Proullaud296

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Lionel Bourg

 

LIONEL BOURG "L'ABSENT" 42 02 15

 

PREMIERE EMISSION A LA CLEF DES ONDES, BORDEAUX

 

 

 

Bonjour à tous pour une nouvelle émission, qui se tiendra comme les assises d'un tribunal tous les mardis à 15 h. avec Pierrot à la technique et Collignon "Hardt" Vandekeen à la parlotte, pour vous présenter des livres : certains archiconnus, certains qui ne le sont pas, certains excellents, certains nazes, de l'avis du critique et c'est tout. Vous en penserez ce que vous voudrez, l'on vous donnera toujours le moyen de vérifier sur place par l'octroi de réFérences précises.

 

J'ai lu un livre, et quoi d'étonnant, il s'intitule L'Absent, il est de Lionel Bourg, il est publié par l'Ostiak, Cadex éditions, rue Saint-Victor, 34160 Saussines, c'est dans l'Hérault pour ceux qui ne connaissent pas leurs plaques minéralogiques par cœur, ouh les mauvais citoyens. C'est l'histoire d'un mec qui vit dans les ordures, comme les personnages des Météores de Michel Tournier, du moins c'est ainsi que je vois non pas la source mais la rencontre des esprits. C'est donc un clochard, mais qui cause la langue française, et non pas quelqu'un qui a décidé que la grammaire ça ne sert à rien suivez mon regard.

 

Autrement dit, quelqu'un qui a un solide bagage culturel et qui croit se faire le porte-parole des exclus, du monde desquels sa culture l'exclut, précisément. Ça me fait penser à Renaud qui se fait le porte-parole des clochards et des déglingués mais qui n'abandonnerait pas sa petite villa à 200 briques dans les Yvelines. Si, j'aime bien Renaud, mais je veux vous montrer la contradiction de la nature humaine, carrément, je suis comme ça aussi, tout le monde a le droit de jouer les étudiants qui se penchent sur les déshérités. Ce livre, L'Absent, est à la fois très bon et très mauvais.

 

Déjà, il est comme vous l'avez vu faussé à la base. De plus, il adopte un langage proprement insupportable. Notez que l'argot et le gouaille artificiels eussent été non moins insupportables. Il faut être clodo pour parler des clodos, mais alors on ne sait ni parler ni écrire. Bravo le racisme social, ça c'et pour moi. Il écrit des phrases longues, en se prenant pour Proust, malheureusement c'est plutôt du Rinaldi, et la fin de la phrase n'a plus rien à voir avec le début. C'est très pénible, c'est "tu l'as vu mon beau style", Jean-Edern Hallier fait ça, Jack Thieulloy fait ça, Huysmans faisait ça mais c'était Huysmans, c'est ce qu'on appelle "l'écriture artiste", avec des adverbes, des mots compliqués, des subordonnées imbriquées ou successives, des parenthèses à l'intérieur des parenthèses, etc. etc.

 

Citron.JPGQuand on vient à bout de tout ça (c'est ce Marthe Robert appelle "le contrat de lecture") ou si vous préférez, si l'on a adopté ce parti pris d'écriture, on découvre, comme il est dit dans les "prières d'insérer", mais nous ne ferons jamais ça ici, une "personnalité attachante", c'est-à-dire à mon sens râleuse, rebelle, dégoûtée de tout sauf de son nombril et s'en désolant, bref la personnalité d'un enfant du siècle, perdu dans les détritus du monde et de la vie, qui lit avidement tous les journaux intimes finissant dans les gras de poubelles, tous les ouvrages jetés par d'infidèles lecteurs, référence en passant à Bohumir Hrabal si j'ai bonne mémoire.

 

Alors cette fois l'on comprend mieux, cet immense tas d'ordures est métaphorique, c'est le paysage que nous montrent la presse mal faite, la politique-fumier, le mal de vivre, le sens des entrailles et des objets. On ne vit pas dans un tas d'ordures sans avoir l'odorat particulièrement développé, comme un rat, ainsi que la vue, l'ouïe, le toucher. Le héros aime voir, toucher, regarder, recueillir une vieille qui meurt sans pouvoir l'honorer d'une dernière bandaison (il faut s'accrocher, profitez-en avant le grand déferlement de la censure toujours proche). Tout cela est déjà vu, mais sympathique, sympathique, mais déjà vu. Ces idées de décadence et de décomposition ne sont pas nouvelles, bien sûr elles reprennent du poil de la bête en cette glorieuse année où nous fêtons à la fois la libération d'Auschwitz, le bombardement de Dresde et de Hambourg, Hiroshima et Nagasaki, bon anniversaire à tous – mais quoi, "l'histoire est un boulet sanglant au pied de l'humanité" comme disait Hugo, ça a toujours été comme ça et nous lutterons toujours pour que ça s'arrête, revenons aux faits : la littérature.

 

Lionel Bourg exprime des idées fortes, valables à hurler, horriblement banales, qu'il faut toujours gueuler, dans une langue sensuelle, avec un plaisir de manier les mots et les objets les plus dégueulasses pour en faire des trésors, et cela est déjà plus personnel. Il emprunte un style déjà vu aussi, fait de volutes, à la mode, mode dépassée d'ailleurs, mais peut-être ne peut-il pas faire autrement, sûrement même, car sa sincérité ne fait aucun doute, il n'est pas mieux d'écrire dans un style tellement dépouillé qu'il équivaut à l'absence de style bonjour Annie Ernaut encore une amie que je me fais.

 

Mais il touche, il excelle dans ses évocations d'enfance, dans ses plages de repos, dans son lyrisme, ou très pur, ou très sale, il excelle partout, s'il ne savait pas tant qu'il excelle. Maintenant, si j'avais écrit ça, dans le style luxuriant, je serais fier de moi. Est-ce une œuvre de jeunesse ? Pas même sûr. Il y a toujours eu deux écoles en France et même en littérature. Fréquemment, un homme rassemble les deux en lui seul : entre le luxuriant Garcia Marquez de Cent ans de solitude et le sec et dense Garcia Marquez de Chronique d'une mort annoncée. C'est le même homme. Peut-être que Lionel Bourg est capable aussi d'épurer son style, mais alors on l'accuserait de varier à tous vents, car en France on n'aime que ce qui va toujours dans la même direction. Et puis il aurait l'impression de se renier. Un livre donc à la fois passionnant et horripilant, parce que j'aurais voulu le faire à ma manière, le sujet m'a été chipé si je puis dire, et je suis un gros vilain jaloux.

 

Cela dit, il vaut le coup de se le procurer. Je vous lis un extrait, puis vous le commanderez : OK ? p. 47 (avec moi, c'est toujours la page 47) : "C'est une petite crique. Les blocs " déchiquetés tracent un cercle qu'ouvre l'océan. Là, une mince plage de galets et, derrière une "nouvelle barrière de schiste, le rivage sans fin d'un sable gris que personne ne paraît avoir foulé. "Aucune marque. Aucune empreinte. Tu comprends être le premier à imprimer ses pas sur cette "litière cendreuse rendue malléable par la pluie." Références, FIN.

 

Les commentaires sont fermés.