Signification de la Toussaint
DU "PETIT LIVRE DES GRANDES FETES RELIGIEUSES" de Bernard COLLIGNON aux Editions du Bord de l'EAU
Une dernière fois se pose ici la question de savoir, comme pour les autres fêtes chrétiennes, ce qu'il y a, dans la Toussaint, de proprement chrétien, et ce qui affleure encore du substrat dit « païen », « celtique ». Il s'avère que si la Toussaint proprement dite révère tous les saints et martyrs oubliés par le calendrier (les jours de l'année n'y suffisent pas !) la Fête des Morts qui suit représente une survivance plus vivace encore de nos jours que la fête liturgique elle-même.
Toute fête, depuis l'Antiquité en particulier hébraïque, se célébrait dès la veille au soir : le Jour des Morts est venu empiéter sur la fête officielle, jusqu'à pratiquement la supplanter. De toute façon, le 2 novembre n'est pas férié, donc, les familles déposent leurs fleurs (en particulier les extraordinaires chrysanthèmes (« les fleurs d'or ») sur leurs tombes dès l'après-midi de la Toussaint. Chaque mort, en quelque sorte, est devenu un saint (d'où la proximité sentimentale des deux fêtes ?), Chaque mort devenait un dieu. C'est l'hypothèse fort probable de Fustel de Coulanges(La Cité antique) : les premiers cultes préhistoriques ne se seraient pas adressés aux phénomènes naturels tels que grêle, nuit ou tempête, mais bien plutôt à ces personnes qui vivaient avec nous et qui, d'un seul coup, n'étaient plus là.
Quoi de plus instinctif que de leur conférer une présence invisible, éternelle, en faisant d'eux précisément les protecteurs de la famille, depuis l'au-delà où elles étaient parvenues ? L'innovation de la religion chrétienne consiste à donner aux morts les plus vertueux un pouvoir particulier d'intercession auprès de la divinité : les saints. Juifs et musulmans honorent, certes, la sépultures de leurs grandes personnalités spirituelles, qu'ils admirent, mais qu'ils n'invoquent pas. Les chrétiens, à partir du Haut Moyen Âge, passent alors pour des idolâtres (ne vont-ils pas jusqu'à prêter aux reliques des pouvoirs surnaturels), bien qu'il soit précisé que les chrétiens n' « adorent » pas les saints, et que le Christ demeure le seul intercesseur de valeur.
Mais le Credo comporte bien les mots « je crois en la communion des saints » : c'est-à-dire qu'est affirmée, par la communauté des vivants et des morts, qui se retrouveront dans l'Eternité, la croyance selon laquelle les plus saints d'entre nous peuvent « reverser » le trop-plein de leur sainteté sur les humains ordinaires qui leur en font la demande, et les sauver de cette façon ; c'est ce que l'on appelle la « réversibilité ». Et c'est bien ainsi que l'entendent les moines et les religieuses... qui prient pour nous.
Pour devenir saint, ou s'efforcer de le devenir (un curé me disait : « Ce que je n'aime pas, lorsque je confesse, ce sont toutes ces personnes qui veulent devenir des saints... »), il « suffit » de vivre selon l'enseignement du Christ qui a dit « Aimez-vous les uns les autres ». " Je passerai mon ciel à faire du bien sur la terre.. " (Thérèse de Lisieux)- d'où la « preuve » des « miracles », dans les procédures de canonisation. Le fidèle se reportera également au Sermon des Béatitudes, dans l'Evangile. Un saint, une sainte, n'est donc pas un homme célèbre canonisé » en grande pompe, mais un frère ou une sœur qui demeure auprès de nous, un exemple à suivre, fût-ce de loin.
Lamesse de Toussaint devient ainsi l'occasion de réaffirmer sa foi en une récompense de nos actions, qui durera toute notre vie éternelle – nous n'aurons donc pas vécu en vain ! Ce qui constitue le meilleur lien qui soit pour célébrer nos morts... Cette dernière (c'est le mot...) n'est donc pas la fin de la vie, mais demeure source d'espérance, car nous serons amenés à partager le bonheur des saints, qui de là-haut nous tendent la main...
Le culte des saints fut récusé bien sûr par les protestants, sainement allergiques à toute notion de sainteté, de Pierre, Paul ou Jacques, ou du Saint Suaire ou du Saint Siège ou de toute autre relique.
Commentaires
Le latin dit "priez pour nous, pécheurs" et non pas "pauvres pécheurs", quel est l'imbécile qui a jugé bon de pleurnicher sur le texte liturgique ?