Proullaud296

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  • CITATIONS 277/368

    C O L L I G N O N

    277 - 619

     

     

     

    novembre 2111 / avril 2114

     

     

    Éditions duTiroir

     

     

    Semper clausus

     

     

    277. - Nulle constitution ne résiste à la corruption des sujets, qu’entraîne la corruption des principes. De cela, Montesquieu est profondément convaincu.

    J. DEDIEU

    Montesquieu,l’homme et l’œuvre

     

    278. - Don Juan (…) a grand besoin qu[e la morale] existe pour trouver goût à la violer.

    Denis de ROUGEMONT

    L’amour et l’Occident

     

    279. - Hier soir, j’ai longtemps réfléchi sur la passion… Sans doute, LA PASSION DE L’AMOUR SUPRÊME NE TROUVE JAMAIS SON ACCOMPLISSEMENT ICI – BAS ! Comprends bien mon sentiment : chercher cette satisfaction serait folie. MOURIR ENSEMBLE. (Mais silence ! ceci paraît exalté, et pourtant c’est si vrai ! ) Voilà le seul accomplissement.

    Lettre de Diotima à Hölderlin

    in Denis de ROUGEMONT

    L’amour et l’Occident

     

    280. - Lorsqu’on fuit la douleur, c’est qu’on ne veut plus aimer.

    NOVALIS

    Journal intime

    cité par

    Denis de ROUGEMONT

    L’amour et l’Occident

     

    281. - Il est extrêmement difficile de décider si les personnes stupides deviennent naturellement dévotes, ou si la dévotion a pour effet de rendre stupides les filles d’esprit.

    BALZAC

    La vieille fille ch. II

    « Mlle Cormon »

    282.- À force de chercher de bonnes intentions, on en trouve ; on les dit, et après on y tient, non pas tant parce qu’elles sont bonnes que pour ne as se démentir.

    CHODERLOS de LACLOS

    Les liaisons dangereuses

     

    283 . - Presque toutes les fictions ne consistent qu’à faire croire d’une vieille rêverie qu’elle est de nouveau arrivée.

    MALRAUX

    Préface aux « Liaisons dangereuses »

     

    284. - « …le rêve où les hommes promis à la mort contemplent avec envie les personnages un instant maîtres de leur destin ».

    id. ibid.

     

    285.- L’amitié unie au désir ressemble tant à l’amour !

    CHODERLOS de LACLOS

    Les liaisons dangereuse

    Lettre de Danceny à Cécile n° 157

     

    286. - Souvent on se croit appelé à Dieu, pour cela seul qu’on se sent révoltée contre les hommes.

    id. ibid.

    Lettre n° 173

     

    287. - Hitler (…) invoque le destin et affirme qu’il est ce destin. De la sorte, il délivre la foule de la responsabilité de ses actes, donc du sentiment oppressant de la culpabilité morale.

    Denis de ROUGEMONT

    L’amour et l’Occident

     

    288 . - La grande misère sexuelle d’un peuple asservi par des femmes frigides, obsédées, puritaines et dominatrices (mes amies américaines m’approuveront, j’en suis sûr) pour qui l’homme se tue bêtement à la tâche et à l’alcool.

    ÉTIEMBLE

    Parlez-vous franglais ?

     

    289 . - Rien n’est plus mystérieux que les êtres sans profondeur

    P. MORAND

    Vie de Guy de Maupassant

     

    290.- J’ai fait chanter mon rêve au vide de ton cœur.

    BOUILHET

     

    291 . - La voyelle neutre a se prononce avec la langue mollement étendue sur le plancher de la bouche dans la position d’indifférence.

    NIEDERMANN

    Phonétique historique du latin

     

    292. - Le tout, dans l’existence, n’est pas de réussir.

    Armand PIERNAL

    Avant-Propos de Comment se faire des amis de CARNEGIE

     

    293 .- Le travail des prêtres est de garder les Polonais calmes, stupides et bornés.

    HITLER

    Notes de BORMANN

    N.P ; part. VI

     

    294. - Maupassant sait peu, lit peu, comprend peu, il n’est pas doué pour la poésie, il s’est fait une figure impassible, toutes raisons qui l’empêcheront d’élargir son style, de créer de nouvelles (…) communications entre lui et le public (…) entre lui et la beauté (……..) il arrivera à la fin de sa vie avec les quelques recettes dont Flaubert l’a muni à son départ, sans avoir rien aimé que soi, sans avoir rien mis au-dessus de soi, ni Dieu qu’il a rayé de ses papiers, ni l’humanité dont il a horreur et profondément pitié, ni même son art dont il doute.

    P. MORAND

    Vie de Maupassant

     

    295.- ... « la mise en place du ne »

    BLONDIN le 16-11-1965

     

    296.- « Il faudrait peut-être les écarter davantage »

    ROGER le 16-11-1965

     

    297. - Il faudrait aimer, aimer éperdument, sans voir ce qu’on aime, car voir c’est comprendre, et comprendre c’est mépriser.

    MAUPASSANT

    Un cas de divorce

     

    298.- L’amour ça devait être interdit aux amateurs.

    M. ACHARD

    Machinchouette

     

    299.- Gunaïkes hyp’ andrasinn

    ODYSSÉE d’HOMÈRE

    VII, 68

     

    300. - « Viens, ma pauvre bête, viens que je te baise. »

    DIDEROT

    Jacques le Fataliste

     

    301.- Pourquoi parler mal d’une femme ? Ne suffit-il pas de dire que c’est une femme ?

    CARCINUS le Tragique

     

    302.- Ah ! les amants les plus richement partagés sont ceux qui meurent ensemble au milieu de leur jeunesse et de leur amour.

    BALZAC

    Louis Lambert

    303. - Adieu. Je te quitte pour être mieux à toi.

    BALZAC

    Louis Lambert

     

    304.- Je suis z’hélé par le sous-brigadier Pardevant qui, arrivant par-derrière, me frappe respectueusement l’épaule par-dessus.

    SAN – ANTONIO

    J’suis comme ça

     

    305.- « Le Tretté de la grammere françoese »

    par MEIGRET (1580)

    in WAGNER-PINCHON

    Grammaire du français P. 18

     

    306.- Les évènements ne sont jamais absolus, leurs résultats dépendent entièrement des individus : le malheur est un marchepied pour le génie, une piscine pour le chrétien, un trésor pour l’homme habile, pour les faibles un abîme.

    BALZAC

    César Birotteau

     

    307.- ... »ce principe qui doit dominer la politique des nations aussi bien que celle des particuliers : quand l’effet produit n’est plus en rapport direct ni en proportion égale avec sa cause, la désorganuisation commence.

    id. ibid.

     

    308. - Le personnage central d’un roman ne doit presque jamais être médiocre. Delà l’échec de tant de romanciers modernes.

    MAUROIS

    Avant-Propos de César Birotteau

     

    309.- Il faut tenir compte des intérêts des autres ; ce sont les seuls ressorts qui nous permettent d’agir sur eux.

    id. ibid.

     

    310.- La plus belle ambition s’éteint dans le livre de dépense du ménage.

    BALZAC

    Ferragus

     

    311.- On ne doit jamais manquer sa femme quand on veut la tuer.

    id.

    Le colonel Chabert

     

    312.- Elle voulut que cet homme-là ne fût à aucune femme, et n’imagina pas d’être à lui.

    id.

    La duchesse de Langeais

     

    313.- Les hommes se marient par lassitude, les femmes par curiosité ; c’est une déception pour l’un et l’autre.

    O. WILDE

    Le portrait de Dorian Gray

     

    314.- La discordance apparaît lorsqu’on est contraint de s’harmoniser avec autrui. Notre vie personnelle – c’est la seule qui compte.

    id. ibid.

     

    315.- Ce qu’ils appellent la constance et la fidélité, je l’appelle, quant à moi, comportement léthargique ou manque d’imagination. La fidélité est à la vie sentimentale ce que la constance est à la vie intellectuelle, un aveu de faillite. La fidélité ! ...Il s’y mêle l’instinct de la propriété. Il y a bien des choses que nous mettrions au rebut si nous ne redoutions point de les voir ramassées par autrui.

    id. ibid.

     

    316.- Le Grand Livre de la Lâcheté dont l’auteur se déguise sous le nom de Bon Sens.

    id. ibid.

     

    317.- ... »une de  ces nuits sans rêve qui fait presque chérir la mort.

    id. ibid.

     

    318.- Dans l’univers des faits, les méchants ne sont pas punis, ni les bons récompensés. Le succès est réservé aux forts, l’échec aux faibles. Et c’est tout.

    O. WILDE

    Le portrait de Dorian Gray

    319.- Le grand écrivain a le secret de donner aux mots les plus ordinaires une valeur impressive.

    BRUNOT-BRUNEAU

    Grammaire historique de la langue française

    p. 121

    320.- ... « le nombre est une catégorie de discours où l’opposition du singulier et du pluriel correspond à une différence objective entre l’unité et la pluralité ».

    WAGNER-PINCHON et La Pallice

    Grammaire du française

     

    321.- Nous sommes des petits-bourgeois terribles et tranquilles et je voudrais qu’on sache que l’homme est un animal et un dieu.

    Maurice BÉJART

     

    322. - Un opéra, il ne faut pas seulement l’écouter, mais le regarder…

    id.

     

    323.- Tous mes ballets sont chastes ! La chasteté est leur qualité principale ! Quand une fille et un garçon s’aiment dans le cadre du « Sacre du printemps », c’est de la chasteté, c’est naturel. La pornographie est la décadence de la société. Le chaste peut être érotique. Pour ma part, j’ai horreur de la grivoiserie, de la gaudriole, des histoires salées. Le côté bourgeois a d’ailleurs « dégringolé » avec la grivoiserie. Prenez le cas de La Veuve joyeuse, l’opérette de Franz Léhar, eh bien ! c’est la fin d’une époque grivoise !…

    id.

     

    324.- Les gens qui ratent, c’est qu’ils ont douté : il ne faut pas confondre « désirer » et « vouloir ». Vouloir une chose, c’est tout sacrifier à cette chose.

    id. -

     

    325 .- CHAMEAU : le chameau a une bosse, et le dromadaire une seule.

    FLAUBERT

    Dictionnaire des idées reçues

    326.- La trahison est une question de date.

    TALLEYRAND

    327.- ... « L’intérêt consiste… à arriver à tout dire dans les formes traditionnelles. L’impureté du sujet exige la plus parfaite pureté du style.

    R. PEYREFITTE

    Entretien avec G. Ganne dans

    Les Nouvelles littéraires du 17 06 1965

     

    328.- Si je ne sens pas le scandale dans un livre, je m’endors ou alors il faut que ce soit Racine.

    id. ibid.

     

    329.- Je ne peux pas nier qu’il y ait des pages fort bien écrites de Robbe-Grillet ou de tel autre, mais, précisément, il n’y a pas de scandale, donc absence totale d’intérêt.

    id. ibid.

     

    330.- Il faudrait ne pas être lucide pour être content de soi.

    id.ibid.

     

    331.- Tout artiste joue la fausse modestie s’il n’a pas la conviction de son talent.

    id. ibid.

     

    332.- Le talent repose sur un travail acharné et l’orgueil ne doit commencer qu’à partir du moment où l’on a la certitude d’avoir bien travaillé ;

    id. ibid.

     

    333.- Einen neuen Stolz lernet mich mein Ich, den lehre ich die Menschen : nicht mehr den Kopf in den Sand der himmilischen Dinge zu stecken sondern ihn frei zu tragen, einen Erden-Kopf, den der Erde Sinn schafft !

    NIETZSCHE

    « Also sprach Zarathustra » - Die Reden Zarathustras

    334.- Kein Hirt und eine Herde ! Jeder will das Gleiche, jeder ist gleich : wer anders fühlt, geht freiwillig ins Irrenhaus.

    NIETZSCHE

    « Also sprach Zarathustra » - Zarathustras Vorrede

     

    335.- Rien ne sert d’aimer, on est toujours seul.

    Film Rien ne sert d’aimer

     

    336.- Mèdé gunè sé no-onn pygostolos exapatatô

    haïmula kôtillousa, téèn diphôsa kalièn

    hos dé gunaïki pépoïthé, pépoïth’o ghé phèlètèsi ;

    HÉSIODE

    Les Travaux et les Jours vv. 373-375

     

    337.- Balzac a vu dans le mariage sinon la fatalité d’un échec, du moins l’extrême difficulté, l’extrême risque d’une gageure quasi désespérée ;

    Gaëtan PICON

     

    338.- Aux yeux des bourgeois, remporter des prix dans ses classes est la certitude d’un bel avenir pour ses enfants.

    BALZAC

    Un début dans la vie

     

    339.- Un homme libre, et qui n’a point de femme, s’il a quelque esprit, peut s’élever au-dessus de sa fortune, se mêler dans le monde et aller de pair avec les plus honnêtes gens : cela est moins facile à celui qui est engagé ; il semble que le mariage met tout le monde dans son ordre.

    LA BRUYÈRE

    « Caractères » - Du mérite personnelle

     

    340.- Il n’est dans la vie qu’un seul amour, et cet amour est impossible. Impossible, l’amour du Lys ! Impossible, l’amour de la Femme abandonnée. Impossible de marier le ciel et la terre. Les murs ni les barrières qui défendent l’accès de Valleroy ne peuvent plus défendre une âme qui se souvient qu’elle est humaine. « Il faut être homme ». Les paroles que Gaston de Nueil a prononcées dans un accès d’humeur et de virilité sont des paroles bien révélatrices. Il retourne à la commune condition.

    Armand HOOG

     

    341.- La mort est certaine, oublions-la.

    Parole de BALZAC

     

    342.- L’on est encore longtemps à se voir par habitude et à se dire de bouche que l’on s’aime, après que les manières disent qu’on ne s’aime plus.

     

    LA BRUYÈRE

    « Caractères » - Du cœur

     

    343.- Il faut rire avant que d’être heureux, de peur de mourir sans avoir ri.

    id. ibid.

     

    344.- Les jeunes gens ne voient que les beaux jours. Plus tard, ils attribuent au mariage les malheurs de la vie elle-même, car il est en homme une disposition qui le porte à chercher la cause de ses misères dans les choses ou les êtres qui lui sont immédiats.

    BALZAC

    Le contrat de mariage

     

    345.- Une femme est disposée à refuser ce qu’elle doit ; tandis que, maîtresse, elle accorde ce qu’elle ne doit point. id. ibid.

    346.- N’importe qui, étant bon à n’importe quoi, peut être mis n’importe où.

    d’après Alfred Capus

     

    347.- So ihr aber einen Feind habt, so vergeltet ihm Böses mit Gutem (rendez-lui le mal pour le bien) : denn das würde beschämen. Sondern beweist, das er euch etwas Gutea angetan hat.

    NIETZSCHE

    Also sprach Zarathustra

    Vom Biß der Natter

     

    348.- Vornehmer its’s, sich Unrecht zu geben als Recht zu behalten, sonderlich wenn man Recht hat. Nur muß man reich genug dazu sein.

    id. ibid.

     

    349.- Si le créateur se veut maître de ses créatures au point d’en arrêter le caractère et le destin avant de les avoir mises au monde, elles ne nous intéressent plus : que sont des marionnettes dont on aperçoit les fils et le montreur qui tire ces fils ?

    Lucien FABRE

    Préface aux « Paysans » de Balzac

     

    350.- La seule différence entre un fou et moi, c’est que moi je ne suis pas fou.

    DALI

     

    351.- A mula e a mulher, com pau se quer.

    Proverbe portugais

     

    352.- Wandel der Werte – das ist Wandel der Schaffenden. Immer vernichtet, wer ein Schöpfer sein muß.

    NIETZSCHE Also sprach Zarathustra – « Des Mille et Une Nuits »

     

    353.- Il n’y a ni grande, ni petite musique, mais ce qui est de la musique et ce qui n’en est pas.

    Pierre HIEGEL

     

    354.- Un grand acteur et une grande actrice se rencontrent. Il parle de lui, elle parle d’elle… Chacun tombe amoureux de lui-même et c’est un grand mariage d’amour.

    Dans « Modes et Lectures d’aujourd’hui » du 16-10-1965, n° 685

     

    355.- Wollen befreit : das ist die wahre Lehre von Wille und Freiheit – so lehrt sir euch Zarathustra.

    NIETZSCHE

    Also sprach Zarathustra

    « Auf den glückseligen Inseln »

     

    356 .- Ah, cher ami, on n’a pas le choix : il faut être de ceux qui espèrent ou de ceux qui désespèrent. Une fois pour toutes, je me suis décidé pour l’espoir.

    id. Lettre à Erwin Rode, 31-12-1873

     

    357.- « L’union de l’homme et de la femme, dit Diotime (de Mantinée), est affaire divine. C’est, dans le vivant mortel, la présence de ce qui est immortel : la fécondité et la procréation.

    PLATON

    Le Banquet

     

    358.- « nirwâna…, mot que nous traduisons souvent par notre mot « néant ». C’est une faute, car le nirwâna enveloppe une extase, et il n’y a pas d’extase du néant » ;

    Daniel HALÉVY

    Nietzsche

     

    359.- « remuer en nous jusqu’à l’inconscient,… la musique, langage d’universelle audience, expression de pensées sans concepts, fluide et immatérielle, peut ce miracle. Elle va au-delà du sens des mots et, pourrait-on dire, elle parle directement à l’âme sans s’appuyer sur la raison.

    René DUMESNIL

    Richard Wagner (Collection « Génies et Réalités »)

    ch. VII « La nature du drame wagnérien »

     

    360.- Mon petit, en littérature, chaque idée a son envers et son endroit ; personne ne peut prendre sur lui d’affirmer quel est l’envers. Tout est bilatéral dans le domaine de la pensée.

    BALZAC

    Les illusions perdues IIe partie

     

    361.- Quand l’intérêt ou l’âge glacent dans les yeux d’un homme le pétillement de l’obéissance absolue qui y flambe au jeune âge, une femme entre alors en défiance de cet homme et se met à l’observer.

    id. ibid.

     

    362.- La présence a comme un charme, elle change les dispositions les plus hostiles entre amants comme au sein des familles, quelque forts que soient les motifs de mécontentement.

    id. ibid.

     

    363.- « Chacun des instants que nous vivons, …, destiné à revenir un nombre de fois infini, porte la marque de l’éternité, est lui-même un Éternel…

    ...L’Éternel ne réside plus dans un insaisissable au-delà : il est le propre de chaque instant, à chaque instant nous en sommes comblés.

    Daniel HALÉVY

    Nietzsche

    364.- Dans une liaison celui qui attaque perd l’avantage.

    Tennessee WILLIAMS Le Printemps romain de Mrs Stone

    365.- Si l’on aime quelqu’un on ne doit pas prendre garde à ce qu’il dit. On blesse par crainte d’être blessé soi-même.

    Tennessee WILLIAMS

    Le Printemps romain de Mrs Stone

     

    366.- Avant le jour de sa mort, personne ne sait exactement son courage.

    Jean ANOUILH

    Beckett ou l’Honneur de Dieu

    Thomas, dans l’Acte I

     

    367.- Le roi, surpris Des fourchettes ?

    Thomas Oui. c’est un nouveau petit instrument diabolique, de forme et d’emploi. Cela sert à piquer la viande pour la porter à sa bouche. Comme ça, on ne se salit pas les doigts.

    Le roi Mais alors, on salit la fourchette ?

    Thomas Oui. Mais ça se lave.

    Le roi Les doigts aussi ! Je ne vois pas l’intérêt.

    id. ibid.

     

    368. Le roi a un geste insouciant

    Les nouvelles ne sont jamais bonnes ! C’est connu. La vie n’est faite que de difficultés. Le secret, car il y en a un, mis au point par plusieurs générations de philosophes légers, c’est de leur accorder aucune importance. Elles finissent par se manger les unes les autres et tu te retrouves dix ans plus tard ayant tout de même vécu. Les choses s’arrangent toujours.

    id. ibid.

    Acte II

     

     

     

     

  • CETTE RUE-LA

    C O L L I G N O N

    C E T T E R U E – L À

     

    chercher "petits-enfants" 031021

     

     

    Cette rue-là : ma rue. Je n'y habite pas mais l'emprunte à peu près tous les jours. Elle commence à cinquante pas de ma bicoque irréparable, pour s'achever place Capeyron, dépersonnalisée en "Jean Jaurès" ou Dieu sait quelle idole, où se retrouvent les petits commerces (poste, café, boulangerie). J'entreprends à mon âge ce que la société jointe à ma flemme ne publieront jamais. Resservir les Lettres de Rilke à un jeune poète. que l'on assène en début de carrière à tous ceux qui postulent à la gloire ou plus réalistement à la reconnaissance, relève de la plus pure malhonnêteté intellectuelle.

    La gloire en définitive, c'est comme l'argent ou l'érection : ne pas en avoir, ce n'est pas si important.

    Mais décidez-vous vite, ayez bien négocié votre virage dans le book-business : d'abord un emploi, n'importe quoi, le pied dans l'embrasure, et un jour, ou peut-être une nuit, le Sort, après maintes patientes intrigues (pour ces dames, on vous le publiera votre manuscrit, et même on vous l'écrira, de la première à la dernière ligne : n'importe quel fond de tiroir fera l'affaire – solitude, plaintes, replaintes et vieux viols)mais si vous vous figurez une seconde que vos timidités de couille sèche vous ouvriront l'accès Allah Publication ! Grotesque... Toutes les places sont prises, mon frère, tous les créneaux sont occupés, jusqu'à la moindre meurtrière tu ne vas tout de même t'amener comme ça devant l'usine à yaourts avec ton petit pot personnel dont tout le monde se contrefout...

    Sans oublier le coup du "comité de lecture" et du "manuscrit envoyé par la poste" ? ...il y a encore des cons pour le croire et des salopards pour le faire croire jusque dans les livres scolaires ; j'ai assisté, moi, aux Comités de Lecture. Un mec sort la première phrase avec l'accent belge au suivant avec l'accent arabe suivant japonais-pédé-bègue (à la fois – impressionnant !) - suivant suivant suivant qu'est-ce que t'attends pauvre con de timide va te flinguer et ne reviens jamais...

    ...Non, ce qu'il vous faut, jeunes gens just what you need c'est d'être bien dans sa peau bonjour à tout le monde avec le sourire, "l'écriture y a pas que ça qui compte", "l'important c'est de parler avec les Gens, les Aûûtres" (en choisissant bien). Les laissés-pour-compte, les timides, les authentiques – allez vous faire foutre. Le milieu, on vous dit, se faire bien voir et bien se faire voir, ne pas dépasser ne pas se dépasser, avoir bien négocié le virage (le cirage) des 20-25 ans, choix du métier choix du partenaire – c'est mon choix qu'ils disent – ô professeurs, chers inénarrables et couillons de profs, chers boy-scouts si sottement persuadés de votre influence – ce n'est pas vous qui faites l'avenir, mais ce redoutable, ce si bref lustre de 20 à 25 ans, où le Jeune commet ses premières et irratrapables bourdes, qui crèvent les yeux des aûûtres – mais qu'est-ce qu'elle lui trouve ! - et qu'ils défendront bec et ongle parce que c'est leur choix n'est-ce pas.

    En vérité je vous le dis je vous le pète, si vous n'avez pas dès le début intégré la profession du livre ou du journal, de la télévision ou du ciné, vous n'y parviendrez plus jamais, tout sera pour vous perdu, si vous n'avez jamais connu Un de la Mafia intimement et avant – car le premier commandement qui leur est fait aux mafieux, dès leur intronisation, c'est de ne jamais, plus jamais accorder leur amitié, exactement comme les femmes mariées de la Jourboisie se seraient crues déshonorées si elles avaient révélé si peu que ce fût sur la sacro-sainte Nuit de Noces, à savoir une grosse bite fourrageant sauvagement dans un pauvre petit sexe tout meurtri. Et aucune jeune fille de ce temps-là n'en a jamais rien su. De même, le réseau des maisons d'édition, soigneusement verrouillé, s'obstine-t-il plus que jamais à répandre auprès des jeunes lycé-huns des informations fausses, cette ignoble légende du "manuscrit-envoyé-par-la-poste" qui fait se boyauter jusqu'au dernier sous-directeur de collection – pauvres élèves... Bref, je ne me suis pas fait admettre parmi les milieux littéraires, je n'ai pas rencontré André Breton (il n'avait que ça à foutre, André Breton : se balader comme ça sur les trottoirs pour pistonner les débutants) – "mon succès, je le dois à mes rencontres !" - soigneusement arrachées, lesdites rencontres, même au sein de la Mafia, au terme de longues, farouches et tortueuses négociations - "il rencontre Marcel Bénabou, il devient documentaliste au CNRS" – alors voilà : on va dire du mal, de toutes les réussites en général.

    Il n'y a que ce sujet pour enflammer la conversation. Liste des maisons dignes du souvenir :

    - les Blot – la Doctoresse – le bourrier – le Six, ex-Mousquet, la mère Bourret juste en face – le vieil Arménien du pressing et son fils – l'ancien garage des Birnbaum – la bicoque rénovée en fausse meulière ; chez Barcelo – la pharmacie – le petit labo : encore la rue Mazaryk (nous étions deux vieux dans l'histoire, la femme et moi – autant dire que la rue d'Allégresse proprement dite ne montre que des pavillons totalement dépourvus d'intérêt.

     

    * * *

     

    La rue d'Allégresse joint l'avenue Gindrac à la rue du Niveau. Gindrac est un stade tout vert, où parfois les Minimes de Cingeosse affrontent SPTT Junior à grand renfort de projecteurs et de haut-parleurs. Le Niveau, c'est l'emplacement de l'octroi, d'une grande bascule au ras du sol où s'effectuait la pesée des fardiers, tirés par leurs grands limoniers. La rue d'Allégresse monte en petite. Fier-Cloporte habite plus à l'est, après la place triangulaire toute malcommode : au 5 Avenue François-Joseph, "Empereur d'Autriche et roi de Hongrie" (c'est sur le panneau) – 1830-1916 – pourquoi ici une Avenue François-Joseph ? pourquoi rue d'Allégresse ? une de ces dénominations d'ancien temps, le naïf, le grandiose, où les faubouriens de Liège s'en jetaient un petit au zinc "du Commerce et de l'Industrie", au coin pourquoi pas de l' "'Impasse des Fraternités".

    Dès les premiers pas le piéton passe au droit des panneaux "Résidence Allégresse", "Propriété privée", "Voie sans issue", superposés. Je n'entre jamais. Prenons tous les jours ou presque, seuls ou en couple, la direction de ces petits commerces Place Pérignon ou "Jean Jaurès" puisque "Jean Jaurès" il y a, mort en 1914. Trottoirs de terre battue, perspectives plates et pavillons sans grâce. Les Mousquet s'y sont promenés jusqu'en 97 où le mari est mort chez lui 'une chute au réveil ; lorsque les secours ont passé la civière entre les battants de la fenêtre un jeune infirmier lui a répété en boucle faut pas vous en faire PAPY ce n'est rien puis la veuve y passa sur ses jambes en poteaux, chaloupant son abdomen octogénaire sans une plainte. Ils ont bite au fond du jardin une bicoque insalubre, vue imprenable sur la clôture, télé à fond je l'allume pour avoir du bruit loyer payé recta bouclant mes fins de mois du proprio, j'envoie mon épouse toucher le chèque, ce sont vingt minutes de commérages. Derniers mots de Feu Papy n'oublie pas le gros lapin pinpin dans son clapier rue d'Allégresse au bout à gauche. Imbécile et grandiose. Ce qui vaut bien Du haut de ces Pyramides jamais jamais dit par Buonaparte.

    Voilà ce que l'on trouve rue de l'Allégresse : de ces renfoncements secrets avec un lapin tout au bout, des couloirs extérieurs prenant sous une porte puis se rélargissant en cours, sentier, prairie, petits carrés bien bêchés en herbes folles. Derrière des façades sages d'une rue à l''autre, de clôture en passages dérobés. Pour la Veuve Mousquet il faut passer sur un sentier cimenté sous les retombées de glycines ou de lauriers. Ce passage s'appelle, en matière foncière, une servitude, qu'il

    incombe à mes soins d'entretenir, en le débarrassant de toutes branches, feuilles, cailloux, noyaux de pêche et excréments félins, sinon le propriétaire devra payer pour le col du fémur, le fauteuil, l'hôpital et les obsèques. Beaucoup reste à construire ici. Les prix s'envolent, mais qui achètera la parcelle où vivote une aïeule de nonante-et-un ans ? Non, la rue d'Allégresse n'émet aucune atmosphère particulière. Une rue vide tout au plus avant travaux, sans densité ni parfum. Tel ce triangle de trottoir au tiers de sa longueur devant paraît-il un ancien garage, d'où déboulent sur trois tricycles trois gosses dérapant sur le sable-et-gravier non coulé. Juste un fragment de temps.

    Les passants conservent cette allure nonchalante. "Chez Grigou, escaliers, menuiseries" allée privée (trois maisons cossues ; où habite monsieur Grigou ?) - les trois gendres de Mme N. un jour pourraient bien apprécier cette petite porte de jardin entre ma plate-bande et l'espèce de terrain vague salement planté qui donne "un certain charme" dit-elle. Souhaitant qu'elle n'aille pas se casser la binette un jour sur ces 18 morceaux de bois mal assemblés, tout spongieux, tout verdâtres, qui grincent dans les coups de vent. La Nona dit qu'elle "tiendra bien autant que moi" "mais peut-être bien madame Mousquet (jamais "Mamy") vous nous enterrerez tous. Elle et son portillon.

    Façades fermées, jardins secrets – rien ne passe des habitants - qui se soucie des habitants... Je n'ai que les habitants moi. Je ne suis pas Perec. Rien à foutre des gens. Sauf quand ils m'encombrent le fond du jardin en me payant le loyer. Je ne vais tout de même pas imaginer un destin par bicoque dans le quartier. Bien assez de la mienne. La rue de l'Allégresse ne me rappelle rien. Du tout. Impersonnel jusqu'au délire. Je ne me souviens que d'un mort. Juste aujourd'hui Nommé Maroulis, avec sa ceinture, ses bretelles, son chef-d'œuvre Jardin Public rebaptisé Les Îîles Faults qu'on ne sait même pas prononce - un bon lainage, un beau roman, puis la mort. Celle de Fralle aussi, par association d'idées, Véra Fralle, dont les passants détournaient les yeux pourvu qu'elle ne me voie pas, bavasse somme elle est j'en aurais pour 3/4 d'heure "cadavérée" Zao sans problème, on remettra plus ample connaissance une autre fois.

    Nous mourons tous sns avoir pu parler. Sur sa tombe une gerbe rouge à même le sol ces derniers temps elle n'avait plus que la peau et les os, j'ai parlé de moi de l'autre côté des fleurs du bon côté de la terre - À ma meilleure amie Nicole – tu savais, toi, qu'elle s'appelait Nicole ?

    ..."Cité d'Allégresse" donc à gauche, brèche incongrue en tête de rue, loyers bas "tout confort" le monde entier pour l'occupant puis la rue qui commence en vrai entre deux trottoirs mal alignés comme des molaires en stade terminal les enfants trébuchent "en équilibre" s'il y a des enfants. Plus loin les vieux piétinage et radotage ("sont les apanages du grand âge") – boitillait le père Mousquet mari de la même. Un jour des cons l'ont bombardé de marrons, il s'est retourné en gueulant des syllabes édentées, ils ont pris la fuite. Et moi je n'ai pas réagi pour ma bordée de pétards entre les pieds jambes sans trembler d'une ligne. parole il est sourd ! Je hais tout ce qui pue le jeune avec la même connerie que je détestais tout ce qui passait 40.... Elle m'avait beaucoup frappé la nouvelle (Buzzati) un vieux vitellone '53 trucide son père avant de se regarder dans la glace - à présent, c'est lui, son père. Le vieux Mousquet fut enterré aux drapeaux comme ancien pompier. Ses deux petits-enfants concoctèrent une petite oraison ridicule par faute du curé, qui n'avait rien rouvé de plus endeuillé que de respecter religieusement leur charabia, inconscient de révéler, sous couvert de libéralisme grammaticale, un intolérable mépris du peuple. L'Église crève d'avoir voulu "faire peuple". La veuve Mousquet n'en écouta pas moins la messe télévisée, par la fenêtre ouverte tout l'été jusqu'à novembre, sans désarmer, Toujours bon pied bon œil, souriante et ravaudant les nippes des vieilles, en va-et-vient sur notre allée de servitude.

    À 8h chaque jour, horaire d'hiver ou d'été, ses volets claquent sur le mur que notre budget chaotique ne permet pas de retaper. Souvent nous lui téléphonons pour ne pas retrouver un beau matin son corps "en décomposition avancée" comme disent les journaux. Qui gagne ensuite sous son béret, clopin-clopant, le bout de la rue d'Allégresse. Ne pas prendre chaud. Ni froid. Le jeu consiste, à l'aller comme au retour, à éviter la vieille. Sans marrons. Du plus loin qu'on l'aperçoit , trapue et vacillante, s'interdire tout changement de trottoir, histoire de ne pas froisser. Bonjours, considérations météorologies en mode enjoué, chacun poursuit sa route. Elle a pris l'habitude de ces manières taciturnes. Mon mari était comme lui. Je mène (c'est son mot) une vie "retirée".

    Exact. À la dérobée je regarde ma montre sitôt la visite arrivée. La plus grande satisfaction est de passer tout le jour sans l'avoir vue sortir ou entrer. L'essentiel en tout cas est de ne plus croiser personne : traversements de rue du plus loin qu'on aperçoit quelqu'un. Quelle autre conduite à tenir ? ...détourner le regard, saluer au dernier moment ? Lâcher "Bonjour !" ? Voici l'endroit précis où se situe la moitié de la rue : cela se passe en biais, sur un angle de vingt degrés. Le côté gauche présente à cet endroit une propriété avec de l'herbe, un balcon où l'on monte par de larges marches, une plaque cuivrée : "Le Scouarnec" (Changer les noms ; les éditeurs désormais (ou les écrivains, car j'espère bien voir disparaître un jour ces parasites) se trouvent désormais confrontés à une certaine catégorie de gougnafiers qui prétendent se reconnaîte dans les héros de romans ; ils sont taxés du "délit de ressemblance").

    Nous reviendrons sur ces "Scouarnec", qui n'ont de breton que le nom. Elle habite Grande Avenue, et tient par alternance un magasin de nettoyage, en français un "pressing". Le domicile des Scouarnec est une lourde bâtisse assiégée de vert. Elle se rattache à la place J.J. ou Pérignon. Le côté droit présente en cet endroit deux ou trois cahutes indistinctes ; elles font encore partie du "Côté de Chez-Moi". Ce n'est qu'après le renfoncement triangulaire, annoncé par ce petit aloès piquant qui barre le trottoir (il faut descendre sur la chaussée) que s'amorce l'atmosphère de la place – déjà imperceptiblement (il fut difficile de découvrir où passait la limite entre les deux Côtés), le parfum de l'apogée – "aller-retour" : boulangerie, pressing, bistrot : il se passe quelque chose.

    Trois sortes de maisons dans la rue. Première : les antiquités. Taudis inchangés depuis la guerre. Une brave madame Thomas, foulard autour du cou, roquet en laisse. Quarante-deux ans de rue François-Joseph. Jamais posé de questions. Je veux dire : personne ne lui en a jamais posé. Quand elle est morte, tant de secrets en fumée. Admirable dans un sens. Je ne pourrais pas. 99% des gens qui dès leur plus jeune âge (un petit-fils est du nombre) ne conçoivent pas d'autres aspirations que de rester ainsi coincés dans le km² fixé par le sort. Au lieu du Vaste Monde. "Celui qui ne désire pas voyager, on devrait lui crever les yeux". Proverbe persan. "Pour trouver du travail, il faudra vivre en Estonie !" Plût au ciel que l'Estonie m'eût été donnée – nouveau pays, nouvelle langue à balbutier !

    Quoi de plus bas-de-gamme ! "Attachement à la terre" ! Ceux qui sont nés quelque part ! "Volem viure au païs ! ...Pénétrant dans sa chambre, si largement que se dilatent les narines – se sentir saisi d'étouffement – pour l'éternité – à mon âge vous savez – s'il a fallu que l'avenir se bouche pour envisager un seul instant d'écrire l'historique de sa rue – plus exactement la topographie – que nous font ces destins de cloportes dont à présent plus rien ne me distingue ! Compost humain ! Pas d'attendrissement – jamais – pour en revenir aux Maisons Antiques : la plus sale. Renfoncée le cul dans ses ordures. Tôle, canards et bouillasse – que leur donne-t-on à bouffer leur boue leur propre merde - pourquoi devrais-je absolument faire leur connaissance ? voilà des gens qui me regardent en intrus sitôt que Je jette un œil sur leurs immondices.

    Mère Mousquet locataire vivait naguère sous un monceau d'ordures. Un jour un gendre et deux cousins sont venus évacuer ces strates de boîtes à conserve et de bocaux de boutons ça peut toujours servir. Il était même miraculeux que rats et souris ne s'y fussent pas immiscés. Une profusion d'emballages gisait là, et de planches pourries, sous un toit de plastique ondulé menaçant ruine, prêt à trancher la carotide, droite ou gauche. Le lendemain, après la grande vidange, l'octogénaire contemplait hypnotiquement, de profil, le champ de bataille. Il restait encore au sol une couche adhésive en réserve, pour la prochaine immolation. Et comme je félicitais la vieille pour ce bon travail de jeunes, elle exhala un profond soupir : "Ça avait tout de même un certain charme".

    Ce fut le mot exact dont elle usa : "charme". Ce qui nous charme moins nous autres, ce sont les récipients morts de rouille qui recueillent l'eau de pluie, "pour la sécheresse", alors que moustiques et vermines y déposent leurs œufs, leur frai, leurs larves. D'autres maisons de la rue, mieux enretenues, conservent les aspects rustiques de leurs maçonneurs. L'une d'elles en particulier reste close, avec de hautes grilles et un exceptionnel étage en ces lieux. Nous en avons une deuxième, rue Kolik, où vit toute une famille : le père 56 ans dessinateur peintre qui retient son chien très étroit pour se dispenser de nous saluer ni même nous croiser. Une partie de son demi-hectare est à vendre en terrain à bâtir.

    J'aimerais l'empoisonner lui et sa famille afin d'accaparer un héritage aussi légal.

    La troisième demeure avenue François-J. fut sauvagement assassinée :la "Maison Usherr". Piquant dans la nuit ses trois pignons à la Psychose, étageant ses pièces abandonnées. Mon petit-fils et moi nous y sommes introduits. Elle était meublée. Jusqu'aux moindres recoins. Tout laissé en l'état, revues effondrées, disques éparpillés au sol tels que les avaient trouvés les brancardiers de l'infarctus – nous n'avons pas osé nous aventurer davantage, crainte que le plancher ne s'effondrât, nous eût engloutis sans retour – vaisselle incrustée de crasse, cartes grasses à même le lino – la mort même. Tragédie de l'insouciance. On décoince ton corps sans que personne ait pris le temps de fermer les volets ni les yeux .

    Le lendemain même de notre intrusion (Victor avait douze ans), la clôture avait été rageusement réparée DÉFENSE D'ENTRER. Et qu'il soit bien entendu surtout de racheter , à supposer que nous en ayons eu l'intention ou le rêve ; le propriétaire en effet, 94 ans et gâteux, une fois mort et bien mort, sa stupide engeance s'empressa de la jeter bas comme vieille bâtisse insalubre, dont la ruine imminente faisait frissonner le passant nocturne, pour ériger en fond de jardin bien rasé bien clos la baraque livrable clés en mains du catalogue : gros toit rouge typique, piscine et rires vulgaires d'enfants, car à notre époque, même les enfants peuvent montrer des trognes vulgaires.

    Notre habitation, rue François-Joseph, est de loin la plus laide et la plus recroquevillée : son pignon penche, un inspecteur est venu l'air soucieux, a visité nos combles, est redescendu catastrophe, serrant du poing une boule de bois toute piquetée de termites et tirée de sa poche à l'instant ; nous devions illico débourser, nous annonça-t-il d'un ton funèbre, telle somme pharamineuse et onique, la toiture nous cherrait immanquablement sur la gueule. Ma foi si le toit en avait pour trente ans, nous en avions bien nous-mêmes pour autant, et nous nous contrefoutions du reste. Nous n'avons plus revu Monsieur Termite ou Capricorne – et c'est bien totu à fait cela, devenir vieux : se foutre de tout, et – mon Dieu ! le bien que ça fait... Nos voisins les Ziegmann auront pronostiqué la démolition future de nos deux masures (la nôtre et celle de la vieille, au fond du jardin) ; puis sa reconstruction, par le propriétaire d'une ra-vis-sante maison neuve pimpante en diable.

    À l'emplacement donc de notre plate-bande pelée, j'imaginais déjà les grossiers ébats d'une génération d'incultes bien incapables de différencier Wagner et Vivaldi, férue d'informatique et de Madona, que je ne me fatiguerait même pas à hanter. Ils seront là, ces cons, dans l'air que je respire, à hauteur de mes pas. De quelles scènes, de quels divorces, de quels petits-déjeuners niaiseux ne seront-ils pas les pières figurants dans cet espace ?

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    Engageons-nous une fois de plus Rue de l'Allégresse. À plateau. À droite à l'angle, allée de maronniers. Cinq dans chaque file, noueux, immenses. Avec des racines trébuchantes en pleine allée. Des marrons où kicker à l'automne. Au début côté est, les traces métalliques d'un butoir en fer : un portail se dressait là. À l'autre extrémité, de biais, l'Allégresse. Il existait donc là, sur la route publique, tout un ensemle de maisons de maître, une gentilhommière, un château, que nos masures ont éliminé. Pour revenir de la poste, toujours passer par-là, dans l'herbe sous les marronniers. Nous allons jouer : nous serions les propriétaires. Au bout nous attendraient nos gens.

    On nous demanderait, en nous tirant nos bottes,si "ces Messieurs ont fait bonne chasse". Mais nos ne faisons rien d'autre aujourd'hui, que de déboucher, en biais, sur la rue des Jardins, où plus rien ne se laisse deviner : les anciens alignements eux-mêmes ont disparu. Tout va de guingois. Exit castellum. Pourvu à présent qu'on ne les rase pas, nos arbres. Ils ont bien souffert de la bourrasque du vingt-cinq sept cinquante-deux. Il y aurait un rond-point, un antre à blaireau supplémentaire. Longtemps la branche en fourche est restée suspendue, mais vous avez chez vous la même allée. Alors...

    Entre la chute et le croc-en-jambe au ras de sol jusqu'à centenaire, cordages sourdant de terre comme une veine sur la main de vieux, nous devrions les voir battre, énormes, sourdement, au rythme de notre propre sang. Les mêmes marrons qu'aux temps de nos enfances. Les marrons sont fascinants. Ils ne servent à rien, sans autre valeur que leur présence. Aussi les enfants les thésaurisent-ils, jusqu'à leur complet dessèchement. Des marrons. Des accumulations de marrons. Beaux, luisants, parfaits de forme. Les enfants tirent des marrons sur les vieux. Les vieux se retournent de tout le corps et profèrent des malédictions édentées, inarticulées. Ne pas devenir vieux.

    Plutôt mourir. Sans blague. Buter sur les racines est une chose. "Jusqu'à nos derniers souffles" en est une autre. Ce complément de temps qui retranche du temps – mourir n'est rien, mourir ici est doule peine. Car nous ne changerons plus jamais de lieu. Je sais où je dois mourir, et je sais que ce doit être ici. On ramènera mon corps ici. Quand mon esprit n'y sera plus. Le corps en tremblements. Une si belle allée de marronniers, courtaude, pacifique. Pour rentrer chez soi, aujourd'hui vivant. La vie de vieillesse ressemle à s'y fondre à ces fameuses joies qu'on lit dans les mémoires d'enfance. Les enfances des autres fascinent. On y parle de sensualité. Colette. Sarraute. Mille autres. Jamais au grand jamais je n'ai senti de sensualité de toute l'enfance.

    Strictement rien. La peur, l'impatience, la révolte : oui. L'injustice. Mais palper un marron ? Ça ne m'aura jamais fait plus jouir dans mon enfance qu'à présent même. Au portail supposé de l’ancien Château, là où subsiste incrusté dans la terre un fermoir en fer, se trouvent de nos jours deux conteneurs en plastique où l’on trie les déchets. En poussant sur les anus caoutchoutés, je précipite à l’intérieur les vieilles bouteilles : on presse le goulot sur l’opercule, tout disparaît dans un clapotis caverneux.