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  • ITINERRANCES 2

    I T I N E R R A N C E S 2062

    COLLIGNON

     

     

    Ici, c'est le vide. Vide des esprits, vide des sourires, vide de l'accueil, vide du convenu, du discours de trottoir et de comptoir, les affirmations péremptoires de l'un et les histoires de cul de l'autre, n'arrachant plus qu'un rire à s'écorcher le gésier. Certains s'en contentent. Pendant ce temps Hannah dresse en bout de table son masque maladif de momie samoyède, et décline, décline, décline. Je ne dois même pas songer à rejoindre Ufsha si l'occasion s'en présente, encaquée dans ses préjugés d'un autre âge. Ici, du plus loin que je m'en souvienne, je me suis ennuyé à mourir, malgré tous mes efforts. Dans le sentier, mon bouquin sur le coude, j'ai admiré l'aube et l'aurore entre les pins, rien de bien nouveau, rien de bourguignon, ni même de gersois.

    Bref je gâche tout. Cependant Corentin fait des tours sur son tracteur. Elle et lui se retrouvent impotents, par trop d'amour du concret : lui, sur motoculteur, elle, par ses randonnées en petite et moyenne montagne. Le vide au sein du manque.

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    Rude tâche. Ô pays de mon enfâche. Parti le matin malgré une grève des bus. Abordé par un Marocain pas très lavé ni à jeun, me décrivant la transparence des eaux du Pacifique (avait voulul céder sa place à je ne sais quelle sexa qui s'en fut vers le fond). Demande à lire ma quatrième de couve et se répand en bien sur Bonaparte. Je relance toujours poliment quand je suis pris à partenariat dans le bus, car je sais ce que c'est que la solitude, l'envie de parler, d'un coup, à n'importe qui. Dans le train, me trouve flanqué d'une accorte quinqua, laquelle se fait gentiment draguer par son voisin de devant, Marseillais, qui lui parle par-dessus le siège, le même qui lui soulevait la valise : "Mais qu'est-ce que vous avez pu mettre là-dedans ?

    - Un cadavre !" Et moi, intelligemment : "J'espère qu'il ne va pas dégouliner !" Je le répète, mais ça ne fait pas rire, mes inhterlocuteurs préfèrent même ne pas m'avoir entendu. Et me revoici coincé avec une inconnue en dispositif "duo", sans la moindre envie de parler ni de faire connaissance. Elle lorgne mes vers latins ; je lorgne ses mots fléchés : tout est dit. Et de plus en plus souvent la tête du passager de devant repasse au-dessus du dossier ; il ressemble à Calvi, en nettement plus moche, ce qui est difficile mais faisable, avec un petit menton pointu fripé comme dans un étau. Et si je veux parler, il me cède la parole, mais je ne sais que vouloir faire rire, et me demander si mon numéro est bon.

    Ma tête de blond vipérin ne joue pas en ma faveur, et le faux Calvi pousse ses pions, pour rien, finalement ; sa belle réussite est d'avoir retrouvé après maintes recherches le second billet de cette femme, qui change à Montpellier. Il épluche page à page "le bouquin", comme il nomme la revue de mots fléchés : notre homme fait partie de ces ignares qui ne différencient pas "livre" et "revue". Comme disaient les jeunes cons à la FNAC de Toulon : "...Mais c'est à lire, ça !" - ils ont fini par trouver des images, qui les ont déçus. La petite pousseuse de wagonnets dans l'allée me demande, près de sa cabine de fonction, si je n'ai pas de cigarettes, parce qu'il lui avait bien semblé en sentir une, fumée par moi – je ne fume pas...

    Je voyage pour trouver mon reflet dans les yeux et les attitudes d'autrui, et non pour "aller au-devant des autres". Mais comme les autres autres demandent à en rencontrer d'autres, et que paraît-il ce sont les autres qui vous définissent le mieux, se trouve résolu ce faux problème des voyages : connaître les autres – se connaître soi-même. Or le train observe une pause de 50mn à Toulouse... Autant prendre la rue Bayard, vers les Galeries La Fayette et le quartier Jeanne d'Arc. Quartier chaud ! Femmes légères légèrement vêtues, qui n'ont pas le droit de racoler mais me disent 59 05 30

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    bonjour. À 67 ans, j'ai la faiblesse de croire en mes attraits physiques, et si tu souffres de mon narcissisme tu n 'as qu'à te figurer que je parle de toi. Et lorsqu'à Montpellier ma charmante voisine descend, je pousse un gros ouf intérieur, m'étale sur deux sièges et pianote sur la tablette. Et le passager de devant ? Il tapote aussi. Ce ne serait pas moi par hasard, ou bien toi, qu'il aurait voulu draguer ? À Marseillle, je cours vers la voie 5 direction Toulon. Prends un Coca glacé à 2€ (c'est du vol), m'affale sur un strapontin, à côté de deux frères, des "minots", bruns, charmeurs, qui s'échangent des formules de dragons pour des jeux vidéo.

    Arrive une autre quinqua bien grosse à cheveux courts et tailleur, dont je hisse la valise. "Qu'est-ce qu'il y a dedans ?" - je prends modèle : - Un sanglier." Celle qui la transporte en a tout l'aspect et la corpulence. Un haut-parleur nous braille les arrêts dans les oreilles. "Cet arrêt-là" (le premier) "on ferait aussi bien de le faire sauter ; personne n'y descend, personne n'y monte." Et nous nous tournons un peu le dos pour ménager l'espace de nos strapontins. Seulement, parvenu à La Ciotat, j'ose un truc de dingue : j'approche mes lèvres de son épaule nue – elle regarde ça de près, incrédule, écœurée – puis je l'embrasse vite en disant "Au revoir Madame" ; et même sans la regarder dans les yeux, je l'ai vue illuminée d'un grand sourire, souvenir marquant et durable, car ce n'est pas tous les jours que l'on vit cela.

    Les retrouvailles avec Marcel sont chaleureuses, il ne doit plus conduire à cause de la cataracte mais attend que sa femme soit là fin juin pour l'assister, afin de le ramener de la clinique. Et parvenu chez lui pour la sixième ou septième fois, je me sens un peu chez moi, mange du poulet froid à la mayonnaise. La télé nous gonfle avec le bateau de la reine d'Angleterre dont le goût est très précisément de chiotte, jubilé ou pas, puis son reportage sur l'Ukraine (l'histoire en accéléré : "quelques épisodes de collaboration", tu veux parler sans doute de la main-forte abondamment prêtée pour l'élimination des juifs par balles ? 99%, quelle efficacité !) A 11h 1/2, forfait. À minuit, je me relève, pour écouter BHL recommander son film sur la Libye, bien se défendre d'avoir joué la cheville ouvrière de cette libération, se défaussant sur la dimension littéraire du "reportage subjectif" sitôt qu'on l'attaque (mesquinement, banalement) sur sa présence dans tous les plans.

    Il recommanderait à présent l'intervention militaire en Syrie sans en référer à l'ONU, ainsi que les Américains l'ont fait en 2003 pour l'Irak. J'hésiterais... On hésiterait à moins, Blaireaux... si seulement les Israéliens pouvaient en profiter pour reculer un peu les frontières au Golan..... Ça remettrait d'un coup tous les Syriens d'accord – alors Je décide que non... Nuit mouvementée sous la 59 05 30

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    couette, réveil assez tôt, tour du non-propriétaire dans le jardin. Dépotage de plante en pot à 30€ : dans le plastique le terreau a viré au ciment, "sec comme le cœur de Ponce-Pilate" comme disait la mère de Marcel. Je cisaille les bords, puis je scie à la verticale, et tout le cul se décolle : ce fut long, j'utilisais auparavant toutes les sortes d'outils pour peu de résultats, tordais presque un plantoir en plastoc ; puis l'arbuste se mettait en place dans son petit trou jardinier. Mais tout n'était pas fini ! Les mains et les outils lavés, après quelque somnolence sur le lit d'en bas, la sonnette de la porte précédait de peu la Petite musique de nuit de Mozart, jouée à quatre : Michel et Marcel (violons), Elisabeth au violoncelle, et une altiste ex-violoncelliste qui parfois s'égare (Marcel, quant à lui, saute une ligne...) Ça écorche bien un peu, mais comment résister à la petite pantoufle de Marcel, 85 ans dans 15 jours, qui bat la mesure avec les deux femmes ? "On boit un pot, et on reprend après : j'ai des courses à faire" – fais-toi donc livrer.

    Bref, la Nicole est bien sexy, l'Elizabeth pleure son fils sans le montrer, j'applaudis sans prendre mes photos ratées, laisse parler les autres, vieux amis accoutumés d'échanger leurs domiciles pour un quatuor ou quintette hebdomadaire. Cela remonte l'hôte, appréciateur de ces franches camaraderies, qui ses amis partis s'expédie en sieste sans avoir mangé. La télé parle de Fuveaux, de son puits qui ferme en l'an 62, mais bien que né à St-Savournin, Coste s'en fout et me conseille de ne pas descendre en ville avant que les boutiques soient ouvertes. Depuis la chambre aux volets "croisés" ou "en tuile", on entend un bus coincé klaxonner toutes les dix secondes, au loin dans la montée...

    Je ne me souviens plus très bien de cette après-midi même. Encore une descente en ville, une remontée sous la chaleur et l'insignifiance. Habituellement j'arrive ici lundi, et profite le mardi d'un marché tout ce qu'il y a de plus provençal, gueulantes et vulgarité en moins. Cette fois-ci, que des espaces vides en ville, une bibliothèque où je consulte les "Marianne", un sac à main retrouvé puis tendu à bout de bras (?), trois morveux et veuses de 13 ans menant grand tapage à la porte, dehors. Puis la recherche de la poste, la décision de n'envoyer que quatre "Singe Vert" en réservant le cinquième à mon hôte (il me dit l'avoir lu : si vite ?) Dans la rue j'étais heureux, escomptant une prochaine rentrée financière, pourquoi donc ? pas même un bulletin de loto à pétrir !

    Achat de trois livres chez la gouine ou la cancéreuse, sèche, tondue, balafrée de rouge à lèvres : Alexakis et son tagada-pon, Chen et ses évanescences de classique chinois, 14€ tout de même, et Le cimetière de Prague d'Umberto Eco. Un monsieur fut rappelé depuis la caisse de la

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    libraire, oubliant sa chemise ou si l'on préfère son dossier ; je ne manquai pas le jeu de mots obligatoire, ni la plaisanterie : "J'hésitais entre les trois, finalement je prends les trois" – pénible, non ? M. G., mon obligeant voisin de Mérignac, subit lui aussi en son temps mes assauts de turlupinades à propos de tout et de rien. Et je m'en fus dans les ruelles, cherchant le bouquiniste ("Il a fermé !" me dit élégamment un relieur en sa boutique). J'ai trouvé le revendeur de livres assis devant son seuil, ses rayons en cours de vidage, dix volumes de "Bibliothèque Verte" formule années 50, et rien à acheter.

    Il ne fouille pas mon sac en plastique. Et je suis remonté chez moi, chez mon hôte, après photos rasantes de ces poteries ressortant au tiers du mur comme autant d'esclaves à la Michel-Ange alignés. Nombreuses haltes, programme nul à la télé, mes pieds nus sur la table et sous le nez de Coste qui me fusilla du regard. Le soir, publicités trop fortes (à 40cm de la table, match nul pour l'incivilité), reportage inepte sur le bateau de la reine d'Angleterre, sur le "Palais de Pékin", ignoble apologie de la "gagne" vulgaire (comme pour "Money Drop", véritable avilissement de la race humaine, qui se montre ignare à un point suicidatif). Nous pourrions développer tout cela. Ce matin, réveillé à 6h 10 par ma douce et tendre, qui dort mal en mon absence mais assume au mieux.

    Impossible de se rendormir. Voilà bien de la misère. Exhibition à Coste de ce prospectus froissé où l'on regrette l'installation de sanitaires lave-cul "à la température du corps" : déjà vu en Egypte me dit-il. Allons ! Partons à pas pesants vers les HLM de Fardeloup, son asile de vieux avec son gros sac pour les couches – quand on est devenu vieillard, se chie-t-on inexorablement dessus ? Bref, je mange au retour (sieste tête bruissante, photos d'escaladeurs de falaise à mains nues), et je lui donne faim. Mon hôte me prête le "Figaro" du jour, qui parle bien plus des trous du cul déformés par la victoire (comme ils sont devenus modestes ! et je ne sais plus ce que je voulais dire ; là aussi, des couches seraient nécessaires) ; le "Figaro" est le seul journal dont je lis les articles littéraires sans éprouver l'impression d'être obligatoirement pris par la main pour penser comme tout le monde (il-faut-penser-aux-autres, chasser-les-Israéliens et croire-en-l'école-pour-tous) – sur quoi je pouffe, et je vais me brosser les dents.

    Le 31, je descends bravement, trouve le cinéma en bordure de la bibliothèque, mais les séances de 16h n'ont lieu que le mercredi. D'autre part, De rouille et d'os (un Arabe amoureux d'orque, qui se fait sectionner les deux jambes, très peu pour moi,n'est pas Almodóvar qui veut, je comprends que ça n'ait pas enthousiasmé le jury de Cannes), et deux autres films ("Sur la route") ne 59 05 30

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    me disent rien du tout : c'est Le prénom que je voulais voir. Prenons donc la décision de voire l'île Verte ; le lecteur s'il existe objectera que tout le monde s'en fout, à l'exception des amateurs de voyageounets, qui se trouvent. En route vers le bateau, bien pépère, trois ou quatre passagers dont une femme de mon âge bien heureuse de n'être pas draguée. À mi-parcours en mer, elle se met un pull sur les épaules. Un quart d'heure de traversée : l'île Verte commence par une lente et haute montée des marches, d'un tronc couché à l'autre, et de toute la promenade il n'y aura aucun banc : donc, heureusement, pas un pique-niqueur, à peine deux baigneurs entrevus d'en haut sur le sable d'une calanque.

    J'erre sur les tapis d'aiguilles et d'écorces, je vois de glorieux débris de ciment qui sont tombés sur les Allemands ("ils faisaient une partie de cartes" dit la légende). Surtout, mes oreilles sont pleines des cris de goélands, des "gabians" : des hurlements de chats, de gosses martyrisés. Rien sur moi pour les enregistrer. Les 14ha de l'île pour eux seuls. A mon approche ils fuient la photo...! de lourds envols et le soleil de face empêche les cadrages. De faibles rambardes protègent les falaises ("Danger ! 30m – 100 feet") et tout en bas le liseré des vagues sur les rocs, ici les arbres tout tordus par l' "anémorphose", en mer les vaisseaux qui croisent (un pavillon grec), uniquement des vues rebattues jusque sur les calendriers des postes, mais ce seront les miennes...

    De panneau en panneau, nous apprenons l'histoire de l'île, la tentative anglaise avortée en 1812, les promeneurs de 1910 et le boisement des années 60, jusqu'à la table d'orientation, juste au-dessus de l'inévitable "souterrain secret permettant de communiquer entre les trois batteries militaires" : sommet du séjour en vérité. Un goéland qui me foncerait dessus n'eût été un branchage qui le cabre vers le ciel. Redescente hâtive de marche en marche vers la navette, une heure aura suffi, le ticket de passage contre une troisième boule de glace gratuite sur la terre ferme. Au retour, mon hôte me charge de tailler le gazon : il veut de la rencontre, de l'amitié, ce que je suis bien incapable de donner, restant de nature froide, profiteuse et bouffonne.

    Mais je l'assomme de toutes sortes de considérations incessantes et bruyantes, il me montre un "Quid" du Transsibérien (son grand regret de voyage) et je finis par lui plaire. C'est difficile, Marcel, de plaire, et je me rends compte que toutes les bouffonneries n'auront pas tant servi à me protéger des autres mais à m'en faire bien voir, c'este-à-dire à les protéger de moi. Alors, de même que mon chat se laisse triturer de temps à autres (c'est sa "corvée de chat"), de même je me livre à ma "corvée de clown". Je tonds entre les arbrisseaux en évitant les nœuds de cordon, rebranche le 59 05 30

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    fil déboîté par l'épaisseur des touffes, et l'un dans l'autre m'attire les compliments du maître de maison, nous nous retrouvons même côte à côte assis sur la marche à contempler l'herbe, enfin du concret, "3m² oubliés à droite". Puis nous avons coupés des épis avec une petite cisaille. Le soir, informations, fott-ball tonitruant, malgré l'omniprésence des sous-titres pour sourds, par groupes de mots, en léger différé, étrange effet pour un match. Et je voyais mon Coste basculer sur le côté, ensommeillé, les jambes tremblotantes comme un chat qui rêve, et je souhaitais qu'il ne mourût pas. Pour la seconde mi-temps, j'ai baissé le son en douce, vu la nullité des commentaires de Lizarazu, les Serbes incolores, inodores et sans saveur. Au lit, j'épluche l'index des personnes en fin de tome II : Le secret du Roi – endormissement quasi immédiat. Très difficile ici de dormir en continu, un beau cafard de tradition pour le réveil. Parti le 1er juin à 8h 35, descente vers l'église du cimetière, la Traverse du Cimetière, les pigeons sur les croix du cimetière, le Passage du Rompe-Cuou ("rompt-le-cou") vers la rue Camusso, poste, détour vers le nord-ouest. Vautré sur un banc de ciment à moitié brisé, subis le sarcasle d'un homophobe "Tu sens pas bon" j'aurais dû répondre "Comme ta connerie", pédé moi ? Juste en rêve, je ne vais tout de même pas m'y remettre à 67 ans !

    ...Profitons des ruelles ombragées, librairie Courty, avec sa gouine chimiothérapée qui s'astique la devanture. Marcher très lentement, profiter d'un dialecte entendu, hispanisant, ni catalan ni provençal. Remonter la rue des Combattants, revoir le relais où descendit Stendhal en 1838, pénétré dans un bus au chauffeur exotique, vers "La Baie" (vérification faite, L'abeille). Il suffit ensuite de 20mn pour remonter la côte. "Il fait déjà chaud", ai-je dit à une vieille qui soufflait en descendant, qui répond : "C'est plus difficile en remontant" – qui a dit que j'étais inapte aux contacts? Ce n'est pas tant la peur qui inspire l'incessante plaisanterie, mais un constant camouflage de ses égoïsmes, de ses prurits de domination.

    Puis j'écrivis, et remontai chez mon hôte, qui faisait semblant de ne pas m'attendre. "Tu n'es pas un simple touriste ! tu es venu voir quelqu'un, pour lui offrir une rencontre, et de l'amitié." Mais pour cela, il faut jouer, car le jeu seul permet la véritable sincérité.

     

    BORDEAUX-MARSEILLE-LA CIOTAT 59 06 02

    C'est une existence oisive, dont il n'y a rien à dire, car tout se confond. Je suis descendu au "Casino", m'étant d'abord trompé, repassant devant la mystérieuse inscription VULVE AFRICA . Puis peinant à l'ombre. Sur place, je me suis rappelé ce raccourci de terrain vague pour accéder au magasin, passant d'abord sous les jeunes gens qui déploraient de se lever à 5h pour nettoyer la plage, puis devant des marginaux gorgés de chiens heureux. Ils m'ont regardé avec surprise : pour prévenir toute insolation, j'avais placé autour du crâne un grand foulard bleu dont les coins s'enfonçaient sous mon décolleté. Mais, étranges par eux-mêmes, ils n'ont pas ricané. Puis, par l'avenue Kennedy, je me suis repropulsé vers les hauteurs, en égrenant toutes les demeures en guise de points de repère ; plus on en a, plus le trajet semble court. Et l'on recherche son hôte, souvent affalé tête basse à table et remplissant un cendrier. Je lui fais une conversation affectée, malgré tout sincère, mais je ne veux pas non plus l'épuiser.

    Il se souviendra de ce qu'il voudra. Il aura enfilé des publicités tonitruantes, mais, en compagnie de ma femme absente, nous aurons regardé Je verrai le pays des neiges. Mon hôte connaissait A.D. Neel, mais ne savait pas plus que moi les déails de son aventure. Parlait-elle français avec son moine-servant ? "Je suis la première Européenne à avoir pénétré dans Lhassa, et vous me menacez de prison ? dit-elle fièrement à l'employé britannique à son retour. "Je ne tiendrai nul compte de nos discours." Marcel ne s'est assoupi que deux fois vingt secondes. C'était ardu, car la fille Blanc jouait trop sûr, trop insolent. Mais les rites tibétains nous ont captivés. Nous avons trouvé qu'il était beau de prôner le renoncement à tout, alors qu'elle possédait une volonté de fer, sans la moindre trace de compassion pour quiconque, sans jamais renoncer à son but : attitude typiquement occidentale.

    Comme j'en ai fait part à mon Epouse, le bouddhisme me semble absolument incompatible avec une vie terrestre active. Tout étant illusion, pourquoi s'acharner à y conquérir quoi que ce soit ? Même en étant dépourvu de toute passion ! Donc, toute volonté vous abandonne. On se place en lotus, on médite et on crève en odeur de sainteté. Même problème que chez Plotin : pourquoi diable avons-nous été créés... tous les philosophes, toutes les religions du monde nous laissent en fait aux prises avec notre sinistre et bouffonne condition humaine, disant : "Quoi que vous fassiez, peu ou beaucoup, cela sera dans le dessein du monde. Et, mes bien chers frères, démerdez-vous." Dans ces conditions, nous voyons mal pourquoi nous devrions nous casser le cul à nous initier au bouddhisme ou à quoi que ce soit, puisque faire effort pour se débarrasser de ses souffrances engendre tout autant de souffrances et de tensions qus si l'on reste dans ses imperfections antérieures.

    ...Ce ne serait pas cela ? maintes subtiles interprétations démontreraient au contraire qu'une fois franchi le surplomb la marche devient tout aisée vers les voluptés suprêmes (qui n'en sont pas), mais souvenez-vous : "il n'y a rien qui ne devienne compliqué pour peu qu'on le décortique," et finalement, il s'agit toujours bel et bien du même "Vivez comme vous l'entendez, ou comme vou s le pouvez, et démerdez-vous." XXX61 06 05XXXPasser ensuite à quelques élucubrations sur le Triangle des Bermudes n'apporte rien, avec ses témoignages mal montés doublés sur l'américain, ses illustrations récurrentes, ses "failles dans l'espace-temps" et autres "vagues scélérates". Malgré mes sournoises diminutions de son, pendant les assoupissements de mon hôte, le ronron sentencieux du commentateur-concierge m'a poursuivi dans ma chambre, contiguë, jusqu'à mon endormissement. A noter deux coups de téléphone simultanés, femme et fille : cette dernière s'inquiétant de n'être pas livrée de son cadeau pour la fête des mères, et la première, hier soir et ce matin, se faisait un devoir de me babiller toute sa présence, car elle s'ennuie pendant mes absences, tient à conserver son lien, je n'ai plus désormais l'impression en voyage d'avoir coupé le pont conjugo-ombilical. Marcel ayant reçu Alexakis et Chang (deux étrangers s'étant plutôt exprimés en français, qu'il lira avec intérêt), je me trouve à ma table de travail à 9h 39 et ne compte pas nécessairement poursuivre ce compte rendu, dont il reste cependant 11mn.

    ...Nous discutâmes de tombeaux, de familles, de longévités, de la considération que je cherchais (en vain, étant bouffon) à obtenir. Puis il m'amena sa vieille Honda (20 ans), sans nous dire autre chose que les platitudes d'usage, élus (pour ma part, mais qui sait...) de nous quitter. Je lui ai tapé sur l'épaule et me voici, sur un tabouret de quai, à l'ombre, après avoir photographié ("piles faibles") la plaque de commémoration de L'entrée en gare de La Ciotat, été 1895.

     

    MARSEILLE 60 02 06

    C'est une ville venteuse, bruyante et sympathique. J'y suis arrivé après un voyage fastidieux, obsédé par la récente attaque du RER à coups de pierres. Descendu les escaliers de Saint-Charles. Evité les bouibouis sans confort. Erré le long des premières façades, guettant les hôtels. Un air de chercher touchant : chapeau, roseur joviale, bonhomie de couillon sur la gueule. Un homme se lève

    de sa chaise sur le trottoir, déclenche son plus beau sourire et m'entraîne sous une porte, HÔTEL. En trois coups de cuillère à pot, me voilà engagé pour quatre jours à 50€ soit 200, somme précisément versée par Anna sur le compte courant. Belle arnaque, puisqu'en descendant le boulevard d'Athènes, je découvre une formule à 35€ ( à dix mètres près), puis cela redescend à 30, voire 28. Canebière, animation. Je ne me souviens plus de rien : hier le 5, grande expédition matinale vers la place Jean-Jaurès, appelée avant-guerre "la Plaine". C'est par-là que logeait Coste, mon ami de La Ciotat, que l'âge rend à la merci d'un plus jeune.

    La place grouille de tout un marché. L'on a de la peine à s'y mouvoir, mon appareil numérique en registre sans viser ni se faire remarquer, jusqu'à un connard de marchand de légumes, qui demande un euro d'un ton rogue, pour "droit à l'image", sotte susceptibilité. Je passe mon chemin, lançant la main par-dessus mon épaule. Rue Saint-Savournin : ce village était son lieu de naissance. Rue sans histoire ? au numéro 65 une haute banderole se déroule sur la façade ; on y voit l'adjoint au maire fustigé par un message déjà collé sur les murs : une école devant fermer transformée en "lieu de vie" autogéré, hors cadre, se proclamant irremplaçable et indestructible. D'autres affiches dans le quartier relatent la visite dudit adjoint venu reconnaître de près l'infraction, bombant le torse et prétendant déloger ces insolents : "Vous ne m'empêcherez pas d'entrer dans MON école et de vous expulser." Ces gens qui ont le droit pour eux m'exaspèrent. Puis, dans les rues qui montent et qui descendent, j'entreprend un "gauche-droite" de la meilleure tradition. Me voici en plein Camas, enchanté de la multitude des commerces. J'examine ensuite par désœuvrement le manège de quatre jeunes manœuvres transportant sur leur dos des sacs de 25k de plâtre. Ils se regardent en clignant de l'œil à mon sujet, m'imaginant que je les drague, alors que je suis juste fatigué.

    En face de moi, une cour de récréation bien animée. Oui, je suis homo refoulé : et alors ? Autre jeune homme qui me vent quatre enveloppes de bonne taille. Pour rejoindre la gare Saint-Charles, il faut retrouver la Plaine, puis on descend. Et grosso modo, cahin-caha, j'y parviens. À l'hôtel, le gérant me tend la clé : je suis claqué. Il faut que je me repose, comme il me l'annonce

    avec agacement. Sans doute me suis-je laissé aller à quitter le ton du client, pour faire l'aimable ; mais cela n'arrange pas du tout les hôteliers ! ils ne s'ennuient pas du tout de faire leur métier ! Mon séjour ici alterne les promenades géantes et les repos qui assomment. En fin d'après-midi, j'ai voulu gagner l'Abbaye Saint-Victor. C'est gratuit. Les cryptes également. Des sarcophages datent de Sidoine. Ils ont encore les caractéristiques arrondies de la romanité finissante. Ensuite, nous pasons à la scuplture plate, tel ce gisant aux pieds aplatis dépassant sous la chasuble. Au-dessus se tiendra vers 6h1/2 une messe pour le personnel de santé de la ville, car c'est Dieu qui guérit.

    Malgré la présence de plusieurs prêtres, il ne semble pas que l'assistance dépasse les 70 personnes. Noter l'existence d'un "brûloir" où, sur de vastes grilles, on offre des cierges larges et trapus. Pas plus absurde que les moulins à prières tibétains. D'une rambarde dominant un immense vortex de voitures illuminées, je fais part au téléphone à mon épouse des impressions que je ressens jusqu'ici : une ville en plein dynamisme, apprivoisant ses immigrés ou Goths, parfaitement bilingues. Rien de plus voyou ici qu'ailleurs. Une grande bonhomie. Marcher seulement droit et décidé. Puis il y eut une nuit, et il y eut un matin. Traversant le cours Belzunce, je me retrouve devant l'Hôtel de Ville, gravis la rue des Repenties, pénètre enfin dans le dédale modéré du Panier, manqué lors d'une précédente visite.

    Il est vrai qu'aujourd'hui j'ai le temps, aucun horaire de train ne me presse. Je revisite doinc la cathédrale de la Major, bicolore par bandeaux, assez lourde, et dont je ne ressens pas le charme. Un tombeau en fond d'abside recouvre le saint Eugène, canonisé par Jean-Paul II pour ses bonnes œuvres, mort en 1861 (1908). Le jeune homme dont j'ai photographié, ailleurs, la tête en bronze, nous est ici représenté, cliché véritable sans doute, sous les traits d'un vieillard de mon âge au regard profondément marqué et généreux. Plus noble même que Mgr Myriel, un peu trop bonasse à mon goût. Puis je remonte vers la place des Moulins, redescends, rate l'entrée de la grande flèche blanche qui se trouve là, me fait héler Alors Mirza ! pour ne pas avancer assez vite, me retourne et envoie sans risque un vieux doigt d'honneur au dos du prolo qui s'éloigne.

    Au bout de la rue Belzunce qui décidément demeure mon grand repère, j'avise en vitrine des montagnes de pâtisseries orientales : à l'intérieur, j'en prends deux, bien grasses et pesantes comme des pavés. Un serveur plus que basané s'empresse, me livre un emballage, une cuillère en plastique, une serviette, me lance "La vie est belle", et moi : Hayat güzel. Il ne connaît pas le turc. Moi non plus. "Et le monde est beau ?" - Non, je suis au bout de ma science. - J'aurai appris quelque chose

    avec vous !" Le patron arabophone me dit : "En arabe, "la vie", haya. Hassiba, que je lui propose, est "le prénom d'une fille". Mais il y a beaucoup de langues en berbérophonie. M'étant aperçu dans une vitre, je me vois blond cendré, rose porc, et toute sémillante. La vraie pédale. Eh bien, assumons. Assis sur une haute borne (cette ville manque cruellement de bancs publics), je me fais aborder par un grand trentenaire en bonnet, l'air enchifrené. Il ne veut ni argent, ni gâteau. Il sait où loger, c'est chauffé, il vient de faire ses courses. Mais il est effroyablement seul, me parle aussi de la température à craindre cette nuit.

    Son élocution est bourbeuse. Il ne voulait peut-être même pas coucher avec moi. Nous nous séparons, nous souhaitant bonne continuation, j'ai peut-être été de quelque secours. Et revenu dans ma chambre, j'ai droit au salut plongeant du patron qui me serre la main. Ne pas changer ; assumer son teint rose et ses cheveux de Belge... Repartons, décrivons ! Les pattes en compote et la tête en feu (Macha Têtenfeu). Au début j'ai l'air beau, ensuite j'ai l'air clodo et je parle tout seul. D'abord plein nord, vent debout, vers les Beaux-Arts. La galerie naturelle est fermée, le grand escalier se voit infliger une rénovation de première, pour le mois de mai de la Culture 2060, à Marseille. Un employé qui fume en travaillant pense que je pourrais essayer de ressortir "en faisant le tour".

    Et ma foi, de grilles de chantier en grilles de chantier, je me retrouve comme deux jours avant place Leverrier, celui qui découvrit Uranus. Mais tout reste impitoyablement fermé, malgré la corniche "Bramante-Vinci-Michel-Ange". Privés de musée jusqu'au mois de mai, les Marseillais ! Alors je me rabats sur le musée Goby, qui doit profiter de cette défection : las, une vieille peau clitoridienne me demande de repasser dans 10 petites minutes – dans ce froid, 10 minutes ? Partons. Sans plan, pour un vendeur de piles ou de pellilcules, pour un bureau de loto. C'est tout de même plus intéressant que Notre-Dame de la Garde, bien connue pour ses gigantesques pissotières. Ce qui donne une irrepérable et incohérente errance dans les rues de Camas, une à gauche une à droite, rue de Bruys et autres ; un achat laborieux de piles où j'oublie les miennes, usagées mais toujours rechargeables.

    Rue Barthélémy, etc. Ce qui m'intéresse finalement, ce sont tous les petits commerces, le tissu social populaire, l'artisanat, les vieilles boutiques en bric-à-brac, rue de l'Abbé de l'Epée, tout cela déjà vu. Il est passionnant de repasser dans ces dédales perpendiculaires accidentés, afin de bien profiter des affichettes de chats perdus, des vitrines humoristiques, des tags toujours grotesques à la portée de tous, de mettre ses pas dans ceux des mémères, avec ou sans chienchien, avec ou sans béquilles, cabas, foulards, tenues maghrébines ou non. L'extraordinaire, c'est de déboucher malgré tout Boulevard de Baille, signalé par Coste : "bien fréquenté malgré l'absence de putes" ; je luidirai que j'ai hanté les numéros 240 à 180, par l'étroite rue Pascal Cros, presque privée, jusqu'à la petite rue du Berceau. Il ne m'aura pas dit son adresse exacte, pour que je n'aille pas péleriner, mais il finira bien par me dire sa rue, du moins sa dernière. Il s'est construit par là un centre d'accueil psychiatrique d'urgence, où je m'assois, dehors, sans qu'on m'embarque.

    C'est un brave macho qui m'a renseigné : "Oui Monsieur, vous pouvez ressortir par là" – mais si tu fais les yeux doux à ma femme je t'assomme. Elle m'a bien souri, poliment, la femme. Que leur importe d'être infantilisées, si elles se sentent protégées ! Boulevard Chave, éternelle rue St-Savournin, village natal de mon ami octogénaire ; rue Du Guesclin, rue Socrate aboutissant au flanc est des Réformés de la Canebière.J'achète deux mandarines pour 60c., m'en suis foutu plein les mains plein le mufle, remonte les épaules et bombe le torse pour prendre en contreplongée le monument aux morts de 1870 (à ma rencontre s'est avancé un bombeur de torse engoncé dans ses épaules, vil imitateur sarcastique !)

    Ici, la clef tombe dans un sac à travers la cage d'escalier, une femme à foulard blanc me change mes serviettes, mais il est inutile de refaire ma vaste chambre carrelée. Mes projets sont les embarcadères pour l'île d'If ou Ratonneau-Pomègues désormais liées qui ravissaient mon enfance cartographe. Marseille aura du moins contribué à me décrasser des idées faciles sur les invasions d'Afrique, car je vois là dans le premier arrondissement une population riante, honnête, pacifique et travailleuse. Avoir vécu au Maroc m'empêche d'avoir peur, mais le dernier qui parle a raison : "mes pensées, ce sont mes catins". Mais Diderot fut cohérent : il s'ébroua, mais fit aussi ses longueurs de piscine.

    Jamais le racisme ne dépassa mes 18 ans, toujours me débecta le fanatisme, et le chrétien itou. Me voici des souvenirs pour trois grands mois, avant La Ciotat, avant le Calvados.

     

    ÎLES DU FRIOUL 60 02 08

    Ces branches tendues vers moi le vieux, le voyageur en toute confiance, ces ongles passés au vernis pourpre... Cette conversation entre sœurs, l'une coupante et l'autre moins... Cette absence totale de grivoiseries dans les conversations pour femmes, où l'on ne se sent pas obligées de rivaliser de gauloiseries pour arracher un éclat de rire... Ces grandes importances émotionnelles accrochées à de petits riens... Tous plus jeunes que moi. Etrange impression. Leurs cordons de GPS, PSK, je ne sais plus. Et leurs soucis qui furent les miens, leur foi plus grande que la mienne en leurs avenirs même pourris, ces énergies que j'ai eues, dirigées vers d'autres buts à fonds perdus. Cette rage de vouloir intriguer, à contretemps, par ma blondeur, mon teint rose, et mon attachement aux moyens désuets... Cette faculté, si je le voulais, de sautiller d'un sujet à l'autre, accentuant ce que je fais de mieux, premier littérateur à user de la composition simultanée. Cette odeur de tabac puis de nouilles froides à la vinaigrette exalée d'une vaste boîte rectangulaire de chez Tupperware. Les engloutissements sans gêne et si énormes, ce délaissement de ma personne où m'abandonnent, sans même m'apercevoir, ces débordements d'énergie et de sexualité même chez des femmes... Mon Dieu je ne les reconnais plus. Ma voisine s'enveloppe dans sa cape, recroquevillée sur son demi-m², les écouteurs aux oreilles et l'i-pod à la main ; que j'en aurai côtoyé de ces belles abandonnées, moi ridicule avec mes délicatesses de vieil homme ; elles mangent, pètent, boivent et chantent comme nous, mais leurs propos demeurent étonnamment mesurés et subtils.

    C'est dans le train, bien plus qu'en pleine nature et mutilé de vents violents, que je trouve mes plus vrais accents, les plus risqués, les plus frôle-récifs. Ces jeunes filles abandonnées aux corps vermoulus ne diffèrent ni de moi ni de nous, semi-vaincues par le sommeil et aussi attirantes, en somme, que les dessous d'aisselles ou les muscles des hommes. Je voudrais savoir d'où viennent les différences charnelles vraiment objectives qui engagent le désir vers telles ou telles avenues si peu opposées finalement. Je n'ai pas sur mes compagnes (trois dans ma rangée, si différentes d'âges et de préoccupations) la clé adéquate à leur interprétation. Je fus précipité par elles dans l'indifférent néant.

    Arrêt en pleine voie "nous invitons les voyageurs..." - non, pas d'annonce. Juste l'impitoyable reflet de nous tous ne laissant rien voir ni pressentir. Ma voisine en noir descend à Bordeaux à 23h 15 comme moi. Elle somnole recroquevillée sous son caftan noir , sans lâcher son i-pod qui lui est consubstantiel. Fausse délicieuse intimité. Ces dames se couvrent. J'étouffe dans mes pieds que je n'ose aérer. J'aimerais la prendre dans mes bras, à condition qu'elle ne s'éveille pas, du moins ne parle pas. Train. Journal, Millás, jeunes filles qui bâillent si semblables à moi sauf au plus creux, quitte à faire éclater le plus cuisant des fous-rires, ne les intéressent plus, jamais, familles, soucis, sexe si peu.

    A présent je la vois bien, ma voyageuse, affalée, les bras à même la tablette de son fauteuil, son petit chignon saillant par-dessus son serre-tête. Elle m'est absolument fraternelle, au groin près. De même, ayant vu le cul tombant d'une autre passagère, qui s'était doigté l'écran plus de deux heures à démolir une pyramide de boules, je sentis qu'il y avait des femmes intelligentes , sensibles, et des femmes connes ! ...quelle que fût la vallée framboiseuse où leurs jambes se distinguaient du tronc... il y avait donc, eh oui ! un autre moyen d'appréhender les femmes en dehors de leur configuration génitale ! ça alors ! De même que pour les hommes, il existait de fortes différences entre celles qu'il valait la peine de connaître et d'aimer, et celles qui n'en valaient pas la peine !

    Je m'aperçois aussi, du haut de mes treize ans et demi, qu'il m'est difficile de me détacher, par mon style, par mes intentions et les choses si essentielles que j'aurais à dire, de tel ou tel ouvrage que je venais de lire, afin de m'amorcer la pompe : honte ! Que tout cela est passionnant ! Plus encore, ma sœur m'avait procuré un fascicule comportementaliste : "Améliorez vos points forts", disait-il, "et ne vous fatiguez pas en vain à remédier à vos points faibles" – en réalité, cette règle, comme toutes les autres, ne pouvait s'interpréter qu'à la lumière de soi-même : certaines choses cependant restaient bien à combattre, d'autres à fortifier – c'était donc, une fois de plus, l'éternel démerdez-vous, devise qui ne relevait donc pas tellement d'une incapacité à recevoir un enseignement (sauf de mon père l'instituteur après lequel nul n'avait le droit de me former), mais de ce sentiment toujours ancré en moi, ni positif ni négatif, ni bon ni mauvais, de dédoublement, de possibilité toujours envisageable, d'un monde parallèle et plus ou moins contraire. Porque yo no estaba de ellos. Aquel libro me abría otras perspectivas muy reveladores y opacifiantes. Moi aussi je me suis accaparé tout ce que je lisais.

    Moi aussi je l'ai refait. Comme tant d'autres. Il y a si peu de modèles d'hommes. Pas au point cependant de m'imaginer que je ne sois pas hijo de mis padres. Eso si que era totalmente impósible. Ce sont eux qui m'ont engendré – mais je viens d'ailleurs. "Si je ne réussis pas, que le bourreau, lui, m'abreuve de mille tortures". Tu seras cet homme. Impossible en vérité de rendre compte de cette excursion aux îles du Frioul (Ratonneau et Pomègues) sans tomber dans le convenu. Ces deux îles me fascinaient, par leur nom, dès ma douzième année, quand je les découvris sur mon Atlas. On les relia dans les années 1820, afin de faciliter la mise en quarantaine des marins de retour des tropiques avec la fièvre jaune.

    Je me suis d'abord attardé à Ratonneau, visitant la calanque de Morgivet, deux amoureux sur la plage déserte. Puis, déambulant d'une hanche sur l'autre, sous un vent fort, j'ai conbtourné le rocher pour me rendre au fort. Au passage, petit cliché du château d'If. Rencontré au sommet de Ratonneau cinq jeunes filles anglophones. L'une d'elle m'a demandé en parfait français si l'on pouvait redescendre. "Il n'y a pas d'issue par là. Vous devez revenir par le chemin que vous avez pris." Flatté qu'on m'ait honoré d'une parole. Je les ai retrouvés plus bas ; elles avaient découvert un raccourci trop ardu pour mes pattes.

     

     

    BOURGES

    Nous voici étrangement à Bourges, où SIDOINE a tenu un rôle important : mais il n’en est, dans mes lectures, qu’au Panégyrique d’Avitus. Pour l ‘instant, il ne vient que de le rencontrer.

    Puis j’ai rencontré Zoé (…) Elle a disparu. Je passe un demi-quart d’heure à rire. « À compléter ma rigolade ». Je fus reconnu à ces fameux cheveux longs nécessairement crasseux dépassant de mon chapeau arrière. Quand j’eus face à moi Zoé, guéridon 24, ce fut un choc : son visage était un triangle de vieille retraçant très exactement les trois rotors d’un rasoir électrique : deux pour les yeux, celui d’en bas pour la bouche. Cercles d’agrafes, rides et griffes de la décrépitude, méplats luisants. C’est elle qui m’a photographié, deux fois, moi une seule.en train d’utiliser son smartphone. Elle a montré des photos de son fils, qui ressemble à Guillaume qui ressemble à mon cul. Et de Clara psychiatre en EHPAD revenue de Toulouse à Bourges. Zoé me donne deux adresses, la sienne et celle de son « compagnon de si longues années ». Je la fixe de tous mes yeux. Je parle fort au point d’importuner deux filles au guéridon touchant, le vent soufflait sur la terrasse. Nous avons parlé du Limousin et de Meyssac, des randonnées de Flaubert e Du Champ excluant toute compagnie féminine… de mon fascisme trop ostentatoire pour être véritable, de Péguy (lucide sur le culte de la personnalité autour de Jaurès. Et je sentis peu à peu monter, sous sa peau tannée, une sensibilité ardente, une réactivité susceptible aux moindres nuances de mes insinuations, analogues (je m’en aperçus plus tard) aux affres d’Yves Saint-Laurent.

    Elle semblait depuis longtemps avoir hâte de partir. Elle aurait préféré une table de coin. À peine m’étais-je égaré après ces adieux (sur le bon mot ce sera répété, amplifié, et déformé), voici que je retombe sur elle ! ...qui me confirme son intention (« Tu vas te faire chier, Zoé ! ») de venir me prendre à l’hôtel pour la gare, ce qui lui occuperait toute la matinée du vendredi. Je l’ai trouvée extrêmement « gentille » : élan, sincérité, névrose ? Conquise par ma cynique insolence, pfff ! - ou bien se faisant un devoir de complaire à qui ne lui plairait pas ? Obéissance à ses lubies ? Obsession d’elle, en moi. Deux fois elle m’appelle (d’abord le long de l’interminable et sinueuse rue Durand, puis à table

    à La Boucherie) pour se faire confirmer l’horaire de mon train, Son dévouement m’inspira le cadeau d’un bouquet, aussi cher qu’un taxi… Il me vint sur cette vieille libérée les élucubrations érotiques les plus saugrenues, qui s’était jadis fait mettre dans le cul par un Corse sans capote. Toutes les femmes on bien de la veine, toujours aimées, désirées, pourvu qu’elles veuillent se ruer sur l’homme. Et je me figurai tomber amoureux de cette fée si laide et si protégée. Par cet homme que je n’avais plus vu depuis 25 ans. Durant le trajet de l’hôtel à la gare, j’imaginais de folles et profondes conversations, comme si j’avais toujours connu Zoé, car tel es le jeu dès l’instant où l’on se parle.

    ...En vue d’une amitié durable. Il y aura des fleurs en vente au buffet de la gare. Zoé, pour des fleurs, se montrera très reconnaissante. Sans que rien de sexuel se déclenche sur les fauteuils. Une autre femme, incompétente, blonde, étincelante et lancinante, nous aura tous bassinés avec son Duc DU Berry, comme elle aurait dit le roi de LA France. Nous étions 5 visiteurs âgés, tendres, dont une grande rousse qui me dévisageait en prenant de larges photos sur tablette ; un possesseur de caméra ventrale qui refermait les portes derrière lui pour éviter les coûts du chauffage...

     

     

     

    TULLE

     

     

     

    2062 06 19

    Assis sur un banc à l’ombre, luttant pour ne pas dévier dans la décrépitude. Je suis arrivé ici le 15, par la gare. J’ai gravi une interminable et dangereuse montée pour parvenir enfin, reprenant mon souffle tous les 120 pas, au P’Tit Déj, contacté par téléphone. C’est un hôtel en hauteur, à vue panoramique. D’emblée cependant, j’ai annulé ma réservation de quatre nuitées : « Aucun moyen de transport collectif ! - Prenez un taxi ! » - c’est ça, ma belle, fous-toi bien de la gueule des économes. Le soir, délicieux repas, serveuse sans âme assénant à chaque client, après chaque plat : « Ça a été ? », formule disgracieuse au double hiatus. Le merveilleux fut le petit chemin au jour tombant, sur plongeon de prairies à vaches, le tout photographié.

    Le lendemain matin, toujours ma roulante au cul, je suis redescendu dans la bruine ; tout est plus facile à la redescente… Je cherchais le ou les fameux « petit(s) hôtel(s) » auprès de la gare (qui se sont révélés plus tard plus chers encore que mon serial albergo de St-Adrian…) (???!) - et voici l’hôtel Dunant, une mère accorte aux seins bien serrés dans l’échancrure, qui me détaille, pour le justifier, le petit-déjeuner à 9€ (où s’arrêteront-ils!) « Je ne me laisserai pas mourir de faim » Et poursuivant involontairement mon obsession, je paye les 191€ tout de suite, « mais si je meurs, mes héritiers vous réclameront le supplément. « Pourquoi dites-vous ça ?

    - C’est pour conjurer. Pour que ça n’arrive pas.

    Une longue promenade Quai Péri, quai Chammard (avec buste de l’ancêtre, protecteur des jeunes mères abandonnées avec leurs enfants). Cathédrale, marché plan en main jusqu’au cimetière. Un cimetière conique et non comique, où les sections s’enroulent en spirale souvent interrompue, aux volutes reliées par des escaliers. Je photographie un magnifique chien de faïence, extraordinairement expressif et ressemblant… Qu’est devenu ce loup fou du zoo de Bâle, qui cherchait fébrilement une issue, au bas de sa grille ? « Il faut prévenir le gardien ! » Mes parents n’en ont rien fait. On ne délivre pas un prisonnier zoologique. Celui-là, le mort, derrière les grilles de sa chapelle, veillait son maître mort.

    Plus haut, face à la chapelle sommitale, s’étale un tombeau familial, celle du maire de 14-18, où figurent les de Siorac, et une femme décédée à l’âge de 118 ans ! Marie-Pascale me confiera que le graveur ce jour-là s’était bien servi en eau-de-vie…

    Seigneur prenez pitié de notre lassitude…

    Soudain le téléphone : « Êtes-vous le gardien du cimetière ? - Oui. - Pourriez-vous m’indiquer la sépulture de monsieur Parrical de Chammard, petit-fils de l’ancien maire ? - Avancez jusqu’à la grille. Penchez-vous sur l’allée inférieure. La première tombe n’a pas de nom, la deuxième non plus. La troisième : c’est celle-là. » Quel homme ! Connaît-il son cimetière par cœur ? Ce défunt fut inhumé en 2004. Un oncle en 2011. I shall return.

    Écoute-moi bien, brocanteur, fouille-fumier : je suis génial. J’atteins le ciel des idées. Bientôt le Train m’emportera comme toute chose.

    Sur l’autel gisait le Livre de Job : excellente qualité littéraire.

    Tandis que je redescendais du cimetière, croisant une vieille peineresse, j’exprimai le regret de ne pas voir pour elle s’ébranler un escalier roulant. Elle eût aimé parler. Puis ce fut l’achat d’une mandorle couchée, en verre, ornée d’un entrelacs de filetures émaillées. La vendeuse avait 82 ans. Sa cliente plus encore. Elles souriaient en évoquant le machisme de tous les hommes. D’accord. Voyez-vous, il m’a été dit que l’homme était là pour protéger la femme, et nous n’en sommes pas tous revenus de voir tant de femmes mieux tirer leur affaire du jeu que tant d’hommes !

    Les journées ainsi se passent, allongés dans une bienfaisante grisaille cérébrale, qui n’est pas sans danger par sa démotivation, au point qu’il faut ensuite réfléchir avant d’esquisser le moindre geste de relèvement physique : qui peut se souvenir de tout ?

    Le lendemain notre premier souci fut d’acheter des arums foncés, dits « calla ». en pot ; de nous confier à la fleuriste, révélant notre projet de fleurir une tombe, ainsi que me l’avait demandé Marie-Pascale. De mettre au rebut un vieux pot desséché. De redescendre de là-haut, de chipoter sur un livre des Pendus de Tulle, qui mélangeait trop de choses : Oradour, Mussidan (144 fusillés). Prise de congé, ici comme chez l’artisane à la mandorle, un peu sèche et surprenante (« prendre congé » : dire « au revoir »). Puis le lit, la bouffe malsaine sur le drap, l’empilement des oreillers sous la tête, le cinéma télévisé.

    Fou ce qu’on peut se crever vite à se dandiner ainsi d’un pied sur l’autre, en essayant de bien s’enfoncer les écouteurs en plastique. Hier, la D 167, liserée tout en vert sur le guide : sous des ponts, le long d’une grande usine en contrebas, des montées, des virages à prendre à gauche plaqué sur le talus de gauche cul tourné vers la chaussée pour ne pas affoler ceux qui surviennent). Puis la rencontre d’un type qui traverse la route devant sa maison, qui te demande où tu vas, tu réponds « aussi loin que mes pieds pourront me porter », « aux Quatre-Routes peut-être », mais était-ce à Moulins ?… Tu parles de ton enfance à la campagne, de ce Parisien prétentieux qui confond la vache et le cheval vous ne la connaissiez pas ? Il rit de bon cœur, n’a pas parlé de lui mais c’est un début, comme tout ce que je vis ; je mourrai vagissant. Mais l’amabilité fait venir et parler. Il avait failli s’arrêter en te doublant, mais il te suffisait peut-être de te dandiner dans la verdure.

    Je parviens à Naves, moins sauvage, plus envillanné : une église et des gosses criant autour d’un ballon, dont une fille, à boire et retour par Tharnaud, la descente est interminable, vou-ou-ou, vrou-ou-ou, voitures, épuisement – surtout, surtout : ne pas montrer sa fatigue, bien dresser la tête, grosse soif. Et le repas du soir, deux communications au gendre aux dépens de Sonia jalouse c’est mon père et pas le tien, qui suis-je ?

    Ce matin, adieu Tulle, plein soleil, pot de fleur, place à l’ombre, lecture du Crapoteux Nouveau Détective, débauche...

    COLLIGNON ITINERRANCES 02

    ISSY-LÈS-MOULINEAUX 61 03 23 1

     

     

     

    Etrange journée de voisinage avec un monstrum au sens de manifestation incarnée de la névrose. Néron ne supporte que les forts, exige autour de lui gloire et reconnaissance, intérêt et bienveillance à l'Autre, sans s'apercevoir ou reconnaître que chaque progrès en connaissance de soi augmente la connaissance de l'autre et l'intérêt qu'on lui porte. Nul ne peut s'abstraire des autres ; de même, les autres ne peuvent se dispenser de l'appréciation d'un sujet. Les opposer, prétendre pompeusement comme Télérama que telle artiste, au lieu de se pencher sur son nombril, s'est intéressée aux autres, témoigne de la plus complète niaiserie. C'est pourquoi nous avons acheté de nos deniers fléchissants ce livre où la guerre, loin d'être à l'opposé de la civilisation, se voit au contraire parée de toutes les attributions du progrès : polêmos patêr panntôn – ô crétins moralisateurs !

    Moralisateur, c'est ce que fut Néron en dépit des sommes qu'il prodigua pour moi : car ici, la moindre dépense est de dix euros. Ne voulait-il pas convaincre de plus son beau-fils de le l'équivalence entre un mot d'absence d'un professeur de fac et la défection dont nous fûmes victimes? Equivalence à la fois didactique et logique. Cependant, m'efforçant de ménager les deux antagonistes, car les dicussions de Néron dégénèrent vite, j'allais répétant que le beau-fils préférait sa fiancée à ma propre personne, ce qui était logique... Mais je m'appliquais à ne pas encourir l'ire du Prince, laquelle, détournée de moi, retombait sur ledit beau-fils. Et je céddais, à tout. J'approuvais tout, utilisant ma lâcheté naturelle à l'approfondissement de mes connaissances.

    Je développais chez l'autre un amour de moi qui deviendrait bien vite encombrant ; mais l'acceptation de tant de choses pouvant se révéler dangereuse, j'ai tenu aussi à payer une quote- part : un verre de whisky après deux cafés en terrasse couverte, où des gonzesses hurlaient leur alcool. Notre Néron avait déjà fourni deux versions de sa rupture avec Frédinaire, qui lui avait refusé une préface, ou bien, verrsion deux, l'envoi d'un service de presse. Par conséquent, et entre parenthèses, pouvais-je ajouter foi à l'anecdote de cette ivrognesse ayant perturbé un récital de textes sur la mort de Verlaine ? Tozy, grand comédien, grande âme, l'avait d'abord englobée dans ses paragraphes, puis s'était interrompu après un vigoureux Tu vas fermer ta gueule : “Mademoiselle, on ne s'adresse pas à moi comme cela ; vous dérangez à vous seule cinquante personnes depuis une emi-heure, veuillez sortir.” Sur quoi les autres avaient viré la perturbatrice.

    La femme de Néron n'aurait pas contredit ce récit, après tout plausible. Mais moi, sur ma ISSY-LÈS-MOULINEAUX 61 03 23 104

     

     

     

     

    terrasse nocturne, j'observais. Je pliais, dans la bonne humeur, sous les rafales de sarcasmes. Âme de laquais ? de courtisan ? Il en faut. “Qu'il crève”, répétait l'ancienne épouse de Néron. C'est un manipulateur, pervers narcissique. Il brisera le lien inexistant qui m'attachait à ce fameux Frédinaire, juif hollandais. Courir après toutes les carottes ? Je suis ainsi fait. Le tout est de s'accepter, d'engloutir les reproches avec ou sans preuves. Et de grapiller ce qui tombe, repas, promotions et présentations plus ou moins bidons. Néron terni conserve son panache. Voilà comment je me connais et déleste les autres.

    Feignant puis éprouvant le plus vif intérêt. Courtisan et bouffon, sans honte aucune. Recherchant le style coulant comme le nœud du même nom. Nous sommes revenus dans le froid, et nous rassemblons le foulard et la valse à traîner tout le jour.

    COLLIGNON ERRANCES

    MARSEILLE – BORDEAUX 61 03 27

     

     

     

    Comment puis-je longtemps demeurer immobile. Inactif. Comment ne pas rendre hommage à cette lecture si facile et si douce, si longue et maladroite d'un grand curé devant l'Eternel, Daniel-Rops si gauche et si sacristain, sans moisi toutefois – par simples allusions. Comme il serait malvenu d'ajouter des notes à des mots, en ce long cercueil de fer roulant, vivant, garni d'êtres chers. Les personnes me hantent. Les hautes femmes brunes enfardées, leur odeur surfaite et leurs ongles vernis, tout écaillés – ces dignités qui n'en sont plus, ces mystères dégradés tout grisés d'égalités paritaires. Le canal du Midi qui borde les voies. Sincérités vagues, souffrances évanescentes, deux lignes d'eau, deux lignes vertes, un embarcadère, juste vivre et deviner ce qui stagne.

    Superflu de l'épilogue – foi chrétienne plaquée, paysages trop vus d'où l'on se détourne. Votre sourire vaut tous les paysages – c'était à Saint-Bertrand de Comminges. L'Allemagne dans mon dos, la Gascogne arabe devant, de longues jambes noires et maigres sous un cul sans moulage, des yeux curieux prêts à se courroucer – rester intéressant. Non pour les femmes mais pour le dieu, dans l'allégeance à soi. Une autre femme parle fort au téléphone, personne auprès d'elle et pour cause. De grands champs détrempés par sillons. Tu me fais chier dans tout le train. Le moindre mouvement des femmes comme une invraisemblance, le mouvement des statues – les femmes sont des statues qui bougent et ressentent – que c'est bizarre.

    Absurde. Incongru. Frémissant d'absolu. Un roulement retentit par derrière : Restauration, dernier passage, ce soir mon ventre au poulet destiné ; que venez-vous nous encombrer de vos conneries molles ? Laissez-moi donc tranquille manger ma banane sur la plage ! Peupliers nains et grêles entre la voie et l'eau, guérets bruns sous le soleil couchant – la femme s'est remise à gueuler, son gros cul, sa tête anxieuxse et fière - qui donc leur enseigne de tout se permettre ? Voici la Garonne, plaques brunes mouvantes d'argile s'échouant à flanc de rive ? Gare à grande vitesse. Madame, auriez-vous des biscuits ? Le train secoue ; à l'aller un Gitan s'était jeté dessous. Les rails grondent.

    Ces abandons ne valent rien : la menace s'efface – tout ralentit – AGEN. Où je bouffais de la purée face à l'antisémite : Ce n'est qu'une opinion ! Pas après Izieu. J'ai vécu ici-même dans une autre ère. D'autres avenir nous attendaient. Ce n'est plus croyable. On ne peut y ajouter foi ; nous nous pensions pleins de passé, avec des quantités d'années devant : merde à la modestie, qui nous a COLLIGNON ERRANCES

    MARSEILLE – BORDEAUX 61 03 27 106

     

     

     

    fait tant de mal ! Un bassin de femme me frôle, maintenu par-dessus les sièges en instable équilibre, sans le moindre parfum signal sous mes coups de narines. Nous sommes des millions à écrie dans l'ombre, descendants saccadés ces longs degrés qui mènent au tombeau ; tous le stylo entre les dents; ainsi parlait Colaux le Belge. Des hommes au cul mince, pantalons tombants, nuques rasées.

    Le coup de fouet du train qui nous croise. Nostalgie du corps qui se dissout dans l'herbe et la rosée. Garonne. Personne ne te lit ni moi non plus. Couchant magnificent sur les plastiques protecteurs. Plus qu'une heure et vingt minutes. Arbustes sans feuilles alignés dans le rose et le roux, fleuve bienveillant grossi, panneaux de gares flagellant la vitre illisible, terrains et toits plats et blancs qui s'allongent dans l'ombre, routes grises et je dors comme une pierre, il y a plus à l'intérieur de mon bocal bercé que là dehors, où gisent les champs indéfinissables.

    Manque d'air. Pommettes chaudes. Et repartir demain. Ces hautes perches sont des plantations de tabac. Marcher ne suffirait plus mais fondre dans l'humus. Traits de visage ou contours animaux si souvent reproduits dans les roches, Christ ou Macchu-Picchu, talus obscurs jamais je ne rêve aussi vite Sylvie veut me voir si rayonnant dit-elle.

     

     

     

     

    COLLIGNON ITINERRANCES

    LA ROCHELLE 61 12 03 109

     

     

    La Rochelle c'est froid c'est moche et ça ne se livre pas comme ça. Sauf hier après-midi quand j'ai cherché l'Aquarium jusqu'aux Minimes en passant par la zone portuaire. Ciel gris sans apparat ni flonflons, mais de belles photos de mer calme. Plus cinq petits gosses de deux ans : Ismaël, Adèle (Adel?), qui gambadaient mignonnement sous leurs nounous. Alors j'ai rebroussé chemin : le déménagement datait de dix ans, au moins ; d'ailleurs, mon plan mentionne encore l'embarcadère pour l'île de Ré, c'est dire. Le Musée – c'est la grande construction en verre ! - ne m'a pas autant saisi que la première fois. Mais il fut visité avec la meilleure volonté du monde, sous une sonorisation maritime ou planante style Stivell.

    Nous avons bien tout admiré, le loup de mer (qualifié de « moche » par une mémère qui ne valait pas mieux), et même, un tout petit garçon m'a donné la main : « Ce n'est pas un poisson » ai-je dit, et grands-parents de sourire familialement. Le retour fut émaillé de courses et de renseignements : « la rue Thiers » ? j'y étais, et je pousserais jusqu'à l'hôpital, mais sans y rester. Après cela, on s'effondre sur sa couette et on roupille, somnole. Ici le moindre effort est inutile, tant il en fournit là-bas, sur place. Arielle nous pèse dans la mesure où son alitement excessif nous constitue en sorte de gardien, même si elle n'en exprime pas le désir. Ici, j'aimerais dormir, manger, lire, voir la télévision, c'est tout.

    Une glace à trois faces renvoie mon image qui me flatte bien ; pour 70 ans, je me trouve beau, intelligent, et modeste. Je plais aux femmes à présent que je ne puis plus rien faire, elles le savent et me sourient. Je suis à leur niveau. Il me reste à passer pour un con à es propres yeux, et à me tenir droit. À l'instant un jeune homme a cogné à ma porte, pour le contrôle – quel contrôle ? Giulia me téléphone avec sollicitude, s'enquiert de mes distractions et de mes appétits : ce midi, une pomme suffira, tant je me suis gavé ce matin. La visite des Beaux-Arts a coûté 4€ 50, pour une quarantaine (maximum) d'ignobles croûtes défraîchies, acquisitions d'une « bourgeoisie éclairée, mais peu audacieuse ».

    Quelques photographies au flash (ça crée des embuts) enrichiront la collection d'illustrations sans gloire. À l'étage, de je ne sais quel Bayon ou Rayon, sont exposées des « hédonites » (?) de femmes à contempler de loin, démantibulées comme des paquets de saucisses en décomposition (carrément verdâtres, même) : « il y a de la cellulite », texto à Giulia. Hier, elle n'a pas pu me parler « parce que C. et D. étaient là ». Je n'ai aucune confiance en ces deux lascars, qui prennent ma femme pour une conne. Il est vrai qu'elle fait tout pour. Nous verrons plus tard : demain soir, départ. Je mange ma pomme en regardant la télévision. Tout le monde y sourit en tartinant sa morale et sa bonne humeur, sa rondeur hors de propos et ses discours banalisés sur les Le Pen. Vu un reportage d'Arte sur le Liban face aux réfugiés syriens qui suscitent les rivalités de ligues… Après nous le déluge.

     

    03 12 2061

    Que fis-je, que fîmes-nous encore ? Un dépassement de tour, avec appareil photo. Une montée rue Sur les Mur, avec des jeunes gens qui déconnaient. Une tournée autour des planches de la Lanterne (travaux en cours). Une ou deux photographies de structures ingénieuses et maçonnes d'hydrauliciens. Une jeune femme en sphinx en haut des marches, laissant courir son chien le long des vagues ; il pataugeait, au comble du bonheur le plus pur. Toujours cette impossibilité de capter le moment précis, au zoom, où le chien tourne autour exactement de sa maîtresse (elle m'a repéré : pointez un objectif, il le sent illico). Alors nous avons joui avec le chien, en bord de friselis de l'eau. Et puis le casino, le bord de mer, le « raccourci pour l'île de Ré » sous 1m20 de marée haute, le parc Franck Delmas et ses merdes à 'écart, le château néo-go 1900 et quelque (administration du camping, ô honte) et le retour par le Mail. Cet atroce poilu blindé comme en armure, un poêle de fonte, ces cartes postales, cette épicerie du port, cette facture monumentale, cet empiffrement, ces minutes et 36 heures de déresponsabilité totale – alternance Tolstoï et télévision, les contorsion de Foresti et les discussions vides de Calvi et de ses invités…

    04 12

    Dernier petit-déjeuner. Surcharge. Deux tranches de cake dans la poche, bagages réservés en lingerie. Longue promenade glacée, sans plan sur soi, Quartier du Onze Novembre. Je demande à une passante de quel côté se trouve La Rochelle, « complètement perdu ». Marche, froid, marche, froid, rues droites, peu de pensées. Puis sur un banc, pris d'amitié pour un lacis de branches glabres au-dessus de la tête, et rabaissant les yeux, s'apercevoir soudain que ce tas de pierres familier se trouve exactement contre l'hôtel ! Libération des bagages par « Stéphanie », qui me suggère un chocolat chaud par la machine. Sourdine de télévision mais superflue, présence de cette femme qui pouvait m'attirer derrière le comptoir sans que cela implique (ou le souhaitant?) l'érotisme, que ces rapports sont bizarres, adieu La Rochelle, détour par La Coursive, adieu au Vieux Port, et cet ennui que je regretterai, la gare, un supplément de 7€ et la plume s'arrête à sec de lyrisme à deux balles.

     

    COLLIGNON ITINERRANCES

    GUERET

     

     

     

    63 02 05

     

    Peu à retenir. Ennui. Détente. Perte de repères. Ce qui est ennuyeux dans la vieillesse, ce n'est pas le désagrément du corps, mais l'indifférence de l'âme. 64 06 09 Dijon. « Qu'est-ce que la vérité ?

    Le 2, il fait froid. Je vais d'abord à l'office du Tourisme, pour avoir un plan. C'est une gouine hommasse charnue qui me tend le document. Et voici les rues. Un clodo, ou « SDF », devant la poste. Je devrais lui donner ma chapka. Ce sera deux euros quarante, et un toucher de main. Le voilà tout réjoui. Avant lui, égaré vers la rue des Amoureux, je m'étais renseigné près d'une puissante et gélatineuse mémé, toute contente d'avoir une contact humain. C'est fou, ce que je suis indispensable. Les autres aussi, car je tournais le dos à mon but. Tout cela s'emmêle. Et puis l'église, où je vois une pauvre vierge chlorotique prolongée renouveler de vieilles fleurs dans de vieux vases.

    Et qui au bout du fil ? non pas Dieu mais Didier, à qui je me lie par le mercredi de Cendres. Il a écouté ma dernière émission, a constaté qu'il n'y figurait pas : je n'avais emporté qu'un étui vide… Nous parlons de Dieu, il m'indique soudain que la conversation est désormais assez longue. Aussi bien lui ai-je montré le caractère léger de nos faux attachements. Il invoque une fuite psychiatrique… Je redescends vers mon Première Classe, sous la pluie froidouillette. À présent c'est Giulia qui me contacte sur un banc des galeries Leclerc. Elle aime les longues conversations téléphoniques, et c'est la rentrée dans ma petite bulle sous les eaux. Le soir je regarde peu la télévision.

    Ne pas oublier l'assertion orgueilleuse de Du Bellay : chacun ou presque possède un don de nature ; mais ce n'est qu'à force de travail que l'on s'envole au ciel de la célébrité. Autrement, dit Joachim, ce serait injustice, merde alors. Disons que nous avons voulu vivre, aussi, car dans l'autre monde il n'est ni glorieux, ni obscurs. Des bribes de villes qui se ressemblent toutes, flottent dans la mémoire, fragments insignifiants que je parviens toujours à resituer. Renseignements donnés par la Réunionnaise, victime de la Grande Déportation d'Assimilation Profonde (enfants introduits dans le cul de la France), clients de supermarchés, Leclerc : Providence ! Providence ! En croquant à même une providentielle carotte tombée à terre.

    Arielle chez soi, à trois départements de distance, reçoit Eugène Bourdin, comédien homo, qui pose à poil sans problème ni bander. Le trois, je travaille sur Servius, qui est un vrai supplice : le volume est énorme, d'un rouge violet ignoble, après l'incendie des stocks de Budé. Commentaire de commentaires, eux-mêmes d'un creux dingue. Ce jour-là il fait beau, je vais à Guéret à pied. Jour de chats possibles, enfin.

    date : début février 2063

     

    N'est-il pas extraordinaire, etc. Je n'avais pas grand-chose à dire. Devant l'autobus une pièce a roulé. « Il serait absurde de perdre la vie pour cinquante centimes ». Le conducteur moricaud sourit. Les voyages que je fais n'ont aucune importance. Il est déjà question de Marseille, de Digne. Ces jours-ci, c'est Guéret. Moins couru, certes. Une vaste mélasse, de flotte, de distances parcourues à pied, d'hôtel confortable mais spartiate : tu viens, tu payes, tu repars. Très pratique pour les adultères. A Guéret c'est la seule distraction. Je suis victime d'adultère imaginaire. Ici je trompe ma femme avec des vidéos pornographiques. Bonjour LECTEUR. Déjà Guéret n'est rien. Il est soluble sous la pluie.

    Il est contenu sous une chapka qui me couvre la tête, avec des oreillettes flottantes qui attirent les regards des automobilistes, surtout si je hurle. Il est dans ce supermarché Leclerc, qui a vidé le cente-ville de toute sa substance. Même, je trouve là-bas, comme à La Ciotat, comme partout ailleurs, un centre culturel où j'achète un calendrier dédié aux écureuils. Ce sera pour Maphâme. Il faut que je me foute de mes propres expressions, pour ne pas être pris pour un type qui se prend au sérieux. Le trajet aller se fait en train jusqu'à Limoges, et ma voisine se fait gauler pour voyajer sans ticket, de Bordeaux à Libourne. Sa carte bleue n'admet plus de retrait. Le contrôleur l'avait touchée du bout de son antenne, elle croyait que c'était moi : quelle mauvaise surprise ! Elle a jeté avec rage ses papiers dans son sac, et devra payer une amende. Lecteur, es-tu là ? Est-ce que tu comprends ?

     

    Me consoleras-tu dans ma tombe ? Serai-je enterré à l'endroit, les pieds tournés vers l'allée ? Où seront mes livres ? Serai-je en compagnie de celui que je n'aurais pas fini, juste à ce moment-là ? Puis à Limoges, un autocar pour Montluçon. Avec toilettes internes, utilisables juste à l'arrêt. On ne peut que s'y assoir, sauf à pisser very cambré. On s'en fout partout. Une présentatrice de JT est lesbienne : c'est insupportable. Qui suis-je, dans ce cas ? De l'autocar je vois le fronton jaune de l'Hôtel Première Classe : en comptant dans l'autre sens ; le plus simple, le plus économique, celui qui fait parcourir le plus de chemin avec la valise à roulettes : crr, crr. Et la rue descend, descend. Autant à remonter en sens inverse.

    Comprends-tu que ce qui m'arrive arrive à tout le monde ? Que des lectrices dédaigneuses estiment banales ces productions « de réflexions que n'importe qui peut faire » ? Que mon meilleur ennemi s'est retrouvé, en fin de carrière, au même point que moi, toujours au début, sans même avoir fait une excursion en boucle dans l'univers des Gagnants ? Alors voilà : je suis parvenu à payer me chambre, à obtenir une carte, auunetomatiquement, puis en passant la carte magnétique devant une porte, qui s'est ouverte comme une glissière de caverne ? Oh ! fait le Vieux Monsieur Mon Père, « jamais je n'ai vu un feu d'artifice aussi magnifique » ! Mais il n'y a personne d'autre, dans mes voyages, combien de fois faudra-t-il vous le répéter ?

    Croyez-vous que ce me soit un enrichissement d'entendre un Cap-Voui, erdien me confier sa misère matérielle et la précarité de son emploi ? Comment peut-on prétendre substituer aux magies du voyage de telles consternantes banalités ? C'est donc niais, de répéter que le voyage permet de ne rien faire, de rien, de rien, de rien. Que même après s'être reposé toute une demi-journée sur les fauteuils confortables et roulants, le premier rite est malgré tout de prolonger par un autre repos allongé, dans la pénombre ? « Il pleut. Je vais au magasin Leclerc » : c'est donc une honte de le dire ? Oui, oui, le monde coule, mais nous manquons de données sur la vie matérielle des gens : le nucléaire a tout rasé. Ermé,

    La chambre comporte trois lits de camp, dont deux superposés : « Il est interdit de faire monter un enfant de moins de 6 ans ». J'occupe le lit inférieur, car l'angle de la télévision est satisfaisant. Fermé, mais satisfaisant. Tes griffes sont sur mes épaules. Jamais je ne me ferai à cette fauconneri, à cette volerie. A la caisse, l'hôtesse m'appelle « mon petit monsieur », me dit que « mon saucisson sent bon », que la carte bleue doit être « mise dans le trou », et j'en passe. Puis elle se tait, « pour qui va-t-il me prendre » ? Dans une autre vie, la vie où j'aurai envie, je lui refilerai mon 06 (note en bas de page ? pas encore l'époque ?). Puis il faudra « trouver le trou », faire de la gymnastique, ne jamais savoir ce qu'elle pense, éviter de faire des promesses, Maphâme connaît mon numéro par coeur. Elle est toujours joyeuse au téléphone, mais vous le savez. Le soir, je vais la tromper avec le film« Camping », dont on multiplie les suites. C'est nul, nul à chier : on dirait Plus belle la vie, en plus con si possible (…en bas de page ? en bas de page?)

    Le merveilleux est de ne pas se retenir de s'allonger pour dormir, somnoler, un peu sur chaque côté façon escalope, je vous ai déjà dit que je me fous des autres, qui ne sont que mes imitations (c'est bien pour vous faire plaisir) , vous me ferez cinquante lignes de moimoimoi, et vous oublierez de considérer le sort des justiciables d'Amnesty International. Parce que je m'en fous de ceux-là. Un jour je gésirai dans la geôle, nul ne s'en souciera, et je penserai « C'est bien fait pour ma gueule ». Un jour je perdrai tout mon sang sur l'asphalte, attendant les secours, car un homme ne peut laisser un homme dans cet état, et personne ne viendra.

    Faites, faites que je puisse recevoir sans avoir donné. Il a veillé (celui dont je parle) jusqu'à plus de deux heures, grâca à la rediffusion d'un documentaire sur les tatouages tahitiens : ils viennent tous, en réalité, des Marquises. Il a fallu les réinterpréter, car les missionnaires les ont interdits dès l'époque la plus reculée. A présent cette coutume se modernise, se revivifie. Puis je sors mais très peu. J'adore le petit-déjeuner, «abondant, simple et varié ».

    COLLIGNON ITINERRANCES 02

    ST-AVIT- RIVIÈRE 11

     

     

     

    En ce lieu idyllique », etc.

    Nous ne voyageons plus beaucoup. Un âge nous est imposé par la coutume. Nous sommes partis vers 14h et des poussières. Nous avons traversé Bordeaux, nous, nous, nous. Nous nous sommes arrêtés à Tresses, après une demi-heure de ville. C’était une boulangerie, au bord d’un ruban carrossable à quatre voies. Une épine dorsale fendait en son milieu. Le ciel seul se montrait quelconque et beau. Deux Turcs de tee-shirt levaient les yeux vers l’étage, appelant une femme qui ne s’y trouvait pas. Nous sommes repartis munis de chocolatines du peuple et d’un palmier. Nous essayions de nous remémorer certains lieux, certaines impressions vives encore pochi anni fá. Mais nous n’avions repéré ni Fontenilles, ni Font Nègre, ni cet endroit du chien écrasé.

    Juste l’oblique du « parc » de Bonissan, où loge une nonagénaire, génitrice de Françoise D. Et la maison du 20 juillet n’était plus là non plus, ou bien, juste émergeant du toit, depuis ce léger bas-fond. Route plongeante de Camarsac. Maison de Marguerite M. à St-Quentin de Baron, détruite d’un mur jadis par un camion montant. Puis ce « moulin à vent » sans ailes à Garriga, et la descente à Branne. Café ? Le temps de pénétrer dans un bistrot où Arielle ne se trouvait pas. Dehors, je renverse ma sacoche cul par-dessus tête sur le trottoir. Nous écoutons en sirotant deux motards discutant sur la façon de s’incliner dans les virages (il y a pour cela des stages!) et nous regagnons notre roulotte roulante.

    Il paraît que le buraliste s’est montré désagréable, « madame je n’irai pas chercher midi à quatorze heures avec vous, je n’ai pas que ça à foutre », Môssieur se vexe de s’être vu préférer quelqu’un d’autre pour le café. Peu d’attention de notre part au paysage, d’énormes blagues pourries et surfaites tout au long du trajet,que j’affronte seul depuis mon volant. Dernier arrêt à Gardonne, où Arielle clopine jusqu’aux chiottes. La Noire serveuse nous a-t-elle reconnus ? Arielle boitait tout autant.Nous parlons fort en terrasse. Jusqu’à Beaumont tout baigne, la route s’étire au long de l’ancienne poudrerie qui pouvait jeter bas toutes les cloisons de la ville. Puis la fatigue nous guette. Nous nous perdons entre Léone Haute et Léone Basse.

     

    (ce qui manque figure dans l’agenda “des tortues” 2012-2013, du 1er juillet au 12 8.

    Ce qui suit concerne le 19 avril 2018, 2065 n.s.

    « Ce matin-là, il est de bon ton de laisser dormir mon endormie et d’explorer un chemin blanc qui zèbre le recreux. Il est encore possible de monter sous le soleil, qui n’est pas très chaud. Ma mécanique observatoire se met en route, je respire, je note ce qui ferait tache dans un film dit « d’époque » : ces tuyaux noirs flexibles qui parfois longent le chemin. Il y a une éternité que je n’ai pas foulé un de ces chemins blancs qui nommèrent un groupe « folk » éphémère. Une bifurcation modeste m’indique un  lieu-dit « La Forêt », un autre « Bois de Campagnac ». Poussons jusqu’au croisement formant delta : se trouve une petite demeure avec électricité, volets clos à peu près neuf, ruche unique en équilibre sur un rebord cimenté.

    Respecter la propriété, poser là une imagination qui vivra par elle-même et mes siècles des siècles, rebrousser chemin, sans avoir lu : tout est rude à mon cul, et je n’ai pas envie de dire. Dans la dernière légère montée, voici deux chiens bistre clair qui galopent vers moi. Je les flatte, ils me flairent, un troisième les rejoint, puis une propriétaire qui retient un mâle noir. « Alors madame, on promène sa meute ? » Elle répond, cheveux noirs et pull déchiré sur le sein : « Celui-là, il faut que je l’attache à cause d’une chienne en chaleur qui traîne par là ». Je réponds TRES finement : «C’est comme pour les hommes ». Sans me rendre  compte, espèce de con, qu’il en est de même avec les chiennes en chaleur en maraude.

    Justement n’en v’là deux, brunes, en contrebas sur leurs sièges de bagnole, su genre « je jouis 6 fois par jour et j’t’emmerde », qui me demandent avec une grande voix sucrée, GPS dans une main et clitoris dans l’autre, s’il n’y a pas par là un endroit appelé « La Forêt », putain que je suis fier de leur répondre avec mon plus grand sourire d’impuissant du cooin que « oui, en effet, plus loin à gauche, vous verrez l’petit panneau »,je me vanterai auprès d’Annie l’hôtesse, 74 ans, d’avoir eu trois touches dans la journée, « et en forêt », renchérit-elle. Ma femme est levée, alleluiah ! Nous irons à Cadouin, halleloudoin ! Mais auparavant, petit détour par Vielvic, et arrivée pile poil sur Belvès, again.

    Vous savez ce qu’il faut faire, bande de nazes, pour vous faire connaître éditer e tutti quanti ? Avoir une grande gueule, écrire n’importe quoi et se faire zig-zaguer le trou du cul par la sodomie. À Belvès, profiteroles au « Pourquoi pas », la serveuse n’a plus l’air ni arabe ni bronzée, son mec est jeune et lourdaud mais grosse bite, et « nous parlions de vous, sans doute d’anciens élèves à vous », ah ils on dû en raconter des belles mes élèves, pourtant je n’ai pas dit mon nom, mais les cheveux longs d’Apaches des Rocheuses rappellent tous les souvenirs. Il paraît que c’est le cancer qui tue partout dans les chaumières, bien plus que les accidents dus à la vitesse, 80kmh sur les routes c’est une vaste connerie. Ce gouvernement semble multiplier les mesurettes, ils m’approuvent, en réalité j’aime beaucoup Macron. Reste à vérifier mon lycée, sur l’emplacement d’un castrum romain, c’était tout de même plus surfaceux que ça. En route pour la fille Gibiat, passée de 12 à 59 an, maigre, fiévreuse, trouée par une grosse bite et tant mieux, mais qui me considère avec méfiance, méfiance !

    Ce qu’elle a dû entendre comme refrains baquiques ma quique lors des beuveries de 70, où je suis survenu bientôt en pyjama pour annoncer que Nasser était mort ! Nous prenons deux jus d’orange en terrasse, deux filles précisent que leur chien affalé entre leurs jambes s’appelle Astuce, et qu’elle jouit d’abondantes promenades dans le Puy-de-Dôme, c’est marrant comme nous parlons à tout le monde de plain-pied avec cette fausse aisance, et lorsqu’elles s’éloignent en traînant leur cabote, ma femme fait observer que si ça se trouve elles vivent ensemble, ah les veinardes, qui ont deux corps de femmes et qui jouissent ensemble, ah je ne m’en remettrai jamais.

    Cadouin, recafé avecPolo en terrasse, une femme qui fait l’intéressante en prétendant avoir fait l’abbaye au moins 24 000 fois, et Elvire fait des roues (9 ans) sous la halle, je repénètre dans l’auberge de Jeune Fesse, « don’t walk on the lawn » on ne va pas te l’esquinter ta lawn, on préfère piétiner la law. L’abbaye est nue, bien calme, en l’honneur du sudarium, qui, ici, veut dire « Saint-Suaire », on en a fabriqué des quintaux. La veille, un moniteur expliquait à un groupe de petites gouapes à casquette en arrière dans le sens du ridicule qu’il gueulait à Cadouin, qu’il gueulait à Monpazier, et, après une pose du meilleur effet pédagogique, car il semblait changer de sujet sur le mode rationnel : « Alors, c’est quoi l’objectif ? c’est de gueuler dans toute la Dordogne ? » - effectivement, présenté comme ça, c’était ridicule, et les connards ont fini par se taire, et jeter la clope.

    Après ça nous avons visité l’expo permanente, avec un petit arabe frisotté qui a filé l’adresse de Boghossian et nous a envoyé visiter l’étage en bois. Et là, fulgurances : les portraits au couteau de Laurence Nolleau, des filles de métal, branlées, gouines, métalloques, alcooliques, d’une puissance et d’une vulnérabilité dingues. J’ai dit au petit mettons Pakistanais que je serais amoureux de ce genre de fille, que je ferais n’importe quoi, que j’écrirais des romans, lui n’avait pas l’air d’accord avec sa gueule de petit pédé sensible, mais moi je me heurterais aux gueules de ces nanas supersemblables jusqu’à crever de jouissance maso, et elles tireraient de moi des personnalités vachement supérieures et gitanes, parce que pour se les sauter et les faire pleurer de chagrins il faut vraiment s’accroître les capacités du cortex. Peut-être, sûrement même, que les explosions de femmes supérieures susciteraient des explosions de mâles dominateurs et sensibles romantiques et cruels à mort dans les deux sexes. Maintenant, on fonce vers Beaumont, où les arcades résonnent de rugbymen qui transforment l’accent gascon en défaut de prononciation génétiquement transmissible. « Faites marcher un bœuf charolais », c’est une viande qui devient difficile à m’astiquer lorsqu’elle est trop cuite. Plus ma foi un petit vin blanc fruité pour ma belle. Ici pas envie de faire l’intéressant, clientèle de petits bourgeois qui jouent eux-mêmes aux intéressants. À côté un petit Lorris-Franco qui fait son intéressant avec sa man-man quelconque. Je ne lui dirai jamais qu’il porte le nom d’un grand poète du Moyen Âge, Guillaume de Lorris, qui d’ailleurs a produit des couplets gaillards et paillards.

    Ou alors je confonds avec Jean de Meung appelé Clopinel. Oui, c’est lui, le gaillard. Lorris était le spîritualiste. Mais mon Lorris petit con tête à claque fait déjà trop son petit cador de petite famille, pas la peine de le mettre sur une piste dont il n’est pas digne. Disons « pas encore » pour ne pas l’enfoncer. Arielle n’a pas fini sa viande, devenue froide et très tendre, je parle d’une « opération à l’estomac », ce qui est exact et inexact. Nous sommes revenus sans nous égarer, sans avoir besoin d’un jogger qui revient sur ses pas pour nous indiquer Léone-Basse. Notre merveilleuse hôtesse septuagénaire avait allumé le fanal pour nous guide si la nuit était tombée. Elle m’entraîne dans la rédaction du mot de passe, mais tout est déglingué, je suis bien le seul à ne pas y être arrivé.

    Ben oui. Tout arrive. On me demande un code que je n’ai pas. Et en route pour une connerie télévisée de la Taubira, qui prétend relever le niveau de la langue française par le recours au rap. En face de lui gît un intellectuel rabougri, qui tente sans succès de faire prendre conscience à l’animateur de la connerie de sa démarche : ne promouvoir que les grands éditeurs, alors que les petits libraires encore subsistant se mettent à vanter de petits éditeurs qui n’auront jamais l’occasion de passer par le portevois de Môssieur Busnel, qui prononce Sharon, şharõ, le batelier des enfers, et Eûdipê bien sûr comme tous les connards, sans oublier Umberto qui prononçait Ashab, et tous d’embrayer sur Ashab derrière lui, comme les convives avalant le rince-doigt tout tiède pour ne pas vexer le gaffeur.

    SAINT-AVIT-RIVIÈRE 65 04 20

    Et voici le vent du retour. Le temps est chaud. Je m’égare pesamment vers Belvès, vers la hauteur de pente ou gît de part et d’autre le bâtimentage d’une ferme, et je monte jusqu’à la courbe supplémentaire de la route. Au retour j’aperçois les rangées de vaches encarcannées par le col au-dessus du son qu’elles bouffent par pur désœuvrement. Ce n’est pas encore l’élevage industriel, c’est déjà l’élevage débestialisant. Il règne dans ces yeux une indifférence divine. Personne. Un perron sombre où se chiffonne une literie peu propice au séchage. La voisine repromène ses chiens beiges. Il faut se lever, sinon, Arielle, tu ne pourras plus te relever.

    Le déjeuner long, co^pieux, avec du flan maison, dont nous mangeons trois parts, « aute chose que dans le commerce,où ça gélatine et pectine à tour de bras. Nous nous faisons la bise d’au revoir, « nous parlerons de vous, mais en bien « ! Je crois qu’elle supporte mon baiser sans la moindre raideur ni réticence. J’envisage toujours, à chaque femme que j’embrasse, un avenir, avec cette Périgourdine à l’accent délicieux, comme du brou de noix odorant.  « On a bien papoté ensemble » non madame, vous vous étiez confiée sur votre mari atteint d’AVC, sur vos déboires familiaux, et vous aimeriez les caresses d’un homme même impuissant pourvu qu’il soit tendre. Mais « l’amitié » passe moins du côté de Maphame, car elle y consent moins.

    Je sais que tout à l’heure viendront des marcheurs (et non pas « démarcheurs ») e qu’ils nous succéderont. Dieu merci j’ai la photo de mon hôtesse, très confiante dans le destin à venir des femmes d’Occident. A partir de Cadouin, Arielle se plonge justement dans les « Femmes au Moyen Âge ». Elle m’aura acheté une publication sur les soties exhibitionniste du Moyen Age, où l’on voit un homme de dos exhibant sa bite et ses couilles passant par-derrière leur exacte anatomie.Aristophane exploite déjà ce jeu de scène. Le modèle masculin ne l’a fait qu’une fois, sous la menace de ne pas se faire accepter pour poser à nouveau. Il se le tint pour dit, penaud. À Creysse, ayant retrouvé ladite civilisation, nous buvons dans un recoin ombragé tout en longeur, à deux mètres des camions qui passent tout au long.

    Les cartes ne sont pas acceptées. « Votre femme est aux toilettes, depuis pas mal de temps . - Elle est un peu... » (geste vers le bas-ventre). Et je reviens sur mes pas, de 2km, car il ne faut pas penser non plus je suppose à proposer un vieux chèque ébréché. Le livre sur la bite de pecquenod est très érudit. Je le commence et le finirai. Arrêt à Castillon, sur une place-parking, tout en longueur comme une plate-bande, où nous consommons à l’ombre, dos tourné à la sortie d’un enterrement « il avait 95 ans », « je suis bien heureux de vous connaître, j’aurais préféré en d’autres circonstances », « vous voyez, je vais avoir 80 ans, je ne me suis jamais disputé avec personne ». L’interlocuteur dans mon dos s’exprime d’une petite voix chevrotante correspondant à ce qu’on en imagine au théâtre, telle que pourtant jamais mon père n’en a eu. Ensuite, chers enfants, c’est le ruban connu, la chaleur connue, la « voie rapide » de rocade encombrée le nez sur un cul de camion, le passage du Pont d’Aquitaine, ici enfin, avec mes appareils qui fonctionne, et bien peu de souvenirs à faire mousser. Le chat malgré notre absence ne nous a pas fait la gueule. Il vieillit.

     

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    Le sommeil est le pire des maux. Ce matin je sortais de mon lit, Anne entrait en souffrances. C'est ainsi que nous vivons. Par la fenêtre d'un bus j'ai rencontré une jeune fille qui pleurait en marchant très vite, à gros sanglots devant le monde entier à fendre l'âme. Que vous est-il arrivé ? la perte d'un proche est plus sombre, plus sourde. Ce désespoir public venait de trahison. Comment peut-on trahir et pourquoi l'ai-je fait. Je ne drague pas. Qui vous fait souffrir ? Mon Dieu je n'avais pkus vu cela depuis la série des Femmes qui pleurent. Vous a-t-on manqué de respect. De tels chagrins lorsque Françoise a foncé sur la route imbibée de whisky, lorsque Katy a voulu mourir. Ce désespoir résonnera toujours en moi.

    Le train longe une prairie à faible allure. Est-ce Vivonne, où Ravaillac médita le meutre d'Henri ? Port-de-Piles. De la fatigue d'être soi. Ammien Marcellin. Couverture blanche, écriture penchée de mon père. Déploration des vices sénatoriaux. Permanence de l'engourdissement. Syllabes anglaises au fond de la voiture. Talus jaune. Vingt maisons autour d'une église. Est-il si nécessaire d'apporter quelque chose ? Suffit-il de remplacer "je" par "nous" ? Seigneur prends pitié de la douleur humaine. Qui sont ces hommes autour de moi ? Cet enchifrené qui se lève dans mon dos pour filer son catarrhe à sa belle ? Cerveau secoué comme celui d'un nourrisson. Chercher la mire.

    Reconstruction du cerveau. Ne pas se laisser démolir. Les autres sont autour de moi. Je ne les retiens pas. Comment fait-elle pour ne pas sombrer dans la désintégration ? Rêver, mais en ligne narrative... Café. Notre chemise est sale et manque au respect que nous nous devons à nous-même et aux autres. En changer dès que possible. Des jeunes gens me tenteraient pour les serrer très fort, à condition qu'il ne soit pas question de verge. Derrière moi le jeune enrhumé converse avec sa bien-aimée sur les plates-formes de jonction. Devant moi un jeune homme qui planche sur des lignes très serrées, des schémas chimiques. Sur ma droite un jeune homme encore tripotant son mobile sur ses genoux relevés.

    Dans mon dos à droite un jeune homme à côté duquel j'aurais dû m'assoir en tenant compte de mon numéro de réservation. Au bar, le garçon porte la barbe ; forte mâchoire et l'air vigoureux et rusé. Il vend des tickets de métro, une chocolatine et un autre café. "Sur place ou à emporter ? - Sur place." 7€90. Il m'indique à nouveau le sucre sous mes yeux : "J'ai vraiment besoin de prendre un café". Ce sera le modèle de mes contacts à venir. Il n'y a aucun risque à engager une conversation ; il faut essayer de tout. Toujours cette scrutation des vsiages, et des sexes de femmes sous les étoffes. Désir des corps aussi, indépendamment des glandes génitales. Importance excessives du système uro-génital. Impression de liberté toujours en arrivant à Paris, mes idées sont des catins et je joue avec elles. Rencontrer Sylvie en acton, cele qui milite pour Mélenchon – j'encule les manchons. Il n'y a pas d'ici une drague directe, mais désir d'échapper à l'étouffoir : désaccords incessants recouverts d'un passé de complicités, voilà ce qui nous lie, spectacles à jouissance commune (ballets, cinéma). Recommencer serait une perpétuelle peur, de manquer d'éloquence, de soubassements.

    Le train de Caen s'arrêtera souvent, "suite à l'agression d'un agent de la SNCF" – l'information a bien été rediffusée 8 fois en 4 minutes. Ce climat est soigneusement entretenu. La peur. "Faites, ne faites pas". Tous ces gens que je vais croiser descendront des pecquenods de Maupassant. Je brûle de raconter mon expédition au Mémorial caennais de la Paix, où je brûlais de me faire remarquer, alors que le spectacle, ce sont tous de même, bien mis en scène, les millions de morts des deux Guerres mondiales, et que personne autour de moi n'éprouvait le besoin d'attirer les regards sur soi ou de les fixer sur moi. Ecœurant. Même la visite au Musée des Baux-Arts qui s'invite ici, j'écris dans tous les sens, en diarrhée diffusante, "stellaire", c'est cela ; aux balayettes de faire le boulot, d'effectuer le tri.

    A présent dans le train, grand stimulateur. Un jour tout me viendra par bribes, à reclasser par colonnes. Signac, moins la méthode, moins le projet... Et ma voisine (ouf, une femme) pourrait cependant avoir meilleure haleine : il lui suffit de respirer pour que je la sente, sur le côté... dieu merci elle possède une bouteille d'eau minérale et décortique des chewing-gums. Demandons-nous le pourcentage des pages consacrées aux moyens de transport ; ils l'emportent assurément sur les séjours proprement dits. Quelle étrange façon de composer. Suis-je le premier à découvrir ce procédé hérétique ? Ce n'est après tout que mon évolution logique vers l'émiettement. Le contrepied systématique des écriveurs professionnels, dont le consensus bêlatif ne cesse de se faire écho.

    Qui êtes-vous, êtres à trois bouches, trois poils entre deux os (il faut bien rire...) - comment ressentez-vous les choses ? Existe-t-il quoi que ce soit dans vos attitudes et façons de voir de commun avec nous autres hommes, soi-disant “neutres” ? Ruminations sans cesse reprises, comme un rocher de Sisyphe, heureux bien sûr, heureux... Observations de voyageurs. Deux blaireaux bien charpentés de 22 ans, plongés dans une langue invérifiable : igassté répète l'un d'eux, igassté. Toujours cette envie irrépressible de s'introduire dans la vie de qui que ce soit, homme ou femme, et de la torpiller. Ma voisine tousse le tabac dont elle porte l'odeur. Arrivée au Mans, patrie des Lémovices.

    Succession de HLM flétris. À présent le soir tombe sur Caen : si je végétais ainsi, je me flinguerais le tube digestif, à boustifailler. Ce ne sont que des réflexions que tout un chacun peut se faire ! Ta gueule, stagiaire. Ne supra crepidam. Hier soir de mon lit de Caen j'entendais bruire tout l'horizon des 22h de juin d'une perpétuelle et sourde déflagration, d'Isigny à Honfleur. Mais ce n'était que la circulation crépusculaire, progression répandue dans les rues de Caen. Jusqu'aux crissements de pneus dans la cour (locals only) m'annonçaient le progrès des fissures et de l'éboulement. Tout de même, 50€ pour une chambre dont la porte de balcon ne ferme pas, c'est un peu fort. Le nombre de pédés parmi les hôteliers est incroyable, beaucoup travaillent par couples, deux fois que j'ai vue sur la cour intérieure pelée. Hier soir une femme gueulait d'un immeuble “Pourriture d'infirmière !”, deuxième hôtel de la ville.

    Vérifier qu'au premier feu rouge à droite il existe une autre rue parallèle à la rue St-Jean pour amener à la rue de Vaucel. Et lisant une biographie de Monluc, je m'avise soudain que sur toute la côte ce 6 juin nous fêterons justement le 69e anniversaire du débarquement ; n'y aura-t-il pas une prise d'armes ou quelque feu d'artifice ?

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    Etrange journée de voisinage avec un monstrum au sens de manifestation incarnée de la névrose. Néron ne supporte que les forts, exige autour de lui gloire et reconnaissance, intérêt et bienveillance à l'Autre, sans s'apercevoir ou reconnaître que chaque progrès en connaissance de soi augmente la connaissance de l'autre et l'intérêt qu'on lui porte. Nul ne peut s'abstraire des autres ; de même, les autres ne peuvent se dispenser de l'appréciation d'un sujet. Les opposer, prétendre pompeusement comme Télérama que telle artiste, au lieu de se pencher sur son nombril, s'est intéressée aux autres, témoigne de la plus complète niaiserie. C'est pourquoi nous avons acheté de nos deniers fléchissants ce livre où la guerre, loin d'être à l'opposé de la civilisation, se voit au contraire parée de toutes les attributions du progrès : polêmos patêr panntôn – ô crétins moralisateurs !

    Moralisateur, c'est ce que fut Néron en dépit des sommes qu'il prodigua pour moi : car ici, la moindre dépense est de dix euros. Ne voulait-il pas convaincre de plus son beau-fils de le l'équivalence entre un mot d'absence d'un professeur de fac et la défection dont nous fûmes victimes? Equivalence à la fois didactique et logique. Cependant, m'efforçant de ménager les deux antagonistes, car les dicussions de Néron dégénèrent vite, j'allais répétant que le beau-fils préférait sa fiancée à ma propre personne, ce qui était logique... Mais je m'appliquais à ne pas encourir l'ire du Prince, laquelle, détournée de moi, retombait sur ledit beau-fils. Et je céddais, à tout. J'approuvais tout, utilisant ma lâcheté naturelle à l'approfondissement de mes connaissances.

    Je développais chez l'autre un amour de moi qui deviendrait bien vite encombrant ; mais l'acceptation de tant de choses pouvant se révéler dangereuse, j'ai tenu aussi à payer une quote- part : un verre de whisky après deux cafés en terrasse couverte, où des gonzesses hurlaient leur alcool. Notre Néron avait déjà fourni deux versions de sa rupture avec Frédinaire, qui lui avait refusé une préface, ou bien, verrsion deux, l'envoi d'un service de presse. Par conséquent, et entre parenthèses, pouvais-je ajouter foi à l'anecdote de cette ivrognesse ayant perturbé un récital de textes sur la mort de Verlaine ? Tozy, grand comédien, grande âme, l'avait d'abord englobée dans ses paragraphes, puis s'était interrompu après un vigoureux Tu vas fermer ta gueule : “Mademoiselle, on ne s'adresse pas à moi comme cela ; vous dérangez à vous seule cinquante personnes depuis une emi-heure, veuillez sortir.” Sur quoi les autres avaient viré la perturbatrice.

    La femme de Néron n'aurait pas contredit ce récit, après tout plausible. Mais moi, sur ma ISSY-LÈS-MOULINEAUX 61 03 23 104

     

     

     

     

    terrasse nocturne, j'observais. Je pliais, dans la bonne humeur, sous les rafales de sarcasmes. Âme de laquais ? de courtisan ? Il en faut. “Qu'il crève”, répétait l'ancienne épouse de Néron. C'est un manipulateur, pervers narcissique. Il brisera le lien inexistant qui m'attachait à ce fameux Frédinaire, juif hollandais. Courir après toutes les carottes ? Je suis ainsi fait. Le tout est de s'accepter, d'engloutir les reproches avec ou sans preuves. Et de grapiller ce qui tombe, repas, promotions et présentations plus ou moins bidons. Néron terni conserve son panache. Voilà comment je me connais et déleste les autres.

    Feignant puis éprouvant le plus vif intérêt. Courtisan et bouffon, sans honte aucune. Recherchant le style coulant comme le nœud du même nom. Nous sommes revenus dans le froid, et nous rassemblons le foulard et la valse à traîner tout le jour.

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    Comment puis-je longtemps demeurer immobile. Inactif. Comment ne pas rendre hommage à cette lecture si facile et si douce, si longue et maladroite d'un grand curé devant l'Eternel, Daniel-Rops si gauche et si sacristain, sans moisi toutefois – par simples allusions. Comme il serait malvenu d'ajouter des notes à des mots, en ce long cercueil de fer roulant, vivant, garni d'êtres chers. Les personnes me hantent. Les hautes femmes brunes enfardées, leur odeur surfaite et leurs ongles vernis, tout écaillés – ces dignités qui n'en sont plus, ces mystères dégradés tout grisés d'égalités paritaires. Le canal du Midi qui borde les voies. Sincérités vagues, souffrances évanescentes, deux lignes d'eau, deux lignes vertes, un embarcadère, juste vivre et deviner ce qui stagne.

    Superflu de l'épilogue – foi chrétienne plaquée, paysages trop vus d'où l'on se détourne. Votre sourire vaut tous les paysages – c'était à Saint-Bertrand de Comminges. L'Allemagne dans mon dos, la Gascogne arabe devant, de longues jambes noires et maigres sous un cul sans moulage, des yeux curieux prêts à se courroucer – rester intéressant. Non pour les femmes mais pour le dieu, dans l'allégeance à soi. Une autre femme parle fort au téléphone, personne auprès d'elle et pour cause. De grands champs détrempés par sillons. Tu me fais chier dans tout le train. Le moindre mouvement des femmes comme une invraisemblance, le mouvement des statues – les femmes sont des statues qui bougent et ressentent – que c'est bizarre.

    Absurde. Incongru. Frémissant d'absolu. Un roulement retentit par derrière : Restauration, dernier passage, ce soir mon ventre au poulet destiné ; que venez-vous nous encombrer de vos conneries molles ? Laissez-moi donc tranquille manger ma banane sur la plage ! Peupliers nains et grêles entre la voie et l'eau, guérets bruns sous le soleil couchant – la femme s'est remise à gueuler, son gros cul, sa tête anxieuxse et fière - qui donc leur enseigne de tout se permettre ? Voici la Garonne, plaques brunes mouvantes d'argile s'échouant à flanc de rive ? Gare à grande vitesse. Madame, auriez-vous des biscuits ? Le train secoue ; à l'aller un Gitan s'était jeté dessous. Les rails grondent.

    Ces abandons ne valent rien : la menace s'efface – tout ralentit – AGEN. Où je bouffais de la purée face à l'antisémite : Ce n'est qu'une opinion ! Pas après Izieu. J'ai vécu ici-même dans une autre ère. D'autres avenir nous attendaient. Ce n'est plus croyable. On ne peut y ajouter foi ; nous nous pensions pleins de passé, avec des quantités d'années devant : merde à la modestie, qui nous a COLLIGNON ERRANCES

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    fait tant de mal ! Un bassin de femme me frôle, maintenu par-dessus les sièges en instable équilibre, sans le moindre parfum signal sous mes coups de narines. Nous sommes des millions à écrie dans l'ombre, descendants saccadés ces longs degrés qui mènent au tombeau ; tous le stylo entre les dents; ainsi parlait Colaux le Belge. Des hommes au cul mince, pantalons tombants, nuques rasées.

    Le coup de fouet du train qui nous croise. Nostalgie du corps qui se dissout dans l'herbe et la rosée. Garonne. Personne ne te lit ni moi non plus. Couchant magnificent sur les plastiques protecteurs. Plus qu'une heure et vingt minutes. Arbustes sans feuilles alignés dans le rose et le roux, fleuve bienveillant grossi, panneaux de gares flagellant la vitre illisible, terrains et toits plats et blancs qui s'allongent dans l'ombre, routes grises et je dors comme une pierre, il y a plus à l'intérieur de mon bocal bercé que là dehors, où gisent les champs indéfinissables.

    Manque d'air. Pommettes chaudes. Et repartir demain. Ces hautes perches sont des plantations de tabac. Marcher ne suffirait plus mais fondre dans l'humus. Traits de visage ou contours animaux si souvent reproduits dans les roches, Christ ou Macchu-Picchu, talus obscurs jamais je ne rêve aussi vite Sylvie veut me voir si rayonnant dit-elle.

     

     

     

     

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    Tout voyage, pour nous autres fauchés, commence par les chemins de fer. Ce matin encore, je bataillais avec l'ordinateur pour savoir s'il restait quelque gîte çà et là. Il a fallu que le train de Strasbourg se mît en marche pour que je me renseigne auprès du Comité de Tourisme. Il me fut répondu que, pour le Festival de la BD, tout était archicomble. Cependant me furent communiquées trois adresses, dont l'une à Cognac, l'autre au relais de Je-ne-sais-quel-saint, et la troisième en “Charente nord”. Ce fut donc Roumazière, sur la route de Confolens. Dommage pour Anne, qui, dans le restaurant (premier étage) où je reçois mon hors-d'œuvres “sur ardoise”, se désole que je ne puisse pas déjà faire le tour des stands.

    Mais on m'attend à l'hôtel du Commerce. Un brave homme sans doute, que je rejoindrai à 18h, après je ne sais quelle pérégrination pluvieuse. Je me trimballe donc la valise-trolley, puisque les gares sont délestées de leurs consignes... au nom de la lutte antiterrorisme... Averse sur averse après le resaurant bien chaud (“je peux envisager une grève de la faim jusqu'à nouvel ordre”. Musée: fermé le lundi. Cathédrale St-Pierre : je me découve dès le narthex ; une vieille taupe dans sa loge vitrée vient me reluquer puis repart s'assoir dans son antre obscur. Puis j'opère une lonue descente vers la gare, passant au pied de l'oblisque à Madame, fille de louisXVI Un charmant sexagénaire, portant un panier d'osier, m'indique la gare : “Descendez la rue de Bordeaux, c'est toujours tout droit” - oui, mais combien de kilomètres, mon brave ?

    Photographies au zoom d'un immode tag vert sur paroi moisie ; d'un établissement Masey-Fergusson, d'un monument aux morts des camps avec tous leurs noms (Neuengamme, Mauthausen). Je me mets sur un banc à l'abri. Une fille de 14 ans jacasse avec un jeune homme de son âge, elle n'a pas besoin de queue tout de suite, elle en est aux ragots de flippeuses, voix acidulée. Le train où je prends place se fait attendre quai 3, en décrochement de la gare à droite, comme à St-Charles ; il semble du moins que ce soit le même modèle. Wagon unique à double sens de conduite. Une pisseuse pressée prend MA place à peine la rame en route. Je lui succède, mais MOI, je tire la chasse. Revenu à mon siège, agacé de scrupules crétins, nous tâchons d'éviter le regard d'une fille timide de 15 ans, pour qu'elle ne puisse pas penser qu'un vieux voudrait capter son attention. La voilà descendue, après La Rochefoucauld – soulagement inepte ! Une autre s'entend dire dans l'oreille : “Savez-vous où se trouve l'Hôtel du Commerce ?” A droite, “à quelques mètres”. Au moins 100, tout de même : ne voyant rien venir le long de ce trottoir glacé, je jette mon Dévoluy sur une boulangère : “Voyez-vous cette voiture stationnée, avec des inscriptions ?” je fesse en blanc de distinguer les inscriptions : “C'est là”. Je décline mon nom en réception, la tête ébouriffée de mon interlocuteur (39 ans, cheveux courts et mine expectative) je devine que mon apparence doit être celle d'un fameux hurluberlu. “Je suis fatigué.

    - Je vous attendais plus tôt. Par le train de 3h. - Il n'y en avait qu'à 17h. - C'est vrai, tantôt oui, tantôt non, je m'y perds.” Chambre 6. Je le rappellerai pour brancher la télévision : “Ce n'est rien”. Lecture de Toutankhamon par Violaine V. Littérairement nul, je progresse à grands pas dans cette honnête daube de gare. Et puis rien, sieste réparatrice, courses chez U, les nouveaux commerçants (depuis 2022), bon vent dans le dos pour le retour, bureau de poste repéré. Bled absurde et rouge, beau sourire de la sucebite boulangère, gavage au flan plus pâte feuilletée sans compter les biscuits à me faire péter le diabétomètre, avant la soirée chinoise télévisée de Roumazières.

    Plus haut les camions foncent à 50 à l'heure entre les maisons, plus haut c'est le clocheton de briques au-dessus de son pavillon, avec des murs de tuiles empilées de chant sur 1,5m de haut mettons 2 pureaux d'épaisseur, marcher droit, visière bien tirée sur le front sous le chapeau, pardessus bien tombant malgré le bouton qui saute, et sourire, surtout, sourire. C'est chiant d'avoir l'air con, vous savez, pire encore que d'être en surpoids ; parce qu'il y a toujours plus con que vous : les gens. Certains héros n'entendent pas les réflexions dans la rue ; les grosses et moi, si. Les autres, n'est-ce pas, comme le cheval, comme le chien, sentent que vous avez peur. Eviter les cabots, les chevaux, et les pecquenods.

    Il fait si froid dans ces rues mornes qu'il faut vite regagner le calfeutrage hôtelier. Donc, bourgeoisement, informations, déconnection, allongement. Parler de Roumazières ? Impossible. Trottoirs de terre ou de goudron râpeux. Magasins en faillite (moins 60% avant fermeture définitive) il est vrai qu'un marchand de jouets ne doit pas faire affaire ici. Quant à la chambre 6, c'est un cube. Piles d'ordi qui faiblissent. La favorite de l'Empereur porte une coiffe à deux balles, six boules rouges devant, six boules rouges derrière. L'Empereur manque se faire empoisonner, tend le flacon à la femme du neveu qui crève en pleine danse, toujours ça d'éliminé. Mais l'Empereur de Chine boit exprès le reste et crève en faisant des bulles, tout le monde meurt à la fin même le neveu, c'est beau comme du Shakespeare et tous les personnages parlent français sauf les chanteuses en mandarin, chi et quelque chose mais je peux me tromper.

    La nuit se passe à digérer (la pâte feuilletée plus les biscuits), petit-dèj à 7 balles ne nous gênons pas, le patron calcule tout au poil près, je me souviens qu'une femme a dit merde à travers la cloison tandis que son mec émettait un vaste bâillement. Ne pas claquer les portes à partir de 10h du soir, oui, éviter de baiser, aussi. Ou de mettre les infos du soir trop fort. Ben oui c'est ça le voyage d'un blaireau. Par temps froid le blaireau rédige un petit texte sur l'historien de Louis VI le Gros et son historien, Suger. Il n'y a plus que les blaireaux pour savoir qui c'est. Que faire dans ce Je sors du hall de gare tout en échos : devant moi l'éternelle femme aux yeux clos, que j'embrasserais comme toutes. A la fois d'un coup et doucement. Grande marche sans plan de ville, aboutissant à ce grand mur de caserne, interminable, infranchissable. Sous peine de lourdes amendes prévues par la loi du tant. Des élagueurs élaguent, ficelés comme des sous-singes dans les branches nues qu'ils scient, retour par l'autre côté du rectangle, et 50 bonnes personnes de queue compacte avant l'ouverture : Festival de BD, toutes les villes se confondent. À 10h ouverture de la tente, commencer les allers et venues, chez Glénat, chez Dargaud. Je cherche la série des Druides, repérée la veille à la Médiathèque ; un trou, Roumazières ? allez voir le monument aux morts : 153 tués sur trois communes, je vois que vous avez compris.

    Mais Les druides sont bien décevants, jusqu'au n° 7 où l'auteur enfin s'affirme. On ne commence pas sa série au n° 7... Sous mon manteau à deux boutons je suffoque ; le troisième a sauté. Certains albums soignent leurs couvertures, mais le dedans reste conventionnel, graphisme et disposition sommaires, une héroïne blondasse qui ne peut présider à tant d'aventures et de décisions sous son masque de gamine au miel. Un autre album présente d'épatants dessins, mais gâche tout par ses textes verbeux. Enfin, Tome I de Ténèbres, collection Soleil. Je dis exprès très fort qu'il faut que je sorte, avec mon cadeau. Et je marche. Je marche. Ma fille au téléphone me dit qu'elle a juse le temps de manger : ménage cet après-midi, couture – comment fait-elle ? chat,plume,tiroir

    Nous ne connaissons rien de ceux que le métier absorbe, sans voyages, sans imprévu. Cécité paternelle. Sur les bancs, surabondance de lycéens. Des jeunes filles de 14 ans comme s'il en pleuvait, leurs lamelles au creux des jambes, leurs exigences d'amour pur. Le lycée Guez de Balzac déborde sur le terre-plein comblé d'un parking pathétique et cerné d'un gros mur de soutien. De là-haut ce serait aussi bien Aurillac ou Privas. Jusqu”à mi-chemin du coteau vis-à-vis ce ne son que quartiers pavillonnaires au petit bonheur. Ici s'est arrêté en 31 Paul Valéry pour admirer le paysage et faire pipi sournoisement contre le parapet.

    Les lettres sont à demi-effacées. Partout ça blague et ça bouffe, à l'abri du vent derrière les véhicules stationnés, veinards et plein vent si souvent cotoyés filles et garçons, abreuvés d'histoires de cul bientôt illégales. Parvenu rue d'Epernon de Nogaret de la Vallette, chez qui servirent leurs aïeux vers les seize cent cinquante ! Voûtes de la cathédrale Madame, c'est trop beau, trop beau ! je veux petits merdeux bien aimés, même qu'il existe une salle Bandes Dessinées chrétiennes ! “Les Familières”, “Le pélerin”, “Shaoul” et la vie de saint Paoul je présume ? Tout pour enfants, la Bible à la lettre près, Shaoul, pourquoi me persécutes-tu ? Puis il se mit à converser avec le Christ, le Christ cet ectoplasme, de Paul naquit toute la tradition latine et médiévale du repentir, et l'on meurt sans avoir vécu – vous savez, ce fameux “examen de conscience” avant de s'endormir, à ne plus pouvoir s'endormir.

    Errances sous d'autres tentes à stands plus cloisonnés, “Jeunes talents”, le nonagénaire de beau-père atteint de sommeil constant puis définitif, nous n'aurons tous que des souvenirs, insolvabilité manigancée de longue date et vaine réconciliation : est-ce qu'on a des gueules de captateurs d'héritage ? Franchement ?... Puis je me suis dirigé vers la gare, lentement, yavaş, yavaş, bancs de bois et filles de treize ans, partout, partout – la vie, voyez-vous, la vie comme tout le monde, m'aura bien plus tourmenté, taraudé, que le désir de gloire. Je lis une vie de Néron, qualis artifex, quel artiste... piaulements de pucelles... respectables, vénérables, Maud avec o fermé, etc. D'autres enfants encore inondent le wagon, et se tiennent disciplinés ; parents inquiets sur le bord du quai, je voudrais les complimenter, cela sonnerait si faux, si inapproprié, c'est à tout cela que je pense en vivant – pardons, que “nous pensons”, parce qu'il y a toujours un connard en embuscade pour me taxer de “nombrilisme” - ta gueule.

    Revoici Roumazières + Lambert, son hôtel, sa “journée fatigante” lancée au tenancier de clés, puis le remagasin, la caissière ne veut plus rendre service aux ingrats qui se mettent à l'éviter ; elle me passe tout de même un Sopalin pour ma goutte au nez : Vous ne me reverrez plus non plus ! - Pourquoi ? - Parce que je retourne à Bordeaux où j'habite” - pas de cheval ici. En redescendant la pente à pied, je manque rouler sous un camion Toi aussi, petit-fils ? m'aurait dit le grand-père.. Ce 30 au soir, nouveau tour de piste des 19 chaînes, toutes vulgaires à souhait. ARTE seul m'apaise, une fille seule se fait draguer par un vieux lourd, stà hellinikà. Elle feint de dormir. Puis parvient sur une plage déserte et danse dans les vagues avec son chien.

    Grâce à l'universelle lenteur, nous avons le temps de laisser autour de nous se former une résonnance, un puits foré vers l'intérieur. Le film se termine ainsi. Lui succède une série californienne, avec hystérique folle menaçant une femme enceinte (de son propre partenaire !) avec un couteau de cuisine. Ça larmoie ferme, et les flics éprouvent des états d'âme. Ils s'aimeraient même, d'un sexe à l'autre, est-ce possible ? Deux Lexomils, un Doliprane et au lit. Le matin, s'extraire. Comme un grand. Montesquieu d'abord, départ à pied (valises confiées sous le comptoir), première à droite après le passage à niveau. Depuis ma confusion du nord et du sud, méfiance : une fois de plus, les directions indiquées ne correspondent pas à ma carte.

    Je photographie l'eau sale sous les branches, les dégradés de frondaisons, la Charente vers l'amont. Deux chevaux bien vieux. Une école communale à l'écart de tout, par effet d'un remembrement de communes. Je me hisse aux Essarts, juste après les Landes de la Commanderie (les templiers faisaient ici des friches au XIIe s.), et d'un seul coup m'aperçois que, si je veux profiter du restaurant sans rater l'autocar, j'ai intérêt à presser le pas. Bien s'immobiliser dès qu'une voiture s'avance, bien regarder derrière soi pour se remettre en marche, le patron m'avait oublié : poisson, c'est vendredi. Cabillaud fade, petit chausson aux pommes, 13€ et mes compliments pédants : “C'est mon métier Monsieur”.

    Le métier implique également d'imprimer 31 pour 13, ou bien, déjà ce matin, de me compter 4 petits-déjeuners au lieu de 3 : bien repérer les têtes de gogos, et tenter sa chance - “mais je ne suis pas du genre à porter plainte” et toc mon gars, je récupère la plus belle courbette de Roumazières avec mention de mon nom de famille !... ainsi que mon bagage, “la porte n'est pas fermée-z-à clé !” Me voici derrière la conductrice, quinqua flamboyante, quel effet ça fait d'appartenir au sexe désiré, doigts longs, fins et forts sur le volant, l'air noble sans hauteur ne pas parler au conducteur. Pare-brise panoramique, La Rochefoucauld et Ruelle. Je perds mon foulard violet. Seize heures trente en gare.

    COLLIGNON ITINERRANCES

    LA ROCHELLE 61 12 03 109

     

     

    La Rochelle c'est froid c'est moche et ça ne se livre pas comme ça. Sauf hier après-midi quand j'ai cherché l'Aquarium jusqu'aux Minimes en passant par la zone portuaire. Ciel gris sans apparat ni flonflons, mais de belles photos de mer calme. Plus cinq petits gosses de deux ans : Ismaël, Adèle (Adel?), qui gambadaient mignonnement sous leurs nounous. Alors j'ai rebroussé chemin : le déménagement datait de dix ans, au moins ; d'ailleurs, mon plan mentionne encore l'embarcadère pour l'île de Ré, c'est dire. Le Musée – c'est la grande construction en verre ! - ne m'a pas autant saisi que la première fois. Mais il fut visité avec la meilleure volonté du monde, sous une sonorisation maritime ou planante style Stivell.

    Nous avons bien tout admiré, le loup de mer (qualifié de « moche » par une mémère qui ne valait pas mieux), et même, un tout petit garçon m'a donné la main : « Ce n'est pas un poisson » ai-je dit, et grands-parents de sourire familialement. Le retour fut émaillé de courses et de renseignements : « la rue Thiers » ? j'y étais, et je pousserais jusqu'à l'hôpital, mais sans y rester. Après cela, on s'effondre sur sa couette et on roupille, somnole. Ici le moindre effort est inutile, tant il en fournit là-bas, sur place. Arielle nous pèse dans la mesure où son alitement excessif nous constitue en sorte de gardien, même si elle n'en exprime pas le désir. Ici, j'aimerais dormir, manger, lire, voir la télévision, c'est tout.

    Une glace à trois faces renvoie mon image qui me flatte bien ; pour 70 ans, je me trouve beau, intelligent, et modeste. Je plais aux femmes à présent que je ne puis plus rien faire, elles le savent et me sourient. Je suis à leur niveau. Il me reste à passer pour un con à es propres yeux, et à me tenir droit. À l'instant un jeune homme a cogné à ma porte, pour le contrôle – quel contrôle ? Giulia me téléphone avec sollicitude, s'enquiert de mes distractions et de mes appétits : ce midi, une pomme suffira, tant je me suis gavé ce matin. La visite des Beaux-Arts a coûté 4€ 50, pour une quarantaine (maximum) d'ignobles croûtes défraîchies, acquisitions d'une « bourgeoisie éclairée, mais peu audacieuse ».

    Quelques photographies au flash (ça crée des embuts) enrichiront la collection d'illustrations sans gloire. À l'étage, de je ne sais quel Bayon ou Rayon, sont exposées des « hédonites » (?) de femmes à contempler de loin, démantibulées comme des paquets de saucisses en décomposition (carrément verdâtres, même) : « il y a de la cellulite », texto à Giulia. Hier, elle n'a pas pu me parler « parce que C. et D. étaient là ». Je n'ai aucune confiance en ces deux lascars, qui prennent ma femme pour une conne. Il est vrai qu'elle fait tout pour. Nous verrons plus tard : demain soir, départ. Je mange ma pomme en regardant la télévision. Tout le monde y sourit en tartinant sa morale et sa bonne humeur, sa rondeur hors de propos et ses discours banalisés sur les Le Pen. Vu un reportage d'Arte sur le Liban face aux réfugiés syriens qui suscitent les rivalités de ligues… Après nous le déluge.

     

    03 12 2061

    Que fis-je, que fîmes-nous encore ? Un dépassement de tour, avec appareil photo. Une montée rue Sur les Mur, avec des jeunes gens qui déconnaient. Une tournée autour des planches de la Lanterne (travaux en cours). Une ou deux photographies de structures ingénieuses et maçonnes d'hydrauliciens. Une jeune femme en sphinx en haut des marches, laissant courir son chien le long des vagues ; il pataugeait, au comble du bonheur le plus pur. Toujours cette impossibilité de capter le moment précis, au zoom, où le chien tourne autour exactement de sa maîtresse (elle m'a repéré : pointez un objectif, il le sent illico). Alors nous avons joui avec le chien, en bord de friselis de l'eau. Et puis le casino, le bord de mer, le « raccourci pour l'île de Ré » sous 1m20 de marée haute, le parc Franck Delmas et ses merdes à 'écart, le château néo-go 1900 et quelque (administration du camping, ô honte) et le retour par le Mail. Cet atroce poilu blindé comme en armure, un poêle de fonte, ces cartes postales, cette épicerie du port, cette facture monumentale, cet empiffrement, ces minutes et 36 heures de déresponsabilité totale – alternance Tolstoï et télévision, les contorsion de Foresti et les discussions vides de Calvi et de ses invités…

    04 12

    Dernier petit-déjeuner. Surcharge. Deux tranches de cake dans la poche, bagages réservés en lingerie. Longue promenade glacée, sans plan sur soi, Quartier du Onze Novembre. Je demande à une passante de quel côté se trouve La Rochelle, « complètement perdu ». Marche, froid, marche, froid, rues droites, peu de pensées. Puis sur un banc, pris d'amitié pour un lacis de branches glabres au-dessus de la tête, et rabaissant les yeux, s'apercevoir soudain que ce tas de pierres familier se trouve exactement contre l'hôtel ! Libération des bagages par « Stéphanie », qui me suggère un chocolat chaud par la machine. Sourdine de télévision mais superflue, présence de cette femme qui pouvait m'attirer derrière le comptoir sans que cela implique (ou le souhaitant?) l'érotisme, que ces rapports sont bizarres, adieu La Rochelle, détour par La Coursive, adieu au Vieux Port, et cet ennui que je regretterai, la gare, un supplément de 7€ et la plume s'arrête à sec de lyrisme à deux balles.

     

    COLLIGNON ITINERRANCES

    GUERET

     

     

     

    63 02 05

     

    Peu à retenir. Ennui. Détente. Perte de repères. Ce qui est ennuyeux dans la vieillesse, ce n'est pas le désagrément du corps, mais l'indifférence de l'âme. 64 06 09 Dijon. « Qu'est-ce que la vérité ?

    Le 2, il fait froid. Je vais d'abord à l'office du Tourisme, pour avoir un plan. C'est une gouine hommasse charnue qui me tend le document. Et voici les rues. Un clodo, ou « SDF », devant la poste. Je devrais lui donner ma chapka. Ce sera deux euros quarante, et un toucher de main. Le voilà tout réjoui. Avant lui, égaré vers la rue des Amoureux, je m'étais renseigné près d'une puissante et gélatineuse mémé, toute contente d'avoir une contact humain. C'est fou, ce que je suis indispensable. Les autres aussi, car je tournais le dos à mon but. Tout cela s'emmêle. Et puis l'église, où je vois une pauvre vierge chlorotique prolongée renouveler de vieilles fleurs dans de vieux vases.

    Et qui au bout du fil ? non pas Dieu mais Didier, à qui je me lie par le mercredi de Cendres. Il a écouté ma dernière émission, a constaté qu'il n'y figurait pas : je n'avais emporté qu'un étui vide… Nous parlons de Dieu, il m'indique soudain que la conversation est désormais assez longue. Aussi bien lui ai-je montré le caractère léger de nos faux attachements. Il invoque une fuite psychiatrique… Je redescends vers mon Première Classe, sous la pluie froidouillette. À présent c'est Giulia qui me contacte sur un banc des galeries Leclerc. Elle aime les longues conversations téléphoniques, et c'est la rentrée dans ma petite bulle sous les eaux. Le soir je regarde peu la télévision.

    Ne pas oublier l'assertion orgueilleuse de Du Bellay : chacun ou presque possède un don de nature ; mais ce n'est qu'à force de travail que l'on s'envole au ciel de la célébrité. Autrement, dit Joachim, ce serait injustice, merde alors. Disons que nous avons voulu vivre, aussi, car dans l'autre monde il n'est ni glorieux, ni obscurs. Des bribes de villes qui se ressemblent toutes, flottent dans la mémoire, fragments insignifiants que je parviens toujours à resituer. Renseignements donnés par la Réunionnaise, victime de la Grande Déportation d'Assimilation Profonde (enfants introduits dans le cul de la France), clients de supermarchés, Leclerc : Providence ! Providence ! En croquant à même une providentielle carotte tombée à terre.

    Arielle chez soi, à trois départements de distance, reçoit Eugène Bourdin, comédien homo, qui pose à poil sans problème ni bander. Le trois, je travaille sur Servius, qui est un vrai supplice : le volume est énorme, d'un rouge violet ignoble, après l'incendie des stocks de Budé. Commentaire de commentaires, eux-mêmes d'un creux dingue. Ce jour-là il fait beau, je vais à Guéret à pied. Jour de chats possibles, enfin.

    date : début février 2063

     

    N'est-il pas extraordinaire, etc. Je n'avais pas grand-chose à dire. Devant l'autobus une pièce a roulé. « Il serait absurde de perdre la vie pour cinquante centimes ». Le conducteur moricaud sourit. Les voyages que je fais n'ont aucune importance. Il est déjà question de Marseille, de Digne. Ces jours-ci, c'est Guéret. Moins couru, certes. Une vaste mélasse, de flotte, de distances parcourues à pied, d'hôtel confortable mais spartiate : tu viens, tu payes, tu repars. Très pratique pour les adultères. A Guéret c'est la seule distraction. Je suis victime d'adultère imaginaire. Ici je trompe ma femme avec des vidéos pornographiques. Bonjour LECTEUR. Déjà Guéret n'est rien. Il est soluble sous la pluie.

    Il est contenu sous une chapka qui me couvre la tête, avec des oreillettes flottantes qui attirent les regards des automobilistes, surtout si je hurle. Il est dans ce supermarché Leclerc, qui a vidé le cente-ville de toute sa substance. Même, je trouve là-bas, comme à La Ciotat, comme partout ailleurs, un centre culturel où j'achète un calendrier dédié aux écureuils. Ce sera pour Maphâme. Il faut que je me foute de mes propres expressions, pour ne pas être pris pour un type qui se prend au sérieux. Le trajet aller se fait en train jusqu'à Limoges, et ma voisine se fait gauler pour voyajer sans ticket, de Bordeaux à Libourne. Sa carte bleue n'admet plus de retrait. Le contrôleur l'avait touchée du bout de son antenne, elle croyait que c'était moi : quelle mauvaise surprise ! Elle a jeté avec rage ses papiers dans son sac, et devra payer une amende. Lecteur, es-tu là ? Est-ce que tu comprends ?

     

    Me consoleras-tu dans ma tombe ? Serai-je enterré à l'endroit, les pieds tournés vers l'allée ? Où seront mes livres ? Serai-je en compagnie de celui que je n'aurais pas fini, juste à ce moment-là ? Puis à Limoges, un autocar pour Montluçon. Avec toilettes internes, utilisables juste à l'arrêt. On ne peut que s'y assoir, sauf à pisser very cambré. On s'en fout partout. Une présentatrice de JT est lesbienne : c'est insupportable. Qui suis-je, dans ce cas ? De l'autocar je vois le fronton jaune de l'Hôtel Première Classe : en comptant dans l'autre sens ; le plus simple, le plus économique, celui qui fait parcourir le plus de chemin avec la valise à roulettes : crr, crr. Et la rue descend, descend. Autant à remonter en sens inverse.

    Comprends-tu que ce qui m'arrive arrive à tout le monde ? Que des lectrices dédaigneuses estiment banales ces productions « de réflexions que n'importe qui peut faire » ? Que mon meilleur ennemi s'est retrouvé, en fin de carrière, au même point que moi, toujours au début, sans même avoir fait une excursion en boucle dans l'univers des Gagnants ? Alors voilà : je suis parvenu à payer me chambre, à obtenir une carte, auunetomatiquement, puis en passant la carte magnétique devant une porte, qui s'est ouverte comme une glissière de caverne ? Oh ! fait le Vieux Monsieur Mon Père, « jamais je n'ai vu un feu d'artifice aussi magnifique » ! Mais il n'y a personne d'autre, dans mes voyages, combien de fois faudra-t-il vous le répéter ?

    Croyez-vous que ce me soit un enrichissement d'entendre un Cap-Voui, erdien me confier sa misère matérielle et la précarité de son emploi ? Comment peut-on prétendre substituer aux magies du voyage de telles consternantes banalités ? C'est donc niais, de répéter que le voyage permet de ne rien faire, de rien, de rien, de rien. Que même après s'être reposé toute une demi-journée sur les fauteuils confortables et roulants, le premier rite est malgré tout de prolonger par un autre repos allongé, dans la pénombre ? « Il pleut. Je vais au magasin Leclerc » : c'est donc une honte de le dire ? Oui, oui, le monde coule, mais nous manquons de données sur la vie matérielle des gens : le nucléaire a tout rasé. Ermé,

    La chambre comporte trois lits de camp, dont deux superposés : « Il est interdit de faire monter un enfant de moins de 6 ans ». J'occupe le lit inférieur, car l'angle de la télévision est satisfaisant. Fermé, mais satisfaisant. Tes griffes sont sur mes épaules. Jamais je ne me ferai à cette fauconneri, à cette volerie. A la caisse, l'hôtesse m'appelle « mon petit monsieur », me dit que « mon saucisson sent bon », que la carte bleue doit être « mise dans le trou », et j'en passe. Puis elle se tait, « pour qui va-t-il me prendre » ? Dans une autre vie, la vie où j'aurai envie, je lui refilerai mon 06 (note en bas de page ? pas encore l'époque ?). Puis il faudra « trouver le trou », faire de la gymnastique, ne jamais savoir ce qu'elle pense, éviter de faire des promesses, Maphâme connaît mon numéro par coeur. Elle est toujours joyeuse au téléphone, mais vous le savez. Le soir, je vais la tromper avec le film« Camping », dont on multiplie les suites. C'est nul, nul à chier : on dirait Plus belle la vie, en plus con si possible (…en bas de page ? en bas de page?)

    Le merveilleux est de ne pas se retenir de s'allonger pour dormir, somnoler, un peu sur chaque côté façon escalope, je vous ai déjà dit que je me fous des autres, qui ne sont que mes imitations (c'est bien pour vous faire plaisir) , vous me ferez cinquante lignes de moimoimoi, et vous oublierez de considérer le sort des justiciables d'Amnesty International. Parce que je m'en fous de ceux-là. Un jour je gésirai dans la geôle, nul ne s'en souciera, et je penserai « C'est bien fait pour ma gueule ». Un jour je perdrai tout mon sang sur l'asphalte, attendant les secours, car un homme ne peut laisser un homme dans cet état, et personne ne viendra.

    Faites, faites que je puisse recevoir sans avoir donné. Il a veillé (celui dont je parle) jusqu'à plus de deux heures, grâca à la rediffusion d'un documentaire sur les tatouages tahitiens : ils viennent tous, en réalité, des Marquises. Il a fallu les réinterpréter, car les missionnaires les ont interdits dès l'époque la plus reculée. A présent cette coutume se modernise, se revivifie. Puis je sors mais très peu. J'adore le petit-déjeuner, «abondant, simple et varié ».

     

    COLLIGNON ITINERRANCES 02

    ST-AVIT- RIVIÈRE 11

     

     

     

    En ce lieu idyllique », etc.

    Nous ne voyageons plus beaucoup. Un âge nous est imposé par la coutume. Nous sommes partis vers 14h et des poussières. Nous avons traversé Bordeaux, nous, nous, nous. Nous nous sommes arrêtés à Tresses, après une demi-heure de ville. C’était une boulangerie, au bord d’un ruban carrossable à quatre voies. Une épine dorsale fendait en son milieu. Le ciel seul se montrait quelconque et beau. Deux Turcs de tee-shirt levaient les yeux vers l’étage, appelant une femme qui ne s’y trouvait pas. Nous sommes repartis munis de chocolatines du peuple et d’un palmier. Nous essayions de nous remémorer certains lieux, certaines impressions vives encore pochi anni fá. Mais nous n’avions repéré ni Fontenilles, ni Font Nègre, ni cet endroit du chien écrasé.

    Juste l’oblique du « parc » de Bonissan, où loge une nonagénaire, génitrice de Françoise D. Et la maison du 20 juillet n’était plus là non plus, ou bien, juste émergeant du toit, depuis ce léger bas-fond. Route plongeante de Camarsac. Maison de Marguerite M. à St-Quentin de Baron, détruite d’un mur jadis par un camion montant. Puis ce « moulin à vent » sans ailes à Garriga, et la descente à Branne. Café ? Le temps de pénétrer dans un bistrot où Arielle ne se trouvait pas. Dehors, je renverse ma sacoche cul par-dessus tête sur le trottoir. Nous écoutons en sirotant deux motards discutant sur la façon de s’incliner dans les virages (il y a pour cela des stages!) et nous regagnons notre roulotte roulante.

    Il paraît que le buraliste s’est montré désagréable, « madame je n’irai pas chercher midi à quatorze heures avec vous, je n’ai pas que ça à foutre », Môssieur se vexe de s’être vu préférer quelqu’un d’autre pour le café. Peu d’attention de notre part au paysage, d’énormes blagues pourries et surfaites tout au long du trajet,que j’affronte seul depuis mon volant. Dernier arrêt à Gardonne, où Arielle clopine jusqu’aux chiottes. La Noire serveuse nous a-t-elle reconnus ? Arielle boitait tout autant.Nous parlons fort en terrasse. Jusqu’à Beaumont tout baigne, la route s’étire au long de l’ancienne poudrerie qui pouvait jeter bas toutes les cloisons de la ville. Puis la fatigue nous guette. Nous nous perdons entre Léone Haute et Léone Basse.

     

     

     

     

    (ce qui manque figure dans l’agenda “des tortues” 2012-2013, du 1er juillet au 12 8.

    Ce qui suit concerne le 19 avril 2018, 2065 n.s.

    « Ce matin-là, il est de bon ton de laisser dormir mon endormie et d’explorer un chemin blanc qui zèbre le recreux. Il est encore possible de monter sous le soleil, qui n’est pas très chaud. Ma mécanique observatoire se met en route, je respire, je note ce qui ferait tache dans un film dit « d’époque » : ces tuyaux noirs flexibles qui parfois longent le chemin. Il y a une éternité que je n’ai pas foulé un de ces chemins blancs qui nommèrent un groupe « folk » éphémère. Une bifurcation modeste m’indique un  lieu-dit « La Forêt », un autre « Bois de Campagnac ». Poussons jusqu’au croisement formant delta : se trouve une petite demeure avec électricité, volets clos à peu près neuf, ruche unique en équilibre sur un rebord cimenté.

    Respecter la propriété, poser là une imagination qui vivra par elle-même et mes siècles des siècles, rebrousser chemin, sans avoir lu : tout est rude à mon cul, et je n’ai pas envie de dire. Dans la dernière légère montée, voici deux chiens bistre clair qui galopent vers moi. Je les flatte, ils me flairent, un troisième les rejoint, puis une propriétaire qui retient un mâle noir. « Alors madame, on promène sa meute ? » Elle répond, cheveux noirs et pull déchiré sur le sein : « Celui-là, il faut que je l’attache à cause d’une chienne en chaleur qui traîne par là ». Je réponds TRES finement : «C’est comme pour les hommes ». Sans me rendre  compte, espèce de con, qu’il en est de même avec les chiennes en chaleur en maraude.

    Justement n’en v’là deux, brunes, en contrebas sur leurs sièges de bagnole, su genre « je jouis 6 fois par jour et j’t’emmerde », qui me demandent avec une grande voix sucrée, GPS dans une main et clitoris dans l’autre, s’il n’y a pas par là un endroit appelé « La Forêt », putain que je suis fier de leur répondre avec mon plus grand sourire d’impuissant du cooin que « oui, en effet, plus loin à gauche, vous verrez l’petit panneau »,je me vanterai auprès d’Annie l’hôtesse, 74 ans, d’avoir eu trois touches dans la journée, « et en forêt », renchérit-elle. Ma femme est levée, alleluiah ! Nous irons à Cadouin, halleloudoin ! Mais auparavant, petit détour par Vielvic, et arrivée pile poil sur Belvès, again.

    Vous savez ce qu’il faut faire, bande de nazes, pour vous faire connaître éditer e tutti quanti ? Avoir une grande gueule, écrire n’importe quoi et se faire zig-zaguer le trou du cul par la sodomie. À Belvès, profiteroles au « Pourquoi pas », la serveuse n’a plus l’air ni arabe ni bronzée, son mec est jeune et lourdaud mais grosse bite, et « nous parlions de vous, sans doute d’anciens élèves à vous », ah ils on dû en raconter des belles mes élèves, pourtant je n’ai pas dit mon nom, mais les cheveux longs d’Apaches des Rocheuses rappellent tous les souvenirs. Il paraît que c’est le cancer qui tue partout dans les chaumières, bien plus que les accidents dus à la vitesse, 80kmh sur les routes c’est une vaste connerie. Ce gouvernement semble multiplier les mesurettes, ils m’approuvent, en réalité j’aime beaucoup Macron. Reste à vérifier mon lycée, sur l’emplacement d’un castrum romain, c’était tout de même plus surfaceux que ça. En route pour la fille Gibiat, passée de 12 à 59 an, maigre, fiévreuse, trouée par une grosse bite et tant mieux, mais qui me considère avec méfiance, méfiance !

    Ce qu’elle a dû entendre comme refrains baquiques ma quique lors des beuveries de 70, où je suis survenu bientôt en pyjama pour annoncer que Nasser était mort ! Nous prenons deux jus d’orange en terrasse, deux filles précisent que leur chien affalé entre leurs jambes s’appelle Astuce, et qu’elle jouit d’abondantes promenades dans le Puy-de-Dôme, c’est marrant comme nous parlons à tout le monde de plain-pied avec cette fausse aisance, et lorsqu’elles s’éloignent en traînant leur cabote, ma femme fait observer que si ça se trouve elles vivent ensemble, ah les veinardes, qui ont deux corps de femmes et qui jouissent ensemble, ah je ne m’en remettrai jamais.

    Cadouin, recafé avecPolo en terrasse, une femme qui fait l’intéressante en prétendant avoir fait l’abbaye au moins 24 000 fois, et Elvire fait des roues (9 ans) sous la halle, je repénètre dans l’auberge de Jeune Fesse, « don’t walk on the lawn » on ne va pas te l’esquinter ta lawn, on préfère piétiner la law. L’abbaye est nue, bien calme, en l’honneur du sudarium, qui, ici, veut dire « Saint-Suaire », on en a fabriqué des quintaux. La veille, un moniteur expliquait à un groupe de petites gouapes à casquette en arrière dans le sens du ridicule qu’il gueulait à Cadouin, qu’il gueulait à Monpazier, et, après une pose du meilleur effet pédagogique, car il semblait changer de sujet sur le mode rationnel : « Alors, c’est quoi l’objectif ? c’est de gueuler dans toute la Dordogne ? » - effectivement, présenté comme ça, c’était ridicule, et les connards ont fini par se taire, et jeter la clope.

    Après ça nous avons visité l’expo permanente, avec un petit arabe frisotté qui a filé l’adresse de Boghossian et nous a envoyé visiter l’étage en bois. Et là, fulgurances : les portraits au couteau de Laurence Nolleau, des filles de métal, branlées, gouines, métalloques, alcooliques, d’une puissance et d’une vulnérabilité dingues. J’ai dit au petit mettons Pakistanais que je serais amoureux de ce genre de fille, que je ferais n’importe quoi, que j’écrirais des romans, lui n’avait pas l’air d’accord avec sa gueule de petit pédé sensible, mais moi je me heurterais aux gueules de ces nanas supersemblables jusqu’à crever de jouissance maso, et elles tireraient de moi des personnalités vachement supérieures et gitanes, parce que pour se les sauter et les faire pleurer de chagrins il faut vraiment s’accroître les capacités du cortex. Peut-être, sûrement même, que les explosions de femmes supérieures susciteraient des explosions de mâles dominateurs et sensibles romantiques et cruels à mort dans les deux sexes. Maintenant, on fonce vers Beaumont, où les arcades résonnent de rugbymen qui transforment l’accent gascon en défaut de prononciation génétiquement transmissible. « Faites marcher un bœuf charolais », c’est une viande qui devient difficile à m’astiquer lorsqu’elle est trop cuite. Plus ma foi un petit vin blanc fruité pour ma belle. Ici pas envie de faire l’intéressant, clientèle de petits bourgeois qui jouent eux-mêmes aux intéressants. À côté un petit Lorris-Franco qui fait son intéressant avec sa man-man quelconque. Je ne lui dirai jamais qu’il porte le nom d’un grand poète du Moyen Âge, Guillaume de Lorris, qui d’ailleurs a produit des couplets gaillards et paillards.

    Ou alors je confonds avec Jean de Meung appelé Clopinel. Oui, c’est lui, le gaillard. Lorris était le spîritualiste. Mais mon Lorris petit con tête à claque fait déjà trop son petit cador de petite famille, pas la peine de le mettre sur une piste dont il n’est pas digne. Disons « pas encore » pour ne pas l’enfoncer. Arielle n’a pas fini sa viande, devenue froide et très tendre, je parle d’une « opération à l’estomac », ce qui est exact et inexact. Nous sommes revenus sans nous égarer, sans avoir besoin d’un jogger qui revient sur ses pas pour nous indiquer Léone-Basse. Notre merveilleuse hôtesse septuagénaire avait allumé le fanal pour nous guide si la nuit était tombée. Elle m’entraîne dans la rédaction du mot de passe, mais tout est déglingué, je suis bien le seul à ne pas y être arrivé.

    Ben oui. Tout arrive. On me demande un code que je n’ai pas. Et en route pour une connerie télévisée de la Taubira, qui prétend relever le niveau de la langue française par le recours au rap. En face de lui gît un intellectuel rabougri, qui tente sans succès de faire prendre conscience à l’animateur de la connerie de sa démarche : ne promouvoir que les grands éditeurs, alors que les petits libraires encore subsistant se mettent à vanter de petits éditeurs qui n’auront jamais l’occasion de passer par le portevois de Môssieur Busnel, qui prononce Sharon, şharõ, le batelier des enfers, et Eûdipê bien sûr comme tous les connards, sans oublier Umberto qui prononçait Ashab, et tous d’embrayer sur Ashab derrière lui, comme les convives avalant le rince-doigt tout tiède pour ne pas vexer le gaffeur.

    SAINT-AVIT-RIVIÈRE 65 04 20

    Et voici le vent du retour. Le temps est chaud. Je m’égare pesamment vers Belvès, vers la hauteur de pente ou gît de part et d’autre le bâtimentage d’une ferme, et je monte jusqu’à la courbe supplémentaire de la route. Au retour j’aperçois les rangées de vaches encarcannées par le col au-dessus du son qu’elles bouffent par pur désœuvrement. Ce n’est pas encore l’élevage industriel, c’est déjà l’élevage débestialisant. Il règne dans ces yeux une indifférence divine. Personne. Un perron sombre où se chiffonne une literie peu propice au séchage. La voisine repromène ses chiens beiges. Il faut se lever, sinon, Arielle, tu ne pourras plus te relever.

    Le déjeuner long, co^pieux, avec du flan maison, dont nous mangeons trois parts, « aute chose que dans le commerce,où ça gélatine et pectine à tour de bras. Nous nous faisons la bise d’au revoir, « nous parlerons de vous, mais en bien « ! Je crois qu’elle supporte mon baiser sans la moindre raideur ni réticence. J’envisage toujours, à chaque femme que j’embrasse, un avenir, avec cette Périgourdine à l’accent délicieux, comme du brou de noix odorant.  « On a bien papoté ensemble » non madame, vous vous étiez confiée sur votre mari atteint d’AVC, sur vos déboires familiaux, et vous aimeriez les caresses d’un homme même impuissant pourvu qu’il soit tendre. Mais « l’amitié » passe moins du côté de Maphame, car elle y consent moins.

    Je sais que tout à l’heure viendront des marcheurs (et non pas « démarcheurs ») e qu’ils nous succéderont. Dieu merci j’ai la photo de mon hôtesse, très confiante dans le destin à venir des femmes d’Occident. A partir de Cadouin, Arielle se plonge justement dans les « Femmes au Moyen Âge ». Elle m’aura acheté une publication sur les soties exhibitionniste du Moyen Age, où l’on voit un homme de dos exhibant sa bite et ses couilles passant par-derrière leur exacte anatomie.Aristophane exploite déjà ce jeu de scène. Le modèle masculin ne l’a fait qu’une fois, sous la menace de ne pas se faire accepter pour poser à nouveau. Il se le tint pour dit, penaud. À Creysse, ayant retrouvé ladite civilisation, nous buvons dans un recoin ombragé tout en longeur, à deux mètres des camions qui passent tout au long.

    Les cartes ne sont pas acceptées. « Votre femme est aux toilettes, depuis pas mal de temps . - Elle est un peu... » (geste vers le bas-ventre). Et je reviens sur mes pas, de 2km, car il ne faut pas penser non plus je suppose à proposer un vieux chèque ébréché. Le livre sur la bite de pecquenod est très érudit. Je le commence et le finirai. Arrêt à Castillon, sur une place-parking, tout en longueur comme une plate-bande, où nous consommons à l’ombre, dos tourné à la sortie d’un enterrement « il avait 95 ans », « je suis bien heureux de vous connaître, j’aurais préféré en d’autres circonstances », « vous voyez, je vais avoir 80 ans, je ne me suis jamais disputé avec personne ». L’interlocuteur dans mon dos s’exprime d’une petite voix chevrotante correspondant à ce qu’on en imagine au théâtre, telle que pourtant jamais mon père n’en a eu. Ensuite, chers enfants, c’est le ruban connu, la chaleur connue, la « voie rapide » de rocade encombrée le nez sur un cul de camion, le passage du Pont d’Aquitaine, ici enfin, avec mes appareils qui fonctionne, et bien peu de souvenirs à faire mousser. Le chat malgré notre absence ne nous a pas fait la gueule. Il vieillit.

     

    CONQUES

    Diapos :
    Merci pour ce beau document sur S., où le photographe a fait tout ce qu'il a pu pour éviter la présence obsédante d'une horde de touristes transpirants et caquetants, à qui l'on doit de voir en ces lieux des bataillons de culs de Boches en short plus que partout ailleurs. Les prétendues fresques extérieures de S. représentent le degré zéro de l' « art » contemporain ici largement synonyme de pure et simple indigence ; Dieu merci, on les a au moins enlevées du clocher, où, de loin, en vue plongeante, le touriste avait la nette impression que les baies étaient obstruées par les planches on ne peut plus esthétiques d'un chantier. Le parking est obligatoire et coûtait voici dix ans trois euros, les toilettes puantes étaient payantes, le village grouille de bistrots avec glaces à 4 euros et sandwiches imbouffables à l'avenant. La visite du cloître et la boutique perpétuent la tradition du hors de prix, et les marchands sont dans le temple, et tout autour sur 2km². On exposait dans l'église de hideux empilement de bouts de bois accompagnés chacun d'une notice explicative pour bien montrer au peuple ignare que là résidait le chef-d'oeuvre de la fine fleur contemporaine. En revanche, d'admirables sculptures de bois n'avaient droit à aucune notice, et il fallait bien chercher en se penchant longtemps le nom du plouc qui se permettait encore de faire de l'art figuratif éminemment ringard. Bref, une capitale du fric et du snobisme. S. a été défiguré par la prostitution touristique. Je ne sais pas ce qu'il en est à présent, mais franchement, s'il y a un endroit où je n'ai plus envie du tout de refoutre les pieds,c 'est bien S. J'oubliais : à partir de D., tous les horaires de cars sont minutieusement et vicieusement étudiés pour qu'il soit impossible de faire l'aller-retour dans la même journée, afin de bien engraisser les hôteliers, au prix fort. Bravo pour l'office du tourisme, j'espère qu'il a créé beaucoup de hemplois. Bravo S., vous préfigurez l'avenir de la France, patrie du bronze-cul et de la glace à l'eau.

  • Humeurs cérébrales

     

     

     

    C O L L I G N O N

     

    H U M E U R S

     

    C É R É B R A L E S

     

     

    ÉDITIONS DE LA MERDE EN BOÎTE

    Collection de la Couille Pendante

    À la fin du deuxième millénaire, une radio libre associative nommée

    LA CLEF DES ONDES

    diffusait à Bordeaux une émission tardive, que ses fondateurs avaient appelées

    "HUMEURS CÈRÈBRALES"

    Ce titre n'est donc pas de moi, et si la radio existe toujours, l'émission a disparu. Ils étaient jeunes, et je frisais la cinquantaine passée. Ils ont disparu dans la nature, et moi, je suis resté. Qu'ils soient ici remerciés pour m'avoir accueilli, pour avoir accepté de joindre aux leurs mes propres élucubrations, ici rajeunies de vingt ans, et que vie leur soit rendue.

     

     

    COLLIGNON HUMEURS CÉRÉBRALES

    LE FIS ET VARIA 2

     

     

     

    Curieux. Ce soir, dès le premier soir, je n'ai pas envie de "faire comique". J'apprends à la radio – que n'apprend-on pas à la radio – que des dizaines de condamnés avaient été massacrés par leurs gardes, en Algérie. Des intégristes. Je n'arrive pas à m'attrister. Ni tragique, ni comique. On a massacré des huîtres, hermétiques à l'homme, là-bas de l'autre côté de la mer. Des nazisont été à leur tour liquidés.

    Pauve Bousquet planqué dans les couvents,

    Brillante et généreuse Église catholique.

    On me dit qu'il y a des nazis modérés – où çà ?

    ...Les femmes sont les juifs du Djihad algérien

    Qu'ils foutraient dans des camps, avec droit de cuissage

    Chacune dans son camp personnel, la cuisine -

    - veinardes : un camp pour chaque femme avec tout le confort

    pour leur apprendre un peu ce que sont de vraies femmes

    et qu'elles s'estiment encore heureuses :elles ne sont pas encore excisées – mais pour peu qu'elle insistent, on le leur fera, le petit coup de rasoir.

    Il y a des cinéastes assez cons pour regretter les harems – pourquoi, tu veux faire eunuque ? ...et des gens bien intentionnés instituent la Journée de la Femme, ou des Femmes, ou des Droits des Femmes, au choix, le restant de l'année, pas de problème. Une journée des hommes ça ne serait pas mal non plus, des juifs, des pédés, des pédés juifs, bossus, rouquins, plus, courant septembre, une pleine semaine des amateurs de girolles. Quant aux femmes algérienes, qui ont des couilles au cul même si c'est pas toujours les mêmes eût dit Clemenceau, elles ont érigé (on aura tout vu) un Tribunal, pour juger "symboliquement" (pourquoi ?) les intégristes pour crimes contre l'humanité.

    Allez les femmes.

    Ce qui me rappelle ces cours de planning familial donnés à des Tunisiens : ils auraient gardé la boîte à pilules, et ils en donné à leurs femmes quand il auraient voulu. Tout compris, on vous dit – un peu plus drôle, maintenant : un meurtre de Comorien à Marseille par des colleurs d'affiches du FN : ça n'a pas fait baisser d'un poil le pourcentage des lepénistes : les noirs ça se reproduit comme des lapins. Total quand le 626 Yemenia s'est planté en mer, je n'ai pensé qu'aux morts - nous avons COLLIGNON HUMEURS CÉRÉBRALES

    LE FIS ET VARIA 3

     

     

     

    Roger à l'instant au téléphone, il ne trouve pas ça drôle non plus. Fais gaffe Roger, avec ta grosse barbe t'as plus la gueule d'un Blanc. Je n'arrive toujours pas à décoller. Je reste sur les barbus fusillés à ravers les barreaux ou en course poursuite dans les couloirs de dos ou de face en criant Allah hou akbar comme on gueule Heil Hitler, ou sur les SA massacrés à la mitraillette en pleine gueule de bois juste avant la branlette de 6h 18.

    Ces coulées de sang sur les murs quel gaspillage. Et je n'ai pas de pitié pour les membres du FIS ? (Front Islamiste du Salut). Tiens, à propos de partouze homo, après Oradour, les SS (dont un bon nombre d'Alsaciens – voulez-vous bien vous taire) se sont enculés par paquets dans le fumet de la viande grillée. Je m'en voudrais de finir sans la petite note de gaieté: au XVIe siècle on avait tellement brûlé de sorcières qu'il ne restait plus que les ours à baiser ? Salopes dès le plus jeune âge, halte-là – halte-là – les montagnards – on s'arrête, on s'ankylose les zygomatiques, astiquez vos pavés ça peut resservir, pourvu que je me sois garé du bonc ôté, je me casse j'ai des haricots sur le feu.

    COLLIGNON HUMEURS C É R É B R A L E S 4

    JE M'FOUS D'TOUT 17 03 2042

     

     

    Je m'fous d'tout. C'est l'âge. N'atttend pas le nombre des années. La campagne me rase. La présidentielle, s'entend. J'ai plus de souvenirs que si j'avais mille ans. Et Turin donc. Ils disent tous la même chose. Avec d'autres gueules, mais la même chose. Sauf JMLP (Le Pen) et PDV (de Villiers) qui tranchent , quelle reluisance...

    La Fontaine ce soir à Tublure de Couillons – Bouillon de culture. Rien Mahfoud, ma meuf enregistre. Il y a les célibataires qu pleurent après leurs fesses et leurs queues, j'm'en fous, j'ai bobone à la maison j'vous dit, même qu'elle n'aura pas préparé la bouffe, j'm'en fous j'ai le frigo plein, non c'est pas ma femme.

    On vient de trucider deux soeurs, sept et deux font neuf, j'm'en fous c'est en Algérie je vis en France mais j'en cause quand même dans le poste faites passez je me colle un voile sur le visage – la honte- non – sa nostalgie.

    Tapez sur l'Église le cadavre bouge encore elle finira bien par crever vouslui faites bien de la pub. Je cracherais bien sur le gouvernement mais j'ai la bouche sèche et je bave du miel pensez à moi pour le renouvellement Secrétaire d'État au Latin dès la Maternelle je commencerais par virer lesconlègues en comparaison Castro est un enfant de chœur, tous ces cons de la Salle des Profs qui m'ont tenu à l'écart 10 ans 120 mois 520 jours à la file parce que je dis MERDE à chaque phrase et TROUDUC et PUTAING CONG aussi même que l'un d'eux aussi m'a dit "Coco, tu seras invité chez moi le jour où il y aura les chiottes au milieu du salon" je suis resté coi comme une vieille nouille, et voilà seulement que je pense à la réponse : T'auras qu'à y faire ton entrée. Joubert, prof d'allemand.

    Bref si que je serais quelqu'un niveau ministère, vice-sous-chef de bureau adjoint-auxiliaire en stage, qu'est-ce que je serais heureux. J'ai bonne mine de gueuler contre le ministre. Se foutre de tout je vous dis. Et je gueule aussi contre la pub à la télé – la publicité vous rend cons, la publicité vous prend pour des cons, c'est du Cavanna, mais si on m'offrait ne serait-ce qu'un minute, entre les putes Panzani et les Tampax cramp shaft incorporated (vilebrequin, pour les ploucs) je te ferais péter l'audimat à moi seul tellement que je suis

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    JE M'FOUS D'TOUT 17 03 2042

     

     

     

    excellent et modeste c'est par où les caméra, projo nom de Dieu encore lui – j'ai bonne mine de râler contre la télé. Je me fais vieux je m'gratte la tête fais gaffe pépé y a ton scalp qui se détache, dis pépé c'est vrai qu'on peut mourir de la grippe, pépé c'est quoi l'incontinence urinaire tourne-toi morveux que je t'explique, j'ai vu mon père pisser dans la cuisine en la prenant pour les chiottes, je l'ai vu tout macchabée tout raide je touche son front v'là les pieds qui bougent droits dans l'alignement – tu nous gonfles on t'a dit "des coups de gueule" c'est pas un sujet ça, on gueule pas contre la mort voilà c'est fait, coucouche pépé papattes en rond c'est l'heure du frigo plein et de bobonne à remplir enfin si peu, ça ira mieux demain Messie Messie dit Jésus – ça se passe en région parisienne, y a un chiraquien qui dit "2 à 3% de Français sont fondamentalement racistes et xénophobes, le reste c'est juste des gens qui craignent la montée de l'immigration et de l'insécurité" le reste c'est 97 à 98% non ? Tiens y fait pas chaud d'un seul coup.

    COLLIGNON HUMEURS CÉRÉBRALES

    J'AI PERDU QUATRE-VINGTS BALLES 6

     

     

    Le bourge, c'est un gonze qui débarque en émission contestataire avec sa cravae et qui vous explique toutes les conneries à ne pas faire parce qu'il les a faites lui-même, Le Hussard sur le doigt par exemple. Le découpage, d'autre part, pourrait être autre chose qu'une succession de chocs ? Un mouvement sur la droite en lumière, sur la gauche en sombre. Un passage silencieux, un passage vachement bruyant, on s'attend tellement à être surpris on n'est plus surpris du tout. Et une scène de bagarre, il faut toujours une scène de bagarre coco. Voilà voilà tout de suite, cinq conre un, dix contre un, vingt contre un, toujours vainqueur blessé au bras – et s'il vous plaît, monsieur Rappeneau, les personnages pourraient-ils s'exprimer autrement qu'en crachant de la mitraille et bouger autrement qu'en se lançant tous les membres dans tous les sens comme une fatma sur une grille à gégène ?

    Et toujours, enfermés-libérés, enfermés-libérés. Et toujours la belle gueule de bellâtre du bellâtre Martinez, qui rit quand il ne baise, qui joue de plus en plus mal, qui connaît trois grimaces et qui s'y tient ? Oui, les beaux paysages desAlpes du Sud ; oui,le son omniprésent; oui,la lâcheté des foules, oui, le chat, oui, le toit – comme dans le roman, trop court, la séquence du toit : une femme survient dans l'intrigue, et tout est foutu. Il en fallait bien une pour qu'on la voie nue, se faisant frictionner devant le feu, seul instant d'émotion à 5mn de la fin. Le reste est beau, se laisse voir. Bon, allez-y, c'est mal foutu, comme le roman d'ailleurs, mais on trouve de quoi se rattraper.

    Pour Lancelot, il n'y a rien, rien, rien. Relisez plutôt un vieux Kit Carson ou un vieux Blek le Roc... Donc, n'allez pas voir Lancelot du Lac. Vous vous y feréch. Ça n'a pas le droit de s'appeler Lancelot du Lac. D'abord c'est Richard Gere, avec son nez à dépuceler des gouines. Lutteur de foire, carrément : "Avec qui voulez-vous lutter ? le pédé gominé ou le petit nain jaunâtre avec une grosse queue ?" Ce n'est pas parce que le film est américain qu'il est mauvais. Il y a de bons films américains. Cendrillon. Mais trop con c'est trop con. Leur Lancelot pourrait être n'importe quel dézingueur d'un Moyen Âge de pacotille. Le massacre d'un village, c'est bien peu de chose.

    Si vous voulez voir du vrai massacre, revoyez Conan le Barbare. Ça c'est de la COLLIGNON HUMEURS C É R É B R A L E S 7

    J'AI PERDU QUATRE-VINGTS BALLES

     

     

     

    tripaille. Et voici la reine Guenièvre. L'air conne et la vue basse. Tête à claques de couverture de magazines. Scène de séduction. Coup d'œil appuyé du mâle quatre cents grammes de bite faut-il vous l'envelopper? ...ça se traîne, ça se traîne ! Rabats ta queue, rabats ta queue, traîne tes couilles par terre mais qu'ils copulent par Hercule qu'ils copulent et qu'ils dégagent la pellicule ! - non : Gueule-de-Con et Tend-la-Fesse marivaudent en gros sabots sous les yeux de cocu de Sean Connery. Le cocu se rend à l'église et s'effondre au pied de l'autel en gueulant Pourkvâââ, pourkvâââ, et Dieu ne lui répond pas même "Pourquoi pas" du haut de la voûte.

    Aucune dignité. Aucun rapport avec le Graal ou la choucroute, boyaux de la tête niveau Américain moyen soit 8 ans cinq mois pas un seul instant de ce qui pourrait ressembler de loin à l'ébauche d'une méditation, j'avais envie de crier Bresson, Bresson ! Moi qui aime le roi Arthur, Markale et Chrétien de Troyes, j'ai perdu 80 balles. Et ça, pour un bourge, c'est terrible.

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    POURQUOI MON DIEU 42 03 31 8

     

     

    J'emprunte à Gilles Dreux ce titre de chansonnette vachement métaphysique afin de me mettre au net avec moi-même, de me torcher l'âme.

    Dieu ou pas, pourquoi ceci, pourquoi cela. Pourquoi 200 000 jeunes de plus au chômage cette année, pourquoi vient-on encore jeter à la face des enseignants qu'ils n'ont pas fait leur boulot en lâchant sur le marché, pas celui de Sarajevo, le problème serait vite réglé – des jeunes sans qualifications ? Pourquoi les profs sont-ils cons, sauf moi ? Pourquoi certains élèves se mettent-ils en mode chômage de la 6e à la 3e et viennent-ils ensuite, la bave aux lèvres et la batte de base-ball dans l'autre gueuler à l'ANPE qu'ils n'ont rien appris à l 'école ?

    Pourquoi entendent-ils toujours dire qu'ils sont des personnes à part entière ?

    Suis-je une personne à part entière ? Et ma moitié ?

    Pourquoi se rebiffent-ils dès qu'un prof les traite d'incapable et de tête de mule, et commencent-ils à lui parler de sa mère et des parties génitales de son père ?

    Pourquoi les sales parents ne leur apprennent-ils pas qu'il faut plier l'échine pour écouter le maître, et qu'en plus ça efface les hémorroïdes par frottement répété ?

    Pourquoi ai-je engueulé une bande de branleurs en leur expliqnant que plus tard je paierai la contribution sociale généralisée sur ma feuile de paie, et qu'ils m'auront emmerdé deux fois, une première fois comme cancres et une deuxième comme chômeurs ?

    Pourquoi un si petit pourcentage de CSG sur un bulletin de salaire fait-il une si grosse somme en fin de mois ?

    Pourquoi gagné-je autant ?

    Pourquoi gagné-je si peu ?

    Pourquoi trouve-t-on des instites qui font visiter des musées, qui promènent les enfants dans une forêt, qui leur font voir des CRS pour apprendre le code de la route, au lieu d'apprendre à lire et à écrire ?

    Pourquoi faut-il que l'épanouissement personnel passe par le refus des apprentissages obligatoires ?

    COLLIGNON HUMEURS CÉRÉBRALES

    POURQUOI MON DIEU 42 03 31 9

     

     

    Pourquoi je pose des questions de vieux con ?

    Pourquoi cette bête facho tapie dans un coin de mon crâne, et qui ne demande qu'à se réveiller dans ses pustules ?

    Pourquoi ai-je claqué vigoureusement un élève qui m'avait accusé de ne pas faire mon boulot alors que lui-même n'avait pas dépassé les 3 de moyenne et refusait systématiquement de rendre les devoirs ?

    Pourquoi on appelle ça "un devoir" ?

    Pourquoi devrais-je me remettre en cause à dix ans de la retraite ?

    Vais-je devenir excellent ou minable ?

    Pourquoi les réformes de l'enseignement ne s'attaquent-elles jamais aux problèmes fondamentaux au lieu de se pencher sur des histoires de structure ou de programmes ?

    Pourquoi lesdites réformes de l'enseignement me semblent-elles aussi efficaces qu'une réforme de l'administration des pharmacies pour lutter contre le sida ?

    Pourquoi la seule chose primordiale n'est-elle jamais évoquée, à savoir la façon dont les profs s'adressent aux élèves ?

    Pourquoi n'apprend-on nulle part aux profs à n'être ni rasoirs, ni agressifs, ni stressés, ni copains ?

    Pourquoi dès qu'on est un prof qui sort un peu de l'ordinaire peau de vache se retrouve-t-on automatiquement avec l'administration et ces chiens de parents d'élèvers sur le dos ? et pourquoi les profs sont-ils toujours si susceptibles, si persuadés que le con, c'est l'autre ?

    Pourquoi tous ces gosses en face de moi ?

    Je crois en Bayrou, Ministre non éternel, grand dispensateur des payes, et en mon cul, son fils unique, notre Sauveur, qui est né de sa mère sur la table de la cuisine, a souffert sour le Directeur, a été crucifié par la tête, est mort, a été enseveli sous le Lexomil, est descendu aux breneuses limbes du plus grand Doute, est ressuscité après dix-sept mois de sieste, est remonté couvert de gloire et de glaire à la droite du Chef d'où il reviendra à la fin des temps pour séparer les cancres et les ingénieurs au chômage.

    COLLIGNON HUMEURS CÉRÉBRALES

    POURQUOI MON DIEU 42 03 31 10

     

     

     

    Je crois en la Sainte Éducation Nationale, une, sainte et apostolique, en la communion des cons, à la rémission des mains sous les slips, et j'attends la résurrection de ma Foi.

    Cœur sacré de Voltaire, priez pour nous.

    Sainte Céline, priez pour nous.

    Fesses et langues sacrées de Proust et Genet, priez pour nous.

    Bismillah er-rahman er-rachîd, amîn.

    COLLIGNON HUMEURS CÉRÉBRALES

    ARS GERBANDI NAGUI 42 04 07 11

     

     

    L'autre jour je me suis sali en regardant la télé.

    Il ne suffit pas de dire que la télé c'est con, il faut encore y aller pour le croire.

    À ma très grande honte et salissure j'ai suivi l'émission (ça, une émission?) de Nagui, N'oubliez pas votre brosse à dents. Je savais très bien que ma revue favorite de télévision, catho réac, Télérama pour ne pas la nommer, ne faisait que répéter (à présent de guerre lasse elle ne répète même plus, elle se contente d'annoncer, puisqu'il faut bien le faire : "N'oubliez pas votre brosse à dents. Jeu. Présentation Nagui") – de répéter jadis dis-je "N'y allez pas, c'est crétin, ça fait vomir, ça rabaisse la dignité humaine", bon je me suis dit c'est de la morale de curé, passons outre et voyons.

    Et j'ai vu.

    J'ai vu une bonne femme se mettre à poil devant la caméra dans une partie de strip-poker (et ça allait vite :la barrette et les chaussures étaient comptées comme "accessoires" et non comme "vêtements") – pour gagner une maison, "vous avez bien entendu madame, parfaitement, une maison, alors il ne s'agit pas de plaisanter, vous allez vous mettre à poil, parfaitement" – elle s'est retrouvée en soutif elle a eu de la veine, le public scandait en bavant "la jupe, la jupe".

    Elle a gagné sa petite baraque.

    Je suis un vieux puritain moraliste, mais ça s'appelle de la prostitution.

    "Oh mec arrête, on peut plus rigoler !

    - Je répète : de la prostitution.

    Deuxième jeu.

    On fait venir un type sur le plateau. Il veut gagner de l'argent ? Soit. Une scène tournante amène devant les spectateurs sa propre bagnole, piquée à son insu dans son garage. Il doit à présent répondre à des questions culturelles – il y a un prétexte culturel ! - et à chaque mauvaise réponse – le mec parfaitement affolé répond au hasard - un technicien – ça doit s'appeler comme ça, non ? - lui démolit une partie de sa voiture avec une masse : le pare-brise, puis les phares, puis les ailes, alouette, la portière et le toit.Le glorieux animateur, COLLIGNON HUMEURS CÉRÉBRALES

    ARS GERBANDI NAGUI 42 04 07 12

     

     

     

    Nagui donc, réfrène les ardeurs démolisseuses de son acolyte, parce que tout de même on va la lui réparer, sa bagnole qu'est-ce que vous croyez on n'est pas des barbares, pour les conneries il y en aura toujours, du pognon. D'accord, on n'est pas des barbares. Mais la barbarie consiste à filmer dans l'assistance à son insu la pauvre sœur de l'interrogé, et de la voir presque chialer à voir le véhicule de son frangin massacré à la masse sous ses yeux, pendant que le public se marre sadiquement. Que voulez-vous, le peuple est attaché à sa bagnole, parce que ce ne sont pas des gens fortunés qui participent à ce genre de jeu, et moi aussi je tiens à ma guinde – même si pour finir le candidat gagne une superbe caravane.

    Troisième jeu : un couple de chômeurs bien paumé se voit proposer un voyage à Djerba (symbole de la prostitution touristique tunisienne). Là encore il faut répondre à une profusion de question ahurissantes (date exacte de l'indépendance tunisienne...) - et si l'on perd, c'est un membre du public tiré au sort qui gagne à votre place.

    Nos deux chômedus, affolés par les hurlements sadique du public, ont perdu, et se sont vu pousser en coulisses avec un ciré pour passer un week-end sous le soleil de Thiais, en banlieue. Et savez-vous qui fut tiré au sort dans le public ? tout le public, avec deux charters. Tout le monde s'est embrassé en dansant. Quelle tête faisaient les deux chômeurs qui avaient mis leurs habits du dimanche pôur participer aux jeux ? Pourquoi ne les a-t-on pas montrés en train de chialer, les pauvres cons de chômeurs seuls exclus du vioyage ? Est-il bien sûr qu'on soit venu leur dire "Ne pleurez pas, on vous fait partir avec les aures" ?

    Le spectacle continue.Voici un couple. On annonce à l'homme qu'il va devoir recconnaître, les yeux bandés, seulement les yeux admirez la finesse, quatre de ses anciennes peites amise qui siègeront sur de hauts tabourets. Il ne doit ni les voir ni entendre le son de leurs voix. En revanche il peut les tâter, et les flairer. Et c'est ce qu'il fait ! Il touche les épaules; au plus près possible de la poitrine, les genoux, il sniffe les cheveux, non, le public ne crie pas "plus bas, plus bas" mais ça s'entend quand même. Tête des filles effleurées et flairées, certaines encore amoureuses, une autre amusée, une autre horrifiée,

    COLLIGNON HUMEURS CÉRÉBRALES

    ARS GERBANDI NAGUI 42 04 07 13

    croisant bras et jambes, car on ne lui avait pas dit que ça se passerait comme ça.

    Tête de l'épouse légitime, qui murmure au présentateur Tout de même, je suis un peu gênée,gênée pour les autres femmes, cela vous honore, mad

    ame, même si vous étiez de loin la plus moche du lot, parce que vous avez du cœur, vous...

    Une scène tournante amène sur le plateau le salon entier d'un célibatère au crâne rasé, l'air tendre d'un parachutiste angolais. On lui a enlevé son salon. Il en bée. Un jeune homme de bonne famille doit fouiller dans ce salon et trouver une enveloppe contenant le code, et non pas le queaude bande de nazes, d'un coffre, contenant à son tour un beau chèque.

    Le jeune homme, en bousculant toute la bonne ordonnance du salon de beauf, trouve enfin l'enveloppe 27 secondes avant la fin. Au tour du beauf rasé. Il y va au couteau, le salaud ! Dans le salon des jeunes gens ! Ramené ici ! Il éventre le canapé, les coussins, pendant qu'on filme le jeune homme et sa compagne en train de sangloter de voir tout son bel intérieur éventré !

    Le beauf a gagné, parce qu'à lui, il restait encore 35 secondes. Il se rue sur le coffre, s'embrouille dans la combinaisonc en bavant comme un porc sur sa truie, et trouve un chèque de 2000F. Croyez-vous qu'il remerie ? Que nenni, il éructe :

    " C'est tout ? "

    Bien fait pour la gueule de ceux qui posent leur candidature pour assister, voire participer à ce genre de jeu, ils savent ce qu'ils risquent, il y a de l'argent à la clef, eh bien non, pour la dignité humaine, vous ne devez pas venir, ni être candidats, parce que le sentiment de la dingnité humaine, on a mis des siècles

    à l'élaborer, ça s'appelle peut-être les Droits de l'homme, et des connards nous le font perdre, parce que je n'ai pas arrêté de rigoler comme une baleine, faut pas être fier.

    Et savez-vous quel est le seul argument que m'a fourni une jeune femme pour me dire que cette émission était particulièrement conne ?

    ..."C'est vraiment la meilleure émission de jeux que je connaisse, parce que vraiment on rigole bien, mais j'ai arrêté de la regarder parce que ça ne se renouvelle pas beaucoup".

    ...En toute fin, Nagui s'est rapproché en gros plan : "...Ils vous ont plus nos acteurs ? - eh merde...

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    ARLETTE, CHAMBORD ET LE CANARD 42 04 14 14

     

     

    Quarante ou quelques pour cent d'indécis encore en cette obsédante et insignifiante campagne présidentielle. J'en connais en effet qui hésite entre Chirac et Jospin.

    Or j'ai eu l'occasion d'observer, in vivo, c'est-à-dire sur moi-même, avec cette acuité qui me caractérise, les véritables et minables coups d'épingle qui déterminent le choix.

    Fidèle de Laguillier, malgré comme on dit ses "grands soirs sans lendemains", en dépit de ceux qui la présentent comme un prête-nom de futurs Pol-Pot et Thieu-Sampan, et bien que son programme soit rigoureusement inapplicable, ou pour cette raison même, je me préparais non sans profonds soupirs à glisser dans l'une mon bulletin arlettophile.

    Re-or, au Bébête-Show, je vois un soir une vieille souris déplumée qui proclame les bienfaits de l'autogestion : quoi ? Il faudrait que je m'occupasse, fût-ce à temps partiels, de la gestion de mon établissement ? Ô tâche ingrate, indigne de mes hautes facultés, tâche ultra-chiante, alors qu'il y a des chefs compétents qui m'en déchargent et se déchargent dans mon cul ?

    Donc, par honneur, et par utilité, je vote Jospin.

    Quoi ! me dit alors (c'est Le Meunier, son Fils et l'Âne) me dit alors, dis-je, le mari de la meilleure amie de ma femme (on a les références qu'on peut), ne vaudrait-il pas mieux, plutôt que de voir Jospin au second tour, ce qui réduirait le scrutin au désuet affrontement gauche-droite qui est dépassé comme chacun sait, lancer l'un contre l'autre ces deux brontosaures de la droite, Chirac et Balladur ?

    Voilà qui serait instructif, et destructeur !

    Pour la France, je n'en doute pas, mais étant grand amateur de bordel, je vais donc de ce pas non plus voter utile et Jospin, mais revenir à Laguillier. Voilà, chers auditeurs et citoyens, selon quels reluisants critères se détermine le vote de ma reluisante personne – encore suis-je comme d'habitude le moins con et le plus modeste, pour être parvenu à saisir mes faibles neurones la main dans le sac à connerie.

    Et Chambord dans tout ça ? Aucun rapport ? Si. Les communistes de Venise en 1980 voulaient transformer Venise en musée, raser toutes ces constructions inutiles et

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    ARLETTE, CHAMBORD ET LE CANARD 42 04 14 15

     

     

     

    condamnées, en ne conservant que les plus beaux palais. Ils me rappellent ceux qui voulaient supprimer les toits d'ardoises en Touraine pour y placer des logements sociaux supplémentaires en terrasses.

    Alors, peut-être qu'Arlette serait d'accord pour transformer Chambord en champ de foire, afin que "les habitants de la région bénéficient eux aussi des retombées économiques entraînées par des centaines de milliers de visiteurs qui visitent et puis s'en vont" : un Disney-Vinciland aux portes de Chambord, ce serait rentable, non ?

    Eh bien non. Je veux que Chambord demeure isolé dans sa forêt. Cette affaire me rappelle aussi celle de Bonaguil, dans le Lot-et-Garonne : des petits futés voulaient recueillir un lac artificiel autour dudit château, et y faire flotter des planches à voile et des pédalos. Projet refusé, ouf.

    Que croyez-vous qu'ils réclamassent, les ploucs des alentours ? Des indemnités pour le manque à gagner que l'annulation de ce beau projet impliquait pour leur porte-monnaie !

    Dans le cul les pecquenods, jusqu'au fer de la fourche. Non mais ! Comme disait un député des Deux-Sèvres :

    "Mais non ! Les paysans du Marais Poitevin ne souhaitent pas la disparition du patrimoine écologique de leur région ! Ils l'aiment, leur région ! Puisqu'ils y habitent !" Ben voyons ! c'est mêmle pour ça qu'ils remblaient leurs canaux et qu'ils y foutent du pesticide par infiltrations, mais ce n'est pas pour les éliminer ! C'est parce qu'il faut bien qu'ils gagnent de l'argent avec leurs terres ! On conservera juste deux-trois canaux pour le tourisme !

    Électeurs de goche, il faut bien vous y faie : les cultivateurs n'en ont rien à foutre, de la culture. Prêts à vendre des frites à Chambord pourvu que ça rapporte. "Les retombées économiques", on vous dit. Comme disait le marquis de Montesquiou : "Je n'aime pas les pauvres. Ces gens-là ne pensent qu'à l'argent". Et cet autre, un samedi soir : "Il leur reste toujours assez d'argent pour boire !" - c'était notre parenthèse malsaine "un coup à gauche, un coup à droite".

    Et Le Canard, dans tout ça ? Le Canard vient d'être condamné pour publication de feuille d'impôts. Il disait, pour l'invasion de la Tchécoslovaquie après le Printemps de Prague, sous le titre

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    "Carnets tchèques" (très drôle), en substance : "À partir du moment où un gouvernement, quel qu'il soit, s'arroge le doit d'interdire un journal quel qu'il soit, votre premier devoir, n'eussiez-vous que le prix dudit journal en poche, est de vous précipiter vers le premier kiosque à journaux venu et de l'acheter". Jen excepterais personnellement le Völkische Beobachter et autres. Mais pour le Canard, aucu Monsieur, aucu Madame, aucune hésitation, achetez le Canard, soutenez le Canard, abonnez-vous au Canard.

    Dernier soutien de la démocratie, amour sacré de la Liberté, Canard, ris pour nous.

    Rempart du peuple, temple de l'information, conçu sans pub, ris pour nous.

    Chœur sacré du Canard, ris pour nous.

    Car ils ont oublié, ces gros sénateurs, que la révolution de 1830, celle des Trois Glorieuses, celle à qui doit son nom le Cours du XXX Juillet à Boreaux, est née dans la fureur d'une simple et crétine série de décrets contre la liberté de la presse. À bas Charles X et Pasqua, à bas Louis-Philippe-Édouard, evviva Libertà.

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    VIVE LA FRANCE 42 05 04 17

     

     

     

    Vive la France, Herr Le Pen, parfaitement, pas question que vous soyez le seul à pouvoir le crier, vive Jeanne d'Arc, héroïne de mon père pendant ses cours d'Histoire, la France et Jeanne que vous salissez toutes les deux dans votre crasseurs ignorance, non pas celle d'une hypothétique absence de diplômes, mais l'ignorance du cœur.

    "Vous n'avez pas le monopole du cœur", sauf du cœur du porc, qui est une bien brave bête, ni le monopole du patriotisme. Ce sont les gens de gauche, les syndicalistes, en piétinant le corps de Jaurès, qui sont allés défendre la partie de ma Lorraine sous la botte, bicots et nègres en tête, envoyés au front en octobre pour qu'il en crève le plus possible avant l'hiver : toujours ça de moins pour payer le retour en Afrique.

    En Quatorze-Dix-Huit, Herr Le Pen, trente mille juifs sont morts pour la France : faut-il qu'ils aient été hypocrites, tout de même, pour s'en aller crever dans les tranchées, c'était pour donner le change, ah les salauds.

    En 1429, quand Jeanne voulut "bouter les Anglais hors de France", ils étaient partout, les rosbifs, ils occupaient le sol, ils tenaient l'administration. Ils avaient proclamé un roi de France et d'Angleterre, Henri VI. Il a fallu les battre à Castillon pas loin d'ici, où est-ce que tu as vu, Jean-Marie, les Arabes à la tête du gouvernement, où les as-tu vus piller les campagnes à la tête de leurs armées ou violer nos filles par paquets de dix ? Il n'y a que la mauvaise foi ou l'ignorance la plus crasse qui aient pu te faire à ce point amalgamer des situations qui n'ont absolument rien à voir. Lutter contre l'intégrisme ce n'est pas balancer des petits épiciers à la Seine, c'est même le renforcer, imbécile.

    Ce serait même envoyer du pognon, parfaitement, du pognon français à l'Algérie pour qu'elle sorte de la misère et couper l'herbe sous le pied des islamistes qui favoriserait, si peu que ce soit, le retour là-bas de la démocratie. Et non pas les laisser se débrouiller genre "maintenant qu'ils ont voulu leur indépendance qu'ils se démerdent, et qu'ils se tuent entre eux le plus possible".

    Ce n'est pas ce que tu as dit plus haut, mais c'est ce que tu penses tout bas. Parce que sans la peur tu ne peux plus rien. Et la vraie France n'a pas peur. Et tu transformes la France ou voudrais la transformer, en ramassis de petits bourgeois branlants, de puceaux qui se chient dessous et en profs qui ferment les yeux quand le surgé vient faire le recensement des élèves étrangers classe par classe, tu veux voir la tête qu'ils faisaient, les élèves, après la visite du surgé ?

    VIVE LA FRANCE 42 05 04 18

     

     

     

    Ma France à moi c'est celle qui donne aux étrangers l'envie d'y rester, non pas seulement pour profiter des allocations familiales mais pour participer à la vie publique et se faire des amis chez les Visages Pâles.

    Ma France à moi c'est celle des Romains qui ont donné le droit de cité à toutes les tribus gauloises conquises, aux Grecs et aux Syriens, qui ont fait l'Europe pour la première fois. Seulement, plus personne n'étudie les bienfaits de la civilisation romaine, et, je vais lâcher le grand mot, de la colonisation romaine.

    Ta France à toi c'est le pays des salauds qui faisaient payer le verre de flotte aux familles qui fuyaient les nazis pendant l'exode. C'est le pays des gens qui voyaient l'étoile jaune aux revers des vestons et qui détournaient la tête au lieu de dire "Enlève ça, tu n'es pas du bétail".

    Bon sang ce serait difficile d'expliquer ce que j'entends par La France. Bleu blanc rouge pour vous Herr Le Pen, c'est le bleu du choléra, le blanc du mollard et le rouge des passages à tabac, face de fesses.

    Ma France à moi c'est celle de Proust, juif et pédé ; de Montaigne, juif et Portugais ; celle de Chopin le Polac, de Cavanna le Rital, de Bérégovoy l'Ukrainien, de Marie Curie née Sklodowska, de Tahar Ben Djelloun et de toutes les Algériennes qui crèvent pour la liberté.

    Enfermons Le Pen dans une cage et que tous les petits enfants de France viennent lui lancer des cacahuètes pourries... et sénégalaises.

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    EN CE BEAU JOUR DU SEIGNEUR 43 03 10 19

     

     

     

    C'est le jour du Seigneur mes frères et mes ouailles, Seigneur avec un e s'entend. Nous allons en foutre plein la gueule aux imbus et aux imbuvables. Et loi je reviens du théâtre où je me suis voluptueusement fait trembler voire chier à jouer successivement un mari impuissant et un bourreau qui brûle la femme de l'impuissant – comme disait Guitry, "mesdames, il est bien plus facile de rester la bouche ouverte que le bras tendu" – bref j'ai eu le trac et non pas le tract, je vosu raconte ma vie. Et comme la troupe a eu des embrouilles avec le proprio de la salle, je vais donc me déchaîner contre les propriétaires, hissant ma misérable individualité portative .

    au niveau de l'exemplarité.

    C'est fou ce que la moindre responsabilité peut transformer un brave type en salaud.

    Adoncques, notre Propriétaire de Salle acceptait de nous la prêter, à nous autres. Pour tel week-end. Puis non, finalement, pour tel autre – et réfection faite, pour tel autre, parce qu'il fallait consulter la Reine-Mère, parce qu'il y avait un déménagement à telle date, pardon à telle autre – en fait, le mot qui gênait c'était "prêter", bon sang mais c'est bien sûr, comment n'avons-nous pas immédiatement pensé qu'une salle, ça ne se prête pas, ça se loue. Sous prétexte de frais d'électricité par exemple.

    Un chiffre fut lancé comme ça, par-dessus l'épaule, au dernier momen de l'entretien. Puis-je faire observer que le patron de la troupe est au RMI, et que les autres sont de vilains avares. C'est vrai, il faut être humain avec les avares, comme disait Charlemagne – amis historiens, bonsoir.

    La ralité numro deux, c'était : "Chers amis, je détiens un petit pouvoir. Vosu dépendez de moi, haha. Nous allons donc vous démontrer que je suis supérieur, et que je peux vous tenir la dragée haute. Ma salle, vous l'aurez, voyons voyons, consultons notre petit carnet vide, le... le..." on s'en est passé, de ta salle, mon con, parce que réunir cinq amateurs le même jour à la même heure, ça ne peut pas se faire comme on pète.

    Parlons d'autre chose.

    Voilà une sacrée paye que vous m'attendez sur la violence à l'école – au diable l'unité d'inspiration. Un enseignant, un pépé quinqua bien requinqué par trente ans d'Éducation Nationale, ça doit avoir pas mal de choses à dégoiser. Eh bien je vais vous le faire : la violence à l'école, c'est bien fait pour leur gueule. Parce que ça ne remonte pas à la veille au soir. Simplement, et comme d'hab, les pourris de journalistes ont décrété que ça avait commencé le 18 octobre 1995 au journal

    COLLIGNON "HUMEURS CÉRÉBRALES" 43 03 10 20

    EN CE BEAU JOUR DU SEIGNEUR

     

     

     

    de vingt heures. Dans six semaines, ils diront "C'est terminé" – ils vous fourgueront de la Bolivie, de l'Alaska ou de la sexualité sur les coquillages de la Haute-Marne.

    Depuis plus de trente ans les profs se font chier dessus. Ma première année c'était 67/68 et je sais de quoi je parle, même si ça fait ancien combattant, morveux... J'ai donc commencé, gros Jean comme devant, à me plaindre de l'indiscipline dans mes classes. J'ai illico appris du groin de mon ivrogne de principal (mort l'année suivante et pas d'inanition) que c'était ma faute, et rien d'autre : "Il y a deux classes qui se tiennent mal dans l 'établissement, monsieur K., et ce sont les vôtres" – devant les élèves, naturellement – bref, j'étais trop "libre" avec eux – trop grossier, trop nègre et trop juif – tant qu'à faire... Comme disait un inspecteur (autre fléau) qui n'avait pomme de terre jamais foutu les pieds dans une classe depuis quinze ans, "l'indiscipline ça n'existe pas, vous devez les in-té-res-ser parfaitement les in-té-res-ser".

    Donc, si une pionne se fait dire "Tu me casses les couilles", c'est qu'elle ne sait pas se faire respecter – monsieur l'Inspecteur, je vous fous à quatre pattes sur mon bureau, je me bouche le nez et je vous encule – vous n 'aviez qu'à vous faire respecter spèc'eud'bâtard.

    Un enseignant apprend très vite à ne jamais se plaindre. Comme les femmes violées : c'est aussi leur faute. Ben voyons. Mais elles portent plainte – il n'y a pas plus de viols, qu'allez-vous chercher là ? il y a plus de plaintes, c'est ça le problème... Alors, maintenant, si j'entends mes collègues et tout le monde gueuler, je me frotte sadiquemen les mains :

    "Bien fait pour vos tronches. Si les principaux et autres directeurs n'avaient pas engueulé leur personnel au lieu de les soutenir, et ce, du haut en bas de la hiérarchie – tout le monde il est beau tout le monde il est gentil, etc. Qu'est-ce que les collègues doivent être grossers ! ...J'avais trente ans d'avance... transformer les établissements en parkings... Virer les neuf dixièmes des profs... Fin de l'éducation obligatoire... Jamais les petites frappes n'oseront murmurer le dixième de ce qu'elles osent vomir sur un prof à un patron. Disons que c'est la faute des politicards et de la télé – OK ? Maintenant place à la connerie – à mon tour : on apprend pour savoir, et non pour savoir faire. Entrez-y donc dans la vie, puisque l'école c'est débile, gagnez-le donc votre hârgent et rotez-le dans tous les bars, et ne venez plus nous faire chier avec vos cris de bestiaux et vos concours de pets.

    C'est con, mais ça défoule. Et défense d'engendrer des fils de pute sans diplôme d'État. promptitude,dompteur,mont

    CATHOS SPÉCIEUX

     

     

     

    Décidément je les gnaque au cul, les curetons, je ne les lâche pas.

    Ma radio est mal réglée, j'attrape toujours sur ma présélection "Radio Chrétienne en France" et j'écoute, fasciné, répugné. J'entends ceci, sur un ton de profonde componction :

    "Mais non, Dieu n'a pas voulu punir Adam et Ève après leur horrible péché. Il a dit à l'homme "Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front", et à la femme "Tu enfanteras dans la douleur" – mais c'est pas grave !

    "Ne comprenez-vous donc pas que Dieu accorde ainsi une chance infinie de participer à sa création, l'homme en travaillant, c'est-à-dire en augmentant la part des choses faites dans l'univers ? La femme en souffrant, c'est-à-dire en mettant au monde, même jeu, en se sentant pleinement responsable par a souffrance ? D'ailleurs l'homme souffre aussi dans son travail" – youpppiiii !

    Parce que dans le Paradis Terrestre, Dieu était tellement con qu'il avait créé des êtres qui ne participaient pas à sa Grandeur, dis donc. Ils étaient seulement parfaits, éternellement beaux, jeunes et immortels. Ça n'était pas participer de la nature, de la grandeur et de la créativité du Créateur ? C'était quoi, de la merde ?

    Il faut souffrir pour participer à Dieu ?

    Un peu plus tard, même émission (Voltaire, pour écraser l'infâme, connaissait la Bible sur le bout des doigts) :

    "Mon père, que signifie le jeûne pendant le Carême ?

    - Il signifie l'importance de notre foi. En effet, si le jeûne se prolongeait, nous mourrions, ce qui est bien la preuve que nous tenons à notre croyance au point de pouvoir éventuellement mourir pour elle.

    ...Je rêve ou c'est eux ? Que signifie cette façon de se servir de notre raison ? n'est-elle pas plutôt pour le croyant cette étincelle d'intelligence qui nous rend semblable à Dieu ?

    Voltaire évoquait ces musulmans très savants en toutes choses, médecine, astronomie, qui devaient croire sous peine d'excommunication que la lune, tous les mois, rentrait dans la manche de Mahomet et finissait par en ressortir, petit à petit, quartier par quartier. Et ce brave savant se mettait à le croire, par superstition !

    Ça ne vaut pas ces braves couillons diplômés, architectes, chirurgiens, paraît-il instruits, qui se demandent au téléphone si après leur mort ils se réincarneront sur Mars ou sur Vénus, et su par

    COLLIGNON "HUMEURS CÉRÉBRALES" 43 04 07 22

    CATHOS SPÉCIEUX

     

     

     

    hasard ils ne seront pas jugés dignes de se faire envoyer sur Sirius ? ...vous allez vous griller les poils du cul bande de macchabes. Poursuivons, toujours aussi con : la Vache Folle. Dès que je tourne un bouton qui n'est pas celui de ma femme je tombe sur des raisonneurs bouseux ; il faudrai donc abattre les chiens, ces transvecteurs de puces qui pourraient donner la peste à un quart d'humain ?

    Il est éminemment certain qu'un quart d'humains vaut infiniment plus que dix millions de chiens.

    Je vais vous en donner, des cibles d'abattage, parce qu'il n'y a pas que les cerveaux qui se transforment en masses spongieuses : il y a aussi l'auditoire de Radio Chrétienne en France.

    N'oubliez pas, mes frères : chaque fois que surgit une catastrophe, c'est Dieu qui l'a voulue pour qu'il en résulte un plus grand bien autre part. Chaque fois qu'un méchant prospère yop-là boum, c'est pour être mieux puni plus tard. Et comme disait Chirac :

    - Vous tenez vraiment à devenir riche mon pauvre ami ? Ah, vous ne savez pas ce que c'est que le malheur d'être riche !"

    Et chaque fois que le brave homme est puni par sa vie de con, c'est que Dieu veut l'éprouver !

    Il est touchant, dans les bas de pages de Bible, de voir combien depuis des générations des escouades de moines exégètes s'efforcent de démontrer que Dieu n'a pas dit ce qu'il a dit, que les massacres bibliques sont à prendre comme des métaphores, que le sens apparent est justement le contraire du sens évident, bref, qu'on lit le contraire de ce qu'il faudrait lire, et si vous criez à l'imposture, sachez que la parole de Dieu est obscure exprèe, pour que n'importe qui ne puisse pas l'interpréter n'importe comment.

    Comme ça t'as toujours raison curé.

    Méfiez-vous, Jésus revient. J'espère que cette fois-ci on ne le ratera pas.

     

     

     

     

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    FOOTBALLEURS

     

     

     

    Amis footballeurs, bonsouaire !

    Alors c'est vous comme ça qui nous pourrissez depuis perpète la première de Sud Ouest avec vos tronches de débilos toujours prêts à s'entuber après chaque but devant le virage sud, c'est vous les gnoulbous du sud de la Loire que les Munichois prennent pour des macaques en cavale ?.

    Parce qiu'à München on se fout bien de votre quart de sous-coupe à perdre ou à gagner. Vous savez ce qu'ils ont dit, les Chleus ? Que d'une part ce n'était pas la première fois que la capitale de la Bavièrese retrouvait en finale, et qu'un coupc gagnée ou perdue de plus ou de moins ne leur agitait pas le bock.

    Que d'autre part la vie culturelle était assez intense à Munich ta mère pour qu'on ait autre chose à foutre que de s'occuper de foot. Aber, Fut tut gut ! Intraduisible autant qu'obscène.

    Bordeaux, ça fait Amérique du Sud, on se pile déjà la gueule pour avoir les places, les rigolos qui passent la nuit en sac de couchage devant les guichets ont déjà des tronches de cadavres piétinés, chef, pas besoin de jouer le match, les macchabées sont déjà là tout empaquetés tous livrés. Et pas un, commentait-on, pour se reculer quand la foule se pîétinait comme un gros tas de bœufs, pas un pour laisser passer les ceusses qui avaient obtenu leur billet, au cas où on les leur aurait fauchés. Il a fallu les évacuer par-dessus grilles piques en l'air !

    Plus beau qu'un concert de Johnny, man, mêle qu'il y en a eu pour piétiner une Deux-Chevaux, c'est sacré, les Deux-Chevaux.

    Après le massacre du Heysel, une vanne a couru la Belgique et la France : "Savéï-vous qu'il y a eu encore une fois 52 morts au Heysel ?

    - ...Ils ont recommencé ?

    - Oui, pour la reconstitution !"

    Foot, école du crime ?

    Moi, j'aime bien les foules – deuxième volet : si ce n'avait pas été si cher, je serais bien allé m'animaliser avec les autres. Les ovations entendues sur les ondes me montent les larmes aux lacrymales. Il paraît que c'est normal – réaction physiologique.

    Et puis réflexion faite, dans les foules je ne gueule pas les mêmes choses que les autres ni au même moment. Alors je sortirai à la Victoire, pour me soûler à la Leffe sans alcool...

    À propos de manif, pour vous montrer mes convictions : "Garçon ! Un rouge, comme mes

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    FOOTBALLEURS

     

     

     

    opinions !" - il me répond : "Quignon, poil au champignon ! " - je ne vais pas vous faire le coup du vieux Soixante-Huit, vous avez de l'artère, je ne vous parle que de Soixante-Quinze, aux derniers temps du Caudillo. Je gueule Muere Franco – juste à côté d'un vieux Républicain mal rasé vert olive et me corrige, d'un ton à rectifier les entrailles d'un cardinal : MUERA. Rien de te qu'une bonne manif pour réviser son subjonctif espagnol, hijo de puta y mierda de cabrón en palo que me cago en tu madre – voilà que devant les CRS en rang tous les antifrancos Smet à faira la chaîne. Rien de tel pour se faire gueuler la casse.

    On chante L'Internationale. Je braille avec conviction le premier couplet en levant le poing gauche, au deuxième je tends le poing droit dans l'enthousiasme le plus prolétarien et je me barre genre délire interprétatif sauve qui peut. Non poins lâches, mais de goche, les Gentils Organisateurs s'exclament : "Changement de stratégie ! On se disperse et on les sème ! Demi-tour !" La tête devient la queue, je prend sur la main gauche une bouel de plomb et je détale en perdant mes lunettes. Faut pas jouer les héros quand on est bigleux, et comme disait Pandrault Si j'avais un fils sous dialyse je ne le laisserais pas aller faire le con pendant la nuit, amis de Malik Oussekine bonsoir, et vive le foot.

     

     

    COLLIGNON "HUMEURS CÉRÉBRALES" 43 06 02 25

    SEPT MOINES

     

     

     

    Mon frère – il fuat mourir c'est ainsi que se saluent les Trappistes en latin Memento mori. Sept saints hommes sont morts dans des conditions atrices que je me refuse à imaginer crainte d'en jouir. Nulle intention de retrancher à la grandeur de leur sacrifice. Ni de ronfler les formules façon Guignol de TV. Quelques observations toutefois.

    D'une part l'Église s'est bien moins émue et moins encore mobilisée pour les milliers de massacrés par la clique à Pinochet ; pour les millions de victimes d'Adolf