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De Gaulle, ne reviens pas, nous ne sommes pas fous.

Le chevalier au torse nu.JPGCE "CHEVALIER AU TORSE NU" est d'ANNE JALEVSKI

Notre général, enrayeur sans plus du déclin de la France, distribue les compliments avec condescendance, pour mieux assommer par la bande. Les régiments (…) de Tunisie, bien qu'ils aient été naguère partagés en tendances variées, se montraient unanimement ombrageux de leur esprit de corps. De Gaulle, seul recours de l'unité française... Grand rassembleur des énergies, mais j'interromps la litanie. Mais, quels que fussent les détours par où le destin avait mené les uns et les autres, la satisfaction de se trouver côte à côte, engagés dans le même combat, l'emportait sur tout le reste dans l'âme des soldats, des officiers, des généraux. C'était la même chose, mon général, au temps de l'amalgame révolutionnaire, en 1792/93.
    Le combat est le meilleur ciment, et l'on aura trouvé bien des voix, dans nos féminines dissertations de premières, pour blâmer ce barbare qui souhaitait la guerre afin de ressouder la nation sur le corps de l'Allemagne. Ces demoiselles contemporaines auront vigoureusement blâmé ce désir de meurtres, au nom des principes qui nous étouffent, par exemple : « Un chien vivant vaut mieux qu'un philosophe mort ». De même, en Yougoslavie, nous n'allions tout de même pas, Messieurs les Politiciens, « ajouter la guerre à la guerre » en secourant les Bosniaques... Notre nation n'est plus qu'une pâte à chewing-gum. Il faut dire que, dans les villes et les villages traversés, l'accueil de la population ne laissait pas le moindre doute sur le sentiment public. A notre tour donc d'enfourcher le cheval à clichés, d'opposer les acclamations populaires aux tribuns aux sages consultations électorales censées représenter la démocratie.
    Ajoutons que le général de Gaulle n'était souvent connu de nous qu'à travers les revues satiriques, et mes ressentiments personnels à l'égard d'une personnalité puritaine, alors que j'étais en pleine éclosion postpubertaire. Nous nous apercevons à présent qu'il y avait de quoi ressentir de la fierté devant tant d'acclamations, et que nous eûmes de la chance d'échapper à ces monstrueux cultes de personnalités qui se sont manifestés avant et bien après notre libération. Autre élément ayant orienté nos appréciations, le fait que le général ait souvent résidé, dirigé aussi, depuis Alger, qu'il connaissait bien, s'appuyant sur l'Empire colonial quand il le fallait, jouant au petit maître du monde avec ses moyens dérisoires et prétentieux, mais sachant s'en débarrasser à temps sous la pression soit des contraintes financières (la France désormais ne pouvant plus ni exploiter éhontément l'Afrique, ni la hausser socialement à notre niveau comme l'exigeait enfin l'humanisme, ni conserver l'Algérie après tout le reste sous les yeux d'une opinion internationale déchaînée).
    Moyennant quoi, nous pouvons passer au général de Gaulle une certaine estime de soi-même, et un certain orgueil, voire un orgueil certain. Depuis nous nous avachîmes jusqu'à François Hollande.  En vérité, l'armée française, dans les proportions malheureusement réduites où il était possible de la refaire, montrait une qualité qu'elle n'avait jamais dépassé. Combien d'hommes, mon général ? Et pourquoi n'a-t-on voulu se souvenir que des troupes débandées parmi la population fuyante ? Pourquoi n'avons-nous pas voulu revivre les horreurs de Quatorze, et les Allemands, si ? Nous aurait-il donc fallu la propagande nazie ? Sans compter que, dès Le chagrin et la pitié, le mythe gaullien de la résistance universelle volait en éclat sous les sarcasmes.
    C'est ainsi que la France, donc, échappant à la fois aux dictatures et aux partis uniques, tels qu'il s'en formera dans nos anciennes colonies, marquait alors une belle unité. C'était le cas, au premier chef, pour la 2e Division Blindée. C'est elle qui délivrera Strasbourg, qui possède une avenue à son nom. Ma directrice de traduction allemande s'étonnait que l'on pût donner une appellation si peu pacifique à une grande avenue. Sacrés germaniques, devenus pacifistes ! Le 25 septembre, quittant la zone du général de Lattre, j'allai la voir à Moyen, Vathiménil, Gerbéviller. Ce sont là de beaux pays, mon général, proches depuis mille ans de l'ennemi héréditaire, ce qui soude d'emblée tout le monde, loin des « divisions » celles-là « partisanes », contre lesquelles vous ne cesserez de lutter. Pendant son court séjour à Paris, cette division avait recruté plusieurs milliers de jeunes engagés.

CHEVA

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