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Les effroyables hémorroïdes d'Otto Weininger

 

C O L L I G N O N

 

LES EFFROYABLES HÉMORROÏDES

D’ O T T O W E I N I N G E R

« Chef-d’œuvre d’inexactitude et de mauvais goût »

 

« ...dans le grouillant faisandage de la Vienne 1900, où se décompose le compost le plus putréfié de ce que la conscience européenne a généré de plus putride, s’épanouissent aussi bien les efflorescences les plus prestigieuses que les moisissures les plus pestilentielles : Adolf, Musil, Schnitzler, von Teleff. Or ce cadavre gonflé comme une outre devait également, tel le ventripotent Guillaume le Conquérant qui explosa dans son cercueil en un certain mois d’août 1075, inondant de sanie les assistants épouvantés – ensevelir l’Europe sous les débris de son Empire, en un non moins certain mois d’août 1914. Mais la pétarade la plus plate de cette charogne avant qu’elle n’explosât fut le coup de pistolet tiré dans cet immeuble de la Schwarzspanierstrasse le 13 octobre 1903 et dans le cœur du plus illustre (et du plus oublié) représentant de la faisanderie viennoise, OTTO WEININGER.

« Cette obscénité propulsa le brûlot le plus nauséabond de nos bibliothèque, loin devant Mein Kampf. Cela s’intitulait Au cul les bonnes femmes (Réf. ACLBF). Ce qui se joue à Bourignac avec JÉRÔME LADOUILLE, autant qu’avec OTTO à Vienne, c’est, mutatis mutandis (et non pas « mutate mutande »), cet instant précis, cet horrible instant où le bébé, en équilibre sur la planche à bascule, va dégringoler dans son bain, ou son bac à merde, et s’y engloutir : encore immobile, mais déjà son centre de gravité s’est imperceptiblement, irrévocablement décalé. Or, la masse d’insanités entassées par Jérôme Ladouille en sli peu d’années d’existence n’a d’égale que le prodigieux fatras

de connaissances ingurgitées, à la même vitesse, par OTTO WEININGER.

D’où une bouleversante similitude de pensée :

« Les bonnes femmes, c’est toutes des truies quand a sont vieilles, et des limaces quand a sont jeunes. Les unes qu’a puent de la gueule, les autres qu’a puent du cul. Faudrait que tous ces trous y soyent bouchés », à rapprocher d’OTTO WEININGER :

« ...les femmes – tantôt des hyènes : les mères, tantôt des soit-disant chatons : les filles. Les unes sont laides, les aures portent des jupes serrées aux fesses. Est-ce que toi aussi cette partie dela femme ne te dégoûte pas ? La nature a incarné là l’impudicité même ».

(Lettre à Gerber du 17-08-1902) (Traduction Jacques Le Rider, Juriste).

(Nous ne possédons pour l’instant aucun document précis concernant la santé d’Otto Weininger ; en revanche, un certificat médical nous révèle fort opportunément, sur Jérôme L., ce qui suit :

« Au repos, 3cm ; en activité [sic] 5 1/2 cm. Testicules : Ø = 1cm ».

Loin de nous l’idée d’exploiter ce document à des fins démonstratives…

!

! !

 

...Voici le moment de prendre en compte, enfin, trop tard sans doute, les indignations de la lectrice (les hommes ne lisent plus : ils « étudient » l’informatique) : « Pourquoi diable » (s’écrierait-elle) vous appesantissez-vous, fille de plombier juif ! sur ces deux personnages rebutants ? » (misogynie, antisémitisme, démangeaisons crurales) – sans oublier leur disparate : un bourgeois raffiné, un inculte parlant cul. Expliquons :

Par un sombre après-midi de janvier, égaré loin des bibliothécaires en blouse, j’ai découvert dans une crypte un couple de volumes étroitement maintenus par un ruban de tissu gras. Je les empruntai pour quelque temps (deux ans ne sont rien dans la vie d’un livre), et les ayant parcourus, puis lus attentivement, je fus saisie par les rapprochements de ces biographies : c’était en vérité un seul homme en deux formes : ou l’Ancien et le Nouveau Testament. C’étaient des correspondances d’oppositions si indissolublement suturées : aisance du premier, fausse aisance du second ; culture crasseuse de l’un, encyclopédique ignorance de l’autre ; entregent d’Otto, irrémédiable enfouissement de Jérôme. Pourtant, même délires, semblables haines, suicide précoce pour les deux (Weininger avec succès, sombrant dans le ridicule pour le sieur Ladouille). C’était au point qu’on pouvait légitimement se demander si le plus misérable n’avait pas délibérément décalqué dans sa vie obscure les félicités dont le plus avantagé fut comblé, sans toutefois parvenir à ces dernières, faute d’extraction…

« En relisant, je trouvai toutes les raisons de confirmer et d’affiner cette improbable théorie. Si improbable que cela puisse paraître, il semblait de plus en plus plausible que la biographie d’Otto Weininger fût tombée entre les mains de Jérôme Ladouille, que ce dernier l’eût déchiffré ou se la fût fait lire. Constatant alors leur folie commune, assaisonnée de coïncidences anecdotiques stupéfiantes, il avait résolu de poursuivre de son propre chef ce que le sort avait agencé jusqu’ici, allant même jusqu’à pressentir, du fond de sa boue, l’éventuelle réincarnation de Deux en Un.

« Ma voie se trouvait tracée : féministe, et femme, ce qui ne gâche rien, je me sentis le devoir de plonger, justement, au sein même de la misogynie, tel un vidangeur dans son scaphandre, afin de racheter ces mâles en inspirant à fond l’épaisseur de leurs miasmes. Pourquoi étions-nous tant haïes ? À quoi bon nous être époumonées à extirper de nous tout le bien-être de la féminité ? l’Ancienne et la Nouvelle Ève se retrouvaient de toute façon traînées dans la même ordure…

X

Des parents de Ladouille, père et mère, nulle autre mention que l’alcool, et pour le père, le Bordel, comme nous le verrons. Les gens de cette espèces ne laissent en tradition que des grommellements interchangeables dans l’obscur.

Nous nous dispenserons (pour les deux familles) des assommants préliminaires généalogo-gynécologiques prétendument éclaircissants dont nous abreuvent les universitaires du commun, ne nous faisant grâce d’aucun protêt devant notaire.

Les études de Ladouille (Jérôme) se bornèrent à leur plus simple expression. Otto en revanche, excella dans les matières littéraires : les maths et les sciences provoquèrent chez lui d’épouvantables migraines. Hélas, fasciné par la Catastrophe, il devait plus tard s’en servir pour étayer de façon grotesque ses délires de pré-nazillon.

Fils de bonne bourgeoisie, il posséda le fric et l’entregent de sa classe : sans labeur extérieur, il lui est tout loisible d’accumuler des connaissances, dans la double acception, scientifique et sociale, du terme. Beau cursus en vérité.

Nous béâmes.

X

 

Jérôme, à l’opposé, profitait des rondeurs populaires d’un prolo frotté de gros esprit. Au cours de l’année 1964 (Da-dou ron-ron) il affirme sa position sociale et son éducation en participant au défrichage de 3 (trois) champs de pommes de terre.

Sans vouloir passer sous le joug universitaire de l’établissement des sources et influences, nous avons établi cependant que Ladouille fut successivement employé chez Graubier, Moulineuf et Compagnargues-Souzibousses.

En décembre intervint une déchirante révision de perspectives socio-professionnelles : au terme de vingt longues minutes d’angoisse, il abandonne la pommedeterriculture pour le triage des œufs.

Son patron, Émile Grangeamouches, se félicite de sa ponctualité, de son ardeur pour un travail auquel rien, dans sa formation universitaire, ne l’avait préparé, tant il est vrai que l’intelligence prédestinée sait s’adapter aux circonstances, quand elle ne les provoque pas pour l’enrichissement personnel et protéinique.

Pour Albert Fudefioul (Mémoires d’un casseur d’œufs p. 28) Jérôme Ladouille est un « brave mec », appréciation louangeuse autant que laconique.

X

 

Le choix des œufs forme une une transition tout indiquée vers l’essentiel de ce qui unit et préoccupe nos deux héros : la Misogynie. D’aucuns veulent en trouver l’origine dans telle ou telle attitude désastreuse de la mère. Les génitrices de Jérôme LADOUILLE et d’Otto Weininger peuvent se couvrir très exactement, coïncidence qui ne prouve rien : le propre cousin de JÉRÔME LADOUILLE eût pu contresigner ces lignes révélatrices de Richard, frère d’Otto :

« Ma mère consacra toute sa vie aux tâches de maîtresse de maison. Elle faisait la cuisine et s’occupait des enfants, malgré sa santé le plus souvent défaillante (…) Mon père la considérait uniquement comme la gardienne du foyer. Mes parents n’avaient pas une vie conjugale intime. Ma mère n’avait ni le temps ni l’envie de mener une activité créatrice ou artistique hors du foyer » - bien sûr, est-il besoin de le rappeler, la merde l’un faisait traîner la serpillière, tandis que la merde l’autre la traînait elle-même… Cela dit, que les Mères ne se mettent pas martel en tête : quoi qu’elles fassent, douces ou rêches, actives ou paillassonnes, elles auront engendré un misogyne ; donc, la misogynie est un instinct, et par là même entièrement justifiée.

Je laisse à mes lectrices le soin de déterminer le degré auquel je m’exprime. Certains esprits profonds (les mêmes) ne manqueront pas d’objecter que la misogynie provient d’un manque de succès avec les femmes (sous-entendu : « faut vraiment être con »), sans s’apercevoir d’une évidence qui crève les yeux : c’est la misogynie qui empêche le manque de succès.

ÉTAIT-IL BEAU ?

« Stéfan Zweig conserve de Weininger une image peu flatteuse :

« Il avait toujours l’air de quelqu’un qui vient de passer trente heures dans un train, sale, fatigué, les vêtements froissés ; sa démarche était mal assurée, il déambulait le dos voûté, rasant pour ainsi dire un mur invisible, la bouche tordue sous sa fine moustache par une sorte de grimace douloureuse. » - cité et traduit par Jacques LE RIDER, in Le cas Otto Weininger, P.U.F.

 

ÉTAIT-IL LAID ?

Lisons le témoignage de Jean Dugond-Grinçault sur Jérôme LADOUILLE :

« Sa silhouette trapue était pleine de fausse aisance. Son béret bloqué sur les oreilles, ses pantalons à chier dedans, ne le distinguait pas des indigènes. On le voyait aligner les pas de canard, les joues tournées au ciel, ou se vautrer comme un phoque devant les trois vitrines.

Il avait le front bas et des yeux de cochon.

Il était on ne peut plus laid. Son rire était d’une connerie mozartienne. »

(cité et traduit du parisien par B. KOHN-LILIOM in Les effroyables hémorroïdes d’OTTO Weininger, que vous avez d’ailleurs entre les mains.

...qui poursuit :

« ...Il avait toujours l’air de quelqu’un qui vient de se rouler trois quarts d’heure dans le fumier le plus gluant. « Puisqu’on ne m’aime pas » m’avait-il dit, J’ferai chier tout le monde ». Et déjà son père ne pouvait pas le saquer. Un jour ils se sont rencontrés au bordel. Jérôme LADOUILLE en tira un poème, que voici en exclusivité de la Rue du Cule :

Salut papa

Commenksava [sic]

Tu tires ton coup

Cht’aime pu beaucoup

Vu qu’cé la même

Que toi que j’aime

La prochaine fois

J’rai aux chiottes »

Vers émouvants et combien prometteurs, en dépit de l’imperceptible manquement à la rime finale. Déjà cependant son dernier instite, Pierre Caporal, l’accuse de plagiat. On reconnaît en effet

Ô lac, suspends ton viol

Et vous, heures pro-pisse…

Le thème invoqué par LADOUILLE ne manque pas non plus de certaines affinités verlainiennes.

Nous prions instamment nos lecteurs (et trices) de bien vouloir nous pardonner l’effort élitiste, fasciste et pédophile requis par notre ouvrage, dans lequel, faute de savoir s’il faut rire à vagin déployé ou se monter du col, nombre d’entre vous risquent fort le collapsus hystérocérébral. Mais la vérité vaut bien quelques nausées. Considérons à présent, je vous en conjure, les aspects les plus déplaisants du dénommé OTTO WEININGER ; Nous nous inspirerons largement du volume de LE RIDER Le cas Otto Weininger, P.U.F., 1982, bis.

...Otto Weininger vivait seul, et de ce fait eût dû selon le cas nous disons bien selon le cas

1) se masturber un peu moins

ou bien

2) se masturber davantage ( à noter que s’il eût été une femme, seul le premier point eût été envisageable ; certains records sont en effet mécaniquement insurpassables).

Cependant, chez un homme, si rien ne baise, tout pèse. Le coinçage de la gent féminine d’époque (la nôtre aussi bien) ne permet pas d’autre perspective que le bordel aux premières giclées de purée :

« Regardez-moi raser anxieusement les murs, le dos voûté, le pas mal assuré, épier jambes et gorges, au mépris de tout commandement moral » - cité et traduit pas Jacques LE RIDER, opere citato.

...Hélas, OTTO WEININGER, notre héros à toutes, hélas ! comme nous le pressentions, s’est fourvoyé : Baudrillard assène d’emblée l’axiome de la laideur des organes génitaux. Il est hors de doute que notre auguste Rémois n’ait pris en pleine tronche la fulgurante révélation du Message (inexprimé pourtant !) de l’universel Jérôme LADOUILLE, dont le silence est d’autant plus éloquent : la répugnance du génie pour le coït, « acte animal, répugnant et sale ».

²

² ²

Après avoir subi sans broncher leur destin biologique XY, où ils se sont tous deux heurtés à la théorie du doigt pardon du choix féminin, nos héros vont à présent se mesurer à l’Acte Volontaire.

 

Tout acte volontaire s’accomplit en fonction d’une conséquence, voire d’un retentissement.

Nous verrons ensemble comment le Poids Sociologique écrabouille l’étincelle, en fonction du milieu d’où elle jaillit. Moi aussi, anch’io, je règle mes compte. Malgré tous ses efforts pour grenouiller au sommet de la pyramide, mon indigne personne retombe à son rang, éternellement, ontologiquement médiocre ; la « coalition », la « conjuration » des hommes n’explique pas tout. Il manque à l’autrice de ces lignes l’aptitude aux rapports sociaux, le salonnisme, mais pis encore ce pognon et ce réseau de relations huppées trouvées toutes cuites dans le berceau des nantis. J’éprouve une profonde pitié pour ce misérable, condamné, sans motif, à pourrir dans sa bourgade périgourdine.

Il me faut, à moi seule, venger le bas peuple. Mëme si Dieu a besoin de ce dernier pour faire croire au génie. Or ce peuple, je ne l’aime pas. Les hommes, je ne les aime pas. Problème insoluble : sauver l’humanité, par la culture, la littérature, le paradis ? ...la résorption de la Masse en Dieu ? Mais avant d’en arriver là – pouâh ! - tout remuer, tout agiter, surtout s’abstenir de toute solution. Démolir, exalter. Cracher sur les Riches, les Supérieurs, qu’ils disent, de tout mon jet de bave, en Haute Jacquerie. Car il serait tout de même temps de se rendre compte – que tout finit dans le même trou. Or, il se trouve que notre nazillon spermeux se tourmente sur le génie. Le génie ? c’est le Travail.

Et certes il a travaillé le petit Weininger. L’infirmière aussi travaille. Le manœuvre aussi travaille. Mais le Génie, le seul, le vrai, celui qui réussit, il n’a pas de famille pour le faire chier, ni de gosses pour le faire chier, ni de boulot pour le faire chier. Mais de préférence chez Otto une bonniche pour éplucher les légumes, on la retourne on l’encule, ne pas se tromper - pon ! - un petit coup de surhomme de Nietzsche, un petit coup de Schopenhauer : Chacun trouve en soi cette volonté en laquelle consiste l’ordre du monde (…) - or ce qui m’intéresse, voyez-vous, ce n’est pas le Génie c’est la Recette. Les hommes à qui d’emblée tout fut donné, fric et puissance de travail, les Génies de naissance, si je peux oser ce pléonasme, ne m’en imposent pas. Peut me chaut de connaître la structure anatomique des ailes de l’oiseau, né avec ses ailes, le gros porc ; ce que j’aimerais, ce serait qu’on m’apprenne à voler, à moi qui n’en ai pas, d’ailes. (Subsidiairement, qu’on ne vienne pas, sous prétexte que chacun peut s’élever au génie, me rebattre les oreilles du « génie immanent des masses ». Schopenhauer a dit « chacun », il n’a pas dit « tous ».) Ce qui nous mène tout droit à la question de base, angoissante – die beängstige Frage : Jérôme Ladouille était-il un génie ? Ou bien : aurait-il pu, ou aurait-il dû, le devenir ?

Ou encore : existe-t-il un génie de la connerie ?

Qu’est-ce qu’un génie méconnu ?

C’est un génie sans fric.

« Mais ne te monte pas comme ça, mon vieux. Otto Weininger n’était pas un génie. Cette notion est d’ailleurs totalement dépassée, dérisoire même. Otto a publié, voilà tout ! ...qu’est-ce qu’un auteur non publié ? C’est un auteur sans fric !

Je dirai même plus :

« Qu’est-ce qu’un être nul ?

- Allô ? Docteur Lévy, psychiatre à Bergerac ? Allô ?…

* * * * * * * * * * *

 

Pour Jérôme Ladouille, ce 26 fébriembre, c’est la catastrophe : de retour du marché, où les ventes ont baissé de 0, 54 % (Statistiques commerciales de Bourignac, 1965, t. XIV), Jérôme Ladouille, exaspéré, tire de sa camionnette un panier d’œufs frais, et bombarde, l’inconscient ! une troupe de six femmes largement quinquagénaires devisant sur le trottoir construit à cet effet. Il accompagne son geste insensé d’une apostrophe, restée aussi glorieuse que celle de Bonaparte au pied des Pyramides : « Les bonnes femmes, je les ai au cul ! » (Les Échos du Sarladais semi-septentrional, n° 1204 du 18-4-1965). Malgré sa formulation quelque peu outrancière, déplorée par la rapiéceuse du curé, Madeleine Aubeaufrère, le fond de la pensée reçoit – enfin la glaire ! - l’approbation vigoureuse de Marcel, gérant du « Sarlat-Tapetting-Club », et les félicitations flatteuses – quoique teintées d’une certaine réserve, du second adjoint au Maire, Florian Foutilot, témoin de la scène. « Ça, c’est parlé ! » se serait-il exclamé.

Certains, et non des moindres, comme Charbon, cantonnier-chef de Pézérac-en-Bauques, affirmèrent avoir entendu ça, c’est tapé. Julien Baisençon, secrétaire de mairie, propose la version à ça, c’est envoyé ! en référence à l’ « envoi » effectif d’œufs (plus ou moins) frais sur les caracos des personnes du sexe. Mais si la deuxième formule porte plutôt l’emprunte d’une vulgarité paysanne assez éloignée de l’univers communicationnel du Sieur adjoint, la troisième, par son amphibologie amphigourique, renchérit de façon outrancière sur les capacités subtiles du locuteur. Nous nous en tiendrons à la formule number one : « Ça, c’est parlé ». Les lectrices dont ces problèmes terminologiques suscitent l’intérêt pourront toujours se reporter à la TCE (Thèse Collective d’État) L’a-t-il dit ? Ne l’a-t-il pas dit ? par A.K. Kreuzenstein, Olybrius Judenmacher et F. U. Kyoushtarbé, quoique certains paragraphes laissent à désirer par leurs aspects un tantinet polémiques.

Pour JÉRÔME LADOUILLE, c’est la gloire : le maçon Pédemouille l’invite à boire au café des Deux Gonds, 26 rue Burtechouque. Il y consomme un Jus de Fruit.

*

Hélas, la Parque Lakhésis déroule avec célérité le fil de notre héros. Déjà se profile à l’horizon la douloureuse perspective du Verdebière de JÉRÔME LADOUILLE ;

Pour échapper à l’équivoque (et imméritée) réputation que lui vaut désormais l’inconditionnelle approbation de l’immortel animateur du Tapetting Club, JÉRÔME LADOUILLE entreprend un long périple en terre ferme, puisant dans les réserves de son salaire : on le voit à Barbac, on l’aperçoit aux Peaubazines-de-Bradeaux, et jusqu’à Souillac, où il découvre les bords de la Borrèze universellement chantés.

« Ces connards n’ont rien capté » note-t-il dans son journal (dont nous francisons l’orthographe). « À côté de la teub que je trimballe, j’ai deux glaouis, trois autres que tu connais pas » (rapprocher de la lettre d’O.W. du 5 août 1902 à Gerber (Guerbeur, évidemment) :

À côté de la vie que tu connais, j’en ai deux autres, trois autres que tu ne connais pas (Trad. Jacques Le Rider).

D’aucuns prétendent qu’une crevaison du pneu avant (dit « pneu moteur »), jointe à l’épuisement rapide de ses liquidités (il payait cash) l’empêcha de pousser jusqu’à Bouyssougnougues. En fait, il s’y serait rendu à pied, aggripé au plongeur-guidon, mais ne parvint pas à contacter Ludwig Trompagnac, le fameux Savetier Fasciste, parti aux bains de mer. Il revint par Trebzac et Calonquevie-les-Bourcradelles. La dépression fut son inséparable compagne de voyage.

Ainsi Weininger voyagea-t-il également, mais à travers l’Europe – on a du pèze ou on n’en a pas – de Munich à Christiania via Berlin et Stralsund. Le facho, c’était Knut Hamsun. Hélas, la conjonction n’eut pas lieu. Le voyage fut morne : « Je traverse une très mauvaise période, la pire que j’aie connue » (Le Rider, Le cas Otto Weininger).

Quant à JÉRÔME LADOUILLE , il revint de son équipée dans les sauvages contrées du Lot Boréal dans un état de complet délabrement. Quel bouleversement à son retour ! plus le moindre salut, plus une allusion à la glorieuse Journée des Œufs. Deux journées de périple cycloïde avaient pulvérisé le souvenir lumineux de ce bombardement de finesse et d’œufs lucidité. JÉRÔME commit l’imprudence, outré de tant de ténèbres, d’œufs d’œufs mander quelques éclaircissements à l’instituteur du village, Jacob Duchemin-Delagouttenfleur. Ce dernier l’étourdit de périodes, au sein desquelles son illustre auditeur parvint à extraire les pépites suivantes : l’exclamation jaculatoire au cul les bonnes femmes, renforcée par la projection de fœtus ovoïdes, aurait été l’expression d’un conflit maternel, conflit compressé, refoulé jusqu’à l’inéluctable. Nous voyons à quel point les théories les plus éthérées de Papa Siegmund avaient pu contaminer jusqu’aux cuistres ruraux de basse extrace.

LADOUILLE se contenta de répliquer les bonnes femmes ça doit pas la ramener, d’abord elles on pas. Duchemin-Delagouttenfleur ne manqua pas de rapprocher cette évidence du propos de Strindberg, qui voit dans la femme un homme au stade rudimentaire. Dans son étude Femme, sexe zéro l’Auguste pressent l’analyse pertinente de notre éminent penseur. La deuxième déclaration de JÉRÔME, assidûment divulguée dans le sursaut d’en avoir été l’instigateur et unique témoin auriculaire, redora une légende en voie d’écaillement. Ce regain de popularité repoussa d’autant la Cuite à la Bière (ou bite à la cuillère). LADOUILLE s’attela donc à son ouvrage afin de rafraîchir ses fruits, avant que la tige ne s’en étiolât.

Sans demeurer en reste, Otto Weininger se rend à Paris, en 1900, pour le IVe Congrès International de Psychologie. Le voici qui écrit. Chose extraordinaire pour un homme de sa classe sociale, il ne trouve pas d’éditeur. Un professeur d’université lui conseille « de ne pas trop se hâter, d’attendre quelques années, de vérifier toutes ses thèses en détail ». « Je lui ai répondu, écrit Weininger à Swoboda, « que je n’attendrai pas d’être devenu chauve pour publier Eros et Psyché, que je préférerais écrire dans les dix prochaines années dix livres comme celui-là et que, de plus, ma passion scientifique n’irait pas jusqu’à m’inspirer la patience d’un fonctionnaire du recensement » (cité par Le Rider, op. cit. ch. 1).

Belle parole somme toute, que nous reprendrions volontiers à notre compte, si la formulation n’impliquait pas la possibilité de « publier » (???!) prématurément : plût au ciel que nous eussions publié, nous aussi, « prématurément » !

Enfin son livre « parut », comme on dit pudiquement dans les biographies (voyez caisse) dans l’été de ,1903.

En ce temps-là, il ne paraissait pas mille titres par jour, et tous les pontes applaudirent à grands cris : ce petit avait du bon sens, pensaient tous les imbéciles :

« Ce travail satisfait amplement aux exigences définies par les règlements universitaores » (Friedrich Jodl, cité par Le Rider, op. cit. ch. 1)

« L’auteur devrait s’engager à supprimer avant publication certaines invectives polémiques »

(Pr Laurenz Müllner, cité et traduit comme d’ailleurs toutes les autres citations de cet ordre, par l’inévitable Sieur Le Rider, op. cit. ch.1)

 

 

 

Après quoi, pressé d’en finir avec la vie, notre auteur rompt avec sa juiverie (second degré ! second degré !) pour se convertir au protestantisme.

 

*

Deux grands théoriciens

OTTO WEININGER s’attaque donc à la dénudation de la femme, jusques aux os. Le chapitre 8 de l’ouvrage de JLR nous rappelle opportunément que Zwerginger a toujours considéré comme secondaire l’explication sociologique des différenciations sexuelles comportementales. Or, dès so, époque, c’est pourtant par là qu’on s’orientait, à s’y éreinter.

Ainsi donc, tout comme votre servante, Otto Weiningo-Zwergiger refusait la branchitude. Certains d’entre nous sont en pleine conscience de penser, voire d’écrire des conneries. Mais au grand jamais ne leur viendrait l’idée saugrenue d’habiller leurs névroses d’oripeaux scientifiques. Otto W., au contraire, y cherche une consistance, une justification à ses élucubrations : il existe une incompatibilité totale entre la sécheresse déshumanisante de la démarche scientifique, qui pétrifie et salit tout ce qu’elle touche – au nom de ce qu’il faut bien appeler le Vrai – et la pulsation littéraire, dangereuse certes, oscillant sur le vaste cadran du fascisme et de l’hystérie, mais combien voluptueuse et enrichissante.

Otto, hélas, basculait dans l’enfer des sciences exactes, dont certains désormais dénoncent les ravages sans doute irréversibles… D’où, chez WEININGER, ces truismes hallucinants dignes de « la vertu dormitive du pavot » : la « féminité », la « virilité », sexe-pliquent par des « substances vitales » spécifiques, respectivement le « thélyplasme » et l’ « arrhénoplasme ».

Otto fait feu de tout boa : dictons populaires, préjugés, tout ce qui traîne : c’est si vraisemblable que ça se passe de toute démonstration. Weininger par exemple présente à ses amis un jeu de photographies de femmes, et leur demande de choisir la plus belle - ça, c’est de l’expérience, coco ! Quelle irrespirable rigueur ! et de s’interroger gravement sur les propriétés glandulaire du cuir chevelu des femmes, afin de trouver ce qui provoque chez elles l’abondance de la chevelure !… grandiose…

...L’analogie devient preuve, comparaison devient raison, les règnes végétal et animal viennent à la rescousse : il donne une force scientifique à la divination (Le Rider, op. ci. p. 65). Quant aux travaux de Mandel sur l’héridité… jamais entendu parler.

 

 

Mais le fin du fin est évidemment cette splendide formule :

XXXXXXXXXXXXXXXXXXXX

X A = k f (t) X

X a - b X

XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX

A = force de l’attraction sexuelle

k = affinités données entre deux individus

a = proportion de H (virilité) chez l’un des partenaires

b = proportion de F (féminité) chez l’autre partenaire

f (t) = temps de réaction…

(Le Rider, op. cit. pp. 60-61)

« Victime des illusions de scientificité dont il s’entoure, Weininger se réclame hautement de la doctrine positivisme au moment même où il s’égare dans une métaphysique approximative ».

(Le Rider, op. cit. p. 62)

...Bien sûr notre Érudit met aussi en formule l’homosexualité :

H = 3/4 H + 1 F, et H’ = 3/4 F + 1/4 H.

Il en conclut que l’homosexualité étant naturelle n’a pas besoin d’être « soignée » - pour une fois qu’il ne dit pas de conneries, nous pouvons le féliciter, mais pas pour longtemps, car le voici qui retombe dans le mythe increvable de la Pédale Antique… D’aucuns ont prétendu que tout cela n’était pas « sérieux » ; que c’était « de la littérature » ; que Weininger eût mieux fait d’écrire des histoires de cocus à la Paul Bourget : « les critères du vrai et du faux paraissent inadéquats pour le juger » (Le Rider, op. cit., p. 68) …La littérature au moins ne fait de mal à personne.

...Quant à nous, fervents glosateurs, béants d’extase, nous nous contenterons de répéter en boucle 

A = ___k_____ ● f (t) …

a - b

 

...Quel bond fantastique vers les cimes de la science spéculative ! - one more time :

 

A = ___k_____ ● f (t) …

a - b

 

Enfin le génie, à l’aube du siècle, éjacule irréfragablement cette prodigieuse équation tendue entre l’Algèbre et la Poésie ! Voilà qui précipite à la trappe toutes les fumeuses théories sur Dieu sait quelle équivalence des sexes fondée sur les aberrations de la biologie :

A = ___k_____ ● f (t) !! !

a - b

 

Cela vous surpasse d’un coup tout ce que la science génétique n’a su que balbutier jusqu’à nos époques ! Nous étonnerons-nous que Weininger se soit écrié, dans un élan de lucidité épistolaire :

« Je crois que les forces de mon esprit auraient été capables de vaincre tous les problèmes » ! (Lettre à Arthur Gerber – Kimfä), citée par Le Rider, op.cit. P . 94,) (assertion confirmée par Swoboda, dans un discours de 1958 devant le Pen Club de Vienne :

« Sa vie n’était qu’un effort continu de réflexion. Il ne se lassait jamais et ne prenait jamais de repos. Il philosophait en toute circonstance, dans la nature ensoleillée, dans ses promenades en ville, au café dans sa culotte. Tout ce qui se présentait lui donnait matière à une théorie définitive » (légèrement modifié d’après Le Rider, op. cit. ch. 1)

 

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JÉRÔME LADOUILLE fera-t-il moindre figure ?

Pas du tout.

La tradition qu’il nous a léguée ne doit pas elle non plus s’estimer sur des critères dépourvus de pertinence : ainsi n’est-il pas un écrivain. Ses formulations ne se laissent pas enfermer dans les carcans du « Bon Usage » d’un Grévisse.

En revanche, aussi bien que chez Weininger, c’est la rigueur, voire la roideur, du raisonnement logique qu’il faut admirer ici : nul ne conteste plus aujourd’hui, grâce à des personnalités aussi relevées que JÉRÔME LADOUILLE, que les femmes sont complètement cons.

Un jour pourtant (digressons un brin) il soupira - témoignage émouvant de la délicatesse d’un homme de goût : « Si que je pouvais baiser ! » Certains sont même allés jusqu’à relier son obsession de la Connerie à une certaine dégradation de l’image d’autrui en lui-même :

« Après qu’euj’ soye crevé, y’aura pu rin » (Corpus ladoculense 258)

« Rin n’vaut tant rin que c’qui n’vaut rin de tot » (ibid. 287)

et même :

« Euch’ chui un artisse

«  Euch’ chui un philosophe

«  Euch’ chui l’vrai martyr eud’ la Connerie »

(ibid. 312/313 – 325)

- ce qui pourrait ébaucher un certain second degré de JÉRÔME LADOUILLE – mais rassurons-nous : chez ce Con Parfait, ni véritablement artisse, ni véritablement « philosophe », gibt es keine Weltanschauung – et cependant l’exactitude. Le génie. Une fois sans faille en soi-même, une indifférence abyssale aux abjections de la sentine « spirituelle ». Un Courage venu directemen des Couilles.

D’où provient donc ce Courage, d’où cette Connerie, d’où ce Génie » ?… La Connerie en effet partage avec la Femme de remonter à la plus haute antiquité. Il ne s’agit pas chez LADOUILLE d’élucubrations, mais d’une tendance fondamentale, car la Connerie est d’essence divine. Il était du dessein de Dieu que nous fussions cons (et que deviendrons-nous si les Martiens nous colonisent ? nous soumettre, ou disparaître). Nous autres les cons, prenons enfin la parole à cul découvert. Face aux beaux penseurs qui nous rebattent les oreilles des « bienfaits de la mort » et de la « grandeur de l’échec humain » du haut de leur réussite, affirmons haut et fort que nous autres, cons de base, n’accepterons jamais la mort et l’obscurité.

Dieu n’est pas fait pour dissiper notre terreur, au-dessus qu’il serait de ce petit quart d’heure, « la mort », pfff ! Mais contrairement à ceux qui nous enferment sous notre peau de « singe nu », nous prétendons nous opposer sans relâche à la Nature Humaine. Car tel est le fin mot de l’histoire : LADOUILLE et WEININGER étant égaux devant la mort, il n’est pas juste que l’un survive et que l’autre meure, et que je meure.

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Le Tout-Bourignac, ou mieux : Tout Bourignac a entendu, au moins une fois, « Au Cul les Bonnes Femmes » (ACLBF). Hors du village,incognito total. Mais ce n’est pas une raison pour précipiter le bouc émissaire JÉRÔME LADOUILLE dans les latrines de l’Histoire. Mais « n’anticipons pas » et goûtons l’aphorisme : « Quand une bonne femme aime un gonze, a peut pas l’sentir «  (cf. Strindberg : « Lorsqu’une femme aime un homme, elle le hait, parce qu’elle se sent inférieure et soumise à lui ») (référence introuvable, et pour cause).

« Par rapport à ce que fait le mec, ce que fait la bonne femme est complètement dingue » (ACLBF, 75,6,7) (cf. Moebius : « Comparé à celui de l’homme, le comportement de la femme paraît

pathologique, comme celui des nègres comparé à celui des Européens » De l’imbécillité physiologique de la femme, plusieurs fois réédité) (cette citation figure dans Otto Weininger de Jacques Le Rider, pp. 41 et 75)

« Moi chuis un mec, je baise pasqu’y faut bien, autrement c’est dégueulasse » (ACLBF, 90,6,8) – ici, pas de parallélisme ; la connerie ne peut rivaliser plus longtemps avec la fulgurance).

« À force de chialer pis de gueuler, une bonne femme finit toujours par vous enculer » (op. cit. , 98, 5, 1)

« Aucun mec ne trouve beau le zob [sic] de la femme, qui blesse la pudeur » (on voit que J.L. avait de la culture).

« Les prolos sont tous des cons, mais c’est quand même moins pire que si ça soyerait des bonnes femmes » (op. cit., 101,5,7 et 8,2)

.N’oublions pas que Bourignac compte parmi ses citoyens le futur Jo Bambogne, le Baffeur de Femmes…

Combien nous comprenons de nos jours l’amère déception de JÉROME LADOUILLE, qui nourrissait l’espoir que son courageux lancer ovoïde l’aurait d’emblée propulsé aux rang de prospecteurs des espaces ! Quelle émotion nous étreint à lire, sous la plume de J. Duchemin-Delagoutte (Ladouille et moi, itinéraires spurituels) (non mentionné par Jacques Le Rider) cet aphorisme ladouillique :

« Ah que les femmes, toutes des putes »

qui approfondit vertigineusement le regard extralucide porté par Notre Héros sur 52 % de l’humanité... Il ignorait encore que la postérité lui avait réservé une place de choix dans ses fosses communes !

Nous ,ne pouvons résister au plaisir grave et généreux d’offrir à l’admiration de nos lectrices deux ultimes aphorismes :

« Les bonnes femmes, elles se souviennent que quand on les a tronchées »

« Toutes des putes, sauf maman », faussement attribué à Reiser.

...C’est à présent seulement que les chercheurs les plus autorisés ont démontré l’infériorité manifeste de la femme/

Nous pouvons maintenant savourer sans recul ces axiomes, ce qui prouve bien entre autres et malgré tout la réflexion d’Emmanuel Mounier, selon qui « la caractérologie dépend étroitement de la conception qu’une époque se donne de l’homme et de sa destinée ».

 

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N’est-il pas ignominieux que les traits éblouisssants de JÉRÔME LADOUILLE se soient engloutis dans la poix des ténèbres périgourdines, tandis que les inepties d’un Weininger (effrontément usurpées par Paul Valéry sur les frontons du Trocadéro) reçurent, dès leur parution, un accueil amène et même perspicace de la part des critiques :

« ...fascinante hauteur de vue »… « ..bien sûr, c’est la question féminine qui retient le plus l’attention, mais à la fin cette étude se retourne contre l’homme » (Westen ou Daheim, cité in Le Rider op. cit.p. 34).

« ...nous admirons ce penseur impitoyable ».

Pourtant Weininger fut déçu – par lui-même assurément, dont il entrevoyait l’insoutenable écartèlement :

« Je tiens à saluer clairement que, tout en affirmant du point de vue théorique l’inégalité la plus extrême qui se puisse concevoir, je considère néanmoins que le point de vue éthique impose de traiter les deux sexes à égalité «  (in Le Rider, op. cit. p. 33)

Cependant, pour autant que cela pût lui être de quelque réconfort dans l’autre monde, il n’a pas manqué de femelles assez CONNES, imprimons-le bien gros, pour se réclamer de lui plus ou moins implicitement, et s’ériger, s’ériger, dis-je, en ardentes défenderesses et propagandistes des inepties les plus foutrement misogynes : revêtons en effet notre bourkino-scaphandre antimerde et plongeons : il se trouve encore, après la remise à plat de Simone d’Abreuvoir, des femmes pour revendiquer une différence, et scier la branche où elles sont perchées : Évelyne Sullerot, 75 ans après Weininger, dirige encore un ouvrage dont le titre, à lui seul, distille son pesant de Tampax : Le Fait (???) féminin ; Première partie, le corps. Bisexualisme, ontogénèse et phylogénèse, l’inné et l’acquis… - plus un chapitre, tenez-vous bien, sur « la différence de structure entre les cerveaux mâle et femelle chez le rat ».

Deuxième partie : l’individu. Transsexualisme, psychologie différentielle des sexes, différences sexuelles dans la neurologie de la cognition, répartition des troubles psychopathiques selon le sexe. « En somme, la démarche et les questions restent les mêmes depuis Otto Weininger » (in Le Rider, op. cit., p. 59) ( et une idée explose en nous : et si c’était vrai?)

...Ce serait trop horrible. Restons-en aux conclusions tirées par Évelyne : « Simone de Beauvoir avait dans une formule célèbre dit : on ne naît pas femme, on le devient. Au terme de ce livre, tout lecteur aura compris qu’on peut aussi renverser la formulation : on naît bel et bien femme, avec un destin physique programmé différent de celui de l’homme et toutes les conséquences psychologiques attachées à ces différences. Mais on peut modifier ce destin ». (Le Rider, op. cit.)

Notons, tant qu’une puissante verve nous anime, que l’on ne peut en même temps affirmer qu’on ne naît pas femme, et que l’on naît obligatoirement homosexuel… Ni bien sûr que l’on ne naît pas femme, et que, ma foi, personne ne naît homosexuel non plus. « Avec fougue, Claude Alzon, de sexe masculin, règle son compte au « Fait féminin » : « La féministe Évelyne Sullerot accorde son crédit à une entreprise pseudo-scientifique de dévalorisation de la femme » (in Le Rider, op. cit.)

Mais si ces femelles imbéciles avaient seulement voulu s’engloutir au sein de l’inépuisable vagin cérébral d’Otto Weininger, elles eussent percuté un sacré stérilet : en effet, le voici qui éjacule un fulgurant concept auquel nous avions précédemment fait allusion, proprement révolutionnaire en son temps : la bisexualité de tout être humain.

« La classification des êtres vivants en mâles et femelles apparaît insuffisante pour rendre compte de la réalité » (Otto Weininger, Sexe et Caractère, cité par Le Rider, op. cit.)

La chose pourtant était en l’air, si l’on peut dire. Il n’est que de citer, lectrice, une femme battue, elle aussi, contemporaine de Ladouille – Éliane Surlepot : Les coups que j’aime, chez Delacogne. Mariée pendant treize ans à un pochard, elle soutient que les gnons (...)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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