Texte rare et pas précieux du tout
Textes rares et pas précieux pour un sou. "Qui voudra lire les mémoires d'Alex Vérité ?" "Qui est-ce qui va vouloir acheter ça ?" comme disait l'un des philosophes les plus miteux de ce siècle. C'est bien simple : personne. Mes bras fléchissent, malgré les exervices dont les afflige mon kinésithérapeutre. Peute pas peutre. Bon sketch. Bien y aller de sa plume. Voilà bien longtemps qu'on ne se sert plus de plumes. Sauf les plumassiers. Une plume d'acier. Sergent Major. Les petites boîtes rouge et bleu vifs. Les pâtés. La crispation horrible de la petite phalange de l'index, à vous faire mal. Lettre la plus difficile à tracer : le "e". "Je veux aller à l'école avec papa". On m'y envoie. Je sais lire. Monsieur Corée remplace mon père : "Il m'a appelé Collignon !" Déjà ce nom perçu comme une insulte. Le remplaçant, jaune, vient voir mon père à l'étage. Ils s'entendent bien touts les deux. Je ne me réconcilie pas avec M. Corée. J'écoute mon père à la flûte traversière. Il fait partir toutes les mélodies du "do". Ce n'est pas cela qu'on appelle savoir jouer de la flûte. Ma mère méprise. Elle a souvent été méprisée, donc elle méprise tout le monde. Elle me nettoie dans la cuvette, à poil devant les ouvriers. Je ne trouve pas cela choquant. "Quand est-ce que tu vas te marier ? - Quand les prunes seront mûres !" En effet, j'ai dû lire ou entendre cela quelque part. Je ne comprends pas bien pourquoi tout le monde rigole.
Ma mère porte la haute chevelure brune des femmes jusqu'en 1950 ancien style. Elle a 38 ans, je la trouve jolie, j'ai quatre ans. Un petit garçon traîné par sa mère, enthousiaste, me dit "C'est ma maman". Superbe femme. Devant le portail du jardin public. Une autre femme, square Monthyon, balance son gosse sur une poussette superéquipée, avec plate-forme inférieure. Elle fait la tronche, la maman parisienne, car ce putain de garçon lui a pourri sa vie professionnelle et sociale. On sent qu'elle se sent ridicule avec ce fardeau de chair, tripes encore pendantes de son ventre tardif. Primipare quadra ? Cela se peut. J'en ai connu. Elle laissait tout faire à sa gosse, capricieuse comme pas une.
On ne me reprendra plus à promener la petite Fleur, qui examinait chaque motte de terre et chaque tige, tandis que nous attendions, à trois, en plein soleil, que Mademoiselle ait décidé de se remettre en route. Sur les photos, à 19 ans, elle arbore la moue amère de celle qui s'est aperçue, un peu tard, que non, elle n'était pas le centre du monde.