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National Geographic et littérature

 

 

TEAGUE TANDIS QUE LE ROI DORT

 

Matthew Teague, dont le nom s'apparente peut-être à to tease, émoustiller, est un journaliste du National Geographic, depuis quelques années traduit en français (victoire de notre langue). Il s'est rendu aux îles Tonga, dans le Pacifique sud, en compagnie d'un(e) photogaphe, et décrit ce qu'il a vu là-bas, tandis qu'il attend que le roi s'éveille, personne n'osant le réveiller. Ce sont de curieuses considérations, sur ce peuple qui n'a jamais été soumis à qui que ce soit de l'Occident, maintenant une monarchie malgré quelques séditions prodémocratiques. Il existait à la cour un emploi de Fou du Roi et de Roi des Fous, dont la principale plaisanterie consista à s'enfuir avec une belle somme d'argent gouvernementale, ce que le peuple n'avait pas trouvé drôle du tout.

 

L'article adopte un ton décontracté de rigueur dans ces reportages pittoresques, et nous voici voguant d'île en île, sur les 800 km de long de ce royaume éparpillé. Après avoir garé leur yacht dans le port du Refuge, les touristes débarquent sur la terre ferme pour siroter un café à The Mermaid. Merde alors. (Pour rester dans le ton). C'est le moment d'aligner nos clichés sur le mépris que nous éprouverions, paraît-il, à flemmasser sur une vue maritime en s'emmerdant comme des colombes dans un grenier à sel ; nous apprendrions n'est-ce pas la langue des Tonga pour mieux nous informer de leurs difficultés économiques. Demander à “Thalassa”, dont c'est la grande spécialité, s'ils ne se sont pas livrés à leur passe-temps favori : se lamenter sur les rêves en voie de disparition à cause de l'homme blanc et de sa supposée saloperie, quand il ne s'agit pas de la stupidité des indigènes.

 

Rappelons les commentaires dissuasifs de Dvor, metteur en scène, qui nous affirmait que nous nous ennuierions vite à Tahiti s'il nous était venu l'envie d'y passer notre retraite, avec pension doublée, afin de stimuler le commerce insulaire ; disposition fâcheusement inégalitaire abolie sous le sieur Jospin. “Il faudrait” disait Dvor, “que vous soyez très pèche et baignade, vivant dans l'eau ou sur la plage”, ce qui en effet n'entre pas dans mes plus affriolantes perspectives. Rejoignons donc ces fortunés touristes échappés aux cyclones : S'il est facile pour un voilier d'arriver de Nouvelle-Zélande ou d'Hawaii, il leur faut voguer loin vers l'Est ou l'Ouest pour attraper les alizés favorisant leur retour. Mentionnons qu'en français, cher traducteur, les points cardinaux ne prennent pas de majuscule, car l'Est ou l'Ouest ainsi orthographiées ne peuvent désigner que les parties orientales ou occidentales d'un pays donné, la France ou les Etats-Unis par exemple.La bénédiction.JPG LA BENEDICTION www.anne-jalevski.com

 

Et nous voici embarqués dans les phrases faciles et la décontraction bon marché, ce qui change du pédantisme. Alors, souvent, ils ne repartent jamais. Voilà bien de l'humour, Sir Matthew. Ainsi de joyeux flemmards fortunés rejoindraient la vie nécessairement primitive de ces insulaires insouciants, qui se contentent d'une vie semi-aquatique et plus du tiers animale : des espèces d'amphibies toujours souriant, comme les petits requins de ces eaux méridionales. Après la révélation sur la baignade avec les baleines, Bowe acheta un bateau, l'équipa en conséquence et fut à l'origine d'un débat entre les protecteurs del'environnement et les amateurs d'émotions fortes. J'ai oublié qui était ce Bowe, quoique l'article précédent traitât de la défaillance mémorielle ; en revanche, cette baignade est devenue source de profit pour le trésor royal, favorisée par la monarchie. Nous ne sommes ni protecteurs de la nature (enfin, pas au point d'en faire une passion) ni amateurs d'émotions fortes, estimant que la vie est assez courte pour ne pas la risquer. Le corps est bien notre dernière préoccupation, quoique nous en prenions grand soin. Toutes choses qui nous rendraient inaptes à la vie au grand air au milieu des vagues, que nous considérons comme bien rudimentaire: nous sommes des érudits, n'est-ce pas, explorateurs de greniers et nageurs en poussières. Les scientifiques ne s'accordent pas sur l'impact de cette activité. Raison de plus pour hausser les épaules : “ces gens-là” se livrent à l'observation de la naature, qui nous rappelle sans cessse notre mort matérielle.

 

Mais aussi bien notre constant renouvellement ; nos livres nous mènent à la vie éternelle de l'esprit, à Dieu, etc. Nous voyons une éternité peuplée d'imaginations, alors que la mer nos présente une infinité de vies réelles ! Let's just forget it. “Certains affirment que cela perturbe les animaux et leur environnement, d'autres rétorquent que tout ce qui sensibilise le public au sort des baleines contribue à les préserver de la chasse. Régulièrement dégoulinent sur nos écrans les poupes sanglantes des baleiniers qui découpent les immenses bêtes à des fins bien plus culinaires que scientifiques. De toute façon, les cétacés sont de taille à se défendre. Ils avaleraient les canots “sans un hoquet”, comme dit l'humoriste Matthew. Bien heureux d'avoir décroché cette mission du National Geographic. Du bateau de Bowe, c'est par paquets que les touristes se jettent à l'eau, les uns après les autres, et survivent en dépit des requins. Ce jeune homme semble pourvu d'un humour aussi fin que le nôtre.

 

Une fois de plus, nos réflexions ne vont pas plus loin que “Je n'irais pas me tremper le cul au milieu des bébêtes”. Nager ne fut jamais notre activité favorite, et nous considérons comme une grande victoire d'avoir su éviter la moindre baignade en piscine depuis deux bons étés. Alors pensez, les requins... La mer ne devrait pas exister. Non plus que tout ce qu'elle contient. Inlassablement, ils remontent à bord en évoquant une expérience mystique. Ne serait-il pas irrévérencieux, notre journaliste ? N'envisagerait-il pas, avec ses souvenirs bibliques anglo-saxons, une réhabilitation de Léviathan ? Ce mot vient-il de Lévy, “lev”, le cœur ? ...Une expérience mystique serait-elle susceptible de se répéter en nombre, de se banaliser touristiquement, de se banaliser ?

 

Vaut-il donc mieux psalmodier avec les linges sales processionnaires de la Basilique de Lourdes? Ils ont communié avec la nature, expliquent-ils, et ont perçu la grâce de l'instant. Irrévérencieux, et sceptique. Alors, comme tout bon enquêteur, il expérimente : Très bien. J'enfile donc une paire de palmes et je saute de l'arrière de l'embarcation (le lecteur ignore-t-il ce que c'est qu'une poupe ?) trois suivants. On touche à tout. À cette “éternité à la portée des caniches”. Il remontera de là avec “des choses à raconter”. Ni plus ni moins qu'avant. Comme nous. Ce qui permet le développement si attendu sur le néant ou du moins le creux de la nature humaine, et la nécessité de se reposer dans la miséricorde de Dieu, de préférence en méditant ou en dormant pour attendre la mort (et la vie éternelle, qui y ressemble furieusement, puisque l'Etre, c'est le Néant...) Nous nageons vers un couple de baleines à bosse, une mère et son petit, qui se tournent aussitôt dans la direction opposée. Ouf ! Je craignais les caresses niaises et les extases au kilomètres. Je ne me sens pas meilleur pour autant, voir plus haut. Mais bien essayé, l'artiste.

 

Commentaires

  • Le peuple, ce peuple que vous encensez tant, est policier jusqu'au fond de l'âme.

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