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Le combat avec l'ange

 

 

La couverture du Traité d’athéologie d’Onfray présente des teintes extrêmement acidulées, pour un sujet qui peut-être n’en comporte pas. Il s’agit d’une reproduction du « Combat avec l’Ange » par Delacroix. Un détail, en bas, u bandeau rouge vif, aux deux tiers de la hauteur, un gros plan sur le visage des lutteurs, l’ange serein, à peine troublé par la lutte, l’homme tête baissée de tout son poids comme un bouc. Nous savons que Jacob fut vaincu, et gagna dans la circonstance le surnom d’ « Israel ». Une défaite, mais honorable, victoire en revenant à l’Ange, si sûr de soi, si dur, si hiératique. Mais dans l’esprit de Michel Onfray, c’est l’élan de bouc de l’humain , au sommet de l’effort puant, qui jettera bas l’envoyé du Seigneur et l’expédiera à l’abîme.

 

Tout fut déjà écrit de cette lutte. Dans des tons verts, ocres, incroyablement heurtants, Jacob trace une diagonale, de deux-tiers dos. Il est déjà déséquilibré. Si l’ange tombe, l’homme lui roulera par-dessus. Il porte un sac de peau, reliée à l’épaule par un cordon de portage. Sa main droite étreint la main semblablement tendue de l’ange. Son genou gauche se lève à l’endroit des couilles, que les anges n’ont pas, mais celui-ci tout de même a dévié ce genou furieux, l’emprisonnant et le bloquant de biais sur son bas-ventre, afin de lui ôter toute énergie, toute faculté de revenir en arrière pour renouveler son élan.

 

C’est ainsi que la hanche de Jacob en sera déboîtée. Et autour de ces deux corps mêlés un tourbillon de bras et de jambes , déréglé chez l’homme, tout- en extension, parfaitement serein chez l’ange, qui semble plutôt esquisser un pas de danse décidé : jambes fléchies à peine plus que pour marcher, le bras droit parallèle à la cuisse , la main gauche bloquant la prise, comme s’il s’agissait de contenir quelque fougueuse cavalière soudain devenue folle. C’est lui en vérité, dans sa fausse douceur , qui dégage l’impression de la plus calme virilité, l’assurance, le sang-froid, une certaine tendresse admirative, qui remportera la victoire . Et derrière lui, signe superflu, soigneusement empesées, les deux ailes, à peine dérangées, la plus éloignée ne montrant que sa pointe, au second plan.

 

Autour de ces lutteurs, une nature échevelée, buissonnante, qui semble prise d’un tourbillon participatif, dans les verts, dans les roux, une de ces natures de création du monde, qui cerne et qui halète. Et franchement, la bande-annonce ou plutôt le titre, somme tout cela comme un bandeau limitateur, mesquin, l’auteur et son œuvre en vente l’emportant sur l’illustration. Tout rouge, épais, avec les renseignements blancs de lettres .Or le motif reprend, agrandi, dans les 22% d’espace restants.

 

Il n’y a plus que les têtes, tant le combat se livre là. L’home fonce encore. Il est rouquin, sanguin, tête baissée comme un méditant musclé. C’est l’attention de l’ange qui fascine : toutes ses pensées passent dans sa tête. Il aime cet homme. Il le respecte de toutes ses forces. Il et si sûr de l’issue favorable du combat qu’il ne songe pas un instant à s’indigner de l’audace sacrilège du gardien de boucs. Dans son profil , dans son regard traversant la boîte crânienne se list l’admiration sans réserve pour celui qui ose une lutte perdue d’avance, celle de l’homme contre Dieu. C’est ainsi qu’une femme contient l’élan déchirant du mâle, prête à céder, prête à concéder l’amour si violemment sollicité.

 

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L’ange aussi est roux, ses cheveux volent dans l’action. Il lui suffit de si peu de forces pour vaincre, mais de plus qu’il n’aurait pensé. Il s’est ressaisi. Il n’est pas le Dieu que l’homme va bouter hors de sa raison, mais du mystère de l’existence humaine , à laquelle revient et pour toujours le dernier mot.

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