Matrice
52 02 25
A. Je suis prisonnier, on m'emmène dehors en promenade. Je m'enfuis vers l'intérieur, profitant d'un moment d'inattention de la bonne sœur petite et boulotte qui me sert de gardienne. Des doubles portes s'ouvrent, il s'agit d'un appartement bourgeois ordinaire à l'ancienne. Ma course est comme ralentie, mais je me dis que la bonne sœur sera également ralentie. A un moment donné, les doubles portes ne s'ouvrent plus. Forte angoisse.
B. Chez nous, au sommet d'un bâtiment. Annie ramène une consœur spécialisée dans l'artisanat. Je suis tout fier qu'un Courrier des Lecteurs de Télérama mentionne et cite mon Singe Vert : une phrase emphatique sur ma lutte pour plus de justice. Le lecteur conclut : “On verra bien”. Un autre journal me mentionne également. Seulement les deux femmes sont plutôt pressées de faire le repas avec des provisions d'été qu'elles ont rapportées. L'autre dit son prénom, je me plonge dans une revue d'artisanat, sans aider. Les articles que je mentionne ensuite à table sont accueillis avec une indifférence polie. Là encore, angoisse.
52 03 03
(...) grâce à la voiture de son frère (j'apprends ainsi son existence). Elle est un peu plus jeune (80 au lieu de 90) et les os de son visage se marquent plus (il s'agit de Mme N.). Je réponds que je préfère utiliser ma voiture, pour être plus libre. Elle me l'a demandé deux fois – la deuxième fois, elle me dit que ma femme leur avait laissé une liste de courses à faire et me la rend par la fenêtre, or il s'agit plutôt d'une facture d'achats déjà effectués, au supermarché.
Putain le rêve mystique...
52 03 05 Rêve se terminant par la vision d'un tennisman immobile, rattrapant et renvoyant infailliblement les balles, en faisant des mimiques supplémentaires, comme semblant de téléphoner, d'esquisser des gestes, avec l'aisance impassible et ironique d'un petit bonhomme brun de Gottlib aux bras multiples.
52 03 10
Touriste au Portugal, je suis logé dans ce qui s'appelle “chambre appartement” extrêmement fruste – avec un jeune Indien foncé souriant, qui fait une vague vaisselle sur une pierre à eau ou évier. Je découvre donc que le matin je devrai moi aussi me laver à l'eau froide, et me nettoie la figure avec un gant usé. Quant à lui, qui travaille et se lève tôt, il se propose de me faire chauffer une bouillotte. Arrive le propriétaire, grand rouquin, qui me reparle du prix et veut y ajouter 200 euros pour un professeur de médecine dans le besoin, épuisé par sa nombreuse clientèle. Je le laisse parler, feignant de ne pas comprendre, d'ailleurs son portugais est à peu près incompréhensible, le mien aussi, celui de l'Indien aussi. Je lui dis qu'il devrait l'écrire. Finalement nous réglons cette histoire de location à de grands guichets de marbre, sorte de banque ; il ne me reparle plus du professeur. Pour revenir, j'emprunte une plate-forme de train surchargée, de laquelle j'aperçois un avion flambant neuf et au design Twingo. Il hésite dans un ciel de banlieue, se disloque et tombe sous les commentaires apitoyés de tous. La plate-forme passe près des débris qui occupent un espace assez restreint, je vois des rangées de sièges inoccupés, de la partie arrière, espérant qu'il n'y a pas eu trop de victimes.
C'était la ligne Dakar-Lisbonne. La plate-forme continue son chemin, je dois lever la jambe pour ne pas me la faire happer par les rails...
52 03 14
A. Dans une ville d'Amérique du Sud où règne un vice-roi, tout le monde vit dans le luxe, avec des vêtements tout brodés d'or, dans un raffinement extrême. Chacun passe son temps à se parer, à se laver, en vue d'une magnifique représentation théâtrale. Je me nettoie successivement les deux bras avec solennité. Tout le monde se reçoit, parade dans les rues. Je rencontre un énorme gouverneur auprès de qui je dois m'excuser de mon attitude jadis avec Chimène. Donc, je suis le Cid. Le tout se passe dans la plus extrême dignité, au cours d'une réception.
B. Annie part huit jours à Paris, sans regret. Je reste seul avec Lazare, amant délaissé par Marie-Christine, et qui doit lui aussi partir bientôt. Sous son nez je la pelote (sa tête est dissimulée sous un foulard) et elle va m'escalader en accélérant son rythme respiratoire. Il ne se rend compte de rien ou ne veut pas s'en rendre compte. Je reste avec elle contre une vitrine d'épicerie-librairie. Le gérant sort pour nous dire de ne pas nous appuyer. Nous suivons des yeux une demi-dousaine d'hommes emportant une espèce de caisse ongue et lourde recouverte de tissu bleu pâle. Ces deux rêves se déroulent dans une atmosphère de richesse et de plénitude.
Commentaires
Le tableau, "Flash et moirures", fut peint par Anne Jalevski, génie méconnu.