Fantômes, Arudy
FANTÔMES 52 05 16
De nouveau seul, hurlant, secret, rempli, vide, évanescent.
Ombre humaines (...) avec nous vivez
Venus, issus de l'ombre, à l'ombre allés, procession, loin de moi, près de moi
Lire la suite, échevelée lyrique.
Jolies Ténèbres, fille décomposée gagnée par l'hyperesthésie qui mange ma vie sépulcrale
Je fais tout ce matin
ARUDY 07 08 2052
Ce que j'ai devant les yeux participe à la fois du charme et de la hideur banale : il faut bien que les villageots vivent, se développent : « Parking du foirail », « espace vert »(chiens interdits) où je me suis posé sur une table en bois. Mais les alentours en entier sont un espace vert... D'où mes « états d'âme à deux balles » (bon titre...) - exemple : une planche de ma table porte l'inscription suivante au marqueur « Ce que je pense d'une certaine bande de filles qui traînent à Arudy : censuré-censuré », etc. (sur tout lepourtour de la planche de tablier). Encore un souffrant de quinze ans qui s'aperçoit avec douleur que d'être une fille, ou un garçon, ne se vit pas du tout de façon semblable...
...Et que cela fait tant de mal aux uns comme aux autres. J'ai donc en face de moi, bien en vue à gauche d'un portail de bois, une poubellette en plastoque vert et blanc, où figure dans un rond une silhouette noire indiquant le geste à faire : jeter ses déchets dans ladite poubelle, en abyme. Le portail est orné d'un panneau dont je vois l'envers, précisant une interdiction aux chiens. Je l'ai poussé en arrivant, tout en disant : « ...pas aux juifs, je peux entrer ». Il suffit d'émettre à haute voix une énorme sottise, dans l'espoir qu'un habitant d'ici l'ouïra, pour s'en marrer, ou s'en scandaliser. C'est cela, les états d'âme à deux balles... De l'autre côté de ce portail s'étend un petit parking de 30 places au tiers garni.
Voici un chien qui tourne autour de moi, bravant les interdits. Il ne porte pas d'étoile jaune et gratte le sol dans mon dos. Un congénère aboie derrière moi. Ma foi je conserve mes madeleines pour ne pas l'encourager. Le voilà reparti en tenant un vieil os. Le portail s'est refermé derrière lui ; qui a dit que j'étais inapte aux rencontres ? L'herbe est bien verte, bien entretenue, des pâquerettes retardataires la parsèment ainsi qu'un papier de bonbon contemporain. Plus 2 mégots à main droite. Ce qui heurte à présent la vue, quinze mètres devant moi et « à deux heures » comme disent les aviateurs, c'est une petite tortue de bois découpée, sur le dos, montée sur ressort. J'imagine d'ineffables gargouillis puérils.
Derrière moi à 17h un système de toboggans et d'agrès. Toujours à droite deux bancs verts, que j'ai successivement essayés, supputant les éventualités de l'ombre (le ciel est couvert), avant de venir m'étaler ici : paquet de madeleines, bouteille et sac en plastique. A ma gauche une borne-fontaine verte au robinet de cuivre d'où je ferai couler de l'eau pour nettoyer mes grolles. Le vent se lève, il faut tenter de... rattraper mes feuilles, et tout autour règne une clôture. J'entends et je voisdéfiler sur le trottoir une vingtaine d'enfants de maternelle qui se tiennent par la main. Leurs maîtresses (pas d'hommes pour les enfants ! tous des pédophiles (les hommes...) !) les font entrer dans des bâtiments scolaires jaune pâle. Dieu merci ils ne sont pas venus ici. Trois filles de treize ans poussent la porte : la « bande de filles » des inscriptions ? Elles passent près de moi dans la plus bienfaisante indifférence, parlant d'argent de poche et de grands-mères. J'écris comme Chateaubriand, disait Mme de Staël (je crois) sur mon île déserte, en plein milieu de tout Paris (d'Arudy).
Elles se sont assises « à 6h », sur un banc choisi sec. Je crois qu'elles essayent plus ou moins les toboggans (« Je suis un peu grande, non ? »). Le long de la clôture, à l'intérieur, une succession d'arbres de tailles et d'espèces diverses : un conifère à aiguilles blanchâtres et dégoulinantes, un arbuste mal défini et mal taillé. La poubellette donc, le portail, un bouleau (à ce qu'il semble) auprès duquel trône l'envers d'une stèle vaguement commémorative de je ne sais quel club sportif, la tortue jaune à carapace verte sur son ressort, un autre conifère (...ou un prunus ?), et le deuxième banc vert. C'est tout. De quoi se taper une petite Nausée à deux balles.
Commentaires
Je précise que le jardin public était interdit aux chiens, mais pas aux juifs.