Proullaud296

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  • Rêves, et discours d'adieu (2041)

     

     

    26 09 2039

     

     

    Dans une rue déserte, à midi. Annie est assise sur une chaise réservée aux consommateurs, sur le trottoir, dans l'ouverture d'une fenêtre, je me penche sur un carton contenant du raisin mangé et avarié, pour voir s'il n'y a rien à récupérer. Par la fenêtre la vendeuse demande si Annie va rester là longtemps. Elle répond que non. Puis elle se lève en disant qu'elle va, avec ses deux amants, chez tel androïde. La vendeuse rit. Annie rejoint X., d'autres ont été invités chez F. je dois rester avec Frau Goldschmidt. J'entre dans des toilettes de restaurant ariégeois. Une jeune femme me regarde avec intérêt parce que je suis très beau (vérifié dans un miroir).

     

    Je crains en sortant d'avoir l'air fort crispé. Réveil (queue d'immense rêve).

     

    27 09 2039

     

    Je chipe une cigarette à Lombardo. Je trouve un flacon à laver, appartenant à mon père. Il contient un acide puant. Je me recule. Monte du fond du flacon une espèce de raie. En surface, devient une chauve-souris inconnue, de faciès expressif. Elle se fait bouffer par des souris minuscules, style bande dessinée. Je mets un linge sur un aquarium pour ne pas voir cette scène de déchiquetage. Dommage qu'un être aussi beau (et féroce) soit dévoré. Mais je retire le linge, le fier animal est déjà bien mal en point.

     

    (autre fragment vraisemblable)

     

    ...or il n'y avait plus rien de juste dans tout cela, et j'étais en plusieurs lieux à la fois, je vivais plusieurs épisodes à la fois de ma vie passée, ma vie et mon regard étaient devenus profonds à l'instar de ceux qui vont mourir du sida ou qui vont mourir et seuls à le savoir se retiennent de le confier tandis que leur œil profond s'approfondit dans les lueurs de fins d'après-midi. Et l'orgue et ses paliers [sic] résonnaient encore dans ma tête. Un jeune homme droit de dos jouait suspendu dans les boiseries raides et claires, et les femmes de service poussaient un balai anobli et silencieux sous les cascades méthodiques des tuyaux.

     

     

     

    DISCOURS D'ADIEU juin 2041

     

    Vous vous attendez au pire, vous avez tort, ce sera pire.

     

    Mesdames, mesdemoiselles, s'il en reste, Messieurs, s'il s'en trouve, et autres, Ladies et Gentlemen, Saadi ou Saayadati, Allah ou akbar ou zebbi rikiki, meine Samen und Spermien, Senoras y Senores, Monsieur le Pincipal, Monsieur le Principal Adjoint, Mon Colonel, Ma Sœur, mes pieds, gens du monde entier et d'ailleurs, faune invisible et lointaine, cher public, salut.

     

    Douze années dupont vous supportâtes avec une allégresse résignée mâtinée d'une espèce d'hilarité navrée les élutrouducubrations j'ose espérer parfois cathartiques de votre non moins perplexe observateur, acculés que vous fûtes en ces lieux chaleureux, dont les vastes baies remarquablement conçues vous permirent quelle que fût la saison de recuire vos rancœurs enmi les touffeurs d'un éternel hammam.

     

    Et cependant de mon trou lointain j'observais, je considérais ce ballet d'ombres platoniciennes et cavernicoles, ces reflets sur paroi de bulle formant mon seul et unique diorama social en ces dutrs déserts banlieusains, percevant l'un, pressentant l'autre par une phrase, un regard, un tic, placé placé par mon enchantement dans l'impossibilité volontaire Sigmund le sait d'effleurer la bulle éphémère.

     

    Heureux Théophile Gautier qui sut dans sa jeunesse s'enflammer pou tant de femmes successives, faisant tenir toute une vie d'amour en quelques semaines. Pour moi, il n'est pas une femme, il n'est pas un homme ici dont ej n'eusse voulu devenir l'amant ou l'ami, chiasme qui peut. Il n'est pas un trésor humain dont je n'eusse voulu un jour détenir la clef si bien que, les yeux, les yeux plus gros que l'âme et suivant mon penchant, je me vis contraint avec nostalgiques délices de prendre à chacun l'étincelle qu'il voulut m'accorder, et nul d'entre vous ne s'est dérobé à sa générosité.

     

    Mention spéciale à mes compagnes et pagnons d'hodiernes festivités, pedantissime loquendo, à qui j'adresse mes congratulations à l'occasion primo d'une prise de voile que Junon féconde - « Tu vus du jus ? - Non. » , deuxio d'une OPA sur le Marseille's football-club, enfin des repreneurs sérieux, troisio d'un rapprochement Bouhumiano-charentonnais qui n'étonnera que les cloportoïde anti-sadiens. Merci aux Trois Grâces ici présentes et bientôt loin de nous – ce n'est plus de la transhumance, c'est de l'hécatombe. La première par délicat piston me procura les murs et le plafond où présentement j'habite encore ; l'autre m'apprit qu'on peut se faire secouer le caféier en tout bien tout honneur, la troisième enfin, last but not least, m'a enseigné dans la persévérance aux plaisirs de l'amitié entre un homme et une femme, si si, ça existe ; sans elles trois j'étais nu, sans elles je restais sur le seuil. Merci à ceux qui sont revenus subir le pot sur le revenu. Merci à l'administration que je n'hésiterai pas à qualifier de géniale en ce qui me concerne s'il est vrai que « le génie est une longue patience ».

     

    Merci à tous d'avoir existé, d'exister à tout jamais dans l'exaltante mission que le Ministère nous confie auprès des masses turbinantes.

     

    Merci d'avance aux collègues de Lettres Classiques à qui est désormais dévolu le soin de révéler aux chastes oreilles de leurs élèves les historiques et ineffables mystères des frères Moilnœud, Crassus et Pompée.

     

    Et laissez-moi pour terminer lever mon verre à toutes les femmes de l'établissement que je n'ai pas eues, ce qui fait tout d emême, sans vouloir me vanter, un sacré paquet, lekhaïm ! 

    Rue du Berceau.JPG

     

     

     

     

     

     

     

  • Qualité littéraire inférieure

     

    On ne sait pas au juste ce que signifient les mouvements de la queue d'un chat. Les spécialistes se laissent aller à l'embarras : est-il mécontent ? Satisfait ? Excitation sans doute avant la capture d'une souris, d'un oiseau ? - queue longue et fournie, passant et repassant au-delà des herbes rases de l'arrière-train comme une pale d'éolienne, et la pluie se remet à tomber – le chat possédait-il son microclimat ? Pour compléter leur exploration, ils se sont dirigés vers les limites latérales de leur domaine ; c'était de loin le plus dangereux de tout : les Anciens prétendent qu'au bout de l'Océan, les eaux tombent nécessairement dans le vide en toute éternité. Ils se sont accrochés sans céder au vertige, la rotondité du ventre s'incurvant sous eux, et l'on entrevoyait sous l'abdomen une forêt de poils dont le sommet pointait, contre toute logique, vers le bas...

     

    Ils rejoignirent leur campement de base, à peu de distance du double jeu des bielles d'épaule. La bête s'était assise et il ne pleuvait plus ; la pente du dos se fit raide, mais ses habitants s'étaient tressé des abris : par les fenêtres ménagées l'on voyait par-dessous, très bas, la queue de l'animal qui se perdait au loin comme un grand fleuve sur un carrelage. Rien n'empêchait à vrai dire de suivre l'échine, et de s'évader, côté pattes ou cul. « Que dirait-on de moi » dit le Pirate, «moi qui suis le fantôme du château. - Voilà pourquoi le chat se trouve toujours en ambulation ! s'écria-t-elle. - Pars si tu veux. - Point ne suffit de partager tourments et joies pour former un couple - Quelles joies ? quelles vicissitudes ? Nous sommes les hôtes bienheureux de la Grande Fourrure Universelle, qui nous chauffe et nourrit nos corps par la couche d'impuretés qu'elle produit."

     

    Car la manne avait cessé de tomber.

     

    Catia dite Vicki reprend : « Nous menons une vie trop proche de la nature. Au point que nous savons à peine qui nous sommes, peu différenciés d'un de ces innombrables poils qui nous cernent.

     

    - Veux-tu supprimer le chat ? dit le Pirate. - Ce n'est plus un chat, mais le monde : paysage et prison ; je voudrais vivre enfin parmi les hommes. » Un temps. Brian devint grave : « Sais-tu que nous sommes morts ? » Vicki se tut. Les morts en effet trouvent autant de difficulté à se représenter la vie réelle que nous autres la mort. Puis la jeune femme s'étonne de ne point voir d'autres morts, "ses frères". « Te rends-tu compte » dit le gnome « à quel point nous gagnons à ne pas nous encombrer de frères, qui nous imposeroent des règles sociales ? Ce félin nous protège. Nous ne désirons pas en descendre, quand bien même nous en fournirait-il toutes les occasions. » Alors intervint l'extraordinaire évènement : dans les lointains brumeux, aigres et désolés, bien au-delà du Rebord des Toisons, ils aperçurent une autre forme, comme la leur immense et imprécise, un animal - un Chat, un autre Chat. « Couvrons-nous, murmura le gnome, qui s'enroula parmi les poils : deux chats qui se rencontrent se battent ou copulent, souvent les deux ; dans tous les cas, danger mortel pour nous. » La jeune femme au sommet d'un branchage fit de vastes signes : "Ohé ! du chat !" Le leur fit une embardée. Brian se cramponna. Les passagers de l'autre bête, cramponnés d'une main à leurs poils de monture, envoyaient de l'autres de vastes signes ; les deux bêtes se trouvèrent alors face à face, dos arc-bouté : deux Femelles.

     

    Vicki lança de ferventes actions de grâces à Bashtet. Ceux d'en face n'occupaient visiblement leur bête, noire et blanche, que depuis fort peu, car leurs efforts consistaient autant à se retenir qu'à formuler des paroles articulées. Il apparut qu'ils crevaient tous de faim et d'ennui, bien quecelui qui paraissait le chef affirma qu'il avait lancé toute sa troupe dans les jeux de société : leur bête présentant différentes couleur dans le pelage, qui permettaient d'inventer les règles d'un jeu de positionnement tout à fait analogue au jeu social des castes et des salaires dans la vie précédente. Vicki se tut, les échines retrouvèrent l'horizontale, et les deux félins infernaux reprirentséparément leurs courses régulières vers l'outre-tombe ; le Félin du Pirate allongeant le trot, jamais plus les passagers ne se revirent.

     

    Vicki plongea dans une méditation sans fond, le Pirate sortit de ses broussailles en rajustant ses braies du XVIIe - en vérité, à quoi bon mourir, se voir attribuer la chance inouïe d'un sort romanesque, si c'était pour reconstituer la hiérarchie des vivants. Elle en fit part à son compagnon : à qui d'autre se confier ? Brian repartit qu'elle-même, Vicki, n'était pas loin de reconstituer à son tour ce qu'il était convenu d'appeler dans le Premier Monde une "scène de ménage"... « Attends, Pirate, j'ai plus banal encore : j'attends un enfant. - Tu es plus sotte encore, lui dit-il, que je n'imaginais : comment peux-tu concevoir, que des morts donnent naissance ? » Vicki manifesta quelque désappointement, puis s'aménagea une chambre des plus confortables, en tressant de plus longs poils.

     

  • Nimier, "Les enfants tristes"

     

     

    Les enfants tristes de Roger Nimier deviennent très vite de grands enfants de plus de vingt ans, qui traînent leur fric et leur bourgeoisie dans les boîtes. Ils ne donnent pas dans l'existentialisme, ne se droguent ni ne s'alcoolisent. Ils sortent entre eux, couchaillent, philosophent et s'ennuient en dépensant. Ils sont beaux, alanguis, superficiels et désespérés. Face à eux, de plus vieux, des adultes ventripotents, des vieilles fardées, spurs d'eux, industriels, sans régérence à la guerre qui s'est achevée. Représente principalement tout cela Olivier, qui se paye la tête de son gros père et de sa mère volage. Olivier ! On songe tout de suite aux Faux monnayeurs et avec raison. La patte gidienne est ici indéniable, comme la patte de bien d'autres.

     

    Toutes les œuvres de Nimier sont des œuvres de jeunesse puisqu'il est mort à 37 ans d'un accident de voiture, et ma foi c'est une découverte, concernant le premier des "Hussards". La patte gidienne se retrouve dans la lourdeur – curieuse alliance d'idées – permettant de souligner le regard extérieur de l'écrivain sur ses personnages ; il commente surabondamment leurs faits et gestes. À ce point de vue l'on peut dire que c'est un roman psychologique donc dépassé. On me permettra de n'en rien penser. Je veux couvrir ce livre de fleurs et déjà les bras m'en tombent. Dois-je vivre longtemps encore ? Olivier ne se suicide-t-il pas à la fin du roman, juste après son mariage ? Ô pitoyables morceaux d'humanité !

     

     

     

    Pauvres riches et pauvre jazz ! Pauvre femme trop jeune pour son bedonnant! Pauvre ventru bourré de certitudes inquiétantes ! Bien caricaturé, celui-là : règlement de comptes de Nimier avec son père ? Fait-on de la littérature avec des règlements de comptes ? Pourquoi toujours les jeunes qui souffrent et meurent ? Pourquoi tant de vide, pourquoi ne s'aperçoit-on pas de ses amours ? Pourquoi est-il si tôt trop tard ?

     

     

     

    / Lecture de la p. 47 /

     

     

     

    C'est brouillon non ? C'est le cerveau d'un sexagénaire qui se décompose et pense, car penser, se décomposer, sont une seule et même chose. Ô combien de neurones, combien de synapses, "qui sont partis joyeux..." - le père Thibault de Roger Martin du Gard est passé par là. Celui de notre héros épouse uneMalentraide, au nom soigneusement choisi par l'auteur, déjà pourvue d'un grand fils, Olivier. Les rapports sont tendus entre fils et beau-père... Comprenez-vous mieux ? Le cas s'est-il présenté pour vous ? Peut-on prendre pitié des jeunes gens pâles comme des asperges et qui se confectionnent des cocktails ? Avez-vous entendu parler de Boris Vian ? Les références se bousculent au bout de ma plume frottée de Faculté. Mais qui était Roger Nimier ?

     

     

     

    / Lecture de la p. 94 /

     

     

     

    Tiens, je n'en avais pas parlé, de celui-là ! Raoul, le demi-frère, le demi-double, aussi bouquinier que l'autre mais sur le bouquinisme duquel on insiste davantage. Autre enfant triste affligé d'un père vivant, se puant à lui-même de sa ressemblance, gauche, ingrat de manières et de physique. "Tiens-toi tranquille et lis" : oh oui ! oh oui ! que certains connaissent ! et balourd avec ça, toujours embarrassé, peine à jouir, ce n'est pas dit, mais peine à aimer ô combien. Il y en a pour tous les goûts, et vous aussi pouvez vous reconnaître en ce liseux, si Olivier le trop flambant vous semble loin de vous. Âme éparse de Nimier, rassemblement ! Sonnerie...

     

     

     

    / Lecture de la p. 141 /

     

     

     

    Olivier vs le beau-père. Match feutré. À Olivier l'avantage, par son ton courtois, ses manières félines. Rien de plus exaspérant que la distinction pour les balourds beaux-pères automatiquement coupables. Dès que vous justifiez, que vous cherchez à vous donner raison, avez-vous observé combien sur-le-champ tort vous avez. Quelle saveur dans l'altercation...

     

     

     

    / Lecture de la p. 188 /

     

     

     

    ...A quoi servent tant de lectures, si j'ai oublié Didier ? Non point Tessa cependant, sur qui s'abat de surcroît ce réseau de mailles qui fera plus tard d'elle une femme. Tessa calcule ses provocations. Tessa, canadienne, est présentée tout en coups de pattes, légère autant que les autres, prenant la vie et ses queues dissimulées – "le ballet des queues tout autour de ses hanches" – la vie comme elle vient, et cette absence de questions est un questionnement plus fort encore : enfant triste... Ce sont les yeux de Nimier qui sont tristes, voir photo. (Audition de musique) - / Lecture de la p. 235 / :

     

    Olivier s'en va-t-en guerre. Il devient héros, s'entraîne à l'aviation aux Etats-Unis, ne les requitte plus jusqu'à la paix : est-ce bien raisonnable ? est-ce bien vraisemblable ? Et de parler, de parler, de s'expliquer ! Non monsieur, pas de longueurs chez Nimier, un simple entraînement de jeunesse, on se demande comment tout cela va finir, puisque c'est la vie qui vous brasse n'est-ce pas, un grand sentiment d'irresponsabilité, même en guerre. C'est le cerveau, l'ennemi, le soi, ne se remplir que d'évènements, de commentaires à extérioriser à tout venant, à tout confident, à tout lecteur, à tout pique. Je n'y crois pas : héros ? Qu'importe...

     

     

     

    (A suivre)