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d'Ormesson

Flaubert voulait écrire sur le rien : d'Ormesson l'a fait. Il parle de la lumière, qui transporte du passé, puisque les étoiles nous parviennent telles qu'elles étaient voici des millions d'années. Il parle du temps et de sa cruauté, qui finira bien par s'abîmer dans le néant comme le reste. Il évoque les chefs-d'œuvre qui dépassent l'homme, tels que l'Iliade et l'Odyssée, ou les portes du baptistère de Florence par Ghiberti. Il existerait selon lui tant de preuves du Grand Mystère ! D'ailleurs, Dieu s'appelle « x » ou « le mystère ». Ainsi le mot de « Dieu » se trouve évacué, ce qui soulage les non-croyants. Mais l'élimination d'un mot n'élimine pas l'abîme. Nous avons tous l'impression, la sensation d'un abîme. Et, tous, nous désirons faire quelque chose de cette immensité minuscule de la vie. Nous appelons cela notre responsabilité. Et par nos actions, nous complétons le monde, nous contribuons, nous continuons à le créer. Si nous croyons, nous sommes les co-créateurs, avec Dieu. Si nous ne croyons pas, il nous est difficile de penser que cela ne « sert à rien », autrement, pourquoi le ferions-nous. Rien de tout cela n'est propre à Jean d'Ormesson, descendant d'une illustre famille.

Etagements.JPGMais il nous le présente avec une telle gentillesse, une telle virtuosité, un tel sens de la conviction, une telle Grâce, avec ou sans majuscule, que l'espace de sa lecture, nous croyons en Dieu ou nous l'imaginons rien que pour faire plaisir à notre auteur. Nous avons été apaisés pour un temps. Reconnaissance à lui. Cultivons notre jardin. Relisons cette fameuse feuille abandonnée sur un banc d'église à Baltimore en 1692, année aussi du procès des sorcières de Salem, ô contradiction. Et si nous ne pouvons pas nous empêcher de haïr, ou de désespérer (c'est la même chose) disons-le à notre prêtre ou à notre psy (c'est la même chose), mais ailleurs, au moins, ne nuisons pas, et fermons nos gueules.

C'est trop court, nous disent nos deux auditeurs et demi. Mais gargarisons-nous de cette excellente dissertation pour terminales intitulée Comme un chant d'espérance par Jean d'Ormesson.

Car les sarcasmes pourraient pleuvoir, mais ils sont si tristes et si fréquents que nous avons voulu nous nettoyer quelque peu. Voici quelques évidences, quelques truismes peut-être bien, mais qu'il serait si utile de répéter à tous les illuminés : soyons humbles. Chapitre VIII, « Il est impossible aux habitants de ce monde de se faire la moindre idée du néant, de l'infini et de Dieu » - car Dieu est aussi le Grand Néant (d'Erthal). « La tâche inverse d'inventer un monde à partir du rien et de son éternité peut paraître, à première vue, aussi désespérée ».

La découvert du « mur de Plancke » en effet montre qu'il y a eu un « avant » et qu'il y aura un « après », autrement dit, une Histoire. « Les galaxies, le système solaire, la vie, l'histoire, la pensée étaient aussi invraisemblables aux yeux du vide et de l'Eternel (neutre) que Dieu aux yeux du monde et du temps. Il y a pourtant un abîme entre les deux regards. D'un côté, les hommes, minuscules insectes perdus dans l'immensité, sont incapables de se représenter Dieu ; de l'autre, Dieu tout-puissant » (le mystère tout-puissant), sans le moindre effort, sans la moindre hésitation, voit se dérouler dans sa totalité et dans ses moindres détails l'histoire de ce monde qui n'a pas toujours existé » - comme le pensaient et le pensent encore nombre de philosophes et de savants. Et le chapitre, tout petit, s'achève ainsi. Car d'Ormesson procède par petits éclairs, coups d'épingle, coups de sonde. Il met en relief des évidences, des impuissances évidentes. Ne pensez pas aux cours de catéchisme, ce n'est absolument pas cela. Il ne pérore pas. Il passe au chapitre IX :

« La tradition, la légende, le redoutable sens commun toujours impatient de se tromper » - j'adore cette expression, « le redoutable sens commun toujours impatient de se tromper » - imaginent souvent Dieu sur le point de prendre la décision de créer le monde. Ils le présentent même parfois en train d'hésiter. Aurait-il pu créer un autre univers que le nôtre ? » - certains pensent qu'il en existe plusieurs : non plus « l'uni-vers » mais le « multi-vers »… « A-t-il pesé le pour et le contre avant de passer à l'action ? Aurait-il pu choisir de ne rien faire jaillir du néant infini ? Toutes ces interrogations n'ont naturellement aucun sens. » Dieu ou le mystère ne peuvent évidemment pas penser comme un homme.

L'anthropomorphisme serait ici mathématiquement, et ontologiquement, déplacé.

« Dieu ne pouvait pas hésiter, délibérer, choisir entre plusieurs solutions. Non pas seulement parce qu'il est » (il serait) « tout puissant et que l'hésitation n'est pas dans son caractère ni l'incertitude dans son tempérament » - ironie. « Mais d'abord et surtout parce que toute hésitation, tout choix, toute délibération ne peut se dérouler que dans le temps.Tout ce qui relève d'une démarche intellectuelle, du désir, de l'histoire est lié au temps. Le temps ne coule pas dans l'éternité. Il est impossible de se représenter Dieu en train d'hésiter entre plusieurs modèles du monde à la façon d'un acheteur qui hésite longuement entre deux modèles de voiture ou d'équipement électroménager.

« Il faut aller plus loin. Dieu n'a pas pu décider de créer l'univers. Aucune succession d'instants, aucun cortège de possibles n'est concevable hors du temps. Ni aucune décision. » Quand je vous aurai dit que le Big Bang s'est peut-être produit en raison du choc d'une paire de multivers, et que la création aurait manqué à la perfection de Dieu en tant qu'accomplissement, donc lui est consubstantielle, donc est éternelle comme lui du début jusqu'à la fin des siècles des siècles ce qui revient à dire qu'il n'y a pas eu de création, vous aurez tout compris et vous n'aurez bien compris, car tout est dans tout et réciproquement. Sur quoi vous vous précipitez en vitesse sur le « roman » de Jean d'Ormesson, Comme un chant d'espérance. ÂÂÂÂmèèèèèènn.

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