Proullaud296

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Histoire et autres

 

Quel sérieux ! Quelle gravité ! Le commentateur ne doute pas un instant que le lecteur ne se rue, sitôt l'ouvrage refermé, sur ces chefs-d'œuvre de gestion, qui eux, au moins, servent à quelque chose ! L'analyse du contenu d'une telle réforme amène certains observateurs supercifiels à penser que l'U.R.S.S. (bien placer les points après chaque abréviation) fait un pas décisif vers la restauration du capitalisme. Erreur grossière ! Penser à ces classifications de bibliothécaires sur les livres de religion, disséquées à fond sous diverses cotes, au moins 10, pour les chrétiens, tandis qu'une seule de ces mêmes cotes rassemblait les “autres religions” !

 

La divinité floue.JPGDevant la complexité des approfondissements, certains autres esprits non moins superficiels rejettent toutes les subtilités, les décrètent de vanité, pour se réfugier dans la présence de Dieu ou le néant âprement dénoncé, ce qui est le même gloubiboulga. Le tout témoigne d'une grande paresse et d'un manque total d'originalité, voire de personnalité. En résumé, je m'emmerde à lire – car, s'il y a bien rapprochement des économies capitalistes et collectivistes sur le plan de la gestion, l'utilisation du profit qui en résulte reste fondamentalement différente puisque dans le premier cas, il s'agit d'un profit privé et dans le second d'un profit collectif. Notre client de bar en zinc ne manquera pas d'objecter que bien des industriels soviétiques se sont taillé de belles fortunes personnelles, et que les sales entreprises privées des USA se sont tournées vers le bien-être de la ou

 

d'une collectivité. Encore le "tout se vaut". Encore l'éloge de la liberté sur le prévisionnisme. Encore le schéma d'une dissertation sur le général et le particulier, la disparition par émiettement ou par dilution. Alors ? Qu'en penses-tu ? N'y a-t-il pas net avantage en faveur de la générosité collectiviste? En réalité ce qui change ce sont les moyens qu'emploie le communisme soviétique pour parvenir à ses fins : direction collégiale et non plus dictature d'un seul homme ; coexistence pacifique et non plus guerre froide ; autogestion des entreprises et non plus gestion bureaucratique et centralisée. On ne saurait mieux dire : la forme, en effet, et non le fond : car la direction collégiale fut pourchassée, cassée, sitôt qu'elle s'éloignait d'un fil des directives gouvernementales, et ses promoteurs envoyés aux camps - pas question d'autogestion ; la dictature d'un seul homme ne correspond pas du tout, que je sache, aux méthodes de production en Occident, mais s'exerce bien plus en descendant des hautes sphères du Parti, et tout à l'avenant.

 

 

Et nous voici rendus, Mesdames et Messieurs, à l'indispensable tableau chronologique de fin de volume, où voisinent par colonnes les “relations internationales”, “la France”, “les nations occidentales y compris le Japon”, “le monde communiste”, enfin les “sciences, arts et faits religieux”. Ces derniers, en 1971 ancien style, ont paru si essentielles à notre brave Thibault qu'il les place en conclusion ultime, en position d'arbitrage, à son très inégal volume sur Le temps des contestations. Ce ne sont qu'avertissements apocalyptiques, sur l'équilibre de la terreur entre les deux superpuissances atomiques, et déclarations amoindrissantes sur les grands mouvements sociaux de la dernière décennie d'alors, qui est bien autre chose qu'un prurit étudiant ou libertaire.

 

Eh oui pépé, la boîte de Pandore est ouverte (dans la version des vices qui s'en échappe, version sans charme) et Zeus sait quand elle aura fini de se vider. Dans la version primitive, c'étaient les bienfaits qui s'envolaient au ciel ; au fond de la boîte restait l'espérance, de façon bien plus poétique. Mais allez demander de la culture aux journalistes... Bref, à l'entendre, nous étions au bord du précipice... Or depuis que nous y sommes, nous avons fini par nous apercevoir que nous étions le précipice, de même que nous étions l'horizon, et qu'il fallait nous contenter de ces immenses limites. Et le spectacle continnue, de ces pantins qui grimacent au bord de l'abîme avant de s'y abîmer, puisqu'il faut faire dans le littéraire.

 

Cette année-là (1950) Kurosawa sortait Rashomon. Quatre versions différentes d'un crime. Pas vu. Ou si peu, en dormant sur un canapé face au petit écran. Confondu avec Ran, s'il existe, épopée guerrière avec plein de fanions japonais. Luis Buñuel met en scène Los Olvidados, production hispano-mexicaine. Celui-là, je l'ai vu, en noir et blanc, avec la fameuse scène du répugnant piétinement des têtes par les chevaux des riches, qui font semblant de ne rien voir à leurs pieds, tout en jouissant du cul sur leurs selles. Vu sur grand écran, puis sur petit. C'est la première fois qui fait le souvenir. Un de ces films nasillards et terribles, axés sur la misère. Le communisme a passé, toujours autant de misères. Elles se passent le relais, nous autres sur nos chevaux nous plaignons des selles de travers, sous nos sabots éclatent les têtes. Mais nous nous en foutons.

 

C'est la vie, n'est-ce pas. Nous n'y pouvons rien. Nous sommes dans nos jus de mort prochaine, dont il va bien falloir s'occuper un jour. Ils n'avaient qu'à, ces pauvres, s'en sortir seuls. Je paye mes impôts, moi, Monsieur. Je ne peux pas accueillir toute la misère du monde, je ne peux pas remédier à tout. Tout est banal. Je donne à ma mendiante de la poste, qui va en avion à Rabat pour voir la famille. Nous n'avons pas l'habitude de réfléchir à ces choses-là. Le clochard de la médiathèque avait un appartement, une télévision, une femme et des enfants, l'an dernier encore peut-être. Il erre toute la nuit et s'endort au chaud dans son fauteuil ergonomique. Je lui chipe son Charlie-Hebdo à ses pieds, car je suis un contestataire, et même, un rigolo.

 

Assis sur mon fauteuil à moi, je l'entends grommeler qu'il ne faut pas se gêner, puis, ma lecture révolutionnaire achevée, je replace l'hebdomadaire sur son présentoir. Il n'aura qu'à se relever pour le lire. “Il ne nous reste plus que le courage d'être lâches” disait Philippe Noiret. Cela ne saurait tenir lieu de conclusion.

 

Commentaires

  • Le gloubiboulga, c'est la boisson de Casimir. C'est en Casimir que se déguisent les Italiens dans les émissions de variétés, entre les filles qui se trémoussent en bikini sur des rythmes de merde.

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