Démolition de Sterne
Bonjour tout le monde. Les insignifiances se suivent et ne se ressemblent pas. Après “Concert baroque” d'Alejo Carpentier”, “Le Voyage sentimental” de Sterne. Il est con, Sterne. Il est terne. Il est Anglais, et du XVIIIe siècle, c'est l'auteur de “Tristram Shandy”, il a influencé Rousseau e tutti quanti, mais cette œuvre-ci, peut-être parce qu'elle est de vieillesse, bat tous les records de lavassonnerie serpillassère, et ne donne guère envie, hélas, d'aller voir plus haut. Il s'agit d'un lord assez fortuné pour venir voyager en France, de Calais à Moulins ; il rencontre maints Français, des Françaises, se montre fort aimable, prévenant, galant, trouve tout le monde gentil, aimable, prévenant, fait assauts de politesse, de galanterie, de modestie, et goûte les joies de l'analyse psychologique d'après les faits.
Le tout en s'excusant de s'excuser, en se répandant en émerveillement sur sa propre sensibilité : mon Dieu que je suis sensible, mon Dieu que je suis modeste, que ces gens sont bons et ces jambons. Ni suc, ni vertèbres ni viande : du verbiage, le sourire en coin de celui qui va en dire une bien bonne et qui ne dévide que des platitudes à la mélasse. Sans les notes en bas de page indiquant les endroits où il faut rire, où il faut s'émouvoir (parce que, n'est-ce pas, cela rappelle tel autre passage de telle autre œuvre où il fallait déjà rire, folio 21 de 1739), eh bien on poserait ça là. Voilà ce qui arrive aux ignorants de la littérature anglaise quand ils s'avisent d'y faire un plongeon sans préparation universitaire. C'est comme pour Henry James : après “Le Dessin dans le tapis”, où je me suis demandé pendant 150 pages de quoi l'auteur pouvait bien vouloir parler : on ne me reprendra plus à Henry James. Ça doit être anglais. Celui-ci cependant, Sterne, comme l'oiseau, se promène en France. L'on voit minauder les servantes, gronder les marquis et quêter les moines. Mais franchement, ça dégouline de partout ; les bons sentiments, les attendrissements niais sur une boucle ou un orteil, ces perpétuels “mon Dieu que j'ai tort et que je vous admire” portent véritablement sur les nerfs.
/Lecture de la p. 47/
Voilà un exemple typique de ce galimatias. Que l'on m'explique sil 'on veut dans cet embrouillamini ce que Sterne veut bien dire ? Des tortillons, des tortillons, l'air toujours d'être au bord d'un fin mot, l'air de faire allusion à quelque coquinerie plus ou moins grivoise, et puis rien, rien, rien, le plat le plus désespérant. L'équivalent, tenez, de Sévigné : des lettres de trois pages où ne se lit que le plaisir qu'on a d'écrire. Et ce petit sourire en coin, de l'homme qui veut absolument qu'on pense qu'il a de l'esprit, tout en jouant les faux modestes. Ce qu'on appelle uen tête à claques, qui est souvent la mienne.
/ Lecture de la p. 141 /
Voilà ce que j'ai raté : la sensibilité à fleur de peau, le moindre incident monté en épingle pour s'achever en invocation, en apothéose. Devant des êtres si brûlants d'émotion, l'on comprend les excès de la Terreur. Il nous faut admirer cela, sans doute, et le replacer dans le contexte larmoyant du siècle, et plus précisément de 1768. Ce livre fut publié en février, Sterne mourut en mars. Paix à son âme sensible.
/ Lecture de la p. 188 /
Qu'il est bon qu'il est doux d'aimer, fût-ce son valet. Qu'il est chiant pour autrui d'être de si bonne humeur.
/ Lecture de la p. 235 /
Là ma foi l'on tombe sur la table des matières, les derniers chapitres, qui manquent être fripons ; figurez-vous qu'à l'auberge il ne reste plus que deux lits, l'un pour une femme, l'autre pour un homme. Ils se couchent et ne se parlent pas, mais se parlent pour se dire qu'ils ne se parlent pas. Survient la servante pour veiller à l'honneur de sa maîtresse, et dans le noir, Sterne touche la servante et la phrase s'interrompt et c'est la fin du livre, eh ben bon vent, voilà longtemps que je voulais le donner ce sera chose faite, la prochaine fois, Maxime Du Camp. A ciao !
Commentaires
Gospoda, pomilou-yi, Seigneur, prends pitié.