Proullaud296

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De recherche en cellule

 

Le galop.JPGJ'ouvre la fenêtre. Toute femme a disparu. Grande. Inextricable Casbah. Je respire à pleins poumons, cerclé d'angoisse, au balcon d'angle arrondi – baigné de soleil tout le jour ; mais pour Tanger, pour le Maroc, il fait froid. Le faux Marquis me propose de partir à sa recherche – je gonfle ma poitrine d'air sec et frais – je PEINTURE ET SCULPTURE D'ANNE JALEVSKI www.anne-jalevski.com


devine au-delà du Détroit ce vent d'est qui crête les vagues au-delà du ressaut... Rejoindre ou ramener mon Ingeborg ? ma Josz ? ma Bettendorf ? l'amour pour moi n'interroge plus rien ni personne, juste ces motifs bleus de tenture immobile, sans tous ces remuements d'obscurités que nous brassent les femmes, les autres, celles que j'imagine dans les ténèbres si propices aux cauchemars... Pari tenu dis-je, mon Ingeborg est lumineuse, je suis le marquis par la porte vitrée du corridor aux moquettes mates, car je tiens en mains ce marché si resplendissant, quelques points au poker, en regard de l'éternité. « Nous la rattraperons » dit-il « et nous la forcerons » - Tu en prends pour perpète » - un tel propos chez lui est inhabituel, il faut qu'il soit sous l'emprise d'un souvenir atroce. « Avant qu'un fou n'en vienne là, poursuit-il, de combien de refus émerge le violeur, absous par les mépris accumulés – en vérité dit-il la femme porte sur son dos la responsabilité de la moitié des meurtres et viols du monde – il me vole au poker, il me rendra ces doux ongles vernis dont elle se griffait si violemment le sexe devant mes yeux hagards.

 

Les muscles intérieurs des cuisses s'appellent virginitatis custodes, gardiens de la virginité, je sens dans les yeux de cet homme et leur flamme l'accomplissement de son Moi pervers et véridique ; son calmant n'agit plus, il halète, ses traits se crispent – c'est un trisme ou phase tétanique terminale et je verse de l'eau pour qu'il prenne un cachet : le tube est du plus fort dosage en vente au sud de la mer Méditerranée. Tout son corps tremble – nous ne pourrons pas prende l'ascenseur, je le soutiens dans les cages et le hall où je le remonte ; l'étends tout habillé, lui prends la main et lui dis des mots tendres : « Demain... Demain... » Il s'endort et je baisse la tête.

 

C'est ainsi que j'apaise un violeur, sans un mot de pitié, tandis qu'il ronfle doucement. Le lendemain remis drogués tous deux nous parcourons en haletant les boyaux chauds de la Casbah (même souffle, même sexe que cet homme), chassons côte à côte parmi les rues blanches au sol poussiéreux, souillées de loin en loin par un crachat séché et véritablement tuberculeux en pleine efficace diffusion - au dernier moment j'écarterai ce chien d'un coup de pied j'entraînerai mon Ingeborg aux ongles faits (soyez tendre avec une femme , jamais vous ne saurez faire l'amour aussi longtemps que vous ne saurez pas qu'une femme, avant tout, veut s'imaginer ne fût-ce qu'un instant,se sentir unique pour vous. Tanger n'est pas ce que l'on dit : mais le point de contact, la ligne de fracture avec l'Au-Dessous, par la faille même qui le 29 de février dernier détruisit Agadir. Ainsi toute femme s'est enfouie, aspirée à travers l'un de ces trous d'enfer fumant d'écume du Cap Spartel : la vague sape, recule et frappe encore, les geysers jaillissent et le sol tremble encore, l'eau frotte dans sa gaines, je sens sous ces bouches de roc une infinité de vies. Rappoport souffle sous sa moustache : je le trouve grossier. Pestilentiel. Halètement du bouc en quête de reproduction. «La voici » crie-t-il à voix basse. Nous ne sommes pas où je l'aurais souhaité : c'est, un autre jour, une espace de terre battue, noire, un de ces polygones en ville mal délimités par des murs bas, mi-écroulés au-dessus du Détroit, très loin.

 

Dans un angle le soleil se couche : une masse allongée de buissons et de ronces recouvre une dépression du sol si féminine que je retiens un éclat de rire – j'ai appris à me défier, en de longues captivités, des manifestations si incongrues de joie, des enthousiasmes, des compagnons. « La voilà » répète-t-il en écartant les épines. Recroquevillée sur une toile de sac, main levée sur les yeux, le coin de son voile mordu, c'est une femme de ce pays. Elle s'est étendue pour dormir, attendant la pleine nuit pour descendre les pentes jusqu'au port. Il écarte son voile d'un coup sec, et je lis sur les traits de la femme une extrême fierté. Nous l'avons violée dès son révéil, et notre épouvante devint extrême : derrière nous dans le jour déclinant quantité de parents, amis et voisins, accouraient hérissés d'armes découpées sur le ciel. «Ils me tueront avec vous » souffle alors la femme : levée d'un bond elle ouvre plus profond sous les ronces une trappe de fer qu'elle a verrouillée sur nous tous. Les premiers coups retentissent : « Je ne vous sauverai pas » dit-elle. « Vous sentez toute les lâchetés, la sueur et l'excrément. » Nous suivions dans l'ombre la frange plus claire de son vêtement glissant de marche en marche. J'ai traité Rappoport de gommeur, sale gommeur de viol. Autour de nous la terre gronde sourdement. Le souterrain où nous allons devient une infinie prison, des dizaines de femmes s'assemblent autour de nous dans la pénombre, des galeries bientôt s'éclairent d'une série d'ampoules crues, monotones, irrégulièrement espacées. L'ai vicié monte à la tête, malgré le ronflement croissant de gigantesques aspirateurs. Je crains de disparaître. Un garde surgi là nous enchaîne : « Voici votre cellule » - un plafond noir, de vastes bruissements plus profonds, plus mugissants ; ces prisons cesseront-elles un jour ? les foreuses défonceront la terre : nul territoire n'est un abri pour la conquête.

 

Commentaires

  • Et dire que la femme n'existe pas....

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