Proullaud296

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Folie de littérature

Aux premiers temps de nos correspondances, nous entretenions encore certaines illusions, ou ombres d'illusions, ou dernières aigreurs (« le chant du cygne de l'aigreur ») au sujet de nos œuvres ou de nos traces .

J'émettais sur la sienne des opinions édulcorées, me jugeant sottement bien supérieur, et m'efforçais de toutes mes pattes de trouver la recette à la publication. Il fallait fréquenter de riches pédés de la Rive Gauche. Si cela suffisait, mon Dieu, il y aurait engorgement sur les étagères, où tous les livres se feraient du bite-à-cul.Kosta n'avait aucune expérience en la matière, et n'en éprouvait aucun regret. Pour lui, nul progrès depuis la médecine de ses années jeunes : l'homosexuel est un névrosé, à soigner. Il existe des homos névrosés. C'est exactement pour cela que j'y ai renoncé : ces enculages sentaient trop l'arrière-cabinet de psychiatre, là où on s'encule. En attendant, comment réussir ? Les uns sont sortis de leurs cabarets, Aznavour, Juliette – les autres, non – nul n'a pu découvrir pourquoi. Un seul titre qui flambe, et l'incendie se propage ; vingt ans sous le même caveau, de fervents admirateurs, et pas d'issue, rien en soulèvement de ocuvercle. Pourquoi ? c'est comme ça. Warum ? Darum.

Kosta relisait ses œuvres, hochant sa tête intérieure et n'en pensant pas moins, retenant ses attendrissements aux justes mesures de la discrétion, avec méthode et Méditerranée. « Que lis-tu ? » demandais-je parfois. Il répondait qu'il relisait ses œuvres avec indulgence, là où Goncourt (le seul, Edmond) côtoyait la folie devant le manque de reconnaissance. En vérité de qui suis-je le Kosta, de qui sommes-nous les Kostadès… « Ce sera mon Goncourt à titre posthume ». Il m'envoya une coupure humoristique extraordinaire : sur le seuil de son bureau , en pleine nuit au pied des HLM illuminées, un quinquagénaire habillé en bourge s'exclamait : « Ils peuvent toujours venir me chercher, avec leur Goncourt ! » Arbre rmn.jpg

Et par la porte ouverte s'entrevoyaient des rangée de livres méticuleux, toute ue vie de recherches et de bien-écrire sous de demi-cylindre vert horizontal de l'écrivain modèle, infatigable et méritant. J'éclatais de rire, aux larmes. Quant à Toubilaï, ma fille du Maroc, elle grattait la contrebasse, et ces grondements sourds laissent mal augurer d'une grande carrière.

Commentaires

  • Chienne de chose que la prose, disait un auteur que vous appréciez, je crois.
    Ce qui m'attriste parfois, c'est que mes meilleures oeuvres disparaîtront : ce sont les conférences que j'ai prononcées, pas ce que j'ai écrit.
    Seul le kitsch restera. C'est pire que l'oubli. On dirait du Kundera.

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