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Meméia la Brésilienne

Les femmes restent , vivent, font de vieux os, se battent contre l'injustice intérieure que leur infligent d'autres femmes, elles aussi prisonnières de l'étouffement et de la peur. La femme est la porte, l'homme est la clé, l'amour libère, engendre la justice et le moineau bleu, O pardal azul. À présent, dernières pages : Première vision d'Uzerche.JPG

« Il y a ceux qui sont morts assassinés par les tueurs à gages, ceux qui furent expulsés de leurs terres, ceux qui furent castrés au fer rouge. João, avec un seul de ses cheveux, pourra retirer l'argent et les placements que la famille a dans les banques, dans les mains des usuriers. Et quand il ne restera plus rien de ce patrimoine odieux, j'irai personnellement jeter tous les autres biens par la fenêtre : argenterie et chandeliers, bibelots et tapisseries. Les cristaux tchèques et allemands feront un son merveilleux quand ils se briseront dans la rue et tous les gamins pourront prendre ces morceaux rutilants pour jouer à attraper des morceaux de lumière. Les pendentifs du plus grand chandelier du salon révéleront à la bande d'enfants toutes les couleurs de l'arc-en-ciel. » Le grand soir ou plutôt le grand matin, en toute poésie flamboyante. « Je jetterai par la fenêtre même le linge de maison, tout ce lin amidonné, toutes ces nappes brodées où les dentellières misérables se sont brûlé les yeux.

« De la fortune des Carvalhais Medeiro il ne rester plus rien et ils devront tous gagner leur vie, eux qui ont toujours vécu du travail des autres. Maman – qui a quitté ses robes sombres et qui est légèrement maquillée – sera gouvernante dans la maison d'un nouveau riche. Une gouvernante qui parle français et qui joue du piano du bout des doigts, n'est-ce pas ce qu'ils veulent ?

« Dalva ira dans le quartier des femmes de mauvaise vie, sur la plage, elle aura seulement le droit de se rendre en ville le lundi, et les yeux baissés ». Où nous voyons que les illusions révolutionnaires trouvent rapidement leurs limites. L'oiseau quittera sa petite cage pour une plus grande. Dalva porte le prénom d'une héroïne de Jim Harrison ? Meméia est une servante qui lit en cachette. « Une femme est vierge, mariée, veuve ou pute. Rien d'autre ». Poursuivons cette vision d'avenir plus ou moins radieux, plus ou moins semblable au passé : « Les familles n'admettrons pas qu'elle croise des femmes honnêtes dans les boutiques de tissus et les merceries.

« Grand-mère Menina sera accueillie dans un asile de vieux – où est le problème ? N'a-t-elle pas enfermé Guiomar et tante Nini dans un couvent ? Nous la confierons à la charité des petites sœurs, elle verra comme elles sont bonnes et douces avec les faibles.

« Je reviens à mon lit et aspire quelques bouffées de cigarette de tauari. Je me déferai de ce patrimoine maudit jusqu'à la dernière miette. » Le tauari produit des feuilles où l'on roule le tabac, ça monte vite à la tête disent les chamans.

« Avec effort, je m'assois au bord du lit. C'est important que je ne regarde pas par la fenêtre, car une nuée de perruches peuvent toujours arriver. Et alors je serai comme la vieille Belinha, à appeler : « João, oh, João ! »

« Le tabac m'emporte loin et j'arrive au quartier des femmes faciles, sur la plage. Là, on parle – entre des verres de bière – du centenaire de la grand-mère Menina. Une fête grandiose. Elles en attendent un préjudice, les bordels seront vides. » Ce qui s'appelle voir les choses avec le petit bout de la lorgnette. A noter que l'autrice ne s'est rendue là que dans son imagination. « Embrassant mes genoux, je chante pour moi le cantique de Meméia, le refrain de sa croyance :

Mon saint Benoît, ouvre-moi les chemins,

Mon saint Benoît, ouvre-moi les chemins.

Le cantique de Meméia, litanie du catimbó, m'engourdit. Les chemins se sont ouverts avec la clé magique du royaume de Vajucá. Si je faisais un effort, je pourrais même comprendre quelle était cette cause obscure, cette cause de pauvres qui a tué João. Si je levais les yeux, je pourrais même voir sa mort. Je pourrais même voir le moment où il ne put plus retenir la vie dans son corps et rendit l'âme ; il eut un spasme semblable à celui qu'il avait eu en moi. » Vague espoir en un paradis sur terre donc, et non pas corps de doctrine marxiste ou autre soigneusement élaboré dans la logique. Le catimbò est un mélange, pour faire vite, de religion catholique et de culte de la nature inspiré des Amérindiens.

Pour le « royaume de Vajucá », rien trouvé, Google a ses limites.

« Pourquoi ne me suis-ne pas rappelé, sérieusement, de faire fermer le corps de João ? Meméia dit que ce ne sont pas des superstitions, c'est pure vérité.

« J'inhale encore une bouffée de cigarette. Maintenant, la chambre a perdu toutes ses couleurs et tout est devenu blanc. Dalva allongée sur son lit est aussi une forme blanche, en polystyrène. » La voilà qui sombre dans les visions d'avenir. Ce n'est pas plus bête que de prier saint Benoît, ou de prendre sa carte du parti. On peut faire les trois. « Je suis comme du coton. Je ne sens plus ni la douleur ni la peur.

« C'est la peur qui fit s'écraser la sauterelle contre le mur, le jour où Pablo arriva ; et qui tua après le canari, les papillons de nuit, le chat Catolé. Pablo fut le premier contamine. Il transmettait continuellement son microbe, pendant tout le temps où il resta avec nous. » Il s'est enfui du Paraguay, s'est réfugié chez la tribu de Menina la vieille bourrelle, puis fut exfiltré vers Paris juste avant que la police ne vienne perquisitionner au Brésil. « Il a contaminé tante Nini, a infecté grand-mère Menina.

«Il avait suffi de quelques feuilles de tabac de tauari pour que je comprenne cela. Je m'appuie sur le dossier du lit, puis je perds le contrôle de mes jambes. Elles me paraissent très loin de moi, séparées et indépendantes du reste de mon corps. Je n'ai plus peur de regarder par la fenêtre. » Conclusion traditionnelle du style Unamuno, tout est dans tout, retour à la nature, au grand rythme cosmique, aux magies plus convaincantes que nos religions éthérées. «Je suis légère et lucide, presque joyeuse. Folle ? Je lève les yeux et elle est là, la raison pour laquelle João vécut et mourut : un moineau bleu posé sur le rebord de la fenêtre. » A chacun son Eldorado, à chacun son infini.

Mais il ne semble pas pertinent de chercher un véritable message dans ce « cantique de Meméia ». Aucune « solution » n'est proposée. Juste un tableau du Brésil éternel, une confiance désabusée placée dans le rite et le grandiose. «Ainsi », dit la dernière phrase, un explicit et non pas un excipit bande de grammairiens connards, « tout était vrai : le moineau est un oiseau bleu. »

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