Proullaud296

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On respecte les vieux corps

 

Un oiseau dans le ciel, de Félicien Marceau alias Carette, présente la particularité, si l'on joint par une courbe inférieure la majuscule I à la majuscule E, ce qui en barbouillant bien forme un U non moins majuscule, de transformer le titre de la prestigieuse couverture NRF – GALLIMARD en ceci : « Un oiseau dans le cul », et c'est bien tout ce que mérite cette détestable production de notre académicien français né en 1913, et de la mort duquel nous n'ouïmes point parler, ce qui lui fait cent ans tout rond. Il ne s'agit pas ici cependant de galipettes homosexuelles, mais hétérosexuelles : un nommé Nicolas de Saint-Damien, après avoir convolé en justes noces catholiques avec une certaine Sibylle de Fauquembert, décide de jeter sa gourme et de partir à l'aventure, et quoi de plus aventureux que d'exercer la noble profession polyglotte de garçon d'étage dans un grand hôtel.

 

 

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Heureusement qu'il existe un résumé en quatrième de couverture, car nous avions tout, tout, tout oublié. On nous parle d'humour et de légèreté, je répondrai platitude et insignifiance. Peu nous chalent et non pas peu nous chaudent, M. Defalvard comme ignare mais avec un d, les mésaventures de ce rejeton de l'aristocratie style Lorant Deutsch ou Dantzig : il papillonne, virevolte, s'envoie des femmes ou ne se les envoie pas, tombe amoureux ou non, rencontre des types humains très typés des deux trois ou quatre sexes, et tout est bon à plaisanterie, hihi haha, dans une langue d'autant plus académique (forcément mais second degré please) que le sujet en est plaisant, c'est-à-dire grivois ou coquin, c'est du Palmade moins la profondeur autant dire qu'il ne reste rien, c'est du Lemoine moins la rosserie même remarque, c'est du Cauet moins la vulgarité populacière autrement dit plus rien, c'est évanescent, frivole, joli, paillette sans prestige, et ça veut nous faire rire.

 

On pourra trouver cela champagne et pétillant, typiquement français ou parisien ou rouennais pourquoi pas, il n 'y a pas de Sotteville, mais en me battant les flancs jusqu'aux côtes je ne puis rien trouver sinon légèreté, insouciance, inexistence, évaporation, absence totale d'ambition, et le seul mérite de cet « oiseau dans le... ciel » semble la peine qu'a prise l'auteur, Monsieur Félicien Marceau, pour en écrire plus de 250 pages, bien en vain. Je compte vous faire entendre La chèvre de monsieur Seguin par Alphonse Monmoulin, aussi serai-je bref, car trop d'esprit tue l'esprit. Le passage de ce roman ne met pas en scène le Nicolas de Saint-Damien, mais un certain Joséphin, qui, lui, n'est pas parti, n'a pas connu la liberté, du moins je crois, car les figures transparentes de ce jeu léger ne m'ont pas le moins du monde accroché les atomes : aussi, ne me demandez pas qui est ce Joséphin, ni les rapports qu'il a bien pu entretenir avec le héros, je l'ignore. Boris Vian, à la bonne heure, sait être drôle, voire désopilant ; mais on sent quelque chose et quelqu'un chez lui. Ici, je n'ai senti que la liberté mal utilisée ; mieux vaut l'esclavage fécond en un seul mot - voilà que je m'y mets moi aussi. Donc :

 

« Mais, de tout cela, de Nicolas, pas un mot. Ou plutôt, si, ce qui était peut-être pire, à un détour de la conversation, il en avait bien été question, mais incidemment, comme de quelqu'un qui serait sorti pour faire un tour ou qui aurait dû aller passer quelques jours à Fontainebleau. Arrêté, tant sa stupeur était grande, sur le trottoir de la rue Barbet-de-Jouy, Joséphin n'en revenait pas. Qu'est-ce que ça voulait dire ? Était-ce sa faute ? Avait-il erré par quelque endroit ? Le soir même, dans un café où ils avaient leurs habitudes, il s'en ouvrit à César. » Pour celui-là, je m'en souviens, je l'ai lu tout à l 'heure : c'est un charmant Noir bien jeune et bien géant qui a remplacé Nicolas dans son appartement, pour le plus grand bonheur de la logeuse : car, ne l'oublions pas, à peine marié, ce dernier s'est loué son studio d'étudiant, puis, donc, l'a quitté, pour aller, parfaitement, travailler – et en Angleterre s'il vous plaît. « Eh bien, lui, César, ça ne le surprenait pas du tout » reprend l'auteur. « Tout ça, à son sens, c'était du social et il s'étonnait que, méticuleux comme il l'était sur cette question, Joséphin ne s'en fût pas avisé. Selon lui, César, le chagrin, l'inquiétude, l'anxiété, et précisément parce qu'ils étaient des sentiments naturels, ne pouvaient apparaître dans toute leur plénitude ou, du moins, ne pouvaient s'exprimer avec force que dans les classes sociales restées naturelles, à savoir les travailleurs, tandis qu'au contraire, au fur et à mesure qu'on montait dans l'échelle sociale, ces mêmes sentiments étaient de plus en plus contenus et bridés ppour en arriver enfin à l'échelon suprême, celui des rois où, par la formule « le Roi est mort. Vive le Roi », apparaissait avec évidence qu'au chagrin du trépas il fallait immédiatement.substituer l'allégresse de l'avènement. Ouf ! » Le « ouf » est dans le texte, Félicien Marceau s'autopastiche, et traîne de longues phrases circonstancielles pour énoncer des légèretés : ne voyons dans ces remarques sur les classe sociales aucune allusion à Tolstoï, qui pensait à peu près la même chose mais faisait, lui, dans le sentencieux. « (Mais avec César », poursuit notre auteur, « c'était tout l'un ou tout l'autre. Ou il pouvait rester une heure sans se manifester autrement que par son sourire à soixante-quatre dents » - forcément, un Noir - « ou il se lançait et il eût fallu l'assommer pour le faire taire

 

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