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Métaphysique et Camorra

 C'est alors tout le mystère de la morale : d'où nous vient cette prescience, cette science du bien et du mal ? Nous ne pouvons aboutir qu'à une douloureuse et insoluble rêverie, avec des larmes plein les yeux et la prière éperdue au fond du cœur pour ceux qui savent prier. Il faudrait par conséquent que le bien et le mal s'équivalussent barbarismatiquement, et nous voici replongés non pas dans Hitler mais dans Dieu et sa nature. C'est irrespirable, à la fois par puanteur et par manque d'oxygène. Si nous en revenions aux faits, bien terrestres ? À ce jeune garçon qui fait descendre une cousine de son étage et s'en va, tandis qu'elle se prendune balle dans la tête, juste pour causer du chagrin à son fils ? Car on se venge sur la parenté. Rien n'est résolu non plus : Roberto Saviano s'étend sur la camorra elle-même, ses ramifications internationales (nous allons même parler de l'Ecosse), ses impitoyables succès, mais nous parle peu des moyens déployés contre elle : car c'est une hydre, qui renaît toujours de ses décapitations. En effet, personne jamais n'a pu éradiquer ces associations, n'a pu leur couper toutes les têtes à la fois d'un seul revers de yatagan. Personne ne peut éliminer tout le mal de la planète. Peut-on lutter contre les mafieux sans en devenir un soi-même ? Mais c'est assez se heurter aux portes. Explorons quelques pages, que votre serviteur aura tenté de traduire en français.

 

Auparavant, quelques mots sur le film Gomorra, qui ne traite que l'épisode de Roméo et Ernesto, 14 et 15 ans, qui voulaient imiter la mafia, semaient la zone dans leur quartier, giflant les marchands de fruits, pissant dans les réservoirs de moto, emmerdant puissamment les vrais camorristes, et qui se sont fait liquider par les narco-trafiquants amis de l'ordre, car il faut bien que le commerce du crime prospère. Le film ne traite que d'un vingtième de l'ouvrage auquel il emprunte son nom, qui n'a rien à voir avec Sodome et Gomorrhe. Il en fait tout un scénario, tout un cinéma. La mise à mort s'effectue dans un guet-apens, mais dans la réalité, ces deux garçons n'ont jamais fait l'objet d'une ruse : on ne leur a pas donné quelqu'un à tuer pour faire leurs preuves, comme on le leur fait croire dans le scénario, mais on les a convoqués dans un endroit sordide, pour les battre jusqu'à ce qu'ils crèvent, abandonnés à même le sable aux chiens errants.

 

Amis, partons pour l'aventure du texte : Una volta Matteo,une fois Matthieu" – c'est presque "il était une fois", c'era una volta, "un ami à moi, avait décidé de nous le prouver : il allait se tirer une fois pour toutes." Echapper à ce triangle de la mort, qui doit compter plus d'assassinats que la Corse, à mon humble avis. "Il avait mis des sous de côté, décroché un bac (ou un doctorat, una laurea) avec mention, et il en avait eu marre de bosser de stages en chantiers pour simplement survivre. Il avait obtenu le nom d'un type qui pourrait le faire partir pour l'Angleterre, et une fois là-bas, il aurait eu la possibilité de se présenter à divers entrtetiens d'embauche. Je l'ai accompagné", dit le narrateur. "Nous avons attendu des heures sur le rivage, où ce contact nous avait donné rendez-vous. C'était l'été. Les plages de Mondragone sont assaillies de vacanciers de toute la Campanie, ceux qui ne peuvent pas se permettre la côte amalfitaine, ceux qui ne peuvent pas louer une maison en bord de mer pour l'été, et font donc la navette entre la côte et l'intérieur. Jusqu'au milieu des années 80, on vendait la mozzarella dans des petites boîtes en bois (astucci di legno) pleines de lait de bufflesses bouillant. Les baigneurs la mangeaient avec les doigts en se tachant avec le lait, et les gosses, avant de donner le premier coup de dent à la pâte blanche se passaient la langue sur la main, assaisonnée par le sel. Puis, personne n'a plus vendu de mozzarella, et sont arrivés les biscuits salés (itaralli) et les copeaux de noix de coco. Ce jour-là notre contact eut deux heures de retard" (revenons aux choses sérieuses) "Quand il nous eut finalement rejoints, il se présenta tout bronzévêtu seulement d'un petit maillot moulant ("costume étriqué" ne semble pas convenir pour strilminzito costume) ; il nous expliqua qu'il avait déjeuné en retard, donc s'était baigné en retard et s'était séché en retard. Telle fut son excuse, la faute du soleil en somme." Et si t'es pas content c'est deux balles dans la gueule. "Notre contact nous emmena à une agence de tourisme. Tou tprès d'ici. Nous pensions être reçus par qui sait quel médiateur, alors qu'il suffisait d'être présenté à une agence pas même particulièrement élégante. Ce n'en était pas une avec des centaines de dépliants, mais un bouiboui quelconque (bugigattolo qualsiasi). Mais on pouvait accéder à ses services si l'on si l'on était présenté par un contact de Mondragone. S'il entrait une personne quelconque, elle aurait fourni les services de n'importe quelle agence touristique. Une très jeune fille demanda à Matteo son "curriculum" et nous indiqua le premier vol disponible. Aberdeen était la ville où on l'aurait envoyé. On lui donna un prospectus avec la liste des établissements à qui il aurait pu s'adresser pour un entretien d'embauche. Bien plus, l'agence elle-même, pour une somme modique, a pris rendez-vous avec les secrétariats des préposés à la sélection du personnel. Jamais une agence intérimaire n'avait été aussi efficace.

VENT D'AUBE www.anne-jalevski.com

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Nous partîmes pour l'Ecosse deux jours plus tard, un voyage plus rapide et plus économique pour celui qui venait de Mondragone.

 

"A Aberdeen c'était encore l'air du pays. Pourtant il n'existait pas de ville plus éloignée de Mondragone que celle d'Aberdeen. La troisième agglomération d'Ecosse, une cité obscure, grisâtre, même s'il ne pleuvait pas aussi souvent qu'à Londres. Avant l'arrivée des clans italiens, la ville ne savait pas valoriser les ressources de temps libre et de tourisme, et tout ce qui concernait les restaurants, les hôtels et la vie sociale était organisé tristement, à l'anglaise. Des habitudes identiques, des locaux bourrés de gens tout autour sur des banquettes une fois par semaine. Selon les enquêtes du Parquet antimafia de Naples, c'est Antonio La Torre, frère du grand boss Augusto, qui a lancé en Ecosse une série d'activités commerciales en mesure, après quelques années, de s'imposer comme une fleur à la boutonnière de l'entreprenariat écossais, come fiore all'occhiello dell'imprenditoria scozzese." Et roulez jeunesse ! La camorra pique même l'argent des Ecossais ! Tirons nos chapeaux, retirons nos kilts !

 

Et 'noubliez pas : si vous évitez la camorra, elle vous tuera comme indifférent ; si vous prenez parti, si vous changez de parti, vous serez tué par les deux, ou par l'adversaire juste en face. L'auteur vit sous protection rapprochée, comme sous une fatwa. Gomorra, de Roberto Saviano, c'est traduit. Ciao tutti !

 

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