Proullaud296

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Plus j'éclaircis, plus c'est confus

 De pères différents, Pascal et François dit Frank Nau, ne se sont véritablement connus que vers
leur vingtième année,
s'étant bornés à quelques cartes de vœux. Leur mère s'était remariée . Elle
tomba dans le travers d'exalter le premier fils, celui d'un avocat, aux dépens du cadet, fils de
médecin, futur marchand de chaussures : « Tu te rends compte ? pour un fils de médecin ?
- Oui maman ! » Quant à l'autre géniteur, celui de Pascal Maatz, il
était resté seul, ombrageux.
Il avait livré son fils à de sombres études de médecine, ayant pour sa part préféré le droit.
L
orsque le fils eut enquillé avec succès ses trois années de DFG, il éprouva le besoin de
connaître son demi-frère
François dit Frank. La première entrevue manqua de chaleur : le futur docteur Pascal, outre une sacrée
bougonnerie, manifeste déjà les
inquiétants symptômes d'une bigoterie de fraîche date :
« Bigot, bougon - bien la peine de faire des études », lui
reprocha François dit Frank.
Lequel courait marchés et foires, du Maine-et-Loire jusqu'au fond du Tarn,
s'approvisionnant si nécessaire en cuir
car il cordouanait lui-même à l'occasion, « pour
ne pas perdre la main » ;
il possédait la faconde des vendeurs publics, ne la quittant
que pour sa compagne,
envers laquelle il se montrait, de façon très inattendue, plus
réservé. Il arrivait même qu'il la corrigeât, deva
nt son propre frère. Il reçut de ce dernier
une lettre particulièrement mortifiante : « Tes plaisanteries » écrivait Pascal, « atteignent
un niveau de platitude jamais égalé. Tu manques de la plus élémentaire ambition .»
François dit Frank, malgré son prénom, restait mou.
Passé six mois de bouderie,  la correspondance reprit, mollement : santé, comptes
commerciaux,
ou bien, côté médecine élitiste, fastidieuses évocations de paysages.
Soudain tous deux
se découvrirent, au hasard de ces confidences écrites fomentées par
l'indifférence,
un goût de possession, d'emprise, de dictature, sur leurs femmes
respectives, « à
moins qu'elles ne les possédassent eux-mêmes ». La seule idée d'une
telle inversion les jetait dans un accès de fou-rire.
Leur mère ayant sur ces entrefaites
convolé en secondes noces aux bras d'un amant bolivien, les demi-frères se revirent
à Fougères, puis à Moncap, où Pascal exerçait obscurément,
puis à Châteauneuf-en-Bousse,
en Lozère, où survinrent les premières copulations plus ou moins ratées, mais plus
simultanées que les deux hommes l'auraient imaginé : cela faisait longtemps que les deux
maîtresses se consolaient l'une sur l'autre.

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	Les deux frères se découvrirent aussi, ou se forgèrent, un goût commun pour la chasse
et l'ennui. Ils décidèrent, à huis clos, de casser
une fois pour toutes leurs femelles, par
désappointement de les faire mal jouir. « N'en disons rien », chuchotèrent-ils, « car la vie de
province est dure » -
les deux fils, orphelins de pères, délaissés de mère, devaient prendre
leur revanche. La terne pu
te repentie Héléna Bost serait promue grande artiste de Gironde
par un Marocain sans scrupule. Et l'autre, l'étincelante, die prinkelnde Annemarie
Mertzmüller,
offrant sur scène un corps savamment dévoilé, apprendrait d'un curé
haut-languedocien, le Père François,
voyeur, l'ineptie, l'hérésie de ses porte-jarretelles et
autres ornements
, et la supériorité autrement gratifiante de la prière.

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