : à scier) sous prétexte qu'ils sont au chômage.

Ça, c'est l'économie selon Sarko. Côté Ségo, le programme consiste à maintenir les postes dans les zones rurales : putain là je m'enthousiasme ! Quel programme ! Quelle audace, quelle exaltation ! Ce que j'aurai pu me faire chier dans cette campagne... A la télé dans les débats J'ai vu des politiciens le nez dans le guidon qui ne voient pas plus loin que leurs quatre tours de roues sans avoir au grand jamais ouvert un livre d'histoire d'avant 1920 et surtout rien, rien du tout sur la chute de l'Empire romain, il est vrai qu'ils parlaient le latin qu'est une langue fasciste Mme Dupoireau, parfaitement, fasciste ! (l'insulte suivante ce sera “pédophile” : “Ah ! pédophilie de merde ! V'là-t-il pas qu'y pleut !”)

Des arguments, des arguments, mais j'en ai plein les intestins des arguments. Des raisonnements économiques je t'en fais tant que tu veux accoudé sur mon comptoir en zingue-zingue. Dès qu'on touche à quelque chose en économie, ça se déglingue de l'autre côté, tout le monde a raison et tout le monde a tort. Vous savez pour quoi l'on vote ? Vous croyez que c'est pour des arguments économiques ? je vais vous le dire pourquoi on vote : d'une part, on vote comme sa famille, ou son groupe social, prof avec les profs, rugbyman avec les rugbymen, mais pas comme le club d'en face parce que c'est le club d'en face mon pote, moi je vote socialo pour avoir la paix au bureau, avant c'était en salle des profs ; et deuxièmement aussi, mais ça tout le monde l'a oublié, on se bouche les oreilles, on se fout la main devant les yeux avec les doigts écartés devant la femme à poil , on vote pour l'irrationnel, parfaitement, pour l'émotionnel, pour celui avec lequel on va le moins s'emmerder.

Avec le Bayrou on se serait fait chier, on se serait rendormi le nez dans not' caca qui sent bon. Je rote donc socialo parce que mon père rotait coco, il n'a jamais vu un seul de ses candidats accéder à quoi que ce soit. Et puis les gens de droite ils ont des sales gueules, prétentieux et tout. Cette façon de vous regarder de haut comme juste avant de lâcher un mollard. Mitterrand était paraît-il un escroc (jamais eu cette impression, d'ailleurs), mais il avait la classe, tandis que Chirac il nous a enculés sans la classe. Quand j'ai entendu le meeting de Sarko à Bercy, là j'ai vibré. Là on ne s'emmerdait pas. Exactement le même degré d'émotion à la con que dans un stade de rugby l'émotion de la foule Allez les petits ! royal,articles,dérision

Il te chauffait tout ça, il te refaisait croire en la France, il parlait le langage de l'épicier ou du tenancier d'hôtel sans étoile, c'était mon langage, c'était la bible à Poujade (le Pierre, de St-Céré). Le “populo”. Celui qui ne comprend pas que l'on se mette systématiquement contre la police parce que c'est la police. Celui qui ne comprend pas pourquoi on fait autant d'histoire pour un contrôle de ticket. Et qu'est-ce que je vois sur le blog d'un pote ? Que Sarko est “violent” ? Mais qu'est-ce que tu vas dire d'Ahmadinedjaz qui veut rayer Israël de la carte ? Saint Chirac dixit : “A la première velléité de l'Iran, Israël vitrifie Téhéran ! “ et le pote du pote de s'indigner “Tu te rends compte ce con ? parler comme ça de réduire à néant une agglomération de six millions d'habitants!” - apparemment que démolir tout Tel-Aviv avec les juifs dedans ça ne semblait pas l'indigner plus que ça, les juifs, ça a l'habitude, non ? “Il ne le fera pas c'est du bluff, c'est du bluff !” - on disait déjà ça en 38 - manque de pot, Adolf a osé.

C'est cela voyez-vous qui a décrédibilisé la gauche aux yeux de pas mal de gens : cette tendresse plus ou moins avouée qu'ils entretiennent tous avec le “révolté”, le “gavroche”, le “rebelle” à deux balles (dans la gueule) - en fait avec toutes les tyrannies, quand on a bien pu se barbouiller les mains avec du sang de bourgeois, ou de banquier, ou d'Israélien... Après, ça joue les

offensés, “mais pas du tout, que crûtes-vous, nous sommes contre le terrorisme, very against very much, pour son éradication totale, il faut les comprendre vous savez ces gens-là”, et de sous-entendre que ce seraient p'têt'bien les Ricains qui lancent les bombes dans Bagdad, les Ricains qui enlèvent les Occidentaux (puisque ce sont eux qui ont suscité les talibans, DONC talibans = Américains), eux encore qui lancent leurs propres avions contre le Pentagone, tout comme c'étaient les Bosniaques qui se bombardaient leurs propres marchés aux heures d'affluence ou le gouvernement algérien qui assassinait sa propre population pour faire croire que c'étaient les islamistes, quant aux femmes qui se font violer, putain, elles l'ont bien cherché, c'est comme les juifs en 40, merde ils avaient exagéré aussi, les pauvres nazis, il y avait tout de même de quoi être exaspérés, il faut comprendre avant de condamner...

C'est cette connivence avec toutes les tyrannies qui a fini par faire prendre la gauche pour du pipeau baveux. J'aimerais bien trouver le parti qui serait à la fois pour le maintien des écoles rurales et des droits du travailleur TOUT EN combattant le terrorisme en vrai, ou d'une droite qui combattrait les bombomanes TOUT EN considérant les ouvriers comme des humains à part entière, et je me suis toujours demandé pourquoi il n'y avait jamais moyen de trouver des gens qui jouissent de tout leur bon sens, de leur pur et simple bon sens humanitaire et humaniste dans les deux directions à la fois, c'est vraiment si contradictoire que ça ? Nom de Zeus ! “Comprendre” l'humiliation et la révolte des talibans qui découpent les cous à la scie ! (pendant qu'on y est, des Français ont décapité de la même manière des Viets révoltés en 1930, et ils ont été acquittés... Malraux s'en étrangla d'indignation)(“les bienfaits de la colonisation”, on vous dit...)

...Comprendre le hamas libanais qui joue les victimes, alors que depuis la guerre du Liban ben mon vieux ya plus de roquettes qu'on se demande comment ça se fait. Israël, perdu la guerre ? mais il n'en a rien à foutre de “gagner” ou de “perdre” quoi que ce soit, tout ce qu'il veut, c'est qu'on arrête de bâtir des fortins sur la frontière à un millimètre près pour tout espionner aux jumelles afin d'envoyer quelques roquetttes de carnaval. Et elles se sont arrêtées. Ah bien sûr il y a eu des morts. Et on a bombardé une usine de lait en poudre, c'est malin. Quelques usines aussi à Hiroshima. Alors Sarko, violent ? Si tu veux voir de la violence mon vieux, va en Colombie ! Ce qui me plaît chez Sarko me plaît parce qu'il est du côté des Américains. C'est le titre de ce Singe Vert : “les Américains”. Qui nous ont sauvés deux fois. Ah ça on n'aime pas s'en souvenir... C'est comme à treize ans, on n'aime pas se souvenir que ce sont les parents qui vous ont nourris, supportés, qui se sont coltiné les petits merdeux en pleine crise de puberté. Ben y en a beaucoup qui en sont resté là, à treize ans, et qui n'auront jamais treize ans et demi. En 17, on était vaincu sans les Ricains. En 44, itou. Mais en 2003 ils se sont trompé de pays : c'était la Syrie qu'il fallait pilonner, pas l'Irak. Bon. Tout le monde peut se gourer. Il fallait sans doute continuer à soutenir Saddam, n'est-ce pas, et ses massacres de Kurdes. On met tous les Kurdes dans un grand trou et on appelle ça le Trou du Kurde. Fin, non ? Et il fallait laisser croupir les femmes en Afghanistan. “Ah mais ce sont eux, les Ricains, qui ont fomenté la révolte des talibans.” Et alors ? Tous les attentats, c'est la faute aux Américains ! Ben voyons ! Qu'est-ce que vous auriez voulu qu'ils fissent, les Américains, quand on leur a bouzillé leurs tours : “Pardon, pardon, on ne le fera plus, il y a d'autres tours par derrière, pourriez-vous nous en descendre encore deux ou trois” ? la grosse réponse astucieuse, on la connaît par cœur, consiste à désolidariser “l'Amérique de Bush” et “l'autre Amérique” : mais avec Clinton, personne n'était content non plus. Avec personne d'ailleurs : que voulez-vous, les Américains son tassez cons pour ne pas élire un Français... Qu'est-ce que vous voulez donc, à la fin, des Américains ? Qu'ils agissent contre leurs intérêts mais en faveur des vôtres ?

Quel Etat ferait cela au monde ? N'est-il pasnormal que chacun essaye de tirer le mieux possible son épingle du jeu ? Tout le monde n'est pas aussi masochiste que les Français. Je me souviendrai toujours de ce petit con de reporter, lors de la réélection de George Bush, qui se demandait pourquoi “les USA vot[ai]ent contre leurs inérêts” - c'est toi, petit merdeux, qui donne des leçons à toi tout seul au peuple américain ? Je ne suis pas pour l'abolition de la liberté de la presse. Mais il y a tout de même des coups de pieds au cul qui se perdent. En particulier pour tous ceux qui estiment que le mal incarné s'écrit “Etats-Unis”, de la grippe aviaire au tsunami, des attentats en Algérie à la mort de leur clebs.

... Vous voudriez donc retirer les troupes d'Irak ? Il y a même des Américains qui voudraient le faire ? Ils ne se souviennent donc plus de ce qui s'est passé au Viêt-nam ? puisqu'on veut comparer l'Irak et le Viêt-nam – sans tenir compte de la disproportion du nombre des morts : dix fois moins à Bagdad que chez les Viets tout de même... La “vietnamisation” du conflit ? Total quatre millions de génocidés au Cambodge ; c'est ça que vous voulez avec les chiites, bande d'irresponsables ? Ces pacifistes plus sanglants que les guerriers ! ”Fallait pas y aller” - oui mais maintenant on y est ! Alors ? On se retire ? On dit aux islamistes – pardon aux barbares, je ne veux même plus qu'il y ait le radical “islam” dans leur dénomination – aux barbares, donc, on leur dirait “Allez-y, voie libre” ? J'entends nos grands généreux dire : “Nous devons aider nos amis les musulmans démocrates, autrement c'est du racisme” - ça y est, le grand mot est lâché, l' Argument suprême (de volaille), “eux aussi ont droit Allah démocratie” - eh bande de nazes, je ne doute pas un seul instant que les musulmans sont parfaitement capables d'être démocrates. Dans vingt ans. Pour l'instant, tout ce que certains trouvent à faire quand ils sont en désaccord à Gaza, c'est de se tirer dessus.

On fait quoi ? Là, maintenant, concrètement ? On accuse Israël ? ou les Américains ? Je ne suis pas d'acord avec tout ce que fait Israël” - “on s'en fout de ton avis”, me dira-t-on, “tu n'es qu'un tout petit anus qui n'y connaît que dalle” - attends, qui s'y connaît ? Voire, s'y reconnaît ? Je suis Monsieur Machin moi, j'ai des opinions sur tout, non seulement c'est mon droit mais je ne peux pas m'en empêcher, c'est ma caractéristique d'être humain, c'est même pour ça qu'on a inventé la démocratie, et s'il n'y avait que les “spécialistes” (autoproclamés) qui pouvaient s'exprimer, personne ne dirait plus rien sur rien, relisez le Protagoras de Platon et toc, j'ai de l'instruction Môssieur ça vous la cloue (c'est de l'autofoutage de gueule pour ceux qui n'ont rien compris).

J'essaye de comprendre, moi ; quand je vois Israël accusé de terrorisme, je me prends la tête dans les mains, Israël ne fait ni terrorisme ni génocide, arrêtez, il n'y a pas de camps d'extermination en Israël ça se saurait -”oui, mais on finira bien par en trouver un” - ouais l'argument, ouais, vas-y ! Ça n'existe pas donc ça existe ! On est en plein Da Vinvi Code ! Ce que pratique Israël, c'est l'apartheid, ce n'est déjà pas rien, il me semble, comme crime, ça suffit à l'indignation, non ? Ce n'est pas la peine de rajouter “génocide” ! Qui osera par exemple faire le pari énorme d'ouvrir les frontières internes pour que chaque Israélien puisse voir de ses yeux la misère des territoires occupés ? Mais il n'y a pas de terrorisme “d'Etat” perpétré par les Israéliens ! “Qui est terroriste?” interroge un tract bien connu - la réponse est toute simple : ceux qui faisaient sauter des gosses dans les bus... J'emploie le mot “terrorisme” au sens propre, pas au sens métaphorique. Voyez le mur... On en aura dit sur ce mur... Vous avez des mots comme ça : “mur” ; “fasciste” ; “pédophile” ; des mots qui font perdre leur sang-froid aux prétendus “journalistes”. Alors à propos de mur - vous n'auriez rien remarqué par hasard? rien de rien ? Eh bien depuis qu'il est construit il n'y a plus d'attentats palestiniens... Avant, c'était tous les trois jours que les Israéliens sautaient dans les buS et dans les dancings par paquets de dix ; c'était bien fait pour leur gueule évidemment. Regardez à Belfast depuis qu'il y a des murs : la haine de chaque côté, soit, mais plus d'affrontements ! A présent “on” critique les Américains parce qu'ils érigent des murs dans Bagdad - “Ça empêche de circuler”, “Tout ce qu'ils savent faire c'est des murs” (Berlin, le ghetto de Varsovie, et allez donc, encore une petite louche) “C'est une entrave à la liberté”... vous ne voyez donc pas que ce qu'ils réclament, tous ces râleurs, c'est la liberté de se massacrer ?

Oui, dans vingt ans, les chiites et les sunnites (prononcé “seunnites” pour faire plus english) s'entendront, et à la fin des temps les lions viendront laper le lait dans les mêmes écuelles que les gazelles, mais pour l'instant, là, tout de suite, qu'est-ce qu'on fait? On grimpe sur des tabourets en faisant de beaux discours avec moulinets de bras sous les bombes, en attendant la fraternité universelle ? On prie ? On chie dans les violons ? Il pleut c'est la faute aux Américains, qui ne respectent pas les accords de Kyoto ! Il ne pleut pas c'est la faute aux Américains qui ne respectent pas les accords de Kyoto ! J'ai pété c'est la faute aux Américains qui ne respectent pas les accords de Kyoto !

Merde à la fin ! Quand ce n'est pas la faute d'Israël ! Ah pardon : l' “Israël d'Olmert”, qui n'est pas “l'autre Israël” ! Mais qu'est-ce que vous voulez qu'ils fassent, en Israël ? Qu'ils retirent leurs troupes de partout pour se faire massacrer ? “Excusez-nous d'être juifs, pourriez-vous nous massacrer un peu plus s'il vous plaît, ça fera pleurer dans les chaumières” ? Je l'ai entendu dire, cela, “les Israéliens sont devenus un Etat militaire, ce serait tellement plus noble de se laisser faire noblement sous le regard de l'opinion internationale, ça provoquerait une extraordinaire admiration, et tout le monde les secourrait” - et l'Arabe à qui s'adressait ce discours en avait presque la larme à l'œil tellement il compatissait avec la souffrance du peuple palestinien...

La prochaine fois, je vous parleai de la souffrance du peuple allemand brimé les juifs... Voyez-vous, il y a des choses qu'on ne peut pas comparer. Par pure et simple décence. N'importe quel gouvernement israélien ou américain ferait ce qu'a fait le précédent, sur le plan extérieur du moins. Dernièrement un humoriste palestinien (si si ça existe) suggérait aux dirigeants israéliens et palestiniens d'échanger leurs places, pour qu'ils voient l'effet que ça fait, de l'autre côté... Pas bête ! Alors à côté de ça, la France, elle fait popote et paquet de nouilles moi je vous le dis. On est bien

en Franfrance. “Tant qu'ils se tuent entre eux”, n'est-ce pas ? “Mais avec Sarko, la France va redevenir une terre d'attentats !” Pauvres loques, vous ne voyez pas que Sarko ou pas Sarko, ils n'ont pas besoin de prétexte pour taper n'importe où ? “les terroristes ne sont pas organisés militairement” - vous attendez qu'ils le soient ?

Qu'il y ait 51% de cellules cancéreuses dans l'organisme pour commencer le traitement ? J'aurais bien dit la chimio, mais on va me dire “la chimie, c'est les gaz, vous voulez employer les gaz c'est raciste” - ça c'est du raisonnement la petite dame. Et quand al Qaïda sera installée dans le Maghreb pour nous envoyer des commandos, vous ferez quoi, tas de lâches ? Tas de Daladier ? Sarkozy n'est pas parfait. Mais il nous parle de nous, de nos indignations, il ne fait pas de discours creux, enfin pas toujours, il est le seul à pouvoir discipliner les tendances totalitaires de certains imams. Hélas, dans le débat Sarko-Ségo, pas un mot ou presque sur le Grand Effondrement de l'Occident.

Pas un mot sur la Barbarie. Rien que des chiffrrrres sur la petite économie, le petit nombril de la Franfrance, les statistiques sur l'emploi, un chipotage permanent, une atmosphère parfois de cour de maternelle ou de L'Arène de France. Il faudra tout de même bien qu'un jour on se retrousse les manches jusqu'aux couilles pour aller la défendre, notre civilisation ! Et s'il y a un jour des attentats en France, peut-être que certaines autruches des deux sexes vont arrêter de se foutre la tête dans le sable avec le cul à l'air ! Les choses seront bien nettes ! Ah ! nos fameux démocrates musulmans ! Qui seront au pouvoir ans vingt ans, promis juré ! En attendant, nos braves modérés chrétiens se font tout simplement les complices objectifs du plus abject terrorisme...

Il faut toujours ête cool avec les gens de gosh, ne jamais s'énerver, toujours jouer la finesse et la diplomatie, ne pas rentrer dans le tas, et pendant qu'ils font la morale, eh bien ce sont toujours les mêmes qui se font gruger, en se laissant tartiner le cul avec la morale à papa. La bonne

grosse vieille droite bien dégueulasse, c'est bien franc, mais les cafards de sacristie marxiste ou autre qui vous défendent par devant et qui font grimper tous les petits copains par derrière pour vous la mettre jusqu'à l'os quand même, je commence à ne plus tellement pouvoir la blairer, la vie m'a mis dans le cul jusqu'à en avoir des renvois de gland, excusez-moi si je suis vulgaire. Je me suis laissé aller à l' “engagement politique”. Malheur à toi Philippe, tu as pensé au bonheur de l'humanité. “Lorenzaccio”, de Musset. Moi je – ET MOI ET MOI ET MOI - suis simplement devenu con, et Dieu sait si je m'en suis foutu, de l'humanité, au moins autant qu'elle de moi-même. C'est tout mon destin raté qui me remonte à la gueule. Certains deviennent sages en prenant de l'âge.

Moi non. Des efforts, des efforts, je n'ai pas arrêté d'en faire, des efforts. Maintenant j'en ai marre, et je vous salue bien tous, avec la totalité de ma courte connerie.

 

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786 – D'abord on pèche peut-être par faiblesse (hélas ! car ta faiblesse c'était la force même du désir; du penchant, de la passion et du péché) ; mais alors on en est si désespéré qu'on pèche une seconde fois peut-être, et cette fois c'est de désespoir.

Soeren Kierkegaard “Journal” Avril 1848

Amis lecteurs, et vous tous inconnus à qui j'ai forcé la main, j'ai aujourd'hui le cœur plein d'amertume, de rancune et d'apitoiement sur soi-même, ce n'est pas propre et ça salit tout ce que ça touche. Sommaire : Federer – l'Yeaune, Reaume, Eûdipe, la messe en latin, et Rolft, celui qui se prend pour un présentateur de journal télévisé.

 

FEDERER

Il est bien gentil Federer. Il a une bonne tête. Il est le champion et il se la pète pas. Il est bien brave aussi. Jamais ça ne lui est venu à l'idée de protester avec véhémence contre le massacre de son prénom. ROGER. Ça se prononce RO-JÉ. A la française. A la franco-suisse. En italien, c'est Ruggiero, ROU-DJIÉ- RO, comme Raimondi ; en allemand, RÜDIGER, RU-DI-GUEUR. Mais quele est le foutu con, quel est le bâtard inculte, en un mot quel est le journaliste, car il n'y a qu'un journaliste pour avoir inventé ça, qui s'est mis en tête, n'ayant jamais lu ce prénom ailleurs que dans ces insipides bandes dessinées sur les as de l'aviation dans les Spirou de 1950 (moi aussi, comme tous les petits garçons de l'époque, je me demandais ce que venait bien foutre ce “roger” dans toutes les conversations - “Roger” pour “Ready” - qu'est-ce qui lui a pris, à ce Premier Plouc, de prononcer cela A L'ANGLAISE, WO-DJEUW ?

...Et tous d'enchaîner ! Wodjeuw, wodjeuw, wodjeuw ! Le ridicule ! Le ridicule ! anglais de mes couilles ! Of my balls ! Parfois une Schönberg, un Poivre d'Arvor qui rectifient, sans conviction, et passent le relais radiophonique à un de ces connards analphabètes qui te renvoient illico du Wodjeuw comme une balle de match en revers croisé ! Putain ! Vous le savez que je suis grossier ! Bordel ! Damned brothel ! Et Roger-jéjéjéjé qui s'en fout ! Qui trouve que ça fait mieux si ça tombe ! Et si je laissais prononcer mon nom à l'espagnole ? “Collignon”, “Koyi-Guenonn” !

YEAUNE, REAUME, VIVE LA BRETAGNE

Ah ! La promotion canapé ! La promotion insolence ! La promotion ignorance ! Les présentatrices qui parlent du département de l'Yeaune ! De “notre envoyé spécial à Reaume !” Attends, plus fort de chez Plusfort : “la température à KIMMPER ! Vous avez bien lu, amis Bretons, bien entendu : à Kimm-per ! Dites-moi, écrivez-moi vite par retour du courrier, je vous en supplie à genoux, au nom

de la Sainte Vierge, comment on dit Putain d'enculé de bordel de merde en breton, d'urgence, d'urgence !

 

FASCISME, SAUCE ANTIQUE

Quant à Œdipe prononcé Eûûûûûdipe à la place d'Édipe, j'y renonce, on me répond “l'usage”, moi je réponds “le BON usage” ; à ma dernière “formation pédagogique, sur les douze professeuses de français ici présentes, douze prononçaient Eûûûdipe, c'est moi qui ai dû le faire remarquer ; toutes alors de se tourner vers l'inspectrice ! “Mais comment doit-on prononcer ?” Et elle, humblement : “Édipe”. Mais toute petite, la voix, pour ne pas vexer, parce que c'est facho, n'est-ce pas, de rectifier la prononciation... Elle avait peur, l'Inspectrice, la Supérieure Hiérarchique, ça fait facho, d'être chef. On me dira que je lutte pour des conneries, pour “des causes perdues d'avance” - la vie aussi, c'est une cause perdue d'avance. Mais je me bats, je me bats, je me bats ! ...mon pote Cyrano...

 

LA MESSE EN LATIN

Et à propos de fascisme : la messe en latin. Ah ! voilà bien le comble du fascisme, commentateurs de mes glaouis. La messe en latin ! Si The Pope avait dit : “la messe en anglais !” - alors là, c'eût été un immense bavochement de congratulèchieunne, ouais ! enfin de l'eûûûûûûcuménime (voir plus haut), enfin de l'universel, enfin l'anglais, la fameuse langue qui apporte la paix au monde ! Especially in Irak. Et si ç'avait été LA MESSE EN ARABE, alors là, l'enthousiasme ! Des rugissements de délire ! La paix universelle ! Le juif et l'arabe autour du même rôti de porc ! HAHAHAHA ! (le Singe indique toujours l'endroit où il faut rire : laugh, comme chez Fogiel, comme chez Ruquier).

Pierre Coffe gueule bien sur les jambons à l'eau et les produits salopés, je ne vois pas pourquoi je ne gueulerais pas contre nos massacreurs de langues. Vous savez pourquoi les sections littéraires se vident ? Parce que ce qu'on y enseigne n'a plus rien à voir avec le plaisir de lire. Parce que les inspecteurs inspirateurs de programmes font tout ce qu'ils peuvent pour dégoûter les candidates (il n'y a plus d'hommes : un homme, un vrai, ça rote, ça pète, ça pousse la brouette)(Le vide de leur cerveau leur meuble les couilles, c'est de Simone) (de Beauvoir évidemment)(notez que la Badinter n'est pas mauvaise non plus). Et comme dit Abadie, parolier de Bedos : L'enseignement du français est à la littérature ce que la gynécologie est à l'érotisme.

 

MOI JE

JE LE SAIS QUE JE RADOTE MAIS AUJOURD'HUI JE M'EMMERDE JE NE PENSE QU'A MOI Y A DES JOURS COMME ÇA alors on y va :

JE JE JE JE JE JE JE JE JE JE JE JE JE JE JE JE JE JE JE JE JE JE JE JE JE JE JE JE

ME ME ME ME ME ME ME ME ME ME ME ME ME ME ME ME ME ME ME ME

MOI MOI MOI MOI MOI MO I MOI MOI MOI MOI MOI MOI MOI MOI MOI MOI

Voilà qui est fait. Il faudrait aussi une ligne de merde, une de bordel, une de putain, une de couilles, une de diarrhée. L'une dans l'autre. On vous l'épargne. Qui c'est qui dit merci ? C'est le

lecteur – le quoi ? Bon. Alors je vais vous proposer quelque chose de vachement sérieux. De lit-té-raire. C'est ce que j'écris maintenant. Ça s'appelle GASTON-DRAGON. C'est l'histoire de mon grand-père Gaston, le père de ma mère. Quand il s'est fait écrabouiller par un camion le 10 décembre 45, ma mère a failli devenir folle. Et ce qui s'en est suivi, c'est dans les pages qui suivent.Je vous ai donné l'explication tout de suite, parce que sinon c'était difficile à comprendre, et je ne veux pas vous la jouer Faulkner, on s'emmerde déjà assez comme ça. Bonne lecture, et envoyez des timbres, y a pas de raison que ce soient toujours les mêmes qui s'y collent, merci ! Juste encore une remarque : c'est inachevé. Tout dans la recherche coco...

 

G A S T O N - D R A G O N

 

EXERGUE : Les exploits d'Ulysse, accomplis par la ruse et l'intelligence, me semblent méprisables ; car je sais très bien, moi, je suis largement payé pour savoir, que l'intelligence sans la force ne mène absolument nulle part.

 

AU LECTEUR

Lisez lentement. Lisez successivement. Ne cherchez pas à tout prix l'enchaînement. Tout se constituera en son temps, à son rythme. Formons une alliance et ne craignons rien l'un de l'autre;

 

 

PERE HISTOIRE

Père Histoire ayant expédié Gérard P., gravé par son nom sur le monument aux morts, dans les camps du même nom, fut condamné au peloton. Puis écroué par nos libérateurs atlantiques en forteresse à Laon : commutation de peine en droit commun. Quand la cité fut bombardée, Père Histoire déblaya ces corps, dont une fillette à bout de bras. Il m'a dit que rien ne peut rendre l'odeur de la mort. Que rien n'en peut approcher. Odeur sui generis, dont rien ne donne l'équivalent. J'en suis venu à penser que cette odeur donne faim ; les pisse-presse, après l'incendie parlent immanquablrement d'une « ignoble odeur de brûlé ». Les plus précis risquent « sucrée ».

 

PARTURITION

Mes trois prénoms chrétiens sont Gaston, Lucien, André. Dieu dessécha mon âme, et purifia mes lèvres par un charbon ardent; et Isaiae labra carbone ardenti purificavit. Ma cathédrale catholique présente en bas-relief sous le buffet d'orgues les Douze Travaux païens d'Hercule ; aucune notice n'en fait mention. Mon dernier prénom, André, l'Homme, est celui de mon second père, le médecin accoucheur. "Boucher !" criait ma mère , « boucher ! » - le sang giclait! giclait partout ! - sur les murs, le sol, les cuisses ouvertes de ma mère et la table aux pattes torses où la famille a mangé jusqu'à mes treize ans

GASTON-DRAGON PREMIERE PARTIE …

"Me voici. Mes yeux sont d'azur baignés."

Valéry, "L'Enfance de Sophocle"

 

Sans souvenir encore de rien. Pourtant passé le meurtre des serpents, d'autres monstres se lèvent à l'horizon d'une mémoire antérieure. Je vois au loin d'immenses jambes nues franchir en déchirant les brumes de longues étendues d'eau pâle, terre et mer enlaçant leurs courbes indécises, où mon âme et le monde se créent. Je ferme un instant les yeux, je m'aperçois en les rouvrant que la vision s'estompe. Je suis l'enfant portant sur le sommet du crâne l'ombilic de mes vies antérieures. Mère avant moi vivante. Boute-en-train – pour étrange que soit l'origine du terme - « étalon » - un numéro - définition de cirque – après moi Gorgone, rictus, serpents. Trône à seize ans ma mère en costume d'Esther sur un cliché sépia parmi les jeunes pensionnaires entorchonnées de châles. "Un jour en classe » dit ma mère « à la question "qui fut le roi de la Lorraine en 1738 ? j'ai crié : Stanislas Leszczynski !"

Ma vie est le monde ; son histoire, ma cosmogonie.

 

LA MORT DU DRAGON

Histoire de la mort du père d'Alcmène, Gaston-Dragon. Gaston, de « Vaast », prononcé [vâ], (« la gare St-Vaast », à Soissons), la terre déserte (« Terre Guaste »), dé-vastée. Die Wüste.

Jour de verglas, 8 h 12. Gaston-Dragon meurt écrasé par un camion-benne à betteraves de faible tonnage, vide, la tête écrasée, plate comme un fromage au sang ; lui, l'ancien Chien du patron (le contremaître, celui qui aboie sur les ouvriers : « Plus vite fainéants ! » Dur-à-lui-même-et-aux- autres, universellement détesté à la sucrerie d'Aguilcourt arrête-toi ! tu viens d'écraser le père Liénard ! (là-bas dans le nord, on ne dit pas « Monsieur, Madame », on dit « le père », « la mère » ; et «Liénard », c'est son nom) - je lui parlais y a pas une minute a glissé sous tes roues.

Quinze jours avant la retraite. Je reconstruirai la cabane à lapins quinze jours à Noël. « Quand j'ai vu » dit Frida la veuve « arriver de loin le Maire l'Adjoint le Patron tous en noir chapeaux bas j'ai su tout de suite qu'il était arrivé quelque chose." Notables de campagne phrases convenues sues par cœur du fond du cœur, il se retirait toujours avant pour que j'aie pas d'enfant Tu les préfèrerais à ma fille cette fille était ma mère absente ce jour-là, où la Seconde Epouse de Gaston-Dragon prenait debout recevait la mort en pleine face. Et si éloignée que fût ma mère, à dix

kilomètres de là en ces temps si lointains où le bout du monde commençait aux frontières du canton, le téléphone chez le Maire en cas d'urgence, elle apprit par son rêve - il est sans tête criait-elle je ne vois pas la tête mon père mon père – il portait un bandeau ? du sang (...) - je ne sais plus répondait-elle plus de tête un souvenir comme coagulé comme à bout de mémoire et jusqu'à sa mort j'ignorais le séisme et et si ma mère avait pleuré crié je ne connaissais pas le tréfonds de ma mère.

(En vérité sur son lit de mort lit d'exposition Gaston-Dragon portait de larges bandes étanches et propres sur ce même lit où je devais plus tard enfant rejoindre Frieda de sept à huit heures, mes deux parents dormant encore, au signal doucement frappé sur les conduits d'eau chaude. Je rejoignais la veuve pour ces voluptés enfantines, si profondes et si peu génitales et adultes, au sein de ce lit chaud tout imprégné de femme et de bergamote - il faut un odorat longuement imprégné, affiné de dévotions, pour percevoir dans l'odeur de femme le plus quintessencié des parfums ; et si je prétendis un jour en être incommodé, ce fut avec l'impudence à claque du plus parfait petit morveux : « Comment » dit la Veuve « peux-tu donc savoir cela ? » - ainsi donc les femmes loin d'en faire mystère ne contestaient rien, admettaient, reprenaient à leurs compte et maléfices cette puanteur dont on les faisait dévolutaires... Alcmène prétendit que j'avais dû flairer parmi les jambes ouvertes de quelque employée logeant alors chez sa mère, et qui se fût contre toute vraisemblance assoupie sur sa chaise en position propice - or je ne me souvins d'aucune

exploration ni reptation de cette espèce.)

FIGURES DU PERE

Un père tout embarrassé, contaminé, de son entrave charnelle. Amfortas ou Roi Pêcheur atteint, mehaigné d'un coup de lance enmi les hanches entendez non pas claudiquant mais oui bien dévergé, lacéré et castré, à lui tout miel et résurrection selon son rite, lorsque la terre gaste reprend couleurs de fleur et d'herbes, rameaux et bourgeons. Je consolerai ce père et oindrai telles de ses parties du corps de ce miel de natron dont on conserve les momies car il est plus grand mort que vivan ; c'est Arthus Roi d'Echecs Arcturus encore se déplaçant d'une seule case, lui dont la seule, ultime et funeste campagne ne put s'engendrer que de l'usurpation de son propre fils, qui le trancha de son épée, si bien dit la vulgate que l'on vit le ciel au fond de son corps entre les lèvres de sa plaie Arthus figé en son château de Camaalot dans une éternelle festivité d'Ascension ou de Pentecôte, premier célébrateur, Dêmiourgos de la Gnôse, crée ce monde où nous sommes entre ciel et terre) ; n'incitant ni aventure ni quête qui vaille, mais bien les ordonnant, les proposant. Tout ce qui part de lui est fondé, lui revient, en bon garant : la quête s'est effectivement déroulée puis accomplie, c'est lui qui l'authentifie, qui l'estampille. Il s'apparente en cela au dieu romain : quoi que fît en effet un citoyen de Rome, c'était sous le regard d'un dieu, trouvant pour chacun de ses gestes sa répercussion à l'échelle du firmament, où il s'inscrivait, où il se portait en ombre. Voilà donc tout ce que c'était qu'un Père : aussi bien Wotan, amoureux dépité de la race des Walsung, héros et vaincus - ou Encelade le Titan sous le poids de l'Etna, plus grand ô combien que tout dieu, ou Prométhée.

Je fus adoré de mon père. Il fonda sur moi ses espoirs de rédemption. Ainsi les mortels sauvaient-ils les dieux ligotés de sagesse. Tout homme est en attente du Messie. Toute femme emmure et garantit le temps, de l'insititution de lanaissance au grand scellement de la mort. Or je ne fus ni le Christ ni Oreste, vengeur de son père, ni le fils dAbraham qu'il épargna, ni même Siegfried au petit pied, un Siegfriedchen. Juste, mon père et moi : deux hommes.

 

PREMIERE APPARITION DES EURYSTHEES

Sur l'écran qui me tient lieu de ciel et de toute réalité m'apparurent les sœurs Eurysthée.

L'une me dit : « Tu es notre frère. » L'autre ajouta : « Dans la soumission à Dieu se trouve quelque chose de plus sacré que toute Révolte, car elle procède de la nature même de Dieu ; il y a dans la rébellion, la convulsion de mort et de défaite plus de sacré que dans la soumission, car le cri du rat

sous la serre de la chouette s'inscrit à tout jamais dans le temps, dimension de l'homme dont le dieu, tout éternel qu'il soit, est à tout jamais privé. » Lorsque Gaston-Dragon mourut, la terre s'arrêta. Seul celui qui meurt a besoin d'un nom sur sa tombe. Qui se soucie du nom d'une divinité ? «Ô Zeus, ou quel que soit le nom que l'on te donne... »

Innombrable est le compte de ceux qui doivent mourir.

Père décédé, disait le télégramme. Un certain Evguéni passa pour le mort ; père de mon père pour l'anecdote, buveur, pourri d'asthme, bassiné d'eucalyptus. Le tampon de la poste indiquait '"GVIGNICOVRT". En cette époque les époux naissaient à trois lieues l'un de l'autre. Les cousinages étaient légion. Les types humains, appelés races, n'étaient que des familles : Dragon, Evgueni, un village, quel père ?

 

PAROLES RAPPORTEES

De la bouche de Sinne, Wisigothe : A Guignicourt, la guigne y court. 

- Pour être satisfait de ton destin, regarde toujours au-dessous de toi.

Proverbe : "Le vin d'Arbois, plus on en boit, plus on va droit". La carte représente un Incoyable vacillant sur son gourdin tordu. Ajouter à l'arbois le pastis (Evguéni), le guignolet pour Alphonsine. Je n'ai disait-elle jamais éprouvé le moindre plaisir avec mon mari. 

De la bouche de mon père : J'ai assisté à des scènes, mon fils, dont tu n'as pas idée.

 

LE ¨PETIT HOMME DANS LE LIT DE LA VEUVE

Il parlait avec elle à sept ans, à sept heures au matin, d'une usine d'armements sous la glace d'Arkhangelsk, où luttaient les espions. C'était l'an 4004 de notre ère ; la naissance du Christ passait juste entre nous et la Création du monde. Les Martiens, disait Veuve Dragon, possèdent deux mille et cinquante ans d'avance.  Leurs soucoupes apparaissaient cette année dans le ciel.

 

DEUXIEME APPARITION DES EURYSTHEES.

Deux déesses blondes. Ce chapitre, où se précise la mission d'Hercule, présente des similitudes avec les indication des jeux vidéo. Gardez à l'esprit ces données fournies par le game boy, afin de ne pas céder aux désorientations. Les Jumelles Blondes empruntent leur nom à celui du commanditaire,

beau-frère d'Héraklès, afin qu'il accomplît ses Douze Travaux. L'écran montre leur char de feu sur

fond d'étoiles, et leur immense chevelure blonde tombe sur leurs reins : telle Yseut, ou tout autre

princesse digne d'amour. La voix des Eurysthées offre le sensuel métallisme des reconstitutions téléphoniques, même structure hachée, voix gazées (mirliton, papier à cigarettes ?). Les Eurysthées lovées naguère dans la même poche utérine, incurvées yin et yang, deux souffles retournés aux mêmes bouches.

Quelque chose de doux et de confus ; comme une nasse de cheveux, étouffant un peu, sur les narines. Mission : purger le Continent de ses fauves et de ses reptiles (plus tard je conclus, hâtivement, qu'il me fallait me concilier ma propre mère, en m'assimilant au père même de cette dernière, un certain Gaston ou Vaast, celui-là même qui jadis catéchisa Clovis, et périt au vingtième siècle sous les roues d'un véhicule utilitaire) (ces confusions ne s'éclaireront pas en leur temps). Pour l'instant les Eurysthées se tiennent toujours dans le ciel, sur un nuage en forme de char : cela ressemble aux chances, potion magique, nunchakus, dont on se pourvoit au début d'un de jeu ; les voici :

1°) les armes de mes adversaires ne seront ni la peur ni la force, mais l'envoûtement, la fascination (charme, pitié, langueur...) : les compagnons d'Ulysse ayant consommé les fruits du lotus refusèrent de rembarquer, oubliant Ithaque leur patrie.

2°) étant l'offensé, j'aurai toujours le choix des armes - les autres seront toujours dans leur tort.

J'éprouvai une grande volupté à ces voix, contournant de l'œil ces profils sinueux ; j'aurais enfin le droit sur mon lit de mort, puisqu'il s'agirait enfin de moi seul, de crier "Assassins, assassins", jusqu'à mille fois, à tous ceux qui me soigneraient, qui resteraient vivants quand je mourrais, infirmières décolletées aux blouses transparentes révélant les slips (dans What de Polanski, l'héroïne chevauche un vieillard en relevant sa jupe : Porte du monde au seuil de laquelle retombe foudroyé l'agonisant aux yeux brisés d'extase, murmurant "Que c'est beau").

 

MISSION (SUITE)

 

 

- Tu feras, dirent-elles (et l'alternance de leurs voix vibra comme un écho, à la façon des anges d'Abraham) l'amour aussi souvent que nécessaire, en effet, poursuivait la seconde, loin de nous l'idée que l'abstinence confère quelque pouvoir à quelque homme.. - ...ou femme... - ... que ce

soit". Tel Antée reprenant vigueur sitôt qu'il touchait du pied la Terre, je recouvrerais mes forces sitôt que je baiserais, non pas avec l'une d'elles mais suivant les indications qui sur un phylactère me furent données : un parchemin roulé que je trouvai passé dans ma ceinture. Mais j'espérai ne pas

me battre : il n'est pas indispensable de recourir à la totalité des armes pour la quête, à supposer qu'il soit avantageux d'y parvenir - mais n'anticipons pas.

Muni de ces précieux viatiques je m'apprête à combattre la terre entière, évoquant ces souvenirs dont on m'avait livré la clé, dans ces ténèbres d'avant ma naissance; réseau toutefois suffisamment précis pour que je puisse reconstituer sur ces pilotis de mémoire ma cité lacustre, popularisées par les livres d'histoire, n'ayant paraît-il jamais existé ; je me rappelais d'abord d'immenses salles de mariage, de grandes gueules de grands hommes et de femmes enjambant l'espace.

 

COMBAT

Puis les Eurysthées me convièrent à une lutte à trois, gréco-romaine, dont je me dépêtrai, bien qu'une fois descendues de leur char elles se fussent révélées plus musculeuses et souples que je ne pensais, et plus d'une fois leurs prises m'ôtèrent le souffle. L'Ange ayant plusieurs fois touché terre demeura vainqueur, laissant au fils d'Isaac une boiterie de la hanche en signe d'appartenance ; les Muses me tordirent à ras du sol soufflant dans le sable, et reprenant leur vol m'assurèrent que je porterais à jamais la marque d'une extrême vulnérabilité : un point particulier, peut-être du corps, talon d'Achille, ou ce point dans le dos "qu'on n'atteint jamais", que le traître Hagen transperça de l'épieu ; il n'était pas inéluctable cependant que je dusse périr un jour de la sorte.

Je me relevai horrifié, fortifié : il se dégageait de mes épaules une pénétrante odeur de tilleul, dont la feuille marquait la fragilité de Siegfried, mal baigné dans le sang du Dragon – sexe de femme entre les épaules ? je n'avais ni massue ni glaive. Dans mes vies antérieures affleurant peu à peu je ne combattais qu'à mains nues, craignant à juste titre que l'adversaire ne retournât mon arme contre moi ; je recherchais le corps à corps et la morsure : "il se bat comme une fille", disait on ; j'en étais fier. Mais je refusai d'être une femme, afin de ne pas échanger une prison contre une autre. Les Eurysthées en songe m'approuvèrent : la confrérie des femmes exige en effet des contraintes bien plus fortes que celle des Héros.

Je ne saurais ici poursuivre la relation des entrevues que j'eus souvent avec mes Eurysthées ; elles me visitèrent tant qu'elles flottaient pour ainsi dire et flottent encore autour de moi comme une cape d'invisibilité, die Tarnkappe.

 

MA VOCATION DE PRETRE

C'était une bien belle église à GVIGNICOVRT. Enfant, bigot, bien coiffé, j'escaladai par l'abside la pente argileuse et couverte de ronces d'où tombaient, pressés, impérieux, les premier, deuxième coups de la messe ; je dérapais dans mes souliers dominicaux, serrant dans mon poing une image pieuse où l'on avait cousu - c'était un scapulaire - un vrai coupon de la robe à

Marie, un carré brun de bure. Je priais en pestant contre la boue, l'âme pure et les pieds sales. Et franchissant enfin le porche, par la grande entrée de tout le monde, je constatai que pas un putain de

paroissien ne s'était encore déplacé. Déception, mais fierté : j'étais le premier de l'ekklésia. A la fin de l'office j'ai attendu le prêtre dans la sacristie ; les enfants de chœur passaient par-dessus leurs têtes de ploucs leurs soutanelles rouges à dentelles sans mesurer un seul instant l'honneur insigne qu'ils avaient eu de servir la messe, au plus près du Seigneur.

Avec quel orgueil n'ai-je pas déclaré à l'homme de Dieu :

«  Je veux devenir prêtre ! » Il ne m'écouta pas. Au lieu de s'extasier, de m'accueillir en son giron comme un exemple à suivre ("Voyez ce jeune garçon! il n'est pas comme vous ! il sera

prêtre !") avait grommelé je ne sais quoi, impatienté par mes souliers sales, et mon odeur de brillantine.

 

MA MERE EN DELEGATION

Il me revint de racheter les pleurs de ma mère : toute jeune en effet à GVIGNICOVRT ma propre mère, privée en son temps des funérailles de sa propre mère, fut déléguée en rattrapage aux inhumation paroissiales, son père Gaston Dragon manquant de temps, Fernande, la seconde épouse souffrant de mélancolie.

 

MA MERE EN REPRESENTATION

...Me faudra-t-il un jour, et pour le peu de temps qu'il me reste à vivre, revenir à GVIGNICOVRT (telle était l'orthographe au fronton de la mairie) me placer à l'endroit précis où branlaient, perchés sur leurs tréteaux, les cercueils pleins accompagnés par ma mère, afin d' y flairer cette amorce de macération - sentie le lendemain même de son propre enterrement – espace

que rigoureusement ma mère

m'interdit de nommer ici -

plus tard occupé par la boîte obscène et définitive cette fois d'Alcmène ma mère en cours de sournoise décongélation, ayant refusé l'immortalité proposée par Zeus, dont j'avais encore en moi l'image fraîche et d'un rose malsain [il manque un bout d'oreille - chuchotait ma fille

épouvantée - papa, regarde] drapée dans la robe de chambre à ramages orange déjà collant sur ses chairs suspectes – lieu suspendu à 120 cm du sol où je sentis, physiquement, le lendemain de

la cérémonie, les vibration, substance et subsistance d'une masse exactement coïncidant avec cette figure volumique de chêne verni fantôme dont mon instituteur de père m'avait bien auparavant transmis la dénomination magique : parallépipède rectangle.

Ma mère désirait ; désirait des obsèques qui fussent religieuses. Sur son corps le prêtre agita le goupillon – "si nous n'attendions pas, mes frères, la résurrection, nous ne serions pas ici réunis autour de ce cercueil" - et je reconnus bien là une réplique à cette exaspérante faconde de mon père qui cabotina sans doute en secret avec ce prêtre - "je ne crois pas lui dit-il à toutes ces

histoires de résurrection, de Bon Dieu, de jugement" - du ton faraud de celui qui suça le lait sûri de l'Ecole Normale et républicaine.

 

DE MA MISSION, ET DERECHEF

"Tue le Dragon » dit mon père ; « délivre-nous toi et moi en atteignant Gaston où qu'il

se trouve, Enfer ou Ciel. Jamais, mon fils, jamais en effet ta mère, telle que tu l'as connue, n'a pu admettre que je fusse équivalent en quoi que ce soit de son père des Terres Guastes. Si tu t'assimiles

Gaston-Dragon, que tu te baignes dans son sang, il te révèlera son règne et sa longévité - car il survit n'en doute pas malgré son crâne écrasée. Tu deviendras lui, et il deviendra toi, et vous ne serez plus qu'un, moins maléfique pour moi car je sais que tu m'aimes. Pour toi tout bénéfice ; pourvu de toute supériorité tu consoleras, tu valoriseras ta propre mère la tête haute, ton père désormais plein d'estime, et toi-même seras Fondateur.

"Il n'est pas exclu que le cycle se reforme parmi ta descendance - que t'importe ? » Il n'ajouta pas que j'aurais enfin dénoué les générations, devenant ainsi père de mon père et de ma mère. Je ne promis rien et fis bien ; mais il me défendit de l'imiter, voire de me soucier de lui ; ce qui fut impossible.

 

ENQUETE

Consultant alors les Eurysthées j'appris :

que Gaston, fervent joueur d'échecs, initia son gendre mon père à ce jeu pendant neuf mois d'état de

grâce après les noces ; mais que jamais du vivant du Dragon, je veux dire avant que la roue du Grand Véhicule n'eût fait éclater son crâne matériel, mon père ne l'avait vaincu - la diagonale de l'Evêque ( Bischof , le fou en allemand) surgissant de l'angle adverse sans qu'il eût jamais pu parer la Tenaille de la Mort...

chose ignorée de tous les acteurs de cette histoire, que l'Homme des Terres-Guastes ne pouvait se fléchir que par le recours à la Femme ; à tout homme il ne laisserait nulle chance, et le combattrait à mort, spirituelle s'entend, après quoi rien ne subsiste ; mais la chose tourna d'une autre manière.

En ce temps-là je consultai beaucoup sur Gaston-Dragon seul témoin, seul pilier, fondateur, destructeur. Ma mère s'écria : "Jamais mon père ne m'a manqué de respect" - hélas Lotharingienne Alcmène il est tant d'autres façons de manquer de respect à son enfant.

 

LES EBRANLEURS DU MONDE - ENOSICHTHONES

Mes investigations menées à bien (dans ce lieu idéal où l'on ne mange ni ne dort, où l'on

demeure sans cesse éveillé sans éprouver la moindre fatigue, où le temps lui-même obéit à des lois inconnues) j'eus à nouveau la vision des ébranleurs du monde : Héraklès encore parut en ses dimensions véritables, torse nu de trois-quarts, tête, épaules - moi spectateur effaré contemplant cette expression massive, dominant de la barbe et des bras musculeux (je le revois encore) la plaine brumeuse où fuyaient les foules en chariots, traînant leur exode éperdu sous les cuisses mêmes du monstre (de Francisco Goya y Lucientes ?) - je le vivais en ma vision, ce tableau, de toute ma frayeur ; si le monstrum (latin : signe des dieux, qui proprement démonstre leur puissance) se retournait ? de quelle rage sanguinaire...

Devais-je en vérité m'affronter à cet homme, à ce Colosse, afin de refonder l'Harmonie de leur Monde, en recousant leurs lèvres et les miennes ? je réfléchis à tout cela.

 

DIEU EN SOI

 

Rien ne garantit que l'intuition, ou la raison seules, m'eussent mené sur des voies

assurées. Car l'ignorance et la malédiction humaine l'emporteront toujours. Merde aux prédicateurs et aux maudits, donneurs de leçons. De Gilgamesh à Faust, la seule chose qui compte c'est de me garantir, moi seul animal dit-on qui sait que je dois mourir, contre toute mortalité : "Si vous goûtez de cet arbre de vie, qui est au milieu du jardin, vous mourrez". Nous avons goûté, nous sommes morts. « Vous connaîtrez le bien et le mal » nous sommes bouffés par Différence. Et vous serez « comme des Dieux » : contradiction – tout dieu fusionne toute différence. Ou bien : toutes contradictions poussées à l'extrême et cependant fondues ; aussi toutes découvertes de sont à la fois plus grand blasphème et mort du dieu, car il n'est plus de Dieu, car il n'est plus de mort. Abrotoï, dit le grec, privés de nourriture, privés de Brot, le pain.

Que dit Alcmène, mère mythologique véritable d'Héraklès : : "Ne me parle pas de ne pas mourir tant qu'il y restera un légume immortel" (à Zeus, Amphitryon 38" Acte II Scène 3), car s'il n'y a plus de mort, tenant compte des infinités possibilités de l'infini des temps, toutes les virtualités successives de l'homme, voire concomittantes, se réaliseraient, il n'y aurait plus besoin de plusieurs hommes, et je serais homme-dieu - peu importerait alors qui je suis, peut importerait mon nom. J'aime donc qui je suis maintenant, ici, nommé, dans ma mort, mon corps et ses déplacements, et je saurai ce qu'on met sur ma tombe : Ci gît Héraklès, homme de lettres - les deux dates et le trait d'union. C'est donc pour l'épitaphe seule que je relate les obsèques, pour le nom, et non l'immortalité, son exact contraire.

 

LA MORT DU JUSTE

Gaston-Gustave Le Dragon (1885-1945) mort sans que je l'aie frappé. Rentrait du bistrot en faisant gueuler tous les chiens attachés du village et tous les hommes qui gueulaient ce con de Dragon. L'affliction ne s'applique pas à l'injuste qui dit Si ça ne me fait pas de bien, ça ne me fera toujours pas de mal en parlant des derniers sacrements de l'Eglise. L'affliction vole à Gaston maître-chien contremaître de chiourme haï de tous crâne broyé sous le camion-benne comme tous ceux de son espèce dur à soi-même dur aux autres. Je suis tendre à moi-même. Que de la dureté pour moi les autres se chargent.

 

LA TUNIQUE DU MORT

Sa mort me ronge à la façon de la tunique de Nessus enduite de poison ; corrosion de la chair ; incorporation ; fusion tel tissu synthétique repassé sur le bras brûlant. Revêtu, investi désormais de la Chair de Dragon, front, mâchoire, jusqu'à l'étreinte de la taille – rivalisant avec un mort ce qui est tout autre chose que ces modèles Arthur ou Cophétua le Méhaigné - dont la lance cisailla le sexe –

celui de mon père était l'harmonie même - il est beau de donner dans un premier temps les Oracles à déchiffrer (Paroles de Dragon), objets qu'ils sont depuis des lustres de vénération. Or ces formules, communes à tous les gens de terre du pays lotharingien depuis maintes générations, témoignent en second lieu d'une inanité tyrannique.

 

D'UNE MISSION PEUT-ETRE DERISOIRE

Vantardises. Admirations irraisonnées dont ma Mère nimba les moindres proférations du Dragon son père ; imitations en vérité religieuses, pour autant que la barrière des sexes en laisse percevoir ; mais : s'apercevoir en définitive que tout cela se soubasse, ne trouve son substrat, que sur un amoncellement, sur un ciment d'atavique et soupçonnée sottise. Voilà toute une vie brûlée. Sotte prérogative de la mort.Trop tard. Comme si Mort tendait à bout de bars son flambeau à Vie.

 

DE LA FRATERNITE - DE LA TRANSMISSION

L'homme vit seul. Sa seule vie, sa seule existence est de se contempler. De s'envoyer l'un à l'autre, de s'échanger d'ineffables signaux. Ineffables : qui ne peuvent se dire ; ici, voici un homme ; ici, je suis un homme ; regarde-moi, interprète-moi. Cri du corbeua, cri de l'outarde en compagnies, avant qu'elle s'envole ou se repose. Cris d'identité, valeur phatique, emphatique, empathique, de la proclamation. C'est ainsi, ici, un homme - ici, un homme - regardez-moi, je vous regarde - d'une ignorance à l'autre, d'une fraternité perdue à quelque pressentiment d'espèce, tels ces appels d'oiseaux fondus parmi les brumes en vue d'une destination commune, que s'établissent les liens sociaux, et quelle immense déception lorsqu'on découvre, en son âge tendre, la cruauté.

Le corollaire de ces conditions est qu'il ne sert à rien, en vérité, de connaître un homme. Connaître un homme ne sert à rien, n'apprend rien.

DU MAGNETISME – DES PÔLES

Gog et Magog : dans les littératures juive, chrétienne e tmusulmane, personificaiton des forces du mal. Précisons que les Ecritures les peignent sous les formes d'une double montagne.

Rappelons que les forces juvéniles d'Héraklès défirent au berceau les Deux serpents d'Héra. Que l'adolescent s'il veut vivre écrase la tête de son père et de sa mère. Que les émanations du Dragon mort ici pestilencisent et faussent les vibrations courant de l'un à l'autre entre Gog et Magog le père et la Mère, les adultèrent et les frelatent. C'est à l'enfant de déjouer au-delà, en deçà des magnétismes parentaux les frémissements antérieurs, la menace antérieure et diffuse du Dragon,instillée, renforcée par les antagonismes de Gog et Magog.

Père et Mère transmettent leurs conflits je demeure couvé sous la menace immense où nous avons vécu. Vastes orages (Saint Vaast des Terres-Guastes), mous et inéclatés, brumes infiltrées au sein des chairs. L'esprit méphitique de Gaston-Dragon, non tout à fait mort ni dissous, sans absolution ni reçue ni donnée – règne un grésillement à la fois pesant et délétère, dissolution de nerfs ; poursuivant ma voie je parviens au pied des monts jumeaux dans le pli organique et chancreux nommé Guignicourt - à Guignicourt la guigne y court.

UNE VILLE ETRANGERE ET DETRUITE

Plus tard je vis dans une ville étrangère et détruite où toits et terrasses abondent de ces herbes au suc jaune, l'herbe aux mendiants, qu'ils appliquaient sur leurs plaies pour les ulcérer. Voilà ce qui se cache en vérité dans les contrées d'arrière-gorge : une telle cité aux crépis gris et jaunes, parfois vieux rose, échappée aux combats et tapis de bombes, souffrant sur son asphalte une

irruption de vieux hommes niant les exactions qu'ils avaient prodiguées : aux Polonais, aux Hébreux : "Les prisonniers marchaient sur deux colonnes ; peut-être y avait-il des exécutions sommaires (Hinrichtungen) dans l'autre colonne. J'entendais bien des coups de feu. De mon côtéje n'ai rien remarqué."

Vienne. Décor de fantômes, dédale concentrique et poudreux où survivaient vieux hommes et vieilles femmes terroristes aux yeux vides cachant sous leurs cabans des armes enrayées, non point tant enrayées toutefois qu'elles n'exécutassent de loin en loin quelque cibles choisies pour leur jeunesse, pour leur beauté ; je me souviens de certains noms abandonnés, Arrigo, Nadia. Martino, des territoires irrédentistes. Autant de morts sans traces ; mais c'est de Roswitha, de son deux pièces ouvert été comme hiver sur les deux voies d'un pont autoroutier tout vibrant de vapeurs délétères, que partaient les ordres de liquidation. Roswitha portait une perruque rousse et

bouffant sur le crâne, dont ses volutes sales couvraient à peine la calvitie. Je la surnommais "Robespierre", dont certains affirment sans preuves qu'il s'agissait de ma propre mère ; l'Hôpital Général (Allgemeines Krankenhaus) vantait encore le souvenir de son extrême compétence d'infirmière lorsqu'elle officiait, jadis, dans la section des grands vieillards. De retour en France j'écrivis à ma mère une carte postale, où je disais que son prénom ferait l'objet d'une imagination en cours, un roman, dont elle porterait le titre : Roswitha. Je ne reçus pas de réponse : depuis quand les Sibylles répondent-elles à ceux qui les consultent ?

 

DE GOG ET DE MAGOG

Ce sont les monts jumeaux de tous les maux ; partout sur mes chemins extérieurs ou secrets il m'incombe de recenser, de débusquer sur Gog et Magog, féconds en ravins, les taureaux et les hydres – ces deux montagnes en vérité s'enlevaient d'un coup sur la plaine comme deux seins, aiguisés, ravinés. En vérité j'œuvrais pour la civilisation même. Dans le réseau d'étroites tranchées unissant Gog et Magog, je rencontrai souvent deux créatures malheureuses et méphitiques, Père et Mère, s'efforçant en vain de me retenir : la fascination de l'enfance et du malheur passé - "Eh oui", gémissaient-ils, sans fin, d'une longue intonation fascinante.

Ce fut entre Gog et Magog, symbolisant le Mal dans les mythologies hébréo-chrétiennes, que s'étaient déroulées ces tortures dont je fus l'objet; sous les yeux ronds cerclés d'or, sous les phares chromés du tracteur "Masey-Ferguson", image au mur, sous cellophane, Calendrier Perpétuel.

 

LA VEUVE EN SA CUISINE

Etait aussi présente à ces tortures la Veuve de Gaston-Dragon, Seconde Epouse, Survivante, les traits carrés d'une calandre, jamais ne se départissant de la solennité du rôle :

indélébiles contusions qu'imprime un décès violent sur les traits mous d'une vieille grosse ; le sceau de l'Epreuve sur la face. Seule justification d'être (les enfants compatisssent peu – cet âge est sans pitié). Dans sa maison de GVIGNICOVRT gisait la cuisine, entre quatre murs gluants d'épais badigeon vert, très cru, jurant, parois sur lesquelles, faisant maigre pendant à la cuisinière qui ronflait à plein régime en plein été – à peine achevé le repas de midi nous devions préciser ce que nous voulions pour le soir, afin que tout se déroulât d'une mangeaille à l'autre dans l'orthodoxie ménagère - se détachait une pendule carrée, d'un vert plus pâle.

Il en tombait en cliquetant secondes et minutes, tac, tac, tac, lentes saccades,

mitraillette à vieux. Tout vivait encore au temps du disparu

 

L'ENFANT, LE TEMPS

J'ignorais qu'il fût si proche, qu'il m'eût tenu dans ses bras : le temps commence à ma venue au monde. L'atelier du Dragon demeure maniaquement rangé. Gouges, poinçons, chignoles

par ordre de taille sur le mur. Et l'établi couvert de cicatrices. Couturé. Gaston-Dragon mort voici huit ans, l'éternité ! laisse en héritage une meule verticale. Que je lance et fais tourner, accélérer, s'éteindre à la façon d'une rame de métro – j'ai visité Paris dont la vie souterraine m'a pénétré de ravissement : je pouvais donc enfin m'échapper - mes souterrains s'étendaient à l'infini, perdus à l'extrémité clignotante de longues lignes perdues - j'annonce devant la meule mes stations à haute voix.

 

L'ENFANT, LE PECHE

Le temps de la question sous les yeux cerclés d'or du Masey-Ferguson survient deux ans plus tard – le temps est immobile - quand je crois bon d'avouer à ma mère - n'est-ce pas dans ce gros volume d'Histoire Sainte – comme ça tu nous foutras la paix - que je découvre entre deux gravures - Massacre des Macchabées / Daniel dans la fosse aux lions - l'assertion sans réplique les bons enfants n'ont aucun secret pour leurs parents - de confier à ma mère dis-je l'étrange chose que nous commettions cousine Berthe et moi dans cet autre village - ah ! ce sont là de bien étranges époques pour vous autres, vous - mais de quel droit, comment pouvez-vous dire sans frémir "et le vert paradis des amours enfantines" ...? Cousine F. - qu''elle soit bénie, et à jamais - se branlait au-dessus de moi, loin, très loin, très longuement et vigoureusement, comme font les filles seules, sans révéler jamais, sans croire bon jamais de m'expliquer ce qu'elle accomplit là, tandis qu'en elle-même j'attends qu'elle s'achève, sans jamais révéler à l'enfant quel plaisir elle se donne. On me cachait des choses. Forcément, à un gosse.

Juste avant je faisais mes prières, "Notre-Père qui êtes aux cieux" disait Gaston-Dragon (« ...des fois si fatigué qu'il avait juste le temps de dire : "Notre Père » et plouf ! il s'endormait.") - on les recommencera les cochonneries d'hier soir ? - Tais-toi, tais-toi si tu veux qu'on puisse continuer - toutes mes prières, toutes les prières que je savais je les récitais Confiteor compris me vidant, me vidant l'esprit pour m'étanchéifier; pour me dédoubler; pour me dédouaner,

m'insensibiliser. Juste après l' « acte de contrition ». C'était bien. C'était merveilleux. C'était extraordinaire. Bien que je ne connusse pas l'éjaculation. Ou puisque. Puisque je ne connaissais pas

l'éjaculation.

Sous le Calendrier Masey-Ferguson aux phares cerclés d'or jumeau ma mère feignit d'étouffer devant la Veuve en se couvrant les yeux de son mouchoir : "Mon Dieu !" - quel Dieu ? - mon père écœuré m'évita. Toute information épargnée. Lorsque j'apprends un jour qu'ainsi se font les enfants jene veux jamais croire que je suis né au prix de cette ignominie, j'ai été assurément le

seul de toute la terre seul suffisamment dépravé pour imaginer semblable saleté, d'introduire son sexe dans le sexe d'une fille, fille du frère de son père – la chose est en vérité si lointaine que j'ai

grand tort, promis à de si hautes destinées, de m'y attarder aussi sottement.

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MÔSSIEU PUJADAS

 

C'était pendant la préhistoire ; lors d'une certaine campagne présidentielle. M. Pujadas présidait avec sa petite tête de Playmobil et sa perruque Groland. Vint à s'annoncer le résultat de la commune alsacienne appelée Ringelsdorf. Ce fut le boyautage sur le plateau. Quoi ! Etait-il possible, grand Dieu, ma chèèère, qu'un village pût s'affubler d'un nom si ridicule ! Et notre Pujadas de se contorsionner, de tordre en tous sens son sphincter buccal, pour articuler “Rinn ! Gueulsse ! Dorfff !” “Eh bien, ajouta-t-il finement, ça sert, les élections ! Au moins, on apprend sa géographie !” - ce dernier mot prononcé sur un tel ton de mépris, avec des grimaces du plus beau simiesque, en se tortillant le cou et les deux épaules à la Jean Gabin-Gueulard, que tout téléspectateur avait bien compris : non, décidément, un bled au nom aussi con que Ringelsdorf n'avait pas sa place dans une quelconque géographie, et que de tels ploucs ne représentaient assurément pas la Race Française...

On accordait vraiment le droit de vote à n'importe qui... Ma fille s'appelle Sonia. Une élève s'exclama “SoGNA ColliGNON, ça fait moche.” Il lui fut répliqué en pleine poire : “Quand on s'appelle Raton, on ferme sa gueule.” Très juste. Ou Tartempion. Ou Dupont-Durand. Ou Collignon.

Ou Pujadas.

Tu pues, jadas. Wawawawawa !

...Le même qui nous a informé plus tard que les cendres de Béjart seraient dispersées sur la plage d'Ostinde, parfaitement, Ostinde... N'a-t-il donc jamais entendu parler du fameux proverbe belge “Pour l'Anvers, il faut que mon os tende” ? Et c'est pas tout : on découvre dans les Côtes-de-Poivre-d'Armor un trésor gaulois “datant de la Guerre des Gaules, en 70 avant Jésus-Christ” ! Non, Dugland : en 52. Marignan 1497 qu'est-ce que vous en dites ? Evidemment le commun des rappeurs n'en a rien à foutre ; comme on dit au Congo, on Sambalek. Avec mes exigences de trouduculture générale pour les présentateurs, je fais Supervieuxcon. Eh ben parfaitement. Et j'te merde. ...Ecoute, écoute (Robert Lamoureux) ça n'a pas de fin : Pujadas vient de recevoir le prix récompensant le journaliste usant de la meilleure langue française... Au pays des aveugles...

A LA DEMANDE GENERALE DE MONSIEUR JDLGSEDGPSGDA, voici quelques impressions de mes petites errances de fauché-voyageur, qu' “aimerait bien avoir l'air, m'ais qu'a pas l'air du tout”.

 

PETITES ERRANCES

BURGOS 2003

C'est bien ici, à Burgos, que j'ai préféré siroter du vin vieux avec des vieux, contre un tonneau debout, plutôt que d'aller m'en jeter un dans le troquet d'à côté avec des Mickeys de vingt berges. Même chose à Sagonte (« Sagunt » en “valencien” : ces langues prétenduments vernaculaires m'ont toujours profondément agacé ; à Bilbao, capitale du Pays Basque, je n'en ai pas entendu un traître mot, bien que tous les panneaux fussent scrupuleusement bilingues) ; jusqu'à Bergerac, en Périgord, qui s'est crue obligée d'y aller de son petit panneau « Brageira », alors que le dernier petit vieux susceptible de jargonner le patois s'est éteint depuis plusieurs dizaines d'an-nées, comme ils disent...

A Sagunt, d'où partit Hannibal, je vis donc ce soir-là une immense place envahie par toute une tribu, sortie d'on ne sait où, plus de mille jeunes campés sur leurs deux pieds mains dans les poches de leurs vestons trop clairs et cacardant à qui mieux mieux (le castillan, si noble, si courtois, si empesé, devient, manié en foule, un véritable bruissement de basse-cour, famille des anatidés : autant de nasillards canards). Je l'avais déjà constaté, au grand détriment de mes tympans, au pied de ces affreux immeubles directement empilés sur le sable de plage, d'où s'échappaient par les fenêtres empestées de fritures et de chorizo de véritables bourrasques d'oies en partance ou reprenant des forces sur quelque banc de marée basse ; les immeubles assurément s'apprêtaient à battre des ailes avant de s'enfoncer à-haut dans le ciel bleu.

L'industrie du bâtiment là-bas s'envole encore comme en 90 : pesants balcons sur quatre côtés sur douze étages. Mais pou ren revenir à Sagonte, j'ai ce jour-là le tif trop long, la démarche trop souple. J'ai fui cet infini quadrilatère où caquetaient les insolents de tous sexes. Et à Burgos, ils étaient deux seulement, à s'être simplement poussés du coude, puisque je ressemblais exactement à ces mannequins mâles des Soixante-Dix, avec pat' d'eph et crinière dégoulinante – vous suivez là ? Burgos – Sagonte- la plage – Sagonte- Burgos ; comme dans les récits emboîtés du Quijote. Re-Bergerac à présent. Pas trop perdus ? je vas-et-vient. C'est le thème du Décalé aujourd'hui. A Bergerac (bis) je me suis croisé avec mon double. Un revenant vêtu d'un jean en plein cagnard, mains dans les poches, l'air piteux et le bassin chaloupé. Décalage d'époque. Jumeau. Erreur d'époque. C'était si dingue comme ressemblance que j'ai eu envie de l'inviter mais nous avons baissé les yeux tous les deux pour ne pas s'aborder, parler de nous et finir ensemble au pieu, on ne sait jamais. Avec l'attendrissement. Voilà ce que ça m'inspire, Burgos, où je viens de me prendre un P-V de 60 € pour stationnement interdit... Ils me le feront suivre en France, ces enfoirés. Vive l'Europe.

Allez on reste en France. LA CHAISE-DIEU, juin 2005. Moi j'aimerais bien voyager tout le temps. Mais je veux le confort. Et avec ma paye, c'est râpé. Je tiens le journal du voyage. Pour y aller, puis ça s'arrête en plein milieu, parce que j'ai la flemme d'aller jusqu'au bout. Douillet, Flemmard et Fauché Associated. So it is. C'est comme ça. Le six juin deux mille cinq, je suis parti le matin (tin-tin-tin, Renaud). Une ligne de bus conduit directement de chez moi à la gare. C'est ça qui fait monter le prix des terrains. Je ne me souviens plus de ce trajet. Pas la moindre exaltation. Avant de prendre le train, j'ai acheté « Marianne », qui portait en titre « Rébellion », en grosses lettres rouges, sur le triomphe des adversaires à la constitution européenne. J'ai voté oui. L'Europe doit avoir une police, une armée, pour foutre dehors les bougnoules. Ça c'est de la motivation. Eviter le choc des civilisations ? Mais ça fait longtemps qu'il a commencé mon con. Dépiaute ta cataracte tu verras mieux. Dans mon wagon, une fille à petite poitrine occupe le siège à côté du mien, contre la vitre. Le nombre de jeunes filles que je rencontre dans mes déplacements tient du prodige. Il y en a partout. C'est comme les immigrés ya plus que de ça (humour) (quoique).

Celle-ci s'est enfoncé un écouteur dans l'oreille et je n'ai rien dit. Elle se fout complètement de moi, normal, j'ai 60 ans. Vers Périgouille, arrivée d'une jeune femme, ving-cinq ans cette fois, dépucelée celle-là. Tout à fait décidée à choper la place de ma voisine, qui occupe le 13 au lieu du 23. Elle émigre en face et je lui succède, sur l'empreinte de son cul. La vieille jeune déclare en effet : « Je vais encore être désagréable, mais le côté fenêtre, je ne peux pas. » Qu'à cela ne tienne, je me colle à la fenêtre. Et surtout je ne la regarde pas. C'est qu'attention, 60 ans ou 25, on ne les regarde pas comme ça, les femmes. C'est pas des objets.

Du coup comme elles respectent aussi les hommes, elles ne les regarde pas non plus. Comme ça tout le monde se fait la gueule et on est tous civilisés. C'est vrai ça, les voyages c'est fait pour faire des rencontres. Peau de zob, oui. Ma nouvelle voisine se plonge dans des articles de revue sur le chômage. Les deux gonzesses antagonistes descendront à Limoges. Je n'ai rien de définitif à dire sur les gonzesses de Limoges en général. Mais jusque là je me serai toujours bien occupé l'esprit – enfin l'esprit : à quoi elles pensent ; de quoi elles ont l'air à poil, au-dessus de l'échancrures des manches, en dessous de l'élastique du slip. Avec de blanches étendues de chair et le cratère aplati qui leur tient lieu de sexe. Le mien serait d'ailleurs plutôt du genre lapilli (“projections volcaniques de petites dimensions, entre 2 et 64 mm” - enfin 2, tout de même pas...) Plus tard vers Clermont (c'est long, c'est plein d'arrêts) je ne détrompe surtout pas ceux qui pensent que tout est réservé. Je me sors mon petit jeu d'échecs à pièces magnétiques, qui intrigue une autre jeune fille. Tiens, je devrais bien draguer avec mon jeu d'échec ; sûr, ça marcherait d'enfer. Elle racontera cela le soir en arrivant ; et comme j'attire son attention, la voilà qui se pose du vernis à ongle, une âcre odeur se répand. Un partout. Il paraît que tout le monde veut faire l'intéressant en train. C'est Daninos qui a remarqué ça dans les Touristocrates je crois.

Putain même plus dans le dictionnaire le Daninos... Moi je l'aurais bien fait en 58, l'intéressant, lorsque je partais avec papa-maman pour Tanger. Hélas, une bande d'excités juste à côté se tiraient encore plus loin, à Fez, tout le wagon était au courant. Je n'avais plus qu'à fermer ma gueule. Aujourd'hui je monte dans la navette St-Germain-Clermont. Encore une femme, en face, la quarantaine bien engloutie. Avec les femmes, c'est facile : tu leur demande la permission de les prendre par les épaules et tu les serres très fort ; ensuite elles t'emmènent chez elles et leurs étreintes sont torrides. Surtout à 50 ans. C'est plein de volcans près de Clermont. Mais moi, je pousse à Brioude. Je ne vais tout de même pas foutre mon évasion en l'air pour me prendre une gamelle... D'ailleurs la petite ligne de Brioude est super-équipée, bien mieux que moi ça c'est sûr, un vrai petit bijou de navette (c'est de la rame que je parle, imbéciles). Le contrôleur me dit quelque chose que je ne comprends pas.

Je fais le signe du sourd autour de mon oreille mais ça devait être du genre "Vous occupez deux places et vous n'en payez qu'une" – bien vu - je me rectifie. Deux très jeunes filles de dos devant moi. La ligne de leur nuque, sans cédille (“la nuc”); cet espace infiniment velouté, infiniment émouvant, juste sous l'angle de la mâchoire, où l'on voudrait poser sans fin les lèvres. Une troisième, en face. Fille, pas lèvre. Les deux invisibles s'écoutent un baladeur à écouteurs jumeaux – douze, treize ans ? la plus jeune montre à sa copine (sa sœur ?) une carte d'anniversaire

avec dessins d'enfants et petits cœurs. Elle croit encore que tout le monde est gentil, surtout les garçons : “Tu penses que ça lui fera plaisir ?” Descendues en cours de route, elle s'assoient sur un bord de ciment au pied d'un transformateur.

D'heureuses parents viendront les chercher, les enfermer dans leurs petites familles – Nabokov, Nabokov ! - je déteste Nabokov : surfait, mal traduit, plat. A Brioude, chargé de mes deux

valoches, je bêche l'hôtel miteux très cher juste en face de la gare. Je vais au centre, les poings serrés sur les poignées comme leur nom l'indique. Chambre au deuxième, tourner la clef deux fois à l'envers. Une salle à manger au premier, toute raide, le couvert mis depuis des semaines style Bal du Comte d'Orgel – coucou Pujadas ! Alors pour faire peuple (épapipeul), je demande au bar si le repas a lieu "là-haut" ou "ici". - Ici". J'ai bien fait. Malgré l'étonnement poli du garçon (38 ans, petit brun), je demande à être servi à l'intérieur.

Pour la vue sur flanc de bagnole je suis aussi bien dedans c'est claiaiair. Bouffe honnête, “routiers”, j'en ai derrière moi justement, qui parlent métier avec des intonations d'enfants ou de braves gens : conditions de travail et de revenus, sans aigreur. Merci patron. Je suis allé me promener après le repas, d'abord sous la pluie. Ce que j'ai remarqué : Brioude est une ville mal foutue, sans plan d'urbanisation, gros bourg grossi par les siècles. Rien de pittoresque, une basilique Saint-Julien fermée, et mon bourdonnement intérieur : "Je vais réussir à me perdre à Brioude, et il faut le faire". Une espèce de demi-fou m'entend par derrière, croit que je lui adressais la parole, je le détrompe avec des mines effrayées : avec mes airs naïfs pour ne pas dire couillon, gare aux abordages pédés pique-assiette. Je ne veux plus entendre parler d'homos, d'originaux, de drogués, j'ai assez avec moi-même, dès que tu leur parles ça devient tout de suite revendicatif. Une deuxième silhouette du même acabitte - faux soixante-dizards et faux clodos doivent pulluler ici, en été. Il faudrait ne pas bouger de chez soi tout juillet-août.

Comme je n'ai pas de télévision, et que je dois me lever aux aurores, je me suis contenté de ma petite radio ; la patronne serait debout dès cinq heures et demie, et les routiers m'avaient bien expliqué tous les horaires de car, avec leurs arrêts, "là derrière, pas loin". Mais je ne suis pas d'ici. Je me fixe un petit 6 h à la gare même. Donc à 5 h ½, j'aide moi-même la patronne à descendre les chaises des tables ("vous permettez ?"- ça fait peuple, serviable), et je me mets en route à travers la petite ville aux premiers passants parmi les poubelles. Je demande au boulanger en short sur le pas de son fournil si je dois prendre à gauche ou à droite d'un chantier, avec ses échafaudages. Je dois

progresser juste devant ses yeux en gardant l'air naturel, lui dire par exemple, sans qu'il m'ait rien demandé, que je prends le car vers Le Puy. A l'horaire qu'il m'indique, le car est déjà parti. Mais je ne me presse pas. Ou j'ai mal compris. Le chauffeur a 40 ans, brun, mince, portant beau. Les passagères sont des dix-sept/ dix-huitenaires qui le tutoient avec une familiarité titillante. Il m'est demandé si j'ai une réduction, je dis que je ne sais pas, le chauffeur me répond que ce n'est pas lui qui va me le dire. Elles sont si jeunes que je n'ose exciper de mon âge pour demander une réduction-de-vieux. Tout le long du trajet, les conversations vont se succéder, où l'on ne parle que de cul sans en parler. Disons directement. Le chauffeur s'appelle Tonio. Les filles le houspillent, lui parlent de ses nuits blanches, de sa petite amie, de leurs petits amis, de la pluis et du beau temps aussi, bien des sottises d'adultes se seront échangées, bien des insipidités.

Telles qu'elles en diront plus tard, quand elles seront devenues dures et âpres au gain, comme le laisse deviner certain profil de mâchoire. Mais je sais de quoi l'on parle avec des jeunes filles : "ce ne sont que des copineries", mais je sais bien, moi, pour l'avoir pratiqué des années durant pendant ma carrière de prof, que l'on parle de cul, de cul, et exclusivement de cul. De branlette. De la vitesse et de la précision dans le doigté (der Fuch, enrichissez votre vocabulaire. Mais juste la pluie et le beau temps - c'est la voix qui fait tout, c'est les agaceries vellaves (“du Velay”, salut Pujadas !) J'ai aimé un nombre incalculable de jeunes filles.

Je leur ai imaginé à toutes le sexe et la technique. Celles-ci se rendent aux exams, au bac peut-être, un bac marchand, un bac de montagne. Ou de secrétariat. Je repense à ces filles agglutinées chacune avec son mec sous les porches d'Oloron-Sainte-Marie, le dimanche soir avant le retour au pensionnat. Le soir ce serait chacune sa chacune... J'ai toujours trouvé ça vachement bien d'être une fille... Une toute petite avec du rouge dans les habits monte dans le car, elle me sourit, comme quoi il y a des vieux qu'on trouve sympa, même et surtout sans coucher. Mes seuls succès féminin, à tout âge d'ailleurs. N'empêche que j'étais bien satisfait en arrivant à la gare du Puy. Les bavardages devenaient un peu passe-partout. Des garçons aussi étaient montés puis redescendus; plus jeunes, plus ternes, balourds. Comme engoncés. Considérant leur sexualité comme sale.

Et j'ai dit au revoir au chauffeur, arrivé là trois bons quarts d'heure d'avance sur la correspondance de train. Consigne inefficace (les fentes à pièces encore en francs, inutilisables). Puis vers huit heures est venu vers moi un employé, jeune et nettement maghrébin, qui m'a emmené

non loin de là pour signer le contrat de location de voiture. Etrange spectacle au bureau. Le petit Marocain remplissant des papiers, me réclamant obséquieusement documents et garanties, fébrile sous le regard de son petit singe de petite entreprise qui paradait au téléphone, le ventre en avant, le verbe haut : plus un véhicule disponible jusqu'à Brive, et de pérorer sans fin ni trêve. Une secrétaire toute grise et toute briméee. Je me souviens pourtant que le petit Arabe m'avait dit, avant d'arriver, que de "La Chaise-Dieu", j'aurais vite fait le tour", parce qu'il n'y avait "pas grand-chose à voir". Et la prière, connard ? et la campagne, et moi-même et - bon... pas brillant tout ça... Tous papiers signés, je me dirige vers un parking centre ville (après un fourvoiement dans une cour gravilllonnée), hoquetant par ignorance des passages de vitesses. Passée une zone de travaux bien bruyante, et parqué enfin, je suis monté vers la cathédrale ; c'est juste en face du Grand Séminaire.

Figurez-vous que l'on célèbre, de temps en temps, au Puy, un jubilé, chaque fois que le jeudi de l'Annonciation coïncide avec la veille du Vendredi Saint (ça va toujours, Pujadas ?) : du début à la fin, saisissant raccourci de la mission du Christ... Du vrai Léon Bloy... J'ai vu trois prêtres se suivre en grand apparat d'aubes et d'étoles. Je ne me souviens plus de cette visite du vieux Puy. Des rues qui descendaient, du pittoresque assez convenu sans doute. Je m'attarderai davantage sur un incident prouvant ma stupidité, car j'en raffole. Sur la place du Puy face à l'Hôtel de Ville, après avoir évité un gitan roumain qui en voulait évidemment à mon pognon avec un journal à la main, je fais vraiment connaissance avec ma voiture de location.

C'est la première fois que je possède des vitres à ouverture automatique. Mais je ne sais pas les refermer. Il faut éviter le gitan, qui ne manquera pas de me reharceler. J'avise un quinquagénaire avantageux, avec moustache blanche, très séducteur, homme à femmes. Et puis je l'ai déjà vu quelque part, à la télé, au cinéma, sûr. Il me montre le mécanisme avec étonnement. J'appuyais au mauvais endroit. Il croyait peut-être se faire draguer. Je m'imagine toujours environné d'homos. Il faut croire que ça me rassure. Et me voilà parti vers La Chaise Dieu, ça monte, forêt de sapins, forêt de sapins. Ma seule émotion est de m'imaginer apercevoir, au sommet d'un pli de terrain, le petit bourg dominocathédrain (“de La Chaise-Dieu ?” là c'est moi, le Pujadas.) L'hôtel ridiculement intitulé "du Monastère et Terminus" se présente à moi dès le premier virage. Toute sa devanture, à l'extérieur, est occupée par des sculptures de champignons en bois, d'environ 60 cm de haut. Puéril. Je me dirige à la réception, où une femme interrompt une conversation pour me recevoir. Je dis avoir réservé quatre chambres - je rectifie aussitôt : une chambre pour quatre jours.

Je m'aperçois que la chambre en question, comme les autres, vides, du couloir, ne correspond pas au label deux étoiles : pas de fenêtre, une simple tabatière avec vue sur le ciel, une dimension riquiqui (mais je m'y attendais). Le site internet s'était bien gardé de me préciser cette absence de normes. Mais je suis si content malgré tout d''atterrir dans une petite boîte blanche très lumineuse, rien qu'à moi, que j'acquiesce. Les prix sont d'ailleurs triplés pour la durée du festival, fin août. Des musiciens ont dû se branler là, dans le lit à deux places, et plus si affinités. J'ai dû m'étendre d'abord, puis me suis promené vers l'abbatiale, en prenant par le haut, par la nationale. Nous étions le 7 juin, je consulte le carnet. Voici ce que j'y ai noté : le hall de l'hôtel-restaurant est couvert d'inscriptions comminatoires et discriminatoires. Les chambres sont à prix réduit pour ceux qui passent ici au moins trois jours et qui acceptent de dîner au restaurant. On est prié de ne pas faire trop de bruit après 22 h. Et ceci, et cela. Surtout, deux articles affichés là sont lus par moi in extenso. Il s'agit de la carafe ou du verre d'eau fournis à la demande par le restaurateur en sus du caé ou du repas. Ce verre d'eau n'est pas obligatoire, nous prévient-on. Il s'agit là d'une coutume italienne, qui n'a pas lieu d'être ici. Certains ont même facturé la carafe 5 francs ! Le tout accompagné de rappels de jurisprudences à propos de procès engagés à ce sujet.

Eh bien ça ne donne pas envie de manger ici, bien qu'il soit précisé que l'eau est fournie gratuitement ; on rappelle simplement que ce n'est pas obligatoire. Et qu'il ne faut pas prendre les hôteliers pour des esclaves. Et que dans un restaurant gastronomique, le service ne peut pas être aussi rapide qu'ailleurs, qu'on y est débordé, qu'on doit fermer tôt parce qu'on ne peut pas ranimer le feu de toute une cuisine juste pour une table de bouffe-tard, etc. Je ne sais pas les ennuis qu'ils ont dû avoir avec les clients ici, mais ça devait être pittoresque. A la Chaise-Dieu, il faut saper pour assister au festival ; disons qu'une tenue de ville plus que correcte est vivement recommandée, voire des tenues de soirée.

Alors quelques snobs de Paris ou de Londres ont dû se prendre pour des V.I.P. à larbins... A l'abbaye donc, visite payante, examen minutieux de toutes les tapisseries, forme d'art que je n'apprécie pas particulièrement, mais j'ai suivi scrupuleusement la description du prospectus. Bon, une église, c'est une église. Toujours aucune émotion. L'âge. La Danse Macabre est dans un état de délavement inquiétant, aucun éclairage, cela semble au-dessous du médiocre et du convenu. Enfin j'aurai fait mon boulot. Au retour, passant devant la caserne des pompiers, je monte en marmonnant (je parle seul) la pente vers le Signal Saint-Claude, sous le soleil. Je me sens âgé,

fatigué. Le sommet n'existe pas, c'est un sous-bois clairsemé de fougères détrempées, je m'assois sur un banc. Je m'étends sans doute, comme je fais souvent en voyage, comme ma femme le fait en temps ordinaire chez elle. Je lui envie de pouvoir s'étendre ainsi à tout bout de champ pour "faire le point". Et je veux faire quelques provisions au supermarché d'Arlanc, Puy-de-Dôme, en bas de la pente, comme y invite un panneau publicitaire.

Un bled quelconque, fourmillant de panneaux annonciateurs de ce fameux supermarché, mais tellement mal conçus que l'on rate sans cesse la bonne rue. Je tourne dans le village. Et comme j'ai eu plus que la flemme de continuer, cette errance s'arrête là.

 

VERS GAVARNIE 09 08 2055

Ces dates sonnent faux. Depuis l'an 2000, leur énoncé ne m'évoque plus qu'un quelconque jeu stérile de nature mathématique. Une espèce de répertoire téléphonique. Et non plus cette substance vitale, cette épaisseur qu'on ne palpera plus deux fois : 09 08 55, 05 02 52, cela sonne irrémédiablement faux. Jusqu'en 1999, c'était encore l'ancienne vie, la vieille succession des mois et des années, il y avait un avant, un après, un plus tard encore – désormais le temps est devenu arbitraire. Ce sens-là pourrait aussi bien être l'autre, cette succession-là n'est pas plus nécessaire que cet ordre-ci. "Zéro cinq", c'est aussi bien le mois que l'année, cela ne veut plus rien dire. “Quatre-vingt dix-huit”, c'était bien net, cela ne pouvait en aucun cas désigner un mois.

C'est d'abord une longue traversée des Landes, sur une route à quatre voies, sans rien qui vienne agrémenter la monotonie du voyage, malgré le plaisir de la compagnie, car il s'agit d'atteindre un but : Bussunaritz, lieu de résidence de G. L. Le véritable but du voyage, qui est jele répète solitude et moi-même, ne commence qu'après libération de politesses, de conventions. Nous n'avons jamais voulu lui et moi véritablement discuter, cela nous mènerait trop loin, sur des terrains bien plus conflictuels et douloureux que nous n'imaginions peut-être, il ne nous reste plus qu'une vingtaine d'années à louvoyer. Le plus dur est fait. Nous resterons sans doute indifférents jusqu'à la mort.

Bref, le 7 à 13 heures (j'avais vu du coin de l'œil la table mise mais je n'étais pas (heureusement) invité), j'atteignais, parole de châtaignier, le dessous du col d'Osquich, où j'avais déjà passé la nuit deux ans auparavant. Puis Musculdy, Mauléon (je n'ai jamais repéré "Licharre"). Grosse chaleur et fatigue. Je lis à l'ombre sur un banc, un banc de pierre au grain très raide, puis m'y

allonge à la clocharde, un bras par-dessus tête. Un banc moins ombragé que les six autres, occupés par des scootéristes. Mes cheveux longs me font éviter les gens. Il n'y a plus personne ou presque à en porter aujourd'hui, les hommes arborant d'affligeantes tenues de facho à hurler de laideur. Je ne veux passer ni pour homo ni pour pédophile, ce qui est difficile : face à moi, derrière une clôture symbolique, se trouve un jardin d'enfants, avec tout ce qu'un enfant normalement constitué peut souhaiter en tant que jeux ! Petits sièges à ressorts en forme de canards, toboggan, filet à grimper... Il y avait là un petit garçon à voix stridente, comme tous les petits garçons. Ecris mon ami, conjure le sort, le petit chat est mort, mon tendre bouffon aux muscles si tendus, il a sauté de nuit dans le jardin d'autrui, flèche d'or, il a sauté pour ne plus jamais retomber, je ne l'ai plus revu, il est désormais suspendu dans le ciel où il règne parmi tous les chats perdus, je poursuis : le petit garçon progressait, le grand-père chronomètre en main disait "Tu peux mieux faire", il faut encourager les garçons à être compétitifs, et je ne pouvais pas dormir à cause des cris, j'ai regagné mon véhicule, constatant à proximité la présence de policiers municipaux : avertis ?

Je suis reparti, il fallait que je prenne un bain froid, comme l'écrivait quelque auteur caricaturé. Moi aussi je tombe plein pot dans le travers autobiographique. Je suis (ici manque le mot "certain", à même le manuscrit) d'avoir perdu mon chat, si bondissant, si souple (retrouvé depuis, vivant). A quoi servent tant de vies gaspillées, où s'accumulent-elles ? Où sont les piles, les batteries, rechargeant incessamment les sources de vie ? Arrivant à Tardets-Sorholus, j'ai constaté une fois de plus à quel point ce n'étaient que maisons jetées au hasard, en ces temps de villages anarchiques. J'escaladai le calvaire local, tout en haut d'une pente raide, véritable chemin de croix. Et j'ai poursuivi, montant plus tard vers Ste Engrâce, craignant d'essouffler mon moteur, que mes petits budgets ne permettent point de bichonner.

Demi-tour à mi-pente, après ces encombrements de touristes autour d'une église excessivement signalée, ôtant l'occasion de tout recueillement, fût-il de commande. Je suis redescendu vers Montory et trouvai à Lannes-en-Barétous une chambre cubique et bleue passé pleine de mouches et d'odeurs suspectes ou bovines, c'est tout un. La patronne ce soir avait l'œil tout exophtalmé, d'alcool sans doute, et je la soupçonnais d'obsession sexuelle. Je me suis trouvé beau et je l'ai montré, elle me guidant vers ma chambre après avoir ôté son tablier, « Il faut bien tout faire n'est-ce pas Monsieur ? » - je ne sus trop que répondre à cela. J'ai consommé de la garbure et d'autres mets en abondance.

Une autre femme aux traits sévères et pathétiques me servit sur fond d'exaspérante boucle musicale, de six ou sept morceaux, où revenaient sans cesse de braves gars alternant en leurs chants basque, espagnol et français, sur accompagnement de vieux bal de campagne. Et je lisais du Frédéric Vitoux, L'Ami de mon père, prenant soin de bien m'interrompre au moment de goûter, pour démontrer à quel point j'appréciais le repas. Mes convives furent d'indifférents Flamands, aux deux enfants très blonds et très bruyants. Du flamand de Belgique, tout édulcoré tout morne. Et quand ils sont partis, ce fut un jeune marié, tout brun, à boucles brunes, qui tourna son index en l'air en imitant le bruit de la mouche qui vole. Il était beau et le savait, lui aussi, je reconnais les hommes qui me plaisent, même flanqués d'une épouse, d'un bébé silencieux enfoui sous les linges et le cercueil technique de ces poussettes d'internautes vendues à présent. Il y avait aussi trois vieux : le père Samuel, à un bout de table, et Myriam, la mère. Le jeune père, Jeannot, m'a souhaité dehors une bonne fin de soirée. Je suis allé me promener la nuit tombée dans le village, m'efforçant de ne point parler haut, m'étant cependant fait surprendre à commenter (à haute voix) le nombre des morts gravés sur les faces, en hauts trapèzes, du monument aux morts. Il y a toujours, en ces circonstances, méfiez-vous, soliloqueurs, deux ombres assises dans l'ombre, qui vous entendent, et vous jugent, dans leur désœuvrement, hautement ridicules.

(Ici, changement de style) “Or ce qui importait, ce soir-là, c'était qu'Annie me rappelât, lui ayant appris que le 27 juillet son propre oncle Janot (lui aussi) était mort, et qu'on l'avait incinéré le 31, alors que nous n'avions été prévenus (moi seul) que le lundi 7 août. Cela s'était passé dans la plus stricte intimité, une incinération, comme on tire une chasse, puisqu'à présent la mort n'existe plus, certains se faisant même disperser en mer. Les cendres de l'oncle étaient conservées par sa femme, attendant leur transfert au Bouscat dans le cimetière de famille. Annie à l'autre bout du fil s'exclamait « Oh non... Oh non... », quoiqu'elle dût s'y attendre, le cœur de l'oncle peintre, et musicien, battant depuis longtemps la chamade.

“Il avait les mains déformées, ne pouvait plus ni peindre ni jouer. Mais la Simone depuis bien longtemps l'avait contraint de ne plus peindre, parce que c'était trop salissant... Et je me suis renfermé dans ma chambre d'hôtel, « avec le sentiment du devoir accompli ». Mon Iris ! Mon Iris ! Je ne dois pas pleurer pour un chat, je voudrais lire le journal de Léautaud, mais je n'en aurai plus le temps. J'avais averti Annie comme il fallait, lui laissant le temps de revenir de S. où elle séjournait avec son amie. Elle n'eût pas apprécié, me dit-elle au téléphone, que je différasse davantage la nouvelle de la mort de son oncle et parrain, qui favorisa l'éclosion de sa vocation picturale : elle proposait ses dessins, il l'épinglait sur ses défauts techniques. Le lendemain matin, après le petit déjeuner de l'hôtel, j'ai annoncé que je laissais « un de mes livres » sur la table de nuit. L'hôtelière aux yeux rougis d'alcool m'a remercié d'une esquisse de révérence, ayant bien compris que j'en étais l'auteur. Arette. Achat de dentifrice - « qui est-ce qui va vouloir acheter ça ? » - n'achetez rien, volez, lisez. Lourdios-Ichère col d'Ichère, promenade en descente et remontée, quelques nuages atténuant le soleil, quantité de petits incidents sans relief, quelques photos, pointe jusqu'à Accous. Je m'arrête devant l'église, que je pollue de ma silhouette automobile garée tout du long. Les employés de mairie viennent reprendre leurs véhicules, je traduis, de l'allemand, un texte à moi confié par Anne T.

Puis je cherche un certain obélisque de Despourins. La carte, pourtant précise, ne saurait me tenir lieu de plan. Je demande mon chemin à une jeune fille toute fraîche, portant une gamine de deux ans sur le cou. Elle me prie de la suivre, ce qui m'embarrasse. Je l'entretiens donc, chemin faisant, de toutes sortes de choses, prenant garde que son fardeau déjà lui coupe le souffle. Une de mes questions l'interloque : « Vous êtes d'ici ? » Elle répond : « J'habite ici à l'année ». Je me suis rendu compte ensuite que ma demande correspondait exactement à la première phrase d'un dragueur de bal de bled. Nous nous sommes trouvés très agréables. Elle m'a indiqué « une grimpette » pour laquelle elle n'était pas équipée. Et de fait, le long du sentier encore horizontal, des torsades de papier métal figuraient sur le sol une silhouette déjetée ; plus loin c'étaient des bouts de verre fumés, qui évoquaient des sortes de daguerréotypes. Puis le chemin butait sur l'entrée bien barbelé d'une prairie : « Défense d'entrer », avec panneau de sens interdit, e tutti quanti.

...Comme le sentier se poursuivait sur main gauche, à peine perceptible mais bien raide, je me suis hissé là-dedans, lentement, par chance à couvert du soleil. Parfois le terrain s'effondrait sur ma droite, vers la prairie que masquaient les broussailles, parfois je pataugeais dans un écoulement. Longtemps après, le sentier s'acheva d'un coup contre un tronc d'arbre, comme un frayement d'ours perclus de démangeaisons. Du coup je craignis d'en rencontrer un vrai. Je fis pour le retour un long détour, postai deux cartes, et redémarrai au sein d'un gros dégagement de vapeurs bleues puantes. Sarrance. Excellente église. Annonces de spectacles inégaux, tantôt de grands solistes dignes de St-Bertrand-de-Comminges, tantôt de chorales patoisantes. J'entre. Pénombre bienfaitrice, propice à la méditation molle. Pour éclairer et sonoriser les fresques, introduire 1 € dans la fente. Dans ton cul, curé. Les gens de l'époque n'avaient pas besoin de projos. Les ombres célestes et dorées veillaient sur eux du fond de leur cul-de-four comme des silhouettes de bovins réchauffeurs. Je prends en photo un naïf berger en jaquette XVIIIe car ce siècle présenté comme libertin fut très croyant, dans les campagnes où la foi résista, jusque dans les années 1950. A partir de cette date, et plus encore après 68, la croyance fut assimilée au fascisme, et nul n'osa plus. Quand je sors, trois touristes, ignares en famille, se fendent d'un euro dans la fente. Horreur ! Trois fois ! La fresque est éclairée, mais se déverse dans les oreilles une chorale béarnaise à mélodie médiocre, aux voix appliquées, niaise et démago. Alors qu'il eût été si congruent de miser sur quelque bon vieux Bach ou Haendel, ponctuant un beau commentaire gravement émis. Je ressors en pestant à part moi, ayant appris pour me consoler que Ma Grosse Bite de Navarre, sœur d'Anchois Pommier, avait ici séjourné, rédigeant plans et brouillons pour son Heptaméron (12/20 en licence, ma femme sortie avant la fin). Avant cette visite, j'écoutais Goering dans le texte ; il exposait sur France Culture les projets du parti nazi, tandis que je mâchais des biscuits secs. « Mon père », dit Vitoux, « rédigea des milliers de pages de journal ». Quelle infime partie de ceci franchira l'avenir ? J'arrive à Escot, déterminé à franchir, faute de mieux, le col de la Marie-Blanque. J'y avais renoncé l'an dernier pour automobile toussoteuse, en est-ouest. Aujourd'hui, en ouest-est ! How exciting ! Au sommet, véritable tapis de touristes, ça saucissonne tous azimuts : le col forme clairière, des petits malins s'engagent dans un sentier montant, car ce n'est rien d'avoir franchi un col, si l'on n'a pas tant soit peu piqué sa canne sur les pentes avoisinantes. Se dresse là une stèle, vague et grandiloquente, inaugurée en juin dernier, sur l'aide apportée à la Rrrrrésistance par « les glorieux débris de l'armée espagnole » (Bossuet), des vaincus cette fois. Y eut-il donc à la Marie-Blanque de glorieux combats, à tout le moins des parachutages ? Que nenni. L'on a dû ériger cette stèle en cet endroit parce que ça culmine, et pour complaire à toute une brochette d'élus ci-gravés, qui ont bien dû se faire chier à grimper là-haut dans leur costume-cravate pendant que le vent leur soulevait les basques.

Et comme je suis encore le moins con, je me retape assis sur un talus un bon exercice d'échecs. En revenant, je détourne les yeux sur la gauche, pour ne pas voir juste au-dessus de moi un gosse de dix ans qui me pisserait bientôt dessus à travers fougères et rameaux, en faisant bien briller la pisse dans le soleil. Autres touristes à Notre-Dame de Houndaas, arrêt à Bielle : un monument aux morts qui serait si poignant pour peu que le sculpteur eût possédé le quart d'une idée

subversive : la mère Patrie, endeuillée, qui tend au-dessus du casque une couronne de laurier. Je prends des photos, un peu déçu tout de même : c'eût été tellement plus cinglant si ç'avait été une mère qui rajustait un cache-nez à son fils : « Et ne prends pas froid dans les tranchées!  - Ne t'en fais pas la vieille, ça chauffe là-haut.

Peu d'humour en ce temps-là. Je me paye un cours d'hébreu en plein air, sans parler trop fort, pendant qu'un blaireau s'aère l'habite -acle toutes portes ouvertes sans descendre de son coussin de cul. Puis Louvie-Juzon, Mifaget, Asson et Nay. Me voici dans une chambre d'hôtel à Nay (prononcer "Naÿ"), face à la glace de l'armoire. Je me trouve beau, plein, noble, intéressant, et j'aimerais me prendre en photo, mais si je vise à bout de bras, au hasard, je risque de m'estropier, ou pis, de me décapiter (ce qui s'est produit en effet). Je vis encore sous la sentence extraordinaire de Max, un ami, qui n'a point fait d'études et me juge souvent insupportablement pédant. "Tu vis", m'a-t-il dit, "dans l'atmosphère, le projet, la permanence justification d'un regard sur toi. Il faut que tu sois regardé, non pas " - il se reprenait – "à la façon d'un cabotin, ou d'un bouffon, mais en ce sens que tu ne peux te retrouver, te trouver, que dans le regard d'autrui." Il ajoutait que c'était là bien moins du narcissisme qu'une constante marque de manque de sûreté de soi.

Depuis que Max m'a dit cela, je me sens justifié, car la question pour moi ne se pose plus de savoir (à l'instant je me photographie, de biais) s'il est bien ou mal de me soucier ainsi de moi et de mon image, mais de la façon dont je puis mettre le mieux en pratique cette perspective constituante ; imagine-t-on un Rembrandt s'interrogeant sur sa vanité, au moment de tracer l'un de ses étonnants 63 ou 64 autoportraits ? et y renonçant, crainte de ridicule ? Me voici donc libre de me trouver suprêmement intéressant, et d'y fouiller à fond. Je suis déjà venu à Nay. Mon compagnon d'internat Esquerré venait de là, "ce doit être à présent un pépé comme moi". Je suis arrivé ici, Hôtel du Béarn, suite aux indications hautaines ("Ce n'est pas un hôtel, plutôt une" (un temps) "une pension") d'une bistrotière dont l'établissement, sur le foirail, portait encore l'inscription défraîchie "HÔTEL". Visiblement, elle ne me recommande pas trop cet "Hôtel du Béarn", "ici à Naÿ" (on prononce donc "Naÿ") ; "mais autrement", s'empresse-t-elle d'ajouter, "il vous faudra descendre sur Bétharram et Lourdes" – plût au ciel ! se faire écorcher dans les cités de la Vierge ! Dieu merci, après le pont, dans un tournant, j'avise l' "Hôtel du Béarn", qui en effet ne paye pas de mine. Une charmante vieille dame sèche, ce qui signifie d'à peine plus de quinze ans que moi, m'accueille et m'informe que oui, je peux profiter d'une chambre ce soir.

La bistrotière quadra snob n'avait pas menti : c'est en effet une pension, nombre de vieux y séjournent, eux aussi, “à l'année”, dans un confort antique. C'est vaste, haut de plafond, j'affecte la rondeur pour annoncer l'arrivée de mes valises portées par moi-même depuis le parking de l'hôtel, de l'autre côté d'une rue bien passante. Heureusement, ma chambre donne sur les arrières, sur une cour à galerie interne, dans une petite chambre sans télé - malgré tout : hélas ! – d'où me parviennent du rez-de-chaussée des voix séniles et appliquées, parlant des inconvénients du déambulateur. Sans oublier ceux des neuroleptiques... J'espère simplement que les parois de ma chambre sont assez épaisses pour absorber ces répugnants ronflements de vieux.

Ils vont bien devoir me devenir familiers, d'ici très peu, car j'espère bien devenir l'un d'eux, et que l'émoussement des agressivités pourra me faciliter, enfin, in extremis, quelque insertion sociale - ne rêvons pas. Et tous ces préambules formulés, venons-en aux commencements : au commencement était la jeunesse, ma fille de 33 ans, et son grand fils de 16. L'angoisse de la mort. Plus tard, pas si tard que cela, j'aurai une surabondante compagnie féminine, qui ne pourra plus rien faire, à qui je ne pourrai plus rien faire, mais pleine d'attentions et de tendresses. Ce sera chouette, ce sera dérisoire, ce sera trop tard. Allant pour passer la porte (j'adore les déambulations crépusculaires dans ces trous provinciaux, je me ravise : je préfère le menu de l'hôtel.

Dans la salle à manger, telle quelle depuis 1960, je vois arriver la femme à la diction ralentie, et son vieux que je ne verrai que de dos. Ce repas sera silencieux, non pas sépulcral mais recueilli, très propre, sans bruits de bouches. On entend absolument tout. Le couple ancien sait que tous les mots qu'il pourra prononcer sont entendus par moi, qui suis à l'affût le nez dans ma soupe (j'en reprends). Peut-être n'ont ils aussi plus grand-chose à se dire. Qu'est-ce que j'en sais ? La patronne, plus jeune qu'eux, les appelle devant moi "mes petits pensionnaires". On est toujours les petits vieux de quelqu'un. Et même s'il n'y a que du croque-monsieur réchauffé au micro-onde et une glace en cornet de plastique visiblement rescapée du congélateur (le menu ne me sera facture que 10 €), je me régale dans une ambiance absolument surréelle, car silencieuse, et respectueuse. Ce n'est qu'ensuite que je passe le pont à pied, mes clefs en poche, et que j'erre lentement dans les rues de Nay, Béarn. Cette fois-ci je ne descends pas au bord du gave, où je lisais l'an dernier je crois bien l'histoire bien compliquée de Clotaire II, roi de France. Je m'assieds seulement sous un projecteur, au pied du clocher de Saint-Vincent. Il s'agit d'un ouvrage en gros caractères, pour vieux, emprunté à la bibliothèque municipale de Mérignac. Mon Dieu, qui est-ce qui va bien vouloir acheter ça ?

L'histoire me passionne, car elle parle d'un père plus ou moins collaborateur, et de son fils, qiu a mon âge. Ce fils, en 1961, âgé de 16 ans, fait connaissance d'une petite salope d'allumeuse américaine du même âge. Ce jeune homme, plus tard ce sexagénaire qui recontemple son passé, c'est moi. Puis je me promène, sans conviction, très lentement. Ce n'est que depuis peu que je me promène si lentement. Je rumine sans trop savoir quoi. Je jouis de chaque pas. Et en rentrant, coincé entre le transistor et L'ami de mon père de Frédéric Vitoux, je m'achemine vers le sommeil. Auparavant, j'aurai eu le plaisir d'entendre, au rez-de-chaussée, une Italienne demander une chambre, se la faire montrer (elle donne sur le balcon de la cour intérieure), et se faire rejoindre par son motard de mec ; dommage. Et la nuit, ils n'ont pas baisé : trop épuisé par un voyage à moto. Ça ne tient pas sa langue, un vieux.

Ça commente tout, et la cour raisonne. Le matin, j'ai laissé mon roman Omma sur la table de nuit, au cas où des petites vieilles y jetteraient un œil. Extraordinaire étape, où je me familiarise avec ma vieillesse à venir, où je m'apprivoise à une proximité de la mort qui ne semble pas affecter outre mesure (que sais-je après tout de la vieille à diction ralentie) les personnages qui déambulent et vivent là. J'en trouverai de sympathiques, et nous nous parleront à peu près spontanément, de même que des enfants s'abordent volontiers autour des bacs à sable et que se nouent de puériles idylles... Et j em'en vais, pas très loin, le matin, à Coarraze, épaté comme tous les touristes de surprendre ainsi le quotidien d'animaux si exotiques, les habitants de Coarraze, dont le château (berceau d'Henri IV) n'ouvre que l'après-midi (je m'en aperçois en cheminant aller-retour par la grand-rue fâcheusement dépourvue de trottoir, mais l'espace manque ; il faudrait tout démolir ; mais alors, pourquoi marcherait-on ?).

Et comme je suis un peu blaireau moi aussi, j'obéis à l'injonction d'un panneau de pub : tel grand magasin, Arudy. C'est là finalement que je la fais, ma leçon d'hébreu, à l'ombre d'une de ces poubelles à tri de bouteilles ; et je pouvais articuler bien à l'aise. Avant de trouver ce refuge à l'ombre, j'avais abondamment compissé un montant de tôle à l'arrière du supermarché, tandis que dans mon dos, sans oser intervenir contre le pisseur, une gardienne à chien-loup passait bien raide en vitesse. Honte. Et bouffe bien lourde, comme j'aime : bananes, Yoplait, Buzy (rate le dolmen), Buziet, Ogeu dont j'ignore s'il se prononce Ogeux ou bien Oju. Et comme il fait bien chaud, et que l'heure avoisine les 15, je me fixe d'office la première église venue, à condition de la chercher. Il n'y a rien de plus beau que de bouffer comme un malade, le coude gauche dans une jardinière de géraniums, les yeux fixés à travers le pare-brise sur un portail typique Napoléon III soit parfaitement atypique, et d'écouter Dieu sait quelle musique classique de remplissage pour la bonne conscience. Demi-tour devant la colonne « Marquisa ».

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ARAGON SANS CASTILLE, NAVARRE et autres lieux

823. LE CORPS HUMAIN EST LE PLUS HAUT SYMBOLE DE LA BEAUTE

ISADORA DUNCAN

 

 

Ce soir, Halloween. Je n'ai eu que des soucis d'ordres mineurs ; comme un sous-diacre. Ainsi à Saint-Jean-Pied-de-Port, les supermarchés n'ouvrent qu'à deux heures trente, afin que tous les restos puissent bien bourrer à roter tous les amateurs de cuisine basque. Saint-Etienne-de-Baïgorry. Rue étroite, très longue, tortueuse. Il m'a bien semblé au mouvement des lèvres qu'une autochtone conductrice a murmuré « Qu'est-ce qu'il fout celui-là ? » - malgré mon pas ralenti, mon absence de regards en l'air (si caractéristiques des touristes, je fais bien attention ; prendre l'air indifférent, éventuellement assimilable) ; mais d'autres habitants m'ont souri. J'ai acheté des confiseries.

Poussé jusqu'à l'église : magnifique intérieur à trois rangs de galeries en bois, jusqu'en haut. Accès interdit. J'y suis monté quand même et les planches ont cédé, les trois étages se sont effondrés de chaque côté, dans un affreux enchevêtrement, où Dieu sait quel court-circuit a déclenché l'incendie où j'ai péri coincé. ...Pour visiter, j'ai remisé mes cacahuètes au fond de mon sac d'épaule. Des panneaux sur un pilier de bois : « Veuillez respecter le silence dans cette église » : les Basques tiennent leur langue ; pas les touristes. « Interdit de monter les trois marches de l'autel » – introibo ad altareDei. Je suis revenu de là-bas très lentement, cou tendu comme une tortue sur mes épaules disproportionnées.

A présent un parking de supermarché (contraste ! vu ?). La vendeuse m'aide à trouver un triangle (pas le sien) réglementaire et le gilet, la caissière me confirme que je suis le premier client (les seules rencontres de mes voyages sont, qu'on ne s'y trompe pas, les commerçants, seuls recours des « troisième âge » même sédentaires ; je ne parle, ne désire parler à personne d'autre ; ça ne m'intéresse pas, de parler. Col d'Ispéguy. Je fais un effort pour commenter ces grands pans d'ocre où se faufile une route de flanc, comme un tracé de bête dans les fougères basses. Flânerie à 40 kmh. Des Français redescendent vers leurs gîtes. Côté espagnol, la route devient mieux entretenues, plus larges, mieux liserée de blanc.

J'arrive à Elbete. Petite église au soleil, mangée d'ombre. Accueil bruyant d'un chien enfermé. Je tourne avec mon appareil numérique, ignorant si je photographie, ou non, pas de déclics, ces maniements contemporains me passent au-dessus de la tête. « Madame, je fais la même

chose que vous mais ça ne marche pas » - réflexion la plus courante, et de loin, dans les stages d'informatique... Ça ne doit donc pas être si « logique » que ça, comme ils s'en vantent tous avec des mines gourmandes. Et méprisantes. Pour le connard qui débute. Elbete n'ouvre pas sa porte, vernissée, d'église. Un banc de pierre suit l'intérieur d'une courette abritée. Ils se mettaient là côte à côte et cul à cul, estimant leurs biens, leurs filles. Photos. Photos. Très, très lent. Un trinquet peut-être : « passe » et « manque » (falta) sur le fronton - rebond à gauche, rebond à droite ? pas de joueurs...

Je m'assieds sur un banc de bois pour lire Nicolas Bouvier, lui-même sur le Turkestan... A l'intérieur d'un voyage, un autre en abyme ; voir de près banalise ; d'où la nécessité d'un redépaysement. Repartant d'Elbete je m'aperçois soudain à l'entrée d'un tunnel routier (je pense à Charles VIII, roi con, qui franchit une porte basse au grand galop : mort en plein front) - que mon compteur (enlevez le m, reste « copteur » - imaginez : toutes les indications de mon tableau de bord en copte... - d'essence est à zéro : comment se peut-ce ? Merak ediyorum : « je faisétonnement », « je m'étonne » (ça, c'est du turc). Les routes en descente sont particulièrement traîtresses : on se retrouve en survitesse, dans un vertige endormeur. Qui débraye se fend la gueule dans le décor. Après un demi-tour en entourloupe sur une route camionneuse, je reprend malgré moi la direction de Pampelune ; parviens à un hôtel tout délabré, fermé, en aperçois un autre en face. Encore des risques. Le barman, jeune brun charmant, recopie mes trois prénoms sur ma carte d'identité ; je lui signale obligeamment mon vrai nom de famille. Ma chambre me plaît bien, le mec aussi, je lui fais greffer le téléphone sur ma chambre, il tambourine peu après à ma porte, je ne puis croire que ce soit ma propre porte, mais si, « Formez le zéro pour sortir de l'hôtel ! ». Je lui dis que je le savais.

Il me dit en se frappent le front qu'il savait que je le savais, était-il bête. Il n'est donc monté que pour moi. Il me sourit. On s'encule. Mais non, c'est pour rire. Simplement je décrypte très bien les codes de séduction masculins. Pour les femmes, je n'a jamais décrypté rien de rien de rien. Une véritable calamité. (Comment voyais-je d'ailleurs, moi-même, à 23 ans, les sexagénaires ? certainement pas en tout cas comme des proies de plumard.) Après avoir fait je ne sais quelle leçon d'hébreu (toujours à faire l'intéressant ; « voyage dans le voyage », si l'on y tient ; à Carthagène déjà, en 93, par 41°, je chantais dans la rue déserte en faux « israélien » ; et à Reinosa, en 63, j'apprenais le portugais), ici donc, aujourd'hui, je suis allé demander el indicativo telefonico para Francia. Cette fois-ci à des vieux, de mon âge.

Avec la lenteur sereine des rhumatisants, l'un d'eux m'a montré, sur l'annuaire : « 00-33 ». Ne pas composer après cela le « zéro » du numéro interne : j'ai la France, et ma femme au bout du fil. J'ai surtout parlé de moi. Un écho métallique m'a permis de m'écouter parler, au sens propre. Anne aima bien que je l'appelasse, et que je raccrochasse : trois jours loin de l'autre nous feront le plus grand bien. Tant de dizaines d'années pour devenir enfin ce que je suis... banal, mais c'est comme pour mourir : quand c'est pour soi, c'est toujours la première fois. J'étais, donc, un foutu flemmard Vous avez mis au point un sacré putain de moyen de ne pas en foutre une secousse, me disait Scherer, et ça doit remonter ! ... à vraiment longtemps... Oui, Scherer. Fin de la première journée, explicit primus dies.

J'en profite pour insulter grossièrement les enculés du cul d'inspecteurs qui imposent jusque dans les bouquins scolaires le terme  excipit pour désigner la dernière phrase d'un livre, en opposition avec l'incipit, connement prononcé «  innkipitt », comme si on disait « un alboum », « un aquarioum ».  Excipit veut dire « il extrait », « il choisit ». C'est explicit, le verbe exact. Quand on ne sait pas le latin, qui ne sert à rien, qui fait facho, eh bien on ferme sa gueule. Claudatur suum cuique os.

 

Premier novembre 2054

A la demande générale de Jean de Bourges, tenons notre journal de bord. Sortant de ma chambre 103 virgule, je descends prendre un petit-déjeuner. Les serveuses empilent les coucoupes, sans contrepet ; cela forme des pyramides quinconcées très élaborées. Lorsque j'entre dans un lieu public, je suis toujours embarrassé sur l'attitude à adopter. Il paraît, c'est dans les livres (Guérir de la timidité en vingt leçons) que tout le monde, absolument tout le monde, se contrefout d'un inconnu parfaitement indifférent. Mais je sais bien, moi, foutus idiots, que si mon maintien ou ma grimace faciale diffèrent par trop de la norme, on ne regardera, on ne détaillera plus que moi. Avec vos conseils à la con. Donc je me présente au bar pour commander, malgré l'accumulation de tâches ménagères auxquelles semblent soudain soumises les donzelles de service. L'une d'elle enfin me dévisage sous le nez avec une attention respectueuse et soutenue : juste ce que j'imagine d'une mère, imaginaire, que j'aurais eue... Je comprends mal, on me suggère une tostada, « muy grande » (geste) (comme si j'étais crétin).

Puis je demande une carafe d'eau ; la fille se fait aussitôt plus distante : un fauché... Pour l'enculer, ce sera une autre fois. Ayant constaté que mon réservoir ne fuyait pas trop, mais pas moins, j'ai pris la direction de Pampelune : de bons souvenirs de cathédrale – 88 ? 98 ? c'est lorsque les dizaines se mélangent qu'on est certain d'avoir atteint le vieux... - bref ! garé place Sarasate, violoniste oublié, après avoir ma foi presque raté la ville tant le réseau de contournement est efficace – je confirme, vous pouvez passer Pampelune sans vous en apercevoir) – du calme, du calme : tout restera inachevé – je marche à pied autour du Catedral (masculin, mas viril, mas macho), et après avoir bien tourné, viré partout, bien reconnu le cours au pied des arènes, bien tout vérifié, force me fut de constater que la cathédrale, et tant qu'à faire le musée aux Vierges, étaient fermés, parce que tout de même, c'était la Toussaint...

Sans doute que pour Noël, pour Pâques, la Cathédrale de Pampelune est bouclée à double tour – sans parler de la Pentecôte : normal, c'est congé. Il fait 5°, bon nombre d'Espagnols se promènent au bout de leurs chiens, es la paseada de los perros. Sur un banc, je lis « Chroniques italiennes » de Stendhal (de même, je n'avais rien trouvé de mieux que L'Assommoir pour visiter Lisbonne en 2000, par 38° centigrades). Soudain voilà qu'un jeune bouledogue bien gras me bondit affectueusement sur les genoux. J'éclate de rire, la jeune femme à l'autre extrémité de la laisse me demande bien pardon, je suis écroulé, elle me quitte confuse puis se ravise et me tend la main, très inquiète, pour vérifier que je ne suis pas en train de sangloter de douleur ; ma foi je lui aurais bien claqué dans la paume, à la sportive, sperme inclus, mais l'inévitable mec moche est là, plus loin, avec le jumeau du chien.

En repassant, il tourne la tête pour cracher, comme un clebs qui marque son territoire de la longueur de sa bite ; même pas peur. Après une brève incursion dans une église, où les confessionnaux tournent plein pot (cabines aux verres opacifiés où l'on se tient face à face ; en parler à ma psy), je repars vers l'est, je cherche le soleil en pleine poire. Je m'enquiers, avec un s, de la route dans un bled envahi d'enfants endimanchés (il se concocte Dieu sait quelle fête de patronage), enfin j'arrive route d'Urroz. Nadine Urroz est la petite fille de Monségur 47, en vente dans toutes les librairies si mes éditeurs avaient fait leur boulot (ce n'est plus la peine de me presser ; où que j'en sois la mort m'interrompra) (Il faut être Wagner pour se dire : Je peux mourir ; j'ai achevé mon œuvre ; la mort n'attendit pas trop longtemps. Il laissa tomber sa montre en murmurant : Meine Uhr !) ; à présent le monastère de Leyre domine la retenue de Yesa. J'y parviens par une pente bien raide. Et c'est là que je l'ai bien bichonnée, ma petite voiture, sans la forcer, d'une vitesse à l'autre. Arrivée sur parking, certes, mais « belle bâtisse belle vue ». Prédominance écrasante de véhicules espingouins - c'est qu'ils visiteraient leur pays, ces cons. Avec bébés, poussettes et débonarité bourgeoise. Mais pour visiter, makache, sauf à passer par la case restau, pour atteindre l'heure d'ouverture. Je me rabats donc sur la Fontaine des Vierges en contrebas. Et sur le panneau de signalisation je lis y de los gays - vierges de femmes, pas d'hommes, on rigole ! ...Labite – pardon ladite fontaine se compose d'un abreuvoir surmonté d'un robinet coulant tout triste et tout courbé. Pas gâtées, les vierges. Partout autour de moi j'entends la langue espagnole, pas mal canardière. Et je peux vous garantir qu'il s'en dit, des conneries. L'église « ne se visite pas », nous dit sur le seuil du bâtiment une charmante brune, à faire péter un moine. Et de nous refermer le porche sous le nez avec un sourire à claque. Côté recuerdos, même fermeture, même fille, qui a traversé le bâtiment, et monte dans la guinde à son inévitable mec moche. Mais le paysage est à tout le monde. Derrière la grille de clôture une belle tire de moine (de Père Supérieur ?), un chat qui miaule et m'apitoie : ne pas s'exciter ; le restau n'est pas loin. Un panneau multilingue invite les visiteurs à prendre garde, en ce lieu tout monacal, aux façons de se vêtir et de s'exprimer... Alors ma foi, dit l'incroyant, comme tout ici n'ouvre qu' à 16 ou 17 h, je renonce à gravir la pente vers la fontaine de San Virila (il en faut pour tous les goûts) et je me reconvoie tout doucement vers la retenue de Yesa ; sur un mur : ¡Yesa no ! Eh bien, Yesa que si... Le barrage fut bel et bien construit, le val ennoyé, le lac magnifique, d'un bleu terreux quasi méditerranéen.

Tant pis tas de ploucs... J'aimerais admirer, ça défile, ça défile, je ne vois que de brefs remblais de dernière seconde, et lorsque je peux enfin me garer, je ne peux même plus contempler le lac disparu à tribord ni les cimes enneigées à (babord), c'est très exactement là où fleurit le plus de mocheté : une station service, où je me gave de sucreries (brûlant la politesse, pour le paiement, à un authentique automobiliste qui venait vraiment de faire le plein) ; plus : un abribus démoli, quelques végétations souffreteuses où je pisse d'une pine souffreteuse, plus : une sorte de cimenterie miteuse interdite aux personnes ajenas (étrangères) al servicio. Ce lieu idyllique s'appelle, retenez bien, Puente de la Reina de Jaca. Mais je n'ai pas poussé jusqu'à Jaca même, jadis dragué là-bas par une bigote (trop long à expliquer, je n'ai pas su en profiter ; la sainte confite a regagné bredouille son autocar).

Par une petite route fraîchement aménagée, je me hisse vers San Juan de la Pena. Vitesse limite 40 kmh - à 41, il serait impossible de contrôler dans des virages lacets pareils. Les pointillés, précisent les panneaux, ne font que signaler l'axe (el eje) (de la carretera). Le Monastère Vieux se visite, mais l'accès au parking, exigu, en contrebas, ne m'est pas accordé par le Divin Discernement... Ménageant donc toujours ma monture, grimpant de courbe en courbe, je surgis en surrégime le long d'une muraille magnifiquement ensoleillée sur la gauche, Monastère Neuf du XVIIe, tandis qu'à droite se déroule une prairie bourrée de gens qui bouffent sur des tables à pique-nique. Sous les arbres le Seigneur m'accorde un miracle : parking gratuit.

Honte pendant que j'y suis aux 3 € de parking de la ville de Q. en France, avec chiottes de chantier, les glaces à 4€ en agglomération ; ou au bourg de W. en C. où l'on rançonne le visiteur, qui bien entendu ne peut se rendre à pinces dans le village... Je suis déjà venu ici, mes années s'accumulent. M'étant garé, revenant à pied vers la façade sinistre du monastère, je me ressouviens à présent de cette bande de gamins de huit ans qui se trémoussait sur Dieu sait quelle horrible bande de rock, tandis que des curés branchés tendaient de long en large le coton de leurs soutanes, l'air de dire « voilà comme il faut désormais appâter nos recrues ». Avec du rock. On n'arrête pas le progrès, surtout celui de la connerie. A preuve ce tortillon artistique d'énorme ferraille au beau milieu de la cour d'honneur, déjà vu dans les avenues de Bordeaux (j'ai bien fait de voyager). J'entre à gauche. Inscriptions espagnoles qui ne me permettent pas de comprendre à quoi j'ai droit en achetant mon ticket ; je ne demande rien - flemme, timidité, indifférence, qu'importe.

La boutique souvenirs me présente des ours sur plaquette, semblables aux animaux de ferme que ma vieille rapportait de Paris. Puis elle est passé de la ferme au zoo, et du zoo au cimetière. Patience. Je n'achète rien, mais je fais le tour d'un cloître fort laidement couvert et vitré, aux murs duquel pendouillent maintes toiles contemporaines. Le droit ou pas, j'en flashe quelques-uns (déformations à la Bacon). Il sera donc dit que je n'aurai jamais rien vu ici de médiéval ni de baroque. Je rejoins ma voiture au parking arboré. Un jeune con m'éclate de rire sous le nez : en effet, penché-tordu avec ma tignasse et l'air paumé du type qui ne retrouve pas sa guinde, j'avais dû me payer d'un seul coup une de ces gueules de clown qui me tombent dessus sans crier gare. J'ai gueulé en français : « Tu t'es vu ? » - mais ce connard ne comprend pas ma langue ; l'expression y suppléera...

Il m'aura gâché toute ma redescente vers Bernuès, ce cabrón, où je reprends à fond mon antienne sur la saloperie du genre humain, toujours prêt à se foutre de la gueule des nègres, des boiteux et de tous ceux qui ont l'air con (réflexions qui m'avaient déjà accompagné la veille à pied, hors de propos cette fois, entre Espérua et Yarmoz : tronçon offrant de belles vues latérales vers Zabalegui, mais complètement massacré par des rambardes et du marquage blanc. Et marchant dans moi-même (du pied gauche, je ne vous le fais pas dire), je prenais l'exact contrepied du voyageur obsédant, Bouvier Nicolas, mort en 98 ; ils nous disent tous, ces braves bougres d'errants, qu'il faut se vider, se rincer de soi-même, pour aller vers les Aûûûûtres, qui sont de si bonne compagnie. Eh ien non. Pas du tout. S'il y a quelque chose que j'évite en voyage comme la peste, ce sont bien, très précisément, les autres. A quoi bon en effet récolter d'un pôle à l'autre, comme un vulgaire reporter de « Thalassa », ces exaspérantes doléances stéréotypées sur la misère, de la bouche de pauvres hères ou héressses dont le seul rêve semble d'acquérir un jour suffisamment de fric pour laisser choir enfin cette putain d'existence pittoresque, si exotique et (sanglots) menacée d'extinction, pour enfin, enfin, vivre et bouffer à l'américaine ? A quoi bon (dans mon cas) tomber sur des abrutis qui me zyeuteraient de travers parce que j'ai une gueule de fou ? les yeux surtout. Fixes et paniqués. Surtout quand je suis fatigué. « Arrête de me regarder avec ces yeux-là, Bernard, autrement ça va mal finir », comme disait un Arabe qui m'avait dragué toute la soirée à Manzanarès del Rey...

Bref, si je voyage, c'est pour me trouver, puisque c'est de cela qu'il s'agit, et les vagabonds en demeurent d'accord ; mais au lieu de « se perdre pour mieux se retrouver gnagnagnère, se retrouver « autre », disent-ils, « totalement imprévisible », j'entends et prétends qu'il faut bien au contraire resserrer autour de son vide les maigres et disent-ils méprisables faisceaux de sa propre gerbe, que les autres, à domicile, ces fameux Aûûûûtres, tentent sans relâche de vous arracher pour y substituer Ce-Qu'ils-Sont-Eux-Mêmes. Sûr que si je les avais laissés faire, il ne me serait plus rien resté, tant ils sont persuadés de marcher dans le Vrai comme on marche dans la merde : c'est qu'ils ne me laisseraient ni une minute de libre, ces cons-là (do that ; and do that) – ni la moindre conviction debout, (« ah c'que c'est bête c'que tu penses, tandis que nous... »)- ils ne me laisseraient pas pierre sur pierre de moi-même !

Voilà pourquoi j'ai toujours nié toute possibilité de transmission sacrée de bouche de maître à oreille d'âne de disciple. En voyage donc, loin de me perdre, eh bien je me retrouve, je rassemble autour de moi mes conneries comme un mourant qui ragrippe ses draps. Mes opinions débiles, mes préjugés, tout ce que je sens et pense, conforme à Bouddha ou non, je me le ressasse, tout en me répétant cette phrase sublime de Vipère au poing : « J'ai raison, parce que c'est moi. » Tandis que les autres, les Nicolas Bouvier (que j'adore, que j'admire), une fois lavés-vidés-rincés, n'ont finalement

rien d'autre à me proposer que l'éternelle sérénité des Bouddhas de tout poil, la sempiternelle ouverture à autrui et à tous les vents, le sempiternel reliement (Bouvier relie encore la « religion » à religare) à l'éternel, au Silence, à la Nuit, à Dieu si l'on y tient – mais ce reliement, pour moi, est reniement : oui, un jour, je serai relié au grand Tout, impersonnellement, je ne souffrirai plus, au cœur du bonheur, de l'Etre-Néant voir plus haut, mais ce Grand Jour-là, mes braves prêcheurs, voyageurs, moines ou philatélistes, Narzissen ou Goldmünde, figurez-vous que je l'ai déjà vécu et le vivrai, mille ans devant, mille ans derrière : alors plutôt que de m'unir au grand Tout, ce qui à Nicolas Bouvier faillit coûter la raison, je me vautre dans l'imperfection, j'aime ma merde et je la justifie à l'infini, je fais tout ce qu'il ne faut pas faire, surtout si cela constitue la preuve des plus abjectes connerie, vieillesse et débilitation – Céline d'ailleurs (entre autres) se contredit, puisqu'il affirme aussi que la plus grande défaite et décomposition serait d'oublier, en particulier ce qui vous a fait crever...

Après quoi je descends sur Huesca, m'arrête en plein virage pour photographier de mon siège Los Malles, qui sont d'énormes mils de grès rouge, lorsque les ultimes rosâtreries du couchant les effleurent encore. Et je me suis ainsi retrouvé à Murillo, où je fus déjà, été 92, pour une nuit. Le patron louchon, torse, cagneux, me tend un grand rond de bois marqué « 6 », après 50 kilomètres d'impatiente descente, si magnifique, si déserte. A présent dans ma chambre j'admire les poutres, sentant peu à peu la bonne chaleur du radiateur en fonte. La seule véritable fraternité, je la ressens devant la télévision, ou bien le transistor collé à l'oreille. Ces voix déformées venues d'outre-agonie de piles ne parlent alors que de moi, ne chantent que pour moi. Elles ont fait un effort pour venir jusqu'à moi. C'est un monde où les femmes sont amoureuses des hommes, le leur chantent, le leur crient, et chaque parole devient un conseil, une déclaration personnelle, une chaîne universelle, dont cette extraordinaire présentatrice chinoise polissant depuis le bout du monde son accent italien avec une telle volupté qu'elle en devenait l'incarnation, la féminité-telle-qu'on-l'imagine, mièvre, sucrée, souple ; plus caricaturale partant plus vraie, carément pédé, noyant, étirant la guimauve, la plus fascinante des italianités jaunes – delle gialle italianità. Puis la radio s'éteint, les ombres colorées de l'écran s'effacent, et je me retrouve dans le monde dur où les hommes se dérobent et font toujours des choses inattendues, ou pour me nuire, ou profiter de moi – some of them want to use you / some of them want to abuse you. A Murillo, je renonce à explorer le village aux rues étroites et rouges – en 92 déjà, la nette impression (toutes les vieilles sur leurs chaises) de violer une cour privée indéfiniment ramifiée ; le touriste, l'Intrus du Cul. En bas dans l'auberge, ça crie, ça cancane, à l'espagnole. Je redescends bouffer. La jeune et la vieille me servent.

La jeune rubiconde et pataude, je lui demande une gigantesque et rectangulaire ensalada aragonese, dont je mange à même les tomates fermes et crues. Il n'y a qu'en voyage que j'aime les tomates crues, ce qui est de la plus haute importance pour vous, lecteurs. Puis un lomo de cerdo bien sec con batatas fritas. Deux euros l'eau minérale bande de porcs, et une noix de coco directo du congélo avec sa mouche toute gelée, pattes en l'air – les patrons croient si bien faire ! je ne dis rien ! Il y a un couple d'amoureux qui jacasse contre un mur dans mon dos. Je m'en vais sans rafler l'eau minérale - deux euros, ¡ maricones de mierda ! Programmes télé infects dans ma chambre. Où je me rends compte, scandale ! que le personnage important, de ce côté des Pyrénees, ce n'est pas Sarkozy, mais Zapatero.

Ce sont les pilotes espagnols retenus au Tchad qui tiennent la vedette, et non pas les Français, bassement acusés de pédophilie. Le lendemain au petit-déjeuner plus que succinct les clients disent bonjour, on ne fait pas ça en France, sinon ils vous regardent comme des bovins puis tournent le dos en faisant : « Pffff... » - ça oui, ça, c'est bien la France ; et quand on vous croise, on vous toise du haut de son petit volant. Dans le Heraldo, pareil : personne n'a entendu parler de Christine Boutin. Ah comme les infos françaises deviennent petites ! province ! Et à la radio, des torrents de paroles, sur tous sujets, un débat permanent, la démocratie verbeuse, trente-neuf ans de franquisme pas encore guéris peut-être, mais « le dialogue », « le djalogue » comme diisait Djamel - ça va vite, je comprends apenas.

...Nous sommes le deux novembre 2007 au matin, Jour des Morts, anniversaire de Barbey d'Aurevilly – mort le jour de Pâques en plus le con. A Murillo ce matin, hôtel de los Malles, le patron ne se souvient pas de moi – c'est un comble ! « En 1992 ! ¡ noventa y dos ! - « ¡ Pero hay tantos anos ! » 17 années en effet. Il était déjà là. Je ne me souviens pas qu'il était aussi moche, vous voyez... Revenu sur mes pneus une journée entière pour fouiller ma chambre où je croyais , avoir paumé un appareil photo – à peine remonté que je retrouvais mon appareil coincé sous le siège... Voilà comment on rate Lisbonne... Avant de partir, je reviens de justesse rendre la clef à l'hôtelier : « ¡ No ès un recuerdo ! » Il a ri, reprenant figure humaine. Au lieu de sa bonne bouille rose d'enfant battu.

Je ne peux pas aller plus loin : évasion calculée... Huesca se passera de ma visite. Mais pas le château de Loarre. Sans rapport évidemment avec Azay-le-Rideau. En 92 (car je reviens toujours sur mes traces), c'était fermé ; j'en avais fait le tour par l'extérieur, en chantant très fort, en faux français. Des mots, comme ça, hurlés, qui avaient l'air français, mais qui ne l'étaient pas. J'étais tombé par surprise, au détour du mur, sur un couple hilare et bienveillant - espagnol ? français ? Jamais su. Aujourd'hui j'y monte, en vrai. La pente est raide, je ménage ma monture : 40 à l'heure, l'œil sur l'indicatif de surchauffe, et le parquage à l'ombre. Encore fermé. Rien ne se visite ici avant onze heures. Je refais donc le tour du château. Des Français que je dépasse ne répondent pas à mon ¡ olà ! typiquement espagnol. Le Français a tout lu, tout vu, se blase de tout, parle du château d'un air entendu, commente l'accessibilité du chemin, avec l'air, mon Dieu, de ne pas avoir sous les yeux le plus extraordinaire château chrétien du XIe siècle, mais quelque chose de «pas mal... » Je grimpe en tirant sur les touffes d'herbe, comme un chimpanzé. Parvenu au sommet du ressaut, je m'aperçois que ce n'est pas mes poumons qui se sont essoufflés, mais, bien plus alarmant, mon cœur.

Arrêt. Considération du versant ouest, parmi des éboulis buissonneux. Je dis : « Si j'avais vingt ans de moins, je le ferais ». Après un petit repos respiratoire, je monte à la porte de la chapelle, bien close au cadenas, puis une rampe redescend vers l'est à l'intérieur de la porte d'enceinte : je suis tout simplement en train de frauder le Ministère du Tourisme. Mes Français sont loin, échangent leurs réflexions de bon ton. Le petit doigt en l'air dans le cerveau. J'admire les tours « ouvertes à la gorge » (merci M. Eydoux, Les châteaux fantastiques ; celui de Loarre n'y figure pas). Quand je rejoins ma voiture par l'extérieur, à pas lents,

« Après un long détour évitateur de vache »

qu'est-ce qu'elle fout là - je consulte le panneau historique : une mule me dit-on, porte-reliques, a eu les yeux crevés, puis s'étant avancée au petit bonheur, perdant son sang, elle s'est effondrée en un certain endroit où Dieu voulut qu'on érigeât une église – il n'en était pas à une cruauté près. Les yeux intacts, j'hésité à mon tour ; c'est décidé : je reviens sur mes pneus par Ayerbe, et bifurque vers Santa Eulalia, Fuencalderas, Biel. Bourgades impénétrables aux voitures, serrées sur leurs châteaux ruinés. Des habitants qui ne le sont pas moins. Des chiens. Des bas-côtés le temps d'une photo, par-ci, par-là. Mes calculs : s'arrêter dans (tant ) de minutes, pas si évident sur des routes étroites. Je photographie “Luna, 25 km”, je ne m'en croyais pas si près.

Enfin, je repère un buisson (le soleil espagnol, même en novembre, est redoutable) et je fais quelques pas sur les traces d'un tracteur, pas trop boueuses. C'est le silence, les feuilles dorées des peupliers se détachent en froissant. Du silence, surtout, par pitié. Rien d'autre à voir que les contours d'un champ, les ruines d'une ferme au travers des feuillages, et je m'arrête pour ne plus même entendre le bruit de mes pas. Je murmure “ici, je communie avec l'univers » - si je me tais, qui me dira à quoi je joue ? c'est bon pour ma pantoufle dans le cerveau. Je sors du champ pour surprendre ce chemin de la ferme écroulée, en vain. Je ne m'astreins jamais à rien, qu'à être bien moi-même, au mieux de ma mollesse. Il ne s'est rien passé comme toujours, j'ai lu l'avant-propos à Stendhal, vérifié l'eau et l'huile, n'ai pensé à rien, l'apaisement, malgré la soif, un peu, la faim, un peu. Uncastillo : “Un-Château” ? “Non -Château” ? (“Unburg”) ; la route m'indique, à angle aigu Sos del Rey Catolico. Au pas de l'homme je traverse toute l'agglomération d'Uncastillo, avec des enfants qu'on protège peureusement : il ne s'en fait plus beaucoup en Espagne. Et personne pour observer ma tête. Ça aussi, ça fait du bien. Sur cette route vers le N-N-O, me voici longeant une grande série d'éoliennes : les petites qui tournent, les grandes qui s'ébranlent plus lourdement – tandis que pour les femmes, la taille ne joue pas. Je roule ainsi dans un décor propice aux rencontres du troisième type, où règne une merveilleuse sensation de dépaysement, de vie mécanique, douce, bienveillante, familière, étrangement maternelle. Rien qui soit plus euphorisant, plus protecteur, que ces vastes trios de pales. Partout les divines éoliennes, discrètes, métalliques, tutélaires, paisibles, silencieuses, poétiques, soulignant si heureusement ces mamelonnements secs si souvent vus dans ces contrées, éoliennes hors d'espace et futuristes, douces, souples, suspendues, ce qui fait, pour 8 lignes, 25 adjectifs.

Je fais halte à Sos del Rey Catolico, perché, resserré “comme un poing”, d'abord au parador. Le “parador”, en Espagne, c'est un hôtel de grand luxe, perché, moderne, en hauteur, somptueux par ses salles de réception, ses chiottes de moines fortunés (j'y pisse), ses ascenseurs où l'on croise des Ibériques rupins, qui ne m'accordent pas un regard (j'aime cet incognito). Tout est démesurément vaste, et je suppose, à considérer la cafeteria, immensément cher. Quant à l'escalier, il ne mène qu'à une plate-forme crayeuse, vue sur la campagne environnante, sans issue ; essoufflé, râlant, je redescends, je gagne plus loin une pizzeria et prends mon élan pour

commander en castillan sans bafouiller un crujillo tropic y un Coca-Cola. C'est un établissement plus à ma portée. Je n'attends que huit minutes. On me sert une sorte de lasagne que l'on tranche soi-même au sortir du four avec un fer recourbé, sur une arête de gril. Le patron, Javier, me recommande de ne pas me brûler ¡ Cuidado, que se quéma ! Il souffle dans ses doigts, mais je comprends parfaitement quemarse. Peu après s'installe un couple fort laid pourvu d'une gamine fort grosse, pour qui l'on sent que la table restera la seule volupté à tout jamais, par son contentement naïf et goinfre. Mon cœur absent se serre un peu. Les parents bâfrent à l'unisson. On rajouter une table. Je lis un peu de Stendhal. Non loin, des Français populo se répètent en boucle abondance de propos crétins sur ce qu'ils bouffent, aux oignons ; les conversations cons sonnent finelament mieux en espagnol. Mes Français se croient drôles.

En revanche, dans les rues escarpées du bourg, les gagateries papapapapapa m'exaspèpèpèpèrent, pauvre gosse, entre sa mère et sa grand-mère gâteuses à hurler. PAPAPAPAPA. Jamais je n'ai parlé si sottement à ma fille, même à moins d'un an. Jamais. Toujours comme à une adulte, en égalité. “Et qui c'est ça ? Et qui c'est celui-là ? Y quién es ese ? » Deuxième gosse, deuxième accès de conneries. Cette fois ils m'auront bien tapé sur le système. Je ne monte pas à la Juderia, aux pentes à péter l'oreillette, les juifs dominent le monde, c'est bien connu. Je photographie dans les ruines des chats noirs jumeaux. Ruines souvent trouvées, si mystérieuses, au sein des petites villes espagnoles, seuls espaces libres dans la chair des murs... Tout s'achève au franchissement d'une muraille, et je retrouve ma bagnolette noire.

Pour sortir de Sos del Rey Catoloco, un carrefour évasé, j'explique : à droite, une balise peinte au sol ; à gauche, un accès pour les entrants ; tout droit, un stop. Je prends gauche toute et tac, la flicaille. Un magnifique olivâtre d'opérette m'enjoint martialement de descendre. Il est flanqué d'une fliquette fausse blonde à queue de jument, qui se tape un rictus à faire avorter une guenon. Et où je vais. Et d'où je viens. Et pourquoi je n'ai pas l'immatriculation européenne (“quoi ! pas encore ! ¡ aùn no !”) - ben non mon con, pas obligé en France. “Où avez-vous couché ? - A Murillo.” J'ajoute le numéro de la chambre, je mentionne la visite du château de “Loarre”, trébuchant sur le mot. L'homme de l'art me tend un piège : alors comme ça, j'ai couché dans le village même ? - Non, à Murillo.” Et de fouiller mon linge, mon carnet d'adresses (“pas une en Espagne”). La fliquette se fait ouvrir la boîte à gants, ouvre un petit sac de plastique blanc : bingo, c'est le papier-cul, voilà du flair. Je dis “Il ya du désordre”.

Elle répond No importa. Là j'ai touché la fibre ménagère, de la verdadera mujer espanola : une flique. Pas peu fier. Ils me disent que je peux circuler, me recommandant d'être prudent, parce que là, tout de même, j'empruntais le sens interdit, carrément. Ensuite, en roulant, je me marre comme un bossu. Mais je n'en ai pas mené large. Ils ne m'ont même pas demandé mes papiers, ni ceux du véhicule. J'ai joué le touriste couillon, c'est ce que je suis, massacrant la langue, écarquillant les yeux et plein de bonne volonté. Le contrôle de flics procure le même soulagement que confesse autrefois ; j'ai toujours adoré prouver ma bonne foi, mon infantilisme. Et je me répète le dialogue, je corrige mes fautes, j'invente d'autres questions-réponses, très fier de tant de soupçons, de tant d'acquittement.

J'aime les flics. L'uniforme, l'air grave, les sourcils de Guignol. Absous de frais, je fais mes courses à Sangüesa, dont une indispensable brozadàn. “Yo soy el Senor de Brozadàn” : je hurle de rire au volant, et maintenant, une heure avant l'hôtel, il s'agit cette fois de contourner vraiment Pampelun, je quitte la rocade à contretemps et finis par me paumer dans les cités à 30 km/h (je savais bien que j'aurais dû tourner vers Huarte), et pour finir, de ronds-points en gendarmes couchés, j'aperçois le panneau salvateur Roncesvalles (Roncevaux”, tout sur les moines, que dalle sur Charlemagne). Dix-sept heures cinq pile : prochain hôtel à droite, c'est la règle. Zubiri. Hosteria. Muy caro. L'hôtesse me montre le prix sur un panneau : mais si, j'ai de l'argent, mais non, je ne suis pas si marginal que mes godasses et mon air gland, je vais rassembler mes bagages, et je monte au 213- putain pas de télé ; belles poutres, mais rien à foutre, et le plus fort prix de ma virée : Euskadi touristique mon pote...

J'alterne donc, sur mon lit basque, lecture (Stendhal, Chroniques italiennes, particulièrement confuses), récit de voyage, écoute du transistor. Vers 19h 15 je sors dans l'obscurité, car le téléphone de ce fameux hôtel si cher ne fonctionne qu'avec des monedas. Je parviens enfin, dans une cabine publique, à joindre Annie. Puis je vais voir le “pont moyenâgeux”, qui bombe très fort dans le noir au-dessus de l'eau. Au retour, trois enfants ; le premier me dit “ola”, le second “hello”, le troisième, je ne sais, visiblement pour se foutre de ma gueule (rien que je haïsse plus que les enfants : cruels, hargneux, sûrs de l'impunité), railler mon cou de tortue sortant de mes grosses épaules - tu veux mes vertèbres, hijo de puta ? je devrais dire “va chier”, comme aux Gitanes de Granada qui voulaient me fourguer du mimosa à 4 euros le brin ; c’est fou ce que c’est polyglotte, ces peuples errants. J'entre acheter des gâteaux étouffe-Basques et me paye à fond de train tout un étalage intérieur : ¡Tranquilo ! me dit le patron - en vérité, je sue, traqué, par accès, comme ça, partout. A nouveau de nuit dans la cabine téléphonique, j'essaye de joindre X., en France, chez qui séjournent Y. et Z. Pour un euro j’arrive juste à dire “J'espère que” - coupé. Le froid, les sales morpions qui traînent dans la rue noire en braillant, pas un mot d'euskara, comme partout d'ailleurs y compris en plein Bilbao, ici la rue glaciale n’est qu’un conduit de poids lourds. La 213 chez moi c‘est la chaîne porno, ici c'est ma chambre, je me gave de biscuits bourratifs, c'est tout dans l'aorte. Le lendemain je reprends la route de Roncevaux, quand un de ces fringants petits Basques en béret rouge m'informe, sixième de la queue de bagnoles, de l’obstruction par éboulement (desmoronamiento) du chemin de Roncesvalles - « je passerai par la route de Baigorri » - ça lui semble au diable.

Adieu donc les clopes de Z., car il n'existe par là-bas aucune agglomération digne de Cenon. Je décide en forêt de me payer une de ces balades qui font mes délices, des feuillages dorés, une montée qui serpente ou un serpent qui monte, le désert. Au fond du ravin c'est l'Arga qui sinue en bouillonnant, ou qui bouillonne en sinuant, à droite, à gauche, d’un petit pont l’autre ; des ruines de je ne sais quel moulin ou octroi, et le rebrousse-chemin au premier toit vu de loin : Olaberri ? Bien sûr, à peine redescendu après quarante minutes de pur bonheur que j’aborde, sur mon siège et sur mes traces, un de ces « trajets pittoresques » de cartographe, simplement distingué par une route plus large, plus propre, et un parking d'excursionnistes... Passé le magnifique Collado de Urquiaga, je reçois sur mon cœur la première vibration du portable : Annie, la voix pleine de tendresse orientée, me rappelle ces fameuses cigarettes espagnoles, dont il faudra bien que Z. se passe.

Dans la redescente vers Esnazu, c'est à quelques détails (poteaux, piquets de prairies)que je m’aperçois de mon retour en France. Une borne, puis deux, me le confirment. Et mon petit moi de bifurquer vers Urepel (sans le H initial de je ne sais plus quel reître) - je suis en France ; sur un dégagement près d’une benne à déchets, je puis à présent répondre longuement aux mamours téléphoniques. Urepel possède, signalée sur carte, une église ne payant pas de mine, mais dont l'intérieur présente ces fameuses tribunes superposées où se séparaient garçons et filles, face à face ; combien d'adolescents bridés (pas des yeux, des braguettes) ont dû s'échanger là de menus signes de connivence, sous le regard des bilieux du cru ! J’y monte, et comme il n'y a rien de plus désagréable que ces planches qui décidément cèdent sous les pieds comme une coupée de péniche pourrie, je redescends prudemment.

Sur le parvis je photographie le poilu sur son monument aux morts, j'erre dans le cimetière aux tombes à touche-touche, avec leurs chrysanthèmes et leurs épitaphes en basque. Langue opaque, dalles de même. Aux Aldudes, même église, mêmes tribunes. A l’extérieur une chienne boiteuse et décrépite feint de m'accompagner, toréant les bagnoles qui déboulent du virage. Et comme il me reste à flâner, mon rendez-vous n'étant qu'à deux heures trente, je m'égare sur les pentes de Banca/Banka, sans transcription un Basque se serait perdu. On ne dira jamais assez les bienfaits des panneaux bilingues. Banca/ka, célèbre par ses truites (pauvres bêtes), puis retour à St-

Etienne de Baïgorry, en basque Baïgorry tout court. Le magasin “Spar” encore ouvert me vend des boîtes à chat (les téléphones sont des mitraillettes à corvées). Le caissier largement sexa récapitule en basque la liste des emplettes qu’il encaisse, tandis qu'une paire de clientes de vingt ans se regardent l’une l’autre en souriant bien emmerdées de ne pas comprendre, du moins ne faut-il pas désobliger le bascophone. Pour moi, ce sera du français, tout aussi impeccable, je suppose. Ma dernière étape sera pour St-Jean-Pied-de-Port, Donibane Garazi, où je suis censé dénicher quelque canne typique, bernique, sauf les non pas bernacles mais coquilles saint Jacques à profusion gravées sur le gros bout, ou cette ridicule tête de jeu de petits chevaux ou ce non moins risible ensellement chevalin peinturluré de vif en guise de prise de paume. J'ai monté le raidillon vers la Citadelle, je me suis épuisé, affalé sur un banc de pierre en feignant de ronfler comme un vieux perclus qui s'endort, on me prend en photo : vieux basque typique effondré sur banc typique. Pour terminer ce récit de voyage sur une note fraîche et pittoresque, j'ai vu, en pissant, un mec le cul tourné vers le mur et pantalon bas : c'était une urgence, en l'occurrence une vieille giclée de diarrhée : amusant, non? ça, c'est la chute.

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SARKOLÂTRIE

 

AVANT-PROPOS

...Que les choses soient bien claires : ce numéro du Singe Vert se veut résolument PRO-SARKO. Que voulez-vous il me fait marrer ce type-là. Il me remonte le moral. Il a des visions, des convictions, il arrive à m'entraîner. Les autres -TOUS LES AUTRES – me font irrésistiblement penser à des petits épiciers qui voient l'avenir à l'aune de leur calculette. DONC SI VOUS ETES “ANTI”, NE ME LISEZ PAS. Parce que moi je ne crois pas un instant qu'on puisse persuader ou convaincre qui que ce soit de quoi que ce soit, contrairement à ce que tentent d'enfourner les vaseux de l'IUFM (à bas ! à bas !) dans les crânes de nos progénitures. Parce que les opinions, c'est irrationnel, et que tout ce qui me fait aimer Sarkozy EST EXACTEMENT CE QUI LE FAIT DETESTER PAR LES AUTRES.

Comme disait Gaston-Dragon : “T'as raison, et moi j'ai pas tort.” Pour l'excellente raison que la raison, justement, la cervelle humaine, c'est tout petit de chez Tout Petit. Alors au lieu de m'emmerder avec votre courrier fleuri (style Moi je suis de goche et je t'emmerde) (je cite, hélas) ou de m'envoyer des rats crevés par paquet recommandé, vous n'avez qu'à balancer ma saloperie pourrie à la poubelle et qu'on n'en parle plus... OK ?

 

Citation

La réalité est une hallucination due au manque d'alcool

(proverbe irlandais lu sur un tee-shirt, à Ganges – Hérault)

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Les journalistes ne vivent pas dans le même monde que nous. Ils vivent dans leur monde à eux, qu'ils se racontent à eux tout seuls, où ils décident entre eux, en comités fermés, à grands renforts de ricanement péremptoires, ce qui doit nécessairement nous intéresser vous et moi dans les jours qui viennent (d'ailleurs ils sont bien emmerdés pour l'Irak, parce qu'il n'y a (presque) plus de cadavres... parce que les Américains, figurez-vous, ont gagné la guerre : les journaux reparaissent, les chiites sont au bout du rouleau – alors les Petits Malins, dont la seule analyse politique tient en une seule formule dont vous apprécierez la finesse J'ai pété c'est la faute aux Américains, ça pue, c'est la faute à Israël, ben ça ne leur plaît pas, mais alors pas du tout.

...Ils disent que les attentats continuent, qu'on ne nous dit pas tout, et que la preuve qu'ils existent, c'est qu'on n'en parle pas – comme si les ennemis de Washington ne trouvaient pas toujours le moyen de se faufiler à travers toutes les censures, à l'affût du moindre doigt cassé, pour le mettre au compte des saligauds d'Occidentaux... “Faut pas croire ce qu'on dit dans les journaux” - mais oui ! mais oui mes braves ! Vous êtes les seuls à pouvoir démêler le vrai du faux, ce qu'il est bon de croire et ce qu'il est bon de ne pas croire, ah ! quelle sublime clairvoyance ! Et c'est pourquoi, tout muselage mis à part, ce ne serait ma foi pas tellement volé par les journalistes de se recevoir quelques coups de pied au cul de remise au point déontologique – ne serait-ce déjà, pour commencer, que de ne pas s'adresser au Président de la République française sur le ton d'un garde-champêtre qui engueule un voleur de pommes, style “Combien faut-il d'arrestations pour obtenir un expulsé ?” - le genre de question qui ne font pas avancer le débat, mais qui ressassent en boucle “Sépabo Sarko, Sépabo Sarko” en excitant bien le populo – qu'est-ce que ça peut bien nous foutre, rationnellement parlant, de savoir “combien d'arrestations” etc...

Ah mais c'est qu'on est insolents, nous aut' journalistes – vous n'avez pas répondu à ma question – et compétents – vous n'avez pas répondu à ma question – et 'achement pertinents - VOUS N'AVEZ TOUJOURS PAS REPONDU A MA QUESTIANANANAN ! Je me souviendrai toujours de la première réunion du maire de Machinchose-sur-Seine, élu de gauche grâce à la dissension de la droite (une sombre histoire de cul...); ne voilà-t-il pas qu'un énergumène se lève et se met à te lui adresser la parole d'un ton à se faire mordre par le premier clebs venu. Insolent, hargneux et tout. A un moment donné, un petit mec mal fringué, style artisan vieilli sous le harnais, se dresse à son tour dans l'assistance, toute indignation dehors : “Votre ton est inadmissible ! Ce n'est pas à Monsieur X. que vous parlez en ce moment, mais à Monsieur le Maire ! Parfaitement ! À l'Elu du Peuple ! Et que vous soyez d'accord ou non avec lui, vous n'avez pas à lui parler comme vous le faites, parce que c'est votre Maire aussi bien qu'à celui de n'importe lequel d'entre nous ! Et tenez-vous le pour dit !”

Le malotru se l'est tenu pour dit, il a baissé d'un tétrarcorde, et a fini par la fermer. Car je voudrais tout de même faie observer que si nous avons beaucoup, beaucoup entendu parler du “Casse-toi pauvre con”, c'est à peine si l'on a mentionné l'incroyable grossièreté de la première réplique : “Touche-moi pas tu vas me salir”. C'est d'une incorrection inqualifiable. Moi j'appelle cela “outrage à chef de 'Etat”. Voulez-vous que je vous dise pourquoi la gauche et les intellectuels de gauche se font zapper au profit de la pub (Amora au moins, “ça relève le plat”) ? Parce que la gauche n'a cessé de s'aplatir devant les plus écœurants des totalitarismes. Deux et deux, ça faisait cinq, et c'était é-vi-dent parce que c'était comme ça et c'était comme ça parce que c'était pas autrement et situmecroipaje fépipisurletapi éjemrouldedan.

...Tout a foiré à partir du moment je ne dis pas où l'on s'est “engagé” - quoique... - mais à partir du moment où les intellectuels de gauche se sont proclamés seuls intellectuels, la droite étant automatiquement vouée à la bêtise la plus épaisse, que dis-je, MATHEMATIQUEMENT IDENTIFIEE A LA BETISE; ce qui permet encore aujourd'hui à une clique de foireux de se demander comment les Américains ont pu élire deux fois de suite un président aussi Khon. Alors pour faire bien, les mêmes se mettent à présent à vanter Cli(n)to(n) (pourquoi tant de “n” ?) - et Reagan, mais je me souviens bien de tout, quand même : à l'époque des dessusdits, tout ce qu'ils faisaient (J'ai pété,...voir plus haut) c'était automatiquement nul de nul à chier. Quand Obama aura viré les troupes américaines d'Irak vite fait (à supposer qu'il le fasse), et que tout le monde se tapera sur la gueule, on le portera peut-être moins aux nues. Je donne 6 mois pour que Barak devienne la bête noire – suis-je drôle ! - de tous les altermondialistes... Pour Israël, même jeu ! BHL (un jouèf) a tout à fait raison, même s'il s'est énervé un peu, d'assimiler antiaméricanisme et antisémitisme. “Assimiler”, pas “identifier” - mais à quoi bon préciser : BHL n'a pas été lu, et le seul argumet qu'on ait su trouver c'est l'ampleur de ses cols de chemise – pardon, pardon : une fois, un collègue m'a déclaré “Ah oui mais alors à ce moment-là tu comprends...” - que dire ? j'ai rendu les armes.

...Que répondre en effet, comment imaginer pouvoir s'opposer tant soit peu à un argument aussi foudroyant, aussi ratatinant, que “ah oui mais alors à ce moment-là tu comprends...” - que dire? qu'objecter ? Merde trop fort le mec, il faut graver cela en lettres d'or sur le manteau de la cheminée : AH OUI MAIS ALORS A CE MOMENT-LA TU COMPRENDS...BREF !... Si on en revenait aux journalistes ? parce que mon discours n'est pas fini, ça ne fait même que commencer: le sujeet, le grand must des journalistes, c'est de casser du Sarkozy. Quoi qu'il fasse, quoi qu'il ne fasse pas, il faut qu'il ait tort. Qu'il ait eu tort, de toute éternité. Son nez, sa taille, sa voix, ses slips, tout, on vous dit, absolument tout. D'abord. D'emblée. Dans un premier temps. Et puis, pas de deuxième temps.

J'ai même lu que Si Sarkozy marchait sur les eaux, l'opposition lui reprocherait de ne pas savoir courir sur les eaux... Enfin, les pisse-bave s'interrogèrent : ça ne faisait pas très sérieux, tout ça, pas très productif. Alors ils ont observé les actes. Les actes politiques, parfaitement. Or en France, dès que tu touches à quoi que ce soit, le diamètre des boutons, la hauteur des furoncles, la loi du 12 juillet 1763 modifiée par l'arrêté du 30 février 1874 et annulée par l'amendement du 14 octobre un quart 1985, tu as 40 000 personnes dans la rue selon la police, 400 000 selon les syndicats, soit 2% de la population selon la police et 2% selon moi. Et qui font chier. Carrément, cubiquement chier.

Or ce qu'il y a d'absolument himalayen, chez les politiciens de tout poil, c'es tleur ignorance historique, vertigineuse. Everestienne. Dès qu'on remonte au-delà de 1900, c'est le désert. Et avant la Révolution française, alors là on débarque très exactement sur la face cachée de la lune. Je ne parle pas tant ici de la connaissance des faits que d'une attitude, d'une perspective, d'un recul historiques. Notre époque, voyez-vous chers ignares, se situe ni plus ni moins dans la continuité des autres époques. Eux aussi, en 1715 (mort de Louis XIV), en 1815 (Waterloo), ils se sont crus en “rupture” totale avec l'époque précédente, à la fin du monde (la “rupture” de Sarko, c'est uniquement avec l'immobilisme de Chirac – parce que, tout arrive ! j'ai entendu regretter Chirac ! (on a bien regretté Saddam Hussein...) - mais sous Chirac, bande de nazes, on ne faisait rien, de rien, de rien ! on lui entendait par les oreilles le bourdonnement de la mouche qui lui servait de cerveau sous son crâne ! c'est vraiment Les grenouilles qui demandent un roi ! relisez votre La Fontaine, je ne vais tout de même pas passer mon temps à tout expliquer – ces gens-là, dis-je, ils s'imaginaient que c'était l'effondrement de tout, la Fin du Monde, ils tremblaient d'espérance et de panique.

Et ils gueulaient : “Tout est foutu ! Je vais mourir !” - juste comme nous. Et une fois que tout le monde de ce pays-là, 1610, 1515, a fini par mourir, eh bien tous les suivants les ont, comme c'est bizarre, oubliés, avec tous leurs problèmes : à la trappe, à la fosse ! Ça vous passionne encore, vous, les histoires de catholiques et de protestants ? les droits du roi de France sur la Navarre et de son frère sur Jérusalem ? Qu'est-ce qu'on se croit donc tous, avec notre XXIe siècle, qu'est-ce qu'elle a donc de si particulier, notre époque de merde semblable à toutes les époques de merde et qui crèvera comme toutes les époques de merde ? Dans 500 ans personne ne s'en souviendra plus, surtout s'il ne reste que les fourmis ; et rien que de l'évoquer ça fera bâiller tout le monde jusqu'à sa glotte de fourmi – le pouvoir d'achat en 1440, ça vous intéresse encore ?

Ça ne vous est jamais venu à l'éponge, pardon, à l'esprit, que, toutes proportions gardées, tout est resté absolument pareil ? Vous avez déjà vu le coût de la vie diminuer, vous, depuis que vous êtes nés ? Vous avez déjà vu les pauvres devenir riches, hop, comme ça ? révolutions et guerres mises à part bien sûr ; mais vous ne voulez pas qu'on change le sens de brossage de vos pantoufles, n'est-ce pas... Et vous vous êtes imaginé qu'on allait vous donner d'un seul coup 30 ou 40% de fric en plus ? Vous avez vu ça où ? vous avez vu ça quand ? Moi je ne suis pas là pour faire l'original : c'est la pub à la télé, parfaitement, qui répand “jusque dans les campagnes les plus reculées” que tout le monde il est riche et que tout le monde il a droit à tout. C'est ça et uniquement ça, votre “baisse du pouvoir d'achat”. Quand j'étais jeune – agagahh...- j'étais toujours fourré au cinéma, toujours en voyages – oh, de tout petits voyages... Maintenant je regarde ma télévision et je suis bien content quand je peux me payer dix jours par an dans ma petite pension de papy-mamy près de Montpellier, sachant qu'il me faudra bien trois moi après ça pour sortir mon compte du déficit. La publicité vous rend cons, la publicité vous prend pour des cons – vous ne vous rappelez pas ? c'était un slogan de 68.

...Sarko veut supprimer la pub à la télé : toujours pas content, la goche ? C'est Sarkozy qui veut le faire, DONC c'est mauvais ! Je m'en fous complètement, moi, que TF1 ou M6 récoltent tout le blé de la pub. Leurs films entrecoupés, leurs émissions dans leur snesmble, deviendront tellement nuls que personne ne voudra plus les regarder. Et admettons que 150 chaînes soient obligées de mettre la clef sous la porte, vu les conneries qu'elles diffusent, ce ne sera pas une grande perte – au temps de l'ORTF, il paraît que c'était la dictature – ah bon ? mais au moins il y avait des émissions publiques de qualité. Allez on change. Les suppressions de postes à l'Education Nationale.

Depuis le temps que les profs nous rasent avec leurs cours à chier debout. Promenez-vus voir dans les couloirs à l'heure des cours, et vous entendrez à travers les portes les élèves ronfler, ou bien déconner. Tant qu'il y aura neuf profs sur dix qui feront des cours comme ça, les élèves se feront caguer. Quelle que soit la méthode. Quel que soit le nombre de profs, ou d'élèves, ce seront les bons qui donneront envie de travailler ou de vivre, or, la plupart du temps, un bon cours, c'est non en classe mais dans un bouquin que je l'ai trouvé. Qu'est-ce que 11 000 profs en moins sur trois cent mille ? C'est quoi cette plaisanterie ? De toute façon pour moi l'enseignement est sinistré depuis belle lurette.

Je me fous que l'Enseignement Public crève ou non. Il a déjà coulé au Cinquième Siècle et il s'en est remis. Grâce à l'élite. Et grâce aux initiatives privées. Parfaitement, privées. Vouloir enseigner à toute force le peuple entier par paquets de cent mille est une hérésie sociologique, une idiotie. Les gens se contrefoutent de l'enseignement. Ce qu'ils veulent, c'est un métier et du FRIC. (Pas plus à notre époque, ne me faites pas rigoler, ceux qui dénoncent l'omniprésence de l'oseille le font depuis la nuit des temps avec le même refrain “c'était mieux avant” ; petits rigolos...) Les gensses, Richard (justement) Wagner ou Balzac, ils n'en ont RIEN A FOUTRE. Revenons donc sur la mort annoncée des IUFM (Institut de Formation des Maîtres, une trouvaille de la goche bénie de saint Jospin) : béni soit Sarkozy de nous débarrasser de cettemerde, qui fout entre les mains des latinistes débutants du Tacite, directement, allez rrrran, pour leur faire sélectionner les subjonctifs...

...Qui a failli remplacer les cours d'histoire par des interviews du boucher-charcutier ; qui a démoli les victimes de la méthode globale, appliquée bel et bien malgré les dénégations, que je ne crois pas ; qui a interdit d'apprendre quoi que ce soit aux élèves afin qu'ils conservent leur spontanéité, ce qui transforme les explications de textes en banalités, malgré les farouches dénégations, que je ne crois pas. Tel élève n'a-t-il pas proclamé dans un silence religieux que tel paysage de forêt présentait une dominante horizontale, parfaitement, horizontale au lieu de verticale, sans la moindre rectification, il ne faut pas traumatiser l'élève... Voir aussi Florent P. devant les gosses...

Ils disaient des conneries, forcément, Jacques Brel n'est pas à la portée du premier CM2 venu. Vous croyez qu'il les aurait contredits, qu'il aurait amélioré quoi que ce fût ? Que nenni. Il rigolait, DEMAGOGIQUEMENT. Apprendre quelque chose à l'enfant, c'est l'inférioriser n'est-ce pas. Bravo la gauche. “Le retour du par cœur” ai-je lu : ben oui, parfois. Je lace mes godasses par cœur. Je me torche par cœur. Je sais ma table de multiplication par cœur. Le “par cœur” n'est pas synonyme de connerie. Alors l'IUFM, cet apprentissage de méthodes d'apprentissage alors qu'on a la tête vide, AUX CHIOTTES... Ça fait bien quarante ans que je vois l'école couler, avec tous les ministres qui s'appuient sur la tête des profs pour bien les maintenir sous l'eau, afin que le peuple EVITE d'apprendre, parce qu'il faut que les gens SOYENT cons et qu'ils ZACHETENT, ZACHETENT, ZACHETENT. Et ça, quel que soit le gouvernement. Même socialiste. Même avec Jack Lang. Il ne fallait plus choisir le grec, le décourager, par tous les moyens. Parce que ça fait bourge, élitiste. Merci les populo. Attends attends, j'ai pas fini, une sorte de raGe me tient lieu de verVe : la co-lo-ni-sa-tion ! Les bienfaits de la colonisation ! Ah que c'est pas beau, la colonisation, c'est horrible ! Le christianisme non plus c'est pas beau : ça allait de pair, d'ailleurs. Déculturation, massacres, massacres, massacres – salut les Indiens.

Le communisme aussi : massacres, massacres, massacres. Toujours des massacres, alors, dès que l'homme veut faire quelque chose pour l'homme – eeeeh oui tas de puceaux. La colonisation a éradiqué l'anthropophagie, les guerres de tribu à tribu, le trafic des esclaves (nous l'avions arrêté, les Africains l'ont continué ; et les Arabes, donc...) - et l'Algérie ? Ça ne vous est jamais venu à l'idée qu'avant la colonisation française, on ne pouvait pas circuler en Méditerranée à cause des pirates ? Chacun défend son bifteck, ce n'est pas la peine de verser dans le sentiment glauque et grandiose... Le-bif-teck on vous dit. Le colonialisme est aussi ignoble que le reste. Mais pas plus.

Pas moins mauvais que le reste, çà non ! mais pas plus... Pour tous les idéaux humains, c'est comme ça : parce que la cupidité, le désir de dominer, détruisent tout. Ça s'appelle “péché originel”. Comme quoi c'est pas forcément des conneries. La connerie, la vraie, c'est le baratin sur la rédemption. L'espérance de la rédemption, d'accord ; ça ne mange pas de pain. Mais à part ça, les humains, nous sommes tous pourris. Regardez le féminisme : au début c'était libératoire. Maintenant ces salopes, si on les laissait faire, elles nous couperaient les couilles. Déjà on ne peut presque plus baiser – quand elles veulent, et si elles veulent - autant dire : presque plus ; la prostitution a de l'avenir, moi je vous le dis. La pornographie, aussi... Je dirais bien la pédophillie, mais je vais me faire flinguer... “Tu mélanges tout !” - vous vous souvenez, les vieux, en 6/8, dès qu'un individu voulait discuter un peu, sortir de la Vulgate (non, ce n'est pas une obscénité) on lui fermait la gueule en répétant “Tu mélanges tout” - et aussi : “D'où tu parles, toi ? d'où tu parles ?” - si tu étais fils de militaire, ou fonctionnaire, tu pouvais la boucler ; sauf si tu étais noir, toutefois. Non, je ne suis pas raciste ; et pour les connards, non, je ne fais pas de propagande (voir plus haut) pour la pédophilie, ça va pas non ? Alors évidemment, je pourrais discuter, peser le pour et le contre, fendre les cheveux en quatre - “ah oui mais”, “ah neuf juin”, “si l'on veut”, “ce n'est pas tout à fait faux”, mais vous avez déjà le Nouvel Obs pour ça, qui donne l'impression à le lire qu'on se fait chier dans la poussière et qu'on s'en fout partout (de la poussière, et de la merde). Et en avant pour la sagesse à l'eau tiède, style christianisme, bouddhisme, théosophisme, la secte Moon, Albert Cassartre et Jean-Paul µ (“Mu”), l' “honnêteté intellectuelle” e tutti quanti. Seulement

vous savez ce qui vous arrive, quand vous donnez là-dedans tête baissée couilles rabattues ? Eh bien les beaux prêchi-prêcheurs vous passent devant et vous la mettent bien profond (il faut le faire, d'ailleurs ; des acrobates...)- et vous expliquent que pour eux “ce n'est pas la même chooooose”, que vous n'avez rien compris et que vous... “mélangez tout”. Fin finale de toutes les sagesses, “continuez à faire ce que vous faites, faut pas se prendre la tête, Dieu pour tous et que le meilleur gagne, cool Raoul relax Max tranquille Emile tout doux Abdou, de toute façon tu crèves quand même et n'oublie pas d'être con Léon” - la loi du plus fort, ou du plus malin, les baiseurs et les baisés, paradis ou enfer. Sauce droitière amère, ou sauce gaucho-jésuite. Et pour ce qui est d'essayer d'être le plus fort, ou celui qui prie le mieux; si ça n'était pas inscrit dans ta destinée, eh bien tu l'auras dans ton cul. On ne se refait pas. Comme Céline Dion (Duvillage), On ne change paaaas / On devient juste un peu plus con et voilàààà – bon ce n'est pas les paroles ? Depuis le début, l'histoire ce n'est que ça : des peuples qui se recouvrent, qui se conquièrent et qui fusionnent... ou s'éliminent. “Oui, mais nous allons changer tout cela. C'est qu'on est en 2008, coco... Allez, encore deux sujets et je vous lâche. L'héritage. “L'héritation” comme il dit Sarko, il n'y a pas que la bravitude... Qu'est-ce qu'on nous aura bassiné avec le méchant Sarko, qui favorise les fils à papa ! Mais quand ma femme a hérité de sa grand-mère et de sa mère, les frais d'héritage accumulés on les a bien sentis passer, il a fallu revendre tout, à perte.

Alors ma fille, qui est repasseuse à mi-temps et qui roule sur l'or, si le sale Sarko n'avait pas réduit les frais de 95%, elle devrait tout brader ou traîner la misère. Et quand j'hériterai de ma femme, ou vice-versa, le/la survivant(e) ne donnera plus un sou au notaire... Vous vous rendez compte ? Des droits à payer pour le legs au dernier vivant ? Quelle honte ?! Donc, merci Sarko pour les lois sur l'héri-tage ou -tation, merci pour la suppression de la pub, merci pour la mise aux poubelles de l'IUFM et sa pédagogie de merde qui fout l'école en l'air, merci pour rassembler autour d'une même table au moins certains Arabes et Israël. Oui, cent fois oui, Sarko fait des conneries, en démolissant le système des hopitaux en particulier.

Mais ceux d'avant les avaient bien enclenchées aussi. A la limite je me trouve un point commun avec Flaubert – et ça s'arrête là, hélas : il adorait Napoléon III parce que, disait-il, ces cons de Français ne méritaient pas mieux. Moi c'est exactement ce que je pense, non seulement des Français mais du monde entier : les humains sont des cons, à 95% (même pourcentage que les femmes qui s'emmerdent en baisant) et ne méritent qu'une chose (les humains) : de lécher le cul des 5% qui restent, et qu'on appelle Elite, parfaitement, le gros mot, élite-élite-élite, prout prout prout. En espérant qu'elle ne leur fera pas de mal, voire, qu'elle saura les mener petit à petit sur le chemin de la sagesse. Mais il n'y a pas le feu au lac. Et ça ne dépend pas de nous. Depuis perpète la politique galope après l'évolution de l'humanité, en tirant la langue. J'ai même trouvé une métaphore fleurie, dont je suis très fier : les hommes politiques se débattent dans le tourbillon, l'Histoire tire la chasse. Je suis pour le despotisme éclairé. Ça a toujours échoué ? Et alors ? Le reste aussi... C'est toujours une oligarchie qui a gouverné. L'évolution de l'homme, que certains placent dans la main de Dieu, disons “X” pour n'énerver personne, “l'inconnue” de l'équation, ce n'est pas demain la veille que je verrai sur le point de naître le premier hurluberlu, de droite ou de gauche ou du centre du trou de mon cul, qui sera capable de me la révéler. Révélation, ça se dit Apocalypse. Après moi le déluge. Vive Sarko.

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LE MENAGE ET LA VAISSELLE

Citation 847 : « ...et il ajouta encore qu'à ce qu'il croyait d'une foi plus forte qu'aucune croyance, plus noble et plus dangereuse, Dieu maudissait certains êtres parce qu'il les préférait aux autres et qu'il savait que, quoi qu'il leur advînt, ces êtres-là seraient toujours pour lui les enfants de son coeur puisqu'ils avaient été assez dignes, assez généreux pour accepter qu'il les outrageât en les précipitant dans la malédiction. « Et, au jour du Jugement, Dieu pleurera sur les maudits, et les maudits pardonneront à Dieu ».

ALEXANDRE KALDA « Le désir » ch. 8

Chez moi, c'est dégueulasse. Tout est dégueulasse. Un vrai bouge de chez Bouge. Amoureux du ménage bien fait, passez votre chemin. Ceux qui viennent chez moi et qui ne veulent pas revenir, Des épluchures par terre. Des moutons sous le lit : carrément l'Australie (grande victoire napoléonienne : La bataille d'Australie). Les poussières, pas faites. Le lit, large ouvert. Les chiottes, crado. Les chemises sans boutons, les braguettes coincées, les semelles carbonisées. Alors les ceusses qui reviennent (la plupart ne reviennent pas - ils sont jugés : Mané, Thécel, Pharès - je n'ai pas perdu grand monde) ils me disent : “Je ne sais pas, moi” - excellent début, ils devraient se borner là, hélas ils continuent - “pourquoi qu'vous n'changeriez pas un p'tit quequ'chose tous les jours ? Juste un petit coup, le lundi ci, le mardi ça ? Ça vous prendrait, quoi, deux minutes !” C'est leur mot : ça vous prendrait, quoi, deux minutes. L'ennui, braves gens, c'est – indépendamment du fait que sitôt arrivé au bas de la Tour Eiffel, il faut tout recommencer du haut – que deux minutes plus deux minutes plus deux minutes, on arrive au bout de la journée sans avoir rien foutu d'intelligent, et ça donne Ma Mère avec son caractère exécrable et ses intarissables râleries.

Elle est morte, Dieu ait son âme. Mais l'interloque, huteur, précise sa... comment dire ? “...”pensée”...? - Tiens tu vois, la baignoire, tu la rinces, un peu de produit (faut pas attendre que ça

soit sale) et hop ! trente secondes ! ...et là, tu vois, le sol de la zinecui, tu balayes les miettes, même pas une minute !” - le lit à faire, deux minutes ; se brosser les dents (eh oui), trois fois par jour pour ne pas finir comme Ma Mère avec son Dentier du Haut et son Dentier du Bas... Sans oublier de débarrasser la table et de faire la vaisselle (“Evidemment, faut pas attendre que l'évier soit plein, tu lave juste ce qui a servi au repas : 2 assiettes, 2 fourchettes, 2 couteaux, vite-vite, tu rinces l'évier – trois minutes !”) (plus quatre, parce qu'avec ce rythme-là tu t'es ouvert le pouce avec le schlâsse, Synthol-Sparadrap...).

L'écran de la télé aussi, régulièrement, une minute ; les godasses, dix coups de brosse chacune, avant de sortir. Les vitres une fois mettons tous les dix-quinze jours, et l'aspirateur dans la voiture (“il est en panne” “T'as qu'à l'racheter”) - j'oubliais : une machine, au moins une fois par semaine. Parce qu'il ne faut pas exagérer, on n'est pas des maniaques, non plus, certaines choses ne se font que tous les deux ou trois jours, on fait un roulement (in french : a turn-over) – comme les médocs des alzheimer dans les petits casiers, pilules-sachets-gouttes-ampoules - “et deux biscottes” ajoutait Jacques Faizant – je ne quitte pas le sujet : c'est quand même lui, Jacques Faizant, qui devant le public, interrogé sur la raison qui permet aux femmes d'en mettre plein la gueule aux hommes de dix années de longévité, a répondu avec finesse entre les bouffées de pipe : “C'est normal ! Les femmes ont leurs soucis...” Murmures d'attendrissement féminin dans la salle. Quel brave homme, ce Jacques Faizant. Il va sûrement ajouter que les femmes ont bien le droit au rab de vie, après s'être tant de fois décarcassées pour leurs ingrats de maris et leurs salopiauds de morveux. Or le grand Jacques poursuit : “Les hommes ont aussi leurs soucis... plus ceux de leur femme.” Hurlement féroce d'allégresse masculine, applaudissements prolongés... Parce que les femmes qui geignent sur leur “double journée” (“boulot/ménage), c'est bien fait pour leur tronche. Elles n'avaient qu'à m'épouser, Moi. Quand je rentre le soir en effet, le lit bâille sur ses taches obscènes – les oreillers froissés en plein milieu ; la poubelle, j'ai dû la rentrer moi-même en descendant de ma Poubelle-Opel ; le p'tit-dej est resté intact sur la table avec les fonds de bol au thé froid, les pots de conf tout ouverts grouillants de mouche (c'est l'été) plus les miettes soigneusement positionnées sur la nappe en ordre alphabétique. Ma femme est au lit, elle se repose de ses coups de téléphone. Quant au chat, il miaule comme un dératé à côté de sa merde à côté de sa litière qui déborde et réclame sa pâtée (le chat) pour pouvoir en rechier une truelle...Vous avez compris : mon épouse est une Phéministe.

Il paraît – il paraît – que les hommes à présent font un peu plus le ménage – 10 % au lieu de 5 % - eh, le double, tout de même ! Et femmes de concéder – les hommes cons, ça fait longtemps qu'ils ont cédé - “Oui c'est vrai, ils en font ; plutôt mal, mais enfin, un peu.” On le fait mâle ? Mais enfin, Mesdames, qui est-ce qui vous force à tout frotter-briquer-récurer impec-nickel dans votre appartement de mes deux ? Est-il si indispensable d'astiquer la chambre une demi-heure chaque matin, d'aspirer la moquette six fois par semaine plus le dimanche à l'heure de Télé-Foot ? (à donf, l'aspirateur...) A chaque mauvaise fois qu'on veut “aider”, on se fait jeter : “Non ça tu laisses j'ai l'habitude toi tu vas tout saloper”- OK, OK ! Mais ne vous plaignez pas ! »

...et une fois que vous avez fini tout ça, et que votre femme s'est bien recouchée jusqu'à midi, vous vous apercevez que ça fait bien deux heures que vous êtes en train de courir, entre la toilette, la vaisselle et le petit-dèj, et franchement, deux heures de corvées non-stop dès le lever ça vous met dans une pêche d'enfer et une envie exaltante d'envoyer votre poing dans la gueule à tout ce qui bouge. Même à ce qui ne bouge pas d'ailleurs. Comme me disait un pote à moi : « Mais enfin, quand tu rentres du boulot, et qu'il te reste mettons vingt minutes avant de manger, tu pourraisje ne sais pas moi faire un peu de ménage, un peu de rangement ? Ça ne te prendrait pas grand-chose, et ça ne te ferait pas plaisir d'avoir autour de toi une maison, un intérieur bien propre, bien ordonné ? - Excuse moi not'Glaude, mais ces vingt minutes-là, c'est le seul moment que j'aie dans la journée pour écrire. »

Ah pour le coup ça lui a tout coupé à not' plouc. Il ne s'y attendait pas,à celle-là : écrire ! Je te demande un peu ! Pourquoi pas lire, tant qu'on y est ? Parce que « ces gens-là », ceux qui «font le ménage », ça ne leur vient pas à l'idée qu'on puisse écrire ou lire ou faire quoi que ce soit d'autre que le ménage ou la télé. Ça les dépasse. Ça n'est pas de leur monde. Ça ne fait pas partie de leur paysage. Ils ne voient même pas de quoi il peut bien être question. Seul un vague souvenir, un vague respect résiduel, les empêche de vous éclater de rire à la gueule (« qu'est-ce que c'est que ces conneries ? » »). Et ceux qui lisent, qui écrivent, qui peignent, les vivants, quoi, ils t'assènent parfois: « Mais regarde, MOI, j'y arrive, à lire, à écrire, à jouer du piano, et pourtant tout est bien rangé chez moi, ce n'est pas le bordel comme chez toi. »

Ben jene sais pas comment ils font. A vrai dire je ne sais même pas comment ils font pour conserver leur puissance créatrice, leur sincérité, leur AME. Parce que vou ssavez, on peut très bien consacrer toute sa vie au Ménage, à la Sécurité sociale, aux Procès, au Torchage de Mômes, on trouvera toujours quelque chose à faire 18 heures par jour, quitte à se relever la nuit pour en refaire. Après c'est la grande litanie : « j'ai pas le temps j'ai pas le temps »... On se crée le temps, mais oui, bien entendu, vous le saviez ! (de Marseille...) La grande découverte de la Sagesse aussi Con que Temporaine, c'est que le corps et l'esprit sont liés, que le bien et le mal sont liés, que tout se vaut et s'interpénètre.

OKK – KKKAY ! Mais je sais bien, moi, qu'il y a le corps et l'esprit, le muscle et l'âme, c'est ma modeste petite expérience comme ça, je ne suis pas Sage, je ne suis pas un Exemple, je ressens comme ça qu'est-ce que vous voulez que j'y foute... Je faisais de la peinture près du plafond, mon co-peintre (pas mon copain) me dit : « Qu'est-ce que c'est que ce gâchis ? Regarde, c'est comme ça qu'il faut faire. » Il faisait, très exactement, comme moi. Je refais après lui, très exactement comme lui, c'est-à-dire comme moi. Il me redit : « Mais non, pas comme ça, comme ça » - et il refait exactement la même chose que moi qui faisais très exactement comme lui. A la fin ça a fini par le pot de peinture sur sa gueule. Même chose pour enrouler les vrilles de la vigne autour du fil de fer (travail vigneron...) (autre copain (c'était un vrai un ami, celui-là) est mort depuis d'un cancer aux couilles ; il avait dû mal se les tortiller - ah ça m'a emmerdé quand même... -il me disait, 17 ans avant sa mort : « Mais enfin tu ne comprends pas ? Comme ça je te dis ! Mais non, pas comme ça, comme ça ! » - je refaisais très exactement le même geste, même torsion, même enroulement, au quart de millimètre près, mais c'était la même chose. Non moi ce que je crois, mai ssincèrement, c'est qu'une personne qui possède une certaine connaissance, un ruc purement technique, comme d'ouvrir une capsule de bière avec un manche de fourchette ou autre talent de société, vu qu'il ne sait rien faire d'autre, surtout pas sur le plan intellectuel (car ne venez pas me faire croire que de savoir gratter son allumette sur sa semelle fait partie e la vie intellectuelle), il se sent tellement fier (et humilié aussi de ne pas savoir faire autre chose) qu'il n'a qu'une envie, c'est de vous HUMILIER.

C'est comme le nettoyage de ma bagnole : tout juste si je ne me faisais pas dire que c'était encore plus dégueulasse qu'avant. Alors je suis allé dire, innocemment, devant le reste de la famille dans une autre pièce, que c'était un truc pour se faire mousser, et que ça me faisait bien rigoler. Là-dessus je fais semblant de me remettre au nettoyage, le mec se repointe, et dit : « Ah, ben cette fois, c'est parfait ! Tu vois quand tu veux ! » Et le coup du frein à main bloqué, ou du pot de confiture (ou du pneu) trop vissé, que le garagiste te débloquait dans le temps d'un coup de vilebrequin, avec un air faussement modeste, tu crois qu'il te dirait, ce petit prodige, qu'il faut FORCER pour redévisser, et que (tout à fait illogiquement d'ailleurs, parce que chez moi, quand on aggrave une situation, elle reste aggravée) c'est justement ce forçage qui débloque tout ? Non, il ne te le dit surotut pas, c'est é-vi-dent, c'est sa marque de fabrique, c'est son petit truc à lui de bricolo MATERIEL, il m'a fallu quarante ans pour le découvrir tout seul, ce truc paraît-il si logique, si évident...

Et quand vous venez de faire le ménage, c'est toujours à ce moment-là que quelqu'un arrive : « Oh, mais c'est dégueulasse ici ! » Tu réponds : « Tu fais bien de me le faire observer, mon con, parce que c'est justement à l'instant que je viens de nettoyer. » Tentez l'expérience, tenez, faites donc les poussières, pour voir, juste avant l'arivée de votre belle-mère : elle trouvera toujours un petit coin que vous avez oublié d'astiquer. Alors vous répondez : « Astique ton cul . » C'est ainsi que nous avons reçu deux lettres d'insultes méprisantes, sortant d'un appartement de Bordeaux, d'un autre de Nice, après avoir tout soigneusement nettoyé, frotté, briqué, parce que nous avions tout laissé dans un état vomitif, et qu'on allait nous retenir la caution, non mais, ces intellos, qu'est-ce qu'ils se croient, même pas foutus de laisser tout propre derrière eux ! Quant aux letttres reçues, elles étaient quasiment illisibles tant elles grouillaient de fautes d'orthographe et de constructions : des griffonnages sans suite... Moi je n'ai rien contre les pauvres, les prolos, les gens qui n'ont pas les moyens. Je vote toujours pour eux. A gauche, parfaitement. Mais qu'ils ne viennent pas la ramener avec leur courte science de maniement du chiffon et du balai-brosse. Parce que les prolos de l'esprit, ça je ne supporte pas. Et je suis désolé, celui qui passe tout son temps à tout nettoyer, ou à bricoler,

et qui veut par-dessus le marché me donner des leçons, non seulement de bricolage, mais de façon de vivre, je ne dis pas que c'est le roi des cons, parce que c'est peut-être bien moi aussi, le roi des cons, mais je ne trouve rien à leur dire. Rien. Rien de rien de rien...

Ah les ménagères ! Avec au fond des cieux l'image en grand de la Parfaite Maman Femme de Ménage, qui vous espionne et vous félicite du haut de son nuage, comme dit Simone de Bavoir... Le matin ? Ça donne : sykonomai, plinomai, dynomai – c'est du grec à 6000 : “je me réveille, je me lave, je m'habille”. Toilette 3 mn, douche 10 mn, rasage 3 mn. Ouvrir les volets 2mn, nourrir le chat (et non pas “nourrir les volets” et “ouvrir le chat”)(putain la vieille envie qui me tenaille). Demander d'un ton suave à la forme sous les draps Bonjour MINOU ! Tu veux bien déjeuner avec moi MINOU ? Et la forme répond Arghblouglouglou et j'entrouvre le volet. Je mets la table , bols, beurre, trois pots de confiture (s'il en manque un, c'est le troisième qu'elle voudra) (la forme dans le lit, ma femme), les 2 beurres (chacun le sien), les quatre cuillers les deux couteaux qui coupent et les deux qui tartinent, puis 2e appel : MINOU ! (etc.) - vaisselle en partie, 3e appel MINOU ! - et parfois elle se lève. Fin de la vaisselle, petit-déjeuner. Couverts dans le bac - “Il est bon qu'une femme ait ses deux bacs : un pour l'eau froide, un pour l'eau chaude”, mdr, putain je ne m'en lasse pas – d'accord, j'arrête. Mpfff...

UNE NOUVELLE ERE DE LIBERTE

 

Bernard COLLIGNON, Singe Vert,

 

Ton admiration sans borne pour tsarkonazi aurait-elle l'obligeance de tirer un certain Philippe d'un très mauvais pas ?

Comme tu le liras dans l'article de la Dépêche du Midi, un journaleux se mouille et prend des risques dans son article concernant une simple histoire de carte postale mail art, laquelle ose dévoiler un nichon pincé à linge ... 

Suite : Perquisition, saisie des collages et de l'ordinateur de P, qui a décidé de prendre un avocat à 2500 euros. Comme il n'a pas de fric, il va essayer l'aide jurifictionnelle... 

Mais ma proposition tient toujours : tu écris à ton copain Chef de l'Etat et l'affaire est close... 

Sinon tu ne m'envoies plus ta revue, que je lisais ma foi avec un certain plaisir...

 

Jean-Pierre

ici j'envoie un petit courriel modérateur...  

« Ce qui t'arrive (et qui pourrait arriver à bien d'autres) est gerbant au dernier degré. Mais je ne vois pas le rapport avec Sarkozy, que je suis loin d'admirer "sans bornes". Ta réaction est la preuve par neuf de ce que je pense : "J'ai pété, c'est la faute à Sarkozy, ça pue, c'est la faute à Fillon." Est-ce que tu t'imagines que la France a attendu Sarkozy pour être parfaitement conne ? Non, la preuve, c'est tout de même bien elle qui l'a élu. Pourquoi ? Parce qu'il correspondait à l'évolution, à la lepénisation dans un sens, des esprits. Est-ce que tu t'imagines par hasard que l'élection de Ségolène Royal aurait changé quoi que ce soit ? Avec une féministe comme elle, tu aurais autant morflé, car elle est très remontée contre tout ce qui ressemble de près ou de loin à une érection. On aurait gueulé à la "dévalorisation du corps de la femme", à l' "atteinte aux organes sacrés de l'allaitement maternel", etc... Il est ignoble de s'acharner ainsi contre toi. Mais je ne suis pas "le copain" de Sarkozy, qui me renverrait aux pelotes et aux instances judiciaires.
Moi aussi, figure-toi, je peux me faire arrêter et menotter d'un jour à l'autre, pour peu que dans le climat d'hystérie antisexe actuel une de mes élèves se mette en tête de déclarer, vingt ou trente ans après, que je l'ai tripotée. Et je serais livré aux journalistes. Nous vivons dans une ère de suspicion généralisée, en plein Procès de Kafka. Et je ne vois pas ce que Sarkozy ou Ségolène Royal, ou les Américains, ou les Israéliens, ou qui que ce soit, viennent faire là-dedans. C'est l'époque et le pays qui sont devenus cons. Quant aux   flics, ils le sont par définition depuis la nuit des temps. Je ferai circuler ta lettre pour que ce procès scandaleux soit connu du plus grand nombre. Et si tu as envie de me tenir au courant, ce sera avec la plus grande attention de ma part. Bernard

Réponse:

Pour ne point t'embrouillaminer, j'espère que tu as compris que c'est moi, Jean- Pierre ESPIL (adresse "Maison Campots, 40180 YZOSSE"), qui t'ai envoyé le

message ci-dessous, au sujet des ennuis que subit Philippe PISSIER actuellement... Philippe PISSIER n'est d'ailleurs pas au courant de ce message...

De quoi je me mêle ? De ce qui ne me regarde pas, comme toujours... Je connais

Philippe depuis si longtemps...  

Philippe PISSIER, si j'ai bien compris, porte plainte pour diffamation contre La Poste et veut monter un comité de soutien avec un avocat parisien anti-sarko (paraît que ça existe à 2500 euros)... 

Ta revue pro-sarko est forcément pour quelque chose à ma réaction épidermique... EN FAIT JE HAIS LES POLITICARDS DE TOUS BORDS, ET PLUS PARTICULIÈREMENT LES DÉCIDEURS, CEUX QUI SE LA JOUENT GRANDS, MOYENS ET PETITS CHEFS... 

Tu as été prof, j'ai été instit, et à 60 balais je suis retraité... 

Comme toi je détruirais sans remords les IUFM, mais aussi les RASED (tu sais le truc avec un pissecologue scolaire qui fait dessiner un gamin 10 minutes pour le placer en famille d'accueil selon la couleur de ses rêves)... MAIS AUSSI LES KAPOS DE LA HIÉRARCHIE  (DU MINISTRE A L'IEN) QUI FONT CHIER LES BESOGNEUX D'ENSEIGNANTS JUSQU'AU SUICIDE... CES SALAUDS PLANQUÉS QUI NE SAVENT PLUS (OU N'ONT JAMAIS SU) CE QU'EST UNE CLASSE, (ALORS QU'ILS NOTENT EN FAIT DES OUVRIERS SPÉCIALISÉS), JE LES PLACERAIS D'OFFICE 6 MOIS EN FORMATION CONTINUE CHARGÉS DE COURS, EN CLASSE UNIQUE, EN ZEP, EN CHAUDE BANLIEUE... CONDITION SINE QUA NON POUR POSTULER AU PORTEFEUILLE MINISTÉRIEL SI CONVOITÉ... Jean-Pierre ESPIL

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L'EDUCATION NATIONALE

EXERGUE

863.- Lorsqu'on se fait brebis, le loup vous croque.

 

Qu'elle crève. Une bonne fois pour toutes. Personne n'en a plus rien à foutre de la Culture et des Programmes. Qu'elle éclate, six élèves par-ci, trente-trois par-là, avec à leur tête qui on veut, qui les embrigade comme on veut, dans le sens du bien. 10 000 petites structures de bonne volonté. Tout ce qu'on veut, mais plus ce gros machin qui ne digère plus rien. Je ne vois rien d'autre qu'une foultitude d'initiatives personnelles et dispersées pour constituer un remède. Au Ve siècle n'existaient plus que des cours privés. C'était le bon temps. Les Barbares barbarisaient, les curés instruisaient, chacun à se place dans la société, la loi du plus fort, c'était clair et net. Nous voici revenus au temps des Grandes Invasions, mais bien plus internes qu'externes : celles de la connerie, de la démagogie et de l'idéologie libertaire.

On finasse, on atermoie, on n'enseigne plus l'orthographe mais on place toutes les fautes de la classe au tableau et on fait discuter les élèves pour choisir. A six ans. On ne brutalise pas les pauvres petits nélèves qui ont droit au respect, prout-prout, et puis on les lâche dans la jungle (ils appellent ça « la vie », « le bac à sable »), et v'lan, et poum, et chtonkkk ! Je t'en foutrais moi de la démocratie, c'est tout hypocrisie et jésuitisme, et à la fin, c'est comme aux temps préhistoriques, les meurtres en moins (du moins cheux nous), toujours eul' plus costaud qui gagne. Ou le plus intelligent, le plus rusé, le plus social, le plus, quoi ! … Mais avant, pour affaiblir les plus faibles, on te les aura bien enduits de vaseline morale, pour qu'ils glissent mieux dans la gueule du gobeur, sans trop souffrir, et en se répétant avant de crever : « J'suis été l'meilleur, sur le plan moral, sur le plan éthique ! » et colégram.

Ah, le bon vieux temps du Ve siècle (j'y reviens), où on pouvait massacrer à tour de bras, piller, violer, puis une confession au curé le plus proche (avant de le trucider) – et à l'assaut ! Au feu les nonnes ! (bon, fin du délire) (c'étaient eux tout de même, les religieux, les clercs, qui dispensaient l'enseignement, qui transmettaient Virgile et Horace (j'aime pas Horace), bien que ces

derniers fussent païens... Donc, au Ve siècle, d'un côté les puissants, de l'autre ceux qui [...tiens, une coupure ; ce que c'est tout de même que le progrès de l'électronique : on perd des phrases...]- l'Apennin Ligure, au pied duquel j'ai couché sans savoir encore que c'était Bobbio, où s'étaient conservés des centaines de manuscrits antiques. Mais il est vain de vouloir apporter au Peuple la sagesse, le savoir, que sais-je... 98,5% des gens se contrefoutent de la culture, des bouquins, des tableaux, des sculptures – les maths, direz-vous ? Les sciences, la technique ? Pardon, ce n'est pas de la culture : c'est l'autre partie du cerveau.

De la spécialisation. Vous me voyez, franchement, discutant équations ou intégrales pendant le repas de Noël ? Notez qu'il y en a bien pour parler octets ou megabits : ce sont des mufles. Parlez-moi de Pascal, de Montaigne, du Clézio, mais ne m'embrenez pas les tympans avec votre informatique ou vos tubulures de Yamaha. Chaque fois qu'on a voulu instruire le Po-heuple, ç'a été en vain ; je le souviendrai éternellement de la phrase la plus puissante que j'aie entendue : « Qu'est-ce que j'en ai à foutre de vos passés simples, moi ce que je veux plus tard c'est conduire des camions. » Ben oui mon con, toi yen a prendre le volant, et toi déchiffrer les panoroutié. Ça te suffira pauvre tache.

Les prolos n'accèdent pas à la culture : ce n'est pourtant pas faute de la leur proposer. Il y a peu de fils d'ouvriers dans les études supérieures ? Évidemment, ils n'en voient pas l'intérêt. « Oh moi les études, ça ne m'intéressait pas trop » - dis plutôt que t'y comprenais rien, analphabète, et va remettre tes pognes dans le cambouis. Comme disait l'autre : « Eh, personne ne leur a demandé de faire des études. » Authentique. « Ah mais permettez, c'est intolérable, il y a des tas de choses à savoir pour devenir camionneur, techniquement, intuitivement (« Ça passe ou ça ne passe pas ? - Une pipe si ça passe !...eh merde il a passé – pttt', pttt', putain de camion – garçononon ! UNE BIERE ! ») - et la réalisation d'un camionneur vaut bien celle d'un prof de fac, puisqu'on va tous mourir à la fin » - désolé, désolé : il y a plus, infiniment plus de sensibilité, plus de raffinement, de culture en un mot que ça vous plaise ou non, à s'y connaître en Mozart ou en Vivaldi qu'en moteurs de Trente Tonnes.

Or nous avons tout fait pour les garnir, les gaver de culture, les prolos ; et ils n'en ont pas voulu. « Lire ? Avoir des ailes ? Ça va pas non ? Nous ON PREFERE RAMPER ! Se cultiver ? Bon pour les pédés ! » Et c'est ainsi que le prolo se ramène dans la vie avec trois idées qui se battent en duel, alors que l'intello en aura une vingtaine... Il faut avoir vu des classes entières de prolos, Parfaitement, de fils d'ouvrier, fils de chômeurs, fils d'immigrés, taper le bordel, empêcher le prof de parler, jacasser, tonitruer Ça n'sert à rien en grasseyant bien les deux r ça serh à rhien avec la torsion méprisante de la gueule et de la gorge style "un poil près et je lâche le mollard" – le latin, le dessin, la musique ça serh à rhien ce qui sert c'est le Code de la Route et de remplir un Chèque et de s'acheter un bon Frigo pour conserver la Bouffe. Ce qui a foutu en l'air l'Education Nationale voyez-vous ce sont une fois de plus eh oui les jjjournalistes : il ne se passe pas de semaine, il ne se passe pas de jour sans que paraisse un article, une "enquête" démolissant l'Education Nationale, et soulignant à l'envi le fait que je ne sais combien pour cent des élèves sortent de l'école sans diplôme.

Voulez-vous que je vous dise pourquoi ils n'ont pas de diplôme ? Ce n'est pourtant pas sorcier : les études, ça n'intéresse personne. 98,5% des élèves et des gens je le répète n'en ont strictement rien à foutre de la lecture, de l'écriture, des beaux-arts ou de la musique : ça serh à rhien on vous dit. Ceux qui déconnent en classe, ce sont les enfants de prolos, parfaitement, ceux pour qui on se décarcasse, parce que, tout simplement, ils n'en ont rien à cirer. Les journaleux prétendent avoir entendu en conseil de classe des profs orienter leurs élèves en fonction du milieu social où ils vivent. Or j'ai assisté, en personne, 39 ans durant soit trois fois plus multiplié par 4 classes, dans les 468 conseils de classe et jamais, vous m'entendez, jamais, je n'ai entendu l'ombre d'un commentaire désobligeant sur l'origine sociale d'un élève ("ouais, euh, vu le milieu d'où il vient, personne ne va pouvoir l'aider ou le soutenir", allez hop, section courte") – JAMAIS.

C'est une honte. Une ignominie. Une calomnie – "calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose" – et j'oubliais les sociologues : j'ai lu ceci, parfaitement, de mes yeux lu : "Le but de l'école demeure la sélection des élites, le maintient à tout prix de la hiérarchie existante, et non l'ambition d'amener tout le monde à la connaissance" – dans un grand hebdomadaire de télévision suivez mon regard – et ce sont des "constatations", des vomissures idéologiques de cet ordre, et rien d'autre, qui ont enlisé l'Education Nationale dans ce bourbier. Depuis plus de quarante ans chacun vient taper sur l'E.N. à bras raccourcis en l'accusant de tous les maux. Les parents lisent cela, les enfants aussi, comment voulez-vous que s'établisse la moindre confiance entre les gens et l'école ? "Tout se passe comme si", à la rigueur ; mais dire que c'est fait exprès, que ce soit UN BUT ! vous vous rendez compte de ce que vous dites, sociologues de chiottes ? SON BUT ! Venez donc les voir, les fils de prolos, transformer la classe en souk, faire chialer les débutantes, emmerder à mort celui qui veut travailler (celle, plutôt), lui cacher son cartable, lui barbouiller ses bouquins, lui saloper les classeurs, le traiter d'intello ou de pédé (pour les filles, c'est "collabo"). Venez, enquêteurs-sociologues, faire cours dans une classe du peuple fermement décidée grâce à vous à transformer le cours en bordel et le prof en bourrique ("Celle-là, on va voir en combien de temps on la vire", je vous dis le nom de la prof et de l'établissement quand vous voulez, souteneurs de Staline, à présent de l'islamisme) – venez gueuler contre l'élitisme et dénoncer "la panne de l'ascenseur social" – TIENS DONC !

...Il y a des professions inférieures, et des positions supérieures ? MESSIEURS LES EGALITAIRES ??? Parce que les élèves qui ne suivent pas, soutien scolaire ou pas (tu parles, embryonnaire), quel va être leur premier souci, à votre avis ? De semer la zone ; putain je pige que dalle, pas question que les autres puissent comprendre quoi que ce soit. Ce ne sont pas les fils de bourgeois qui déconnent, je peux vous le certifier. Alors cessons de nous apitoyer ou de nous indigner vertueusement : gonflés à bloc par les calomniateurs, la plupart des élèves à présent veulent bien prendre l'ascenseur social, mais surtout, sans en foutre une rame, et surtout, ah ! surtout, sans être sélectionéns. "L'école est ennuyeuse" - mais depuis la nuit des temps, nande d'ignares !

J'ai donc pris ma plume pour écrire à l'hebdomadaire en question voir plus haut, et poliment, si si. Vous croyez peut-être qu'on m'a publié, qu'on m'a répondu ? Que dalle ! mêmepas d'accusé de réception ! Ah mais ! "On n'est pas des fachos par cheux nous". Voyez-vous, si les journalistes un beau jour décident d'attaquer les boulangers, en répandant le bruit que leur pain est dégueulasse, avec des traces de fioul dans la pâte, sans compter qu'ils pissent dans le pétrin pour délier la farine, tout ça pour 100% trop cher – mais on trouve des cafards cuits dans les baguettes – je ne donne pas cinq ans à la profession pour s'effondrer. Présenter la police comme un ramassis de poivrots qui multiplie les contrôle au faciès et les matraquages en arrière-salles de commissariat – bavures, viols collectifs en uniforme, fausses contraventions payables en liquide et complicité de réseaux de prostitution : je préfère ne pas vous dire ce qu'ils vont penser de leur police, les Français.

D'ailleurs sur ce plan-là ils ont déjà fait très fort, les journalistes. Il ne leur a plus manqué que les nounous qui tripotent les gamins du côté d'Outreau, d'ailleurs ils ne sont pas passés loin. Il y aurait une série de vigoureux coups de pied au cul à donner à ces diviseurs de société, qui montent les classes les unes contre les autres, et qui transforment le Vingt Heures en statistiques des Pompes

Funèbres Internationales. Jamais rien qui va bien, jamais rien sur les programmes de relance économique ou les luttes victorieuses contre la corruption en Afrique – "On ne parle pas des trains qui arrivent à l'heure ! - Et vos prétendus reportages sur les départs en vacances, la neige en décembre et le soleil en été, c'est quoi ? Le bac, la rentrée, les voisins de l'assassin qui le trouvaient "si poli, si tranquille" ? - je t'en foutrais moi des "soutiens aux élèves en difficulté", qu'est-ce que vous voulez que je fasse d'une grande conne de seconde qui ne sait toujours pas conjuguer un imparfait ? "Derrière un guichet de poste elle n'aura pas besoin de conjuguer l'imparfait" putain l'argument !

Le drame voyez-vous c'est quand Jules Ferry a décrété l'enseignement laïque – ouf !! - gratuit – très bien ! - et, malheureusement... obligatoire ! Extraordinaire, dans les années 1890 ! Mais à présent, orientez-les, par pitié, le plus vite possible ! "Il ne faut pas sélectionner" – non mon brave, orienter, ça revient au même et ça sonne mieux. "Autrefois, il y avait plus d'ouvriers dans l'enseignement supérieur" – oui, mon brave, mais il n'y avait pas une meute de feuilles de chou pour leur bourrer le crâne avec l'inutilité de l'éducation, ârce que les profs c'est tous des guignols juste capables de foutre des bafs et de tripoter leurs élèves dans les vestiaires ! Je me souviens du fils R., qui emmerdait toute la classe à lui tout seul, dont les parents étaient venus gueuler "Vous voyez que notre fils se casse la gueule et vous ne faites rien pour lui – pardon, pardon : c'était LUI qui faisait se casser la gueule à toute la classe.

Le plus beau est à venir : "S'il commençait par se taire en classe... - Et vous ne voyez pas que ce bavardage perpétuel est un appel au secours ?!" Mais au but de la quinzième observation sans résultat, le prof moyen voudrait bien commencer son cours, comme beaucoup d'élèves aussi d'ailleurs. Qui n'ont pas du tout, mais alors pas du tout l'impression que le prof les "brime" parce qu'il en sait plus qu'eux. Mettez les cancres au boulot ! Et si plus tard, à 19 ans, à 27 ans, à 58 ans, ils veulent reprendre leurs études, se recycler, acceptez-les en classe ! Il y a des gens comme ça qui ne se rendent compte qu'il faut travailler en classe qu'après 10, 20 ans de vache enragée. Alors, une remise à niveau.

Sans aller aussitôt penser "mise en contact adultes-enfants égale pédophilie" c'est quoi ce délire ? S'il y avait ne fût-ce que deux ou trois adultes par classe, vous verriez s'ils ne se tiendraient pas tranquilles, les mômes... Au premier déconnage, il entendrait ceci : "Ecoute morveux, moi je suis là pour étudier OK ? Alors tu vas pas emmerder le peuple." Et les morpions se calmeraient fissa, je vous le jure. L'avenir de l'Education Nationale est dans sa disparition, dans son éclatement en une multitude de petits établissements privés, autonomes, délivrant leurs propres diplômes, professionnels surtout. Tout se ferait comme aux Etats-Unis, vous savez, cette nation de tyrans obèses qui bouffent un Irakien au repas et un enfant afghan au dessert) – c'est-à-dire qu'on vous jugerait sur votre compétence (et non pas sur votre "expertise", assassins de la langue française) : "Vous savez travailler sur "excell" ? ...fabriquer de la saucisse ? ...lancer des fusées ? OK, just show to us... Vous ne savez pas ? ...foutez de notre gueule ? Fuck off." Evidemment il y aurait le piston social : Un tel connaît Un tel connaît Un tel...

De plus, "que l'on sélectionne par le diplôme, le piston ou le canapé, il y aura toujours la même proportion d'incompétents" – mais pour décrocher un boulot : sans recommandations, vous ne trouverez rien. Et surtout pas à l'ANPE ("Avec Nous Plus d'Espoir", variante : "Arabe N'a Pas d'Emploi") – je vous en foutrais moi de l"autonomie de la recherche", de la "réflexion personnelle". Mais toutes ces vastes réformes obligatoires, toute cette systématique démolition de l'enseignement par des pignoufs qui n'ont jamais foutu les pieds dans une classe (Pivot : "Ah tiens ce srait bien ça : si toutes les classes faisaient leur journal au lieu de s'emmerder avec la littérature" – tu en as lu des journaux de classes, Bébert ? Entre les vannes niveau Grosses Têtes et règlements de comptes censurés par Môssieu le Proviseur...) - en vérité je vous le dis : placez vos enfants dans des petites structures vissées à mort, passez des uniformes à tout le monde – les Anglais qui le font ne sont pas plus dégénérés que les autres, il est vrai que là-bas c'est souvent la racaille qui fait la loi dans les classes) et AVEC LE NOM sur l'uniforme SVP pour apprendre à nos enfants lz responsabilité de leurs actes et non pas la lâcheté de l'insulte dane le dos par groupe de cinq... Et surtout, aux profs, foutez-leur la paix, vous entendez ? la paix.

La paix. Peace. Frieden. Páz. Pace. Journalistes, philosophes de comptois en zinc, allez-y donc voir ! Faites-les, ces fameuses 18 heures par semaine ! Qui pour la tension nerveuse vous en font 36 ! je sais, il existe des chirurgiens qui font 34 heures par jour. Il y a toujours plus malheureux que soi. Qu'ils ne plaignent pas, ces fameux chirurgiens, ça pourrait être pire; ils pourraient être morts. C'était notre passage "démolition des arguments à la con". Evidemment que je les admire, les chirurgiens. Tiens, digressons donc : l'IUFM ("Institut Universitaire de Formation des Maîtres") est une crétinerie ridicule qui vise à donner aux élèves une autonomie dans l'acquisition de son savoir : PARFAIT ! MAIS EN MÊME TEMPS il désapprouve toute tenttative d'enseigner aux élèves quoi que ce soit, parce que ce serait une intolérable brimade. Comme disait le Directeur des Beaux-Arts de Bordeaux à tel éminent technicien en dessin et gravire : "Monsieur P., n'oubliez pas que vous n'êtes pas ici pour apprendre aux élèves de façon directive, mais pour les aider à s'exprimer !" Il en avait les larmes aux yeux à nous raconter ça. Paix à son âme ! Un facho de moins, n'est-ce pas... Alors, on les laisse s'exprimer, les grands nélèves, et ils s'apprennent entre eux tout ce qu'ils ne savent pas.

Et comme ils y sont vivement encouragés, ils pataugent dans l'ignorance, et se vautrent dans le prétentieux et le péremptoire. C'est nous, les profs, qui sommes les bourreaux, les déconnectés de la Réalité (qu'ès aco ?) - les Feignants, les Ringards ! Total ce n'est même plus l'orthographe qui est en cause ("la science des ânes", bien sûr) mais la compréhension même des textes produits par des élèves. J'ai lu des phrases comme "le chat sont noir", en seconde ! L'élève avait confondu tenez-vous bien le singulier et le pluriel du verbe être ! Et ne venez pas me dire que c'est une exception, les copies à corriger sont un véritable supplice, on ne comprends plus ce que l'élève a voulu dire! Et le lui faire remarquer, c'est une brimade !

Une brimade raciste, si l'élève est noir. J'ai vu, moi qui vous parle, un élève lire, en seconde, en suivant les lignes avec sa règle ! Des jeunes me déclarer qu'ils n'aimaient pas lire, parce qu'arrivés à la fin de la page ils avaient oublié de quoi parlait le texte au début ! La seule façon d'apprendre à enseigner, c'est comme au théâtre : hop, sur les planches ! Ou la nage : on se jette à l'eau ! L'IUFM apprenait à nager sur le sable. J'ai sauté de joie quand j'ai appris qu"il allait être supprimé. Nous allons donc peut-être enfin enseigner sans nous faire soupçonner de fascisme – apprendre le français, c'est ni plus ni moins que du fascisme. Exactement comme pour la Marseillaise.

Maintenant, pour faire taire M. Lang, c'est difficile. Même Zemmour y a échoué. J'en ai marre d'entendre ricaner de tout son nez à chaque fois qu'on parle de la ruine de la langue française, autrement dit de la ruine de l'expression et de la pensée des élèves. Ces derniers se mettent désormais à écrire dans une espèce de gloubiboulga qu'ils ne parviennent même pas à relire en compreant ce qu'ils avaient voulu dire – sauf les fils de bourges : bizarre, non ? En plus je suis prof de LATIN et de GREC, vous voyez si c'est fasciste (la messe en latin, Benoît XVI, les Jeunesses Hitlériennes, allez-y dans la connerie, allez-y !) ...Un jour je serai fusillé. A bas les démagogues qui n'ont jamais fait cours dans une classe où les fils de pauvres, parfaitement, sèment le bordel avec une grande fierté, parce qu'ils sont "modernes", eux ! À bas Mozart, vive le rap ! A bas Hugo, vive le Journal de Classe -désolé : vive la langue française, vive le respect du savoir, vive la civilisation occidentale qui n'est pas la seule mais qui est la mienne, excusez-moi d'exister. Seulement les gens sans instruction, DEPOURVUS DE TOUTE CULTURE CULTIVEE, qu'on leur donne donc juste à bouffer, et qu'ils restent à leur place, qu'ils ferment leurs gueules.

Qu'on cesse de leur donner la parole à travers tous les micro-trottoir – à eux qui ont toujours tout lu, tout vu, tout su. Moins on en sait plus on se vante, c'est couru. Avec une opinion sur tout. Irrévocable. Pas la peine de se documenter sur les ho-mo-se-xuels, c'est des pédés pis c'est tout ! Rhâ rhâ rhâ – rire gras). Car, à quoi pense-t-on en définitive, quand on n'a pas fait d'études - "personne ne leur a demandé de faire des études" (authentique !) - j'espère tout de même que si un jour tu te fais opérer, le chirurgien aura fait des études de chirurgie, et pas de charcuterie appliquée . Quand on ne sait même pas qui était Cosette, ni Wagner ! ("Ouagné"...) - et je peux vous dire exactement de qui je parle, j'ai les noms, les adresses, je n'invente rien.

Quel peut bien être le paysage mental d'un bac moins dix ? De quoi peut-on bien se rendre compte ? Qu'est-ce qu'on a dans la tête, du brouillard ? De la purée de pois ? Le menu de la prochaine bouffe, la caravane à louer au bord de la mer ? Des – comment déjà – des opinions, voilà, sur les juifs, les Arabes, les Anglais, les Belges, les blondes, des opinions cons puisque c'est pas les miennes, paradoxe allemand. Et à 40 ans, s'il y en a une minorité qui veut reprendre "des études" pour apprendre à quoi que ça ressemble un cerveau qui fonctionne, eh bien soit, d'accord, O.K., plutôt trois fois qu'une, j'applaudis des quatre mains. "Ah que les discours du Singe Vert c'est portnaouak" – et qu'est-ce que j'en ai à foutre, moi, de la cohérence ?

Je mets la balle en touche, ce qui vaut mieux que de mettre la chatte en boule – non, définitivement non, je ne sais pas répondre aux zob jections. Seulement, les autres non plus. Car on peut sans fin opposer les objections aux objections : nos cerveaux sont débiles, c'est-à-dire, étymologiquement, "faibles". Ecoutez-les, nos braves philosophes : au moins aussi cons que les économistes et les astrologues réunis. Ah, on peut bien se foutre de la gueule des joueurs de foot. Ecoutez-les vos sociopsychomachinologues aligner leurs "cas limites" et autres tortillonnements. A la fin des fins, "au final" comme disent nos fins stylistes (genre "cerise sur le gâteau", "en fait" et autres "réponse du berger à la bergère"), vous savez ce qu'ils nous radotent ? "Il ne faut pas s'en faire", "avec de la volonté on arrive à tout" – même à cesser de fumer, connard ? - "nous sommes libres, mais en même temps nous ne sommes pas libres" – et réciproquement, "coupables mais en même temps non coupables" ("Je ne suis pas coupable !" criait Louis XVI; "C'est ce qu'on va voir" dit le bourreau) ou bien (et c'est encore le moins con) "Démerdez-vous et que le meilleur gagne", quand ce n'est pas "Ayez confiance en Dieu et pétez un grand coup" – eh, c'est 25 euros mon bouquin, vous n'allez pas vous en tirer comme ça...

Alors à la fin ! à la fin des fins ! Vous savez ce qu'il y a de plus cohérent ? Que plus cohérent tu meurs ? LA MORT AU BOUT ÇA C'EST LE TRUC COHERENT, le seul truc logique de chez Logique, et le plus con de chez Ducon. Et il faut les voir tous s'évertuer, s'époumoner, pour surtout ne pas plonger au fin fond du puits de la vérité – ils s'arrêtent tous soigneusement aux étages intermédiaires : la vérité politique, la vérité économique, la vérité morale, la vérité religieuse, mais personne ou presque ne descend au dernier sous-sol. Et ceux qui concèdent une seconde le désespoir absolu, l'épouvante, il faut ensuite les voir se battre les flancs et se trifouiller l'anus pour vous sortir leurs bobards ("nous sommes les maîtres de notre Ddddestinée", "nous sommes les rois du monde", "Si tout allait bien tout irait mieux – et si tout allait mieux tout irait bien", "allez on se secoue on rigole", et tous les trucs de la méthode Coué dont tout le monde se fout parce que personne ne l'a lue (moi non plus mais yaksakimarch) – ah je t'en foutrais moi de la Pensée Humaine ; dans le qualificatif, l'ornemental et la fioriture, alors là, oui, nous sommes imbattables.

Mais pour ce qui est de l'ontologie, de la quiddité, nous sommes nuls comme nous le disait l'autre jour l'ancien ambassadeur d'Arménie Archichian. Et puis je n'ai rien inventé je sais, c'est leur grand argument à tous ("Il n'a rien inventé ! - Ta gueule.") La vie c'est pas marrant. Tu ne peux jamais t'éclater. "L'ennuyeux avec la morale, c'est qu'il s'agit toujours de la morale des autres" (Oscar Wilde). Toujours en face de toi tu trouves un con en face pour te dire "Interdit ! Verboten ! C'est pas beau ! Nilzia !" - au nom de la FRA-TER-NI-TE comme dit l'autre cruche. "Oublier l'ego " - c'est c'là, ouiiii... Dès que vous pensez aux autres, dès que vous vous intéressez à l'autre, dès que vosu montrez la moindre trace de commisération, de pitié, de charité, aussitôt c'est "Tu m'fais ci ? Tu m'fais ça ? T'as pas un euro ? Ou deux? T'as pas dix minutes ? Une heure ?" - total il faut les envoyer braire urgent, se réserver son petit soi-même, sinon tu es bouffé, jusqu'aux vertèbres, carrément piranhisé.

Alors qu'on ne vienne pas me dire « Il faut renoncer au moi » : cela ne veut strictement, rigoureusement rien dire. Nous y renoncerons bien assez tôt, à notre moi, et ce sera suffisamment poignant. Mais ce qu'il faut dire, ô mes sages abrutis, c'est « Bien gérer le moi, et les autres – bien délimiter son territoire : Père, gardez-vous à droite, père, gardez-vous à gauche, comme disait Jean le Bon, 16 ans, à la bataille de Poitiers (1356) – ça ne dit plus rien à personne, n'est-ce pas tas d'ignares. On n'apprend plus ça à 'école, ça ne serh à rhien – mais non je n'ai pas dit qu'il fallait rester égoïstes ! Mais garder ses frontières. Bien étanches. Même les psy ça ferme la porte pour chier.

Enfin j'espère. Et tout le monde savait tout ça d'instinct, et toutes vos leçons de Fraternité, de Solidarité, c'est de la DAUBE - Tous engsemgbleu tous engsemgbleu GNOUF ! GNOUF ! et puis la mort au bout. Evidemment que ça fait mal la haine, évidemment que ça salit de partout. Evidemment que j'aime ma famille et des tas de gens Seulement j'en ai plein le rondibet du radada (San-A) d'entendre jacter partout la même chose, tempêtes, assassinats, cours du pétrole et chauffage solaire (qu'on ne sait pas comment recycler pis les capteurs coûtent la peau des fesses et pis faut les changer tous les quinze ans ça on ne vous le dit pas), les éoliennes (une tonne de ciment dans le sol par moulinette à fromage et ça on ne vous le dit pas non plus), les pédophiles par-ci et les « dangereux schizophrènes » par-là, ce qui se fait et ce qui ne se fait pas, faut pas vexer les cons c'est pas leur faute et si tu penses comme ci tu DOIS agir comme ça et si tu ne fais pas ci tu ne DOIS pas faire ça, pis sois adulte, sois raisonnable, sois affable et DISCUTE SI SI SI DISCUTE avec les autres (leur connerie j'ai la même à la maison il faut il faut il faut MUSZ ES SEIN ES MUSZ SEIN alors Scheisse, wieder Scheissen dreimal Scheisse, nochmal une noch immer Scheisse, dazu Scheisse und DARÜBER SCHEISSE – mais c'est qu'il mordrait ce con-là. Liberté de l'un qui s'arrête où commence la liberté de l'autre – coups de massue, Ve siècle, coup de massue dans la gueule- c'est pas vrai parole je tiendrais pas le coup je ne saurais pas faire pourrais pas suporter même l'idée.

N'empêche que Sidoine a fait tout ce qu'il pouvait pour maintenir l'amour des lettres dans son Auvergne et son Lyonnais. Un joour nous aussi nous serons clandestins comme les Hellènes sous occupation ottomane qui enseignaient à leurs enfants, la nuit, la Culture et la Langue grecques interdites par les conquérants SIGNE LE SINGE VERT UN CON PETANT - putain je rêve pas moyen de discuter cinq minutes avec ce taré...

 

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885 .- C'est un travail gigantesque que de varier l'ennui. N'est-ce pas ce qui peut expliquer la création du monde ? A la longue, l'infini devait être bien ennuyeux.HONORE DE BALZAC – Lettre sur Sainte-Beuve


PREMIER ARTICLE

"au-delà de cette limite..."


Les avisés complèteront d'eux-mêmes : "...votre ticket n'est plus valable". Sacré Gary. Son nom est celui du lieu de naissance de Michaël Jackson, Michel fils de jacques . c'est bien leur seul point commun. Gary s'est suicidé. Le fils de Jacques fut expédié d'une sale surdose. Gary ne pouvait plus bander ; Michaël n'aurait guère été plus performant sur ce point que notre regretté Napoléon , à peu près aussi bien monté, dirent les indiscrètes, qu'un enfant de dix ans... Bref (c'est le cas de le dire), ce n'est guère avec ces deux-là que notre Ministre des finances eût pu renflouer les caisses de l'Etat : ne lui prête—t-on pas l'intention d'établir impôt sur l'érection ? intensité, dureté...

²Ainsi, - ainsi, seuls les riches auraient le droit de bander. Ce qui réduirait d'autant la prolifération de ces cons de pauvres, dont tous les sous-sartriens ("Nous sommes responsables de tout ! Ceux qui s'abstiennent sont aussi responsables que ceux qui ont agi ! Chômeur, c'est bien fait pour ta gueule !" - non, ça, il ne l'a pas dit, c'est Sarko) ("De Sartre à Sarko" : il nous manque un brillant essayiste – tiens, BHL par exemple - nous vont répétant – prout - qu'ils ont CHOISI leur destin – que NOUS avons choisi notre destin.

N'oubliez pas en effet, lecteurs et trices, que nous avons toujours le choix. Un peu de Palmade : "Qu'est-ce que tu choisis ? Des dents en bois, ou des jambes en laine?" et quand vous avez choisi entre la peste et le choléra, les sous-sartro-sarkozistes vous vont cornant aux oreilles AH MAIS NE VIENS PAS TE PLAINDRE ! TU AS CHOISI ! Je n'ai rien choisi du tout, mon con.

Le choix, c'est quand on le fait exprès. Un enfant de cinq ans te le dirait. Si l'on s'aperçoit longtemps plus tard que "dans le fond", on a tout fait pour que "ça" arrive, eh bien désolé, c'était inconscient, personne ne peut vous balancer à la gueule qu'on "l'a fait exprès". Les enfants sont très sensibles à cette notion de "exprès/pas exprès"; la justice également, qui distingue les "homicides par imprudence" et les "homicides volontaires". Je ne vois pas pourquoi les "philosophes" iraient faire les malins. Groddeck disait à peu près "Quand on ne sait plus quoi faire de sa vie, on se "fait" un beau cancer". Mais il ne s'agit que d'une boutade. Exacte, et inexacte. Permettant de se retenir de tomber malade, assurément. Mis dans la vie courante : il est bien joli de remplacer l' "inconscient" par la "mauvaise foi", n'est-ce pas, Sartre, ô Eternelle Cible ; mais c'est transformer l'humanité, par systématisme, en un troupeau de coupables. Ou alors, on distingue soigneusement "responsabilité" de "culpabilité", ce qui donne un non moins beau troupeau de cyniques...

Sartre et les volontaristes occidentaux nous opposent la notion de "moindre mal", le "moins douloureux", donc tu as CHOISI. Tu parles... Tous ces cons qui applique la logique mathématique à l'âme humaine...

X


Où en étais-je, dit Montaigne... Euh... A Gary. Romain. Au-delà de cette

limite, votre ticket n'est plus valable – vous "n'avez plus le ticket" (avec les femmes). Pour les femmes, c'est dès 50 ans qu'on ne les regarde plus disent-elles ; alors là, c'est bien fait pour leurs gueules. Comme ça, elles voient l'effet que ça fait d'être un homme, jamais regardé, jamais désiré. Puisqu'il paraît que c'est si avantageux, d'être un homme. Et Romain Gary (Kacew) s'est suicidé de ne plus bander. C'est vulgaire, n'est-ce pas... Dans son roman, le personnage louait un beau sabreur du Bois de Boulogne et le regardait BESOGNER sa femme ("il la besogna séance tenante", comme on disait) en se tripotant le mou. C'est encore le riche qui en profite : parce qu'un MAC ça se paye, infiniment plus qu'une pute, qui ma fois n'a quà se laisser faire. Pour les pauvres - Veuve Poignet ! Ou le cancer de la prostate, pour éjaculations insuffisantes.

J'en connais qui en sont là. Enfin, pas loin. Et qui ne se suicident pas. Comme disait Clemenceau, enterré debout près de son père enterré debout (depuis longtemps le crâne dans les talons) : "Je ne connais rien de plus inutile qu'une prostate, si ce n'est une Chambre des Dix putains" – euh, "des Députés". Plus désirs plus rien. Le bouddhisme, quoi, le vrai. Et ce n'est pas cette indifférence qui dérange : non, c'est le fait que ça ne dérange pas – qui ME dérange.

X

Et pas question de compter sur une femme pour se sauver la mise en sensualité. C'est pur, les femmes. C'est chaste. Quand ça désire, c'est noble, ça tire des larmes. Si c'est un homme, ce monsieur est un pur salaud, un violeur en puissance ; il peut crever les couilles en bataille et la bouche ouverte. Mais s'il n'y arrive pas, alors c'est un minable. Cherchez pas de logique, y en a pas.

On peut coucher (pardon : faire l'amour) avec une femme. Il n'y a rien de plus facile. Surtout

d'après les femmes. Ce qui est difficile, ce sont les conditions qu'elles y mettent : un véritable parcours du combattant. Surtout, surtout, ne pas s'engager dans la discussion, dans la négociation. Toujours, toujours, la femme trouvera un moyen de prolonger le délai jusqu'à l'infini : ses besoins sont très faibles, et la majeure partie de sa sexualité consiste en une pratique assidue de la masturbation. Après quoi, elle prodigue à tire larigo, comme il se doigt, des leçons de Morale. De Sentiment. Choses de quoi nous autres, les hommes, nous trouvons totalement dépourvus. Et n'allez pas dire que vous devenez impuissants ("non-assistance à zizi en danger" !) - qu'il vous serait tellement rassurant de pouvoir donner à une femme (j'oubliais : pour les femmes, ce sont elles, qui donnent ; un homme, ça prend, ça déchire, ça défonce ; qu'un homme puisse avoir envie de "donner", ça les dépasse ; ça leur troue la comprenette). L'amour, direz-vous ? toi, l'homme, tu n'aimes pas assez, pas de la façon qu'il faut – à moins que tu n'aimes trop : là, tu es ridicule, et putain, qu'est-ce que tu es mal venu, vulgaire ma chère, d'insister à ce point-là pour une chose qui a si peu d'importance.

La femme ne fait l'amour que lorsqu'elle est amoureuse. Autrement dit tous les dix ans, parce que l'amour, ce n'est pas si fréquent : on ne vit pas dans un film, ni dans un roman – mais dans la vie de tous les jours. La femme ne désire jamais un homme, directement, comme ça. Je ne m'indigne pas, je ne me plains pas : c'est comme ça. Il fait chaud l'été, il fait froid l'hiver. Simplement j'aurai mis la vie à m'en apercevoir. Et je suis d'accord avec vous : tout ira mieux dans 150 ans, comme dirait le Parti Communiste.

Mais dans 150 ans, il ne me restera plus rien à mettre en arc-de-cercle pour soulever le couvercle, comme dans la chanson de Bali-Balo. Oui, ceux qui me connaissent me trouvent monotone ; ça tombe bien, je les trouve chiants. Ceux qui ne me connaissent pas, c'est parce que personne jamais n'a écrit ça. On édite les fachos, les navets. Mais ça, la misérable condition sexuelle des hommes, je parle des sincères, pas de ceux qui la ramènent avec leurs baises par paquets de dix, on ne l'édite pas. Pauvres femmes victimes. La caractéristique de la masculinité ? C'est la solitude sexuelle. Oui, bon, sauf dans le mariage, OK, avec le trois-pièces cuisine, etc. Mais le sexe, pour les hommes, c'est OU BIEN interdit, OU BIEN obligatoire. L'amour ? Je vous l'ai dit : ne vous laissez jamais entraîner sur ce terrain-là. Vous aurez vite TORT. Vous n'aimerez pas assez. Tous les prétextes seront bons pour NE PAS. La femme est le sexe du NE PAS. En alchimie, la Lune, la Passivité. Elle est libre. Oui, de NE PAS faire l'amour. Ou avec qui elle veut. En général ses doigts. Ou son mari. Qui vire vite impuissant, évidemment, par fidélité. Nous allons changer de sujet, avec l'Académie française (où les hommes ne doivent plus guère tendre leur petit arc pustuleux).

 

DEUXIEME ARTICLE

DECLARATION DE L'ACADEMIE FRANÇAISE

 

L'Académie a appris par la presse l'existence d'une Commission de terminologie, créée à l'initiative du Gouvernement (décret du 29 février 1984), "chargée d'étudier la féminisation des titres et des fonctions et, d'une manière générale, le vocabulaire concernant les actitivités des femmes."

Le décret précise que "la féminisation des noms des professions et des titres vise à combler certaines lacunes de l'usage de la langue française".

On peut craindre que, ainsi définie, la tâche assignée à cette Commission ne procède d'un contresens sur la notion du genre grammatical, et qu'elle ne débouche sur des propositions contraires à l'esprit de la langue.

Il convient, en effet, de rappeler qu'en français comme dans les autres langues indo-européennes, aucun rapport d'équivalence n'existe entre le genre grammatical et le genre naturel.

Le français connaît deux genres, traditionnellement dénommés masculin et féminin. Ces vocables hérités de l'ancienne grammaire sont impropres. Le seul moyen satisfaisant de définir les genres du français eu égard à leur fonctionnement réel consiste à les distinguer en genres respectivement marqué et non marqué.

Le genre dit couramment masculin est le genre non marqué, qu'on peut appeler aussi extensif en ce sens qu'il a capacité à représenter à lui seul les éléments relevant de l'un et l'autre genre. Quand on dit "tous les hommes sont mortels", "cette ville compte 20 000 habitants", "tous les candidats ont été reçus à l'examen", etc., le genre non marqué désigne indifféremment des hommes ou des femmes. Son emploi signifie que, dans le cas considéré, l'opposition des sexes n'est pas pertinente et qu'on peut donc les confondre.

En revanche, le genre dit couramment féminin est le genre marqué, ou intensif. Or, la marque est privative. Elle affecte le terme marqué d'une limitation dont l'autre seul est exempt. À la différence du genre non marqué, le genre marqué, appliqué aux êtres animés, institue entre les sexes une ségrégation.

Il en résulte que pour réformer le vocabulaire des métiers et mettre les hommes et les femmes sur un pied de complète égalité, on devrait recommander que, dans tous les cas non consacrés par l'usage, les termes du genre dit féminin – en français, genre discriminatoire au premier chef – soient évités ; et que, chaque fois que le choix reste ouvert, on préfère pour les dénominations professionnelles le genre non marqué.

Seul maître en la matière, l'usage ne s'y est d'ailleurs pas trompé. Quand on a maladroitement forgé des noms de métier au féminin, parce qu'on s'imaginait qu'ils manquaient, leur faible rendement (dû au fait que le cas non marqué contenait déjà dans ses emplois ceux du cas marqué) les a très vite empreints d'une nuance dépréciative : cheffesse" – jamais entendu ça... "la chef(fe)", oui – "doctoresse" – pas du tout : ce nom, comme ceux de "mairesse" et de "factrice", je l'ai entendu toute mon enfance, aucun n'avait de nuance "dépréciative" – "poétesse" – non plus, Messieurs les vieux croûtons – je m'adresse aussi aux "féministes" de style viragos revanchardes ("Ouah ! Ouah !...") "On peut s'attendre à ce que d'autres créations non moins artificielles subissent le même sort, et que le résultat aille directement à l'encontre du but visé" – je n'ai jamais compris par exemple, moi Singe Vert, que l'on tolère l'ignoble auteurE alors qu'on dit acteur/actrice (cela vient du même mot fasciste, pardon, latin : actor) – nous pourrions dire "autrice", facteur/factrice (voir plus haut). Il faut vraiment méconnaître le sens (je n'ose dire le génie, on me taxerait encore de lepénisme) de la langue française pour tenter d'imposer de telles monstruosités. Il faut, Mesdames, avoir perdu tout sentiment du ridicule, que dis-je, de dignité, pour oser appeler la première magistrate d'une ville sa "maire". Nous avions déjà l'homonymie "mère" – "mer", que vient foutre ici, en bon français ("LE français", parfaitement) cette intrusion grotesquement administrative ? ...pléonasme...

"Il convient enfin de rappeler qu'en français la marque du féminin ne sert qu'accessoirement à rendre la distinction entre mâle et femelle. La distribution des substantifs en deux genres institue, dans la totalité du lexique, un principe de classification, permettant éventuellement de distinguer des homonymes" – "le mousse" et "la mousse" – encore ce féminin désigne-t-il deux choses très différentes, sur une écorce ou dans un verre – "de souligner des orthographes différentes, de classer des suffixes, d'indiquer des grandeurs relatives, des rapports de dérivation, et favorisant, par le jeu de l'accord des adjectifs, la variété des constructions nominales... Tous ces emplois du genre grammatical constituent un réseau complexe, où la désignation contrastée des sexes ne joue qu'un rôle mineur. Des changements, faits de propos délibérés" basques "dans un secteur, peuvent avoir sur les autres des répercussions insoupçonnées. Ils risquent de mettre la confusion et le désordre dans un équilibre subtil né de l'usage, et qu'il paraîtrait mieux avisé de laisser à l'usage le soin de modifier."

Déclaration faite par l'Académie française en séance du 14 juin 1984.

...Messieurs et désormais Dames, si on laissait faire l'usage, comme vous dites, ça fait belle lurette que nous parlerions un jargon anglais. Il faut parler non de "l'usage", qui parle de la "gente féminine" – imbéciles : la gent ! - mais, avec Vaugelas, du BON usage, celui de la cour ; de nos jours, des fascistes – pardon : des gens cultivés.

 

TROISIEME ARTICLE

Une fois de plus, et de façon fort banale – comme dit Péguy "On se plaint que je répète toujours la même chose – mais c'est parce que C'EST TOUJOUR LA MÊME CHOSE." - je proteste furieusement, furibardement, contre la formulation de certaines louanges. Imaginez en effet un champion de basket, qui d'un seul coup, par accident, vire tétraplégique. A force de courage, de volonté, il s'entraîne comme un malade, et collectionne les médailles aux Jeux Parolympiques, scandaleusement occultés par les médias. Eh bien on ne dit pas (je cite) "La volonté d'une personne engendre le succès, tout dépend de son état d'esprit". C'est ridicule. On est en pleine méthode Coué, en pleine magie.

Alors comme ça, il suffit de se persuader qu'on va gagner, et on gagne ? Et si on perd, alors, c'est qu'on ne n'est pas assez autopersuadé ? C'est vraiment n'importe quoi. "Si vous pensez que vous êtes battu, vous l'êtes"("le poète Walter D. Wintle – poète, ou marchand de merguez ?) - là c'est n'importe quoi, c'est révoltant, c'est carrément à gerber. D'abord, si je me sens battu, si je le pense, je ne fais pas exprès de penser cela. "On ne fait pas exprès de penser ce qu'on pense". Je ne sais pas où Simone de Beauvoir a écrit cela, mais je le retrouverai. Ensuite, je le connais, ce raisonnement : il fait carrément passer celui qui se décourage pour un pauvre con, qui n'a pas su bander suffisamment. Je salue le courage du basketteur tétraplégique, je l'admire, mais permettez : tout le monde ne peut pas l'imiter, c'est une tromperie d'affirmer cela. Il avait déjà des antécédents sportifs de haut niveau. Moi, si je deviens tétra, je reste tétra, et je me désespère ? Désolé. Je suis une couille molle. Ce genre d' "exemple", ce genre de "commentaire" à la Monsieur Tout-le-Monde renfonce dans leur merde tous ceux qui "n'y sont pas arrivés".

Ce genre d'aphorismes stupides va à l'encontre du but recherché, plonge dans la culpabilité tous ceux qui ne se sont pas haussés à la hauteur du grand homme, dont il n'est nullement question de diminuer les mérites. Il est à noter que tous les heureux surmonteurs d'épreuves, tous ceux qui ont vaincu d'énormes obstacles, s'ils s'expriment à ce sujet, ne parlent nullement de leurs découragements. Ils ne feront qu'insister sur leur détermination, leurs sursauts de volontté. Mais qui leur a donné ces sursauts ? Le hasard, Dieu, X, le déterminisme psychique, appelez ça comme vous voudres. Mais ne me parlez pas de l'action décisive et déterminante de l'homme seul. J'enrage (du moins, j'enrageais : c'est loin, la vie) d'entendre d'autres ratés me répéter que non, ma foi, je n'ai pas suffisamment VOULU décrocher l'agrégation (10 ans d'études, 4 admissibilités, tout de même), je n'ai pas suffisamment VOULU éditer mes modestes ouvrages (126 ventes en librairie) ; ils me disent : "Si tu as échoué, c'est qu'il y a bien une raison". Certes. Certes. De plus, "on" (ne me demandez pas les noms, ce sont des gens que vous ne connaissez pas, mais vous en connaissez tous de semblables dans votre entourage) – me dit : "Ton esprit n'a pas fait SON BOULOT de reconnaître le désir des femmes" – stupidité inimaginable. "Tout de même, ajoute la même femme" – c'est une femme ; faut pas demander, aussi... le désir de l'homme, elles le voient tout de suite... celui de la femme, tiens, essaye donc de le repérer... - "tu aurais bien pu te douter, vu la répétition des mêmes situations" – me doute de quoi ? qu'il fallait que je changeasse de connduite ?

Mais il ne t'est donc jamais venu à l'esprit qu'un être humain, pénétré d'une certaine erreur de jugement, et constatant que les choses se déroulent toujours de la même façon, c'est-à-dire à son désavantage, trouvera tout simplement que les faits ne cessent de confirmer son erreur, son opinion, et de consolider ses (plus ou moins) fausses certitudes ? Il recommencera donc toujours les mêmes choses, et constatera qu'il a, lui, de plus en plus raison. Car l'être humain n'obéit pas à la logique : ce n'est pas parce que ta femme te trompe que tu la quittes, ce n'est pas parce que ton homme te bat que tu vas porter plainte. Je ne m'appelle pas Michel Onfray, à qui un pote avait dit : "Mais alors, compte tenu des opinions que tu professes, en toute logique, tu devrais te suicider", et qui, comme ça, dans la nuit, du jour au lendemain, avait changé de système philosophique, que dis-je, d'opinion générale sur la vie, de Weltanschauung, allez hop, on tourne la manette, et arrière toute ? J'ai beau me dire qu'il faut assumer ses erreurs, se faire un étendard des choses que l'on vous reproche, et prétendre qu'on les a choisies... Je n'y arrive pas, ou si imparfaitement que c'est misère, et je ne peux ainsi renier tout mon passé, tout ce sur quoi s'est bâti ma vie, se sont édifiés ces colonnades d'échecs constituant ma vie...

L'âme humaine, le cœur humain, ce n'est pas ax + b... On ne change pas de "vérité" comme une girouette. Celui qui aura le plus tort du monde se trouvera toujours une multitude de raisons. ("Anche tu hai le tue buone ragioni", "toi aussi tu as tes bonnes raisons", comme disait Corto Maltese avant de vider le chargeur de sa mitraillette dans le ventre d'un espion gênant ; voir aussi le Tigre, alias Kinski, répondant à une femme qui lui demandait s'il n'avait pas honte de liquier les hors-la-loi, et en particulier son propre fils : "Il faut bien que chacun gagne sa vie..." Et pour en revenir à des choses moins tragiques, je me charge, moi, de trouver des candidats, des écrivains, exactement de mon genre, du même modèle, qui ont réussi, eux. "Oui, mais pour eux ce n'était pas la même chôôôôse" – ah tiens donc.

Et tes échecs à toi, mon pote, tu te les tranformes bien entendu en volontés explicites, n'est-ce pas, tu n'as pas réussi parce que tu étais trop fier, que tu ne voulais pas te compromettre, e tutti quanti. Alors je vais te dire, vous dire une bonne chose : "des" raisons, le petit esprit humain en trouvera toujours, quitte à se contredire outrageusement. Mais la petite cervelle d'ici-bas échoue lamentablement à trouver LA seule Raison qui vaille, et qui est une volonté qui nous dépasse, ou une absence de volonté totale. Ainsi soit le monde", proclame une inscription à l'entrée d'un temple japonais si j'ai bonne mémoire. "Amen", et "Aman" ; telles sont en défionitive – euh, définitive – pulcherrimus lapsus ordinatoris - les deux seules méditations qui s'offrent à l'esprit humain, ce cloporte : aman, "octroi de la vie sauve à un ennemi vaincu". "Aman ! " criaient les vaincus sur le champ de bataille : "Pitié !" Vous avez aussi, côté chrétien : "Que ta volonté soit faite" et "'Prends pitié de nous" – en grec, avec plus fière allure : "Kyrie éléïsson". Mais qu'est-ce qu'on s'emmerde... Et mieux vaut une mauvaise foi, même politique (voyez comme on fustige le personnalisme de Sarkozy, alors que deux phrases sur trois de Ségolène Royal commencent par "Moi je veux...") - que pas de foi du tout. Et voilà pourquoi le peuple (vous et moi) préférera toujours quelqu'un qui le fera rêver, même cauchemarder, à toutes ces braves bonnes volontés qui vous expliquent : "Eh oui ! Nous n'y pouvons rien, on ne fait pas ce qu'on veut, soyons réalistes et lissons nos pantoufles dans le même sens..." Et c'est encore pourquoi le petit juif à qui Dieu du haut de sa puissance avait demandé s'il préférait la Gloire et l'Eternité pour tout de suite, ou bien le journal du matin, répondit humblement, la tête basse et la bouche pleine de croissant : "...Adonaï, je t'en supplie, que ce soit le journal du matin..." Les théories de la liberté m'inspirent ceci : nous allons enlever tous les panneaux indicateurs dans un département, mettons, au nom de la "liberté et de la "responsabilité", et du contact humain, parce qu'il faut alors sans cesse demander son chemin, ce qui crée des liens.

Peut-être. Mais pendant ce temps-là, dans les départements d'à côté, les gros ploucs et blaireaux ils auront fait du chemin, ceux-là, au lieu de tourner en rond avec leur petite fierté...  Je préfère les livres stupides "comment se comporter en telle, telle, telle circonstance". "Les hommes viennent de Mars, les femmes de Vénus". "Apprenez à parler en public". "Réussissez à faire adopter vos points de vue en entreprise". C'est peut-être couillon, je ne les achète pas, mais ça te donne au moins des indications précises. FACTUELLES. Je préfère réussir dans les "chaînes" (???) que de m'enliser dans je ne sais quels marécages au nom de ma "liberté" de mon cul. Et je reçois la réponse suivante : ?----ta comparaison est facile et tout a fait innadaptée----mais bon ça te permet de faire semblant de n'avoir rien compris et de rediffuser a l'infini le meme message----

Eh bien non ma chère. "Faire semblant de ne pas comprendre", c'eest une de ces expressions qui ne veulent strictement rien dire, avec "il faut savoir s'en donner les moyens". Quand tu n'as pas les moyens... eh bien tu n'as pas les moyens, point barre. Tu ne vas tout de même pas cambrioler une banque pour financer ton expédition au Pôle, ni divorcer parce que ta femme t'emmerde, yop là boum, poru décrocher une agrégation... Et quand tu ne comprends pas, eh bien c'est que tu ne comprends pas, point barre. C'est à celui qui explique de se faire comprendre. C'est une phrase que même le plus mauvais des instituteurs n'aura jamais à la bouche, que dis-je, à l'esprit. C'est ridicule. Je ne com:prends pas, parce que c'est faux, ou inexactement expliqué. Tout ce que je comprends, c'est que l'autre veut absolument qu'on se mette à sa place, de son point de vue à lui, en étant lui, en ayant eu très exactement la même expérience, dans l'abdication la plus béate, en lui donnant raison à quatre pattes la queue dans la poussière. Non. Et non. Et merde. Je n'ai pas de solution, moi. Si, mais pour moi, et j'ai mis toute la vie à la décrocher. A savoir dormir dans les faux plis du drap. Et ce n'est pas maintenant, aux portes de la vieillesse (elles me passent au-dessus en ce moment, comme un maudit portail) que je vais me mettre à remettre le drap d'aplomb, ou à changer de jument et à tout démolir, sous prétexte que "je fais semblant de ne pas comprendre"... ("Abracadabra...") Je ne vais pas dire avec Halimi (Gisèle) : "Ne vous résignez pas !" Personne n'a d'ordre ou de conseil à donner à personne, cet impératif est tout à fait hors de saison.

La résignation, ça vient comme ça, d'un coup, ou insidieusement, mais quand ça vient, ça vient, et puis c'est venu, et puis rien à faire malgré tous les exercices "de volonté". C'est à toi de te les trouver, tes exercices. Et puis ça repart, ou bien ça ne part pas. Mais les autres ne pourront rien, absolument rien t'apporter. Et surtout pas te faire prendre pour un con à tes propres yeux parce que tu n'auras pas su y faire, alors que "c'est si simple", n'est-ce pas, "moi j'y suis bien arrivé." Oui, ben toi, c'est toi, et moi, c'est moi. Je ne dis pas "Faites ceci, comme moi", ou "Faites cela, comme Moâ", Je dis : "Voilà, j'ai fait comme ça, je pense telle et telle chose, pour moi, tel truc marche, tel truc ne marche pas, mais vous avez parfaitement le droit de faire autre chose, et ce qui est bon pour moi n'est pas forcément bon pour vous." Chacun pour soi, et démerdez-vous.

Certains trouvent ce qu'ils veulent dans tel livre, d'autres ne l'y trouvent pas. C'est toujours la même morale, vous savez, Messieurs les Volontaristes Occidentaux : "Restez cool, et DEHMERDEN SIE SICH." La loi du plus fort, peut-être. Il y en a qui appellent ça comme ça. Et si vous êtes dans le camp des vingt culs, je vous parie tout ce que vous voulez contre n'importe quoi (c'est du San Antonio) pour vous concocter une bonne petite justification des familles qui vous donne un petit air de héros. L'essentiel (moi je vous dis ça, vous en faites ce que vous voulez), c'est de pouvoir encore se cligner de l'œil en se regardant au miroir. Ce n'est pas donné à tout le monde ? Eh ! démerdez-vous, un jour, vous verrez ! vous finirez bien par crever...

 

78

 

TRENTE--SEPT ARTICLES -

TOUS PLUS CONS LES UNS QUE LES AUTRES

 

VOUS RECEVEZ UN MESSAGE NON SOLLICITE.

AU LIEU DE LE « SIGNALER » A DIEU SAIT QUELLE « AUTORITE » INQUISITORIALE DE TYPE STALINIEN, POURRIEZ-VOUS, TOUT SIMPLEMENT, LE CAS ECHEANT, L'IGNORER ET LE SUPPRIMER ?? MERCI.

 

901. « Je suis un anarchiste modéré »

 

propos de Pierre Roy

 

rapporté par Jean COCTEAU

 

in « La difficulté d'être » - « Du rire »

 

1. Shoah, bis

Un jour la bombe tombera sur Tel-Aviv : jour béni ! La France entière, drapée d'épouvante et de douleur, pourra défiler par escadrons entiers à ras bord des avenues, braillant Ils étaient des milliers, ils étaient vingt et cent, de Jean Tenenbaum, La Marseillaise, de Rouget de l'Isle,

 

2. Parenthèse sur la Marseillaise

.(sans comprendre que le sang « impur » n'est pas, n'est pas du tout « incitation implicite au massacre raciste » comme le brame, comme le bêle un lecteur con de Télérama ; juste l'indication d'un mélange («et de leur sang au nôtre fait d'horribles mélanges »),

 

3. et un p'tit coup de patte sur les francs-Maçons, un

et autres chants hurlés, tous Francs-Maçons défilant barbe haute et tabliers au vent, s'arrêtant de temps à autre pour bloquer de leurs dos le cortège en barrage et permettre l'immense et formidable exhibition de leur indignation.

 

4. Et un petit coup de griffe à BHL

Pendant ce temps, une vingtaine d'irréductibles, juchés sur quelque bâtiment, tiendra haut et raide un panneau Qu'avez-vous fait pour la Bosnie ? Rien

 

5. Et une grosse claque sur ma gueule à moi

et lorsque tant d'esprits hagardisés par la terreur tolèreront que l'on entonne Prendre un Arabe par la main / Pour le balancer sous l'train, il me faudra prendre la tangente, la fuite, les rues adjacentes,

pour ne pas voir qu'après avoir mis à sac le restau chez Jenny où se fêtent bon an mal an les anniversaires d'Hitler (20 avril) ils s'en prendront à la Mosquée en gueulant A mort les bicots, et m'enfermer pour ne rien voir,

 

6. Digression sur les éoliennes, faut c'qui faut...

avec dans les oreilles autant de ciment qu'un socle d'éolienne

(100 tonnes, tout de même) (une énergie propre !) - et la petite éolienne qui tourne toute seule à côté des grandes immobiles, « pour montrer comment ça fait », alimentée par la bonne vieille électricité nucléaire...

 

Vive le commerce

Pendant ce temps, des petits malins, ayant le sens du commerce (des juifs, peut-être ?) vendront tout au long du chemin des quantités de masques de crocodiles. Et mes larmes de modéré, mes larmes de chez moi, couleront-elles d'yeux de lapin ou de cloporte (les cloportes ont-ils des yeux ?) - avant que mon corps ne cède au grand anéantissement de la mystique – Seigneur prends pitié

 

9. Conclusion anticipée

Kyrié éléisonn - botte en touche mais quoi d'autre – seulement voilà, c'est bien dommage, ce grand jour-là ne viendra pas, tant pis pour les jouissances hystériques et autres jets jaculatoires de bonne conscience.

 

10. L'Afghanistan, y a qu'à

Il n'y aura pas même, en ce moment de mi-novembre, 40 000 hommes de troupes supplémentaires en pays pachtoun, alors qu'il en faudrait 400 000 une bonne fois, pour transformer Kandahar en parking surmonté d'une bouteille à Coca (¡ refresca mejor !),avec déclaration de guerre et tout le toutim, Rambo par paquets de mille débarquant des ventres sous pales (des hélicos).

 

11. Le Moyen-Orient, question réglée en 4 lignes, ouaouh !

Les uns comme Enderlin affirmant que le Terrorisme Fourbit ses Armes, les autres comme un Nouvel Obs et comme un seul homme affirmant sans preuves (eux non plus) que al Qaïda est aux abois (c'est ça l'inconvénient d'une démocratie : chacun dit ce qu'il veut en même temps, c'est à Toi

Auditeur de prendre ton parti tout seul.) Ce que je propose est pourtant simple : Rien. Rien non de Dieu, m'exclamassè-je en frappant du chausson sur la table.

 

12. La chatte en boule – pardon, la balle en touche

Vous savez bien que je fais ici, au double sens du mot « faire », une œuvre littéraire, ce qui me permet de ne pas me perdre de vue (définition, but unique même de toute œuvre littéraire) et de me fondre dans la masse, laquelle ?

13. Le petit prof héroïque, ta mère

Au lendemain du 11 Septembre, j'ai tenu ma classe debout, sortant un discours mou, contradictoire et convaincu, d'où il ressortait que nul même après et malgré tout cela ne devait désespérer de l'excellence et de la bonté humaines. La classe qui ne m'aimait pas attendit que j'eusse fini, puis reprit son existence morne et molle, entre deux bavardages et quelque insipide explication de texte.

 

14. Les salauds d'ELEVES

Ce sont les seuls à m'avoir reproché en juin de ne pas leur avoir enseigné « les procédés pour bien réussir le bac » : l'acoustique de la salle était déplorable, on ne m'entendait pas, et puis il n'y avait que des garçons, ou presque - le moyen d'aimer travailler ?

 

15. M'sieur, C'EST PAS MA FAUTE...

Ça je l'ai fait, oui, j'en suis sûr, mais ce que j'aurais pu faire, je ne l'ai jamais su. Vous non plus. Et ce jour n'arrivera pas.

 

16. Les sans -papiers, fast-thinking, avec un zeste de racisme

Puisque les sans papiers nous font pitié, commençons, d'abord, par en héberger un chez nous. Ce ne

sera pas facile. Chez moi comme c'est bizarre c'est trop petit. Aménager un camp digne de ce nom ? Tout une ville, même, tant qu'on y est : avec une mosquée, tant qu'à faire, et l'application de la charia islamique (je rappelle que « charia » veut dire simplement « loi » ; il existe une « charia » française, anglaise, etc...). Il faut que ces immigrants retrouvent ici les mêmes conditions que là-bas ; comme dit Guy Bedos, si nous accueillons des cannibales, pas de problème, c'est leur nourriture, c'est leur culture, ils doivent pouvoir les suivre ici. Quant au Néo-Sangatte, il n'aura plus qu'à faire sa fusion avec la ville de Roubaix, qui comporte plus de musulmans que d'autres croyants. Marseille fera bientôt sécession. « Les valeurs musulmanes » : mais ce sont celles de tous les gens de bonne volonté. De même que les « Droits de l'homme ».

17. Tiens, si on tapait sur les Droits de l'homme

Cependant, errant ainsi d'un sujet à l'autre, en tout bon montanéen qui se respecte, je rapporte cette histoire : un Occidental disant à un Chinois que chez lui, on ne respectait pas beaucoup les Droits de l'homme, s'entendit répondre : « Oui, et lorsque je suis allé moi-même à Paris, j'ai observé qu'on n'y respectait pas tellement les préceptes de Bouddha ».

18. Sur la Chine, aussi, un point partout

Oui mais, Bouddha recommandait-il les exécutions publiques pour sabotage par exemple lorsqu'un paysan avait dérobé huit vaches (le con...) à la coopérative ? Parce que si l'on devait appliquer la peine de mort à la connerie... « et on tuera tous les affreux », n'est-ce pas...

 

19. Afghanistan, Afghanistan – pubis repetita placenta

Et puis aussi : retirons nos troupes d'Afghanistan, du Pakistan, et lorsque les prétendus « talibans » (étudiants de Dieu, warf warf !) se seront bien répandus partout, avec la bénédiction du nain de Téhéran, nous seront à deux doigts d'une belle petite attaque militaire bien méritée. Ce ne sont pas 40 000 soldats qu'il faudrait amener là-bas, mais 400 000, tout le paquet, mobilisation générale, mais je dis des conneries, peut-être ?

 

20. Doutes existentiels

Que c'est agaçant de ne pas pouvoir se maintenir en colère permanente, de ne pas pouvoir devenir

fanatique en dépit de tous ses efforts, d'avoir toujours à côté de soi cette espèce de putain de conscience poil à gratter style Jiminy Criquet, ah, volupté du mal, Schadenfreude, non pas « joie sournoise » comme faussement traduit dans le Larousse, mais « jouissance de mal faire » - faudra-t-il que tu nous abandonnes ?

 

21. Sociologie express, et Moyen Orient (bis)

Voilà pourquoi les films où l'on se fout sur la gueule (Alexandre, 1492, et même Le seigneur des anneaux) rencontrent un tel succès. Alors, j'ai trouvé une solution, avec Obama, qui m'a copié, de même que le President of the United States a imité Ségolène Royal (c'est évident) : noyer la population sous les bienfaits matériels, ôter la misère du sein des peuples, l'afghan par exemple, reloger les Palestiniens par paquets de villas comportant piscine et baignoire pour égorger le mouton (mais non, c'est une plaisanterie, là, on se calme, on se calme...) - et ils seront aux anges, pleins de pognon et d'emplois, pas dans la bande de Gaza, mais « ailleurs, il y a de la place » (c' est vrai, entre parenthèses...).

 

22. Souvenirs, souvenirs : Guerre d'Algérie

Cela ressemble à ce qu'avait essayé de faire l'armée française sur les Plateaux algériens, distribuant du lait et des bombons, ouvrant (tiens, comme c'était urgent tout à coup !) des écoles indigènes et des centres de secours infirmier, ce qui était un peu tard (on était en guerre – pardon : en « opérations de maintien de l'ordre ; on débroussaillait, on faisait même des corvées de bois – c'est de l'humour, prière de se renseigner auprès des anciens combattants...) - parce que voyez-vous, depuis 1830, personne n'y avait encore pensé, sauf ce tyran de Napoléon III, parfaitement, qui avait voulu donner la citoyenneté française et le droit de vote aux « indigènes » - mais les Céfrans de Cheussou s'y était vigoureusement et racistement opposés...

Alors vous pensez, les soldats américains, le P.-M dans une main et les doses de lait dans l'autre, c'est fou ce qu'on va leur faire confiance... Mais que c'est

chiant de réfléchir, ce que c'est chiant...

 

23. Bourka Caouët

Tenez, la bourka... Il n'y en aurait « que » 800 et quelques... Alors on ne va pas l'interdire n'est-ce

pas, elles sont si peu... Et quant elles seront 8000, ou 80 000, qu'est-ce qu'on fera ? On va leur lâcher la troupe ? Avec droit de viol, pour se marrer un peu le temps de soulever les voiles ? (mais non putain c'est de l'humour, merde, c'est dingue, ça...). J'ai une idée ! dit Jiminy : les femmes en bourka, ou en nikba (vous voyez qu'on accroît son vocabulaire, au lieu de leur gueuler « à poil » par la vitre de la portière avant d'accélérer (on ne sait jamais, les maris sont juste derrière avec des couteaux) (des couteaux arabes) - eh bien, draguez-les. Si ça tombe, vous allez emballer comme des bêtes. Gentils, polis – vous verrez, ce sont des femmes comme les autres, elles se savent bien plus mystérieuses et attirantes comme ça ; vachement élégantes et tout.

Et chez elles si ça se trouve, c'est elles qui commande, le mari par le bout du nez – bon, tu idéalises, Jiminy ; à propos de nez justement (Pinocchio, pour les relous).

 

24.  Quiconque se méprise se sait toujours un peu de gré de ce mépris » (Nietzsche)

Je ne sais pas. Je ne sais rien. J'ai peur. J'ai confiance.

 

25. Petit couplet humaniste

Les humains ne sont pas si cons. Ce n'est pas possible.

Dans mes premiers numéros, je faisais mon numéro de pousse-au-crime, pour casser du sucre sur tout et n'importe quoi, les femmes en particulier, les Arabes j'osais pas trop. Et vous savez ce qui m'est arrivé ? La diminution de ma testostérone (je ne vais tout de même pas attribuer ça Allah grâce de Dieu (mais je plaisante, MERDE !) - m'a permis de constater, de mars à juin 2008, le développement d'un phénomène stupéfiant : au lieu de regarder les femmes dans la rue comme autant de frustrations, de trous que je ne boucherais pas, je me suis mis à les considérer comme des êtres humains, sans blague (où donc allais-je chercher tout cela), qui avaient leurs problèmes, leurs tourments, pas seulement sexuels, mais aussi bien sentimentaux, ce qui revient au même d'ailleurs pour elles, avec des projets d'avenir, des rêves d'amour – et chaque femme qui passait devenait une histoire d'amour à côté de moi, une somme de déceptions, d'espoirs ou de désespoirs, un homme enfin, au sens de Mensch, d' « humain ».

 

26 Le Singe lèche les imams

et je comprenait les imams (c'est un comble) assurant aux femmes voilées qu'elles ne

seraient plus considérées comme des femmes, mais comme des êtres humains, entendez non

plus comme des tas de viande à tripoter, mais comme des personnes à part entière, dont on ne regarderait plus uniquement les nichons et le cul.

 

27 « J'aime les filles... »

Où ai-je lu ce témoignage d'une femme forte en poitrine, magnifique et intelligente, qui s'était trouvée à pleurer la première fois qu'un homme, pour lui adresser la parole, s'était mis à la regarder dans les yeux au lieu de commencer par lui reluquer les seins ?

 

28. Lucidisique et métaphyqué ATTENTION IL Y A 31 ARTICLES ET NON 32 ALLER DABOROBOU

Je fais le tour de toute ma parole (sans jeu de mots cette fois). Attends, attends, c'est pas tout : pour Dieu (le « x » des équations), j'ai réfléchi à ceci : nous sommes de la poussière d'étoiles, n'est-ce pas? Quoi de plus logique que de vouloir se sentir en unité avec l'univers, en harmonie ? Pourquoi ne pas prier ? Pourquoi ne pas supposer une « conscience » de l'univers ? haha, j'aimerais dire « je plaisante », là – mais non, je vieillis, je blettis, je me pourris, je voudrais bien trouver le sens, mourir, soit (dans 100 ans, les riches pourront être immortels) – mais je ne veux pas mourir absurde.

 

29. Le Singe retourne à son vomi

Parce que toutes les théories courageuses de la liberté individuelle, de la fraternité envers les aûûûtres – eh patate, à partir du moment où tu dois en éliminer 99% qui t'indiffèrent ou qui t'emmerdent, qu'est-ce que tu viens me les casser avec ton « amour des autres », de 1% des autres, et encore ! - toutes ces théories mises en application avec courage et détermination, elles me gonflent : Proudhon disait « Me contraindre au dévouement, c'est m'assassiner ».

 

30. « Le porc, il nous surprend encore et encore » (ou : « QUE JE M'AIME QUE JE M'AIMEUUUUH... »)

Vous voyez où ça mène, le pamphlet? À la morale... A l'amour de la justice. A l'horreur du plus grand qui tape sur le plus petit (non non les Palestiniens, ne prenez pas ça pour vous...) ; du pauvre con qui force l'ivrogne à boire pour bien rigoler, ou l'idiot du village à se ridiculiser pour bien se marrer, ou qui se moque de celui qui a l'air con, ou qui traite son voisin de juif ou de pédé – mais tout ça, je le pensais dès le début, et je n'étais pas le seul heureusement, nous sommes des millions à le trouver juste.

 

31. Ce n'est plus le ras des pâquerettes, là ; on creuse des tranchées, carrément.

Et puis à force de forcer ma force à faire effort (Johnny, authentique), je suis devenu amoureux. Manquait plus que ça. J'ai l'air de quoi ? Ridicule. D'une femme, parfaitement. Et réciproquement. D'où l'immense schproum, parce que chacun de nous tient à conserver le partenaire précédent. Mais ceci – ne vous regarde pas. C'est donc ça, vieillir : s'apercevoir que certaines choses étaient fausses (mais ont été vécues comme vraies), et que d'autres, que l'on croyait fausses, ont bénéficié d'une fidélité sans faille. Ah ben merde.

 

32. Thomas Mann et John Lennon

Ça me rappelle tel personnage des « Buddenbrook », perpétuellement perplexe, qui se répétait sans cesse: « Curieux... curieux... » ; et qui mourut, en pleine conscience, murmurant toujours : « Curieux... Curieux... » Puisque nous sommes en pleines références, rappelons-nous évidemment le mot de John Lennon : « La vie, c'est ce qui arrive quand on avait prévu autre chose. »

33. Durchbruch (auf französisch : « diarrhée »)

ÇA REVIENDRA, LA PARANO, ÇA REVIENDRA, ÇA REVIENDRAAAA... - chassez le nucléaire, il revient au Gaillot... « Excusez-moi d'être banal. - Mais mon vieux tu es tout excusé » - la vieillesse est un naufrage, je vous dis (eh je vanne, là, je vanne...). Je suis plus vieux, même par temps sec...

34. Du cul

Et ce que je regretterais le plus en crevant – ce sera les femmes - je vous jure : les femmes... J'espère trouver une infirmière suffisamment exhibo pour se mettre sur mon ventre et retrousser sa jupe - « Que c'est beau... » dit le vieillard – et il retombe en arrière, en plein sourire, mort. C'est dans What ? De Polanski. D'aucuns prétendent que si ce n'était pas Polanski, personne n'aurait protesté contre son emprisonnement – permettez, permettez : si ç'avait été un autre, il aurait bénéficié de la prescription. Tout simplement.

 

35. De Polanski (logique...)

C'est justement parce qu'il est Polanski qu'on s'acharne sur lui ; et lorsque sa victime, qui supplie la justice d'arrêter tout ce cirque, se sera suicidée, alors là, tout le monde sera content : les uns diront « C'est la preuve qu'elle était détruite par Polanski », les autres « C'est la faute de ces salauds de juges. » Ce qu'il y a d'emmerdant en démocratie voyez-vous, c'est que même les cons ont le droit de s'exprimer. Que moi aussi je suis le con de quelqu'un. Que tout se perd en discutailleries. « Finasser, toujours finasser... » (Astérix et les Normands, évidemment).

 

36. Eugénisme (« Eugénisme »)

Tenez, un exemple : la surpopulation. Sujet tabou. Un Palestinien (tout à fait au hasard, mon exemple) se plaint d'être obligé de travailler clandestinement de l'autre côté du mur de séparation pour nourrir ses sept enfants : sept enfants ! Mais tu penses à quoi en tirant ton coup ? Ce n'est pas de l'irresponsabilité absolue, ça ? Aussitôt, le tollé : « Ouais, euh... Racisme, eugénisme, onanisme... » Ben oui. Faites moins de gosses. Comme en Chine (les Chinois sont des racistes antichinois, c'est bien connu). Ça y est ? Vous l'avez bien eu, votre chargement de conneries ?

 

36 BIS, j'oubliais : «Des logements pour les Roms – oui, mais pas dans mon immeuble.

« La scolarité pour les Roms – oui, mais pas dans mon établissement.

« Du boulot pour les Roms – oui, mais pas dans mon entreprise.

 

37. RIDEAU

Allez rideau.

 

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