Proullaud296

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Impersonnel, et très personnel

 

51 01 06

 

Chercher à s'introduire, en uniforme d'apparat de professeur dans un grand lycée militaire de Madrid. Eprouver une grande admiration pour tous ces anciens officiers franquistes, qui pourraient m'enculer en grand uniforme. Dans la cour intérieure, j'entends de brefs commandements, plus un adjudant qui se présente : Brigada Pérez Emalfil, presente. Et d'un coup, tant de soldats rangés en carrés s'exclament : ¡ Hó ! Frémir. Se coucher, malgré l'uniforme, tout au long de la première marche d'un perron, qui me déborde à la tête, aux pieds : ne plus être qu'un degré partiel, attendant le piétinement. Tout ce qu'il faut pour attirer l'attention, et se faire définitivement refuser l'admission pour comportement excentrique et indécent.

 

Arrive alors le concierge, el portero, rondouillard, en habits de fonction bleu sale, qui me relève et me console de mon immense infériorité : « Je vais vous présenter » dit-il en parfait français « à des ouvriers espagnols » - seuls de mon niveau, apparemment ; ne pas pouvoir prétendre à mieux – francophones également. « Ils sont là, en contrebas » Le mur a besoin de se relever le soutènement. Les hommes, accroupis le dos aux pierres, puisent dans leurs gamelles en jacassant fortement. Deux d'entre eux se débattent avec des assiettes en carton, peu pratiques. Sous ma falourde d'uniforme, j'avais, moi aussi, pressentant, désirant cette décadence, ce déclassement, une gamelle d'ouvrier !

 

Ces homme du peuple dévoilent avec bonhomie la supercherie, mélangent mon frichti avec le leur dans une même assiette, et je communie avec eux : nous sommes de plein-pied ! La discussion s'engage dans ma langue, plus ou moins bien maîtrisée ; la plupart ont déjà travaillé en France, temporairement. Le repas fini, nous remontons vers le perron en réparation, en discutant sur le caractère inné, ou acquis, de l'homosexualité. Chez eux certainement moins de préjugés que chez les haut gradés. Il règne ici une fraternité de classe que ne viennent pas troubler des questions de grades ou de préséances. Mais l'invincible attirance pour le plus grand lycée militaire d'Espagne n'implique pas nécessairement mon homosexualité ! Ils me l'accordent, par égards ; mes protestations sont trop attendues, trop appuyées - les leurs également.

 

 

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Non seulement plus de fraternité, mais plus de délicatesse aussi. Le concierge nous voit remonter sur le chantier, je me débarrasse de ma cape, et les aide à leur tâche, dans la mesure de mon incompétence. Une question reste en suspens : pourquoi ce portier m'a-t-il présenté à des hommes ? Assurément l'on voit très peu de femmes dans la cour d'une caserne, moins encore sur les chantiers de maçons. Mais tout de même. Je pourrais bien m'entendre avec un ouvrier. Ou le concierge ; il s'appelle Romero.

 

 

 

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Jusque dans ma jeunesse, il était de tradition, au gré des proviseurs ou des instituteurs, d'organiser une manifestation, théâtrale ou autre, en l'honneur de la St-Charlemagne, patron des écoles. Le Vatican y mit bon ordre : le 28 juillet célèbre désormais saint Thomas d'Aquin (1224-1274 – comme des mouches, vous dis-je ; célèbre à l'âge où tout juste à présent commence pour de bon une carrière universitaire, semée d'embûches et de flatteries). Le 28 janvier, date du second mariage de Java, est devenu la date de conception de David en 89. L'enseignement, c'est toujours dans la foule. Je voyais descendre vers moi ces foules d'élèves, et je me suis presque trouvé en malaise.

 

La grosse Jolida m'a laissé me reposer avec mépris pour la mauviette que j'étais. Elle se gouinait avec la Gaufubert. Pour ce genre de doigti-doigta entre ces deux barriques, il faut le bras longs. Paix à leurs âmes, tant de femmes n'ont que leurs propres muqueuses pour se satisfaire... C'est un rêve que nous faisons souvent, de ne savoir où faire cours, ou bien quand, deux horaires ou deux lieux se chevauchant. Nous errions dans les couloirs par classes entières, je giflais un passant, « Tu n'avais qu'à ne pas être là ! » L'école s'effondre et coule comme un Titanic. Plus personne ne veut de mixité sociale, qui est un leurre. Et plus seront fortes les protestations, plus les choses s'accentueront : personne ne peut rien contre les mouvements populaires spontanés.

 

Descendre ainsi à son tour l'escalier qui ne manque jamais, apercevoir un arbre gisant là de tout son long, déraciné par la tempête à travers une baie, et s'exclamer, toujours prêt à faire un bon mot : « Tiens ! Lebranchu ! » (Marylise, née Perrault, ministre de je ne sais quel redressement, reconduite, ou non?) -mais les disciples que je traînais ne connaissaient peut-être pas cette obscure dame. En tous cas, ils riaient, en se forçant un peu. Comme chez Ruquier. Est-ce que mes cours ne ressemblaient pas très précisément aux émissions de Ruquier ? ...sors de ce corps...

 

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