Bordonove, en avant-première à mon émission
BORDONOVE CHARLES CINQ
L'Autriche, l'Espagne, auront Charles-Quint, régnant dès son accession au trône sur un vaste domaine , où "le soleil ne se couchait jamais", et ne cessant de vouloir l'agrandir ou le préserver. La France, plus tôt, en pleine Guerre de Cent ans, posséda Charles V, posséda Charles V, qui ne possédait pas beaucoup : juste les restes d'un tout petit royaume capétien, ravagé par trente ans de raids Anglais, comme celui du Prince Noir et de son massacre de Limoges (et non pas "génocide" M. Bordonove, attention à votre vocabulaire). Ce Charles V dit "le Sage", célèbre pour sa bibliothèque d'érudit (au moins 35 volumes !) et son esprit obstiné, réussit, depuis ses bureaux, sans se mettre physiquement à la tête de ses armées (une paralysie de la main droite, suite sans doute d'une tentative d'empoisonnement, l'empêchait de chevaucher correctement), à reconstituer son royaume, province après province, grâce aussi à l'aide du vaillant connétable Du Guesclin, dont plus personne n'apprend les exploits, parce qu'il ne faut pas exalter le fascisme en stigmatisant les populations immigrées.
De plus, bien que notre nouveau roi possédât la ténacité, la ruse, le sérieux des Capétiens qui s'étaient succédé sur le trône depuis Hugues Capet, ce n'en était plus un: en effet, depuis la mort de Philippe le Bel et de ses trois désastreux successeurs, trois frères, il n'y avait plus de mâle pour monter sur le trône de France. Le trône devait revenir à la fille de Louis X le Hutin, que ce dernier croyait bâtarde. Les fascistes qui ont regardé le feuilleton des Rois Maudits savent ou croient savoir que les héritiers se sont alors fendus d'une loi artificielle nommée Loi salique, excluant les filles du trône, et même les fils des filles : aucune femme ne pouvait ceindre la couronne.
Or n'en déplaise à nos bien chères sœurs dans le vent féministe, il ne s'agissait pas d'un grossier faux, machiste, mais d'une réflexion visant à empêcher ladite donzelle d'épouser un prince étranger, ôtant toute chance à la France de devenir la France : notre pays serait gauchistement passé sous la bienfaisante domination étrangère. Et c'est ainsi que monta sur le trône, avec ses pieds sales, Philippe VI de Valois, fils de Charles de Valois, frère cadet de Philippe le Bel. Philippe VI était un vaillant guerrier, pas très futé de la comprenette, mais amoureux du panache et des grands faits d'armes individuels et portatifs, à l'ancienne, complètement dépassés. Et en prenant parti dans la révolte des tisserands flamands, dont les clients étaient de tous temps les Anglois, il déclencha, le malheureux ! la guerre de Cent ans.
Ce n'était certes pas sa faute, mais tout de même, après la défaite Crécy, après la Peste noire qui coucha sous terre un tiers de la population européenne, après la défaite de Poitiers en 1360 où son successeur Jean le Bon fut fait prisonnier, la pagaïe la plus sombre régna en France. Charles V fut régent à la place de son père, et dut affronter la révolte d'Etienne Marcel, prévôt des marchands, que nos révolutionnaires ont assimilée à la première manifestation de la démocratie contre un pouvoir tyrannique monarchique, alors qu'il ne s'agissait que de remplacer les seigneurs par les drapiers, lesquels se fussent aussi abondamment servi dans le trésor tout en se battant entre eux. Le jeune Charles V les reçut dignement, négocia dignement, malgré leurs mauvaises manières quelque peu sanglantes, et les roula dans la farine, exécutant de ci de là quelques meneurs. Et le peuple, celui qui ne comprend rien mais préfère travailler dans le calme, se mit à aimer ce petit roi qui ne payait pas de mine : car le roi, n'en déplaise à certains, constituait alors une garantie d'autorité, de stabilité, cautionnée par les fascistes ecclésiastiques, et s'attaquer au roi n'était rien d'autre qu'un sacrilège, une offense à Dieu qui n'existe pas, comme nous en sommes persuadés, parce qu'il ne faut pas nous la faire (en Tardenois).
Lorsque le vaillant Bertrand Du Guesclin et son cousin, vaillants Bretons, eurent chassés les Grandes Compagnies de soldats désœuvrés en Hispanie pour s'y conquérir des châteaux, d'où l'expression "châteaux en Espagne", le pays de France poussa un grand ouf, et lorsque Charles V mourut en 1380 à l'âge respectable de 42 ans, tout était pacifié. Il avait au passage légué sa bibliothèque à ce qui deviendrait plus tard la Bibliothèque Nationale. Si je lis l'article de Wikipédia, j'y glane encore ces quelques informations : il fut comparé à saint Louis par son sens de l'Etat ; il isole l'Angleterre du reste de l'Europe ; il lit la Bible entière chaque année "à raison de quelques pages par jour"
Il eut pour fils le brillant Louis d'Orléans, qui fut assassiné, ainsi que son frère aîné Charles VI le Fol ou le Fou, car après lui, le pays se mit à resombrer. Le règne de Charles V ressemble à toutes les histoires de rois ou de dirigeants, par une accumulation énorme de faits oubliés par chacun, formant un gigantesque écheveau, où tout se tient où tout s'embrouille, où seule une intelligence supérieure et un beau sang-froid permet de pêcher le meilleur au bout de sa ligne et de rouler chacun sans se faire trop d'ennemis. L'index final nous promène de ducs en sénéchaux, de comtesses en épouses répudiées, de faits d'armes et de trahisons, avec une moyenne d'âge de 45 ans au décès.