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  • Schmitt, Dante et les dantistes

    Schmitt, Éric-Emmanuel, est un brave garçon, au doux sourire, aux lippes luisantes de gosse dans une pâtisserie, dont il aurait peut-être abusé, avec une bonne voix douce et des manières de chat onctueux. Il a reçu maints prix, Goncourt de la nouvelle en 2010 et deux Molières. Son recueil La rêveuse d’Ostende est de l’année 2007, où déjà de nombreuses ventes et autorités l’ont consacré comme bien-aimé des spectateurs et des lecteurs : salles combles et gros tirages en plusieurs langues. Avec cela, modeste et convenable. Vous pensez bien qu’un tel préambule ne saurait se terminer autrement que sur un “mais”, un “bémol” comme dirait Salamé, recuit de rancune et de mauvaise foi. La rêveuse d’Ostende, très beau titre, serait ainsi un hommage à l’imagination, car ses recueils de nouvelles traitent chacun d’un thème particulier.

    L’imagination, selon notre auteur, serait l’apanage des femmes, et il en met en scène cinq ou six, chacune avec ses délires. Léger inconvénient, le manque de mémoire que j’en ai. Juste une évaporée vivant seule dans son château, et qui reçoit un jour un noyé ranimé : Ostende est une grande plage donnant sur l’infini, parfaitement sinistre même en plein été. Mais à part cela, il m’aura fallu relire Crime parfait pour me souvenir de ce deuxième titre, et La guérison, numéro 3, dont vous aurez un court extrait tout à l’heure, ne m’a donné nulle envie de poursuivre le texte. Voulez-vous que je vous dise ? Au risque de m’abandonner au courant dominant, ce que nous appelons en français le mainstream, il me faut avouer que la femme, telle que dépeinte en ce recueil, paraît frivole, coquette, accordant une grande importance aux regards – pour une fois – masculins, éprouvant des “picotements dans le bas-ventre” (je cite, hélas) à la vue d’un profil nasal bien viril, ou bien se confiant à une pipelette vulgaire et poussant son mari dans le vide alpestre.

    Une antiquaire, en effet, se laisse impressionner par une grosse cliente, bariolée comme un perroquet et toujours prête à dénigrer les hommes, ce qui n’est pas difficile j’en conviens. Notre antiquaire examine donc le sien, d’homme, et finit par convertir toutes ses qualités (c’est un homme à qualités) en défauts soigneusement et hypocritement dissimulés : s’il n’a pas de maîtresse, c’est donc qu’il cache des maîtresses, ah le salaud. Elle le pousse dans un précipice, mais un berger, en contrebas, l’a vu faire. Son avocat fait passer le témoin pour un gros bouseux, ce qu’il est, et sa cliente se voit acquitter sous les sanglots d’attendrissement du public. Deux ans plus tard, se rendant compte de son erreur, car son mari l’aimait très tendrement et sans arrière-pensées, elle se jette à son tour dans le vide, au même endroit bien abrupt.

    Veuillez m’excuser, mais le scénario de cette deuxième nouvelle me semble rebattu comme chemise au lavoir : le crime est parfait, mais la coupable se fait justice, prétextant ne pas pouvoir survivre à cette perte irréparable. Pendant toute la nouvelle, cette Gaby (tel est son prénom, Gabriel ayant été celui de son mari) n’a cessé de mentir, de croire n’importe qui comme une imbécile, de se mettre en colère contre son avocat, de piquer des crises de nerfs et de larmes à point nommé, de battre des paupières et de se moucher. Ce n’est plus du Schmitt (à vos souhaits), mais du feuilleton américain en access prime time (as they use to say). Ce n’est pas du Daniel Boulanger, encore qu’on en reconnaisse la touche (des clowns homo en retraite, chez Boulanger, ça avait de la gueule tout de même, et, au moins, du style).

    Ne soyons donc pas surpris si les adjectifs qui se bousculent à mes lèvres à propos de Schmitt sont : “misogyne, convenu, vulgaire” ce qui est bien dommage pour un si charmant garçon qui fut transformé par une expérience mystique en plein désert, jadis. Le tout nappé dans un style sirupeux et de bonnes manières, que l’on retrouverait chez Albéric Second, ce con, et un ton paternaliste : “ah mon Dieu les braves petites connes, mais ce ne sont que des femmes il faut comprendre”. Et cette ironie condescendante, interprétée par les louangeurs comme une “tendresse très humaniste envers ses héroïnes”, n’est en fait qu’un mépris apitoyé. Je veux bien croire que l’auteur en use au second degré, mais il y a d’autres ‘seconds degrés”, moins usés jusqu’à la corde, moins éculés.

    Qu’il y ait certaines personnes, hommes ou femmes, prêts à s’attendrir sur ces comportements et commentaires (sous-entendus) complètements ringards (hommes qui cèdent aux pleurnicheries, “je n’en connais pas un qui résiste”) dans le genre “ah c’est bien vrai qu’elles sont comme ça les nanas” ou “les hommes succomberont toujours aux afféteries du” (prétendu) “charme” ou du mystère (parfaitement ranci) de l’ “éternel féminin”, c’est plausible, “eh oui dans le fond” (du slip ?) “c’est bien comme ça qu’on est tous” “qu’on est toutes”, la chose est concevable, et c’est pour cela que Schmitt rencontre un tel succès, mais ces avalanches de clichés me décourageaient totalement dès mes 13 ans d’espérer un jour être à la hauteur, et je me souviens des transports de soulagement et de joie lorsque j’appris qu’il existait des établissements où l’on pouvait se hasarder à des rapports sexuels pour de l’argent, ce qu’on appelle vulgairement des bordels.

    C’est encore ce qui m’a toujours dissuadé de sauter sur les femmes déjà à poil avec des éructations de gorille en rut (taille de l’érection : 5cm, je parle, scientifiquement, du gorille, demandez aux spécialistes (de l’érection, et du gorille), réflexe tendre qui me faisait entendre des phrases comme “on voit bien que tu n’en as pas vraiment envie” (tu la fermes de temps en temps, connasse ?) ou “j’en ai marre de ces comportements de collégien”, ou encore “tu baises mal parce que tu parles en même temps” (pourquoi ? il faut faire “ouff ouff” ou “pouff pouff” ?) Notez que maintenant, à lire les articles enthousiastes de Télécaca sur les femmes généralement lesbiennes ou bi houba qui font en sorte de démolir les hommes blancs forcément dominateurs et méprisants”, on n’a qu’une envie : se couper les couilles sans se faire trop mal trop mâle, et surtout, éviter à tout prix de laisser voir à une femme qu’on aurait bien envie d’elle.

    femmes,Belgique,Italie,paradisÇa fait tellement crado, n’est-ce pas. Avant de dire des conneries (trop tâââârd) je vais vous lire un passage aux petits oignons où les femmes passent pour des noix. L’une d’elles, infirmière, vient de se faire dire par un malade :”Cela fait du bien d’être soigné par une si jolie femme”. Or il porte un bandeau sur les yeux. Oui, l’humour, sa cruauté, air connu, sa subtilité, ritournelle, son immense tendresse, kyrielle. Donc,

    “Une fois dans le couloir, elle fondit en larmes” - les femmes, ça pleure, c’est à ça qu’on les reconnaît.

    “La découvrant au sol”, carrément, “sa collègue Marie-Thérèse, une Noire d’origine martiniquaise, l’aida à se relever, lui glissa un mouchoir entre les doigts puis l’emmena dans un réduit discret servant d’entrepôts à pansements.

    “ - Eh bien, ma petite puce, que se passe-t-il ?LE TABLEAU EST D'ANNE JALEVSKI venez le voir au 4 avenue VictORIA à MERIGNAC

    “ Cette tendresse inattendue redoubla le chagrin de Stéphanie qui sanglota contre l’épaule dodue” (putain, cet humour cruel !) “de sa collègue ; elle n’aurait jamais cessé si l’odeur de vanille qu’exhalait la peau de Marie-Thérèse ne l’avait apaisée en lui rappelant des bonheurs d’enfance, anniversaires chez ses grands-parents ou soirées yaourts chez sa voisine Emma.

    “ - Alors, d’où vient ce gros chagrin ?

    “ - Je ne sais pas;

    “ - Le travail ou la vie privée ?

    “ - Les deux, gémit Stéphanie en reniflant” jusqu’au rectum.

    Elle se moucha avec bruit pour clore son égarement.

    “ - Merci, Marie-Thérèse, ça va beaucoup mieux maintenant.

    COLLIGNON LECTURES LUMIÈRES, LUMIÈRES 65 02 20 43

    SCHMITT “LA RÊVEUSE D’OSTENDE”

     

     

    “Quoique ses yeux demeurassent secs le reste de la journée, elle n’alla pas mieux ; d’autant moins qu’elle ne comprenait pas sa crise.

    “À vingt-cinq ans, Stéphanie avait étudié pour devenir infirmière mais se connaissait mal. Pourquoi ? Parce qu’elle se méfiait d’elle-même, distance héritée de sa mère qui ne portait pas un regard bienveillant sur sa fille. Comment se serait-elle accordé de l’importance quand la personne qui l’avait mise au monde et qui était censée l’aimer la dénigrait ? Léa, en effet, n’estimait sa fille ni jolie ni intelligente et ne s’était jamais gênée pour le dire ; chaque fois qu’elle le clamait, elle ajoutait : “Que voulez-vous, ce n‘est pas parce qu’on est mère qu’on ne doit pas se montrer lucide !” L’opinion maternelle, légèrement altérée, commandait l’opinion de la fille. Si, pour l’intelligence, Stéphanie avait combattu son persiflage – alors que Léa, dépourvue de diplôme, continuait à vendre des vêtements, Stéphanie avait décroché son bac et réussi une formation paramédicale -, pour la plastique, en revanche, elle avait adopté sans broncher les canons esthétiques maternels. Puisqu’une belle femme, c’était une femme fine aux hanches étroites, aux seins pommés, telle Léa, alors Stéphanie n’était pas une belle femme ; elle rentrait plutôt - sa mère le répétait souvent – dans la catégorie boudins. Douze kilos supplémentaires alors que, en taille, elles n’avaient que sept centimètres de différence !

    “Du coup,” comme disaient Louis XVI et Marie-Antoinette, “Stéphanie avait toujours repoussé les propositions de Léa “pour s’arranger”, craignant d’ajouter des ridicules au ridicule. Persuadée que dentelles, soieries, tresses, chignons, boucles, bijoux, bracelets, parures d’oreilles ou colliers choqueraient autant sur elle que sur un travesti, elle se savait une femme physiologique mais ne spus’évaluait pas plus féminine qu’un homme.” Là, je me fais engueuler par les transgenres. “La blouse blanche, le pantalon blanc lui convenaient et, lorsqu’elle les raccrochait au vestiaire de l’hôpital, elle n’enfilait que leurs équivalents noirs ou bleu marine puis troquait ses sandales orthopédiques contre de grosses baskets blanches.”

    Bon, j’espère que le gros con qui me prend pour un hitlérien ne va pas téléphoner pour “enfiler leurs équivalents noirs” ou, circonstance aggravante, “ou bleu marine”. À part ça, pour faire Angers - Le Mans – Alençon en train, La rêveuse d’Ostende chez Albin Michel s’il vous plaît est un excellent petit ouvrage qui n’est pas le meilleur d’Éric-Emmanuel Schmitt, mais qui se laisse oublier aussi vite qu’il se sera laissé lire. La prochaine fois, Éric Zemmour, préparez vos bazookas.

    COLLIGNON LECTURES

    DANTE « LA DIVINE COMEDIE » 59 06 15 60 05 30 91

     

     

    L'avertissement de Dante, en ouverture au chant II du « Paradis », ne possède pas l'insolence que nous y avions superficiellement inventée : laisser partir le vaisseau sur l'océan de l'infini, retourner au port sur sa petite barque, signale plutôt l'effroi divin du pilote que le mépris des petites gens : le navire qui fond dans la lumière explore des territoires inconnus des humains, et nous devons nous contenter de nos limites et de nos sorts. De même l'auteur baisse-t-il les yeux toutes les fois où Béatrice a proféré ses éclaircissements. L'humilité ne s'adresse pas à la femme ici, mais aux paroles de la divinité, incarnées à la mesure de qui peut les recevoir : c'est ainsi que Dieu ne se peut figurer sans mains ni pieds, dit le poète.

    Le chant deux contient des explications confuses selon notre sciente : Béatrice explique les taches de la lune non pas en fonction de l'épaisseur ou du vide, porosité ou densité, de la matière, mais de la quantité de lumière émise en chaque partie du corps céleste. Mais lorsque Dante parvient à la première sphère, il rencontre les moniales dont le vœu fut rompu par la brutalité des mortels . Et l'une d'elle devint mère. D'abord, aucune de ces femmes n'envie les sphères supérieures : telle est la volonté de Dieu, qu'elles transforment en leur volonté propre. La vierge Marie elle-même ne connaît point d'autre séjour. Comment ces femmes pourraient-elles envier quiconque ?

    L'injustice vue de terre n'est pas la même que vue du ciel, pour lequel il n'est point d'injustice. Or, Dieu a donné la liberté à sa créature, pour l'excellente raison qu'elle n'eût sans cela pas été différente de lui, sans pouvoir être même créée. Lors du rapt de ces religieuses, même si leur désir du divin ne fut en rien diminué, leur volonté propre ne s'éleva pas jusqu'à totalement résister à leurs ravisseurs et profanateurs. Cette chose existe, mais de façon extrêmement rare. Et d'une certaine façon, fût-elle infime, elles consentirent à leur dégradation. Car cette faiblesse devint alors volonté de Dieu. Nous voulons tous échouer, car nous fûmes créés faillibles. Il n'existerait alors qu'une faille de liberté : entre le moment où nous fûmes créés, et celui où Dieu récupéra notre volonté pour la faire sienne, non pas pour nous obéir, mais pour en quelque sorte récupérer son bien.

    Dieu se rétracte en tsimtsoum, puis se regonfle et de nouveau nous absorbe. Très ingénieux, et aporique, de la même façon qu'Edipe à la fois se voit responsable et non coupable, mais aussi bien coupable et non responsable : exemple invoqué non pas seulement pour aporiser cette énigme non résolue de la liberté, mais aussi pour montrer que paîens et chrétiens s'accordent, quoique en régimes différents, pour buter sur le mystère au moyen de l'insoluble, et l'affirmation de l'inéluctabillité du destin : Anangkè, ce qui est forcé, ce qui serre à la gorge : angoisse, angine. Le signe saint et sacré suscite la révolte, l'appropriation (ou l'opposition). Deux fois plus de rivalité que d'alliance, ainsi enserrée. Se révolter, lutter avec l'ange, est le destin de tous les hommes libres. Ils seront vaincu par l'ange, mais ce dernier retournera aux cieux. Plus historiquement, l'empereur Justinien s'adresse au poète, afin de l'éclairer sur l'Histoire. Il semblait n'avoir régné que par la grâce de Théodora, l'acharnement de son Bélisaire.

    Nous l'avons oublié, comme tout empereur. Il est distant de 750 ans pour Dante, soit autant que saint Louis pour nous. Justinien fut chrétien, mais nous aurions du mal à le voir jouir de la deuxième sphère des bienheureux. Écoutons Béatrice à son sujet : « Vois combien de hauts faits l'ont rendu digne de respect : il commença au moment où Pallas mourut, et lui donna la royauté. » Je ne connaissais de Pallas que cet affranchi de Claude, que ce dernier a si haut élevé. La royauté doit s'entendre « empire », « impérium ». Les « hauts faits » seront-ils militaires ? « Tu sais qu'il fit sa demeure dans Albe pendant trois cents ans et plus, jusqu'à ce que trois combattirent pour lui ». Ou bien « il » représente Dieu, présent partout dans l'Histoire, ou bien c'est Justinien, considéré comme présent dès les prémisses de la puissance romaine.

    Il serait ainsi la puissance englobante de plus de mille cinq cents ans d'Histoire, sorte de manteau de Dieu. J'ai du mal ici à me frayer un chemin. D'autres fonceraient, mais ce qui m'aura toujours manqué, c'est la modestie, l'histoire de la science, l'épistémologie chronologique : de ces fameux théorèmes, de ces démonstrations, de cette façon de poser la division, j'aurais aime connaître l'historique, afin de suivre les approximations des hommes à travers les siècles : ainsi j'aurais connu l'épaisseur humaine de la science même mathématique, et je me la serais assimilée avec plus de sympathie, d'empathie humaine, au lieu de subir le joug des assertions autoritaires, considérant comme le dernier des crétins celui qui « n'a pas compris ».

    C'est ainsi (toujours ces plaidoyers pro domo) que j'entends justifier ces errances que je développe devant le lecteur. Et pour l'instant, ce reniflement du règne de Justinien jusqu'à l'époque des Horaces et des Curiaces me laisse perplexe : « Tu sais ce qu'il fit depuis le rapt des Sabines jusqu'à la douleur de Lucrèce, sous sept rois, en soumettant tout autour les peuples voisins ». Quatre cents ans passent en une phrase. Aurons-nous droit au récapitulatif de toute l'histoire romaine ? C'est un procédé couru, chez Sidoine lui-même. Et je remonte un peu : oui, le « il » représente Dieu.

    Car en remontant bien, Justinien, qui parlait au début, invoquait le Créateur. Dante et Béatrice faisant du remplissage en évoquant tout le passé romain, Collignon de la Collignonnière peut donc se figurer qu'il les imite. Nous avons donc résolu cet enfantillage, sans avoir pu régler la question de la prédestination. « Tu sais ce qu'il fit, porté par les Romains illustres contre Brennus, contre Pyrrhus, contre les autres princes et nations ; » - Dieu porté par les Romains, et les portant aussi, en illustration de cet emmêlement tressant volonté divine et volonté humaine dont il était question ; « d'où Torquatus et Quintius, qui dut son nom à sa chevelure négligée (« Cincinnatus », le bouclé ?), et les Decius et les Fabius acquirent la renommée, que je me plais à honorer ; ».

    C'est toujours Justinien, et non pas Béatrice, qui parle. Que d'erreurs. Le Marcellus de la dernière Bucolique ne résumait-il pas à son tour toute l'histoire de Rome ? Virgile avant Sidoine, comme de juste. « Il terrassa l'orgueil des Arabes, qui franchirent, à la suite d'Hannibal, les roches des Alpes, d'où tu descends, ô Pô ! » Pour le coup, Dante se trompe, il n'y avait pas d'Arabes avec Hannibal, et le traducteur se vautre dans le risible, avec sa descente au pot (je suis mon propre boulet).

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    Les hasards que nous créons nous ramènent en arrière, puisque c'est à l'original italien que nous nous reportons aujourd'hui. Dixième chant des Enfers, sixième cercle, rencontre avec le grand Cavalcanto Cavalcanti. Dante marque une hésitation avant de répondre à ce dernier, qui apprend que là-haut, sur la terre, son propre fils est mort. « En arrière il retomba, et ne reparut plus. » Ce sont là des tombeaux qui s'entrouvrent, d'où sortent à demi les cadavres vivant là pour l'éternité. Que les gloses à présent m'inspirent : Cavalcante suppose que le Poète est venu là-dessous « de [lui]-même » : il suffit pour entreprendre une telle exploration souterraine de posséder l' altezza d'ingegno, la grandeur de l'esprit.

    Mais il y faut autre chose : une grâce sans doute, une licence divine. Sans elle, jamais Dante, malgré tout l'éclat de son génie, jamais n'aurait pu pénétrer ces immenses mystères. Le fils de Cavalcante se nomme « Guido ». Ce Guido dédaignerait Virgile, et pourquoi donc ? La chose n'est pas claire, et la note présente les divergences des exégètes : « certains » (je paraphrase) « ont estimé que Guido n'aimait pas le latin, ce qui semble une petite explication. D'autres, parce que ce même personnage estimait bien plus la philosophie que la poésie, suivant en cela Platon, bien que Virgile représente la philosophie sans démériter – mais Guido était, lui aussi, poète ! D'autres y voient des raisons politiques : le fils de Calvacante aimait la république, c'était un guelfe, alors que Virgile chantait l'Empire avec enthousiasme. C'est un petit jeu policier. Nous approcherons progressivement de la vérité. A moins que pour l'épicurien Guido Virgile ne soit trop religieux, ou ne présente la raison trop soumise à la foi. Nous lisons dans le dictionnaire que Dante passe d'un amour terrestre à l'amour divin, tandis que Guido Cavalcanti se fixe à l'épiphénoménologie du désir, qu'il ne dépasse pas, au sens platonicien du terme. Mais Virgile peut-il être interprété selon Platon ? Pour le fils de Cavalcante en tout cas, il n'existe nulle autre vie que celle-ci.

    À moins que Béatrice ne soit dédaignée, mais ce symbole est-il intervenu dans la Divine Comédie, à ce stade ? Il faudrait en ce cas supposer cui, masculin, équivalent de colei, féminin, comme l'a fait un certain Giambone en parlant de la notte, la nuit, ou de la « nature », page 237 nos précise-t-on. Ce sont là bien des hypothèses. Dante est bien scruté comme un texte saint. Les notes en bas de page se perdent en disputes d'exégètes, les uns tenant pour une hostilité à l'égard de Virgile et de lui seul, Del Luco s'opposant à D'Ovidio, s'il s'agit bien d'hommes : Guido possédait surtout une science de penseur, de philosophe naturaliste et laïque ; sa poésie (nous résumons) se bornait à la corde lyrique, toute intellectuelle, avec tout le bon goût toscan, le tout découlant des troubadours provençaux et Guinicelli.

    Tout foisonnait alors aussi bien qu'aujourd'hui, tout est au tombeau, nous manions des reliques. Et l'esprit souverain, l'ingegno sovrano, de Dante, parvint à rassembler ces deux courants, l'intellectuel et le sensuel, jonction inconnue de l'Antiquité. Dante aurait su réinterpréter une Enéide en quelque sorte à la fois classique et romantique. Le dédain de Guido Cavalcanti ne viserait dans Virgile que l'Enéide, la religiosité de cette dernière s'opposant à l'épicurisme du poète italien. Virgile en effet décrit la vie future dans son chant VI, modèle de la Divine Comédie ; c'est lui qui guide Alighieri dans son exploration internale. Nous résumons ici la note, conscients de nos insuffisances, heureux d'une si belle et complète explication, d'une si parfaite érudition.

    Mais la note suivante, commentant le sue parole ainsi que sa façon d'exprimer ses regrets, frôle comme bien d'autres la paraphrase : complimenter Dante pour son esprit, regretter son fils de telle ou telle sorte, révèlent à l'auteur l'identité de celui qui parlait en soulevant sa dalle funéraire – c'est au prix malgré tout d'une telle mastication, nous oserions le terme de manducation réservé à l'hostie, tant la révérence à Dante est grande, que nulle nuance de ses implications, nulle miette de son génie, ne reste ignorée, ni même vague. Comme l'Iôn d'Euripide, nous ne faisons que balayer le seuil du temple ! Ainsi se découvre à Dante le nom de son apostropheur, comme s'il le lisait, car il faut bien varier les présentations...

     

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    Croyez-vous que le traducteur aura droit à la moindre mention ? Que nenni. Il nous faut donc ramper dans la fange française, modeste et vermiculaire essai, sans savoir quelle humilité y aura présidé. Gustave Doré illustre nombre de pages, mais comme on dit, ne s’est pas nécessairement foulé. Tout au plus pouvons-nous apprécier, dans son encre rehaussée de craie, les longilignes aiguës d’un vague sous-Gréco dans l’unanime tension des ailes angéliques, toutes vers le haut comme à la parade. Comment représenter en effet les délice du paradis, autrement qu’avec une profusion de volatiles et de rayons en éventail ? Le texte en lui-même, dans sa réduction française, ne sait que juxtaposer les comparaisons parallèles, grands renforts de « comme » et de  « de même », ce que l’on qualifie d’ « homériques ».L’autre procédé, particulièrement lassant par son impuissance même : « Je ne saurais vous dire... »,  « nul ne peut exprimer « , »les plus beaux du monde », »la plus extraordinaire qu’on eût pu voir », « tels que je n’en avais encore jamais entrevus dans toute l’étendue de l’univers » - ces dernières hyperboles venant tout droit des romans de chevalerie par paquets de dix.

    Nous sommes en effet au paradis, au chant XXVII (hélas, il y en a XXXII), et les saints qui tournent sur eux-mêmes au milieu des nuées éclatantes ne sont pas moins puérils, ma foi (justement) que ces innombrables dieux ou déesses sereins ou courroucés, tous plus ou moins peinturlurés et chargés de symboles (le crâne vide se porte beaucoup dans les éternités) que nous rencontrons à chaque page du Bardö Tödol tibétain. De même donc (à notre tour) qu’il existe devant l’agonisant himalayen des divinités « irritables » (selon les traductions), de même la colère et la malédiction se trouvent-elles non seulement dans l’Évangile (Jésus maudit le figuier desséché) mais aussi dans les espaces paradisiaques de Dante:la cupidité « attire tellement les mortels dans (s)on abîme que nul n’a plus le pouvoir de porter ses yeux hors de (s)es flots ».

    Ce fut un grand jour pour moi que de découvrir le plaisir de nager les yeux ouverts sous les eaux. Et si j’avais vu des trésors, à coup sûr j’eusse enfoncé mon corps dans la flotte. Mais c’est ici une fugace vision infernale. « La volonté fleurit bien dans l’homme ; mais la pluie continuelle fait pourrir les bons fruits ». Les volontés ne sont souvent que des velléités. Les haines aussi. D’où provient donc cette pluie, puisque nous glougloutons dans la métaphore ? ...le reste du Déluge qui continue à pleuvoir dans nos âmes molles ? La sale pluie pourrisseuse ?… « La foi et l’innocence se trouvent seulement chez les petits enfants;mais chacune d’elles s’envole avant que le duvet couvre leurs joues ».

    Forcément, les enfants sont les plus cons. Dès qu’ils atteignent au plus tard la onzaine, toutes ces fariboles de nuages superposés s’effondrent sur une encombrante paire de couilles. Comment peut-on conserver la foi ? « redevenir comme de petits enfants » dit l’Évangile ? Et cette question érodante, taraudante : ne serais-je pas un d’Ormesson morne ? L’enfant jadis était une puissance, à présent juste une occasion de chialer. C’est de Redeker cette fois qu’il s’agit. Saurez-vous seulement de quoi nous parlons ? « Tel balbutie encore et jeûne, qui dévore, quand sa langue et déliée, toute nourriture en tout temps ». La divinité est-elle au fond des yeux d’enfants? Non, mais des bêtes. Le regard des bébés est bête. Il ne renvoie qu’au gros soiffard à venir. La bête ne sera jamais alcoolique ou bouffeur obèse.

    L’âme de l’animal est en prise directe avec l’anima divine. Celle du bébé avec pipi-caca. Ce n’est ici que du délire, une question d’association d’idées. Le chat est plus pur que l’homme. Il est en Dieu. L’homme est de Dieu. Il peut devenir grand savant bienfaiteur, ou salaud qui tire dans le tas. Le chat restera chat, même moche, même grognon et vieux. L’homme porte encore en lui le péché originel, auquel j’ai toujours cru, avant de le rattacher à sa liberté, à sa responsabilité. D’Ormesson,en plus morne vous dis-je, en plus erne. « Et tel en bégayant aime sa mère et l’écoute, qui, lorsque sa parole est ferme, désire la voir ensevelie ».

    Croissance du corps implique celle du Diable et de l’espri critique ». « Ici repose un ange » lit-on sur les tombes. Dante passe de la gloutonnerie au matricide intentionnel. L’animal s’accouple avec sa mère. Pharaon épouse sa fille. Il est le seul, étant Dieu sur cette terre, et quiconque l’imite est criminel à éliminer. Mais je refuse d’être animal. « Ainsi la peau de la belle fille de celui qui apporte le matin et qui laisse le soir, blanche d’abord, devient noire ensuite.

  • Les jumeaux

    LE POINT COMMUN C’EST L’INTRUSION, ET L’AMOUR IMPOSSIBLE. REFONDRE LES DEUX HISTOIRES.

    C'est la grande mode en ce moment de raconter deux histoires, en parallèle, sans rapport apparent. Exemple : "Persécutez Boèce", de Vintila Horia, et "Le paradis, un peu plus loin" de Vargas-Llosa.

     

    Ce tableau est d'Anne Jalevski, cherchez et vous trouverez sur Google. On peut le voir chez l'artiste.

    écriture,Pérou,Roumanie

  • LE NUMERO DE CLOWNS

    C o l l i g n o n H a r d t V a n d e k e e n

     

    dit Hardt Kohn-Liliom

     

    LE NUMÉRO DE CLOWNS

     

    TEXTE

    ÉDITIONS DU TIROIR

    maquillage,piste,rire

    Semper clausus

     

    Être clown n'est pas ce qu'on croit. C'est un métier. Cela s'apprend. Sur le tas aussi. Mais il y a des écoles de clowns. Si tu es doué, tu auras besoin de l'école ; si tu ne l'es pas, dix ans de piste n'y feront rien. Si tu parviens un jour à te faire accepter dans la lignée des paillasses, tu pourras bien éblouir le public, épater le profane, mais jamais un seul de tous ceux qui t'auront pour finir adopté, de ceux qui désormais constituent ta famille, ne manifestera la moindre admiration, le moindre étonnement : estime-toi toujours heureux d'avoir quelquefois inspiré de l'estime. Souvent tu auras été clown de naissance, car c'est bien le diable qu'un clown immédiatement doué ne soit issu d'une dynastie, école ou non ; et c'est cela que tu as oublié, Tcherkossian, ou que tu n'as jamais voulu avoir : une Dynastie.

    Tu as pensé qu'il suffirait d'un exotisme, d'un nom en -ssian, pour incarner le Chout, le Bouffon, Petrouchka – or le clown vois-tu n'est pas l'artiste de la troupe, celui-qui-fait-rire, tandis que d'autres trimeraient à ras de crottin en dessellant les bêtes ou en domptant les tigres – mais c'est lelui, le clown, comme tout le monde, qui bosse dans la bouse, douche l'éléphant, monte les gradins, à la courbature de son dos. S'il dit tout haut ce que les autres ne disent pas, il fait tout ce qu'ils font. Il conduit aussi les camions, nourrit les fauves à bouts de crocs, et c’est lui, le clown, qui détournait le public, par ses contorsions, de la trapéziste disloquée sur la piste.

    Musicien, il jouera le Troisième impromptu de Schubert sur une corde à travers un gant de boxe, du saxo la tête dans l’eau ; et tu prendras les baffes avec grandeur. Zavatta dit : « Si je reçois un coup de pied au cul et que les enfants rigolent, je suis le plus heureux des hommes ; si personne ne rit, je ne suis qu’un pauvre type qui vient de recevoir un coup de pied au cul ». Voilà pourquoi le clown est le plus humble, le plus orgueilleux, le plus vulnérable des artistes – celui sur qui tout le monde compte, qui répond présent partout où les autres défaillent, bien qu’ils ne défaillent jamais, précisément parce qu’ils n’ont jamais défailli, pour se faire à jamais justifier d’être le Verbe, l’Esprit, le clou que tous attendent, celui pour qui parfois l’on est venu avec toute sa famille, en faveur duquel on pardonne tout le reste si le reste est raté ; en vérité un cirque avec un mauvais clown est un cirque mort, un cirque, à la lettre, qui n’existe pas.

    Nous pourrions tout autant célébrer le dompteur, triomphe immémorial de l’homme sur la brute,  ou les antipodistes échafaudés les uns sur les autres et qui défient les lois de la résistance cardiaque ; mais la vanité m’incite à voir dans le clown la quintessence de tout ce que l’homme, homo faber, homo erectus, homo sapiens, est capable d’offrir à l’homme en sa plus sacrée, en sa plus immortelle représentation. C’est pourquoi, Tcherkossian, toute la troupe, après un entretien très grave, comme on dégage lentement la tête d’un nouveau-né, enfanta pour toi ce que tu n’aurais pu enfanter de toi-même : ce qui procède au plus près du Clown, plus seul encore et plus rongé de doute, un comique. Et même à supposer que les plus grands, que Devos à lui seul, qui d’une mimique, d’une pichenette, d’un ballon, enchaîne à ses pieds le public, au point que la plus mince expression passe pour un gag et déclenche le rire, c’est encore au clown qu’il soutire tout ou partie de son jeu.

  • NOUBROZI


    Récit poignant – chef-d'oeuvre à son pépère
    Éditions du Tiroir
    publié dans le numéro 1 du « Bord de l'Eau »père,martyr,famille

    Semper clausus
    NOUBROZI 2
    Pourtant j'imagine mon père en victime.
    Il joue bien son rôle. Ma mère le persécute. Nous formons un triangle où chacun se croit persécuté par les Tu vis seul à présent. Tu n'en sembles pas souffrir, à moins de dissimulation.
    NOUBROZI 3
    Quatre frères et soeurs à chaque étage. De Maubeuge à Namur en passant par la Suisse.
    Le berceau s'appelle la Meuse (Clermont – Stenay – Verdun).
    Mon Père et moi n'avons pas besoin de langage.
    Trop père en classe, trop instituteur à la maison, est-ce pour m'avoir dans sa « classe unique » qu'il refusa « Ta mère n'avait que son Certificat d'Études mais c'était une bonne ménagère, me répétera Noubrozi.
    Dès l'enfance, je dis : « Pauvre papa ! »
    Mon père s'agite au rez-de-chaussée. J'écris sur lui, sans documentation. Toute documentation serait une mentir, ni inventer ; ni broder mes constipations sur l'OEdipe (prononcez Édipe, comme ma mère, bande d'ignares) Depuis le temps, je n 'ai plus que moi. Mon père, fruste, repousse l'analyse au cas où se apparaîtraient des voir une psychiatre. Eh bien il n'y a qu'une chose qui l'intéressait : mon lit et ce que je pouvais bien faire de mes problèmes, elle me ramenait toujours à ça : mon lit. Pourquoi avec ta mère on faisait chambre à coucheries. Alors je n'y suis plus retourné. »
    Mon père s'appelle Roland, mon grand-père Eugène, le père d'Eugène Louis, Louis fils de Nicolas… La Saint très tardivement au calendrier : le 16 septembre ; Noubrozi ( « mon père » en djungo) tient beaucoup à dois pas rater non plus la Fête des Pères.
    Or, la responsabilité se mue en hérédité, la scolastique freudienne se substitue à la Providence : j'ai repris mon père, pour les absoudre, les justifier, les vivre. J'endosse.
    Le fils garant du Père. Je dois le justifier lui, avant de me justifier moi, non par chronologie, mais par logique nous nous emboîtons, enceints l'un de l'autre. Comme je n'ai pu être Moi, je serai Lui, mais pour le punir comment pourrait-il en être autrement, sera Moi.
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    J'évoquerai les deux enfances conjointes (tant de zigzags, tant de reprises en tache d'huile, de retouches, pour parler de soi).
    Mon père fut rejeté par sa famille. Sa mère prodiguait du martinet. (« Elle avait toujours un martinet à la et que je te taloche ! ») Roland venait après une soeur morte et regrettée. Il y eut une autre soeur après lui, dû naître fille. Il fut un faux aîné, chargé de tout et accusé si les cadets tournaient mal. Au Cours Complémentaire placé interne. XXX 64 12 11 XXX

  • CE QUE JE VOIS

    COLLIGNON DESCRIPTIONS CE QUE JE VOIS

    CLAVIER 60 10 05

    C'est une tâche bien ingrate. Simone de Beauvoir s'y est exercée parfois dans un bistrot de St-Germain, puis y a renoncé comme perte de temps, stérile. Ma personne dont la vie n'est que perte de temps (et "n'intéresse personne") s'occupera d'en perdre encore en décrivant l'objet qui me sert de compagnie tout au long de mes écritures : le clavier de la machine à écrire. Il supplantera bientôt l'écriture manuelle, comme ces fous d'Américains l'ont déjà entériné dans ce qu'ils appellent leurs écoles primaires, Grade Schools. C'est un grand rectangle sévère, revêtu de sa housse jusqu'à ce qu'elle tombe en ruine, déchirure après déchirure. Pour l'instant, seuls le"x" et la portion de touche dévolue aux majuscules présentent un trou palpable. simone,bureau,horloge

    Le reste est recouvert d'une enveloppe transparente et grise, sous laquelle se dissimule un noir de jais. Mais il ne faut pas l'enlever, pour que le dessous reste neuf : ainsi ma mère voulait-elle me convertir au port d'une imperméable sur ma gabardine poru ne pas la mouiller, ainsi les Alexandrins et les Marocains portent-ils sur leurs beaux vêtements leur pyjama le plus soigné, afin de les conserver neufs, ce qui fait qu'en définitive, on ne les voit pas. Mon clavier est français : AZERTY, et non QWERTY. Parfois, sans que l'on sache pourquoi, il vire à l'américain : fausse manœuvre sans doute ; il suffit de revenir en arrière dans la programmation, et tout s'arrange. Autrement, le m, le point, le point virgule, entre autres, demeurent introuvables, et les voyelles accentuées disparaissent. J'ai appris à dactylographier à 17 ans, sur une Olivetti verte que chacun a connu vers 61. Il y avait une tablature pour expliquer l'art et la manière de poser ses doigts, et les plus doués réussissaient à ne plus regarder le clavier : désormais j'y parviens à peu près. Mon Olivetti comportait 47 touches numérotées, mon bureau me montrait les chutes d'Iguaçu, dont une de 47 mètres (record : 90). J'avais donc imaginé que ce déversement, rapproché des manipulations du clavier, expliquaient ma peur du nombre 47, par la culpabilité due aux masturbations.

    C'est idiot n'est-ce pas. Mais quand je l'eus découvert, ou imaginé, je cessai d'avoir peur de mourir à 47 ans. Les lettres sont en majuscules sur la machine d'aujourd'hui, "USB KEYBOARD". Leur police est de style arrondi, la housse les rend ternes. A droite un pavé numérique, à verrouiller au reste pour l'utiliser (j'aurais cru que le verrouillage en interdisait l'accès ; mais c'est le contraire). Un croissant de lune en son dernier quartier montre le moyen de le déverrouiller. La première rangée, de F1 à F12, reste mystérieuse et je préfère ne pas y recourir. Tout ce qui touche la mise en page est extrêmement aléatoire selon moi...xxx61 08 17xxx