Proullaud296

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Nature froide, profiteuse et bouffonne

 

Bref, la Nicole est bien sexy, l'Elizabeth pleure son fils sans le montrer, j'applaudis sans prendre mes photos ratées, laisse parler les autres, vieux amis accoutumés d'échanger leurs domiciles pour un quatuor ou quintette hebdomadaire. Cela remonte l'hôte, appréciateur de ces franches camaraderies, qui ses amis partis s'expédie en sieste sans avoir mangé. La télé parle de Fuveaux, de son puits qui ferme en l'an 62, mais bien que né à St-Savournin, Chog s'en fout et me conseille de ne pas descendre en ville avant que les boutiques soient ouvertes. Depuis la chambre aux volets "croisés" ou "en tuile", on entend un bus coincé klaxonner toutes les dix secondes, au loin dans la montée...

 

Je ne me souviens plus très bien de cette après-midi même. Encore une descente en ville, une remontée sous la chaleur et l'insignifiance. Habituellement j'arrive ici lundi, et profite le mardi d'un marché tout ce qu'il y a de plus provençal, gueulantes et vulgarité en moins. Cette fois-ci, que des espaces vides en ville, une bibliothèque où je consulte les "Marianne", un sac à main retrouvé puis tendu à bout de bras (?), trois morveux et veuses de 13 ans menant grand tapage à la porte, dehors. Puis la recherche de la poste, la décision de n'envoyer que quatre "Singe Vert" en réservant le cinquième à mon hôte (il me dit l'avoir lu : si vite ?) Dans la rue j'étais heureux, escomptant une prochaine rentrée financière, pourquoi donc ? pas même un bulletin de loto à pétrir !

 

 

 

 

libraire, oubliant sa chemise ou si l'on préfère son dossier ; je ne manquai pas le jeu de mots obligatoire, ni la plaisanterie : "J'hésitais entre les trois, finalement je prends les trois" – pénible, non ? M. G., mon obligeant voisin de Mérignac, subit lui aussi en son temps mes assauts de turlupinades à propos de tout et de rien. Et je m'en fus dans les ruelles, cherchant le bouquiniste ("Il a fermé !" me dit élégamment un relieur en sa boutique). J'ai trouvé le revendeur de livres assis devant son seuil, ses rayons en cours de vidage, dix volumes de "Bibliothèque Verte" formule années 50, et rien à acheter.

 

Il ne fouille pas mon sac en plastique. Et je suis remonté chez moi, chez mon hôte, après photos rasantes de ces poteries ressortant au tiers du mur comme autant d'esclaves à la Michel-Ange alignés. Nombreuses haltes, programme nul à la télé, mes pieds nus sur la table et sous le nez de Coste qui me fusilla du regard. Le soir, publicités trop fortes (à 40cm de la table, match nul pour l'incivilité), reportage inepte sur le bateau de la reine d'Angleterre, sur le "Palais de Pékin", ignoble apologie de la "gagne" vulgaire (comme pour "Money Drop", véritable avilissement de la race humaine, qui se montre ignare à un point suicidatif). Nous pourrions développer tout cela. Ce matin, réveillé à 6h 10 par ma douce et tendre, qui dort mal en mon absence mais assume au mieux.

 

Impossible de se rendormir. Voilà bien de la misère. Exhibition à Coste de ce prospectus froissé où l'on regrette l'installation de sanitaires lave-cul "à la température du corps" : déjà vu en Egypte me dit-il. Allons ! Partons à pas pesants vers les HLM de Fardeloup, son asile de vieux avec son gros sac pour les couches – quand on est devenu vieillard, se chie-t-on inexorablement dessus ? Bref, je mange au retour (sieste tête bruissante, photos d'escaladeurs de falaise à mains nues), et je lui donne faim. Mon hôte me prête le "Figaro" du jour, qui parle bien plus des trous du cul déformés par la victoire (comme ils sont devenus modestes ! et je ne sais plus ce que je voulais dire ; là aussi, des couches seraient nécessaires) ; le "Figaro" est le seul journal dont je lis les articles littéraires sans éprouver l'impression d'être obligatoirement pris par la main pour penser comme tout le monde (il-faut-penser-aux-autres, chasser-les-Israéliens et croire-en-l'école-pour-tous) – sur quoi je pouffe, et je vais me brosser les dents.

 

Le 31, je descends bravement, trouve le cinéma en bordure de la bibliothèque, mais les séances de 16h n'ont lieu que le mercredi. D'autre part, De rouille et d'os (un Arabe amoureux d'orque, qui se fait sectionner les deux jambes, très peu pour moi,n'est pas Almodóvar qui veut, je comprends que ça n'ait pas enthousiasmé le jury de Cannes), et deux autres films ("Sur la route") ne

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me disent rien du tout : c'est Le prénom que je voulais voir. Prenons donc la décision de voire l'île Verte ; le lecteur s'il existe objectera que tout le monde s'en fout, à l'exception des amateurs de voyageounets, qui se trouvent. En route vers le bateau, bien pépère, trois ou quatre passagers dont une femme de mon âge bien heureuse de n'être pas draguée. À mi-parcours en mer, elle se met un pull sur les épaules. Un quart d'heure de traversée : l'île Verte commence par une lente et haute montée des marches, d'un tronc couché à l'autre, et de toute la promenade il n'y aura aucun banc : donc, heureusement, pas un pique-niqueur, à peine deux baigneurs entrevus d'en haut sur le sable d'une calanque.

 

J'erre sur les tapis d'aiguilles et d'écorces, je vois de glorieux débris de ciment qui sont tombés sur les Allemands ("ils faisaient une partie de cartes" dit la légende). Surtout, mes oreilles sont pleines des cris de goélands, des "gabians" : des hurlements de chats, de gosses martyrisés. Rien sur moi pour les enregistrer. Les 14ha de l'île pour eux seuls. A mon approche ils fuient la photo...! de lourds envols et le soleil de face empêche les cadrages. De faibles rambardes protègent les falaises ("Danger ! 30m – 100 feet") et tout en bas le liseré des vagues sur les rocs, ici les arbres tout tordus par l' "anémorphose", en mer les vaisseaux qui croisent (un pavillon grec), uniquement des vues rebattues jusque sur les calendriers des postes, mais ce seront les miennes...

 

De panneau en panneau, nous apprenons l'histoire de l'île, la tentative anglaise avortée en 1812, les promeneurs de 1910 et le boisement des années 60, jusqu'à la table d'orientation, juste au-dessus de l'inévitable "souterrain secret permettant de communiquer entre les trois batteries militaires" : sommet du séjour en vérité. Un goéland qui me foncerait dessus n'eût été un branchage qui le cabre vers le ciel. Redescente hâtive de marche en marche vers la navette, une heure aura suffi, le ticket de passage contre une troisième boule de glace gratuite sur la terre ferme. Au retour, mon hôte me charge de tailler le gazon : il veut de la rencontre, de l'amitié, ce que je suis bien incapable de donner, restant de nature froide, profiteuse et bouffonne.

 

Commentaires

  • Un faune un jour chipa le sac à main d'une nymphe. Celle-ci lui courut après en criant : "Lâche ce sac, sot faune !"

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