Proullaud296

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Grenade, et plus haut

 

Monte à l'Alhambra Le palais rouge et moi et moi. Visite libre partout ça erre, trois Marocains de 18 ans nez coupant teint furieux, tendus, traqués, c'était à nous tout ça T-shirts fluo le temps passe muchachos et tous les peuples ont fourmillé sur cette terre, un Belge assis bourré au bar sous le soleil, Terrasses du Generalife admiration-fatigue-hébétude et l'eau qui coule en glougloutant dans le creux des rampes où je plonge la main, trois femmes voilées, opulentes, sont bien les seules à ne pas être déplacées ici pourriez-vous leur transmettre mon grand respect ¿ como se dice que beso sus manos en arabe je baise vos mains - pousse-toi tu vois pas qu'on fait des photos – je comprends le chinois shiè-shiè merci vraiment oui la plus belle construction humaine après Venise en plus sec - instants perdus dans la poussière.

 

Je lis Concerto Baroque (Alejo Carpentier) jubilation médiocre hélas combien forcée d'un texte sans émoi, qui cliquète et tintinnabule. Un jeune couple anglais frêle et fébrile s'engueule à l'ombre en s'accusant de torts imaginaires, Just comfort me dit-elle en sanglotant console-moi, Cour des Lions trop petite et grise et non pas large et plaquée d'or comme sur les photos, dans cette salle s'entassèrent 600 soldats captifs jusqu'à ce qu'ils en crèvent Ils ont voulu la posséder qu'ils la possèdent ! à 13h 20 l'éclat du ciel aplatit les tons fauves et les alvéoles si bleues de la voûte elle-même parfait objet fractal – et je me perds encore en ressortant sur l'autre flanc du contrefort par tout un entrelacs de ruelles qui me brassent sans cesse entre les queues dressées des chats fuyants : c'est une Anglaise brune qui les traque au Nikon 520 – puis d'autres à l'angle d'une impasse et d'une autre et d'une autre, et qui me tend son plan de ville.

Le peintre en blouse.JPG


 

Nous consultons à l'ombre d'un bar les plis froissés del mapa-guía de Granada sans avoir consommé, je la prends à l'épaule mais qui se dérobe allons je suis bien moi j'ai du moins retrouvé ma 4L bien coincée 43 au dehors 55 dedans la bouteille imbuvable Coca Cola de distributeur en distributeur bloquant moi-même la circulation sans klaxon derrière. Isábel la Muy Católica y su sepulcro son sépulcre dans mon autre vie pas le temps pas le temps rouler vite avant de crever en enfer en infierno sur cette Terre je monte à Jaén 35 km au nord et ça cogne toujours (adieu Cordoue adieu Séville, une autre fois) le vent du Nord ou de Castille pulse sur ma peau de véritables flammes au point que je remonte mes vitres. Un hurlement me saisit cette fois, suraigu, incontrôlé, qui je le sais n'est plus de joie. L'intensité peut-être. J'arrive à Jaén écrasée dit le guide par la colline qui la domine et tôt ou tard s'effondrera 20 000 morts comme au Pérou j'ai d'abord lu à l'extérieur Chateaubriand ou mieux encore les fraîcheurs normandes Par les prés et par les grèves, la façade cathédrale aussi longue qu'un chat présenté de profil et réverbérant le soleil.

 

Ou bien c'était Murcie. Trop de feu, trop de mort. On me croise en rotant je pète. A l'intérieur du bar (¿ Murcía ?) les Andalous se vautrent sur les ronds des guéridons de marbre noir dans un bar sombre et frais sans consommer jambes lâchées sous la table, chez eux, tandis que je commande en hâte et tout debout mon Coca tiède REFRESCA MEJOR juste le temps de l'avaler puis la pépie revient plus forte que jamais. Bailén juillet 1808 : Napoléon battu Joseph quitte Madrid, bourg bouffé de soleil, coiffeur et magasin de jouets, viejecitos descendant mains dans le dos la seule rue à peu près abritée, je dévale un immense escalier d'enfer climatisé débouchant sur un bar cave - alcools frais, musique en boîte et belles femmes. Tapas y cerveza. Plutôt boire et crever.

 

Je reste sous la voûte plus d'une heure otra cerveza por favor alternant otra más des textes d'océan, Normandie, Saint-Malo, Guérande de Balzac, seuls repères dans un temps défunt. L'alcool évaporé j'aborde en voiture Almuradiel, "Histórico", Viso del Marquès, admirant tout debout scellés contre un mur tout un pan de fûts de canons briqués depuis le XVIIe siècle, et je ne sus jamais ce qui s'était passé là. Quant au château de Mudela ce n'est comme il advient souvent qu'une rouge maison de maître, à peine digne d'avoir abrité quelque famille enrichie de négociants ou tisserands. J'ai suivi sur le sol extérieur – ACCES INTERDIT – un sentier défoncé d'ornières, bourbier ce jour-là desséché, d'où l'on peut voir à la rigueur, demi-masquées par les camions et moissonneuses à l'arrêt, quelques vues de pierres nobles.

 

Quand en pleine campagne plus loin je dépasse à pied ce petit vieux voûté flanqué de son petit-fils, le vent plus tard me porte sa voix grêle et je me suis tourné sans hâte, évitant de crier dans mon accent Français, traçant du bras autour de moi le cercle qui partout signifie promenade, mais le vieux sous le regard du drôle s'époumone et m'enjoint de déguerpir, je salue de la main sur la tempe et rebrousse chemin, pour ne pas briser l'admiration d'un enfant. J'ai remâché plus loin la scène, modifiée à mon avantage, mais ne me suis pas senti mortifié. Sur la route de Valdepeñas je passe entre deux obélisques blancs, perdus de part et d'autre en rase campagne, limites ancestrales du latifundio. Et la nuit se met à tomber. À 21h il fait encore 38°, et j'erre encore à 25 à l'heure à travers la bourgade trop vaste pour sa nullité, demandant aux grands-mères assises sur leurs chaises au seuil de leurs demeures basses l'hôtel ou le camping. "Passez" disent-elles "sous le tunnel de l'autoroute" – il n'y a là, en effet, qu'un hôtel, dans un paysage de désolation. Je n'ose demander à la réception où se trouve le terrain de camping.

 

Cette satanée agglomération n'en finit pas. Surgie d'entre les maisons basses une moto sans lumière se jette sur moi, les vieilles jettent leurs malédictions, et je ne saurai jamais à quoi peut corresponde ce Monumento a la Victoria signalé sur la carte. Victoire sur nous les Français. Autre motard qui m'indique la route, introuvable. Je n'ose une fois de plus ni rectifier la chose ni consulter la carte. La route se rétrécit, enchaîne montées, descentes, "interdiction"s "de doubler", sans aucune indication. Je longe la Sierra del Peral, parviens à San Carlos del Valle. Dormir ici, le long du trottoir, semble aussi incongru qu'au centre d'une salle à manger, au sein d'une foule grouillante. Il y a des pompiers, des ceintures rouges, des villageois entre eux. La fatigue et les 38° m'accablent, route reprise vers Solana plus étroite encore. Enfin Manzanarès, non pas de Madrid mais de Calatrava. Le centre partout et nulle part comme Dieu, sauf auprès de l'église et de l'ayuntamiento : une place, un massif, des lumières. Un café, du vacarme. Les bières du soir, la 4L à deux pas – je dormirai dans la rue. Pour commencer je lis ma trinité, Chateaubriand, Balzac, Flaubert, en tout temps en tout lieu. Deux filles épaisses et jeunes, désirables, lorgnent l'étranger au col si largement échancré, bronzé, crasseux, prétentieux et distant – si je les abordais, que dire ?

 

Commentaires

  • A quoi reconnaît-on une bicyclette islamiste ? ...ses roues sont voilées...

Les commentaires sont fermés.