You're in the army now...
[Iam tempore brumae / Alpes marmoreas atque occurentia iuncto] saxa polo rupesque uitri siccamque minantes/ per scopulos pluuiam prilmus pede carpus et idem/ lubrica praemisso firmas uestigia conto.
Commençons fort. En plein latin, pour ce deuxième tome du Zohar de Sidoine, suivi d'un troisième s'il plaît à X. "Déjà, en plein hiver, vous gravissiez à pied les Alpes marmoréennes, les sommets qui s'élancent vers le ciel et le rejoignent, les rochers de verre et la pluie sèche parmi les aiguilles menaçantes ; en tête de colonne, à l'aide d'une pique, vous vous frayiez un chemin et assuriez vos pas glissants". Très malcommode. Aux éléphants près, très hannibalien. Peu de romantisme : les Romains faisaient tirer les rideaux de leur litière pour ne pas voir ces paysages dégingandés. Les notes 77 et 78 jouent les indispensables : obtempérons. Cela se passe en décembre, puisque "Majorien légiférait encore à Ravenne le 6 novembre Nou. Maior, 7)" Observation : il existe donc encore des "Nouvelles Majoriennes", qui seraient ses décrets ?
Ma curiosité les feuilleterait bien. La note 78 éclaircit une métaphore précieuse : "les rochers de verre" sont la glace, et la "pluie sèche" la neige. Quinze siècles plus tard, "le bronze s'agitant dans le marbre" signifiera, chez d'Annunzio, les cloches retentissant dans les clochers... Nous avons donc en Majorien le héros, le chef d'armée, capable à lui seul, mais trop tard, de rajuster sur l'épaule de Rome le fardeau de son empire. Mais les méchants Germains sont là, perfides, jaloux, et celui-là aussi sera assassiné. Quand il est trop tard, il est trop tard. "Au milieu de la montée, le gros de la troupe, maxima turba, s'était mis à frissonner jusqu'aux moëlles" : pas très chaudes, les jupettes sous la cuirasse.
Mais le général, Majorien, saura supporter le froid, le chaud, l'épuisement, et par son exemple galvanisera la troupe : Hannibal, encore ; et les Scipions, et tous les autres. ..."car la pente était forte et les hommes, enfermés dans des défilés [dan-dé-dé] monsieur Loyen, [dan-dé-dé], "reculant au lieu d'avancer, pouvaient à peine se traîne sur le sol gelé." Plaisant tableau. Ne craignons pas les amplifications, accentuons la détresse : "alors un de ces guerriers dont le char avait foulé les [fou-lé-lé] monsieur le traducteur, [fou-lé-lé], glaces de l'Ister, s'écrie :" - s'écrie je suis claqué. Les Romains et assimilés (pas plus de Romains dans cette armée que de Blancs dans l'équipe de foot) surpassent les Barbares !
Du moins au concours de claquettes de glaçons : "J'aime mieux les combats et le froid qu'apportent à tous (solemne ?) le repos de la mort". Plutôt crever. Pauvres fragiles tribus hunniques, ayant passé le Danube sur leurs chariots (je pensais qu'il s'agissait de Wisigoths) ! Je vais vous montrer, moi le futur Empereur, ce que c'est que la vaillance romaine. Bande de tapettes ! Ce n'est pas un Hun, c'en est Hune ! "un engourdissement", poursuit le faiblard, "enchaîne mes membres dans une raideur qui les paralyse", inerti rigore ! Intervention surprise de l'ami rigoré ! "mon corps, brûlé en quelque sorte" – j'aime cette clausule de style, "en quelque sorte" : voilà un soldat qui sait le prix de la litote – "par l'ardeur du froid, se meurt". Il meurt en vers, le Hun, en vers sidoniens. "Nous suivons un jeune homme". Sequimur iuuenem. "Majorien a dû naître vers 428 ; il a trente ans." Il porte toute la jeunesse du monde, il est "attaché sans fin à la peine".
Vraiment quelle pitié. Le vaillant guerrier de l'Altaï incapable de survivre aux Alpes. Ridicule ! "Les plus braves, quels qu'ils soient, rois ou peuples, sont enfermés aujourd'hui dans le camp, castris modo clausus, ou même se reposent sous la tente, au soleil." Mais c'est qu'il demanderait bientôt les 35 heures, ce flemmard ! ce métèque ! ce jaunâtre ! Et quel bavard ! "Nous, nous bouleversons l'emploi des saisons" : eh oui ! Par contrat, pas de travail l'hiver, surtout dans la neige ! ...cette neige où les jeunes citoyens romains trempaient leurs couilles pour s'endurcir aux travaux militaires... "les ordres de Majorien seront pour la nature la loi", lex rebus erit. Voilà de l'ironie, mon bon syndicaliste.
Sidoine de reprendre à son compte la pique rebelle, afin de la retourner contre son auteur : eeeeeh oui ! notre Hun, Majorien commande aux tribus là dis donc, et même aux éléments ! "Rien ne le détourne de ses entreprises", il serait temps de se taire, mais non, le Hun ignore les règles de la sobriété, il amplifie comme un vulgaire poète gaulois : "et il pense", le Majorien, "qu'il se ferait du tort, damnumque putat, à redouter la colère des éléments, même s'il ne peut les affronter qu'à ses dépens." Voilà bien de la sauce, bien de la daube, mais le râleur est lancé, rien ne l'arrête : "Dans quelle nation dirai-je qu'est né cet homme qui lasse l'endurance d'un Scythe comme moi ?" - in the USA, men, in the USA – nous pouvons bien confondre Américains et Romains, notre Sidoine mêlant allègrement les Huns et les Scythes, autant dire les Mongols et les Ukrainiens.
Mais notre vaillant auxiliaire se laisse aller à l'admiration : "De quelle tigresse", tiens ça fait longtemps qu'on ne l'avait pas vue celle-là, d'Hyrcanie bien entendu ("a-t-il bu le lait, tout enfant, dans une grotte" – d'où, la grotte ? "d'Hyrcanie", bingo !) - vous pensez bien que Sidoine n'allait pas la rater. "Près de la Caspienne". Et Loyen d'ajouter : "Notre "Scythe" se souvient de Virgile" – ce dernier fut le premier à parler d'Hyrcanie – et encore. Mais combien reprirent Virgile... "Quelle terre plus rude que mon pôle l'a élevé ?" - axe meo grauior – "voici qu'il rallie au sommet de la côte ses escadrons transis" bravo le mono "et il se rit du froid car chez lui seul la chaleur du cœur l'emporte", ah, tirons l'échelle, tirons, je vous prie. V 534.xxx59 08 30xxx