Proullaud296

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der grüne Affe - Page 64

  • Blockhaus B

     

     

     

     

     

     

    C O L L I G N O N

    B L O C K H A U S B




    « Cette pluie m’emprisonne. Je ne peux plus atteindre les arbres. »

    Il y a son nom sur l’enveloppe.

    « ...la prairie s’est détrempée jusqu’au centre de la terre... »

    Les oiseaux croassaient de toutes leurs forces. Il pleut depuis le premier du mois.

    « Si j’avais de bonnes bottes, je pourrais remettre la lettre : c’est le même nom, mais

    ce n’est pas moi . »

    S’il traverse la prairie – le champ de boue, le cloaque – il deviendra une masse informe. Au mieux le vent l’encroûtera. Et puis, de l’autre côté des arbres, il y a le Fleuve.

    europe,est,fuite

    « Celui qui porte mon nom a besoin de cette lettre. Plus que moi. La lettre, à moi-même, n’apportera que des tourments . »

    Il habite loin, loin, au sec, dans son dos :

    Formán Tikhonovitch Biédrinine

    Blockhaus B

    « Je ne suis pas cet homme. »

    Les corbeaux dans le ciel font et défont des cercles noirs. Il tend les bras comme un fusil :

    « Pan ! Pan ! »

    Sans s’émouvoir, les oiseaux s’engouffrent dans une énorme boule d’arbres malades, au bord du marécage,puis, l’homme entreprend la traversée.

    À chaque pas la boue monte aux genoux. Il regarde sa montre : quatre heures avant la tombée du jour. Il tâte le message dans la poche de sa chemise : il pouvait aussi bien tout laisser derrière soi. Les choses au pire, il trouverait au bourg une chambre sèche, un pantalon propre.

    De trou en trou il se déhanche.

    Le soleil perça les nuages réveillant des nuées de moucherons acides. Il eut le souvenir d’heures paisibles, de soirées à l’air libre, sur le banc, le jardin fait. De ce côté-ci du marais, à présent derrière lui, se trouvait Bostrovitsa, un gros village plein d’enfants placides. Devant lui, Gréménovo, où il n’avait jamais mis le pied depuis la destruction du pont – plus exactement, l’édifice branlait de toute part depuis l’attaque des Stukas. Ils avaient bombardé les réfugiés. Les autorité l’avaient déclaré impraticable.Dangereux. Il avait sauté, le pont, par ordre du voïvode.

    Il fallait prendre le sentier.La boue, après la décrue, avait là aussi tout recouvert.

    Les anciennes photos du Pont d’Aval le montraient aux jours de gloire, grouillant comme une fourmilière : bateleurs, charrettes, marmaille… c’était avant la naissance d’Endrick. C’était avant la mort du grand-père. Avant le bombardement.

    L’homme avança, leva les bras, tira sur ses cuisses, laissa s’écouler un tonnerre de jurons. L’eau touche le ventre. Les sous-vêtements se sont trempés d’un coup. Il prendrait froid. Désormais coûte que coûte il fallait un docteur. Celui de Gréménovo. Pourquoi lui, Formán, douillet, grincheux, avait-il entrepris cette folie de vouloir à tout prix remettre cette lettre à son destinataire, dont il ne connaissait foutre Dieu que le nom, le sien ?

    La vase remonta sous ses pieds. Bientôt la partie de son corps au-dessus des genoux se trouva hors de l’eau. Il souffla. Ses mains, demeurées sèches, vérifièrent encore sous la chemise que le message n’avait pas bougé. De l’autre côté de la digue il apercevait, sur le ciel gris, les premiers toits pointus de Gréménovo.

    Les premières cheminées se mirent à fumer. Dans un bruit de succions alternées, il se dégagea au plus vite, gravit un perron sans rampe, redescendit quelques marches sur l’autre rive : il était sur le pavé, au sec, à Gréménovo. Il dégoulinait de saleté, mais nul, à part lui, ne foulait le sol irrégulier de cette demi-rue, à l’abri, face au marais. Formán repartit de l’avant. Il se sentit revivre. Il avait malgré tout retrouvé de l’inquiétude, malgré le jour encore haut, et en ressentit une BLOCKHAUS B 4





    vague honte. Son reflet dans une glace extérieure – un tailleur en faillite - le persuada de chercher au plus vite non pas un médecin, mais un magasin d’habillement, pour remplacer son pantalon, devenu bloc de boue.

    IL lui faudrait aussi des chaussures. Alors seulement il pourrait se présenter au Bloc B, Kuiaz Ulitza, et remettre décemment le message.

    La vendeuse de pantalons lui effleura délicatement la braguette au moment de l’essayage. Il se contenta de lui réciter quelques vers. Elle n’avait pas encore allumé la lumière : la boutique baignait dans le gris. Formán oubliait sa mission.

    La vendeuse l’entraîna dans une arrière-boutique plus sombre, où ils prirent un café sur une table branlante près d’un réchaud. Il découvrit sur son crâne à elle, derrière l’oreille, une cicatrice en relief.

    « Ils m’ont interrogée un peu brutalement, dit-elle avec un pauvre sourire.

    Il ne lui demanda rien, le jour continua de tomber, la couronne bleue du brûleur prit une intensité vacillante. Bientôt ils se trouvèrent tous deux vêtus d’amples robes de chambre.

     

    « C’est celle de mon mari, dit l’habilleuse. Il m’a quittée après l’interrogatoire. Et toi, que vas-tu faire ?

    Il tira la lettre de la poche de sa chemise.

    Tandis qu’elle prenait connaissance du message,une étrange torsion paralysa l’estomac de Formán, et il se sentit à la fois proche de l’évanouissement et rempli d’un étrange espoir, solide au-delà de toute raison. Il se leva pour marcher, passa dans le magasin où les vêtements, à présent, semblaient autant de fantômes suspendus aux épaules. Raides, parallèles.

    Un miroir lui renvoya une image si effrayante qu’il chercha et trouva instinctivement un interrupteur. Les néons tremblotèrent, puis s’allumèrent brutalement dans un grésillement continu. La jeune femme le rejoignit, ferma le magasin de l’intérieur, baissa le volet de fer.

    « Je m’appelle Viéritsa, dit-elle. Reste avec moi. Tu porteras la lettre demain.

    À peine quitté son village – définitivement, il s’en avisait à présent – Formán devait à présent composer avec l’espèce humaine. Qui plus est, avec une femme – l’être le plus exigeant et le plus dévoué qui fût. Une vendeuse de pantalons, au visage rond et grave, avec une couronne de cheveux bouclés et une cicatrice au-dessus de l’oreille.

    La chambre au-dessus du magasin donnait sur le marais. Ils avaient fait l’amour au rez-de-chaussée, sur des manteaux étalés à la hâte, en pleine lumière. À présent, la fenêtre éclairée découpait sur la vase et les plantes un grand carré glauque en contrebas de l’autre côté de la digue.

    Même ici, de l’autre côté de l’eau et des joncs, au-delà des frontières de provinces, d’autres policiers sévissaient, d’autres tortures. Pourtant, Formán se sentait désormais en sécurité. Il ne pouvait être poursuivi pour les mêmes délits que Viéritsa – bien qu’ils eussent commis ensemble l’acte le plus répréhensible aux yeux de tous, en tous pays.

    Mais la cicatrice était ancienne. Il parcourut encore du doigt la boursouflure sous les boucles, et la femme eut encore ce petit rire triste ou inexpressif. Dieu merci, ils s’étaient aimés tout de suite, sans tous ces atermoiements qui découragent l’un et l’autre sexe.

    Ils éteignirent la lumière et se couchèrent sagement l’un près de l’autre, comme d’anciens mariés, en tirant bien le drap chacun pour soi, pour éviter les plis. Quand Formán se réveilla, il tenait Viéritsa par la main, le matin doux éclairait une chambre de dimensions modestes, à l’ameublement neutre, et il comprit pourquoi l’amour se fait surtout dans la nuit.

    Mais il n’éprouva nulle amertume, rien d’autre que ce sentiment de douce sécurité. Viéritsa s’éveilla à son tour, et posa sur lui son sourire.

    Ils quittèrent le magasin sans être vus.

    « Il n’est que sept heures, dit-elle, et c’est dimanche. Cherchons ensemble le destinataire de ta lettre.

    - Qu’y a-t-il d’écrit ?

    - C’est une convocation au Commimissariat, dit-elle en souriant. Ils se sont trompés de province.

    - Il faut trouver un autre pays, dit-il.

    - Qui postera la lettre ?

    - Est-il indispensable, avant notre départ, de tourmenter un inconnu ?

    - Peut-être qu’ils le convoquent pour lui dire : « Vous êtes innocent ! ». Le ton général du formulaire ne semble pas déplaisant. Oui, cet homme va recevoir un certificat d’innocence.

    - Cet homme porte mon nom.

    Il demanda la lettre, l’ouvrit, se tourna vers le mur et la lut :

    - Ce n’est qu’un formulaire ordinaire, dit-il.

    - Nous sommes des gens ordinaires, dit-elle, nous faisons des choses tout à fait ordinaires.

    Il hocha la tête d’un air dubitatif et remit la lettre dans sa poche. Il était propre à présent, presque élégant.

    Le bourg tardait à s’animer. Ils se dirigèrent vers une gare en faisant le compte de leurs ressources.

    Ils pensèrent dévaliser une station-service jaune et verte, mais ils se contentèrent de demander quelques smenks au pompiste. Il les leur tendit en riant : il connaissait la musique. Il ne s’aperçut pas que Viéritsa volait trois Karamélis. La police ne poursuit pas ce genre de chapardeurs. Dans le train, ils se partagèrent les Karamélis. Leurs dents se collaient, ils s’ouvraient la bouche l’un devant l’autre, se rappelant l’excellent farce du chien qui mâche un chewing-gum : le chien se tord la gueule et se racle le museau avec la patte. Le train démarra vers Sankt-Iresk.

    Formán et Viéritsa se regardent gravement. Ils sont assis face à facesur les banquettes en skaï de Vonat-Kompanyi, sans billet, « après avoir risqué sa vie dans les marais » dit Formán. Viéritsa ne pense pas retrouver son emploi, parce que les néons du premier étage sont restés allumés.

    « Un court-circuit est si vite arrivé ! »

    Elle s’accuse et pleure.

    Formán lui relève sa tête bouclée. Elle dit :

    « Nous agissons comme des enfants ».

    Formán tapote sa pochette : il lui reste la lettre :

    - Un certificat d’innocence, c’est quelque chose !

    Le train roule, ils examinent le paysage, l’un à l’endroit, l’autre à l’envers. Le train est un pont qui roule, entre le passé et l’avenir. Viéritsa espérait que l’Autre dirait la vérité, Viéritsa craignait le mensonge. Formán se sentait épuisé à l’avance de toutes ces confidences qu’il faut faire aux femmes.

    « Une queue de sirène, qui empêche de marcher. »

    Il dit cela tout haut, Viéritsa le comprit, posa sa main brune sur la main verte de Formán : ils pensaient les mêmes choses en même temps :

    - Plus tard, dit-elle.

    Ils se caressèrent le visage. Le contrôleur passa dans le couloir sans s’arrêter.

    Formán et Viéritsa se retrouvèrent à 14h 38 sur le quai d’un pays tout à fait inconnu. Il flottait dans l’air une odeur marine. L’État de Wyczurie n’était pourtant pas si étendu. Le train s’était arrêté souvent, il n’avait jamais dépassé les 100kmh.

    Ils contournèrent les bâtiments de gare :

    « La Baltique » dit-elle.

    C’est horrible, pensa-t-il.

    La lettre était sur son cœur, il avait failli à son devoir. Viéritsa devinait tout. D’abord, elle prétendit que les frontières s’étaient déplacées. Qu’une décision administrative - « du fond de tes marécages, tu ne pouvais pas savoir ! » - avait repoussé les frontières de Wyczurie vers le nord et la mer.

    Les uniformes avaient changé, mais il y avait toujours des uniformes. Ils interrogèrent un de ces hommes. Ils apprirent que les troupes d’Abimani s’étaient emparé sans résistance de la nation amie de Wyczurie, pendant les heures consacrées au sommeil.

    Autour d’eux, dans la gare, dans les rues avoisinantes, et au centre ville, tout le monde souriait, soulagé. Les amoureux s’étreignaient dans les rues piétonnes. Le sol pavé de briques rouges figurait des rigoles, des troncs de cônes en pierres accumulées formaient au centre des allées des piédestaux de lampadaires.

    Toutes les boutiques étaient fermées pour le dimanche. La zone commerciale butait contre un mur gris souillé de  tags. Ils revinrent sur leurs pas, trouvèrent une autre rue, défoncée, sans boutiques, aux trottoirs dentelés : la vieille ville des entrepôts, aux vitres brisées, reprenait ses droits. Mais il y avait eu ce rêve de vitrines, et l’on respectait le dimanche, cette année encore. Formán et Viéritsa marchaient main dans la main, évitant les dislocations du trottoir. Ils trouvèrent plus confortable de prendre le milieu de la chaussée, déserte, bosselée.

    Formán se sentit l’estomac creux : le remords, sans doute.

    - Tu n’as pas risqué ta vie. L’eau n’a pas dépassé ta poitrine. Le fleuve avait changé son cours.



     

     


     

  • Blattes, Blattes

    C O L L I G N O N

     

    B L A T T E S , B L A T T E S

     

     

    I Regarde-les, mon âme ; ils sont vraiment affreux - Baudelaire – Les aveugles

     

    1. a) Détail de la reptation, dans les angles, le long des plinthes.
    2. b) Le couple effaré, serré l'un contre l'autre, musique de Schubert.
    3. c) Vision élargie à l'ensemble de la cuisine et de la boucherie de Fort-St-Jacques

     

    II L'héritage

     

    auberge,boucherie,exposition

    a) Ils lisent, effarés,le document descriptif

    b) L'obligation de résidence alla Ponzia

    c) Ils prennent possession des lieux en se déplaçant, toujours l'un contre l'autre – musique

     

    III Les lieux

     

    1. a) Les aubergistes, sur leurs talons, expliquant.
    2. b) Montée de l'escalier, les douches, les chambres merdiques
    3. c) Le puits des miliciens, retour aux blattes

    Tout être qui se sent persécuté est réellement persécuté

    MONTHERLANT Le cardinal d'Espagne

     

    A I a

     

    Les blattes sont de petits insectes dégueulasses, hétérométaboles et dictyoptères. Ils trottent dans les lieux obscurs en faisant cra-cra-cra et se nourrissent de Nos débris.

    Les voici en pleine lumière, au plafond, sur les murs. Partout. Non pas en files ou queue-leu-leu comme les cafards noirs et ramassés, non, la blatte longue et brune a son identité, son autonomie. Elles sont toutes là en positions différentes, éblouies par l'ampoule à 100W qui les fusille aux yeux, les aplatit dans l'illusion qu'elles ont d'être invisibles, elles font les mortes sans penser encore à se contracter d'un coup les six pattes sur le ventre pour se laisser tomber et filer, sans pressentir encore leur extermination à grands coups de savates à même les parois et le plafond nu. Et paf à deux tatanes chacun ça fait quatre taloches qui tapent et tapent sur les blattes qui tombent.

    La mort la plus simple pour l'organisme le plus simple. Ce n'est pas compliqué, un rectangle brun qui craque à peine. Éviter de coller le cadavre au mur en claquant trop fort.

     

    A I b

     

    Sur les blattes les babouches à la main, carnage en dépit du grand nombre de planqués par tous les angles et toutes les fissures, deux humains crâne rasé, roux pour la femme :

    - Vingt-cinq dit l'homme.

    - Quarante-quatre dit la Marquise, rase, rousse, en sarrau bleu. Elle s'est acharnée la vache. Total 69. "C'est un h asard – Fait chier tes obsessions Pascal, cherche un balai." Pascal cherche au hasard vers le fond, là où c'est le plus sale, où trouvent les placards normalement, dans un appartement qu'on ne connaît pas.

    Les cadavres s'empilent sur la pelle et ça fait penser à Auschwitz c'est au tour de Pascal de gueuler T'en as pas non plus toi des obsessions dégueu? Donc ils débouchent leurs oreilles et coupent le son C'était quoi pour toi dit la femme Schubert comme d'hab répond Pascal Passe-moi la poudre à lessiver dans la bagnole il est tout pâle. Il jette les cadavres dans un grand sac en plastique.

     

    A 1 c

     

    Ils sont arrivés mains dans les poches, le reste suit par autocar. Les écouteurs au fond des oreilles, bonne provision de cassettes dans le sac, pendu dans le dos comme une couille arrière. Ici c'est une ex-boucherie, désaffectée désinfectée, avec des grilles serrées serrées de droite à gauche de la vitrine. Des barres creuses, étroites et rondes impossible à frotter sauf à la brosse à dents modèle enfant, semi-cylindres maculés de minium et de sang séché. Odeur fade et vague qui donne la sensation de mâcher du steak juste assez salé limite avarié. Une espèce d'arrière-goût dans la bouche, dont on veut d'abord s'assurer, puis se débarrasser en miappant dans le vide, et qui précisément s'accentue, dans la salive, là, juste au-dessous du creux de la langue.

    A l'arrière, non pas aveugle ni privée de fenêtre, l'arrière-boutique, le boyau-cuisine où se cache un vieux réchaud à gaz tout poreux, une table sous toile cirée. Très grasse. Et si, tout de même, une fenêtre aux volets clos qu'on ouvre à ras du sol de la ruelle latérale (dans un grondement d'espagnolette oxydée) avec vue sur le goudron, le caniveau cimenté mais fendu (ses eaux sales) ainsi que le plâtre du mur d'en face, où s'ouvre une fenêtre de chez les autres avec rideaux plus le cul d'un appareil TV.

    A II a)

    "...soit, pour les époux Schongau-Schongauer" (Marquise Arielle et Pascal Papier) "en propriété indivise un bâtiment sis au six, rue des Puniques sur trois niveaux dont une Boucherie désaffectée plus arrière-boutique, chambres et dégagement sur le premier étage" (toilettes et point d'eau), chambres et point d'eau, combles, le tout

    " - constituant immeuble de rapport dit "hôtel désaffecté" pour insalubrité par décision préfectorale du 20 juillet 84, chaque chambre pourvue d’une literie, de meubles hôteliers adéquats et de tous tuyaux, robinetterie, lavabos et bidet en bon état de marche, à charge tôt ou tard l’obligation pour les époux de réaménager à leur gré exclusif tout ou partie, intérieur ou extérieur des bâtiments décrits susdits – sous réserve d’habitation et occupation domiciliaire constante et définitive des lieux sous peine d’expulsion en vertu de l’article (etc).

    Jeanne de Schonau et Pascal Schongauer dit Papier, unis par cousinage impliquant bâtardise de branche et par liens de mariage ont reçu et accepté le Six rue des Puniques à Fort-St-Jacques à charge d’habitation et d’ « occupation bourgeoise » des lieux » suite à condamnation par contumace de Blatt-Oliver Blattstein en poste puis destitué au Consulat français de Montevideo (Uruguay). »

    Pour trafic illicites Blatt-Oliver croupit dans les prisons dorées de Punta del Este sans extradition possible : c’est du gouvernement uruguayen lui-même qu’il est justiciable.

    « Que mes cousins » écrit-il « occupent cet immeuble. Tout, plutôt que l’Administration

    des domaines ; les Schongau-Schongauer, au moins, n’ont pas, et de loin, les moyens de transformer l’hôtel de mes ancêtres en minable palace de luxe ».

    Accord entre les parties.

    Dont acte.

    « Eh bien… répète Pascal en relisant les textes additionnels.

    - Parcourons, dit Jeanne, Marquise de Schongau.

    Pascal replie lentement le document, et, main dans la main, écouteurs pendants, tous deux s’engagent sur le raide escalier de bois noir qui monte là-haut.

     

    A II c)

     

    A la douzième des vingt marches, Pascal s’arrête net : « Douzième marche de ma vie ; à 4 ans par marche, me voici à 48 ans sur 80 ».

    Jeanne de Schongau ricane.

    Ils poursuivent épaule contre épaule, jusqu’à leurs chaussures sentent la blatte. Ils débouchent à quatre-vingts ans sur le grand palier, qui comprend : une pierre à eau (« évier », de « l’ève » ou «l’ eau », aqua) ; un coin douche, dont les deux parois, dans l’angle, n’atteignent pas le niveau du plafond.

    Et autres choses disgracieuses, armoires, coffres, et tout se qui se désaffecte, le tout affligé de poussière. Des bruits grinçants. C’est éclairé par une vue sur un boyau d’entre-deux-murs.

    Comprenant de surcroît : un corridor tordu au plancher traître, plus au bout à droite une chambre en parfait état d’abandon d’un coup.

    « C’est la plus belle.

    - Sûr ! dit Pascal, qui n’en a pas vu d’autres.

    La cheminée grasse de poussière, une brochure d’histoires belges dans le tiroir de la table de nuit. Couvre-pied lourd, sol déprimé au centre, l’envie poignante d’habiter là à tout jamais, nulle part, et puis de peaufiner des premières phrases toute sa vie. Philosophe à Fort-St-Jacques.

     

    A III A°

     

    « La meilleure chambre » dit l’aubergiste. Et comme on ne l’a pas entendu venir, il frappe sur l’épaule de Pascal.

    «  Je vous ai suivis. Demandez les clés. Vous penchez pas trop. Votre fenêtre donne juste au-dessus de la porte au boucher. Ça c’est de l’étage : 4,50m. »

    La femme de l’aubergiste sur ses talons.Elle avait dit :

    « C’est mon mari qui vous a installé la pompe sur l’évier dans le dégagement. Et des toilettes dans le boyau. Vous avez pas vu les toilettes ?

    - Il y a des blattes, observe Jeanne, de Schongau.

    - Vous aurez du produit. »

    Elle souffle à cause de l’étage. Le mari aussi. Ils sont tous les deux très typés. Sans intention d’être drôles, mais vraiment très gros, très essoufflés. La femme plus que l’homme. Quand on la regarde dans les yeux, on sent une jeunesse éternelle et poignante qui donne envie de la baiser , vers la 15e marche sur 20, mais par derrière, ou sur une table d’auberge, la sienne. En même temps, ce n’est pas drôle, pas comique du tout, le mari non plus ne porte pas à rire : très gros, très fort, très grand, à l’alsacienne, avec des bretelles, un schnurrbart et des restes de blond sur les pattes. Les deux couples se contemplent avec intérêt.

     

    A III c)

     

    Les aubergistes habitent en face, à l’auberge, qui fonctionne, ils ont les clés d’ici, la gestion de l’hôtel leur a été retirée : « Insalubre » dit l’homme, « insalubre ».

    - Il faudrait des frais énormes, dit l’épouse, qui rougit.

    Ces deux personnes suivent Schongau-Schongauer Jeanne et Pascal de chambre en chambre, désaffectées, matelas roulés sur les sommiers, volets mal clos, donnant sur des portions de rues typiques, étroites, dans ce bourg mort signalé « médiéval » : très haut directement par dessus le goudron, 5m 1/2.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

  • ARKHANGEL

    C O L L I G N O N

     

    ARKHANGEL

     

    POINTS DE REPÈRES

     

    Bergerac, 29 avril 2019

    Siège d'ARKHANGEL. Tout le Sud est contre nous, dans le jardin du fond, jadis, Condé-sur-Aisne. De même encore l'année suivante à Pasly, sur l'escabeau d'une salle de classe encore déserte. Je gagne mon galon de lieutenant grâce aux tirs de ma pulvériseuse. Un char d'assaut qui d'un coup de rayon laser réduit en poudre nos plus intrépides adversaires.

    Les cultures s'étendent en surface, sans obstacles. Parfois subsiste le paysage, comme autrefois : la route de Nouvion aux Étouvelles. Cependant lavie des humains se déroule sous terre. Tout s'achète et se vend par distributeurs, jusqu'aux salons complets, jusqu'aux automobiles. Nos entrepôts sont enterrés. Les seules toilettes sont dans la cour d'école. Notre logement n'en a pas. Je chie dans un seau. Je veux être confiseur. Quand je me suis lavé le cul je lance au mur une balle élastique et la rattrape au vol, je joue contre moi-même.

    froid,enfance,guerre

     

    À cette occasion, fasciné par un souvenir de stock-car macérien, nous imaginons une automobile-soucoupe voir Vinci, que nous baptisons ventoréacs. Dans les chiottes duThillot j'imagine un voyage en haute montagne : l'altitude augmente, la température baisse. Les chiottes toujours dans mes rêves. Le plus souvent très sales. Aucun psy ne m'en a délivré. Dans celles de Condé j'invente un personnage plus grand que mon père, 2,10 m. qu'il a coloriés sur une grande feuille. Il n'a pas su résoudre la perspective : les chaussures prolongent la jambe, si bien que Rolstrand est juché sur des cothurnes étroitement lacés. Il s'appelle Rolstrand.

    Roland, comme mon père, plus R, S, T, de façon à rester prononçables. La grande manie de Rolstrand, consiste à faire respecter une exactitude scrupuleuse. Quiconque se met en retard d'une minute se fait engueuler. Plus tard, je hurle de me faire torcher, le frère et la sœur Lanton écoutant, graves comme des papes, le viol qui se perpètre. Ma mère gueule comme une hystérique, son fils ne doit pas porter de slips sales. C'est une bonne ménagère. Tandis que l'enfant gît dans sa chambre (virage de cuti), il convoque en esprit ses parents, les convainc d'embarquer sur son vaisseau spatial : son pays s'appelle Charabie, où l'on parle charabia. Plus tard ce sera Vulcain. Plus sérieux. Dès qu'ils ont non sans mal accepté, la nourriture manque au rêve : plus rien à montrer, l'essentiel est de prouver que ma planète existe, qu'un Père Noël viendra me délivrer, sur une de ces hirondelles qui en ce temps-là pullulaient.

    Un jour le ciel contient un aqueduc orange de nuages ou de traces d'avion: il descend vers moi, ma délivrance est proche, je danse et ils seront punis. Puis je m'aperçois que j'imagine. Se procurer Amadou et Coconut globe-trotters. Le jour de la séparation papa chimpanzée tire stoïquement sur sa pipe, maman pleure dans un torchon bonne-femme (bona fama, bonne réputation). Un roman que j'ébauche est une fugue avec mon père : nous partons de Nice, où je n'ai jamais mis les pieds, et vivons de chasse dans l'arrière-pays, droit au nord.

    Je tire à l'arc sans grand succès. Cette fiction se heurte aux réalités - du réalisme. J'invente une ville Charleminvin. Son nom vient d'un roi qui se fait réveiller ; à telle heure moins vingt le serviteur crie dans l'escalier "Charles ! Moins Vingt !" - l'enfance est conne. Précisement des cartes. Bégaiement des noms : Bébébut, Zézébut, l'un remplacé par l'autre,et les vrais tas de sable au bord de la route se peuplent de lutins, connaissance avec Bibi-Fricotin.

     

    En colonie de vacances (les jolies...) sévit une vague de chaleur. Tous les deux jours pendant la sieste un colon raconte des histoires de cul. Les autres se branlent sous le drap je me fais virer dans un réduit tout blanc je parle tout seul le gros André me dit de la fermer j'peux pas dormir merde !

    Mohon Carlepont bataille de Sans-Franska-le-LacVictoire ! Victoire ! Le Sud reflue -

     

    Les années passent et dans mon impatience durent quinze jours : 4007 commence aux vacances de Pâques et s'achève à Quasimodo. Le réajustement du temps

    Plus tard, les chiottes fraîches de l'école sentent le ciment frais. Je coïte et cohabite dans le sexe d'Uocquige : celui qui baise sa mère et qui reçoit les coups de queue dans sa poche utérine. Uocquige est un nom zinon : "uo", c'est un mot à l'envers, pour "ou". Le cou, "el uoc" ; le bijou, "el uojib". Jamais je n'ai pu redécouvrir, quelles que fussent les contorsions que j'infligeasse à ce nom, de étymon véritable il partit. Ma mère s'appelait Simone. Il faut tout édulcorer : s donne z, m donne n. En Zinonie, passée une vaste étendue maritime, lalangue maternelle se parle à l'envers.

    Le drapeau d'ARKHANGELSK sera édulcoré : bleu-blanc-rouge égale vert-jaune-mauve. Édulcoré mais cruel. Fier-Cloporte joue aux cartes en comptant sans cesse : As, deux, trois, jusqu'au roi. Chaque fois que la carte retournée coïncide avec la carte prononcée à haute voix, elle est éliminée. Chaque carte a fait l'objet d'une liste alphabétique, dans l'ordre hiérarchique descendant : cœur, carreau, trèfle, pique. Ensuite existe un système de grâces. L'une d'elle consiste en une nuit avec une femme.

     

     

    Plus tard plus tard à Nouvion la salle à manger j'invente les Escargots Volants qui tombent du ciel et vous aspirent à travers leur ventre fendu, j'imagine la Grande Débauche où les filles présentes à chaque mètre s'ouvrent le sexe et se cambrent pour être baisées.

     

     

     

     

     

  • Adieu toutes les femmes (Mivath et le maçon)

    C O L L I G N O N  A d i e u  t o u t e s  l e s  f e m m e s

    (Mivath et le maçon)

     

     Etroitesse B.JPGLorsqu'il revient du travail, tous prennent leurs distances. C'est salissant un maçon. Le bob sur son crâne n'est plus qu'un bloc de yaourt. Il tient les bras loin du corps, se gratte sans conviction les pieds au paillasson. Prénom : Georges. Des cheveux noirs en frange sur le front, une fine moustache érotique. Taille : assez petit. Pas seulement maçon, mais à toutes mains : finitions (plâtres, carrelages ; branchements, raccords de mortier). Il peint aussi sur toile, sur les murs, des marines qui arrondissent les fins de mois. Radio X-Y lui propose, en haut de la pente, un coulage de semelle : une plaque de 10 sur 10 pour supporter, pour isoler du sol une construction métallique.

    Radio Kiss doublera sa surface. Georges bosse mollement : la paye au forfait n'encourage pas précisément la rapidité d'exécution. Dans le grincement obsédant de la bétonnière, Georges observe tout, appuyé sur son manche de pelle. Il a bien calé la machine sur le sol, entre les touffes d'herbe, les taches de paille de fer ; tous les débris des vieux chantiers d'avant, durites au butyle et fragments de câbles. Georges se voit mal passer sa vie là-dedans, mais il faut bien qu'il s'y fasse. Il voit défiler tous les jours les animateurs qui passent et repassent le seuil métallique vert bouteille surélevé des studios, dans un bungalow vaguement aménagé.

    Parmi les défilants, Georges voit :

    - un curé en veston

    - un imam sunnite

    - un imam chiite

    - un rabbin, un pasteur

    - une Portugaise sans accent, beau cul

    - un Italien, cul moyen, quinquagénaire et la tête en arrière.

    Il voit encore :

    - une blonde nommée "Lise", d'abord revêche, experte en informatique.

    - toutes sortes d'invités des deux sexes, qui se croient tenus d'adopter au micro (il les écoute sur son transistor) un ton fade qui dénote l'amateur, celui qui veut passer pour professionnel ; souvent, appuyé sur sa pelle, Georges change de longueur d'ondes.

    La personnalité la plus marquante, c'est un grand maigre au ventre proéminent, à cheveux longs très démodés ; il porte le verbe haut, se tient courbé sur son abdomen, odieux à l'antenne.

    Il s'ouvre au maçon de son désir de l'interviewer à l'antenne. Avant que Georges ait pu décliner son invitation, le grand homme poursuit son boniment, se cause à lui-même et se coupe au

    milieu de ses phrases. Georges entre à sa suite dans le bungalow que tout le monde appelle "le bureau" : le samedi, l'affluence est plus grande, chacun va et vient, et se sert : l'agrafeuse, le marqueur, le compact. Georges pianote, consulte les annonces de cœur, dont la première page montre un cœur qui bat :

    JFMIVATHCHCORRESPTTSRÉG

    Mivath ? ...c'est hongrois ?

     

    Il note l'adresse, met en veille, et file. Le blond maigre ventru l'a oublié, il courtise l'équipe, tient absolument à passer un jour ou l'autre, ô gloire ! à l'antenne. Georges empoigne sa pelle. Il gâche comme il peut. L'argent n'arrive guère.

    Il espère que Mivath, la Hongroise ! lui adressera des lettres sous enveloppes parfumées, molletonnées. Roses. Georges revient chez lui, se change, gagne la table. Sa toile cirée est encombrée de pieuseries : vierge luminescente, images dans le missel, napperons "Sacré-Coeur" 30cm ; un coquillage en grotte, trois signets à la croix de Malte. En face de lui, un curé de St-Leu-St-Gilles. A droite du prêtre, soeur Latanie, sans coiffe, mais non moins convaincue de l'existence de Dieu. C'est son foyer. Ce couple l'a recueilli. La morale est stricte. Autour de lui, sans garantie, un peuple d'images pieuses punaisées, un Christ, légèrement décalé au-dessus du réchaud.

    Georges à 30 ans bientôt possède une chambre personnelle et sobre. Il n'a rien à cacher. Il révèle aux deux adeptes son intention d'établir une correspondance suivie avec Mivath, hongroise. Ou islandaise. On peut se tromper. Il s'aperçoit aux tics du curé que c'était son tour de Benedicite. Il bredouille et mange. Le repas est silencieux sauf un grésillement de transistor, le Père Dubreuil se branche ainsi sur l'univers et repasse les mots qu'il vient d'entendre. Puis Georges dans sa chambre forme un numéro de Minitel, Médium Interactif. Une voix chaude et artificielle, de femme s'efforçant d'être aimable. Aigre, en habits de politesse. Georges se dit : "Ce n'est pas une jeune fille". Elle a pourtant 17 ans. Le contact sera pris, régulièrement, dans une cabine téléphonique aux cornières métalliques.

    Georges-Xavier tente d’intéresser, avec humour, son interlocutrice à la composition du CIMENT. Elle s’en fout. Tseth Mivath, c’est son nom, confie ceci :

    - ce qu’elle lit

    - ce qu’elle voit au cinéma.

    Georges-Xavier en apprend beaucoup. Il dit :

    « Quand je lis, j’oublie tout ».

    C’est un ouvrier qui lit.

    À l’autre bout du fil, Tseth Mivath s’étonne. « Si je lui demandais de gâcher du ciment, pense G.X, je lui dirais moi aussi : C’EST FACILE ! »

     

    Dans cette vois métallique du téléphone, le maçon croit déceler « un désir qui n’ose pas dire son nom », l’expression lui vient d’un roman-photo. Il lit d’autres choses que des romans-photos.

     

    Mivath se présente au terminus du 25, dernière à descendre, empêtrée dans ses mollets, avec de grandes lunettes noires. Rejette ses cheveux roux sur ses épaules et se tord le pied. Pas beaucoup. Georges est en veste de ville, sans plâtre sur lui. Il faut cesser d’avoir des préjugés. Mivath écrase sans les finir ses mégots-filtres pleins de rouge. Couple gauche. « Confuse, dit-elle, je suis confuse ». Georges ne désire pas son visage, grêlé, bistre clair. Elle se trompe dans les génériques. Peut-être ces rediffusions télévisées à caractères minuscules. OÙ VONT TOUS CES OISEAUX qui passent dans le ciel par bandes.

     

    « Père Dubreuil, Sœur Tatiana » IIIe siècle « je vous présente Mivath ».

     

    * * * * * * * * *

    - Cher Monsieur,

    J’ai bien lu votre article sur l’art de la fresque. Vous y exposez de belles thèses (…)

    « Mais, pourquoi écrivez-vous ? (...) » - MIVATH.

     

    - Cher Georges,

    (…) Comprenez-vous le latin ? ...que vous êtes cultivé ! Quelle est l’opinion de vos parents sur moi ? (ils ont pensé… que vous vous poudrez trop).

     

    Je vais vous dire, chère M., ce qui m’a amené à la maçonnerie…

     

    Georges se loue à des chefs de chantier pour un travail au noir. Le mortier est gris. Le ciment est clair. En général. Georges s’écorche les mains, les doigts, la peau autour des ongles.

     

     

     

     

  • Traduttore, Traditore

    COLLIGNON TRADITORE

     

    notes de Katy Nitkine

     

    Tous les commentaires que je fais sont en rapport avec ce que je connais de ta personnalité, j'outrepasse donc la fiction pour traquer l'auteur même. Ne prends rien pour un reproche, mes commentaires sont tout-à-fait spontanés et bienveillants, comme un œil extérieur souhaitant te délivrer de certaines manies.

     

     

     

    Seul à ma table avec les fourmis.

     

    Tous les éveillés font semblant de dormir. Sensation de danger comme hier, au sommet de la tour de Najac. La peur provient de ce fait : chacun peut se lever sur la pointe des pieds, pour lire par-dessus mon épaule. mort,père,solitudeCETTE OEUVRE EST D'UN SCULPTEUR DONT J'IGNORE LE NOM; qu'il se manifeste pour les droits. Merci.

    La peur provient de moi : je laisserais traîner ce que j'écris, eux, le liraient. Retenez ceci : quoi que vous fassiez, il y a toujours quelqu'un qui lit par-dessus votre épaule. J'aime

     

    Hier mon père et moi sommes allés au château de Najac. Mon père me suit, partout. C'est lui, par-dessus l'épaule. Il m'a conduit jusque très tard aux cabinets.

    Une queue sort d'un arbre, un jet de merde tombe : mammifère ou oiseau ? Cette nuit je fus réveillé par une sorte de glapissement.

    C'est un écureuil.

    Est-ce que les écureuils crient ?

    J'avais cru jusqu'ici que c'était le cri du renard. Ainsi, pendant les nuits de Pasly, entendais-je le renard et le rossignol. Puis j'appris que c'était celui de la mésange. Mais le renard, c'était ...?

    Partout des frémissements : dernières poursuites, derniers massacres entre les branches. La mort la plus fréquente chez les animaux est de se sentir englouti, déchiré vivant. Tout sera bientôt englouti par la grosse vulgarité humaine.

    Mme Schmoll est grise, grosse et vulgaire. Mon père fréquente cette femme. Ma vie sexuelle est bien plus secrète. (ça c'est de la fiction !)

     

    Au sommet du château de Najac, le corps engagé dans les créneaux, je faisais le tour de mon vertige, j'aime

    le sol semblait se relever vers moi comme l'angle d'un tapis vert, je pensais qu'un peu de courage

    aurait suffi pour sauter dans le vide. Tout serait fini.

    Non accompli.

    À ce moment la voix de Frau Schmoll me parla de réincarnation.

    C'est la première fois que j'écris à la main depuis si longtemps.

    ...La pente du village est raide. Nous avons acheté du beurre. J'obsevais une petite fille plate et pathétique. Longiligne et visiblement couvée. Qui nous fixait. Le soir elle écrirait dans son carnet : des adultes laids et puissants. (si exact !)

    Rien ne ressemble en moi aux choses que livrent les écrivains dans leurs interviews : ils se sont tous donné les mots... le mot

    Et autre chose encore : le jour de ma mort, sur mon lit de mort, si tant est qu'il y a un lit, les couces feuilles de mon Œuvre ne bruiront pas à mes oreilles pour m'emmener, sur leurs ailes, dans l'Éternité. métaphore ! Ah la métaphore filée, qui plus est, n'en abuses-tu pas, comme dirait... ? Ça fait cliché mais ça me plaît.

    Alors je note. Qu'il fait frais. Que les oiseaux très isolés font entendre leurs divers cris. Que la grand-route passe au fond très loin vers Montauban.

    Nous sommes au cœur du Ça.

    Das Es. Essen. Mon père va me contraindre à manger. Il engloutit des kilos de petits-déjeuners. Celui-ci durera trois quarts d'heure. Puis viendront d'autres châteaux.

     

    ...Qu'est-ce que j'apporte aux autres, – est-ce une vraie question ? - et que les autres n'ont pas ? Cette lueur d'été infâme, ces siestes vautrées dans la demeure, cette décomposition d'où je me suis à l'instant relevé, vous les avez vécues, également.

    oui, mais nous ne les avons pas écrites, ni décrites, donc, réponse à la question, tu nous apportes ta belle écriture.

    Les journaux éternels sont peuplés d'êtres imaginaires. J'y reviendrai.

    Frau Schmoll va et vient seule dans la maison fraîche, la vaisselle tinte sur l'évier de pierre, nous avons mangé trop de fromage, il faudra digérer, payer tout cela. Il n'y a plus que mon père qui dort. Il est très difficile à réveiller en début d'après-midi.

    Réendossons la vie. Que la vase vous envahisse, que l'action vous mène, mon Dieu, n'y a-t-il donc que la mort dans la vie ? Excellente

    Le soleil chauffe. La première des politesses serait que je sorte de ma chambre.

     

    *********** ****************** ****

     

    Mon père joue de l'orgue. S'il se contentait de se distraire ! hélas, il se prend pour un génie. Méconnu, ce ne serait pas si grave. Hélas encore, il se prend pour un génie à venir. A soixante-douze ans, mon père attend toujours son avenir. Il s'imagine encore en capacité d'atteindre, à force de persévérance et de progrès, un stade supérieur qui tarde à venir. Qui lui est dû ; par le nombre des années.

    Une garantie.

    Or il existe aussi des vieillards cons.

     

    xxxxxxxxxx

     

    Plusieurs ainsi Pitt s'offrent à nous. Ce ne peut être une date : tout verserait dans le réalisme, où chacun s'empresserait ou craindrait de se reconnaître. Où moi-même...

    L'un de ces commencements consistait à reprendre les propos de Connolly, disant en substance que tout romancier doit être un homme d'acquiescement, tandis que l'homme divisé s'épanouissait dans le journal ou le dialogue.

    Une troisième introduction implique une réflexion sur l'inévitable permanence des personnages secondaires ou (plutôt) épisodiques. Mais où Claude Mauriac, Gide ou Nin évoquent Miller, Allégret, Cocteau, nos pas ne croiseront que des Fritz et des Zimmermann. Ceci me semble une digression et présente un décalage, on veut poursuivre avec toi dans la fiction (ou pseudo-fiction).

    Henri-Frédéric Amiel me fascine. Son oeuvre figurait parmi les usuels de la Bibliothèque de Bordeaux, alors qu'il ne voyagea pas, et borna le cercle de ses connaissances à quelques amis aussi obscurs que lui.

    Voyez comment la démarche de l'auteur diffère ici infernalement de toutes celles de tous les autres écrivants : quel autre, au mépris de toutes les lois de genre, ne cesse de s'interroger sur l'effet de son écriture ? non pas dans la postérité, mais dans le moment même ? distanciation de l'auteur avec lui-même, qui nous ====> rapproche de lui.

    l'artiste s'interroge toujours.

     

    Ce narcissisme escargotier le mène droit aux gémonies - en latin scalae Gemoniae : escalier, dans la Rome impériale, où les corps des suppliciés étaient exposés avant d'être jetés au Tibre. J'inscris ce mot sur mes tablettes. Mon père fait ses ablutions dans le cabinet de toilette attenant. Il s'est levé tard, ce qu'ordinairement je ne puis supporter - je le houspille, et la matinée se passe dans l'aigreur ; au lit, il ne dort pas : ressassant ses souvenirs, parfois les yeux grands ouverts au-dessus de la ligne du drap. j'aime

    Il perd son temps. Il ne doit pas ruminer ainsi. La rumination ranime le goût de sa jeunesse, justifiant la totalité de son passé - tiens, ça me rappelle une personne que je connais bien !

     

    Nous verrons. A son âge.Mais le temps qu'il repose ainsi : je ne peux ni sortir ni me promener. Même si je ne me serais jamais promené on a le droit de dire ça ? Ah oui, c'est ce fameux "même si" où je me trompe sans cesse...

    Le temps qu'il repose, je lis sur un banc de bois raide, engourdi par le ronflement du réfrigérateur. Je marche autour de la table pour me dégourdir. La machine est sur mes genoux, moi maintenant sur la chaise cannée, coincé dans le coin d'un buffet près de la prise de jus faute de rallonge. Est-ce que je joue bien. Je me souviens d'un dessin féroce illustrant, jusque chez les plus grands, la manie du journal intime : j'avais envie de prendre un bain froid lisait-on à l'envers d'un rouleau manuscrit. Mais cet auteur n'avait pas d'humour. Ai-je de l’humour ? Douteux. Oui il est douteux.

    Je scinde ma vie en heures et minutes. Même en congé. Inspiration ou pas. Inactif jamais.Les enfants immatures appliquent les préceptes appris, que les pères ne respectent pas. Plongé pour le moment, le mien, dans un traité d’échecs. Trop fort pour moi. Il m’entraînera bientôt dans une promenade au soleil, d’où je reviens la tête tournante. Choisit-on la vie de son père ? Mon emploi du temps s’étale à qui veut le lire : chaque jour, à chaque page, ce sont des insignifiances. Le reste de ma vie repose en maints tiroirs, attendant le camouflage. J’aime. Si je parlais de mon père il faudrait un voile de plus. Certains disent que je manque de maturité, exact. À l’âge où je suis parvenu, je ne vais tout de même pas m’emmerder à acquérir des forces que les autres maîtrisent déjà.

    Ils me distanceront toujours, c’est pourquoi ils tentent de m’attirer sur leur terrain. Mais dans les contrées méconnues de la soumission, je conserve une avance irrattrapable. Quand il mourra je m’arrangerai pour disparaître. Il atteindra bien les 90 ce qui ne me fera pas loin de 70. Les hommes vivent vieux dans ma famille. C’est aussi la mienne. Soixante-dix me suffiront. Je me souvient très bien de son père.Il n’écrivait pas, il ne calculait pas. Le dernier homme décidé. Hier je suis allé consulter Sergueï Ibrahimovitch. Il m’a dit « Vous avez un cancer ! » Ce vieux crétin. Il riait aux larmes. Il me palpait le foie, le sigmoïde, et si je piaulais, il riait. « Vous devrez faire une échographie ».

    Puis une échographie. Puis une cœlioscopie. Moi qui veux rester en surface. Comme si je n’avais pas assez souffert. Mon père;lui, n’a toujours rien. Je guette : rien, rien. Il y a pourtant ce signe qui ne trompe pas : ce besoin de se lever toujours plus tôt. Il en est à cinq heures et demie. Si encore il se tenait tranquille. Mais non. Il tourne, il gyrovague. Remue des bols, s’asperge, claque les volets. On change les rôles : je suis le malade – foie, pancréas, ce qui nettoie vite son homme. Cette idée aussi d’annoncer aux hommes leurs cancers en riant ! J’espère que la douleur ne viendra pas trop vite. Je dois apprendre à ne plus me moquer de ceux qui ne savent plus parler que de leur maladie.

     

     

     

  • L'emprise des femmes selon le Singe Vert

    N° XIX – L'IGNOBLE ET IMPITOYABLE EMPRISE

    DE LA FEMME

    SUR LES LIBRES ASPIRATIONS

    DE L'HOMME SINCERE

    femmes,viol,amourF I C T I O N

     

    L I T T E R A I R E COLLIGNON HARDT VANDEKEEN / DER GRÜNE AFFE / LE SINGE VERT N°19 – 4

     

     

     

     

    La femme est directement responsable de la frustration masculine, engendrant non seulement la masturbation ce qui n'est pas si grave mais aussi la prostitution, l'homosexualité, le viol, la pédophilie, la guerre et l'ensemble de toutes les souffrances humaines.

    Ainsi parlait le Salopard.

    Il disait :

    Premièrement, la prostitution.

    Mauvais début dans la vie que la masturbation. Le garçon y voit la plus forte honte dont il est entaché. Il espère bientôt, et le plus tôt possible, s'en dispenser, s'en délivrer, tirer enfin son coup dans un vagin de forte taille qui ne lui fait pas peur du tout, contrairement à ce qu'affirment des armées d'imbéciles (Freud u.v.a. « und viele anderen »).

    Il disait, l'autre Connard, que les garçons ne brûlaient que d'en découdre avec l'autre sexe, que jamais l'agression d'une autre fille ne serait considérée par lui comme une agression, mais comme une initiation ardemment désirée, qui lui apporterait enfin sa Confirmation, sa Virilité, et que jamais, jamais il ne mépriserait, ne concevrait même le moindre soupçon de mépris envers l'être surnaturellement généreux qui s'offrirait à lui.

    Hélas, répondrons-nous, la tradition culturelle du corps de garde constitue la condition sine qua non de l'accession au stade d'homme chez les tribus incultes (pléonasme) de jeunes garçons.

    Tandis que la jeune fille, disait le Connard, choisit librement de se masturber, y voyant même un stade indispensable à l'affirmation de sa personnalité et un gage de maturité puisqu'elle ne se précipite pas ce faisant sur le premier crétin venu. Elle sait pourtant qu'elle n'aurait qu'à se baisser ( c'est amusant, dit cet être plein d'abjection) pour choisir à son tour son initiation. C'en est au point que dans les romans (le Connard s'imaginait que les romans sont l'expression même de la vérité démontrée) que dans la réalité donc de leurs confidences à toutes (il faut bien à défaut des romans croire ce que disent les jeunes filles elles-mêmes), ces Demoiselles en étaient à se demander, le jour où elles avaient enfin décidé de se livrer, pleines d'inquiétude, au dépucelage, AVEC QUI elles le perdraient.

    Il y avait toujours l'embarras du choix, ou du moins le choix entre plusieurs, même s'ils ne s'y attendaient pas d'ailleurs – car elles étaient persuadées qu'il accepterait, quel qu'il fût, tant leur corps et leur mignonne petite chose rose étaient considérés par elles-mêmes comme le trésor le plus

    enviable. Il fallait donc choisir celui qui serait le plus aimable, le plus doux et le moins méprisant. Soit. Pour le garçon en revanche, il n'y a le choix qu'entre « rien » et « rien du tout »? C'est le poignet, ou le poignet, ou la branlette. Vaste éventail de propositions en effet? Heureusement il y a les putes. Il ne reste que les putes. Ou la masturbation. Qui déprécie l'homme, j'en suis désolé, dit ce Malade, à ses propres yeux. En même temps qu'elle comble la femme, qui n'entrevoit rien d'autre. La femme reste froide. Elle décide de l'homme avec qui elle couchera ou ne couchera pas, elle décide du lieu, du moment.

    Elle décide le cas échéant de se masturber pendant des années. Pas de problème. Elle a le temps. Elle trouvera toujours bien quelqu'un. Elle se rendra d'ailleurs facilement compte qu'il n'y a que ça de vrai, l'autoérotisme : avec l'homme en effet, c'est toujours comme avec le magnétophone: AVANCE – RECULE – PAUSE – EJECT. Bien entendu, le Connard ne tient absolument pas compte de la difficulté qu'il y a pour la jeune fille de passer à l'acte, il ne sait pas qu'elle risque le mépris, voire le traumatisme – reportez-vous à votre magazine féminin habituel.

     

    Les pourvoyeuses de putes

    On entend dire désormais ici ou là qu'il faudrait absolument prohiber la prostitution, forme moderne de l'esclavage, avilissant la femme (et non pas l'homme ?) Cependant bande de cons, poursuivait le Fou dont je parle, comment ferions-nous, nous autres pauvres hère, trop cons pour lever une femme ? (admirez au passage la peu reluisante réthorique de cet être inférieur). « J'ai pratiqué », dit-il, « une tentative de strangulation sur une pauvre fille, parce que sa copine baisait dans la pièce voisine avec un soi-disant copain à moi » (...quel style !) et que cette fille ne voulait rien savoir de mes privautés ! Un soir, ajoute-t-il, j'ai exhibé un schlass » (un couteau à cran d'arrêt) « sous le nez des gonzesses » (« des gonzesses... ») au bal de Douzillac, Dordogne (« Dordogne... ») - « jusqu'à ce qu'on m'ait viré avec les soi-disants copains que j'accompagnais. Combien » - nous dit ce malade - « combien je dosi remercier les putes ! seule catégorie de femmes, avec les actrices porno, que je puisse véritablement respecter : tu arrives, tu payes, tu tires un coup et tu t'en vas. Tu t'es fait mépriser (pas toujours), mais la chose a été claire.

    « Tandis qu'avec les autres femmes », nous confie ce déchet, « tu n'entends qu'un seul son de cloche : la morale, la morale, et toujours la morale. Et pour finir elles te disent « Oui-non-oui, non-oui-non, ah ben oui, ah ben peut-être, ah je ne sais pas, et puis non, je préfère rentrer chez moi me branler. » Quel con... Il ne sait pas s'y prendre, vous l'aurez devnié M'sieurs-Dames, alors qu'il est si facile, en notre période de débauauauauche, de tirer son coup – du moment que c'est les femmes qui le disent... « Il n'empêche », poursuit notre connard, « que c'est bel et bien la vertu (la branlomanie, ha ha ha) » - notre moraliste fait dans la finesse - « des unes qui retombe sur la prostitution des autres, et que si ces dames voulaient bien un peu plus ouvrir les cuisses et fermer leur gueule sauf pour sucer, il n'y aurait plus besoin de putes. » Révoltons-nous fermement au passage au sujet de ce langage indigne, et reconnaissons que ce ne sont pas de telles délicatesses qui lui attireront les faveurs de la moindre femme.

    ...Ce pauvre con n'a donc jamais entendu parler d'amour ? En tout cas, qu'est-ce qu'il ne sait pas s'y prendre dis donc ! Ah l'ignoble ! « Je me trouvais un jour » - il est intarissable - « dans une deux chevaux, avec une collègue. Cette dernière m'affirma que l'année précédente, avant d'aller faire les vendanges en Grèce, tout un groupe de jeunes Françaises ne cessait de se répéter : « Il faudra bien faire attention aux Grecs ! Il paraît qu'ils ont le sang chaud ! » PUTAIN » dit ce grossier personnage, « qu'est-ce que j'ai gueulé ! » dit-il. « Je lui ai dit que c'était incroyable, que toutes les femmes décidément étaient amoureuses de leur propre branlette, et qu'elles préféraient mille fois leurs petites pantoufles sexuelles à n'importe quoi avec un Grec ! Ah elle était bien emmerdée, la gonzesse de la deuch » - « la gonzesse de la deuch » : je vous demande un peu... «et elle a fini par reconnaître que certaines affirmaient, tout de même, projeter pour une fois de s'envoyer en l'air – je n'en crus rien : cela ressemblait trop à une de ces fameuses « fausses fenêtres pour la symétrie » de Pascal » - dela culture ? … c'est malheureux d'avoir fait des études et de sortir des conneries pareilles...

     

    De la pédale et de la pelouse

    « Sans oublier », poursuit ce triste sire, « cette femme qui dans un voyage approuvait fort que l'on mît les dames dans une chambre et les hommes dans l'autre, disant « Le chauffeur, on vous le laisse », tout juste si elle n'ajoutait pas « pouah », décidément, on est aimés... Bref, il ne reste plus qu'à se faire pédé. Inutile dans ce cas d'espérer le moindre mouvement de compassion : pour les femmes, s'envoyer en l'air avec une copine est une chose qui ne pose aucun problème », dit notre crétin. « Comme disait ma psy » - vous voyez bien qu'il n'est pas normal - « réalisez donc vos fantasmes homosexuels ! - ce à quoi j'ai répondu que pour un homme, désolé, ce n'était pas du tout la même chose, mais que c'était, redésolé, beaucoup, beaucoup plus grave. C'est pourquoi je n'achèterai jamais tel bouquin d'Angot parce que franchement, faire toute cette histoire parce qu'on se retrouve embringué dans une passion lesbienne, ah là là ! quelle catastrophe ! Mais c'est une vétille, ce truc-là ma pauvre dame, pas de quoi s'en faire frire une omelette ! » - pauvre tache... du moment que c'est une femme elle même qui l'écrit, qui s'angoisse, tu pourrais la croire, au lieu de te complaire dans tes petites odiosités... C'est l'enfer de la passion qui est décrit dans cet ouvrage, pas exclusivement le lesbianisme !

    «Bref », poursuit notre personnage, avec lequel nous nous empressons de proclamer que nous n'avons pas le moindre atome en commun, « si j'ai abandonné l'idée de passer à l'acte en ce qui concerne l'homosexualité masculine, c'est depuis que j'ai entendu la femme d'un militaire s'exclamer qu'au moins, c'était tant mieux, que ceux-là ne « les » emmerderaient pas. Il faut bien vous faire à l'idée, Messieurs, que vos assiduités sont très mal prises par les femmes ; que l'état normal, pour les dames de bonne compagnie, c'est l'absence de sexualité (...qu'elles disent ; en fait » - ajoute notre triste sire - « la branlette effrénée). Que les hommes sont des psychopathes, eux qui veulent « faire l'amour », et baignent dans la pathologie obsessionnelle.

    « Que s'ils basculent dans la pédale, en bien tant mieux. Elles ne chercheront pas à les guérir (« Madame, je ne suis pas malade ! » s'écrie l'un des personnnages des Zèbres, de Jean-Louis Bory) » - nous trouvons aussi, bien sûr, des homos qui ne le sont pas devenus par déception amoureuse, tiens donc... « Bref, pour les femmes, tolérance : « Ils ont le droit. » L'emmerdant, c'est quand elles affirment que ça les arrange. Or moi, considérant l'homosexualité comme un échec, je ne deviendrai pas pédé « pour faire plaisir aux gonzesses ». Quand je m'estimerai capable – et je ne le serai plus jamais à présent vu mon âge – de considérer l'homosexualité comme un moyen aussi légitime qu'un autre d'obtenir l'épanouissement de soi, je m'y adonnerai. Pour l'instant, plus jamais ça.

    « On le sait, que les hommes sont nuls. Et que les femmes préfèrent « entre elles », ou toutes seules. » Du moins dan sla perspective du connard, dont on se demande franchement pourquoi il nous emmerde avec sa prose, et où diable il veut bien en venir, ce qui n'est pas confortable pour le lecteur – comment, t'es encore là, toi ? Dans la perspective du connard – je résume – les hommes sont contraints de virer pédé parce que, systématiquement et de toute façon, les femmes les repoussent. Il est à signaler que désormais, les adeptes de la Toile et du Réseau le

    savent : le moyen le plus efficace de draguer une femme sur l'écran, c'est de se faire passer pour une autre femme ; évidemment, si elles voient ensuite la tronche d'un mec, elles sont déçues – bof ! une de perdue, dix de trouvées. Je suis sûr et certain qu'il y a plus de femmes sur les réseaux de lesbiennes que sur les réseaux hétéros, où les trois quarts des appels émanent de pauvres couillus délaissés.

     

    Viols

    Pour ce qui est du viol, Dieu (qu'est-ce qui lui prend d'invoquer Dieu, à ce déchet ?) me préserve de défendre les criminels qui succombent à ce crime ; un violeur n'est pas un homme, il déshonore l'espèce masculine. Je lui crache dessus, je lui chie dessus et je lui broie longuement les testicules entre deux pierres bien rugueuses. Il n'a pas su en effet que la virilité consiste à supporter les dents serrées cette étouffante mise à l'écart de notre propre corps, ce mépris forcené où nous tiennent les femmes. La force du mâle, du vrai, c'est le stoïcisme. Savoir qu'on ne peut obtenir la femme qu'en payant (argent comptant, ou bien mariage et soumission). Savoir que la volupté suprême de la femme est de transformer l'homme en toutou castré.

    Que si par un hasard infinitésimal (notre crétin exagère) un homme réussit à coucher avec une femme, il faudra bien qu'il sache que cette bourgeoise voudra l'embringuer dans toutes ses histoires de famille à elle avec son papa à elle et sa maman à elle et le neveu de son beau-frère à elle. Il devra voir ses films à elle, ses copains à elle et pas les siens à lui, fréquenter son milieu à elle, habiter où elle voudra sinon dépression, écouter ses histoires à elle sinon dépression, et comme dit Simone de Bavoir, s'occuper d'elle, s'occuper d'elle, s'occuper d'elle. A la fin, quand elle l'aura bien transformé en mouton, c'est lui qui crèvera, et elle qui lui mettra dans la gueule de dix ans de longévité, tout en posant à la Victime, car c'est le survivant qui est à plaindre ben voyons.

    C'est vachement bien d'être une femme : les guerres, c'est la faute des hommes ; la chasse, c'est la faute des hommes ; le mauvais gouvernement, c'est la faute des hommes : la tauromachie, c'est la faute des hommes ; la baise de travers, c'est la faute des hommes. Putain s'exclame le Taré, je comprends pourquoi il y a tant de mecs à souhaiter devenir des gonzesses, et si peu de filles qui veulent tourner gonzes. Jamais responsables de rien et toujours victimes, c'est superrelax ! Elles dérapent même franchement dans le grotesque, ou dans l'odieux – le Salopard n'arrive pas à se déterminer – lorsqu'elles incitent vigoureusement et par voie d'affiche à Berlin les

    hommes à pisser assis pour ne pas asperger le rabattant des toilettes... Poursuivre un garçonnet de six ans pour avoir donné un baiser à sa voisine de classe du même âge ; se déchaîner contre toute publicité un peu rigolote mettant en scène une femme ; gueuler contre tout érotisme parce que « la femme n'est pas un objet ». Faire appeler toutes les femmes « Madame » afin qu'on ne prenne pas les « Demoiselles » pour un parti possible... Mais chaque fois qu'une femme désire un homme (tout peut arriver), c'est une obligation pour le mâle d'obtempérer. Attends il y a mieux : j'ai entendu à la radio qu'une certaine femme aurait préfére se faire violer par son chef, parfaitement, violer, plutôt que de se faire déshabiller du regard comme il le faisait : « Au moins s'il y avait eu viol, cet homme aurait été passible de la loi » - bien sûr !

    Tout à fait ! Cette femme a raison ! Un homme doit regarder une femme « sans penser à mal », c'est-à-dire au sexe. En allemand, mal = « schlecht » ; sexe = « Geschlecht » - c'est pas une preuve, ça ? Si c'est le mâle qui désire, il n'est qu'un affreux macho dégoulinant. La femme drague l'homme ? Admettons – mais si l'homme, ce porc, la prend au mot, la voilà qui se met à gueuler qu'elle n'est pas une pute et que ce n'est pas ça qu'elle a voulu dire. Sans oublier celle qui m'écrit qu'elle « voudrait faire l'amour avec moi » - je lui réponds gentiment – et qui s'insurge : « Je n'ai pas dit « coucher avec toi », j'ai dit « faire l'amour. » - puis : « ne m' écris plus ». Par honte de sa connerie, je présume ???

    A présent, dès que tu adresses la parole à une femme, tu risques d'être poursuivi pour harcèlement ; si tu pousses l'inconscience jusqu'à lui faire des propositions, tu risques carrément la plainte pour viol. Si tu l'effleures, ce sera « pour attouchements ». Avant, dans le temps, ce n'était déjà pas si agréable : si tu regardais une femme dans la rue, tu avais toujours l'impression qu'elle se foutait de ta gueule, style : « Tiens je te fais bander connard ? » Maintenant, je vous jure, on suit les mots sur ses lèvres : « Qu'est-ce qu'il a à me regarder comme ça ce pauvre con... » - de toute façon si c'est un jeune homme que tu regarde, il va se mettre à cracher par terre... Ostensiblement, et de l'autre côté, pour l'instant...

    Eh bien regarde les vieilles ! ça les changera, puisqu'il paraît qu'après 50 ans, les hommes ne regardent plus les femmes – entre parenthèses c'est bien fait pour vous gueules, les meufs, parce que nous, les hommes, on peut toujours attendre d'être regardés – au cas ou l'homme répondrait, vous imaginez, quelle horreur ! Attends, attends, dit le Crétin, de plus en plus fort : une femme tenez-vous bien a obtenu gain de cause, faisant condamner pour viol un de ses partenaires

    qui n'avait pas interrompu le rapport sitôt qu'elle le lui avait demandé – en pleine action ! Je propose qur'on équipe les deux séries d'organes sexuels d'un de ces procédés utilisés sur les TGV : si le conducteur n'appuie pas toutes les trente secondes sur un certain signal, le convoi s'arrête automatiquement. Toutes les trente secondes : « Voulez-vous continuer à faire l'amour – OUI - NON » - on nage en plein érotisme. Tenez, dit le Connard, je vois très bien venir le temps où une femme qui voudra se faire un peu de pognon consultera son «carnet de coïts » et se dira : « Tiens, il y a douze ans j'ai mal joui avec ce type-là ; je vais porter plainte pour viol » - et ça marcherait ! Ça a bien fonctionné pour Monica Lewinski, puisqu'elle a soigneusement conservé les vêtements tachés pendant ses relations avec le Président Clinton ! et qu'on ne vienne pas me faire croire que c'est au nom d'un sentimentalisme désuet...

    Pédophiles Notre crétin de service va même beaucoup plus loin : il se permet d'insinuer que la pédophilie elle aussi, odieuse assurément, il n'en disconvient pas le tartuffe, se justifie ! ...dans la mesure où les femmes par leurs refus répétés (quel con !) inciteraient certains détraqués à se tourner vers des enfants, qui ne sont pas encore pervertis par le puritanisme forcené des « bonnes femmes ». C'est ignoble. Les femmes, qui sont tout amour et se donnent bien trop souvent à des connards ne leur arrivant pas à la semelle ne sauraient accepter cet argument bas de gamme : elles ne vont tout de même pas se balader les cuisses ouvertes et le vagin écarté par des pinces pour satisfaire aux élucubrations de ces malades mentaux, à lobotomiser d'urgence ?

    Si je vous disais que ce crétin imaginaire va même jusqu'à se protéger sous les paroles d'une chanson de Souchon (Les jupes des filles) pour affirmer que les femmes, par leurs refus incessants (décidément...) provoquent les guerres ? Que si l'on avait mieux tiré son coup au Liban, on ne se serait massacré pendant des années de rue à rue en pleine ville ? Nous savons bien que le sexe et la violence ont partie liée, comme le disait et le répétait Notre Saint Père le Pape. C'est vrai ça cré vain guiou, je n'arrive à bander que si je m'imagine en train de tuer, arghghgh... Wilhelm Reich dit exactement le contraire, mais qui va croire un Autrichien ? Mort fou ? Travaillons donc assidûment à l'élimination de l'espèce masculine (beurk) par le biais du clonage, avec parthénogénèse.

    Nous sommes même tellement répugnants qu'il existe désormais un contingent de

    lesbiennes qui veulent bien se reproduire, mais avec du sperme qu'on leur introduit dans les voies génitales sans qu'il soit besoin de rapport hétérosexuel – vierge et mère, voilà qui rappelle furieusement quelque chose à Notre Crétin. Reste à savoir pourquoi le Singe Vert a si longuement laissé la parole à ce Khon. Il est à mon avis tombé dans le travers qui consiste, pour bien des cinéaste, à exhiber des prostituées pour dénoncer la prostitution, et à tartiner la violence pour lutter contre la violence – OK, OK...

     

    DERNIERE MINUTE

    Nous apprenons qu'un destinataire de notre glorieuse revue, mécontent de son contenu (et tant mieux), au lieu de se tourner vers le Singe Vert en personne pour qu'on s'explique, se permet de sauter sur le paletot par téléphone (belle métaphore) d'un établissement dont j'ai utilisé un document, à l'insu il est vrai dudit établissement. De tels procédés s'apparentent au caftage stalinien de ces parents d''élèves qui, au lieu de consulter le prof, le dénoncent à ses Chchchchefs, démontrant le caractère fouille-corbeille et fouille-merde d'un tel individu, qui ne mérite que notre plus profond mépris. Si vous avez envie d'engueuler le Singe Vert, c'est au Singe Vert qu'il faut vous adresser, allez-y ! ...et non pas au fournisseur du papier, ni au fabricant de l'imprimante, ni aux véhicules qui acheminent le courrier, ni... - à bon entendeur, salut.