Stendhal, "Milanese"
Il n'y eut plus qu'un séjour à Milan, ainsi qu'à Rome. Ah, Milan !. Sa cathédale, ses pigeons, la photo que nous achetâmes - nous ne devions plus revenir. Quant à Rome, trois jours pour Annie en 64, zéro pour moi, malgré Kalda - budget minable, hélas. Je ne voyagerai plus. Rome, ni Naples, ni Pompéi... la Sicile... rien de tout cela. Ou si vieux. Cela n'en vaudra plus la peine. Parfois il me vient une grande bouffée, au volant, de joie de vivre : la seule liberté qui me reste. Le voyageur, parti de Milan, gagne directement Naples par Bologne, Florence, Sienne, Terracin et Capoue. On ignore toute ville tant qu'on n'est pas imprégné de quelconque.
Ce qui se passerait si l'on devenait “de là”. Sans plus rien trouver d'extraordinaire. Ces détails mornes qui résument la ville.Il n'est pas question du voyage de retour. Je dis à mon épouse (une rencontre) : “On achèterait là-bas, comme Léo” - mais la camorra, la mafia à payer – j'aurais bien oublié le français. Dommage. Peccato. La prononciation, l'intonation. L'aritocratisme aussi, et les palais. Sans marquis ruinés comme en France, où le dernier croquant se plaint de l'impôt ; les Italiens fraudent avec classe. Rire, décontraction, pendant que les Français serrent les fesses et se pincent les lèvres. La nouvelle édition reproduisait à peine le quart du texte de la première : enfin M. Stendhal devient raisonnable, expurge ses plagiats.
En ce temps-là, il suffisait d'expédier cinquante ou cent dix exemplaires pour se faire un renom ? mais on était enfoui sous tant de populace. De nos jours sous les innombrables publications. 700 romans prévus pour la rentrée. ...encore l'enrichissait-elle d'innombrables additions. Des développements considérables étaient ajoutés - “dédé”, Monsieur Martino, “dédé” ? ...est-ce là écrire ? séjour à Milan (...) (caetera desiderantur). Ce nouveau roman risquait fort de ressembler, dans beaucoup de ses parties, à Lucien Leuwen. Stendhal l'abandonna au bout de quelques mois. Décidément il ne pouvait donner la vie à son couple idéal avec des héros trop près de lui, trop semblables aux Français de son temps, avec des aventures sinon de tous les jours, du moins insuffisamment romanesques. Ma foi ce qui me gênerait, moi Stendhal II, ce seraient précisément ces êtres romanesques, ces gens qui parleraient, agiraient, tout autrement que moi-même.
Qui agiraient tout court. Et qui auraient agi, et qui se souviendraient. Agir sur-le-champ
me semble du dernier mauvais goût - ressentir, se promener, voyager, soit – mais remuer : quelle
HARDT VANDEKEEN « LUMIERES, LUMIERES »
MARTINO « STENDHAL » 07 09 07 5
débilité. Toute action manque absolument de toute vérité psychologique, voire de toute dignité. De même, la mère de Céline à l'en croire ne se laissait émouvoir que par des peines semblables aux siennes. Il assemblait la matière ; l'étincelle jaillissait, mais ne pouvait enflammer le tas. Et parfois c'est le bois qui ne veut point prendre. Mais la récompense de ce long effort va venir. Pour moi plus d'effort. Plus jamais. Lutter pour l'éveil m'absorbe en entier. Je renonce à l'effort, à ses pompes et à ses œuvres. Mais pas d'action. Plus d'action. Pour son gagne-pain, il écrit des “Chroniques italiennes”, qui sont d'horribles faits divers, où il gave son goût de l'énergie, son admiration des beaux crimes et des solennels supplices. Ah mon petit Stendhal, toujours incapable de concevoir la moindre action, hors ce que tu es sûr de pouvoir ou d'avoir pu faire toi-même !
...Nous n'avons que notre corps, c'est lui qui nous fait mourir. Quant à nos insignifiantes écritures, songeons à tant de manuscrits dormant dans les archives familiales, comme ces vieux rouleaux de films d'été. Stendhal amasse, écrit, n'achève rien. Bientôt viendra Le Rouge et le Noir, puis La Chartreuse de Parme. Lu 3 fois je crois Pas si terrible pourtant. Flaubert aima-t-il Stendhal ? La flamme prend et va atteindre les matériaux de vie romancée et d'autobiographie, si inutilement entassés jusqu'ici – qui te dit, Martino, ce qui est utile ou ne l'est pas ? Pourquoi sa vie, celle de son héros et de son héroïne, ne s'intéresseraient-elles pas, convenablement affabulées, dans une belle chronique choisie ? La mort et le spectacle : seules actions qui vaillent.
J'ai vanté aux élèves la parfaite ordonnance des cimetières : tout était bien fini, bien aligné, une date de naissance, une date de mort, parfois seule cette dernière, comme au cimetière des fous à Cadillac. Cela m'avait fait frémir, au temps où je frémissait encore. Plus de souci d'imaginer le détail d'une vie et de la conduire ; plus de crainte d'être commun. Ce fond de tableau incendié créera une atmosphère glorieuse. C'est une brusque cristallisation : la Chartreuse de Parme est au terme du long effort de Stendhal pour ressaisir sa vie et pour l'idéaliser. Après (...) il ne songe plus à recommencer cette tentative enfin réussie. Stendhal aura peu achevé. Deux chefs-d'œuvre.
Pourquoi ne sont-ils pas restés inaperçus ? il s'écrit tant de choses... Voyons La Chartreuse d'un peu plus près : La vie d'Alexandre Farnèse est devenue celle de Fabrice del Dongo; Vannozza s'appelle la Sanseverina ; Rodéric est le comte de Mosca ; c'est le crédit de la Sanseverina, maîtresse du premier ministre, qui fait la fortune du « neveu chéri » ; Stendhal a développé cette dernière indication. La jeune femme, enlevée par Alexandre, a pris les traits d'une petite comédienne. Le château Saint-Ange est devenu l'imaginaire tour Farnèse. Les circonstances de l'évasion n'ont pas été modifiées. Fabrice devient coadjuteur de l'archevêque, comme Alexandre cardinal. L'épisode des amours secrets d'Alexandre et de Cleria a donné l'idée de la passion de Fabrice pour Clelia Conti. Stendhal a reproduit jusqu'à la circonstance d'un enfant né de cet amour.
Bien d'autres chroniques ont été utilisées dans la « Chartreuse », et elles ne sont pas représentées toutes dans les manuscrits italiens de Paris. D'autres histoires de prison, où l'on voyait d'autres Farnèse enfermés au château Saint-Ange, la prodigieuse évasion de Benvenuto Cellini, qui, plus hardi qu'Alexandre Farnèse, seul, sans la complicité de geôliers, avait su descendre le long de la haute tour. Près de Parme, à Colorno, Stendhal avait trouvé un château des Sanseverini, et, dans les souvenirs attaché à ses murs, une duchesse Sanseverina, grande amie des écrivains et des artistes, qui, ayant pris part à une conjuration contre Ranuce Farnèse, fut décapitée en 1612. Une autre Sanseverina, comtesse de Nola, avait commencé sa vie de femme comme la Gina fait la sienne. Elle était très heureuse ; son mari meurt ; elle se retire chez son frère, qui la traite durement. Elle se réfugie à Naples, et devient vite une personne très influente à la cour : elle est l'amie préférée de Dona Maria d'Aragon. De même, la Sanseverina s'était d'abord appelée comtesse de Pietranera ; son mari meurt ; elle se réfugie chez son frère, le marquis del Dongo, mais elle s'y ennuie, etc.
Il y a apparence que le personnage de Ferrante Palla, médecin, poète, amoureux et voleur, qui vit caché dans la campagne de Parme, a été inspiré par le personnage du poète Ferrante Pallavicino (1618-1644), qui, lui aussi, vécut caché à Venise, occupé à courir des aventures galantes et à faire imprimer secrètement des vers satiriques. On trouve aussi, dans un des manuscrits italiens, le nom d'un certain Ferrante Pauletto, condamné à mort comme voleur et comme assassin.
Commentaires
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