Proullaud296

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Un professeur d'autrefois

 

 

J'ai eu toutes les peines du monde à leur faire retrouver un semblant d'apaisement : pour passer l'embrasure des portes, toutes les filles se tournaient de côté en pouffant, obsédées par la main au cul. Pourtant Moil'nœud n'y avait jamais succombé : même à cette époque permissive, cela se serait répandu comme un traînée de poudre. La fille du maître nageur, seule avec lui un jour de grève, avait apporté sa bombe de spray, avant d'être expédiée en permanence, car nous n'avons pas le droit de garder une élève toute seule. Toutes les copines s'étaient bien foutues de sa gueule. Lorsque la mode fut aux sacs à dos, j'envoyai à toute volée deux ou trois paluches au cul bien visibles : mais, sur le sac... Ces dérobades de fesses m'ont donc vexé au plus haut point. Je leur ai fait là-dessus tout un cours : je n'étais pas un mec de ce genre, les profs qui se permettaient de balancer la louche étaient des malades, tous à virer...  - j'avais terminé par je vous aime, mais pas à ce niveau. - extase dans la classe. Ici se place l'épisode de la fille Verlaisne. Je lui claironnais à tout va des “Je vous aime” en plein cours, ce qui était vrai, mais voulait passer pour faux.

 

C'était une de ces grandes brunes aux cheveux en bataille, pas très nette, aux ongles noirs et rongés court, très sales et très gluants – bref, fascinante. A ma cinquième et bruyante déclaration, elle me déclara : « Si vous m'aimez vraiment, sortons d'ici, allons dehors, à ce moment-là je serai une jeune fille de 17 ans, vous un homme de 42, et nous verrons » - ce n'était pas un refus, elle ne m'eût pas nécessairement éliminé, car j'étais beau en ce temps-là - mais je n'ai pas relevé le défi, je n'en avais d'ailleurs nulle envie. Elle m'aurait dit  je vais réfléchir. Elle m'aurait demandé beaucoup de patience, afin de bien peser les arguments ; puis elle aurait jugé, réflexion faite et six semaines plus tard, que, tout bien considéré, la différence d'âge et de condition ne lui laissait rien augurer de favorable d'une telle union.

 

Elle m'aurait alors présenté quelque beau garçon de vingt ans, ouvert, très sympa et les yeux droits, qui ne m'aurait pas laissé d'autre choix que de me retirer en leur souhaitant du plus profond de mon cœur le plus bel amour qui se puisse trouver. Ce jour-là, salle 106, j'avais reçu la plus bouleversante leçon de dignité de ma vie.

 

 

 

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Penser à Bwala, noir, qui renversa sa table en hurlant à l'injustice. Au fils Moton, blondinet docile malgré ma folie, et à son copain Hügelhaus, à qui j'avais dit « La Maison sur la colline est priée de fermer sa porte de derrière » parce qu'il bavardait avec son voisin de derrière.

 

 

 

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L'un de ses contrepets fétiches était : « Quel plaisir pour la princesse que la Dotation du Roi. » Martino se moqua de la fille Corrèse. Qui lui allongeait des tartes, tandis que Moil'Nœud s'évertuait à répéter : « Vous avez tort, Martino, rien à voir avec ce que vous imaginez. - Tu vois ? glapissait la branleuse en frappant de plus belle. Pure délicatesse de la part de Moil'Nœud : lequel se doutait bien que jamais le jeune Martino n'avait surpris la moindre jeune fille en pleine action ; ce puceau s'imaginait sans doute que la branlette s'effectuait en cercle à l'entrée du vagin, premières phalanges à peine introduites. Or, il s'agit bien sûr des mouvements circulaires en surface, autour du clito, de plus en rapides et haletants, juste avant la suspension finale, au moment de cet extraordinaire déclenchement interne dont nous autres hommes ne pouvons avoir hélas la moindre approche même analogique... Il se donnait ainsi les gants, le père Moil'nœud (Monsieur Frère du Roi, comme son épouse lui demandait une petite branlette, réclama des gants : la classe...) - de sembler défendre une pauvre innocente qui n'aurait jamais imaginé Chozpareille. La cause précise de la révocation du père Moil'nœud, occasion si ardemment guettée, ce fut le manège qu'il avait cru pouvoir adopter à l'égard d'une section de quatorze latinistes, dont douze filles - les garçons ne furent jamais atteints par l'un quelconque de ses délires : vicieux, mais irréprochablement hétérosexuel.

 

Cuisiné là-dessus à son procès, il ne cessa de répéter : « Moi je suis un mec normal. Jamais de garçons. Ça me répugne, Monsieur le Président». Dix ans fermes, tout de même ; les juges de notre bon tsar Alexandre IV punissent fermement toutes ces bravades, qui sont autant d'insolences à l'égard de nos magistrats, une intolérable atteinte aux idéaux de la Sainte Russie. Quant à moi, je n'aurais su dire si mes petites troisièmes avaient été choquées ou non, car elles s'étouffaient de rire en me rapportant tout cela. Nous espérons fermement que de tels rires, les histoires scabreuses qui les provoquent et ceux qui les racontent subiront la plus ferme répressions de la main même de notre jeune souverain, que Son Nom soit béni : le père Moil'nœud n'avait-il pas réussi à leur faire admettre à toutes qu'elles étaient toutes, sans exception, addictes à la branlette ? (il n'employait pas ce mot-là, mais ce genre d'allusions se comprend toujours au quart de tour de doigt).

 

Elles en avaient toutes convenu, à l'exception de Clitarel, au nom prédestiné. Les deux garçons (“Neil » et “Med”) n'en revenaient pas. Ils restaient fascinés, à la lettre. Ces filles m'ont raconté comment, avec le père Moil'nœud , elles s'étaient toutes mises au premier rang, humblement, sauf la Clidel, seule, fière et prude, bien dédaigneuse de lippe, et qui renaudait ferme ; et les autres (Fonseca) de lui seriner : “Tu prends tes airs, mais tu fais comme nous, on est toutes comme ça.” Med confia un jour à Moil'Nœud que son propre père avait juré ne pas souhaiter le rencontrer, parce que « sinon [il] lui casserai[t] la gueule ». L'ignoble libidineux d'afficher sa plus profonde stupéfaction : « Pourquoi « casser la gueule ? » Le brave Med ne sut fournir aucune explication, soit qu'il eût reçu consigne de ne rien développer, soit qu'il n'eût (bien plutôt) rien compris lui-même, car les adultes se gardent bien d'instruire leurs jeunes garçons de ces branlettes féminines - or si nos jeunes mâles pétris de culpabilité avaient la moindre idée de l'intensité répétitive avec laquelle les filles se masturbent, ils cesseraient assurément de les placer sur un tel piédestal, et ne se confiraient plus, comme ils le font, dans leur foutue timidité ni leur foutu respect.

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