Voltaire dézingue ferme
Voltaire en quelque sorte inventa le livre de poche. Quant à son dictionnaire, il traite essentiellement de faits de religion, juive et chrétienne, à égalité. S'y mêlent aussi quelques considérations sur des niaiseries philosophiques. Voltaire n'a pas toujours raison, mais il a la raison. Et avec ça, il fait des ravages, pas comme Barjavel. Ce que j'aimerais maintenant, ce serait vous faire entendre la Voix du Maître, du maître à penser qui est le mien entre plusieurs autres. Vous verrez l'humour, la férocité.
P. 47 :
"Le même saint Justin (c'est la suite) cite avec confiance les oracles des sybilles (ce qui prouve bien que les saints n'étaient pas si regardants en matière de textes sacrés) ; de plus, il prétend avoir vu les restes des petites maisons" (ce sont des asiles de fous) "où furent enfermés les soixante et douze interprètes dans le phare d'Egypte, du temps d'Hérode.Le témoignage d'un homme qui a eu le malheur de voir ces petites maisons semble indiquer que l'auteur devait y être renfermé."
Eh oui, Voltaire connaissait sa Bible et ses vies de saints (pas ses vide-seins, abrutis !) sur le bout des doigts.
Page 94 à présent ? O.K. :
"Ô sage Kou ! Vous avez parlé comme un homme inspiré par le Chang-ti lui-même ; vous serez un digne prince. J'ai été votre docteur, et vous êtes devenu le mien."
Non, il ne s'agit pas de deux petits garçons qui ont joué au docteur, mais d'un conseiller et de son futur prince. La scène se passe en Chine, ce qui permet de déjouer la censure : en réalité, je soupçonne fort que cela pouvait aussi bien se passer en France... Pour Voltaire, la Chine est un modèle de bon gouvernement et de prospérité. Il fut un grand sinophile ! C'est un procédé courant de transporter les scènes un peu trop osées politiquement dans un autre pays : voyez Montesquieu et les Lettres Persanes, Diderot et son Congo imaginaire dans Les Bijoux indiscrets, et bien sûr Beaumarchais dans Le Barbier de Séville et Le Mariage deFigaro ; tout ce qui se passe en Espagne ou ailleurs est destiné en réalité à critiquer la situation politique et sociale en France.
P. 141 :
"La Genèse dit qu'Abraham avait été circoncis auparavant ; mais Abraham voyagea en Egypte, qui était depuis longtemps un royaume florissant, gouverné par un puissant roi. Rien n'empêche que dans ce royaume si ancien la circoncision ne fût dès longtemps en usage avantg que la nation juive fût formée. De plus, la circoncision d'Abraham n'eut point de suite ; sa postérité ne fut circoncise que du temps de Josué."
Cela veut dire, bonnes gens, que la Bible et ceux qui l'ont écrite, les Juifs, n'est pas le plus ancien livre, ne sont pas le plus ancien peuple du monde, que la Bible n'est pas à la base de toutes les institutions sacrées (ici, la circoncision pour les Juifs). Il faut transformer la Bible en livre comme les autres, les coutumes juives comme des coutumes communes à plusieurs peuples, et non pas comme le signe de l'alliance avec le peuple de Dieu.
Tous les peuples sont peuples de Dieu, et ce n'est pas de l'antisémitisme que d'affirmer cela. Et tout ce qui peut ruiner le crédit de la Bible est bon pour Voltaire. On a tué au nom de la Bible. Pas encore au nom de l'Annuaire des Postes...
P. 188 :
Articles Fables – vous pensez bien que la Bible va encore en prendre un coup, n'étant qu'un ramassis de fables symboliques. Vous avez gagné, écoutez plutôt :
"Les plus anciennes fables ne sont-elles pas visiblement allégoriques ? la première que nous connaissions dans notre manière de supputer les temps, n'est-ce pas celle qui est rapportée dans le neuvième chapitre du livre des Juges ? Il fallut choisir un roi parmiles arbres ; l'olivier ne voulut pas abandonner le soin de son huile, ni le figuier celui de ses figues, ni la vigne celui de son vin, ni les autres arbres celui de leurs fruits ; le chardon, qui n'était bon à rien, se fit roi, parce qu'il avait des épines et qu'il pouvait faire du mal."
...Vu le caractère subversif ? Dans la Bible, une condamnation de la royauté ? Voltaire, si tu avais connu les intégristes de notre temps ! Et le massacre continue !
Commentaires
"Les Fables de La Fontaine... Voilà, c'est bien pour toi, ça, les Fables de La Fontaine..." Espèce d'abruti, qui a dit que les Fables étaient pour les enfants ?