Proullaud296

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  • La philo c'est rigolo, lo, lo, lo...

     

    Philosopher, ce n'est pas nécessairement prendre un air grave et constipé ! Tenez : le fameux raisonnement du bateau de Thésée. On y change une planche, une volige, un peu du pont, un peu du mât – à la fin, il n'y a plus une parcelle du bateau qui ait appartenu au bateau initial. Pas une cellule de votre corps qui n'ait été changée de puis votre cinquième anniversaire – sauf dans le cerveau, je crois ; et ce tableau, depuis le temps qu'on le restaure, de siècle en siècle, comment affirmer sans rougir qu'il est bien le même que celui du peintre, mort depuis cinq cents ans ? Alors, il faut bien utiliser la notion d'espace-temps, de la cinquième dimension, avec ce problème que le temps a une direction, unique, tandis que l'espace en a autant qu'on veut. Ou bien, si le temps est réversible, nous pourrons voyager, un jour, dans le temps – mais alors, notre passé n'a-t-il pas été façonné par des hommes du futur ? toute une collection de livres et de films a exploré cette dimension de l'imaginaire ; car si nous pouvons voyager dans le temps, c'est qu'il est figé, il n'y a ni demain, ni aujourd'hui, ni demain !

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    Mais alors, nous ne sommes pas libres, tout est écrit, par Dieu ou par les hommes du futur ? Nous nageons en plein d'Ormesson, en pleins clichés, mais ces questions nous fascinent toujours autant, radotage ou pas, et gardons-nous bien de trouver une solution, car nous nous empresserions de trouver encore un problème dans la solution. Au lieu de nous « prendre la tête », agissons, diront quelques sages de bistrot (nous en faisons partie) – oui, mais agir implique des principes, dont nous ne saurons jamais s'ils sont vraiment vrais, ou vraiment faux, ou faussement vrais, au secours ! À quoi bon chercher la vérité, et cette question a-t-elle même un sens ? « Qu'est-ce que la vérité ? » - c'est la question de Ponce-Pilate à Jésus.

     

    Jésus avait la vérité : il a mal fini, si toutefois il a fini. Autrement dit, démerdons-nous, ne soyons ni trop indécis, ni trop péremptoires. Mais ne reculons jamais, petits humains, devant une petite cure de philosophie théorique, même abstraite, métaphysique : elle rejoint très vite nos préoccupations quotidienne. Que le meilleur gagne, et entraîne les autres à devenir ses ex aequo. Car la vie ne saurait être un simple champ de bataille. « Le puzzle philosophique » de Jiři Benovsky, est l' «un des rares livres écrit en français dans lesquels on trouve l’évocation du présentisme et de l’éternalisme". Je cite ici Baptiste Le Bihan : "Le chapitre IV, “Le journal d’Eééédipe” explique en effet que la possibilité des voyages dans le temps suppose l’éternalisme. Le texte est bref et clair. Je vais évoquer un point" dit-il "sur lequel je ne suis pas d’accord avec l’auteur. Celui-ci affirme que l’un des défauts de l’éternalisme est de conduire à un fatalisme (p.103) :  “puisque le futur existe, mes actions futures et mes volontés elles-mêmes sont déjà fixées, et je ne suis donc même pas libre de vouloir autre chose que je ne veux et d’agir autrement que je n’agis !”. Jiri Benovky affirme ensuite qu’une solution pour réconcilier libre-arbitre et éternalisme serait peut-être les espace-temps à branches. Le Bihan n'est pas d'accord.

     

    "Jiri Benovsky aborde quelques grands problèmes philosophiques par le biais de cinq petites histoires, qui renvoient les unes aux autres à la manière de pièces d'un puzzle et nous fournissent l’occasion de discuter du « problème du vague » (la calvitie, la beauté, la vieillesse) », (…) « de la manière la plus claire et la plus charitable possible et à prendre soi-même parti en essayant de construire sa propre théorie. Les théories discutées ici sont difficiles. Mais Jiri Benovsky nous donne le maximum de chances de les évaluer. Rien de moins élitiste et de moins snob que l’activité consistant à offrir à ses lecteurs des raisons, et à s’adresser chez eux à la capacité de raisonner pour en trouver des contraires ou de meilleures. C’est pourquoi ce livre est l’une des meilleures introductions à la philosophie qu’il m’ait été donné de lire. » Pascal Engel.

     

    "Ce livre s'adresse donc aussi bien au lecteur débutant en philosophie, qu'au lecteur plus averti qui aura plaisir à reconnaître, traités dans un style alerte et drôle, des problèmes complexes et fascinants." Plutôt que d'avoir infligé aux auditeurs nos réflexions aigres-douces d'ignorant mécontent de se faire déranger dans son petit confort, nous n'aurons donc fait que reprendre à notre manière, ou de citer, les critiques compétents de ce "Puzzle philosophique" dû à Benovsky, né en 1978, enseignant à Fribourg en Suisse, et dont les cours doivent être passionnants

     

  • Elèves, parents d'élèves, etc.

     

    La fille Démonacci (prononcer à l'italienne!) qui découvrit à la classe toute la sensualité de Senghor, lorsqu'il décrit la pirogue ouvant l'eau de son sillage qui se ferme derrière elle ; ravie des allusions de Moil'Nœud, l'année précédente, à la masturbation clitoridienne. Cette jeune fille est devenue infirmière ; je lui ai fait dire par sa mère, croisée entre deux caddies, que j'aimerais plus tard être soigné par elle. Je me souviens d'Eulalie Zino, névrosée géniale, capable de se taper 18 en première, absente incessante mais bachelière haut la main. Tant de fantômes si vivants, désormais sur la pente décroissante de leur vie. Tant de visages dont le nom m'échappe - combien de personnes croise-t-on au cours d'une vie ? une nuit dans la ville de Tulle, seul et tous hôtels complets, je me suis répété à haute voix les noms et prénoms de toutes les personnes qui avaient croisé mon existence ou celle de mes parents ; la liste était innombrable.

     

    Je ne cessais de parcourir la ville, remontant, redescendant, m'épuisant sans en avoir conscience.

     

     

     

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    Ils ont été bien tolérants, finalement, les pères et mères, de m'avoir supporté comme ça... Pourquoi est-ce que je voulais attirer leur attention ? “Qu'est-ce que vous voulez dire à vos parents ?” me répétait Ingolstadt, psychiatre freudiste d'Ankara. Les parents d'élèves étaient mon cauchemar. Il y eut à ce sujet un article dans Le Monde : si un passager venait diriger l'avion, si un patient voulait superviser une opération, on les enlèverait de là et on les renverrait à leur incompétence... J'étais remonté à bloc contre eux...C'est le moment de rappeler Volterreau, qui vint me voir un jour, l'œil tout illuminé, le teint enflammé, me réciter ce que lui avaient seriné ses parents : que j'étais son professeur, que je pouvais paraître bizarre, voire complètement fou, mais que je représentait l'autorité professorale, et que ma fonction requérait de tous les élèves le respect absolu, l'amour et l'admiration. L'escalier Saint-Charles, mi-parti.JPG

     

    Il semblait si joyeux de me tenir au fait de cette vigoureuse mise au point familiale, si soulagé de se voir ainsi solidement recadré, protégé, solidifié, que m'en déclarai fort satisfait et le renvoyai tout rasséréné, sous son auréole. Il tint parole, demeura loyal, et travailla de son mieux toute l'année scolaire. En 67à St-Blase le père Latuile, parce que son fils ne devait pas être « désobéissant ». C'était lui que j'avais laissé baguenauder à la fin de la dictée, le nez en l'air et sûr de son zéro. A la fin, à une faute par mot oublié, il s'en était tapé une somme astronomique, aux rigolades de toute la classe, la sienne comprise ; je faisais des farces. "Pas assez sévère pour un prof de français".

     

    Tintélian 2016 : aucun souvenir, aucune protestation. Et pourtant j'ai puissamment déconné. Plusieurs fois je leur ai fait « permanence », carrément, lisant le Canard les pieds sur mon bureau. La Censoresse m'a surpris comme ça. On me conserve parce qu'on me croit proche parent d'un inspecteur général d'arts plastiques. Après tout, la censoresse était bel et bien la maîtresse du proviseur...Un jour ce dernier vient dans ma classe, flanqué de l'Inspecteur d'Académie convoqué par lui : un original qui faisait son jogging en toutes saisons à six heures du matin. Un rigolo. Un farfelu, un frangin, qui ne me jugea pas plus farfelu que lui : mon cours fut excellent, il repartit dans le couloir en répétant avec ravissement “que diable allait-il faire en cette galère ?” ...un malade, comme moi. C'est cette année-là que j'ai rencontré le « divin frère » O'Storpe, que j'ai connu là-bas avec ses cheveux longs ! Quand je dis « cheveux longs »... Il ne «leur » fallait pas grand-chose... D'abord nous nous observions, puis nous nous sommes abordés. Il en fut de même entre Noirs, au collège de Varignac : « C'est chouette, on a deux profs black ! » disaient les élèves. Au début, ils se sont évités, puis considéré avec méfiance, puis la force des choses s'imposa, et ils sympathisèrent.

     

    L'un des deux s'appelait Répétalo. Je lui fis un jour décrocher un téléphone imaginaire : « Et maintenant, répète «  Allô ».  Il a reposé l'appareil, brusque, méprisant... Il a récité à table, à voix basse, ses prière musulmanes. J'ai dit « Amîn », il a discrètement acquiescé. Il faisait cours sur la négritude au début de chaque année, de façon que les élèves appréhendent bien ce que c'était que d'être Noir, ou Blanc. Je regrette aujourd'hui de ne plus avoir d'ami de couleur. Gambriac : M. Lageot dit que je fais faire à la maison tout le travail qui n'a pas été fait en classe. Je demande au gosse dans quel village il passe ses vacances dans la Nièvre, il refuse de me le dire crainte de me voir débarquer (crainte justifiée d'ailleurs).

     

    C'est lui qui n'obtenait que dix, et dont le père s'inquiétait : « Laissez-le donc à 10, puisque cela suffit ».