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PETIT LIVRE DES GRANDES FETES RELIGIEUSES

LE PETIT LIVRE DES GRANDES FETES RELIGIEUSES

 

 

HISTOIRE D'UNE DOUBLE ETYMOLOGIE

Depuis l'Antiquité, la plaie reste ouverte : le mot « religio » (ancêtre de « religion » en langue française) vient-il de « religare », « relier » ? ou bien « relegere », « relire avec soin », “choisir” (“élection”) ? La controverse est d'importance : en effet, dans le premier cas, la religion serait ce lien sacré qui nous unit à la divinité d'une part, et entre nous, les humains, d'autre part ; nul doute que les religieux de toute confession ne préfèreraient cette interprétation, qui les parerait tous des plus lénifiantes vertus civilisatrices. Les chrétiens invoquent l'autorité de Lactance et de Tertullien, Pères de l'Eglise (il est question aussi de Lucrèce (-98 / -55) dans son  De natura rerum - or une relecture complète de cette œuvre ne m'a pas fourni la moindre trace d'une telle assertion ; Lucrèce affichait d'ailleurs un matérialisme notoire, et fut dit-on puni de son impiété par les dieux eux-mêmes, qui le rendirent fou...et le firent mourir jeune...)

Or, la seconde hypothèse, (“choisir soigneusement”), loin d'être exclue, a pour elle l'autorité d'un Cicéron (De natura deorum, II, 10) ; elle signifierait alors « moyen de contenter les dieux », « ensemble de pratiques et de rites », et pourquoi pas « moyens de nature magique visant à obtenir des faveurs du monde divin ». Aulu-Gelle emploie le mot religens, « qui respecte scrupuleusement le culte des dieux », dont le contraire est évidemment negligens, « qui les néglige ». Saint Augustin lui-même, tout évêque d'Hippone qu'il fut, ne recule pas devant cette hypothèse. Mais si dans l'ensemble les chrétiens ont préféré la première origine, les païens ne rougirent pas d'avoir recours à la seconde. Et rien jusqu'ici ne permet de départager les tenants de l'une ou de l'autre étymologie. Nos ancêtres les Antiques ne possédaient pas la moindre notion de la science étymologique actuellement en usage.

Ils ne pouvaient se référer qu'aux “on-dit”. Ils interprétaient, par exemple, le mot “amazone” comme “celle qui n'a qu'un sein” : “a” = “un”, “mazos”, “le sein”, ces guerrières ayant paraît-il pour coutume de se couper le sein droit pour avoir plus d'aisance (dans le tir à l'arc), traitement aussi barbare qu'inefficace... les anciens Hottentots se tranchaient un testicule pour être plus légers à la course... Eh bien non ! “amazone” veut dire « qui rassemble » (hama) [ses vêtements] avec une “ceinture” (“zôna”), “qui ne fait qu'un(e) avec sa ceinture” - monumentale erreur des Grecs ! Passons aux Latins : “sepulcrum”, “le tombeau”, proviendrait du prétendu préfixe “se”, “absence de” (nulle part attesté...), et de “pulchrum”, “beau”.

Le sépulcre signifierait donc “le pas beau”, par crainte superstitieuse de le nommer directement... Or ce mot est de la même famille, évidemment, que “sepelire”, “ensevelir”... Passons

sur les élucubrations moyenâgeuses concernant les étymologies de noms de saints, “Agnès” provenant de “agnoscendo”, “en connaissant”, pare qu'elle “connut la voie de la vérité” (Légende dorée de Jacques de Voragine), “Vincent” de “incendiant le vice” et autres pitreries. N'en déplaise donc aux tenants de l'archaïsme, nos connaissances sur le passé s'accroissent, au contraire, à mesure que nous nous en éloignons.

C'est pourquoi il devient de plus en plus difficile d'accepter benoîtement le terme “religion” comme devant “relier” les humains, car dans la réalité, ou étymologiquement – la chose est plus que douteuse... juif,chrétien,musulman

 

QUE SIGNIFIE “RELIGIO” ?

Ce qui est certain en revanche, c'est que religio signifie scrupule (page 1336 du Gaffiot): “Il s'en fait un scrupule” - aliquid religioni habet. Religio, c'est l' “attention scrupuleuse”, la “délicatesse morale”, la “conscience” (“se faire une conscience de”), et le “sentiment religieux”, la “crainte pieuse”). Enfin, le “culte”, les “pratiques religieuses” : il fallait par exemple prononcer telle prière sept fois et non six, sacrifier à Jupiter un taureau blanc (si l'on n'en trouvait pas, on passait à la craie le flanc de l'animal) (pauvre bête !). Il s'agit donc là ni plus ni moins, in fine, que de rituels magiques ; une telle acception corroborerait donc plutôt l'étymologie re-legere, “recueillir de nouveau”, “repasser dans la pensée” (pour ne rien oublier) (du rite), comme attesté dans le Gaffiot.

Mais qui saura cela désormais, à présent que le latin lui-même, jadis langue des dieux, puis langue de Dieu, n'est même plus considérée comme obligatoire au séminaire, ce qui est tout de même un comble... Ces passes d'armes à fleurets mouchetés nous permettent d'aborder le thème de cet ouvrage ; c'est en effet cette fonction de “relier”, à laquelle certains paraissent (à juste titre) si attachés, qui se manifeste essentiellement lors des cérémonies et des fêtes, caractérisées par leur destination collective. Toutes les festivités ainsi rappellent, à intervalles réguliers, l'appartenance de chaque individu à une collectivité, ou d'une collectivité à une autre plus vaste, telles les fêtes de Jupiter Latin affirmant l'identité latine de cités primitivement indépendantes.

 

COMMENT ET POURQUOI Y A-T-IL DES FETES RELIGIEUSES ?

C'est donc non seulement un élément de cohésion, mais une occasion aussi de défoulement communautaire, de rupture - de folie : chez les chrétiens, la Fête des Fous, le 1er janvier (jour de la Circoncision) donnait lieu à toutes sortes de débordements, voire de profanations. En dépit des interdictions (la dernière date du 19 janvier 1552), la pratique s'en poursuivit jusqu'en 1645 à Antibes. La fête en soi s'interprète donc comme un élément de désordre, dans un monde que domine l'ordre. Et malgré les mises en garde, les fêtes religieuses risquent toujours de dégénérer en beuveries ou en “foire à tout” (le site Noël” sur internet vous propose pendant des pages toutes les connections commerciales et bouffatoires imaginables avant qu'il soit question le moins du monde d'une quelconque référence religieuse).

Aussi les fêtes religieuses proprement dites, dans les trois religions monothéistes qui nous intéressent ici, tendant à renforcer la cohésion et l'ordre, se sont bien souvent efforcées de se substituer, tant bien que mal, à des célébrations plus ou moins orgiaques, en leur superposant leurs prétextes cultuels et liturgiques, récupérant et confisquant ainsi l'inévitable reliquat de désordres au profit de ses seuls prêtres ou autres illuminés – dont elles se méfiaient par ailleurs.

 

QUELLE EST LEUR FONCTION ?

Une fête religieuse en effet tient à se distinguer d'une fête profane en ce qu'elle fait appel non à quelque sentiment d'appartenance à une communauté professionnelle (“Fête des vignerons”) ou territoriale (fêtes nationales), c'est-à-dire à quelque chose de tangible, mais à une solidarité transcendantale, céleste (sous cet aspect, certaines célébrations patriotiques, en certaines circonstances exaltantes comme la récupération d'une indépendance ou la libération d'un territoire occupé, peuvent s'apparenter à une fête religieuse, dans la mesure où le concept de Nation se trouve exalté au niveau même d'une entité divine ; là encore, la frontière est aisément franchie entre l'émotion et la ripaille : le 14 juillet 1919 fut essentiellement une gigantesque et obscène célébration de la Dive Bouteille bien plus que de la Sainte Patrie...

 

PROFANE OU SACRE

C'est ainsi que nous pourrions différencier le profane du sacré, distinguant plus ou moins malaisément ce qui relève de la tradition profane, des concession profanes (divertissements proprement dits, échange de cadeaux, traditions pittoresques) de ce qui a trait à la célébration proprement dite, pouvant se manifester par des cérémonies austèrement recueillies : mouvement d’une extrême gravité : mouvement universel de bascule, entre le “plateau” du festin profane, récupéré par les forces apaisantes de la religion, et celui de la célébration solennelle tout empreinte d'élévation – l'un sans l'autre, au vu de la dualité humaine, semblant difficilement concevable. Opposer d'autre part de façon plus sociologique les festivités ou débordements populaires aux recueillements de l'élite en évoquant une “religion à deux vitesses”, une pour le peuple, une pour les clercs, nous rappellera, de façon moins sectaire, moins ésotérique, deux dimensions présentes en chacun de nous, et ce, quelle que soit notre appartenance sociale...

Un autre distinguo s'effectuera également : les cérémonies et fêtes privées, mariages sanctionnés et sanctifiés par la religion, baptêmes, circoncisions et communions, interviennent bien entendu de façon tout à fait particulière (voire inattendue pour des funérailles, conçues dans certaines communautés comme de véritables fêtes) ; mais il semble difficile et peu souhaitable, pour ne pas dire impossible, de célébrer l'une de ces fêtes en même temps qu'une réjouissance officielle. C'est ainsi par exemple que les noces ne peuvent se célébrer, pour les juifs, entre la Pâque et Souccoth (fête des Cabanes), “par suite de l'interdiction de confondre deux occasions différentes de joie, celle de la fête et celle du mariage”. En France catholique, la coutume est de ne pas célébrer de cérémonies familiales un jour de fête ni même un simple dimanche ; il s'agit là du maillage, de la scansion d'une vie individuelle, irrégulièrement superposés à ceux de la vie communautaire.

 

RESPECT DE L'ORDRE CHRONOLOGIQUE

Nous traiterons donc des fêtes religieuses publiques, par ordre chronologique d'apparition des religions, même si d'aucuns affirment qu'Adam fut déjà un parfait musulman ou un parfait juif (n'est-il pas de bonne guerre que chacun s'estime le premier sur la place ? certains chrétiens ne se figurent-ils pas que tous les dogmes remontent à l'Evangile selon Jésus-Christ, ainsi que le moindre rite de tous les sacrements, alors même qu'on leur démontrerait cent fois que tout cela ne s'est élaboré qu'au fil des conciles et des décisions papales, voire impériales ? )

Chaque fête recevra donc une définition, la plus succincte possible ; puis nous établirons sa date, ses références historiques ; nous évoquerons les rites et liturgies qui les accompagnent ; les coutumes et réjouissances, publiques et privées, dont elles sont soulignées ; enfin leur signification mystique, dans la mesure où les sources religieuses des trois grandes confessions monothéistes occidentales, juive, chrétienne et musulmane, nous en aurons instruit.

 

LES FETES JUIVES

BERNARD COLLIGNON FETES RELIGIEUSES 6

 

 

GENERALITES

Les fêtes juives comprennent des fêtes de p7lerinage, que les fidèles devaient accomplir au Temple de Jérusalem afin d'y apporter leurs offrandes ; ce sont Pessah (“la Pâque”), Chavouoth (“fête des moissons”) et Souccoth (“fête des cabanes” ou “des tabernacles”). Ce pèlerinage cessa d'être obligatoire après la destruction du second temple en 63 de l'ère chrétienne (ou “ère commune”). Il s'agissait vraisemblablement de la célébration de rites agricoles, auxquels la religion substitua sa marque indélébile. Les autres fêtes sont Roch Hachana (“tête de l'année” ou jour de l'an), Yom Kippour (“jour du grand pardon”) et Hanouccah (“fête des lumières”).

Nous y ajouterons “Pourim”, qui concerne plus particulièrement les enfants avec ses cadeaux et ses déguisements. Chacune de nos rubriques s'ouvrira donc sur des questions de datation, et les évènements historiques ayant inauguré leur établissement, puis nous rendrons compte des rites et des coutumes qui s'y attachent, comme nous l'avons dit précédemment ; mais il manquerait l'essentiel à nos chapitres si nous ne nous efforcions pas de déterminer, à partir des meilleures sources, l'esprit qui préside à ces fêtes et les significations profondes, métaphysiques et personnelles, dont on ne saurait les détacher sans en dénaturer le sens.

 

LE CALENDRIER JUIF

 

 

Mois Durée Equivalent grégorien

 

Nissan 30 jours Mars-avril

Iyar 29 «  Avril-mai

Sivan 30 «  Mai-juin

Tammouz 29 «  Juin-juillet

Av 30 «  Juillet-août

Eloul 29 «  Août-septembre

Tishri 30 «  Septembre-octobre

H'eshvan 29 ou 30 jours Octobre-novembre

Kislév 30 ou 29 «  Novembre-décembre

Tévét 29 jours Décembre-janvier

Shevat 30 «  Janvier-février

Adar 29 ou 30 jours Février-mars

[Adar II 29 jours Mars-avril]

 

Les fêtes juives s'établissent à partir d'un calendrier lunaire, différent du calendrier occidental dit “grégorien” ; il existe donc un certain décalage (onze jours de retard environ par année) entre les dates juives et le calendrier devenu universel, décalage rectifié tous les deux ou trois ans par l'intercalation d'un mois supplémentaire appelé adar 2. On ajoute aussi parfois une journée à certains mois, pour éviter que Yom Kippour ne tombe un jour de shabbat, ce qui gênerait considérablement l'accomplissement des rites.

 

ROCH HACHANA

Le Nouvel an juif

La tête de l'année”

Chana”, “l'année”, est apparenté au verbe “chana”, changer.

 

DATE

Le Jour de l'an se fête les 1er et 2 tishri (septembre-octobre), soit le premier jour du septième mois – comme si nous nous souhaitions la bonne année le premier juillet ; on ne fête plus le 1er du premier mois, celui du printemps (“aviv”) à l'exception des caraïtes, qui ne respectent pas en l'occurrence les prescriptions rabbiniques ; nissan se réfère à la date de la sortie d'Egypte (jour de la Pâque, de Pessah).

En terre d'exil (en galout), depuis la fin du Moyen Âge, Roch Hachana, seule de toutes les fêtes, se célèbre sur deux journées entières en raison de l'impossibilité de faire coïncider les dates en toutes les parties du monde ; y compris en Israël... C'est même en ce jour que le monde fut créé - à la plus antique religion devait revenir l'idée de commémorer la date même de la création de l'univers - “le jour de l'accouchement du monde”. Le calendrier se serait donc déjà trouvé en vigueur avant la création du monde - certains l'affirment également de la Torah. Bien d'autres anniversaires se célèbrent aussi ce jour-là : celui du jugement et du pardon de notre ancêtre Adam, et pour certains celui de la création même d'Adam et Eve ; le premier jour de la création serait alors le 25 éloul.

Des femmes stériles ont conçu ce jour-là un enfant, particulièrement Sarah (qui engendra Isaac) et Rachel (Joseph le Patriarche ; ce dernier fut libéré ce jour-là de prison pour devenir vice-pharaon d'Egypte) – de même, le travail forcé des Hébreux a pris fin ce jour-là en Egypte (sept mois avant la Pâque ?) et la rédemption aura lieu également à Roch Hachana. Roch Hachana concentre donc tous les commencements et toutes les fins du monde, dans une perspective eschatologique globale, point de départ et aboutissement du big bang divin !

Ajoutons à cela le sacrifice d'Abraham, dont le fils Isaac fut remplacé par un bélier : c'est à cette occasion que retentit pour la première fois le son du chofar ; à la suite de cette preuve d'obéissance intervint l'alliance de Yahweh et de son peuple. Abraham fondait ainsi, le jour même de l'anniversaire de la création du monde, la religion unique par excellence, la religion juive. Il fondait du même coup, par un élargissement ultérieur de la même alliance sacrée, la religion chrétienne : d'une part, en refusant le sacrifice d'Isaac, Dieu enseigne à sacrifier son animalité intérieure et non à tuer l'homme, et d'autre part, ce sera le sacrifice du Christ qui mettra un terme aux abattages d'animaux ; le fils non plus du patriarche, mais de Dieu le Père lui-même...

 

DATES

En 2010, Roch Hachana se célébrait les 9 et 10 septembre (5771)

2011 (5772) : 29 et 30 octobre

2012 (5773) : 17 et 18 septembre

On rappellera que la fête de Roch Hachana n'est pas observée par les caraïtes, qui observent strictement la Torah, rejetant la tradition rabbinique.

RITES, LITURGIE

En souvenir justement du bélier que l'ancêtre Abraham sacrifia en lieu et place de son fils, la sonnerie du chofar (corne de bélier) (qui retentit pour la première fois ce jour-là) revêt une importance primordiale. Cette sonnerie est aussi caractéristique de la religion juive que celle des cloches pour le chrétien, ou l'appel du muezzin pour le musulman. Mais plus encore, dans la religion juive, elle représente l'apogée du sentiment originel d'union à Dieu.

Le chofar doit retentir cent fois (signe de bénédiction totale) pendant les cérémonies de Roch Hachana, différemment réparties selon les communautés (les juifs comme les musulmans n'ont pas d'autorité unique à l'instar du pape, chaque groupe suivant donc sa coutume).

Prières, chants et poèmes liturgiques ou “piyyoutim” se succèdent ainsi durant les deux jours de la célébration de Roch Hachana. Nous n'allons pas énumérer tous les détails des cérémonies, nos lecteurs n'ayant pas tous vocation à exercer des fonctions liturgiques à la synagogue. Retenons simplement que, le premier jour, on lit le récit des naissances d'Isaac et de Samuel. Le lendemain, celui du sacrifice d'Isaac, et les rares versets de Jérémie où il est question d'espérance : “Poussez des cris de joie sur Jacob; éclatez d'allégresse à la tête des nations !”

 

BENEDICTIONS PRODIGUEES LE JOUR DE ROCH HACHANA

Baroukh ata Adonay elohénou Malekh Aolam chéhéhiyanou vékiémanou véhiguiyanou

lazémane hazé : Béni sois-Tu notre Dieu Roi de l'Univers qui nous a fait vivre, subsister et parvenir à ce moment-là.

Lé chana tova tikatevou – Soyez inscrits pour une bonne année (Chana Tova !)

 

COUTUMES

Le tachlik : ce mot signifie “tu jetteras” (...”tes péchés dans la profondeur de la mer”, Michée, 7, 19). Symboliquement, l'après-midi du premier jour de Roch Hachana, les fidèles retournent leurs poches et jettent dans une eau courante les déchets, miettes et poussières qui s'y sont accumulés, en signe de purification des péchés de l'année ! Les femmes ne sont pas tenues à cette obligation, et doivent se tenir séparées des hommes pendant qu'ils accomplissent ce rite...Certains secouent leur mouchoir, ou jettent une pierre dans l'eau, ou bien y crachent (en Tunisie), ou bien y sautent (au Kurdistan). Si Roch Hachana tombe un chabbat, ces coutumes s'observent le deuxième jour – et certains rabbins rejettent de telles superstitions...

Les autres coutumes se manifestent en général dans le cadre familial, et varient comme nous l'avons vu d'une région à l'autre. Tout le monde s'habille de blanc. Même la nappe qui recouvre le lutrin de la Torah est blanche.

 

REJOUISSANCES ET CADEAUX

Toute fête est l'occasion de somptueux repas : nappe blanche, les petits plats dans les grands, les fleurs ! Le benjamin dépose sur la table les mets de l'espérance : grains de riz, feuilles de menthe et fleurs de lavande. Le repas n'utilisera pas de sel, mais proposera uniquement des plats à base de fruits, de miel, de sucre. Ajoutez à cela le pain brioché, le vin doux ; les fruits du grenadier, du palmier-dattier ; certains, rapportant le nom de tous ces aliments à des passages de l'Ecriture, peuvent ainsi affirmer qu'ils “mangent le Livre” ! On apporte ensuite la tête (roch) d'agneau, ou, à défaut, de poisson, offerte au chef de famille en lui souhaitant de rester “à la tête”, et non “à la queue”...

Se consomme ensuite, avec un minimum de sel tout de même, le potage aux sept légumes, rappel de la bénédiction du pays d'Israël, qui produit le froment et l'orge, le raisin, la figue et la grenade (cette dernière contiendrait 613 graines, nombre de nos mérites ! ...ou des obligations appelées “mitzvoth”, qui sont autant de mérites...) - enfin l'olive et le miel.

Et au dessert, on croque des pommes trempées dans du miel en se souhaitant “une année douce comme la pomme trempée dans le miel”. Certaines communautés confectionnent des boules de pain sur lesquelles on a gravé par exemple une échelle, symbole de l'ascension de l'âme vers Dieu.

Dans certaines communautés sépharades, on observe un jeûne le troisième jour.

 

SIGNIFICATION DE ROCH HACHANA

Deux métaphores peuvent être employées : celle de la plante, dont Roch Hachana est la graine : l'année à venir se rapportera à cette graine ; ou celle, plus moderniste – du “programme” d'ordinateur, qui se déroulera comme il a été programmé !

Mais c'est aussi Yom Tarona, “le jour de la clameur (du chofar)”, ou “Kissé” (“le Trône”, où Dieu s'installe ce jour-là” ( "Notre Dieu et Dieu de nos pères, règne sur le monde entier dans Ta gloire, et préside au monde dans Ta chèreté, et révèle dans la gloire ta puissance sur toutes les créatures terrestres, et il sera connu à toute œuvre que Tu l'as œuvrée , et toute créature comprendra que Tu es son créateur, et chacun dira en son âme, Hachem est Dieu d'Israël, Roi, et Son règne surpasse tout [autre] règne.") - voire, disent les rabbins, “Yom Hadin”, le Jour du jugement” : “A Roch Hachana tous les habitants de la terre passent devant Lui comme le troupeau du berger, ainsi qu'il est dit : “Celui qui a façonné ensemble leur cœur, distingue tous leurs actes.” Et c'est en fonction des actes de l'année qui vient de s'écouler que Dieu ordonnera les évènements pour celle qui vient.”

Nous voulons relater la puissance de cette journée : elle est redoutable. En elle, Ta royauté s'élèvera et Ton trône sera fondé sur la justice. En vérité Tu es le juge et Tu as souvenir des choses tombées dans l'oubli. […] Pareil aux moutons dénombrés par leurs bergers, les hommes et leurs actes sont scrutés par toi ; Tu fixes le délai pour chaque être vivant et Tu décides de son sort. A Roch Hachana, Tu l'inscris et à Kippour tu apposes ton sceau : combien quitteront ce monde et combien y entreront. Qui vivra et qui mourra, qui à la fin de ses jours, qui prématurément, qui par le feu, qui par l'eau, qui par la guerre, qui par l'épidémie. […] Qui sera élevé et qui sera abaissé. Qui sera tourmenté. Qui sera fortuné et qui sera indigent. Mais le retour : téchouva, la prière : téfila, et la justice : tsédaka, peuvent faire revenir Dieu sur sa décision.”

La téfila (prière) n'implique pas de supplication, mais exprime le “rattachement” à Dieu, par un mouvement de bas en haut. La tsédaka est aussi “charité”, sans trace de condescendance ; une attitude de “droiture”

Il inscrit dans le livre de vie , en effet, ceux qui se sont distingués par leur mérite, et dans le livre de mort ceux qui ont effroyablement péché. Or, la plupart des hommes n'étant ni bons ni mauvais, il est besoin d'attendre huit jours, jusqu'au Yom Kippour (“Jour du pardon”) pour connaître le verdict du Père Suprême. Il ne resterait qu'à trembler et prier en ces “jours terribles”, tout en comptant bien, malgré tout, sur la miséricorde infinie de Dieu. Roch Hachana est l'occasion de “faire téchouva” (“retour sur soi”), où l'on réfléchit lucidement, sans culpabilité, sur le sens de sa vie, de ses relations avec autrui et avec Dieu. Observons que la récompense ou la punition ne s'attribuent que pour la durée d'une année. Bien entendu, au jour de sa mort, chacun recevra sa sentence définitive.

 

LE CHOFAR

Il s'agit d'une corne de bélier. Si Roch Hachana tombe un chabbat, on ne souffle pas dans le chofar. On distingue la teki'ah ( תקיעה, sonnerie longue et ininterrompue), les shbarim (שברים, “brisés”, trois petits sons brefs, la terou'a (תרועה, clameur), série de sept sonneries rapides. C'est, à l'exception des percussions, l'instrument le plus ancien encore en usage : une sonnerie grêle, rauque et râpeuse, nullement triomphale, mais renvoyant, par son caractère archaïque et rudimentaire, à l'origine même des Temps... Certains commentateurs sont même allés jusqu'à le rapprocher des plaintes de la femme en travail ou des premiers cris douloureux du nouveau-né : comme si en vérité surgissait du néant, s'accouchait, le monde entier.

C'est un langage d'avant le langage, celui du cœur lorsqu'il est encore pur, celui qui vous rapproche le plus de la voix informulée de Dieu : voix céleste, “pur vagissement de l'âme” ; rappel de l'origine en même temps que de la fin, cycle inéluctable ici ramassé en un seul instant. A cette interprétation métaphysique se joint le sens plus accessible de la considération morale : de même qu'Israël sonnait le chofar pour entrer en campagne militaire, de même il s'agit pour chaque croyant d'entrer en guerre contre son mauvais penchant, le “yetser hara”. C'est bien sûr la période des “bonnes résolutions”, du ressourcement, de la “table rase”, où l'on reprend en main son intériorité : nous devons changer notre mode de vie, et, partant, le monde. Le son du chofar nous éveille à l'existence, mais aussi nous réveille, car nous avions négligé de lutter : examinons notre conscience, remettons-nous en question au plus profond de nous-mêmes, revenons à notre nature première ! Car le son du chofar, ayant retenti le jour de la création du monde, sonnera aussi le réveil de tous les morts au jour du Jugement dernier.

YOM KIPPOUR

(“jour du pardon”)

 

GENERALITES

...Ce jugement de Dieu intervient à Yom Kippour, à l'occasion d'un jeûne de vingt-cinq heures durant. Le fidèle reconnaît ses péchés, s'humilie, se réconcilie avec ses ennemis, puis fait son expiation devant Dieu afin d'obtenir son pardon... Cette fête est la plus respectée de toutes celles du calendrier juif (73% des Israéliens), même par les non-croyants (...que l'on appelle ironiquement “les juifs du Kippour”...) : tous les membres d'une communauté juive, même les moins convaincus par la religion, ont en effet à cœur de se retrouver ce jour-là et de resserrer leurs liens : Car en ce jour on fera l'expiation pour vous, afin de vous purifier ; vous serez purifiés de tous vos péchés devant l'Eternel (Lév. 16, 30). "Le dixième jour du septième mois, ce sera pour vous une sainte convocation, et vous mortifierez vos âmes..." (Lévitique 23, 27).

Yom Kippour est le jour le plus saint et le plus solennel. Il marque l'apogée des dix jours de repentir, de pénitence et de retour à Dieu (téchouva) qui suivent la fête de Roch Hachana. C'est l'unique jour de jeûne prescrit par la Bible.

 

DATES

Yom Kippour a lieu le 10 du mois de tichri :

le 8 octobre 2011 (5772)

le 26 septembre 2012 (5773)

 

HISTORIQUE

Yom Kippour, tout comme Roch Hachana, ne rappelle aucun évènement purement historique (d'après la tradition, ce fut le jour de la circoncision d'Abraham et de toute sa maison). La Torah qualifie Yom Kippour par l'expression “chabat chabaton”, le “chabat des chabat”, qui serait comme “le chabat” de toute l'année, c'est-à-dire, le “Jour” différent de tous les autres jours de l'année. Ce jour de pardon fut octroyé par Dieu aux membres du peuple d'Israël, suite à l'épisode idolâtre du veau d'or dans le désert du Sinaï.

LE JEÛNE

Pour obtenir le pardon, trois démarches sont essentielles : la prière, le jeûne et l'aumône. La veille au soir on consomme un repas complet (la seoudat hamafsèqet). Puis le jeûne est observé pendant vingt-cinq heures (du coucher du soleil, la veille, jusqu'à la tombée de la nuit suivante), à partir de 12 ans pour les filles, 13 pour les garçons, un jeûne absolu, sans manger ni boire ; certains vont même jusqu'à ne pas avaler leur propre salive. Quand tout ce temps est écoulé, on fera mieux de ne pas se ruer sur les friandises, mais de prendre, pour commencer, une tasse de thé sucré. Ensuite, bien sûr, ce n'est pas une raison pour s'empiffrer.

 

LITURGIE ANCIENNE

Mentionnons pour mémoire la coutume (désormais interdite) de faire tourner un poulet vivant au-dessus de sa tête en disant "Voici mon double, voici mon remplaçant, voici mon expiation. Puisse cette poule ou ce coq aller jusqu'à la mort pendant que je m'engagerai et continuerai une vie heureuse, longue et paisible.” C'est qu'il n'y avait plus de temple pour les sacrifices. Dans l'Antiquité le Yom Kippour était l'occasion de cérémonies bien plus solennelles qu'aujourd'hui. Le point central de ce jour était le sang versé pour l'expiation du péché. Toute la nation d'Israël se rassemblait pour voir le Grand Prêtre sacrifier un taureau et un bouc. Il apportait le sang de ces animaux dans le Saint des Saints (partie la plus sacrée, la plus reculée du Temple de Jérusalem), et aspergeait sept fois l'arche d'alliance, derrière le voile. Le sang du taureau expiait les péchés du prêtre et celui du bouc, les péchés de tout Israël. En sortant du Saint des Saints, le prêtre posait ses mains sur la tête d'un bouc vivant, le “bouc émissaire”, et transférait sur lui tous les péchés des enfants d'Israël. On le poussait ensuite dans le désert, où il était chargé de rencontrer Dieu... et mourait de faim et de soif : “Aaron jettera le sort sur les deux boucs, un sort pour l'Eternel et un sort pour Azazel (Prince des démons, nommé plus tard Satan). Aaron fera approcher le bouc sur lequel est tombé le sort pour l'Eternel, et il l'offrira en sacrifice d'expiation. Et le bouc sur lequel est tombé le sort pour Azazel sera placé vivant devant l'Eternel, afin qu'il serve à faire l'expiation et qu'il soit lâché dans le désert pour Azazel.” Lév. 16 : 7-10. “Le bouc portera sur lui toutes [les] iniquités” Lév. 16, 22. Les traducteurs bibliques modernes remplacent “bouc émissaire” par “bouc pour Azazel”.

BERNARD COLLIGNON FETES RELIGIEUSES 15

LES FETES JUIVES

 

 

 

LITURGIE CONTEMPORAINE

La veille au soir, pour les prières, on porte un tallit (châle de prière), parfois une sorte de toge immaculée ou “kittel”. L'office de “kol nidrè” (“tous les vœux” sont effacés) permet d'annuler tout ce que l'on a promis à Dieu, bien inconsidérément, durant l'année passée (version séfarade) ou à venir (version ashkénaze).

L'office de chakharit (“de l'aube”) comprend la lecture du chapitre 16 du Lévitique (voir plus haut). L'officiant porte ce jour-là une tunique dorée. Puis, après lecture de la description de la cérémonie d'expiation, celle-ci se déroule véritablement : c'est une confession de caractère général, rédigée à la première personne du pluriel (ainsi donc, après avoir bien rappelé ce qu'il convient d'accomplir, on l'accomplit, afin de confirmer la célébration minutieuse et canonique du rite en question).

Le jour du Yom Kippour interviennent cinq offices extrêmement précis, au cours desquels le Grand Prêtre revêt des habits sacerdotaux différents. A la synagogue, les assistants se couvrent la tête et le corps de tallit blancs. À Yom Kippour, chaque prière contient un viddouï ou formule de confession.

L'après-midi, à l'occasion de la minha (“lecture”) traditionnelle, se lit le chapitre 18 du Lévitique, relatif aux interdits sexuels : l'acte d'amour ne doit pas être accompli sans amour ni respect. La lecture de la Torah est complétée par celle de la Haftara (texte tiré des prophètes), relatant l'histoire de Jonas appelant à la conversion, lui qui auparavant refusait de transmettre la parole de Dieu, et du repentir, ou “retour à Dieu” (“téchouva”) du peuple de Ninive. A l'office du yizkor (“commémoration”), les ashkénazes, en particulier, rappellent la mémoire des êtres chers qui sont morts ; c'est alors la prière du kaddich qui constitue l'élément essentiel. Traditionnellement, les enfants, et les adultes dont les parents sont toujours en vie, quittent la synagogue pour la durée de cet office de clôture. Cet office porte le nom de neïla, “fermeture”, car les portes de la repentance se referment : le jugement de Dieu est désormais scellé pour chacun de nous. Le chofar retentit, marquant la fin de cette journée de recueillement et de jeûne.

 

COUTUMES

Le jour même, tout s'immobilise en Israël. Théâtres, cinémas, stades, tout est fermé. Les autobus ne roulent pas. La télévision et la radio ne fonctionnent pas. Du moins en était-il ainsi jusqu'à l'attaque

surprise de 1973 - certains juifs ne sont pas près d'oublier qu'après la Shoa, les Européens ont refusé aux avions américains le droit de transiter par leurs aéroports....

 

QUELQUES EXPLICATIONS SUR LE BOUC EMISSAIRE... (“le bouc envoyé”)(à la face de Dieu...)

Ce fameux bouc, prévu pour le jour des propitiations (les “propitiations”, en particulier celles du Yom Kippour, sont des sacrifices qui rendent Dieu propice aux humains, ce qui rachète donc les fautes commises) porte sur lui le mal, et son rejet hors de la communauté est le geste nécessaire à l'expiation. Cependant, comment comprendre la prescription divine d'offrir, pour le servie du jour de Kippour, un bouc destiné à Azazel ? Azazel est le prince céleste régnant sur les déserts et les lieux de désolation. C'est la force qui préside aux destructions, aux guerres, querelles, plaies, blessures, désaccords, désunions et ruines.

L'expression figurée “bouc émissaire” apparaît en France dès 1690, et sera reprise à propos de l'affaire Dreyfus : “Sur ce bouc émissaire du judaïsme, tous les crimes anciens se trouvent représentativement accumulés”(Clemenceau). Un tel sens communément admis révèle à la fois une compréhension littérale du rite expiatoire décrit dans le Lévitique – et la méconnaissance des principes proclamés par a Bible et le judaïsme. Ce passage exposant le sacrifice, l'errance et l'excommunication (le “hérem”) peut être mis en parallèle avec le sacrifice d' Abraham, l'exclusion d'Agar et d'Ismaël, mais surtout avec le meurtre d'Abel par Caïn. La conception juive du pardon diffère de celle du christianisme ; elle enseigne que le pardon ne peut s'obtenir que de la part de la victime. Il faut “excommunier” le pécheur afin que seul, dans le secret de sa conscience, il puisse réfléchir sur la dimension étique de ses actes. L'Être éternel appliqua cette règle à Caïn en lui imposant un signe (“ôt”) afin que personne n'enclenchât une mortelle spirale de violence, et en lui infligeant, justement, l'excommunication. Mais cette dernière, comme voie de descente en soi-même, ne saurait être pour autant confondue avec l'expulsion du bouc vers Azazel. Ce rite cathartique sensibilisait les anciens Hébreux aux conséquences de la transgression des règles. En simulant l'exclusion inique du juste, on attirait l'attention des Hébreux sur les crimes dont tous les hommes, sans exception, peuvent se rendre coupables, provoquant inévitablement l'éclatement des sociétés ; il n'existe pas de communauté humaine sans éthique, et la rupture de cette unité entre Dieu et l'éthique provoque la chute de toute société humaine.

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