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  • Carré de dames - théâtre

    C O L L I G N O N

    C A R R É D E D A M E S

    dédié à Anne Sylvestre

     

     

    ACTE UN, Tableau unique

     

    Une cuisine traditionnelle, avec cheminée. Une grande table sur le devant, un buffet au fond à jardin. TROIS VIEILLES DAMES debout ou assises tout autour. UN REPRÉSENTANT, UNE AUTRE VIEILLE DAME dans un fauteuil roulant, près d’une fenêtre côté cour, sous un amoncellement de couvertures.

    Prévoir un écran, un prompteur.

     

     

     

    PREMIÈRE VIEILLE DAME (JEANNE)

    WATSON’S INTERNATIONAL ENCYCLOPEDY…

     

    vieilles,encyclopedie,science

    DEUXIÈME VIEILLE DAME (FITZELLE), accent naturel de Toulouse

    Tell on… Very exciting…

     

    LE REPRÉSENTANT, petit brun frisé, style taurillon. Les paumes écartées bien à plat sur la table

    Alors ? Décidées ?

    JEANNE

    C’est dit !

    FITZELLE

    Un petit whisky !

    LE REPRÉSENTANT

    Si vous le dites…

    JEANNE ouvre le buffet, sert un verre de whisky ; FITZELLE verse deux verres de Porto.

    C’est du porto.

     

    DEUXIÈME VIEILLE

    Et du bon .

    Le Représentant boit posément. Les deux vieilles avalent ensemble, côte à côte, cul sec (éclairage:soleil couchant)

    LE REPRÉSENTANT, grimaçant

    L’Encyclopédie Watson, chef-d’œuvre de la conscience professionnelle anglo-saxonne...

    JEANNE

    Aryenne…

    LE REPRÉSENTANT se choque

    JEANNE

    Vous n’êtes pas spécialement nordique, non ?

    LE REPRÉSENTANT

    Niçois.

    FITZELLE

    Arabe ?

    LE REPRÉSENTANT

    Tout de même pas.

    Silence. Le tas decouverturesur le fauteuil respire doucement.

    LE REPRÉSENTANT

    Dites-moi…

    JEANNE

    Oui ?

    LE REPRÉSENTANT

    Il va où, cet escalier ?

    FITZELLE

    Il ne va nulle part cet escalier.

    JEANNE

    Il reste ici.

    LE REPRÉSENTANT

    Ah bon.

    FITZELLE

    Porto ?

    Elle le ressert d’office.

    LE REPRÉSENTANT, la main sur le volume

    Une somme incomparable…

    JEANNE

    Il est bon le Porto ?

    FITZELLE

    Nous sommes l’Encyclopédie.

    LE REPRÉSENTANT

    Tout est là-dedans.

    JEANNE ET FITZELLE lui tendent la bouteille

    Là-dedans.

    Il empoigne la bouteille et la vide en roulant des yeux.

    De l’âtre surgit la TROISIÈME VIEILLE,accroupie, tisonnant le foyer

    LA TROISIÈME VIEILLE, MARCIAU

    Pas d’accord !

    Un coup de pétard dans le feu, éclairant les visages dans les mouves rougeoyants ; une lueur inquiétante, au-dessous de l’escalier.

    MARCIAU, brandissant son tisonnier :

    Je ne veux pas acheter L’Encyclopédie Watson.

    LE REPRÉSENTANT, tourné vers les deux autres :

    Vous étiez d’accord, vous deux. Ça fait trois quarts d’heure qu’on discute.

    FITZELLE

    Au moinsse…

     

    LE REPRÉSENTANT

    Ah tout de même…

    Il se dirige en titubant vers la sortie, heurte du genou sur la chaise le tas de couverture qui pousse un cri.

    Affolé :

    Y a quelqu’un ?

     

    LA QUATRIÈME VIEILLE, SOUPOV, de sous ses couvertures

    Imbécile !

     

    LE REPRÉSENTANT se retourne lentement. Il hausse le front, passe son index recourbé sur ses lèvres. Ton doctoral :

    « Imbécile » ? Soit. Mais comment l’entendez-vous ?

    Il referme le tome sur son doigt. Il en appuie fortement le dos sur la table.

    Vous pensez que j’en suis la parfaite illustration.

    Les quatre vieilles approuvent vigoureusement de la tête.

    Vous n’avez pas de miroir ?

    Elles se regardent en ricanant ; MARCIAU, tournée vers la flamme, essuie ses lunettes de fer.

     

    SOUPOV

    Tί δ’ἂν αὐτῷ χρώμεθα ; [ti dann autô khrôméta] ?

     

    LE REPRÉSENTANT

    Ce que vous en feriez ? Ô courte sagesse, ô sexe imbécile ! c’est folie de courir aux miroirs ; bien plus grande encore de les avoir brisés !

     

    JEANNE

    Proxima mors mox auferet nos (sur un prompteur : « Une mort proche bientôt nous emportera ».)

     

    MARCIAU

    Sind wir mal noch Frauen ? (Prompteur : Sommes-nous seulement toujours des femmes?)

     

    JEANNE

    Noli deridere. (Prompteur : ne te moque pas de nous).

     

    LE REPRÉSENTANT les considère et se rassied lentement(à part) Pas de pitié… (déclamant) « On a vu la vieillesse la plus décrépite et l’enfance la plus imbécile courir à la mort comme à l’honneur du triomphe ».

     

    MARCIAU

    Je prends ce tome-là.

     

    SOUPOV, à MARCIAU

    Crève.

     

    LE REPRÉSENTANT, se rengorgeant

    Georges Bénigne Bossuet...

     

    FITZELLE

    On sait.

     

    LE REPRÉSENTANT

    ...qui n’était pas un imbécile…

     

    JEANNE

    Une ganache.

     

    SOUPOV

    Et qui puait du cul.

     

    LE REPRÉSENTANT

    Que de science !

     

    FITZELLE, très vite

    Une buse.

     

    JEANNE, même jeu

    Une couenne.

    MARCIAU, même jeu

    Une croûte.

     

    SOUPOV, même jeu

    Un fourneau, une gourde

     

    FITZELLE, accélérant

    Manche.

     

    JEANNE, même jeu

    Moule.

     

    MARCIAU, même jeu

    Noix.

     

    SOUPOV, même jeu

    Une tourte

     

    LE REPRÉSENTANT, fouillant dans sa mallette

    J’ai là aussi une estampe. À vendre.

    Du plat de la main il la déroule sur la table et se recule vivement. Les têtes des vieilles (sauf SOUPOV) se rejoignent. Ces dernières soulèvent l’estampe.

     

    FITZELLE

    Je vois une faux.

     

    JEANNE

    C’est faux.

     

    SOUPOV, qui a rapproché son fauteuil

    C’est une huître.

     

    JEANNE

    Je vois un texte en vers.

     

    MARCIAU

    On ne voit rien.

     

    LE REPRÉSENTANT

    Facile. (Il se lève pour tourner l’interrupteur. Debout près de la porte à Jardin, la main sur le commutateur, il les considère toutes l’une après l’autre en ricanant silencieusement)

    C’est la gravure, Mesdames, qu’il faut examiner.

     

    SOUPOV

    Nous avez-vous suffisamment détaillées ?

     

    MARCIAU

    Rasseyez-vous.

     

    LE REPRÉSENTANT baisse le bras, tire sur les plis de son pantalon en se rasseyant

    La gravure a pour titre « Der Tod und der Tor ».

     

    Elle représente en effet, traitée dans le style de Holbein, un évêque assis, coiffé d’une immense mitre en bonnet d’âne, disputant avec la Mort une partie d’échecs. La Mort est représentée de façon traditionnelle sous la forme d’un écorché assis de profil. L’immense faux qu’elle tient s’incline juste par-dessus la mitre. À son pagne grotesquement déchiqueté pend une riche aumônière, vers laquelle, par-dessous la table, l’évêque tend une main gantée toute garnie de bagues).

     

    LE REPRÉSENTANT, prêchant

    « Il est sûr que s’il y a un sou à gagner, l’imbécile l’emportera sur le philosophe » (Voltaire).

    Voyez comme il sourit, l’évêque, voyez comme il croit couillonner son adversaire.

     

    MARCIAU

    Tout dépend de comment on le regarde.

     

    LE REPRÉSENTANT

    La Mort étend le bras. Elle va gagner la partie !

     

    SOUPOV

    Sûr ?

     

    MARCIAU

    ...et certaine. Regarde l’échiquier. (Elle lit)

    « Cil cuide engeigner la Mort

    Par lui desrobber sa bource

    L’imbecille doute encor

    S’il a terminé sa course »

     

    LE REPRÉSENTANT

    Savez-vous que cette gravure a failli brûler ? (Il montre des taches brunâtres) Plus des coups d’épingle (il lève la gravure) autour du fer de faux… sur l’échiquier aussi, en forme de croix.

     

    JEANNE, qui ne voit rien

    En effet.

     

    LE REPRÉSENTANT

    C’était pour un exorcisme.

     

    JEANNE

    Curieux, ces déchirures.

     

    MARCIAU

    Je dirais plutôt que vous l’avez arrachée.

     

     

     

     

     

     

     

  • Blockhaus B

     

     

     

     

     

     

    C O L L I G N O N

    B L O C K H A U S B




    « Cette pluie m’emprisonne. Je ne peux plus atteindre les arbres. »

    Il y a son nom sur l’enveloppe.

    « ...la prairie s’est détrempée jusqu’au centre de la terre... »

    Les oiseaux croassaient de toutes leurs forces. Il pleut depuis le premier du mois.

    « Si j’avais de bonnes bottes, je pourrais remettre la lettre : c’est le même nom, mais

    ce n’est pas moi . »

    S’il traverse la prairie – le champ de boue, le cloaque – il deviendra une masse informe. Au mieux le vent l’encroûtera. Et puis, de l’autre côté des arbres, il y a le Fleuve.

    europe,est,fuite

    « Celui qui porte mon nom a besoin de cette lettre. Plus que moi. La lettre, à moi-même, n’apportera que des tourments . »

    Il habite loin, loin, au sec, dans son dos :

    Formán Tikhonovitch Biédrinine

    Blockhaus B

    « Je ne suis pas cet homme. »

    Les corbeaux dans le ciel font et défont des cercles noirs. Il tend les bras comme un fusil :

    « Pan ! Pan ! »

    Sans s’émouvoir, les oiseaux s’engouffrent dans une énorme boule d’arbres malades, au bord du marécage,puis, l’homme entreprend la traversée.

    À chaque pas la boue monte aux genoux. Il regarde sa montre : quatre heures avant la tombée du jour. Il tâte le message dans la poche de sa chemise : il pouvait aussi bien tout laisser derrière soi. Les choses au pire, il trouverait au bourg une chambre sèche, un pantalon propre.

    De trou en trou il se déhanche.

    Le soleil perça les nuages réveillant des nuées de moucherons acides. Il eut le souvenir d’heures paisibles, de soirées à l’air libre, sur le banc, le jardin fait. De ce côté-ci du marais, à présent derrière lui, se trouvait Bostrovitsa, un gros village plein d’enfants placides. Devant lui, Gréménovo, où il n’avait jamais mis le pied depuis la destruction du pont – plus exactement, l’édifice branlait de toute part depuis l’attaque des Stukas. Ils avaient bombardé les réfugiés. Les autorité l’avaient déclaré impraticable.Dangereux. Il avait sauté, le pont, par ordre du voïvode.

    Il fallait prendre le sentier.La boue, après la décrue, avait là aussi tout recouvert.

    Les anciennes photos du Pont d’Aval le montraient aux jours de gloire, grouillant comme une fourmilière : bateleurs, charrettes, marmaille… c’était avant la naissance d’Endrick. C’était avant la mort du grand-père. Avant le bombardement.

    L’homme avança, leva les bras, tira sur ses cuisses, laissa s’écouler un tonnerre de jurons. L’eau touche le ventre. Les sous-vêtements se sont trempés d’un coup. Il prendrait froid. Désormais coûte que coûte il fallait un docteur. Celui de Gréménovo. Pourquoi lui, Formán, douillet, grincheux, avait-il entrepris cette folie de vouloir à tout prix remettre cette lettre à son destinataire, dont il ne connaissait foutre Dieu que le nom, le sien ?

    La vase remonta sous ses pieds. Bientôt la partie de son corps au-dessus des genoux se trouva hors de l’eau. Il souffla. Ses mains, demeurées sèches, vérifièrent encore sous la chemise que le message n’avait pas bougé. De l’autre côté de la digue il apercevait, sur le ciel gris, les premiers toits pointus de Gréménovo.

    Les premières cheminées se mirent à fumer. Dans un bruit de succions alternées, il se dégagea au plus vite, gravit un perron sans rampe, redescendit quelques marches sur l’autre rive : il était sur le pavé, au sec, à Gréménovo. Il dégoulinait de saleté, mais nul, à part lui, ne foulait le sol irrégulier de cette demi-rue, à l’abri, face au marais. Formán repartit de l’avant. Il se sentit revivre. Il avait malgré tout retrouvé de l’inquiétude, malgré le jour encore haut, et en ressentit une BLOCKHAUS B 4





    vague honte. Son reflet dans une glace extérieure – un tailleur en faillite - le persuada de chercher au plus vite non pas un médecin, mais un magasin d’habillement, pour remplacer son pantalon, devenu bloc de boue.

    IL lui faudrait aussi des chaussures. Alors seulement il pourrait se présenter au Bloc B, Kuiaz Ulitza, et remettre décemment le message.

    La vendeuse de pantalons lui effleura délicatement la braguette au moment de l’essayage. Il se contenta de lui réciter quelques vers. Elle n’avait pas encore allumé la lumière : la boutique baignait dans le gris. Formán oubliait sa mission.

    La vendeuse l’entraîna dans une arrière-boutique plus sombre, où ils prirent un café sur une table branlante près d’un réchaud. Il découvrit sur son crâne à elle, derrière l’oreille, une cicatrice en relief.

    « Ils m’ont interrogée un peu brutalement, dit-elle avec un pauvre sourire.

    Il ne lui demanda rien, le jour continua de tomber, la couronne bleue du brûleur prit une intensité vacillante. Bientôt ils se trouvèrent tous deux vêtus d’amples robes de chambre.

     

    « C’est celle de mon mari, dit l’habilleuse. Il m’a quittée après l’interrogatoire. Et toi, que vas-tu faire ?

    Il tira la lettre de la poche de sa chemise.

    Tandis qu’elle prenait connaissance du message,une étrange torsion paralysa l’estomac de Formán, et il se sentit à la fois proche de l’évanouissement et rempli d’un étrange espoir, solide au-delà de toute raison. Il se leva pour marcher, passa dans le magasin où les vêtements, à présent, semblaient autant de fantômes suspendus aux épaules. Raides, parallèles.

    Un miroir lui renvoya une image si effrayante qu’il chercha et trouva instinctivement un interrupteur. Les néons tremblotèrent, puis s’allumèrent brutalement dans un grésillement continu. La jeune femme le rejoignit, ferma le magasin de l’intérieur, baissa le volet de fer.

    « Je m’appelle Viéritsa, dit-elle. Reste avec moi. Tu porteras la lettre demain.

    À peine quitté son village – définitivement, il s’en avisait à présent – Formán devait à présent composer avec l’espèce humaine. Qui plus est, avec une femme – l’être le plus exigeant et le plus dévoué qui fût. Une vendeuse de pantalons, au visage rond et grave, avec une couronne de cheveux bouclés et une cicatrice au-dessus de l’oreille.

    La chambre au-dessus du magasin donnait sur le marais. Ils avaient fait l’amour au rez-de-chaussée, sur des manteaux étalés à la hâte, en pleine lumière. À présent, la fenêtre éclairée découpait sur la vase et les plantes un grand carré glauque en contrebas de l’autre côté de la digue.

    Même ici, de l’autre côté de l’eau et des joncs, au-delà des frontières de provinces, d’autres policiers sévissaient, d’autres tortures. Pourtant, Formán se sentait désormais en sécurité. Il ne pouvait être poursuivi pour les mêmes délits que Viéritsa – bien qu’ils eussent commis ensemble l’acte le plus répréhensible aux yeux de tous, en tous pays.

    Mais la cicatrice était ancienne. Il parcourut encore du doigt la boursouflure sous les boucles, et la femme eut encore ce petit rire triste ou inexpressif. Dieu merci, ils s’étaient aimés tout de suite, sans tous ces atermoiements qui découragent l’un et l’autre sexe.

    Ils éteignirent la lumière et se couchèrent sagement l’un près de l’autre, comme d’anciens mariés, en tirant bien le drap chacun pour soi, pour éviter les plis. Quand Formán se réveilla, il tenait Viéritsa par la main, le matin doux éclairait une chambre de dimensions modestes, à l’ameublement neutre, et il comprit pourquoi l’amour se fait surtout dans la nuit.

    Mais il n’éprouva nulle amertume, rien d’autre que ce sentiment de douce sécurité. Viéritsa s’éveilla à son tour, et posa sur lui son sourire.

    Ils quittèrent le magasin sans être vus.

    « Il n’est que sept heures, dit-elle, et c’est dimanche. Cherchons ensemble le destinataire de ta lettre.

    - Qu’y a-t-il d’écrit ?

    - C’est une convocation au Commimissariat, dit-elle en souriant. Ils se sont trompés de province.

    - Il faut trouver un autre pays, dit-il.

    - Qui postera la lettre ?

    - Est-il indispensable, avant notre départ, de tourmenter un inconnu ?

    - Peut-être qu’ils le convoquent pour lui dire : « Vous êtes innocent ! ». Le ton général du formulaire ne semble pas déplaisant. Oui, cet homme va recevoir un certificat d’innocence.

    - Cet homme porte mon nom.

    Il demanda la lettre, l’ouvrit, se tourna vers le mur et la lut :

    - Ce n’est qu’un formulaire ordinaire, dit-il.

    - Nous sommes des gens ordinaires, dit-elle, nous faisons des choses tout à fait ordinaires.

    Il hocha la tête d’un air dubitatif et remit la lettre dans sa poche. Il était propre à présent, presque élégant.

    Le bourg tardait à s’animer. Ils se dirigèrent vers une gare en faisant le compte de leurs ressources.

    Ils pensèrent dévaliser une station-service jaune et verte, mais ils se contentèrent de demander quelques smenks au pompiste. Il les leur tendit en riant : il connaissait la musique. Il ne s’aperçut pas que Viéritsa volait trois Karamélis. La police ne poursuit pas ce genre de chapardeurs. Dans le train, ils se partagèrent les Karamélis. Leurs dents se collaient, ils s’ouvraient la bouche l’un devant l’autre, se rappelant l’excellent farce du chien qui mâche un chewing-gum : le chien se tord la gueule et se racle le museau avec la patte. Le train démarra vers Sankt-Iresk.

    Formán et Viéritsa se regardent gravement. Ils sont assis face à facesur les banquettes en skaï de Vonat-Kompanyi, sans billet, « après avoir risqué sa vie dans les marais » dit Formán. Viéritsa ne pense pas retrouver son emploi, parce que les néons du premier étage sont restés allumés.

    « Un court-circuit est si vite arrivé ! »

    Elle s’accuse et pleure.

    Formán lui relève sa tête bouclée. Elle dit :

    « Nous agissons comme des enfants ».

    Formán tapote sa pochette : il lui reste la lettre :

    - Un certificat d’innocence, c’est quelque chose !

    Le train roule, ils examinent le paysage, l’un à l’endroit, l’autre à l’envers. Le train est un pont qui roule, entre le passé et l’avenir. Viéritsa espérait que l’Autre dirait la vérité, Viéritsa craignait le mensonge. Formán se sentait épuisé à l’avance de toutes ces confidences qu’il faut faire aux femmes.

    « Une queue de sirène, qui empêche de marcher. »

    Il dit cela tout haut, Viéritsa le comprit, posa sa main brune sur la main verte de Formán : ils pensaient les mêmes choses en même temps :

    - Plus tard, dit-elle.

    Ils se caressèrent le visage. Le contrôleur passa dans le couloir sans s’arrêter.

    Formán et Viéritsa se retrouvèrent à 14h 38 sur le quai d’un pays tout à fait inconnu. Il flottait dans l’air une odeur marine. L’État de Wyczurie n’était pourtant pas si étendu. Le train s’était arrêté souvent, il n’avait jamais dépassé les 100kmh.

    Ils contournèrent les bâtiments de gare :

    « La Baltique » dit-elle.

    C’est horrible, pensa-t-il.

    La lettre était sur son cœur, il avait failli à son devoir. Viéritsa devinait tout. D’abord, elle prétendit que les frontières s’étaient déplacées. Qu’une décision administrative - « du fond de tes marécages, tu ne pouvais pas savoir ! » - avait repoussé les frontières de Wyczurie vers le nord et la mer.

    Les uniformes avaient changé, mais il y avait toujours des uniformes. Ils interrogèrent un de ces hommes. Ils apprirent que les troupes d’Abimani s’étaient emparé sans résistance de la nation amie de Wyczurie, pendant les heures consacrées au sommeil.

    Autour d’eux, dans la gare, dans les rues avoisinantes, et au centre ville, tout le monde souriait, soulagé. Les amoureux s’étreignaient dans les rues piétonnes. Le sol pavé de briques rouges figurait des rigoles, des troncs de cônes en pierres accumulées formaient au centre des allées des piédestaux de lampadaires.

    Toutes les boutiques étaient fermées pour le dimanche. La zone commerciale butait contre un mur gris souillé de  tags. Ils revinrent sur leurs pas, trouvèrent une autre rue, défoncée, sans boutiques, aux trottoirs dentelés : la vieille ville des entrepôts, aux vitres brisées, reprenait ses droits. Mais il y avait eu ce rêve de vitrines, et l’on respectait le dimanche, cette année encore. Formán et Viéritsa marchaient main dans la main, évitant les dislocations du trottoir. Ils trouvèrent plus confortable de prendre le milieu de la chaussée, déserte, bosselée.

    Formán se sentit l’estomac creux : le remords, sans doute.

    - Tu n’as pas risqué ta vie. L’eau n’a pas dépassé ta poitrine. Le fleuve avait changé son cours.



     

     


     

  • Blattes, Blattes

    C O L L I G N O N

     

    B L A T T E S , B L A T T E S

     

     

    I Regarde-les, mon âme ; ils sont vraiment affreux - Baudelaire – Les aveugles

     

    1. a) Détail de la reptation, dans les angles, le long des plinthes.
    2. b) Le couple effaré, serré l'un contre l'autre, musique de Schubert.
    3. c) Vision élargie à l'ensemble de la cuisine et de la boucherie de Fort-St-Jacques

     

    II L'héritage

     

    auberge,boucherie,exposition

    a) Ils lisent, effarés,le document descriptif

    b) L'obligation de résidence alla Ponzia

    c) Ils prennent possession des lieux en se déplaçant, toujours l'un contre l'autre – musique

     

    III Les lieux

     

    1. a) Les aubergistes, sur leurs talons, expliquant.
    2. b) Montée de l'escalier, les douches, les chambres merdiques
    3. c) Le puits des miliciens, retour aux blattes

    Tout être qui se sent persécuté est réellement persécuté

    MONTHERLANT Le cardinal d'Espagne

     

    A I a

     

    Les blattes sont de petits insectes dégueulasses, hétérométaboles et dictyoptères. Ils trottent dans les lieux obscurs en faisant cra-cra-cra et se nourrissent de Nos débris.

    Les voici en pleine lumière, au plafond, sur les murs. Partout. Non pas en files ou queue-leu-leu comme les cafards noirs et ramassés, non, la blatte longue et brune a son identité, son autonomie. Elles sont toutes là en positions différentes, éblouies par l'ampoule à 100W qui les fusille aux yeux, les aplatit dans l'illusion qu'elles ont d'être invisibles, elles font les mortes sans penser encore à se contracter d'un coup les six pattes sur le ventre pour se laisser tomber et filer, sans pressentir encore leur extermination à grands coups de savates à même les parois et le plafond nu. Et paf à deux tatanes chacun ça fait quatre taloches qui tapent et tapent sur les blattes qui tombent.

    La mort la plus simple pour l'organisme le plus simple. Ce n'est pas compliqué, un rectangle brun qui craque à peine. Éviter de coller le cadavre au mur en claquant trop fort.

     

    A I b

     

    Sur les blattes les babouches à la main, carnage en dépit du grand nombre de planqués par tous les angles et toutes les fissures, deux humains crâne rasé, roux pour la femme :

    - Vingt-cinq dit l'homme.

    - Quarante-quatre dit la Marquise, rase, rousse, en sarrau bleu. Elle s'est acharnée la vache. Total 69. "C'est un h asard – Fait chier tes obsessions Pascal, cherche un balai." Pascal cherche au hasard vers le fond, là où c'est le plus sale, où trouvent les placards normalement, dans un appartement qu'on ne connaît pas.

    Les cadavres s'empilent sur la pelle et ça fait penser à Auschwitz c'est au tour de Pascal de gueuler T'en as pas non plus toi des obsessions dégueu? Donc ils débouchent leurs oreilles et coupent le son C'était quoi pour toi dit la femme Schubert comme d'hab répond Pascal Passe-moi la poudre à lessiver dans la bagnole il est tout pâle. Il jette les cadavres dans un grand sac en plastique.

     

    A 1 c

     

    Ils sont arrivés mains dans les poches, le reste suit par autocar. Les écouteurs au fond des oreilles, bonne provision de cassettes dans le sac, pendu dans le dos comme une couille arrière. Ici c'est une ex-boucherie, désaffectée désinfectée, avec des grilles serrées serrées de droite à gauche de la vitrine. Des barres creuses, étroites et rondes impossible à frotter sauf à la brosse à dents modèle enfant, semi-cylindres maculés de minium et de sang séché. Odeur fade et vague qui donne la sensation de mâcher du steak juste assez salé limite avarié. Une espèce d'arrière-goût dans la bouche, dont on veut d'abord s'assurer, puis se débarrasser en miappant dans le vide, et qui précisément s'accentue, dans la salive, là, juste au-dessous du creux de la langue.

    A l'arrière, non pas aveugle ni privée de fenêtre, l'arrière-boutique, le boyau-cuisine où se cache un vieux réchaud à gaz tout poreux, une table sous toile cirée. Très grasse. Et si, tout de même, une fenêtre aux volets clos qu'on ouvre à ras du sol de la ruelle latérale (dans un grondement d'espagnolette oxydée) avec vue sur le goudron, le caniveau cimenté mais fendu (ses eaux sales) ainsi que le plâtre du mur d'en face, où s'ouvre une fenêtre de chez les autres avec rideaux plus le cul d'un appareil TV.

    A II a)

    "...soit, pour les époux Schongau-Schongauer" (Marquise Arielle et Pascal Papier) "en propriété indivise un bâtiment sis au six, rue des Puniques sur trois niveaux dont une Boucherie désaffectée plus arrière-boutique, chambres et dégagement sur le premier étage" (toilettes et point d'eau), chambres et point d'eau, combles, le tout

    " - constituant immeuble de rapport dit "hôtel désaffecté" pour insalubrité par décision préfectorale du 20 juillet 84, chaque chambre pourvue d’une literie, de meubles hôteliers adéquats et de tous tuyaux, robinetterie, lavabos et bidet en bon état de marche, à charge tôt ou tard l’obligation pour les époux de réaménager à leur gré exclusif tout ou partie, intérieur ou extérieur des bâtiments décrits susdits – sous réserve d’habitation et occupation domiciliaire constante et définitive des lieux sous peine d’expulsion en vertu de l’article (etc).

    Jeanne de Schonau et Pascal Schongauer dit Papier, unis par cousinage impliquant bâtardise de branche et par liens de mariage ont reçu et accepté le Six rue des Puniques à Fort-St-Jacques à charge d’habitation et d’ « occupation bourgeoise » des lieux » suite à condamnation par contumace de Blatt-Oliver Blattstein en poste puis destitué au Consulat français de Montevideo (Uruguay). »

    Pour trafic illicites Blatt-Oliver croupit dans les prisons dorées de Punta del Este sans extradition possible : c’est du gouvernement uruguayen lui-même qu’il est justiciable.

    « Que mes cousins » écrit-il « occupent cet immeuble. Tout, plutôt que l’Administration

    des domaines ; les Schongau-Schongauer, au moins, n’ont pas, et de loin, les moyens de transformer l’hôtel de mes ancêtres en minable palace de luxe ».

    Accord entre les parties.

    Dont acte.

    « Eh bien… répète Pascal en relisant les textes additionnels.

    - Parcourons, dit Jeanne, Marquise de Schongau.

    Pascal replie lentement le document, et, main dans la main, écouteurs pendants, tous deux s’engagent sur le raide escalier de bois noir qui monte là-haut.

     

    A II c)

     

    A la douzième des vingt marches, Pascal s’arrête net : « Douzième marche de ma vie ; à 4 ans par marche, me voici à 48 ans sur 80 ».

    Jeanne de Schongau ricane.

    Ils poursuivent épaule contre épaule, jusqu’à leurs chaussures sentent la blatte. Ils débouchent à quatre-vingts ans sur le grand palier, qui comprend : une pierre à eau (« évier », de « l’ève » ou «l’ eau », aqua) ; un coin douche, dont les deux parois, dans l’angle, n’atteignent pas le niveau du plafond.

    Et autres choses disgracieuses, armoires, coffres, et tout se qui se désaffecte, le tout affligé de poussière. Des bruits grinçants. C’est éclairé par une vue sur un boyau d’entre-deux-murs.

    Comprenant de surcroît : un corridor tordu au plancher traître, plus au bout à droite une chambre en parfait état d’abandon d’un coup.

    « C’est la plus belle.

    - Sûr ! dit Pascal, qui n’en a pas vu d’autres.

    La cheminée grasse de poussière, une brochure d’histoires belges dans le tiroir de la table de nuit. Couvre-pied lourd, sol déprimé au centre, l’envie poignante d’habiter là à tout jamais, nulle part, et puis de peaufiner des premières phrases toute sa vie. Philosophe à Fort-St-Jacques.

     

    A III A°

     

    « La meilleure chambre » dit l’aubergiste. Et comme on ne l’a pas entendu venir, il frappe sur l’épaule de Pascal.

    «  Je vous ai suivis. Demandez les clés. Vous penchez pas trop. Votre fenêtre donne juste au-dessus de la porte au boucher. Ça c’est de l’étage : 4,50m. »

    La femme de l’aubergiste sur ses talons.Elle avait dit :

    « C’est mon mari qui vous a installé la pompe sur l’évier dans le dégagement. Et des toilettes dans le boyau. Vous avez pas vu les toilettes ?

    - Il y a des blattes, observe Jeanne, de Schongau.

    - Vous aurez du produit. »

    Elle souffle à cause de l’étage. Le mari aussi. Ils sont tous les deux très typés. Sans intention d’être drôles, mais vraiment très gros, très essoufflés. La femme plus que l’homme. Quand on la regarde dans les yeux, on sent une jeunesse éternelle et poignante qui donne envie de la baiser , vers la 15e marche sur 20, mais par derrière, ou sur une table d’auberge, la sienne. En même temps, ce n’est pas drôle, pas comique du tout, le mari non plus ne porte pas à rire : très gros, très fort, très grand, à l’alsacienne, avec des bretelles, un schnurrbart et des restes de blond sur les pattes. Les deux couples se contemplent avec intérêt.

     

    A III c)

     

    Les aubergistes habitent en face, à l’auberge, qui fonctionne, ils ont les clés d’ici, la gestion de l’hôtel leur a été retirée : « Insalubre » dit l’homme, « insalubre ».

    - Il faudrait des frais énormes, dit l’épouse, qui rougit.

    Ces deux personnes suivent Schongau-Schongauer Jeanne et Pascal de chambre en chambre, désaffectées, matelas roulés sur les sommiers, volets mal clos, donnant sur des portions de rues typiques, étroites, dans ce bourg mort signalé « médiéval » : très haut directement par dessus le goudron, 5m 1/2.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

  • ARKHANGEL

    C O L L I G N O N

     

    ARKHANGEL

     

    POINTS DE REPÈRES

     

    Bergerac, 29 avril 2019

    Siège d'ARKHANGEL. Tout le Sud est contre nous, dans le jardin du fond, jadis, Condé-sur-Aisne. De même encore l'année suivante à Pasly, sur l'escabeau d'une salle de classe encore déserte. Je gagne mon galon de lieutenant grâce aux tirs de ma pulvériseuse. Un char d'assaut qui d'un coup de rayon laser réduit en poudre nos plus intrépides adversaires.

    Les cultures s'étendent en surface, sans obstacles. Parfois subsiste le paysage, comme autrefois : la route de Nouvion aux Étouvelles. Cependant lavie des humains se déroule sous terre. Tout s'achète et se vend par distributeurs, jusqu'aux salons complets, jusqu'aux automobiles. Nos entrepôts sont enterrés. Les seules toilettes sont dans la cour d'école. Notre logement n'en a pas. Je chie dans un seau. Je veux être confiseur. Quand je me suis lavé le cul je lance au mur une balle élastique et la rattrape au vol, je joue contre moi-même.

    froid,enfance,guerre

     

    À cette occasion, fasciné par un souvenir de stock-car macérien, nous imaginons une automobile-soucoupe voir Vinci, que nous baptisons ventoréacs. Dans les chiottes duThillot j'imagine un voyage en haute montagne : l'altitude augmente, la température baisse. Les chiottes toujours dans mes rêves. Le plus souvent très sales. Aucun psy ne m'en a délivré. Dans celles de Condé j'invente un personnage plus grand que mon père, 2,10 m. qu'il a coloriés sur une grande feuille. Il n'a pas su résoudre la perspective : les chaussures prolongent la jambe, si bien que Rolstrand est juché sur des cothurnes étroitement lacés. Il s'appelle Rolstrand.

    Roland, comme mon père, plus R, S, T, de façon à rester prononçables. La grande manie de Rolstrand, consiste à faire respecter une exactitude scrupuleuse. Quiconque se met en retard d'une minute se fait engueuler. Plus tard, je hurle de me faire torcher, le frère et la sœur Lanton écoutant, graves comme des papes, le viol qui se perpètre. Ma mère gueule comme une hystérique, son fils ne doit pas porter de slips sales. C'est une bonne ménagère. Tandis que l'enfant gît dans sa chambre (virage de cuti), il convoque en esprit ses parents, les convainc d'embarquer sur son vaisseau spatial : son pays s'appelle Charabie, où l'on parle charabia. Plus tard ce sera Vulcain. Plus sérieux. Dès qu'ils ont non sans mal accepté, la nourriture manque au rêve : plus rien à montrer, l'essentiel est de prouver que ma planète existe, qu'un Père Noël viendra me délivrer, sur une de ces hirondelles qui en ce temps-là pullulaient.

    Un jour le ciel contient un aqueduc orange de nuages ou de traces d'avion: il descend vers moi, ma délivrance est proche, je danse et ils seront punis. Puis je m'aperçois que j'imagine. Se procurer Amadou et Coconut globe-trotters. Le jour de la séparation papa chimpanzée tire stoïquement sur sa pipe, maman pleure dans un torchon bonne-femme (bona fama, bonne réputation). Un roman que j'ébauche est une fugue avec mon père : nous partons de Nice, où je n'ai jamais mis les pieds, et vivons de chasse dans l'arrière-pays, droit au nord.

    Je tire à l'arc sans grand succès. Cette fiction se heurte aux réalités - du réalisme. J'invente une ville Charleminvin. Son nom vient d'un roi qui se fait réveiller ; à telle heure moins vingt le serviteur crie dans l'escalier "Charles ! Moins Vingt !" - l'enfance est conne. Précisement des cartes. Bégaiement des noms : Bébébut, Zézébut, l'un remplacé par l'autre,et les vrais tas de sable au bord de la route se peuplent de lutins, connaissance avec Bibi-Fricotin.

     

    En colonie de vacances (les jolies...) sévit une vague de chaleur. Tous les deux jours pendant la sieste un colon raconte des histoires de cul. Les autres se branlent sous le drap je me fais virer dans un réduit tout blanc je parle tout seul le gros André me dit de la fermer j'peux pas dormir merde !

    Mohon Carlepont bataille de Sans-Franska-le-LacVictoire ! Victoire ! Le Sud reflue -

     

    Les années passent et dans mon impatience durent quinze jours : 4007 commence aux vacances de Pâques et s'achève à Quasimodo. Le réajustement du temps

    Plus tard, les chiottes fraîches de l'école sentent le ciment frais. Je coïte et cohabite dans le sexe d'Uocquige : celui qui baise sa mère et qui reçoit les coups de queue dans sa poche utérine. Uocquige est un nom zinon : "uo", c'est un mot à l'envers, pour "ou". Le cou, "el uoc" ; le bijou, "el uojib". Jamais je n'ai pu redécouvrir, quelles que fussent les contorsions que j'infligeasse à ce nom, de étymon véritable il partit. Ma mère s'appelait Simone. Il faut tout édulcorer : s donne z, m donne n. En Zinonie, passée une vaste étendue maritime, lalangue maternelle se parle à l'envers.

    Le drapeau d'ARKHANGELSK sera édulcoré : bleu-blanc-rouge égale vert-jaune-mauve. Édulcoré mais cruel. Fier-Cloporte joue aux cartes en comptant sans cesse : As, deux, trois, jusqu'au roi. Chaque fois que la carte retournée coïncide avec la carte prononcée à haute voix, elle est éliminée. Chaque carte a fait l'objet d'une liste alphabétique, dans l'ordre hiérarchique descendant : cœur, carreau, trèfle, pique. Ensuite existe un système de grâces. L'une d'elle consiste en une nuit avec une femme.

     

     

    Plus tard plus tard à Nouvion la salle à manger j'invente les Escargots Volants qui tombent du ciel et vous aspirent à travers leur ventre fendu, j'imagine la Grande Débauche où les filles présentes à chaque mètre s'ouvrent le sexe et se cambrent pour être baisées.