Polybe
Polybe admire l'armée. Romaine, s'entend, dont il fut l'otage. À quelle occasion, je l'ai oublié. Rien de plus admirable en effet que les règles d'organisation et de rationalité dont on s'entoure pour tuer. On massacre assurément, de l'humain ou du taureau, mais avec tout un rituel, une législation. Pas question de trucider en tranchant dans le tas. L'homme crève et chie comme les bêtes, mais il lui faut du légalisme, de la constitutionnalité. Les animaux possèdent aussi leurs rites et leurs façons, et celles de l'homme ont à voir elles aussi avec l'efficacité. Ce qui frappe dans le choix des officiers, c'est qu'il ressemble beaucoup aux calculs du commandement politique en Grèce, ou plus près de nous à Venise.
C'est le déclenchement de toute une mécanique démocratique. Nous en sommes à ce fameux établissement du camp, dont nos élèves de 6e se régalaient : une disposition immuable, tenant déjà de la fondation d'une ville, d'une civitas. Et bien des localités ont conservé ce plan quadrangulaire, , l'armée se trouvant constituée, en ses débuts, de citoyens, de préférence propriétaires. Le camp romain nous ramène donc à la fonctionnalité du meurtre, rituel, sacrificiel, autant qu'à la fondation, à partir du plan même de garnison, de colonisation : la colonne, en conquérant, laisse toujours derrière elle des camps, des castra, que certains occupent et font prospérer. La science de l'établissement des camps s'appelle « castramétation ».
Polybe, nous dit la note, aurait imaginé (ou inventé!) la négligence des Grecs dans l'établissement de leurs camps pour la nuit ; ils ne s'allongeaient tout de même pas au hasard !Un camp grec n'était pas un immense bazar ! J'aime tout de même ce naïf qui préfère à son peuple celui des Romains, comme nous le faisons nous-mêmes... D'autres avant nous se sont bien sûr penchés sur L'armée et le soldat, La guerre dans l'Antiquité (Harmand, Garlan...) et plus on approfondit ses recherches, plus on s'aperçoit que le terrain grouille de spécialistes et d'acteurs historiques : « Le texte à comparer à celui de Polybe, à l'autre bout du temps, est celui d' [Hygin], De munitionibus castrorum, « Sur la fortification des camps ».
Hygin est-il du VIIIe siècle avant notre ère ? ...du Ve de la nôtre, je crois... Wei et Nicolet renvoient aux travaux de P. Fraccaro et de Walbank. Braves gens. Allant jusqu'à tirer des planches (Kremayer-Veith). Et dans l'ombre défilent ces casques et ces paludamenta ou tuniques de commandement. « Une fois choisi l'emplacement du camp, la tente du général y occupe toujours la position qui permettra le mieux d'avoir une vue d'ensemble en même temps que de faire circuler des ordres. » Logique. Le général n'est pas à l'arrière, mais physiquement présent et combat tout au milieu de ses troupes. A l'endroit où l'on va la planter, on met son fanion, la surface faisant 4 plèthres » (2 plèthres sur deux, 60m x 60 environ ; un stade fait 180m.) « A l'extérieur de ce carré, sur un seul de ses côtés (…), les légions romaines se disposent de la façon suivante. » Séjà nous sentons poindre, avec méfiance, cette propension des Anciens à embrouiller tout ce qui est clair, voire géométrique. Il nous avait semblé que le général occupait le centre du camp. Or cet emplacement, d'après Polybe, serait une excroissance, une verrue, particulièrement vulnérable, comme aux avant-postes, ce qui se conçoit tout de même. Lisons à présent le texte grec, p. 104 à droite : « Il existe six tribuns par légion ; chacun des deux consuls a toujours deux légions avec lui, il est évident que douze tribuns accompagnent forcément chacun des deux consuls. » Tribuns militaires s'entend, et non point de la plèbe. « On met donc leurs tentes à tous sur une seule ligne droite, qui est parallèle au côté du caré qu'on a choisi (celui du quartier général ou praetorium). »
Commentaires
Attention ! "De la guerre" de Clausewitz, aux éditions Campus, n'est pas le texte intégral ! si je l'aurais su, j'l'aurions point acheté !