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Sulfureuse Evita

 

 

Eva Peron... Idole pour hystéries... La foule gueulant au pied du balcon « Ahora ! Ahora! » Un gouvernement pas plus crétin qu'un autre. Apparemment. Une tradition de pouvoir féminin depuis, par exemple au Chili, au Guatémala. L'histoire commence à peine, je sais ce dont il est question, je sais comment cela se finira, dans le sang des menstrues cancéreuses. Mais nous avons besoin, nous autres, de destinées cinématographiques, de mythes : Marilyn, que je déteste, James Bond, Marlon Brando qui s'est tapé James Dean... et Tennessee Williams, comme tout le monde. Nous avons besoin des grandiloquences nasillardes d'un Henri Mitterrand, tandis que défilent sur le petit écran funérailles et cortèges nuptiaux.

 

Je ferraillais alors sur Bétancourt, dont on prétendait qu'elle était un agent de la CIA et du Mossad réunis ; qu'elle n'aurait pas souffert dans la jungle. « Ne soyons pas dupes ! » piaulaient tous les Homais du blog. Les Farc sont démolis. Rémission dans notre agonie occidentale.Les humains ne comprennent rien. Recommencent les mêmes conneries. Tant de vertu, tant de justice, pour aboutir à Robespierre. Qui sera notre nouveau Maximilien ? Juan Duarte ne se préoccupait pas de la rumeur publique. Cet homme est le père d'Eva Peron. Et peu importe le nombre de ses robes ou de ses chaussures à elles. Peu importe le ridicule dont il est si facile de l'accabler.

 

Nous avons besoin, nous autres « foules sentimentales », de détourner nos regards de la misère et de la guerre. Julien Gracq parle de ces ras-du-sol qui, à la vue même des stigmates de saint François, lui conseilleraient de se soigner par des applications de compresses d'huile. Et je ne veux plus entendre ces prêcheurs de justice, qui se serviront au passage, et ne conçoivent de fonctions présidentielles qu'au sein d'un mobilier IKEA dans un pavillon de banlieue. Enfant je défendais mon curé avec son catéchisme, son idéalisme, et le père Lejeune s'indignait devant ce gosse qui préférait les valeurs spirituelles aux simples conditions de vie garanties.

 

Ce qui comptait n'était pas le tant par mois, mais le regard de Dieu, ou celui de soi sur soi. Je me suis toujours contrefoutu des gens. Qu'on leur donne de quoi se loger, se nourrir et s'instruire, et qu'ils nous foutent la paix. Je vote à gauche, par bonne conscience, mais « il me serait impossible de vivre parmi le peuple » (Stendhal). Il ne peut me parler que de recettes de cuisine, des perfectionnements techniques de son ordinateur. Alors viva Peron ? Que non pas. Oui, le livre parle d'Eva, Evita, et non exclusivement de son grand homme. Mais elle s'est tellement attachée à lui, leurs deux noms sont tellement imbriqués par l'imagination populaire, que l'on ne peut parler de l'une sans évoquer l'autre, le Général. Nous avons connu, de ces femmes issues de peu et qui se sont senti des vocations de comédiennes : la femme de Mao-Tsé-Tung et Mlle Duarte (fille naturelle d'un ranchero de la pampa) ont eu en commun cette passion de vivre sur les planches ou devant la caméra toutes sortes de destinées imaginaires et merveilleuses. Et de même qu'Adolf ne fût pas devenu Adolf si l'on n'eût recalé son talent de pacotille (rassurez-vous, les nazis, d'autres auraient pris la place), de même la senorita fille naturelle et méprisée, de talent médiocre, aurait mieux fait de connaître le succès qu'elle escomptait.

 

Au lieu de cela, elle végétait dans les petits rôles, s'essoufflait à criailler sur les ondes, régnait sur les cabarets de seconde zone. Un jour un client la remarque ; c'est un amateur de clinquant, brillant, c'est Peron, en route lui aussi vers un avenir glorieux pense-t-il. Tous ces débuts, tumultueux, sont racontés à la perfection dans le livre qui lui fut consacré par Silvain Reiner : Evita. Les amateurs de films bidons conservent peut-être encore en tête l'ignoble rengaine Don't cry for me Argentina, bramée en anglais (en anglais !) par Madona Superbidone au balcon à la foule abrutie.

 

Le film ne rencontra pas le succès escompté... Peut-être parce que les Américains se sont toujours opposés à la politique de Péron. D'ailleurs, notre beau général creux, admirateur de Mussolini ET d'Hitler (ça fa

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it tache...) ne pouvait plaire à la première démocratie du monde. Il avait même initiés quelques pogroms à Buenos-Ayres, avec ses hommes de main. Donc, les Américains, qui ont foutu Hitler sous son bunker, ne le portaient pas dans leur cœur. Tandis que l'Argentine d'après-guerre, ce n'est un secret pour personne, accueillait bon nombre de fugitifs du nazisme, qui ne demandaient pas mieux que d'instruire l'armée nationale. Les Etats-Unis aiment la démocratie, c'est entendu. Mais ils ne répugnent pas à un régime un peu musclé, même un peu beaucoup pourri, lorsqu'il s'agit de défendre la liberté d'entreprendre, celle des renards libres dans un poulailler libre. Donc ils ne pouvaient porter dans leur cœur, disions-nous, ce populisme, cette “troisième voie” entre communisme et capitalisme baptisée “justicialisme”. Le peuple est facile à berner – disons : les gens sont faciles à berner. Encore aujourd'hui, et vraisemblablement pour toujours. Qu'on lui agite une belle femme sous le nez (vous la trouvez belle, vous , Eva ? ) - et les hommes vont se mettre à bander, les femmes à envier, à imiter, pendant ce temps-là personne ne fera de politique. Il est vrai que l'on ne se bousculait  pas autour de Clara Bruni, peut-être parce que le peuple, justement, ne donne plus dans ces admirations-là, et aussi parce que les ambitions personnelles, des femmes et des hommes, se voient plus facilement désormais, vaccinés que nous fûmes (c'est du Belge) par les dents qui rayent les planchers. Evita, c'était la névrose incarnée, la soif de revanches sur les humilations, et me désir du pouvoir, jusque sur Péron lui-même : ce Monsieur ne l'a jamais impressionnée, surtout pas sexuellement paraît-il.

 

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