L'index de Pline
C'est ainsi qu'en janvier, sans l'avoir vraiment lu, nous en sommes arrivés à l'index, nominum et locorum, ce fameux index closant nombre de livres antiques, censé résumer, renvoyer, mais qui ne renvoie plus à rien de connu : ces livres VII à IX de Pline le Jeune, je les ai commencées vers 2037 n.s., et je ne me souviens plus de ces sujets d'échanges épistolaires, ni de ces destinataires titrés, plus flous les uns que les autres. L'ordre alphabétique me mène à un incertain Helvidius Priscus, dont le nom du moins est certain, car d'autres nous sont parvenus estropiés, sur des stèles funéraires brisées, confondus avec leur fils ou leur frère qui portaient à peu près la même interminable brochette de prénoms, patronymes, cognomina ou surnoms.
Tacite le mentionne dans ses Annales, 12, 49. Tacite et Pline Junior étaient intimes. Le premier grave et sombre, le second plus amène, voluptueux jouisseur de jardins et de composition. Un peu Alceste et Philinte. Helvidius Priscus fut tribun de la plèbe en 56 (après Jésus-Christ), s'il existait toutefois des magistrats à Rome qui se préoccupassent encore de cette fameuse plèbe, pas nécessairement miséreuse, et surtout pas leur tribun. Et Tacite le mentionne encore en 13, 28. "Il est exilé" : caprice de souverain, car ilétait facile de forger de fausses accusations, souvent vraies : tout le monde tapait plus ou moins dans la caisse. De nos jours aussi les députés sont loin du peuple et multiplient les petites affaires.
Cet exil date de 66, Tacite le mentionne, mais aussi notre Plinius : livre VII, lettre 19, § 4. Suivi par sa femme, "deux fois", "une troisième fois elle fut bannie à cause de lui", son mari, propter maritum. "Mes concitoyens peut-être ne reverront jamais sa semblable", nescio an aliquid simile uisuris. "Car au moment où Sénécio fut mis en accusation pour avoir composé des écrits sur la vie d'Helvidius" – pourquoi ? c'était donc interdit ? - "comme il avait dit dans sa défense l'avoir fait à la prière de Fannia" (épouse d'Helvidius) ("c'est pas moi, c'est sa femme), Mettius Carus (le juge) demanda d'un air menaçant à celle-ci si elle l'en avait prié, et elle répondit : oui". Donc, mari et (...)
En 56, il n'avait pas encore donné sa pleine mesure, il n'avait pas fait assassiner sa mère (en 59). "...Si elle lui avait fourni des documents pour son ouvrage : oui ; si sa mère en avati été informée : non." Mise à l'écart, couvercle médiatique, procès en inquisition : nous y reviendrons. Qui peut aujourd'hui défendre la vie d'un condamné ? Si ce fut justement ou non, rien ne nous l'indique ici. Ce qui est certain, et suscite l'admiration de Pline, c'est que "pas une parole inspirée par la ^peur ne lui échappa." Partageons donc avec l'auteur ce préjugé favorable : Néron est mort depuis longtemps. "Ce ne fut pas tout. Ces écrits mêmes, tout supprimés qu'ils étaient par un sénatus-consulte imposé et inspiré par la terreur d'alors, elle les sauva de la confiscation de ses biens, les emporta en exil ce qui avait causé son exil." Madame est donc solidaire, voire complice. Elle risque gros. Je ne sais pas où elle va. À Huelva ? Le Sénat n'est plus qu'une bande de mouille-colle tremblant devant le jeune souverain et sa mère aussi venimeuse que son fils. Mieux vaut assurément faire partie de la basse plèbe et ne pas relever la tête.
Pline, fin lettré, apprécie fortement que des manuscrits aient été préservés. Les femmes romaines, aimant et secondant leur mari, n'étaient pas des potiches. "Et en même temps, comme elle était charmante, aimable, combien enfin, don que si peu ont reçu, elle savait se faire chérir autant que respecter !" Femme énergique, loyale et décidée, mais si charmante. Pourquoi pas. Romaine, mais non moins baisable. De haut caractère : "Aurons-nous des modèles à montrer désormais à nos épouses ?" Non plus que nous. Seuls à présent les enfants tiennent encore à distinguer les hommes et les femmes. Avant qu'elles ne soient pourris par la théorie des genres, les petites filles savent bien qu'elles deviendront des femmes. "Aurons-nous des femmes à qui même nous autres hommes puissions emprunter des exemples de courage, fortitudinis exempla sumamus, "de fortitude" ? que nous puissions, en les voyant et en les entendant, admirer autant que les héroïnes dont nous lisons l'histoire ?" Une plume anonyme classée d'extrême droite (car nous vivons des temps d'intenses préjugés) rappelait que les femmes conservaient de nobles qualités que nos lâches mâles avaient désormais abandonnés.
Nous ne prendrons pas plus au pied de la lettre ces éternelles lamentations que les traits de cruelle satire à la Juvénal : ce dernier fustige les putes et les criminelles. De plus en plus croît la conscience de l'inanité des distinctions sexuelles, sitôt qu'elles quittent le pur domaine génital. Notre théorie du djenndeur usurpe la notion d'égalité, de l'indifférenciation, en la faisant déborder sur la sexualité même. Je le souhaitais dans le temps, pensant qu'avec un peu de bonne volonté, ou de volonté, nous pourrions concevoir ce que c'était que d'être du sexe différent : il faut nous y résoudre,théorisation ou pas, nouos ne saurons jamais être des hommes, des femmes, vécus de l'intérieur, à moins d'en être nous -mêmes. La Romaine de Pline, traditionnellement, doit relever la virilité des hommes, ou leur courage, qui n'est pas une vertu spécifiquement masculine. Paete, non dolet : et la femme de ce Paetus retendit à son homme le poignard qu'elle venait de lui arracher, pour être la première à se trouer l'abdomen. Stoïquement : "Ça ne fait pas de mal, Paetus". Et si une femme n'a pas peur, nous, les hommes, nous tremblerions de trouille ?
Machisme, machisme. Connasses. "Et voici que la maison même de Fannius me semble ébranlée, sapée sur ses fondements et tout près de s'écrouler, bien que Fannia ait laissé des descendants" – c'était la fille de Thraséa. Je m'y perds : mais ce Paetus, suicidé forcé, n'était autre que le beau-frère d'Helvidius. Epoux de la sœur de Paetus. Corrigez-moi si je me trompe. De cheval.
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De minimis non curat praetor : Le préteur ne se soucie pas des choses sans importance.