Proullaud296

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  • TI SENTO

    TI SENTO

    1. Presque toutes les fictions ne consistent à faire croire d'une vieille rêverie qu'elle est de nouveau arrivée.
    • André MALRAUX Préface aux Liaisons dangereuses
    • Collé au mur Boris Sobrov tend l'oreille, ce sont des frôlements, des pas, un robinet qu'on tourne, une porte fermée doucement - parfois, sur la cloison, le long passage d'une main. Le crissement de l'anneau sur le plâtre. Un froissement d'étoffes, presque un souffle - une chaleur ; puis une allure nonchalante qui s'éloigne, vers la cuisine, au fond, très loin, des casseroles. Un bruit de chasse d'eau : une personne vit là seule, poussant les portes, les tiroirs – il glisse plus encore à plat, à la limite du possible, sa joue sur le papier peint gris, mal tendu au-dessus de l'oeil droit : il voit d'en bas mal punaisées une vue gaufrée de Venise, « La Repasseuse » à contre-jour.
    • Boris habite un deux pièces mal dégotté, au fond d'une cour du 9 Rue Briquetterie sans rien de particulier sinon peu de choses, des souvenirs de vacances posés dans l'entrée sous le compteur et soudain comme toujours la cloison qui vibre plein pot sous la musique le tube de l'été OHE OHE CAPITAINES ABANDONNES toute la batterie dans la tronche il est question de capitaines, d'officiers trop tôt devenus vieux abandonnés par leurs équipages et voguant seuls à tout jamais, suivra inévitablement LA ISLA ES BONITA en anglais scandée par Madona - les plages de silence sur le vinyl ne laissent deviner ni pas de danse ni son d'aucune voix parole ou chant.
    • D'autres Succès 86 achève la Face Un, Boris a le temps de se faire un café, d'allumer une Flight ; la tasse à la main, il fait le tour de son deux pièces, jette un œil dans la cour, le jour baisse, ce n'est pas l'ennui, mais la dépossession, comme de ne pas savoir très bien qui on est. Sur la machine à écrire une liste à compléter. Boris s'est installé à Paris depuis quinze ans, il s'y est marié, y a divorcé, n'a jamais donné suite aux propositions des Services. La naturalisation lui a donné une identité : né le 20-10-47, 1,75m - petit pour un Russe - , teint rose, râblé, moustache intermittente.
    • - Les exilés attendent beaucoup de moi.
    • - Tu es Français à présent.
    • Un jour Macha je t'emmènerai en Russie.
    • Mon frère m'écrit d'Ivanovo.
    • - Je ne l'ai jamais vu.
    • - Moi-même je ne le reconnaîtrais pas.
    • Boris tire sur sa cigarette. Le mur de la chambre demeure silencieux. D'ici la fin de la semaine il aura trouvé un logement pour un dissident. Ici ? Impensable. Trois ans écoulés depuis ce divorce. Où est Macha? ...trois ans qui pèsent plus que ces vingt-cinq lourdes années de jeunesse, grise, lente, jusqu'à ce jour de 73 où il a passé la frontière, à Svietogorsk Le voici reclus rue de M., à deux pas de Notre-Dame de Lorette., tendant l'oreille aux manifestations sonores d'une cloison - qui habite l'autre chambre? il n'y a pas de palier ; ce sont deux immeubles mitoyens ou plutôt, car le mur est mince, deux ailes indépendantes qui se joignent, précisément, sur cette paroi.
    • Pas de fenêtre où se pencher.
    • Ce n'est pas un chanteur, ce n'est pas un danseur, ce n'est pas un écrivain, il ne fait pas de politique et ne sait pas taper à la machine.
    • C'est une femme.Un homme roterait, pèterait. C'est une jeune fille, qui fait toujours tourner le même disque. Elles font toutes ça : quand un disque leur plaît, elles le passent toute la journée. Les mêmes rengaines, deux fois, dix fois. Boris n'ose pas frapper du poing sur la cloison : A, un coup, B, deux coups, le fameux alphabet des prisonniers - il ne faut pas imaginer. «Je ne connais pas le sexe de cette personne » répète Boris. « Capitaines abandonnés ». « La Isla es bonita ». Et pour finir, toujours, en italien, « Ti sento ». "Ti sento tisento ti sento" sans reprendre souffle - la Voix, voix de femme, la ferveur, le son monté d'un coup, « ti sento - je t'entends - je te comprends"- ti sento - la clameur des Ménades à travers la montagne, le désespoir - la volupté - l'indépassable indécence - puis tout s'arrête – la paroi.grise - le sang reflue.
    • Déperdition de la substance.
    • Mais cela revient. Cela revient toujours. TI SENTO c'est toi que j'entends toi qu'à travers ta voix je comprends tu es en moi qui es-tu. Il est impossible. Boris frappe au mur, se colle au plâtre lèvre à lèvre, mais on ne répond pas, mais on ne rompt pas le silence, Boris halète doucement, griffe le mur : « C'est la dernière fois. » Il se rajuste plein de honte, se recoiffe, jette un œil en bas dans la cour : c'est l'heure où sur les pavés plats passe en boitant une petite fille exacte aux cheveux noirs, son cabas au creux du bras ; Boris renifle, se lave les mains, se taille un bout de fromage, la fillette frappe et entre.
    • - Bonsoir Morgane dit Boris la bouche pleine.
    • - Tu le fais exprès d'avoir toujours la bouche pleine?
    • Elle pose le cabas sur la table : « C'est des poireaux, des fromages, une tarte aux pommes, un poulet ; des bananes. Ça ira? »
    • C'est une gamine de dix ans, la peau brune, la frange noire et les dents écartées. « Comment va ta mère? - C'est pas ma mère, c'est la concierge. Aide-moi à décharger. Tu te fous l'estomac en l'air à bouffer ce que tu bouffes. » Boris fait semblant de se vexer. Marianne (c'est son nom) passe toujours le cinq-à-sept chez la mère Vachier, à la loge, en attendant que sa mère sorte du travail. La gamine fait les courses en échange d'une heure de maths. Voilà qui est convenu. « Qu'est-ce que tu m'apportes aujourd'hui?
    • - Le quatre page cent.
    • - Vous avancez vite!
    • - La prof a dit "Ça vous fera les pieds".
    • Boris se plonge dans les maths et dans la cuisine, à même la table – à chaque fois le même jeu, la vue de la bouffe lui met les crocs. «  Tu ne peux pas éplucher tes poireaux ailleurs ? ça pique les yeux.
    • Soit un carré A B C D , une sécante x, une circonférence dont le centre... « c'est horrible, tu es sûre que c'est au programme?
    • - Punition collective. Moi j'ai rien fait.
    • - Ca m'étonnerait.
    • Marianne attaque une banane. Boris prépare une vinaigrette, tache le bouquin , jure en russe, écrit d'une main et s'enfonce la fourchette de l'autre.
    • - Tu pourrais fermer la bouche quand tu manges.
    • - Un peu de poireau?
    • - Après ma banane?
    • Boris s'étrangle de rire.
    • - T'es franchement dégueulasse, Boris. T'as fini au moins?
    • - Sauf la troisième question.
    • - Tant mieux, elle croira pas que j'ai pompé.
    • Boris ne comprend toujours pas pourquoi Marianne tient absolument à lui proposer des problèmes de maths.
    • Et tes quatre en français? - Je sais tout de même mieux le français qu'un Russe.
    • Même pas. »
    • Marianne engloutit un yaourt. « Pour une fois » pense Boris « elle ne m'a pas dit T'es pas mon père" pense Boris.
    • Marianne se penche sur l'ordinateur : « Qu'est-ce que c'est que tous ces noms à coucher dehors? - C'est la liste de tous les émigrés russes de Paris. - A quoi ça te sert ? - L'association verse de l'argent aux plus nécessiteux. - Aux plus pauvres?...C'est tous des pauvres? 
    • J'appuie sur le bouton? - elle appuie sur le bouton. Deux heures de travail perdues. Boris l'engueule. Ils se séparent fâchés comme d'habitude.
    • X
    • Le travail à domicile permet de choisir l'heure de son lever. Boris ne dépasse jamais huit heures - la robe de chambre, les bâillements, la barbe qui tire ; le placard, le bol, la cafetière, le réchaud. Un yaourt pour commencer, surtout pas de radio. Les biscottes, le café bu bruyamment, ramassage de miettes, envie de pisser - un homme très ordinaire, en Russie comme à Paris. A huit heures et demie, de l'autre côté du mur, il, ou elle, s'éveille. Pas de bâillement, pas de chanson, pas de jurons, juste des pieds qui se posent, des pantoufles qui s'agitent, un pas léger vers les toilettes.
    • Comme la porte est fermée, on ne peut pas distinguer si c'est le jet d'un homme ou d'une femme. Les coups de balai, dans les plinthes, ne prouvent rien non plus : il existe des petits nerveux, soigneux comme des femmes, qui font le ménage tous les jours. Sans oublier la toilette du matin, sans exception, même le dimanche : eau chaude, eau froide ; puis le petit-déjeuner : cette personne mange après s'être lavée. Logique. Le bol, la cuillère, le raclement dans le beurrier en fin de semaine, jusqu'à la fermeture caoutchoutée du réfrigérateur : aucune différence d'une cellule à l'autre ! ces bruits-là passent les murs. Pas les voix. Puis le claquement exaspérant des quatre pieds de chaise. Mais il y a des femmes brusques.
    • Et le déclenchement des crachouillis du transistor. Indifféremment des infos, de la pub, de la musique de bastringue, du boniment de speaker. Inutile de coller l'oreille au mur. D'un coup tout s'éteint, la vaisselle dans l'évier d'alu, les chaussures qu'on enfile - pas de hauts talons - pas de clé qui tombe, pas de juron - pas de monologue – pas de sifflotement - la porte claque. Boris peut enfin procéder à ses ablutions. Un soir, Boris perçoit un cliquetis étouffé‚ la clé tourne, le battant s'ouvre, des voix se mêlent dans le vestibule - ce doit être un vestibule – vite un bloc-notes : un homme, une femme.
    • Qui invite l'autre?
    • Chacun ôte son manteau ; que se disent-ils? des choses gaies, des choses quelconques. Boris s'appuie si fort que son coeur doit s'entendre, ou le plâtre se fendre. Les répliques se chevauchent, un homme, une femme, peut-être homosexuels tous les deux, Boris ne désire rien d'autre qu'une conversation banale, mais enfin compréhensible - « Je ne suis pas un espion soviétique » - répète-t-il entre ses dents. Les intonations sont franches. Il existe entre les deux êtres une forte intimité. Mais toujours un bruit parasite (chaise heurtée, glaçon frappant le verre) embrouille les phrases à l'instant précis où les syllabes se détachent.
    • L'homme et la femme se séparent. L'homme répond en mugissant du fond des toilettes; il ssont décidément très intimes - la femme répond de la cuisine. Puis l'homme se lave les mains, la voix de femme plus étoufée répond d'une chambre. Voilà une disposition de pièces facile à déduire : de l'autre côté du mur, ce serait la cuisine, plus au fond donc - les toilettes (bruit de chasse d'eau), la chambre à gauche avec son petit cabinet de toilette (des flacons qui s'entrechoquent). Boris esquisse un plan. Au nombre de pas, le logis mitoyen ne doit pas être beaucoup plus grand que le sien ; quand le couple élève la voix, Boris comprend qu'ils se tutoient ; il se félicite de n'avoir jamais introduit de femme chez lui – à présent ils se sont rejoints dans la chambre. Le reste va de soi. Tout cependant n'est pas si facile. Il y a discussion. L'homme exige des preuves. La femme proteste et veut se laisser convaincre. C'est la première fois qu'ils couchent ensemble. Dans ce cas de figure c'est la femme qui reçoit ; mais elle peut être venue sans préméditation. Quoique. Le ton monte. On se bat. « Suffit! » gueule Boris. On ne l'entend pas. Bon sang ils se foutent dessus. C'est un viol. Par où entre-t-on chez ces gens-là ? Il passe la main sur le combiné - des rires, à présent. « J'aurais passé pour un con ».La lutte s'affaiblit.
    • Ça devient autre chose. Evidemment. Mais le lit a beau lancer du fond de son appartement toute une rafale de grincements, les deux salauds peuvent bien se tartiner des couches de gueulements à travers la gueule, la quique à Boris continue à pendouiller. Quand ils se sont relevés, lavés, rhabillés, quittés, Boris bande d'un coup, se précipite à la vitre et se reprend juste à temps pour ne pas soulever le rideau. De sa fenêtre il n'aperçoit que la cage d'escalier de l'autre aile d'immeuble : d'en bas, les jambes - de face, le buste sans la tête, d'en haut, les crânes. Le soir (la scène se répète le lendemain, mais impossible de savoir qui de l'homme ou de la femme, reste sur place...) il faut compter avec les irrégularités de la minuterie, réglée très serrée ; ce n'est pas facile.
    • D'après la disposition des lieux, l'Occupant Contigu tient donc dans un deux-pièces au troisième, avec un retour peut-être sur la droite ; même en passant la tête et tout le torse par la fenêtre, l'alignement du mur interdit toute vision. Boris imagine un invraisemblable jeu de miroirs, de périscopes, de potences orientables. En tout cas le vingt-quatre avril, dans l'immeuble d'à côté, la loge sera vide ; tout fonctionnera au Digicode - bientôt il faudra réintroduire les concierges dans Paris comme les lynx dans les Vosges. La mère Vachier fait la gueule à tout hasard, garde la petite Marianne et refuse toute collaboration : « A côté? c'est l'interphone. » Démerdez-vous. « Code BC24A. » Boris n'a rien demandé.
    • Il n'a même pas posé de questions sur la petite fille. « C'est une voisine, comme ça. ». La portière a besoin de se confier. De l'autre côté de la cour se trouve une deuxième cage d'escaliers aux vitres encore plus sales encore. Moins animée. Boris n'y regarde jamais. « Tu as peut-être tort » suggère Marianne- Boris aussi a besoin de se confier. Tous les soirs avant la télé- on n'entend plus rien,a-t-il – a-t-elle – déménagé ? - Boris s'assoit devant la fenêtre la tête dans l'ombre et observe le défilé des locataires ou visiteurs. Ça monte, ça descend, avec des arrêts dans le trafic, des reprises, des précipitations,des temps morts ; des crânes sautillent de marche en marche, des mollets s'embrouillent, des jupes, des pantalons, des profils : graves, riants, tendus, le plus souvent sans expression. Il y a des hommes qui se grattent le cul, des femmes qui se sortent la culotte de la raie ; personne ne se raccroche du bras, ni ne s'arrête pour bavarder. Normal. Les clients de la psy du troisième se succèdent exactement dans le même ordre. Notaire au deuxième droite. Une manucure, le détective - au n° 26 donc, juste à droite en sortant – là où précisément l'inconnu ou toute nue fait son nid - il ou elle est revenu(e), les habitudes sont les mêmes, les disques aussi : « "Ti sento", le rock italien, à intervalles réguliers.
    • Peut-être un peu moins souvent. Boris guette. Il note dans le noir sur ses genoux. Le carnet comprend une feuille par nom : "A-X", « Tête à l'Air", "l'Oignon Bleu". Ou bien  François Debracque, Aline Aufret, Gérard Manchy : les symboliques, les sobriquets, les noms communs. Pas un russe. Plus de femmes que d'hommes , aucune vraiment qui plaise. « Tu connais bien des bonnes femmes à ton boulot, dit Marianne. Pourquoi tu ne les dragues pas? » Boris a du mal à expliquer que ces femmes-là, justement, à l'Institut Pouchkine, ne se soucient pas de flirter ; elles suspendent leurs organes génitaux aux patères. Ou c'est tout comme. Maintenant c'est Marianne qui mate ; elle soupèse les femmes : « ...Pas mal..Un peu forte. - Et les hommes ? - Tu deviens pédé ? - Je veux savoir qui habite à côté ; il n'y a plus de concierge. » Marianne redouble d'attention. « Mais tu connais tout le monde, Marianne – non ?
    • - Pas du tout - ce cul ! - eh, mes maths?
    • - Plus tard.
    • - Je reprends le cabas.
    • - Garde un éclair pour toi, n'oublie pas l'huile la prochaine fois.
    • - Ciao.
    • Boris joue le tout pour le tout. Il va se poster, sans se montrer, sur le trottoir, tout près de la porte ; le code est faux ; alors il se glisse derrière un locataire qui lui tient la porte. Il voit tous les noms d'un coup sur les boîtes aux lettres : des Italiens, des Français de Corse, des Bretons. Un certain Dombryvine. Abdelkourch. Lornevon. Le courage lui manque ? non, l'idée même de monter au troisième – "bon sang, c'est trop stupide, j'y vais" - mais dans le couloir, là-haut, les portes sont anonymes ; la minuterie allume sur le bois des lueurs de montants de guillotine. Boris redescend très vite dans le noir en s'insultant ; il aura mal retenu la disposition des lieux. Mais le lendemain, il récidive. La rue grouille. Le même homme lui tient la porte. Cette fois il s'attarde : au troisième – ni médecin donc, ni voyante, rien de ce qui se visite – il distingue vers le fond une fenêtre sale : exactement dans l'angle mort de sa fenêtre à lui. Impossible de voir ; de retour au 24, Boris fait son croquis : appartement 303.
    • Manque l'âge, le nom, le sexe. Le sexe manque. Ne pas lâcher prise. “Qu'est-ce que tu lui veux à Madame Vachier ? - Juste parler avec elle. Tu vas aussi lui demander ce qu'elle pense de moi, d'où je viens, qui c'est ma mère... - Ce ne serait peut-être pas inutile. Tu veux savoir qui habite à côté  ? Tu manques de femme?... - Il y a toi. - Cochon. - Je ne veux pas que tu ailles chez la concierge. - Moi aussi je manque de femme. - Elle est grosse, elle est moche, elle est mariée, dit Boris. Il va voir le mari de la concierge. C'est un Alsacien à gros ventre et bretelles, loucheur, boiteux ; Boris met au point une histoire à dormir debout : « Je suis fonctionnaire à l'immigration ; la locataire - il choisit le sexe - du 237 n'est pas en règle. » Monsieur Grossmann - il ne porte pas le même nom que sa femme - est l'honnêteté même. « Pourriez-vous me prêter dit Boris votre passe ? je suis sûr d'avoir oublié mon portefeuille chez Madame Schermidtau 237...
    • - Vous connaissez son nom?” Le souffle coupé, Boris voit le concierge détacher du clou le grand anneau qui tient les trente clés plates. «.C'est elle gui remplace M. Laurent ?” Boris acquiesce, la boule dans la gorge. « Je vous accompagne. » Grossmann est bavard. Il faisait partie des "Malgré Nous" sous le Troisième Reich. Il en est miraculeusement revenu. Il aime bien raconter. Le portail vitré du 26 s'ouvre sans effort : « J'ai le même passe que le facteur » dit Grossmann.Boris monte les étages avec le boiteux. « Dix ans qu'on attend l'ascenseur...Regardez l'état de la moquette... - Il faut bien que les escaliers servent à quelque chose." Vous dites des conneries, Monsieur Grossmann. Voici la porte ouverte. Boris écarquille les yeux et grave tout dans sa tête : le corridor de biais, très court, très étroit, vers la gauche ; trois portes ouvertes, la salle à vivre claire, avenue Gristet, bruyante; la chambre au fond, sombre, retirée - « salle de bain, cuisine » dit le portier - « je vois bien » dit Boris. Difficile après cela d'imaginer, de l'autre côté, son propre foyer, solitaire – il ne ressent pas son appartement – où est-ce qu'il colle-t-il son oreille? Très exactement ? ...Ça n'a pas du tout la forme d'un L... Boris ne cherche rien. Il ne bouge pas. Grossmann comprend ; il reste en retrait, muet. Trop d'immobilité, trop de respect dans le corps du Russe lorsqu'il s'approche enfin des étagères et lit les titres lentement, le "Zarathoustra" de Nietzsche, "l'Amour et l'Occident", « Deutsches Wörterbuch », « A Rebours" de Huysmans, un Traité de Diététique – une Bible - quelques ouvrages sur le vin.
    • Une collection de "Conférences" des années trente - dis-moi ce que tu lis...? La penderie est restée ouverte ; ils y voient une proportion égale de vêtements féminins et masculins - chacun sa moitié de tringle : des habits soignés, sans originalité excessive. Revenant au salon à pas précautionneux Boris aperçoit contre son mur un tourne-disque. J'aurais dû commencer par-là. Sur la platine "Ti sento", rock-pop italien. Boris coupe le contact; le voyant rouge s'éteint. Qui relèverait mes empreintes ? La pochette, luisante, à l'ancienne, représente une femme fortement décolleté‚ cuisses nues, décoiffée, en justaucorps lamé. «Madame Serschmidt ne vit pas seule, dit le concierge. Boris a inventé ce nom. Il s'informe gauchement (« Reçoit-elle des visites ») - Vous devez le savoir, Monsieur Sobrov.» Boris repère encore la Cinquième de Beethoven, la Celtique d'Alan Stivell, René Aubry et un double album de folklore maori.
    • Plus la Messe en si mineur, BWV 232. Jamais il n'a rien entendu de tout cela. Le concierge propose de manger un morceau. Boris refuse, effrayé. « Mais elle ne revient pas avant six heures ! » Boris se retient si visiblement de poser des questions que l'Alsacien précise malignement : « Je reçois les loyers au nom de Monsieur Brenge". Il prononce à l'allemande, "Brenn-gue". - C'est peut-être son frère qui paie ? ...Serschmitt est son nom d'épouse, elle a divorcé... » Grossmann ne confirme rien. Il se dirige vers le réfrigérateur : « Vous saurez toujours ce qui se manche ici ! » - des oeufs, des pots de crème de langouste, un rôti froid en tranches et trois yaourts. « A la myrtille », dit le concierge ; il se sert, rompt du pain, choisit du vin. “Tant pis pour la langouste”, dit Boris - ils s'empiffrent - Boris veut faire parler le gros homme. Seulement, il n'y a plus rien à ajouter. Le portier tente d'en faire croire plus qu'il n'en sait. Il prétend que "tout le monde défile » dans ce studio. « N'importe qui tire un coup ici, puis s'en va. » Ils se défient du regard en mâchant. Rien ne correspond aux longues attentes, aux exaltations de Boris dans son antre – à moins qu'il ne s'agisse d'une autre chambre ? « Gros porc » dit Marianne le lendemain ; « Tu y es allé. Je sais que tu y es allé. Je ne voulais pas que tu y ailles. Saligaud. Vulgaire. Je t'ai vu entrer dans l'immeuble avec le mari de la mère Vachier. « Tout le monde y vous a vus monter la cage d'escalier. Même que tu es entré dans l'appartement, et que tu as regardé partout, fouillé partout, dans les livres, dans les disques, même entre les robes. Et vous avez bouffé du saucisson et du pâté de langouste et ça c'est dégueulasse. Au goût j'veux dire.
    • - C'est chez toi ? - Ça ne te regarde pas. Déjà que tu me fais reluquer les grosses qui descendent les escaliers, et quand il y a de la musique tu arrêtes la leçon de maths même si j'ai rien compris et tu colles ton oreille au mur comme un sadique.
    • - C'est ta mère qui habite là ? - Dans ton quartier pourri ? on est riches nous autres, on a une BMW, on va aux sports d'hiver et c'est pas toi qui pourrais te les payer pouffiard. - Tu veux une baffe ? - .Je le dis à maman et tu ne me revois plus et tu seras bien emmerdé parce que tu es amoureux de moi mais tu peux courir et si tu me touches j'appelle les flics.
    • - Tu t'es regardée? - C'est dégoûtant d'espionner les gens t'as qu'à te remarier ou aller aux putes. - Ça suffit Marianne merde, c'est chez toi oui ou non ?” Marianne prend son souffle et lâche tout d'une traite «Avant c'était chez moi maintenant on a déménagé mais c'est pas une raison t'as pas le droit d'entrer fouiller partout avec tes pattes de porc pour piller dans le frigo et si on avait su que tu devais habiter là on se serait tiré encore plus vite - C'est le concierge qui... - Parfaitement que c'est le concierge - Et pourquoi tu ne vas pas l'engueuler lui ? - Parce qu'il est pas tout le temps à me chercher.Tu ne m'as pas encore tripotée mais c'est dans tes yeux. » Boris Sobrov demande pourquoi le concierge éprouve le besoin de raconter tout ce qu'il fait;
    • Marianne répond que sans ça il ne serait pas concierge, elle ajoute encore qu'elle préfère s'amuser avec Grossmann que de rester à faire des maths avec un vieux grognon - "chez toi il n'arrive jamais rien ». Puis ça s'arrête, la petite fille aux cheveux noirs revient le lendemain avec les provisions. Boris s'est arrogé le droit de contrôle sur tous les résultats scolaires de Marianne ; il consulte le carnet de notes, il joue au père, l'exaspération croît de part et d'autre. Boris lui dit qu'elle a les mêmes yeux noirs que sa fille à lui, qu'il n'a pas revue depuis longtemps. « Elle faisait les mêmes fautes que toi. - Elle est dans ma classe.” Boris est bouleversé. Il demande doucement, comme on tâte l'eau, la manière dont elle se coiffe, si elle travaille bien. Si elle parle de lui...Marianne se rebiffe. « Elle est dans une autre section, ta fille, on se voit aux récrés, ce n'est pas ma meilleure copine, ma copine c'est...
    • - Je m'en fous - attends, attends ! - comment elle s'appelle ta meilleure amie ? - Ah tout de même! Carole.” Boris demande si Carole travaille bien, si Marianne et elle ne se sont pas disputées, si elles ne pourraient pas venir travailler ensemble... « Je ne l'amènerai jamais ici ; tu nous forcerais à faire des choses.” Boris pousse un soupir d'exaspération.
    • Il la laisse en plan, passe à la cuisine pour bouffer du fromage blanc, à même les doigts. Il est bien question de leçon de maths. Quand il revient Marianne de l'air de se payer une tête. Boris fouille dans une pile de dossiers, les dossiers s'effondrent, il les reclasse. Récapitulons. « Tu n'es pas mon père". Elle ne me l'a pas encore faite celle-là. « Tu n'es pas ma mère ». « Tu ne sais rien de moi" - ne pas raisonner. "Intuiter". J'ai divorcé depuis six mois. Cette fillette est déposée chez les concierges par une femme qui n'est pas sa mère. Marianne ressemble à sa fille qu'il n'a pas vue depuis six mois – putain de juge – une femme. Marianne connaît Carole Sobrov. Non seulement c'est sa meilleure amie, mais elles sont devenus demi-sœurs par remariage – sa femme s'est remariée avec le père de cette petite guenon de Marianne.
    • Il se cache le front dans la main. “J'ai très mal à la tête. - Je m'en vais, ciao”.
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    • A peine Marianne et sa tignasse ont-elles tourné le coin du palier que Boris dévisse la minuterie. Panne. « Merde » dit l'enfant. Boris se faufile en chaussons derrière elle dans l'escalier. Juste la lumière du puits de cour. Il dérape sur les marches. La rampe est encaustiquée. Devant lui, Marianne s'arrête dans le noir, relève la tête. Au premier, elle réussit à renclencher la minuterie. Boris la suit toujours. Au rez-de-chaussée, la loge forme l'angle dans la cour. Les vitres laissent tout voir. Boris, dans la cour profonde, se colle contre un mur entre deux poubelles. Comme dans un film. Dans les couples, ce que Boris déteste, c'est le mari : il n'a rien d'intéressant entre les jambes. Tant de femmes raffinées collées à des butors. Le père de Marianne, c'est pareil. Trop grand, trop fort, la voix désagréablement masculine. Ses gestes sont brusques. Il ressemble à une bite. Tous les hommes ressemblent à des bit es.
    • La petite fille pleure, à présent. Même si c'est une teigne Boris se sent bouleversé. Tout le monde s'engueule, le père et le concierge se menacent mais c'est Marianne qui se prend une claque. Boris bondit, arrache presque la porte et se mêle au tas. Le beau-père le prend à partie : « Vous laissez traîner vos pattes sur la petite. Vous faites espionner un appartement privé par l'intermédiaire de cet individu. Vous êtes un fouille merde. Je vous en foutrai des cours de maths. » Tout le monde se quitte pleurant, gueulant, Boris s'en remonte chez lui, brouillé avec Grossmann et sans espoir de fillette à venir.
    • A ce moment "Ti sento" se déclenche dans la pièce voisine, et cette fois, on danse.
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    • "Chère, Lioubaïa Tcherkhessova !
    • "Je souffre à crever parce que le voisin ou la voisine fait gueuler un tube infect en italien, "Ti sento". C'est pire qu'une rage de dents et je ne peux pas m'en passer. Je ne sais toujours pas si c'est un homme ou une femme qui passe le disque, et qui danse. Ce qui chante, c'est féminin, ça crie toujours les mêmes voyelles avec chambre d'écho, mes cours d'arménien vont bien, je m'embrouille encore dans le tatar. "Ti sento" est le meilleur morceau, les autres braillent le rock à la sauce Eighties', je suis sûr qu'on le fait exprès pour m'emmerder, si tu n'habitais pas à l'autre bout de Paris ce serait toi.
    • "D'ailleurs j'y suis allé l'autre jour avec le concierge et son passe-partout. Je n'ai rien fouillé, rien dérangé du tout. D'après le père Grossmann ce serait une sorte de chambre de passe, une fois j'ai surpris des baiseurs à travers le mur mais ce n'était pas toi. Le concierge ment. Il y a là quelqu'un. Qui paye son loyer. Qui n'emmerde que moi. Un jour je le coincerai. Le ou la. Si c'est une femme, ça va chier. Terminé les petites astuces : Marianne c'est ta fille, enfin, celle de ton homme, un vrai, un gros porc - pour l'insolence, la morveuse, impeccable. Elle a craché le morceau.
    • C'est vous qui me l'envoyez depuis trois mois pour espionner. Il n'y a rien à espionner. Il n'y a pas de femme ici. Pas d'homme. Pas d'argent. Comme un moine. Et je suis en règle avec les services d'immigraiton si tu tiens à le savoir. Et je suis sûr qu'elle cache autre chose, ta Marianne. Elle me cache ma fille. La vraie. Elle sait quelque chose sur l'appartement d'à côté. Elle a pleuré quand elle a su ma visite avec Grossmann. Elle est allée se répandre comme une poubelle à la loge devant ton mari de mes couilles, qui a failli me taper dessus.Elle raconte que je la tripote.
    • "Toi, ça fait un temps que je ne t'ai pas vue. La dernière fois c'était au grand bureau. Soixante-dix ordinateurs. A devenir fou. Je ne sais plus comment ça a commencé. Tu as toujours une engueulade de réserve. Moi aussi. Ce n'était pas la même. Petit à petit les soixante-neuf têtes se sont levées, les ordinateurs se sont tus, nos paroles se perdaient dans l'épaisseur de l'air, tu t'es fait virer puis aussitôt réintégrer pour "bons antécédents", pour moi c'était définitif, je travaille pour la misère, tu crois que ‡a m'intéresses de vérifier des listes, de faire le compte des morts, vérifier les adresses , les patronymes : «Ivanovitch » ou « Pavlovitch? »
    • ...Sagortchine a-t-il reçu sa pension ? Que devient Berbérova? A-t-elle trouvé un
    • emploi en rapport avec sa formation ? A quels cours sont inscrits les frères Oblokhine ? Pourquoi Sironovitch a-t-il divorcé ? de quoi est morte la Bibliskaia ? Quel nom portait-elle en Espagne ? Le KGB a-t-il relâché Dobletkine ? Pourquoi tous ces gens-là n'adoptent-ils pas définitivement un nom bien français ? toi au moins tu ne t'es pas remariée avec un Russe. Mais ton Léon Nicolas, dont je viens de faire la connaissance, c'est just un gros tas de vulgarité - le Russe, c'est un prince, ou un moujik. Je sais comment ça va finir : toujours la faute de l'homme ! Je ne suis tout de même pas le seul éjaculateur précoce de France et de Russie Blanche réunies !
    • "Avant l'informatisation nous travaillions ensemble. Avec de vraies fiches, dans les vraies mains. Tu dictais, j'écrivais. Maintenant je travaille seul. J'ai une carte de Paris et de l'Ile-de-France où je peux lire qui, et à quelle heure, dort dans quel lit, et en quelle compagnie. Je te promets de t'aider à la cuisine, j'essuierai mes pieds, je ne te tromperai plus sans en avoir vraiment envie, je ne ramasserai plus de chiens dans la rue, en ce moment je n'en ai pas. Nous écouterons autre chose que de la musique classique, tu pourras aller seule au ciné, tu ne peux pas savoir à quel point ces vingt-cinq semaines m'ont transformé‚ reviens." Le surlendemain Boris reçoit un télégramme ainsi conçu :
    • "VA CHIER. "
    • "Ti sento" se déclenche, Boris prend le métro jusqu'à La Râpée, pour visiter la rue Brissac : il la remont‚ il la redescend, la rue est à lui, il en est à la lettre B. Il hume le parfum du métro, il trace dans les couloirs carrelés, bifurque sans ralentir sous les plaques bleues, suit des épaules, un cul, des talons, s'accroche aux barres, marque ses doigts sur le chrome, invente les coucheries des femmes, note les rides de fatigue, évite les haleines, joue avec son reflet sur la vitre noire et le tunnel qui court, tâte son portefeuille, ne cède jamais sa place. Dans Paris, Boris prend la première à gauche puis à droite et ainsi de suite, ça le mène parfois très loin, il voit des maisons, des trottoirs, des voitures ; des crottes, des gouttières avec les petites annonces collées dessus, la pierre des immeubles, des vitrines de coiffeurs, de bouchers, d'ordinateurs ; des prismes Kodak, des servantes en carton "Menu à 60 F" "Menu à 120 F" – et des gens.
    • Des gens comme s'il en pleuvait, comme s'il en chiait, mal fringués, super-chic, soucieux, d'âge moyen, noirs, enfants, groupés, par couples qui s'engueulent, qui s'aiment, en débris, "alors j'ui ai dit", "pis elle a répondu", "forcément » - les oreilles qui traînent, les narines à l'essence, et le grondement continu de marée montante qui fait Paris.
    • Comme au débouché de sponts, ou sur les places circulaires, il est difficile de trouver "la première à gauche", "la première à droite", Boris s'immobilise, tend les bras dans la foule indifférente, se décide pour un cap. Derrière la Bastille, en un quartier cent fois parcouru, voici qu'il découvre un quartier - "...j'aurais pourtant juré..." - où jamais ni lui, ni personne, n'a mis le pied. Il s'avance en flairant , deux murailles, un trottoir déjeté, une vitre fêlée, « CREPERIE », plus bas en biais « en faillite » et des pavés. Un petit vent. Un caniveau qui pue. Peut-être un vieux qui crochète une poubelle avec application. Peut-être un chien.
    • Et là-haut, dans les étages, "Ti sento ti sento ti sento » - Boris immobilisé - sur le tuyau de gouttière un papier périmé "La Compagnie de l'Oreille » joue "La Cerisaie"- le soleil ne perce pas, un pigeon pique du bec, le chien nez au sol, le pigeon s'envole, fin du disque, le portail s'ouvre, le heurtoir retombe, une femme jeune, vive, sur le trottoir en cape orange ; peut-être que là-haut chez elle les fenêtres donnent sur (le bassin de l'Arsenal ?) Boris lui laisse une bonne distance d'vance, la suit (la cape orange !) place Mazas, à la Morgue au Pont d'Austerlitz. Il baptise la femme "Ysolde", au-dessus de la Seine l'odeur de l'eau emplit les narines ou le devrait, un jeune homme dépasse Boris en rejetant son foulard sur son dos.
    • Place Valhubert, face au jardin des Plantes, il la suit de très près, de feu rouge en feu rouge, la cape orange court et court dans le déferlement des roues, un grondement continu remonte par le Quai d'Austerlitz, les voici côte à côte.
    • Elle a très exactement le nez de Paris, les cheveux bouclés, le sac à main est vert – il la perd – bouche de métro – figure obligée - couloirs d'Austerlitz. Chacun sa voiture. Station, station - près de la porte – montant de chrome - pivote, s'efface - pivote, redescend, remonte – bienfaisante affluence - le nez dans les cheveux d'autres femmes ou sur les calvities, les pellicules - « Place d'Italie » - facile - la cape orange force - Boris lourd et vif contourne les épaules, les hanches, passe de biais, trébuche devant le dos des vieilles.
    • Une autre rame et même jeu. C'est elle, la rockeuse latine – mais à la station vide, enfin, où elle descend, la femme fait volte-face, l'insulte, le frappe avec son sac à main - « Attendez! Attendez ! » - Boris court, trébuche. Ils débouchent tous deux à l'air libre [Nuit, Pluie] :
    • « Qu'est-ce que tu me veux ?
    • - Vous parler.
    • - Me parler, me voir, me toucher, me sauter, dégage!
    • - "Ti sento, ti sento , ti sento"!
    • Ils crient, ils courent [pluie renforcée] - Votre nom? Votre prénom?
    • Un portail lui claque au nez. 26 rue de M. Le même disque aux deux adresses. Boris s'essuie la joue, tourne le dos, s'engouffre dans son propre escalier, tourne la clef de son enclos – aussitôt le disque se déclenche, très fort – alors Boris danse, comme un ours, comme un boeuf sous électrochoc ; le lendemain il se demande pourquoi le père de Marianne amène sa fille à la loge. Soit pour le narguer. Hypothèse exclue : le divorce fut aux torts exclusifs de Boris. Soit pour se débarrasser de Marianne - haine réciproque. Possibilité de récupérer l'affection de sa femme = ? Boris lutte cinq minutes contre la nostalgie. « A moins que » poursuit-il « le nouveau mari ne dépose Marianne chez le concierge que pour se rendre chez une maîtresse - Mauricette » - il l'appelle Tcherkessova - me reviendrait - ah non ! »
    • Le concierge est suspect : parfaitement, Grossmann. Impossible à filer. « Il s'introduit là-dedans comme il veut ; il se sert en saucisson , il prétend que l'appartement sert de chambre de passe ; il déclencherait lui-même « Ti sento" sans parler - quand le disque se déclenche Boris ferait mieux de lorgner par-dessus la loge depuis là-haut plutôt que de courir s'écraser l'oreille au mur, Grossmann lit dans sa chaise longue, bientôt dans son fauteuil roulant – ce n'est pas lui. A moins qu'il ne tienne une télécommande sous le journal ? "Acheter des jumelles".
    • Boris se plaque au mur, haletant, les lèvres sur la peinture sale, soudain le disque ralentit, la voix vire au grave en pleurant, c'est la panne, c'est grotesque. Silence. La cour est noire. Grossmann est rentré. Dans le ciel la rougeur de Paris, les meubles se découpent peu à peu, Boris se déplace avec des précautions de poisson-chat. Les autres cours résonnent, lointaines, aquatiques. Un faisceau mobile sous la verrière de la loge. Et voici les fenêtres partout qui s'éclairent. Fin de la panne. « Sauf chez moi ». Le disque ne reprend pas. XXX 64 06 30 XXX
    • Boris frappe à la cloison. C'est la première fois. Dans l'épaisseur du mur en dessous une tuyauterie transmet un message , la minuterie des cages d'escaliers se rallume. A côté, personne. Pénombre. Inquiétude. Boris téléphone : « Concierge ! Concierge !
    • - Vous êtes obstiné, M. Sobrov.
    • On a trouvé en Chine centrale une touffe de poils n'appartenant ni à l'espèce animale, ni à l'espèce humaine.

    ILS Y RETOURNENT.

    • Le concierge souffle au deuxième palier ; il resserre ses bretelles . -...Vous n'avez jamais vu de petite femme blonde, frisée?...Nez en trompette, cape orange ?
    • - Les femmes changent souvent de vêtements. Je ne sais pas ce que vous trouvez à cet appartement. Il est loué. Personne n'y habite. Vous feriez mieux de consulter les petites annonces.
    • - Je ne veux pas déménager.
    • - Les annonces matrimoniales.
    • Vous me prenez pour un cinglé.

    ILS ATTEIGNENT LE TROISIEME ETAGE

    • - Le r'v'là votre appartement...C'est ouvert. Il y a de la lumière. »
    • En bleu de travail à même le sol, un coffret d'électricien entre les jambes, les yeux levés la bouche ouverte, le père de Marianne. Il dit : «J'installe. - J'installe quoi ? » Il se redresse. Un mètre quatre-vingt dix. Des cheveux gris blanc. Boris ne lui serre pas la main. L'Alsacien est de la même taille. « Vous ne m'avez pas dit que vous étiez électricien, dit Grossmann.
    • - A l'occasion.
    • Le concierge sort trois bières du frigo. « C'est petit ici dit-il. Je me suis trompé dans les branchements l'année dernière. Moi aussi je bidouille de temps en temps." Il prononce « pitouille ». Boris demande lâchement au père de Marianne ce qu'il tient dans la main. L'autre appuie sur les touches d'une espèce de boitier blanc ; chacune d'elles correspond à un bruit particulier. Il fait entendre successivement : l'ouverture d'une porte, le déclenchement de la radio, la chasse d'eau, une baise. Tout cela sort d'une bonne dizaine de haut-parleurs habilement dissimulés dans tous les angles des plafonds.
    • - Je peux aussi allumer ou éteindre les lumières, lever ou baisser les stores.
    • Ses doigts pianotent avec désinvolture, c'est un vrai tonnerre de stores.
    • « Vous pouvez mettre un disque en route ?
    • - Je n'y ai pas encore pensé.
    • "Ti sento" trône sur le tourne-disque, noir, insolent .
    • X
    • Les trois hommes se retrouve au « Rétro" pour de bons instants de gueule. On a les amis qu'on peut. Les garçons portent des tabliers blancs, des moustaches en crocs et des rouflaquettes. Décor ordinaire, prix modérés. L'Alsacien picore des moules en faisant des grâces, , Boris ne quitte pas des yeux le grand Auguste, père de Marianne, second mari de sa femme, qui décortique l'os de son petit salé. « Tu comprends Boris dit Auguste en mastiquant – ce tutoiement me souille l'estomac - nous sommes quatre à louer cet appartement ; Heinrich - il montre l'Alsacien qui empile ses valves au bord de son assiette - nous a signalé une belle occase.
    • "En revanche il ne paie rien et peut baiser à deux pas de chez lui - tu ne manges pas ? » Boris enfourne précipitamment sa fourchette de nouilles : « Je ne crois pas ce que vous dites, fait-il la bouche pleine.Grossmann avale d'un trait un verre de Traminer. « T'entends ça Heinrich, v'là l' Russkoff qui se la joue fleur bleue. Mais y a personne là-dedans, mon vieux, rien que des couples de passage, comme toi et moi! » L'Alsaco rit très fort. Boris : « Connaissez-vous une femme blonde avec une cape orange ? avec un sac à main. » J'aurais bien revu ma femme ; Auguste me protégerait contre les rechutes.
    • A haute voix : « Je peux venir avec vous ? » Auguste devient dur. Il dit que c'est trop tôt. L'Alsacien bien rempli devine tout. Il se rejette en arrière, repousse les moules : « Ma femme ébluche des patates à la loge - tranquille! La sienne vient souvent au 126 faire des passes. » Et Boris ne bondit pas. « Vous êtes tous montés sur ma femme ? ...On ne peut pas satisfaire une femme en la faisant pute !... Est-ce qu'elle va bien ? - Comme une pute dit Auguste. - Vous mentez. » Le ton monte. Boris dit qu'on lui vole un amour immortel, juste au-delà du mur ; que c'est une jeune femme isolée qui vit là, chaste, mystérieuse, attirante, d'origine italienne, et silencieuse. « Quant à la connasse qui partage ton lit maintenant, elle ne mérite pas tant de recherches. »
    • De retour chez lui Boris, calmé, examine la situation. Il avait failli
    • nouer des liens : ces hommes indignes ne
    • l'impressionnaient plus.
    • X
    • Ce que se disent les petites filles
    • - Je vois ton père tous les jours dit Marianne.
    • - Plus maintenant dit Sandra.
    • - Tu t'appelles Sandra dit Marianne c'est naze.

     

     

    • Sandra souffre de son prénom : une idée qu'elle a. Sa mère la couve ou l'engueule, c'est selon : « Tu ne verras plus ton père. - C'est pas juste. - Il me tirait par les cheveux. - Pourquoi Marianne elle peut le voir, papa ? » C'est Marianne qui répond, un soir, sous les draps : « Un jour il me tripotera, et comme ça il aura des emmerdes ; les étrangers, c'est tous des anormaux. - Pourquoi tu fais ce qu'il te demande alors ? - Ça m'intéresse de me faire tripoter. - Il le fait ? - De toutes façons je ne peux plus y aller. - Tu lis que des cochonneries. - Toi aussi. - C'est pas les mêmes livres.
    • X
    • Lettre d' Irène (“Tcherkhessova”) à son ancien mari
    • Cher Boris,
    • Auguste nous laisse de plus en plus tomber. Il s'absente, et ne boit pas. Son humeur est de pire en pire. Tu m'as parfois claquée mais après on s'embrassait, lui, c'est ni l'un ni l'autre. Je m'ennuie tellement que je me mets à lire. Marianne, c'était pour avoir de tes nouvelles, mais elle ne dit que des méchancetés, Auguste ne veut plus qu'elle te revoie, il a peur que je te rencontre, il nous boucle toutes les trois, il revient à deux heures du matin, il ne sent même pas la femme, on peut dire que je n'ai pas de chance.
    • L'après-midi va sur sa fin, il y a encore du soleil. Sandra lit beaucoup. Je t'embrasse.
    • Irène.
    • X
    • Suite
    • Une femme blonde en cape orange, très à la mode en ce temps-là, Sandra, et Marianne, en jupe vert crado, se faufilent dans l'appartement mystérieux ; les pièces ne conservent aucune trace d'occupation : murs propres, meubles d'hôtels, fringues bon marché sur les cintres, autant d'hommes que de femmes ; Sandra déchiffre les titres sur l'étagère : « Ainsi parlait Zarathoustra », "Vieux crus de Bourgogne", les "Fables" de La Fontaine, qu'elle ouvre sur un canapé bleu, les genoux bien droits. « Qu'est-ce qu'on est venues foutre ici ? » dit Marianne. La tête plate d'Irène (une idée qu'elle a) pivote à la recherche des judas décrits par Auguste. Marianne se dirige à pieds joints vers le tourne-disque. "Ti sento", qu'est-ce que ça veut dire ? - "Je t'entends", "je te sens", dit Clotilde.
    • Elle applique son oeil au viseur : juste aux dimensions de son orbite. Sandra, qui lève les yeux, ne voit de sa mère que la tresse blonde remontée en crête, à l'indienne - "Ti sento ti sento ti
    • sento..." - Marianne ! Qu'est-ce que tu fais dans mon dos ? » La rhytmique passe d'un baffle à l'autre (échos stéréo, effets de vagues, caisse claire – "ti sento ti sento") - « Les Italiennes crie Marianne faut que ça gueule ! »
    • Irène voit tout par l'œilleton : Boris qui danse avec des grâces d'ours, qui se balance,qui tourne sur soi-même, puis d'un seul coup fonce droit sur le judas. La perspective déformée fait voir une grosse tête de tétard avec un petit corps et des petites pattes derrière. Si Irène se retire, il verra la lumière, il se saura observé – deux yeux de part et d'autre se fixent de trop près pour se voir, c'est Boris qui recule, qui montre le poing, qui prend un gros cendrier puis qui le repose, pour finir il se tourne et se dégrafe la ceinture, sa femme s'enlève du trou, le disque continue à gueuler.
    • Quand le silence est revenu, les trois espionnes se sont regroupées sur le canapé, elles se parlent tout bas, un verre se brise de l'autre côté de la cloison – "et s'il s'ouvre les veines ?" dit Sandra, "Tu connais mal ton père" répond sa mère. « Ce qu'il faudrait dit Marianne ce serait de faire venir ici une femme très jeune et très blonde. Moi j'aimerais devenir une jeune femme blonde. - Ça m'étonnerait ricane Irène. Marianne dit d'une voix bizarre qu'elle en connaît une qui lui plairait bien, qui serait prête à emménager ici ; elle n'a qu'un seul défaut : « Elle a voulu me tripoter. - Tu ne penses qu'à ça dit Sandra. - Où as-tu connu cette femme ? Dit sa mère.
    • De l'autre côté une porte claque, une clef tourne dans la serrure, Marianne n'a pas répondu, « Il s'en va » dit Clotilde. Elles quittent précipitamment toutes les trois le 127 et descendent quatre à quatre les escaliers. « C'est papa ! C'est papa ! » crie Sandra . Elle saute contre le carreau sale ; en face dans la cage vitrée symétrique Boris tête basse - « vite ! » - Sandra fait le tour, pousse le vantail du rez-de-chaussée, reçoit son père dans ses bras, Boris chancelle, Marianne et sa femme se sont rejetées à l'intérieur, Auguste rapplique sur le trottoir les deux hommes se gueulent dessus en même temps Qu'est-ce que vous foutez là ? - Sandra s'enfuit en pleurant, on l'entend courir dans la rue de l'autre côté du vantail.
    • « Elle remonte vers le métro dit la mère, pour une fois elle se prend Marianne dans les bras - « tu trembles ? » A voix contenue les deux hommes continuent à se quereller, ils ne veulent pas se battre, ils n'ont rien à se reprocher, rien de bien précis - « Le judas ! » crie Boris – puis tous s'enfuient, Marianne et Irène repassent la porte cochère en retenant leur souffle, Sandra est sur le quai, elle n'a pas osé prendre le métro toute seule.
    • X
    • Boris viole des domiciles
    • Boris tient à la main une lampe sourde. Il a juré qu'il finirait bien par savoir « ce qui se passe ailleurs ». Au moins savoir « ce qu'il y a » : des objets, des profils de vases dans la lumière,
    • des coins de meubles, des coudes de fauteuils. Et puis la peur, l'envie d'être surpris, d'être abattu : les intestins, le coeur. L'intérieur. Il a eu l'idée d'envelopper ses souliers. Il voit des.piles de livres, un bureau, un miroir où il se reconnaît avec sang-froid - pourquoi ces portes intérieures ouvertes ? qui est-ce qui bouge dans l'armoire ? - autant de sourdes palpitations. Déjà Boris aimait de jour longer les murs où les fenêtres au rez-de-chaussée se défendent sous leurs jalousies de bois ; il regardait furtivement, par-dessus, la préparation du repas et les lèvres qui remuent dans le vacarme des voitures, la blême électricité du jour qui tombe ; plus au premier étage, parfois, des têtes coupées par des larmiers, des bras levés dans des armoires, qui ferment des volets.
    • Ce qui instruit aussi c'est de se porter en avant des passants, pour capter leurs propos tronqués, insensés, « alors je lui dis... » - « et elle a répondu... » - Boris choisit les appartements momentanément vides, c'est toute une enquête, toute une filature, il épie les femmes seules mais toutes se méfient, instinctivement, se retournent à l'improviste, il se rabat sur la loge du concierge, un soir qu'ils sont au cinéma – rien d'exceptionnel : des tiroirs, des ficelles, des cartons, des rideaux champêtres et la Bible en allemand. Il flotte une odeur de loge. Non, le bon plan, ce serait d'entrer juste sur les pas d'une femme mariée, sans viol, avec des enfants bruyants, un mari dans un fauteuil qui demanderait "Qu'est-ce qu'il y a au programme à la tévé ?" - les gens auraient laissé la porte ouverte.
    • ...Il s'est introduit par la cuisine, s'est glissé dans le vestibule‚ aplati dans l'allée du lit, la peur au ventre et la retraite coupée, s'est dévoilé. « J'aimerais qu'on viole mes intimités », c'est ce qu'il a dit, le mari a gueulé «Appelle la police ou les dingues », il s'est enfui d'un bond. L'étape suivante est de surprendre un couple pendant son sommeil. Il dort deux heures à l'avance. Plusieurs fois il s'enfuit sous les signaux d'alarme. Il acquiert une grande dextérité dans le maniement des clés plates. La marche à l'aveuglette : silence absolu, retraite assurée. Les doigts sur la lampe, translucides et rosâtres, l'ombre des os – des sens d'aveugle – aucun heurt. et ne heurte rien.
    • Les enfants n'entendent rien. Eviter les chiens, à tout prix éviter les chiens. Mais parvenu sur place : jamais - les gens ne ferment leurs portes intérieures. Boris hésite, sent s'épancher l'onde mixte d'un couple, devine formes, souffles, parfois le néon de la rue - la veilleuse - ou la lune – qui surlignent un profil ou modèlent un visage entier – sur les lits de doux mouvements de dessous l'eau. Les couples aux yeux fermés se regardent ou se tendent le dos, jamais ne font l'amour, ni ne s'éveillent. Boris ensuite redescend à pied la rampe du parking souterrain, sans arme, sous le plafond trop bas la lumière et la forte musique où se fondraient les cris de victimes, sur fond de vrombissement d'extracteurs d'air.
    • Le sol est noir semé de paillettes, les voitures de longs corbillards aux chromes troubles, Boris ne sent pas le danger. Il ouvre les portes, ne trouve qu'un parapluie télescopable qu'il jette sous de grosses roues, plus loin. Il couche dans le duvet vert qu'il tenait sur son dos et s'allonge place 27 ou 30, à 7 h une équipe de réanimation le tire à demi asphyxi », il doit se présenter chez un psychiatre commis d'office, il maigrit, ne parle plus, reste en liberté, ressort plus fréquemment - ti sento ti sento ti sento" – chaque soir de plus en plus fort, la cloison tremble il n'en parle pas pour éviter de passer pour fou - ses déplacements ne sont pas encore sous contrôle, une nuit, mouvant paisiblement ses doigts en coquille rose, il se sent soudain saisi au- dessus du coude : « Qui t'a mis sur le coup ? »
    • - Personne, personne, dit Boris.
    • Le cambrioleur fait main basse sur tout ce qu'il trouve avec une banalité de toute beaut‚ le Couple sur sa Couche sommeille dans la présence, Boris suit le voleur sur le palier, le frappe et le laisse évanoui, il a le coeur qui bat à se rompre, c'est à présent une nécessité : repérer l'immeuble et les allées et venues, s'introduire de jour dans l'escalier, chercher refuge dans des coins très exposés, les concierges n'existent plus, les siens sont les derniers ; il reconnaît volontiers qu'il lui serait totalement impossible de travailler en banlieue.
    • Cela devient de plus en plus monotone, de plus en plus excitant. Un homme seul soudain sortit de son sommeil, ouvrit les yeux, se dressa, le fixa sans frayeur. Boris sortit à reculons, heurtant une chaise, ce n'est rien murmura l'homme à sa femme qu'il n'avait point vue. Aussi les jours suivants Boris se livra à une frénésie d'effractions, perdit toute maîtrise, mangeant peu, ne buvant plus une goutte de vin. Il s'engagea dans une interminable suite de pièces de plus en plus profond devant une file de - fauteuils, tables, dressoirs, houssés de blanc, et comme une lueur l'attirait il se trouva auprès d'une veilleuse comme on en voit souvent au chevet des enfants.

    Le mort est sur le dos, nez découpé, bras le long du corps, femme à son côté les yeux grand ouverts, boucles noires détachées sur le blanc cassé de l'oreiller. Un souffle passe ses lèvres entrouvertes et la femme sourit, découvre sa poitrine et son bras jaune, Boris éclate en sanglots et se retire au pas de charge à travers tous les meubles, dévale les étages et sur le trottoir lâche une clameur de victoire. Il se barricade chez lui jusqu'à midi. Il a dormi sans rêve, sa bouche n'est pas sèche, vérifiant son haleine au creux de la main il la trouve très pure, le soleil donne à travers un trou du rideau.

    • Tirant du lit son bras gauche il observe à présent l'étrange phénomène de la terreur, un frisson dressant chaque poil au sommet d'une minuscule pyramide, quoiqu'il éprouve une intense irradiation de paix. Il respire profondément, rejette le drap des deux jambes et se prépare un café‚ des chansons plein la tête, il se fait des grimaces en se rasant. Il sait qu'il ne retournera plus dans les appartements obscurs où s'endorment les spectres. Il change tous ses habits de la veille. En promenade il s'achète des chocolats et des pralines pour vingt francs‚ et, l'estomac délicieusement barbouillé, passe rue Broca, traverse Port- Royal, son pas est vif, l'atmosphère encore matinale, je suis heureux de vivre seul..
    • Il se tient droit, respire le trottoir fraîchement arrosé, se perd place Censier, remonte vers la Mosquée, repère une affichette contre l'invasion du Tibet, voit sortir de Jussieu une marée d'étudiants. Puis Boulevard Saint-Germain, le pont, rue Chanoinesse le cœur neutre, indolore à présent, rue Massillon, puis le métro. Il se récite des vers, personne ne fait attention aux fous dans le métro. Demain – trois mois depuis le divorce – finies les scènes de soixante-douze heures – nuits comprises - bénie soit la solitude, la solitude, la solitude. Il revient chez lui, chez son disque, chez une femme imaginée dont il est fier de se passer.
    • Il jette sa veste sur le lit, court se coller à la cloison et frappe au mur, c'est la première fois qu'il ose, que ça lui vient à l'esprit, les solutions les plus simplistes vous surprennent comme ça, d'un coup, de taper comme les prisonniers de partout - un coup pour A , deux coups pour B, c'est l'illumination, c'est l'évidence, il tape 17, 21, 9 ; 5, 20, 5,19 ; 22, 15, 21, 19 « QUI-ETES-VOUS ? » ça répond "M-O-N-I-C-A" puis le mur dit « 21, 5, 14, 5, 26 » - « Venez me voir » - cest un appartement de passe pas vrai dit une voix ce n'est pas vrai TI SENTO TI SENTO TI SENTO chant de cristal tout en écho tout en feed-back « estatua spaventosa, io son la tua schiava, ti sento ti sento ti sento" - « statue effrayante je suis ton esclave car je t'aime perchè ti amo et Boris danse, danse, depuis Monteverdi, Gesualdo, Lulli, toujours, toujours dans l'opéra italien la modulation en finale "perchè ti amoooo" - Boris danse, danse, "this is a long-playing record" - l'amour est d'être l'écho de l'Autre l'infinie répétition de miroirs face à face à l'infini qui se recourbent il est sûr qu'elle aussi danse de l'autre côté du mur il sait qu'ils s'effondreront haletants sur les divans exactement symétriques il sait que ce moment ne devra pas cesser.
    • Viens dit le mur vien me voir - et la voix,la voix du disque interminable crie, vivante, en boucle, fend le plâtre et bat dans l'aorte, dans l'occipitale – ils sont bien habillés tous deux, pâles, très pâles, calmes. Elle a souri la première, il a ouvert les bras, il ne la connaît pas mais c'est comme
    • si l'on se revoyait, se remerciait – vous avez tous connu cela - dans les deux sens du mot reconnaissance : le vrai désir vient des traits du visage « j'ai pensé à vous Ne me regarde pas comme tu as tardé » peu importe qui parle, ils s'assoient loin l'un de l'autre.
    • X
    • A quatre rues de là une famille unie regarde la télé un captivant programme : ce sont deux captifs en effet, l'homme, la femme, tournant dans un petit appartement, frappant les portes et fenêtres, sondant les murs, balançant leurs gros plans de gueule sur les caméras repérées hors d'atteinte et les insultent, cherchant sous l'évier des pots de peinture et de n'importe quoi, s'étreignent désespérément ; juste à l'instant où ils s'exclament "s'ils veulent du spectacle ils en auront", Auguste tourne la tête vers son épouse en larmes qui éloigne les enfants, deux filles sans expression, qui se tiennent par les épaules : « Vous avez assez regardé. Sandra, Marianne, on part en promenade » et les filles cherchent le plus longtemps possible leurs vêtements de pluie.
    • Auguste dit alors qu'il faut en finir, sort de sa poche un téléphone, Sandra pose la main sur le poignet de son beau-père, atteint la télévision avec de grandes difficultés respiratoires.
    • Boris et Monica, nouvelles connaissances, se trouvent déjà rendus aux dernières extrémités de leurs adieux : allongés sur le petit lit de reps rouge, ils se sont pris aux épaules, par la taille, la bouche et les larmes, et se sont placés côte à côte, sans se toucher. Le pli de leur bouche s'est effacé, puis ils se sont souri, se sont pris la main, se sont relevés pour vérifier posément la fermeture des portes, ont adopté le comportement le plus ordinaire.
    • Ils ont attendu. Monica s'est levée pour passer le disque, ils ont dansé en se serrant, la harpe électronique dans les oreilles comme une armée en marche ; à quatre rues de là Sandra et Marianne réconciliées dévalent l'escalier : « Je ne peux pas supporter dit l'une d'elle qu'on tue, qu'on torture, il y a trop longtemps que l'école est finie, que les seuls événements sont ceux des parents et des beaux-parents. » C'est à peu près ce qu'elles se disent. «  Nous allons vivre ensemble ajoute Sandra, et Marianne sous ses cheveux raides se moque d'elle : « Il faudra chercher des hommes, comme les grandes ! »
    • Les deux filles donnent l'adresse au Commissaire le plus proche. Elles parlent de « torture ». « Séquestration » rectifie le Commissaire. Pendant ce temps, Auguste le Nouveau Mari et Irène la Nouvelle Femme décident pour Boris (et Monica, qu'ils ont recrutée dans la rue) un châtiment pire que la mort, la Perpète :
    • Marions-les. As-tu vu comme ils s'aiment ?
    • Tu as laissé sortir les filles ?
    • Monica sera comme un taureau qui survit à la corrida : irrécupérable ; tomber amoureuse de sa cible ! Je n'aime pas la banalité.

     

    • - Tu te rends compte de ce qui peut leur arriver seules dans la rue ?
    • - Elles sont déjà au Commissariat.
    • - On va leur rire au nez. Je ne veux pas que mon ancien mari – que Boris soit tué.
    • - Ne t'en fais pas. Tout le monde comprend tout au moment de mourir.
    • X
    • Dans l'appartement 127, Boris prend une résolution : armé d'une paire de ciseaux, il tranche tous les fils qui se présentent. Le disque s'interrompt, le silence tombe comme une masse, Boris parle dans un micro qu'il a découvert sous un pot ; peut-être sa voix débouche-t-elle dans un gros mégaphone au milieu d'une pièce vide : plus la peine de l'écouter. (il crie à s'en péter les veines). Derrière une armoire qu'il fait pivoter s'enfonce un escalier, où s'entassent des journaux, des cageots, de la poussière ; descendant plusieurs étages, il parvient au niveau des caves – quatre étages exactement - "Ti sento" se déclenche « Qu'ils y viennent, qu'ils y viennent » dit-il ; Auguste et Irène font alors irruption au 127 abandonné, baissent le son. Ils sont accompagnés d'une demi-douzaine de gabardines grises mettant à sac tout ce qu'ils trouvent dans les deux appartements, dans les deux immeubles.
    • « Regarde, crie Auguste en brandissant des disquettes : rien n'est plus à jour ! Il ne foutait plus rien, du tout ! »
    • Les filles sont ravies.
    • Il règne un tumulte hors de toute mesure ; tous se bousculent dans le boyau qui mène aux caves, on s'interpelle en français, en itlaien, en russe, pas un coup de feu n'est tiré, cependant, Boris s'est faufilé dans un dédale. Partout règnent des portes à claire-voie, des planches verticales, des dos d'armoires en biais. La sciure, et la pénombre qui descend des soupiraux. Les couloirs se retournent sur eux-mêmes. Le tapage des poursuivants permet d'abord très bien de fuir sans discrétion, puis le silence s'établit. On n'entend plus, là-haut près des trottoirs, que les passages espacés des voitures. Boris est cerné, dans un labyrinthe de bois. Sa main serre une solive hérissée d'échardes, il est assis sur une cuisse, s'il dégage son pied le couvercle d'un seau (par exemple) s'écroulera. Sa respiration courte soulève sous son nez la poussière d'un abat-jour et les sbires se rapprochent. Ils écartent les obstacles avec la précision
    • des joueurs de jonchets  Mikado. Les deux filles arrondissent les yeux et mettent le doigt sur la bouche, Boris se minimise - « Il nous le faut vivant » - et lorsqu'il s'aperçoit que sans l'avoir senti sa manche imperceptiblement glisse contre un vieil étui de violon, Marianne pointe exactement sur lui son doigt et souffle à mi-voix : « Ti sento ti sento ti sento ».
    • COLLIGNON HARDT VANDEKEEN
     
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  • Sarko, Israël, et tout ça...

    L E S I N G E V E R T N° 7 0

     

     

     

     

    SARKO, LES RICAINS, ISRAËL, et tout ça…

     

     

    Grand décalage entre la composition des “Singe Vert” et leur date de publication, vu le budget inexistant dont à propos duquel nous disposons te plains pas y en a qui meurent dans des cartons et tant que t’es pas macchabée tu fermes ta gueule après aussi – et vu le peu de timbres dont vous nous gratifiâtes à l’exception d’un Ciotaden que je remercie vivement, nous ne risquons pas de rentrer dans notre argent comme disait le gynéco.

    À part ça nous avons un nouveau président, j’ai voté Ségo deux fois, mais du bout de la vulve Miss Gnangnan de la Pâte à Tarte qui alignait les moi-je moi-je aussi souvent et mal à propos que Sarko (moi-je-veux-que moi-je-veux-que. Quant à (Bertrand) Sarko, nous voyons dans notre cuvette à chiottes en cristal un beau paquet de chômedus comme en 29 à L’Os en Gelée (L.A., merci Jean Yanne). Trois fois par jour je vais me faire emmerder par des loquedus qui vont me proposer ma femme à repeindre ou du chêne à scier ou ma grand-mère à tatouer sous prétexte qu’ils n’ont pas de boulot – ça sera l’Économie selon Sarko, le trottoir ou 58h par semaine.

    Côté Ségo c’est l’enthousiasme : maintenir La Poste dans les zones rurales – grandiose ! audacitude, exaltación ! ...sconcéféchié dans cette campagne – l’électorale. À la télé, des politoches le nez dans le guidon qui n’ont jamais ouvert un livre d’histoire d’avant la Guerre Quatorze et surtout rien du tout sur la chute du Roman Empaïre il est vrai que les anciens pariaient le latin qu’est un idiome fasciste pour ne pas dire pédophile – des arguments, des arguments, mais mon colon j’en ai plein le rectum des arguments, tant que tu veux les deux coudes sur le comptoir en zinc – l’économie ? dès qu’on touche d’un côté ça déglingue de l’autre, tout le monde a raison et tout le monte a tort disait ma vache. Vous croyez qu’on vote pour des arguments économiques peut-être ? NON. D’une part on vote comme sa famille ou sa caste sociale, profs avec les prof, demis de mêlée avec demis de mêlée, mais pas pour le club d’en face parce que c’est le club d’en face. Et d’autre part, tout le monde l’oublie, pour des motifs irrationnels, émotionnels – pour celui – pour celle ! pour celle ! - avec lelaquelle on va le moins s’emmerder…

    Il y en a qui te rendorment le nez dans ton caca. Et moi je rote socialo parce que papa rotait coco et pis à droite y puent de la gueule, prétentieux et tout, ils te regardent comme juste avant de te lâcher un mollard de l’entresol. Miterrand-avait-la-clâsse et c’est Chichi qui nous a renculés mais sans la clâsse. Et quand j’ai ouï le mitinge de Sarko à Bercy, là j’ai vibré jusqu’au coccyx ; là on ne s’emmerdait pas, le vrai ring de catch, allez les petits merci Couderc, il te chauffait le plat, il te refaisait croire à la Phrance, en langue d’épicier du coin, le populo de Poujade (Pierre, pas Robert). Le Nicolas qui ne se met pas systémato contre les flics juste parce que c’est les flics, et qu’est-ce que je vois sur un blog ? Sarko est violent ? … Qu’est-ce qu’on va dire des mollahs qui veulent rayer Tel-Aviv de la carte ? À la première velléité de l’Iran, Israël vitrifie Téhéran (psst, vu la rime?) - et le pote de s’indigner : Tu te rends compte ? (qu’y disait le ponte) comment qui cause eul Jacques ? Réduire à néant une agglomération de 6 millions d’habitants ? » (apparemment que raser Tel-Aviv ne semblait pas l’indigner plus que ça, 3 millions cinq seulement ça doit être pour ça, et puis ce ne sont que des juifs) – les ayatollahs ne le feront pas, c’est du bluff – on disait déjà ça en 38 - manque de pot, Adolf a osé.

    Sacrée gauche… toujours prête à branlocher le gavroche, à sucer le révolté dans le sens du poil – à se barbouiller les pognes avec le sang de bourgeois, ou de banquier, ou d’Israélien... 

     

     
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  • ROSWITHA

     

     
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    C O L L I G N O N

     

    R O S W I T H A

     

     

    Moi.

    Roswitha.

    68 ans. Murée dans mon passé.

    Condamnée.

     

    Certains de mes papiers portent mon nom : Stiers.

    Il n’est pas trop tard pour régler mes comptes. Je ne me suis fixé aucun but.

    Toute ma vie derrière moi. J’ai agi aussi absurdement dans mon ménage qu’Alexandre sur ses champs de bataille.

    (Ce débat ne m’intéresse plus).

    Veuve.

    Domicile Blumgasse 40, WIEN, 1er étage. La fenêtre de la cuisine donne droit sur la Brigitenauer qui mène au Pont du Nord, qui mène à Prague. La pièce éblouissante tremble au niveau des quatre voies de circulation surélevées. J’aime ce grondement continu. Ma circulation est parfaite.

    Je ne peux me défaire d’aucun souvenir. Leur valeur marchande est nulle. Au mur, une carte des capitales européennes où se fixent les reproductions en plastique des divers monument : j’ai conservé St-Paul de Londres, l’Escorial et le Hradschin. Mon lit a des colonnes torses.

    Je me n’ennuie jamais.

    Je possède des étagères et des Figürchenmöbel (meubles à bibelots) surchargés de poussière. J’essuie deux statuettes nues, l’une en position fœtale, l’autre sur le flanc, « offerte », comme ils disent : de mon doigt recouvert de tissu, je suis les plis des figurines, aines, seins, nombril.

    À 68 ans tout continue : j’évolue et me questionne ; ce n’est pas du tout ce repos, cette résignation que j’avais imaginée. On m’a menti : les humains ne sont pas tous semblables.

    II

     

    Je n’ai commencé à vivre que fort tard, après le mort de mon mari, c’est-à-dire après son départ avec Annette, qui l’a nettoyé en dix-huit mois.

    À son retour, je l’ai vu dormir, dormir, dormir : devant la télévision, au lit, le matin jusqu’à dix heures, l’après-midi de deux à quatre, jusqu’à cinq en été.

    ...Lorsque mon père se penchait sur moi pour m’embrasser dans mon lit, sans qu’il y prît garde ma vue plongeait par le décolleté de sa chemise de nuit.

    À dix-huit ans, je suivais mon père.

    Diplomate, désœuvré, il m’emmenait partout. Nous sommes arrivés à Puigcerda par la route de Ripoll. En 1933, l’Espagne était encore calme, et mon père passait toutes mes fantaisies. Nous sommes descendus de nos mulets, le dos scié du cul aux omoplates. L’alcade en personne m’a soulevée de la bête pour me déposer, jambes raides, face au panorama.

    Après le dîner de fonction, j’ai entraîné mon père par le bras et nous avons tourné par les rues de Puigcerda, enroulées sur leur butte comme autour d’un sombrero.

    Le lendemain matin, je suis sortie sur la terrasse, il était déjà neuf heures, et les chasseurs tiraient dans la vallée.

     

    III

     

    Arrigo

    Je mens. Je m’appelle Arrigo Sartini et je mens. Mon âge est de 35 ans, j’étouffe, je veux me venger de tout et ma dignité est grande. Je vis avec Nastassia, depuis 60 mois que j‘ai comptés . Nastassia est la petite-fille de Roswitha.

     

    L’humanité : la tenir en réserve, comme du fumier pour les fraises, sans l’admettre à sa table – et qu’ils n’aillent pas faire, les hommes, d’une solitude, que j’ai choisie, une solitude imposée.

     

    IV

     

    Nastassia

    C’est la petite-fille de Roswitha. C’est le troisième personnage de l’histoire. Elle vit à Bordeaux, elle est folle, elle peint. Son langage est très littéraire, très fleuri, très ridicule. Non, je ne laisserai pas le lecteur se rendre compte par lui-même. Oui, je prends le lecteur pour un imbécile. Elle s’adresse aux personnages qu’elle a représentés sur ses toiles. Elle dit :

    « Accourez, fantômes bien-aimés. Fantômes éclatés, pulvérisés sur ces murs. Sur mes murs il y a des tentures. Des éclats de ma tête sur les tentures. Vous êtes dans la poussière que je respire.

    « En 1823, un homme, ici, s’est suicidé. Il s’est tiré dans la bouche. Son crâne s’est ouvert. Le revolver est tombé en tournant, sur ce guéridon nacré, au milieu des boucles et du sang.

    «  C’était mon ancêtre.

    «  J’aurai aussi des descendants. Des successeurs. Je profère à voix basse vos noms sacrés.

    «  Il y a celui qui me pousse, physiquement, aux épaules, et me force à sortir.

    «  Celui qui dérive, évanoui, nu, renversé, sur sa barque.

    «  À présent je suis toute à vous. Je vous ai constitués. Vous m’avez façonnée jusqu’à l’intérieur de mes paupières.

    «  Tenez-vous prêts. Nous ne sommes plus seuls. Plus jamais seuls. Je suis l’épouse d’ARRIGO.

    « Je resterai toujours avec vous. »

    Ici, Nastassia ajoute une phrase apprise :

    «  Je m’agripperai au cou de la dernière Girafe en peluche que mon père, le Para, veut m’arracher. »

    Puis :

     

    « Fantômes, voici : très loin, à l’est des Alpes, à Vienne, ROSWITHA nous appelle, ROSWITHA nous convoque. J’arrive. Nous arrivons, chargés de bombes. Pas un de nous ne manque à l’appel.

     

    V

     

    Retour à Roswitha (Vienne).

    Lettre à Nastassia, en allemand, anglais, et français :

    «  Liebe Nastassia !

    «  Komm Dū mein liebes Kind, komm !

    (« J’ai besoin de tes lèvres fraîches » : cette phrase a été raturée. )

    «  Here comes the plane

    « The hand that takes

    (« Voici l’avion / La main qui prend » - L. Anderson)

    « Nastassia, c’est moi qui t’ai élevée, moi ta grand-mère - deine Großmutter, et ta mère, Deine Mutter, traînait d’asile en asile.

    « Les souvenirs me font mal, c’est pourquoi, itaque, je ne veux plus que tu m’abandonnes.

    " Arrigo, Nastassia, ne m'abandonnez pas.

    " Songe à ma vengeance, qui est la tienne, souviens-toi de tes jeux sur la plage du lac, à Neusiedl.

    " Souviens-toi de tes dessins d'enfant, et du crayon toujours à retailler.

    " Le complot portera mon nom : R.O.S.W.I.T.H.A. Signé Roswitha"

     

    La vieille dame pense qu'ils règneraient tous les trois, NASTASSIA, ARRIGO, "et moi, tous trois indécelables et frappant partout, sur les despotes mous.

    " Post-scriptum : Emportez tout avec vous. Tout ce qui vous retient, afin de l'avoir à vos côtés, toujours présent, pour le combattre de toutes vos forces.

    "Nastassia, tu es partie à l'autre bout de l'Europe, au sud-ouest de la France, chez les Welsches. Tu t'es calfeutrée dans les tentures, tu t'es barricadée dans les toiles que tu as peintes : il ne faudra rien oublier. Je ne sais rien de cet Arrigo.

    Ta Grand-mère qui t'aime,

    Roswiha

     

    VI

     

    Nous revenons à Nastassia (Bordeaux). Elle peint, elle est folle, elle dit :

    "Fantômes - "

    ...encore !...

    "...dans la discipline, regagnez le bois lisse de vos cadres ; revenez dans vos propres portraits. Nous partons.

    "Derrière les tableaux que je décroche court une araignée. Arrigo, mon époux, court la ville afin de rassembler une montagne de papiers, documents, passeports.

    " Prenez place sur les toiles, dans les toiles, faceà face, ou dos àdos, car je ne verrai plus vos traits - et vous roulerez dans mon dos dans vos cercueils plats, cercueils vitaux, mon ventre, en épaisseur, à plat."

    Fin de citation.

    " J'en ferai d'autres ! j'en ferai d'autres ! Faro gli altri !" criait Francesca da Rimini en tapant sur son ventre, à la mort de ses fils.

    Arrigo répliqua :

    " Nastassia n'est pas seule à trancher des racines. A mon père mourant, je réserve au milieu de mon coeur une place de choix".

    Ils partirent.

     

    VII

     

    Roswitha (Vienne) pense :

    ...Ils sont en route.

    Chaque semaine, ma petite-fille, Nastassia la folle, me rendra visite. Elle feuillettera les journaux sur la table de nuit, il y aura "Hör Zu" ("Ecoute"), "Kurier", "die Krone".

    Elle s'assoira au bord du lit, étalera la revue sur la courtepointe. Arrigo, son époux, restera debout, il fera quelques pas dans la pièce. Il regardera pour la centième fois la carte au mur des capitales d'Europe. Il touchera un objet, s'informera de sa provenance, le soulèvera. Le replacera sur sa place de poussière.

    Je lui répondrai, il m'ennuiera, il sera correct.

    ...............................................................................................................................................

    " J'aurai appris du moins à ne plus geindre. il y a dix ans que je ne geins plus. C'est fort peu. Depuis la mort de mon mari très exactement, nettoyé en dix-huit mois par sa grue (von seiner Gimpelhure) ; vers la fin je l'ai vu dormir :le matin jusqu'à dix heures, l'après-midi de deux à quatre.

    " Cinq heures en été.

    " J'ai brûlé des kilos de jérémiades.

    " J'écris à Nastassia.

    Wien den 26. Juni 198*

    "Liebe Nastassia,

    " Heute bist Du 22 - vingt-deux ans - tu liras très agacée mais je revois cette petite fille de huit ans que j'avais emmenée sur le Neusiedlersee en 1962 - godu tu me parlais sans cesse tu réclamais à boire à manger, une balle, un crayon. J'acordais tout, j'étais ravie.

    " (...) et puis viens. KOMM.

     

    VIII

     

    ...et retorne l'estoire a reconter de Nastassia et de sa folle compaignie...

    Nastassia dit que des lambeaux de rêves resteront ici à tout jamais, qu'ils ont dit (les déménageurs) "N'en prenez que 40 !" - et que dos à dos, ventre à ventre, une fois de plus, en voyage, le Nu, la Bombe, la Fille au Couteau, l'Egorgé Nocturne et l'Homme de Théâtre, tous tableaux NOCTURNES sauf

    les Fils de l'Aube et

    le Trépané

    Le camion roule, roule, tous les cadres s'entrechoquent.

     

    Roswitha, femme deVieille, attendant sa petite-fille

     

    Sie sagt:

    "Dieu merci, je suis parvenue à soixante-huit ans sans devoir porter de lunettes. Je mis sans fatigue. J'ai connu les exécutions, les pogroms. Je n'éprouve plus de plaisir, les mots croisés m'engourdissent sur le fauteuil, parmi le bienfaisant vacarme des automobiles.

    " Nous autres, les Habsbourg, nous n'avons pas cédé aux vertiges de l'épuration. Je peux recevoir sans encombre tel ex-secrétaire de Seyss-Inquart.

    « Le sang a séché – taches de vieillesse sur mes mains, nécrose des tissus.

    «  Il m’apporte, cet ex-secrétaire, de bien belles grilles à compléter.

    «  Il me laisse des exemplaires du Völkisches Blatt. Chacun peut le lire à la demande chez tous les restaurants du XIIIe arrondissement.  

    «  Cet homme s’appelle Martino.

    «  Martino voudrait que je distribue des tracts : « Toi qui connais bien Vienne... »

    «  J’en ai une pile sur la table. Mais, par ordre alphabétique, ça fait 11 900 rues.

    Au téléphone :

    « Non, Lieber Martino ; ce n’est pas parce que je suis « aryenne », comme vous dites… Passez me voir quand vous voudrez. »

    * * *

    Nastassia, petite-fille de Roswitha, peintre, folle, raconte

    C’est le trajet vers Vienne. Nastassia dit :

    « Depuis Genève, j’éprouve une peur sourde. Arrigo se tient près de moi, silencieux, les mains serrées sur le volant. Ses mains ressemblent à des serres. Il me dit : « Je pense à mon père, qui est en train de mourir ». Nous roulons vite. La voiture, surchargée, prend les virages trop larges, le ciel baisse, la nuit tombe. Rapidement c’est une muraille, grise, devant nous. Arrigo accélère :

    «  - C’est la neige. » Ses mains tremblent. Les flocons se jettent à l’horizontale. À droite, un talus qui s’abaisse, se relève, et se rabaisse, comme une ouate qu’on déchire. Je vois aussi du néon, nous avons quitté l’autoroute, je vois encore, des feux de position, qui s’enfoncent, qui se perdent – Arrigo se guide sur les ornières et se met à rire.

    «  Il s’arrête.

    «  Il descend courir tête basse vers les néons.

    « Sur le pare-brise la neige monte, grain à grain, s’édifie. Nuit noire, dix-sept heures Il reste une chambre !

    «  Au restaurant, sous le toit surchargé de neige, Arrigo s’épanouit, commande un menu d’une voix forte et décharnée, je ne l’ai jamais entendu mastiquer l’allemand de la sorte – avec des contractions de doigts, des trismes mandibulaires…

    «  Je devrai vivre dans cet hiver des mots. »

    «  Dehors, lever de tempête – ici les menus cartonnés, rouges, savonneux, les Mädchen couleur ketchup et bas blanc ». Le lendemain après l’amour ils ont tous les deux affronté la plaine blanche et crue, le ciel et le sol deux plaques d’amiante. La route a disparu, on roule au jugé sur la neige rase.

    «  Le terrain monte. Devant eux un camion-remorque contre-braque et zigzague à reculons.La remorque part en travers.

    « Zusmarshausen. Je ne sais pas prononcer ce nom. Arrigo se paie ma tête. Sapins. Moins seize. Ça dérape. Sur le plateau j’aperçois les premiers chasse-neige. Le premier gros sel gris.

    Nastassia appelle :

    « Arrigo ! Arrigo ! »

    Arrigo ne répond pas. Il pense en allemand.

    Le froid descend malgré le jour. Il ne neige plus. Nastassia se souvient confusément du chuintement du radiateur, sous les tentures du motel. Nastassia serre ses deux poings dans ses deux gants. À mesure que ses bronches se bloquent, elle entend près d’elle Arrigo respirer plus profondément, enfoui dans sa Germanie.

    Nastassia ferme les yeux.

    Ses cils brûlent. Elle tremble.

    - Kannitzferstehn – tu peux pas comprendre – une langue dure comme une lame, les joues d’Arrigo dures comme un rasoir.

    Le ciel gris.

    Le peu de jour qui est passé.

    À Salzbourg il est quinze heures. La lumière baisse. À l’abri, sous les portiques, un thermomètre indique – 18. Les douaniers se penchent :

    - Rien à déclarer ?

    Un officier ricane :

    « Französisch Bazaar ».

    Les deux doigts à la visière.

    Salzbourg se rapproche. Arrigo ne manifeste aucun étonnement . Un petit homme ouvre la portière. Il ressemble à Charlot, trait pour trait. Il baragouine avec conviction. Arrigo veut l’aider à porter les valises. Charlot refuse.

    « Nous sommes dans un palace.

    Le petit sexagénaire chaplinien gravit l’escalier en heurtant les valises qu’il dépose au seuil de la chambre en plein monologue.

    « Je vois des dorures, des plafonds immenses. Arrigo veut refermer la porte – le petit homme est toujours là.

    - Vielleicht sol ich Ihnen etwas geben ? Peut-être dois-je vous donner quelque chose ?

    - Jawohl ! répond le petit homme avec solennité.

    ...Arrigo se jette sur le lit tout habillé :

    « Lis-moi du Claudel.

    - En allemand ?

    - En français.

    Le froid glisse sous les doubles-fenêtres. La neige s’est remise à tomber, et, dans la nuit, il tonne, des éclairs bavent entre les flocons.

    Nastassia, épouse d’ARRIGO, note ses impressions :

    « Nous sommes sortis dans les rues. Il fait si froid que nous devons alternativement

    «  fourrer une main dans une poche, frotter notre nez ; main droite, main gauche.

    « Nous contournons la cathédrale par le nord à travers une place glacée, l’orage vire « lentement, nous suivons une pente raide tout au long de la falaise.

    «  À même le roc de la Citadelle un panneau métallique aveuglé de néon :

    « E R O S C E N T E R »

    - C’est ça que tu veux visiter à Salzbourg ?

    «  Je sais qu’il va répondre : « Oui, les putes ».

    « Il répond : « Oui, les putes ».

    « Deux maisons à angle droit s’engagent sous les rocs. De grandes femmes tristes font des signes. « La plus âgée parle français. Arrigo disparaît au premier. On m’apporte des triangles de fromage

    « cuit, de marque « Edelweiss ». J’ai bien changé, oui, bien changé.

    « J’obtiens de l’eau. Je grimpe l’escalier sous les cris allemands – je suis poursuivie. Je «  pousse une porte, Arrigo est de dos, tout habillé. Je vois qu’il fume. Trois prostituées nues

    «prennent des poses qu’il leur indique en tudesque. La taulière est montée derrière moi. Arrigo se « retourne d’une pièce :

    - Je ne les touche pas.

    - Je ne t’ai rien demandé.

    « Il leur dit de s’embrasser. Elles s’embrassent/ D’écarter les jambes. Etc. La taulière dit : «Il a payé ». Je réponds : « Ça suffit ».

    Retour à l’hôtel. Le petit Charlot nous refuse l’entrée : « Il est déjà dix heures ». Nous lui donnons 25 öS.

    « Lis-moi du Claudel.

    « Dans le réfrigérateur nous trouvons du Sekt, des triangles « Edelweiss », du bourbon. « Du tokay. Arrigo me parle en dialecte, je fais observer qu’en Autriche on ne parle pas si raide. « Dans la salle d’eau la baignoire est verte et les parois vert et or. L’étroitesse de la « pièce donne au plafond une hauteur obsédante.

    « Nous prenons le dîner au rez-de-chaussée. Personne ne s’aperçoit que nous sommes « ivres.  

    « Clientèle polyglotte.

    « Un télégramme sur un plateau d’argent :

    « PÈRE DÉCÉDÉ »

    Nous remontons immédiatement dans notre chambre. Arrigo se montre fébrile :

    - Pas question de rebrousser chemin.

    « Il ajoute :

    - C’est un piège.

     

    « Sur-le-champ je dois improviser une oraison funèbre. Elle n’est jamais assez « élogieuse, jamais assez sobre…

    « J’ai connu le père d’Arrigo : un homme grand, ridé, qui parlait du nez. C’était un ostréiculteur. Ses seuls voyages : Marennes, Arcachon. Il entretint toute sa vie des polémiques avec « les savants ses confrères : allemands, hollandais, anglais. Des lettres d’insultes en toutes les « langues.

    - Retravaille la péroraison, dit Arrigo. Et puis, apprends l’allemand.

    - Hai dimenticato l’italiano ?

    - Je ne veux plus entendre cette langue de portefaix.

    - Je te traite de con, en français. »

    « Le discours est achevé/ Il reste du gin. Arrigo vomit dans la baignoire :

    - Pour ce prix-là on peut tout saloper.

    - Je ne suis pas d’accord.

    Le lendemain la note s’élève à öS 1200. Arrigo comprend 120. Grimace du caissier. Grimace « d’Arrigo en flagrant délit d’oubli de langue. Le caissier nous toise mit Arroganz.

    « Vienne est encore loin. Le ciel s’est dégagé. Moins treize à quatorze heures quinze. « Nos haltes se multiplient. La radio de bord hurle, sirupeuse.Nous écumons toutes les stations-service. Café, café. Les clients s’expriment avec mesure : ils sont ivres.

    « À seize heures, la forêt, la pente, la neige au sol ; les coups de vent sur les viaducs, la sensation de rouler au sommet d’un ballon qui se dérobe.

    « La taïga.

    « Puis la route qui se creuse, les talus dénudés, frangés de toupets de sapins, la route qui redescend, les remblais qui s’espacent – soudain, une meule lumineuse de fils tissés, entrecroisés, saupoudrés d’un fouillis d’éclats, comme un ciel reversé en contrebas : Vienne, illuminée, dédalique, arachnéenne et déliée – svastika déglinguée - Rosenhügel dit Arrigo.

     

    XI

     

    À présent Roswitha, 68 ans, reprend la parole

     

    ...H’ai appris sur Arrigo de certaines précisions.

    Il tiendrait un « Emploi du temps ».

    Nastassia m’écrit :

    « Je t’en apporte un exemplaire ».

    Il en change à peu près chaque mois :

    « Mercredi 18h : Lecture. 18h.26 : Correspondance. 18H 53 : W.C. »

    - Fait-il l’amour à heures fixes ?

    Nastassia l’en soupçonne.

    J’ai l’idée de fabriquer à mon tour, moi, Roswitha, un « Emploi du temps ».

     

     

     

    XII

     

    Arrigo, terroriste au service du R.O.S.W.I.T.H.A

     

    Il dit :

    « Je suis convoqué au 26e étage de la Tour de Verre Circulaire.

    « Il y a des barrages aux 10e et 20e étages.

    - Même les chefs d’État se font contrôler, M. Sartini.

    « Le Bureau, pour me recevoir, adopte la position de « tir groupé ».

    «  Il y a :

    El-Hawk, Seisset, Laloc, Roïski.

    « El-Hawk » (« le Faucon ») me fixe par dessous ses lunettes. Ses phalanges craquent.

    « Seisset le Français porte une monture en or et la moustache en brosse oxygénée.

    « Les mots sortent tout ronds de sa bouche étroite et rose.

    « Laloc est basané, Roïski myope.

    « Ils devront tous disparaître.

    «Il faut toujours éliminer le plus de personnes possibles avant de vivre.

    « P.S. : J’espère tout de même vivre quelque chose de bien plus exaltant qu’une stupide histoire d’ « espionnage »!Hi hi !

    - Vos responsabilités (disent-ils) sont écrasantes. Nous vous fourniront la Liste, l’Arme et l’Alibi ».

    « On me fournit aussi une villa badigeonnée de jaune au fond d’une cour d’auberge.

    « Au premier », dit mon guide, « un nid conjugal : immense cuisine, mansardée chambre, une quantitude de recoins et le palier interne sur mezzanine. Téléphone, balustrade en bois clair ».

    Nastassia, brune, compagne d’ARRIGO, parle de « chrysalide qui s’enterre », en effet :

    - les murs sont profonds

    - les fenêtres creuses

    - au milieu du jour, il faut l’électricité

    - les clématites obscurcissent les vitres

    - etc.

    ...  « Suprême raffinement » (dit le guide) : « une grille différente ferme chaque fenêtre, avec une serrure différente, prête à bondir d’un angle à l’autre sur ses losanges de ferraille coulissante.

     

     

     

    Arrigo,

     

     

    Arrigo, époux de Nastassia, continue d’écrire :

     

    « Su nous

     

    « Si nous étions frère et sœur, nous ôterions nos organes génitaux pour la nuit. Nous les enfermerions sous plastique dans un tiroir de table de chevet.

     

     

    « La moquette du premier étage répand, sur toute sa surface, une moiteur magnétique.

    « Les motifs du papier peint sont d’horribles gros yeux empilés.

     

    Nastassia, brune, épouse d’Arrigo, prend la parole

     

    « Le premier soir « de la villa », une puanteur précise nous guide vers le four, où pourrissait dans un pot jaune – un ragoût de vieux bœuf.

    « J’ai descendu l’escalier de bois en tenant les deux anses à bout de bras, l’estomac chaviré. Tout a disparu corps et biens dans la poubelle de l’auberge. J’ai respiré sous le ciel noir, observé le bâtiment du Heuriger, c’est ainsi qu’on nomme les auberges de ce pays.

     

    « Le hangar de bois faisant suite à l’auberge, vers nous, vers notre « villa », ; bruissait de lumières comme un Boeing aptère où flageolaient des ombres d’incendie. J’écoutais le violon, le hautbois, la caisse claire. J’écoutais cogner les poings et les culs de chopes, et le micro gras où les lettres « p » tapaient comme des pouf de tambours.

    « Quand la baie s’est ouverte entre les planches, j’ai vu l’orchestre courbé, tordu sur ses instruments.

    HOY ! HOY !

     

     

    - hurlait la noce - ma parole ! Moi même, Nastassia, je criais avec eux comme des chiens ».

    Nastassia – dit le narrateur – a remonté le perron vers chez elle, perron couvert de feuilles recroquevillées, frisées, par le gel. Au 123 bientôt, de l’autre côté de la rue, des quatre rails en creux de la Straszenbahn - « c’est ainsi qu’on nomme les tramways dans ce pays »- Nastassia, folle, peintre, exposera ses toiles, dans une chapelle à demi-souterraine au badigeon jésuite, avec au fond d’une voûte à berceau une croix plate, en stuc, à même le mur.

    « Je pense », dit Nastassia, « à ces crochets de fer auxquels Adolf H. fit suspendre ses propres officiers ».

     

    XIII

     

    Premier rêve d’Arrigo, petit-gendre de Roswitha

    « Sous les yeux empilés du papier peint, je me débats au sein d’inextricables foules encombrant la salle d’attente d’un dispensaire : formes allongées ou accroupies, appuyées l’une à l’autre.

    « On en trouve jusque dans le cabinet du cardiologue où l’on s’assoit et où l’on parle fort. La prescription est inaudible et Frau Doktor élève la voix. Elle porte une tignasse rousse et m’envoie, à moi, Arrigo, malade – une plaisanterie.

    « Ses deux voisins rient très fort. La consultation est terminée. Deux femmes jusqu’ici effondrées se lèvent soudain pour prendre leur tour, la cardiologue se nomme

    ROSWITHA

    - et n’est pas cardiologue mais neurologue.

    « Je suis admis à m’allonger sur un divan d’angle – quatre femmes à présent exposent leur cas toutes ensemble avec animation. Je sens ROSWITHA de plus en plus attentive, de plus en plus lasse. Puis elle referme les rideaux, demande d’une voix éteinte qu’on n’admette plus personne et se détend sur un fauteuil à bascule.

    « Quand elle se redresse, c’est mon tour. Et quand je me suis levé, j’étais banalement nu. Roswitha se trouve à table, face à moi, dans un restaurant de luxe bon-dé où règne le sans-gêne d’une cantine.

    « Des clients debout attendent nos places. ROSWITHA se penche au travers de la table, mais sa voix domine à peine le vacarme. Elle est très rajeunie. Lorsque nous nous sommes levés sans avoir pu achever les gâteaux, un gros homme les a saisis, puis avalés dans un rire vulgaire. Il est satisfait d’avoir pris nos places.

     

    XIV

     

    Nastassia, peintre, brune, folle, se confie – s’exhibe : SA HAINE DU PEUPLE. Se fait menerE par son mari dans cette halle où des Tchécoslovaques boivent, fument et pètent. Elle s’est vêtue pour cela d’un bustier violet, d’un diadème sur son chignon vieux jeu. Elle a commandé ein Gespritzt et contemple les tablées d’ivrogne.

    Le jeu consiste à fixer un Slave immigré dans les yeux jusqu’à les lui faire baisser.

    Arrio s’est enivré peu à peu, ils ont gagné un lièvre au loto, ils l’ont relâché dans la cour : à moins de gagner le Mauerpark tout proche, cet animal ne survivra pas. Les tourtereaux (Nastassia et Arrigo) rempochent toute leur monnaie, sans le moindre pourboire.

     

    XV

     

    Nastassia contredit cette version

    « J’aî donné öS 20 au violon, dans sa casquette doublée rouge »/

    Ajoutons que la neige est revenue, suivie d’un froid féroce.Il faut boire un schnaps de prune appelé Slibowitz, très parfumé, à même le goulot.

    Pour en revenir à la neige : ce sont d’abord des mouchetures sur le côté des marches, et, le matin suivant, les marches sont couvertes comme des tombes, bosselées, que Nastassia castre à la bêche. Les pelletées flottent, et retombent. Le ciel reste plombé, les gens disent :

    « Nie war es so finster, il n’a jamais fait si sombre.

    La nuit vient avant quatre heures. La nuit, ils ne sortent pas (Nastassia et Arrigo). La neige s’écroule du toit ; ils croient qu’on secoue la porte d’entrée. Arrigo, blême, a tiré au hasard dans le noir. Des clients de l’auberge rôdaient dans la cour. Nastassia ajoute :

    « Je décroche le linge séché par le gel, le tissu se déchire, les dos des chemises, les mouchoirs, avec un bruit de papier. Le premier décembre, le thermomètre atteint moins vingt ».

     

    XVI

     

    Roswitha revoit toute sa famille. Elle écrit :

    Observer, sans agir. Sans railleries. Vivre comme une vieille – comme les autres vieilles -

    qui m’a donné le modèle de la vieillesse ?

    Je fais exactement tout ce qu’elles font.

    Personne ne se méfie.

    CE DÉBAT NE M’INTÉRESSE PLUS – il ne faut plus que ce débat m’intéresse.

     

    XVII

     

    Nastassia, brune, folle, peintre, prenant possession de sa nouvelle (éphémère) demeure

    Elle dit :

    « La salle de bain se trouve à l’angle le plus sombre de la maison. La pièce est dépourvue de radiateurs. Les carreaux émaillés, mauves, ajoutent à l’impression de froid. La baignoire fuit.

    «  J’utilise la machine à laver des locataires précédents, des Suisses. Les fils électriques traînent sur le pavé de la salle de bain, dans l’eau. Hier, de grandes étincelles claquaient sur le carrelage dans une enivrante odeur d’ozone.

    « Arrigo et moi faisons souvent l’amour dans la baignoire.

    «  Je ne suis pas retournée à la galerie de peinture : l’autre côté de la rue, au-delà des rails de la Straszenbahn, me semble aussi éloignée que l’autre côté de la ville. »

     

    XVIII

    Arrigo, espion sans envergure, reçoit enfin ses « Premières Instructions »

    Il dit :

    « Premières instructions : attirer Tragol, mâle, et N., femelle, jeunes. Les peindre nus (cf. Nastassia). »

    Ils se tiennent par les épaules sur le canapé, ils se voient dans un miroir, Nastassia les peint à la lumière d’un spot. Derrière le dossier, une tenture leur masque ARRIGO armé d’un revolver à silencieux. ARRIGO observe leur reflet.

    Il attend que l’esquisse au fusain soit tracée.

    Tragol et N. (« Nouchka ») se retournèrent, ARRIGO, démasqué, se montra. Ils éclatèrent de rire. Nastassia prépara, parce que c’était l’heure, une salade de fruits de mer, avec du poulpe, au sépia. Les betteraves ajoutaient dans les sauces de petites îles violettes, un fort poisson gisait dans ces liquides.

    L’appréhension fit glisser les mains de Nastassia et la jatte s’écrasa au sol. Tragol, mâle, Nouchka, femelle, tous deux jeunes, aident au ramassage des débris.

    « Attention de ne pas vous couper ! »

    ARRIGO se fait traiter de comique au téléphone, par une voix parfaitement blanche.

    Il dit :

    « Mes proies m’échappent. J’ignore pourquoi je devrais les abattre. Je crois plutôt que : Rien.

    «  J’éprouve les tranchants de la jatte contre mes lèvres : si je presse, mon sang coulera. Nastassia pousse un cri ; je me suis entaillé. Elle suce ma plaie dont elle recrache le jus violacé.

    «  Je lis dans les journaux (poursuit Arrigo) qu’un groupe de forcenés (mâles), u crâne parfaitement rasé, se sont introduits mitraillette au poing dans une Institution Scolaire. Poussant la porte d’une salle de classe, ils ont menacé les élèves et leur professeur ».

    À cet endroit du récit (poursuit le Narrateur), les comptes-rendus divergent. Les uns disent que les Salopards ont arrosé l’ensemble, abattant les corps parmi les tables renversées, dans un bruit atroce. D’autres journaux affirment :

    - que le maître, se glissant le long du mur en direction de la seconde porte, a désarmé les Hommes par derrière et les a mitraillés avec leurs propres armes, jusqu’au bout du couloir.

    - que le maître s’est enfui, sans plus.

    - que le seul terroriste survivant serait parvenu dans le bureau de Sir A. Zery, président de sept sociétés fictives. Celui-ci aurait sévèrement réprimandé le  survivant pour le caractère expéditif du commando, mais ne lui en aurait pas moins remis une somme important.

    (« Cette dernière affirmation, dira ultérieurement Arrigo, ne m’a pas été communiquée par voie de presse et je me refuse à en révéler la source ».)

     

    XIX

    Martino, Quatrième Personnage de l’Histoire

     

    Il dit :

    « Il faut les supprimer tous les deux, ARRIGO et sa femme !

    «  Je crains que mon poids, mes bras courts, ne me permettent pas une efficacité maximale. Mais ce couple d’incapables revient chaque soir de nuit, à pied, en remontant la Lainzerstrae. Le fracas des tramways sera mon plus précieux auxiliaire.

    « La Lainzerstrae vire sans cesse à gauche, en montant. Les lumières y sont faibles.

    «  Le couple se faufile, l’un suivant l’autre, le long des murs, sur le trottoir rétréci. Ils rentrent tous les deux la tête dans les épaules, à leurs pieds la neige est silencieuse.

    «  Le couple prend des chemins de traverse : tout un système de ruelles à angles droits parmi les murs bas des maisons de plaisance, où se faufilent des passages enneigés menant à des jardins privés.

    «  Balançoires ankylosées par le gel, buissons. En bas des pentes s’ouvrent des portières de grillage, ils pourront s’enfuir, les rats : entre les bancs et les stères de bûches.

    «  La crosse glacée du Lüger me brûle la peau.

    (ARRIGO dit à NASTASSIA :

    «  Nous avons bien fait. Les chiens sont couchés, les propriétaires ont perdu les clés de leurs portillons. L’Autriche présente, au sein de son cadastre, des espaces rigoureusement inextricables.

    «  Tu feras ce soir un bon tour de cour avec ta carabine. Et puis, Nastassia, lis bien les petites annonces. Achète « Krone Zeitung » au premier Indien transi que tu verras dans les rues marcher à reculons à six heures du matin, entre les voitures, aux feux rouges sans chaleur. Ils touchent 1 öS par exemplaire vendu ».

    XX

    Roswitha, vieille, commanditaire supposée. Elle dit :

    « Je suis restée allongée huit heures de suite. Beaucoup trop pour mon âge. Des pensées noires sont venues. J’ai revu mon père, et sa fâcheuse manie de (…)

    « Je me suis retirée là, entre deux meubles, derrière les fenêtres sur sur. Patience. Patience dans le tumulte.

    Réflexion :

    « Les Empereurs de l’industrie, comment sont-ils fabriqués, à l’intérieur ?

    ...et et abruti d’Arrigo qui répète je veux me venger…

    - C’est vrai, confirme Arrigo. Et quel tort m’a-t-on fait ?

     

    XXI

    Roswitha, vieille et folle, parle de Martino, vieux nazi

     

    Elle dit :

    « Les tracts sont toujours sous l’armoire.

    «  Hier, réunion politique. Vingt personnes, âgées, ou des gamins. Je me suis assise sur une chaise très raide.

    « En 1945, MARTINO et moi plongeons à bicyclette dans les fossés, sous les alertes.

    - Vous allez vous faire tuer !

    - Oui, mais en plein air !

    « Les bombardiers battaient des ailes. Un jour ils nous ont visés. Nous avons ri tous les deux, sous les herbes au ras de l’eau, mourant de peur. Je me souviens aussi de la débandade des Hitlerjugend Bergmanngasse…

    « Hier Matino faisait son discours sur une estrade de classe. Il portait un ciré vert, déchiré d’en bas par un chien. Le bouton du milieu manquait. Martino manquait d’éloquence. Ses mains pendaient au niveau du sexe. Il les a regardées puis de sa main gauche il a saisi son poignet droit, pour l’immobiliser.

    « Le public suivait les mouvements de ses mains, tandis qu’il répétait : « Auschwitz n’est qu’un montage hollywoodien ; les victimes sont de faux disparus.

    XXII

    Arrigo, petit-gendre de Roswitha, brun, fou, parle

     

    « Nous sommes traqués. On a ENCORE frappé sur notre porte l’autre nuit : l’armature en fer tremblait sur le verre cathédrale ».

    « Il neige encore. Dans la cour, les déménageurs :

    ZIGEUNER U SOHN »

    « Nos meubles et nos caisses descendent le perron. Deux Yougo glissent sur leurs talons. Ils disent, dans leur langue :

    - Plus à droite. Lève. Attention.

    « Les Yougo portent des cartons cubiques. Ils respirent fort. Un troisième, invisible, dispose le chargement dans le camion. Les voici qui manœuvrent sous la voûte, nous quittons la cour du Heuriger.

    «  - Nous serons très bien chez mon oncle », dit Nastassia – quel oncle ?

    «  Il fabrique de la poudre. Quelque chose de tout à fait artisanal. Juste au-dessus de chez nous ».

    « Une vieille de vieille vient de crever, après trente-huit années de séjour. L’appartement est libre.

    «  Le camion passe la voûte. Le chargement mal arrimé balle dans les virages. Les Yougo s’arc-boutent : pavés, tramways, aiguillages. Par le bas du cul laissé béant, nous voyons des pavés pâtissés dans l’asphalte, la neige boueuse, les pare-chocs, les calandres. Nous sommes secoués dans la pénombre, accrochés aux meubles, avec des sourires contraints ».

    ARRIGO ne veut rien dire à NASTASSIA : il éprouve l’impression absurde absurde, mais très nette, que les Yougo les comprendraient, même en hébreu. Surtout en hébreu.

    Le camion s’est glissé en marche arrière dans une haute galerie traversière en stuc, qui le gaine, juste au-dessus de la bâche. La galerie débouche dans une arrière-cour.

    Vienne regorge d’arrière-cours.

    C’est là, dans des bâtiments opaques et bas, qu’on fabrique la Poudre.

    Juste avant la cour dans la galerie monte un escalier tournant. La rampe, en spirale, gêne les mouvements. Les coudes s’éraflent. Les Yougo ahanent, s’effacent, obséquieux.

    Le fils de Roswitha - !!! - porte une tête rousse, toute en poils. Les poings sur les hanches, il casse le cou, du haut de son mètre 55, pour nous voir trimer :

    « Si vous fumez, crie-t-il à travers sa barbe, ne jetez pas de mégots par la fenêtre!BOUM !

    Il se marre.

    Ce con.

    Les Yougo craignent leur employeur ; pourquoi faut-il donc que j’en frotte un, dit Arrigo, ventre à ventre ? » dans l’escalier à vis trop étroit ?

    ...Quand la vieille de vieille est morte, elle venait d’acheter une baignoire. Une baignoire toute neuve, rose, avec l’étiquette encore au fond.

    L’appartement est dégueulasse.

     

    XXIII

    MARTINO , vieux nazi corpulent, se confie

    Il dit :

    « J’ai vécu moi-même dans cet appartement, au-dessus de la poudrerie. Moi j’aimais bien ma tante. Il y avait la cave, où ces imbéciles se réfugiaient en 45 : la rampe de fer encore au mur pour descendre, et le couloir, sous la terre, sous la poudre, avec ses soupiraux étirés comme des yeux de Chinoises.

    « Au fond, c’était me réduit à brouette ; je la tirais dans l’escalier. Ce qu’elle pesait !

    «  Il y avait des portes en fer rouge, ouvrant sur des pyramides de gaines à cartouches. On n’entrait pas, à cause des rats. » (« der Rattten wegen »).

    « Et plus profond, trois autres caves.

    «  Une caisse à main gauche, remplie de sciure – trois tortues hibernantes bourrées là-dedans, énormes, j’ai déblayé la sciure avec les doigts pour dégager les carapaces. Les tortues sifflaient je me suis fait pincer.

    « La tante consommait ses confitures avec vingt années de retard : des rangées de bocaux sur les étagères pourries – il fallait tâter du bout de la petite cuillère – si le foie pince on jette tout. Le foie pinçait souvent.

    « Je les vois d’ici les deux Frantzouses quand il faudra remonter le charbon dans les seaux sans anses !

    « Je dois être le seul maintenant à connaître l’emplacement et la quantité de juifs du 17 mai flingués sous l’escalier pourri qui descend au cul-de-basse-fosse. Là où le sol est resté nu.

     

    XXIV

     

    Roswitha, vieille de Vienne, prétendue terroriste

    Elle parle :

    Autour de moi, 60 % de vieillards : VIENNE. Je veux sonder chaque vaisseau exsangue de ce grands corps, y découvrir quoi y rampe.

    Plus de 30 000 rues, suffisamment pour une vie – ma tentation, depuis l’enfance, de me mettre à compter, comme ce personnage de théâtre, un, deux, trois – jusqu’à l’infini.

    Je ne passerai pas, de mon vivant, la lettre G du répertoire…

    Après-midi d’automne. J’ouvre la fenêtre sur le pont Brigitte. Chopin hurle sur le tourne-disque ; il acquiert ainsi, dans le fracas de la circulation, une intensité insoutenable. Je colorie sur son papier toilé une grappe de raisins ; ce sont de petits crânes d’huile translucides.

    Cortot est mort avec trois pieds de fard sur les joues.

    Raisins délicieusement aigres, rues infiniment prévisibles, silences et chats traversant à pas lents comme des mains sur un clavier. Je peux entendre, sur le disque, chaque grésillement du repiquage.

     

    XXV

    Arrigo, espion, soliloque.

    Il dit :

    « Sans mission. Sans rien à vaincre.

    «  J’erre, de rue en rue. J’entreprends de lentes et systématiques explorations. Mes levers sont durs, le thermomètre intérieur stagne à 13, le feu s’est assoupi pendant la nuit.

    «  J’enfile ma robe, descends l’escalier coudé de la cave. L’air est glacé, les brumes chaudes du sommeil s’effilochent, il ne reste plus bientôt qu’un tronçon tiède au fond de mon ventre, vers l’aorte et la face interne des reins.

    « Je jette de grandes pelles de charbon dans un grand seau noir. Les fragments de combustible frappent le métal battu, les pas des Viennois matinaux glissent devant le soupirail asiatique. Je porte à deux mains comme un Saint-Sacrement la masse du maudit seau qui me scie les paumes.

    « Il faut reposer le récipient devant chaque porte, derrière chaque porte à ouvrir et à refermer. Il faut boucler tous les cdenas. Déjà les Officiants des Poudres, dans la cour, sont en exercice.

    « Ils me frôlent dans les couloirs sous les ampoules nues. La voix du Fils de Roswitha, petit barbu roux, retentit d’ordres aigres derrière une paroi de bois interrompue à vingt centimètres du plafond.

    « L’art autrichien par excellence : le recoin.

    « Je monte les étages en courant : si je me reposais, la coupure inférieure du seau m’arracherait un cri de douleur.

     

    Nastassia, brune, folle, compagne obstinée d’Arrigo. Elle parle. Elle dit :

    « C’est à moi de secouer la grille du poêle. Mon oncle, fils de Roswitha (le roux) s’obstine à dire « le four ». C’est le même mot en allemand : der Ofen.

    « Je vide les cendres. La matière grise monte en suspension, imprègne les narines, les cheveux. J’étage les papiers, le bois et le petit charbon. Puis le gros.

    « Le poêle (le four…) - s’éteint ou ronfle un peu au hasard. Nos mains à tous deux restent nores et grasses, nous nous nettoyons l’un à la cuisine, l’autre à l a salle d’eau, au-dessus de la baignoire vieux rose. L’étiquette est demeurée collée. Quatorze degrés ce matin. Petit déjeuner sur la table plastifiée, contre le mur, informations en allemand, entrecoupées parfois d’une voix d’outre-tombe :

    « Werbung » - « Publicité ».

    « Parfois quelques mots de français, si brouillés, si lointains... »

     

    XXVII

     

    Arrigo, sans emploi, médite

    Il dit :

    « Tous les petits matins, quand je me lave, et que la buée forme sur les vitres une pellicule décente, j’aperçois, au même étage, de l’autre côté de la rue, un ouvrier quadragénaire ventru et blanc. Il enfile son pantalon : le rebord des fenêtres ne me permet pas d’en voir plus.

    « Nastassia dit :

    - Tous les matins, je t’entends ramer ou piaffer sur le tapis de sol pour te former les muscles.

    «  Je réponds :

    «  - Il faut faire l’amour et monter les seaux de charbon ».

    «  J’ai trouvé à la cave, derrière l’étagère aux confitures, un message sans date, dans une enveloppe très épaisse et piquetée de jaune :

    «  - Voilà six mois que nous vivons là » - dit le message, « Thérésa et moi. J’ai 43 ans, et je ne « pense pas atteindre beaucoup plus : juste un fils à faire naître. Thérésa est de race noire, peu bavarde, et mal considérée. Elle craint le froid.

     



     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

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    ST-FLOUR

     

    Tous mes chapitres portent des numéros de rois

    All my chapters are numbered kings

     

     

    CHAPTER THE FIRST

     

    J’écris par erreur et par obstination

     

    Description

    Trottoir cannelé sur caniveau sale. Une pantoufle en surplomb : placide, Ripa, à trois pas de sa porte, un chat gris sur l’épaule. Une ville en forme de cœur serrée sur l’éperon Planèze. En bas le Lander sous-affluent du Lot, qui déborda l’an passé. Une sous-préfecture du Massif Central, sept mille habitants, quatre écrivains. La vie s’effondre comme un fleuve, tout contre nous, obstinés, têtes basses.

     

    Identité

    Ripa, la Rive. Il se débarrasse des prospectus : « La Course aux Ânes », « Flambourg dynamique, Bal Mousse au Naïte »- je ne veux pas que ça vive.

     

    Température. Date

    6 degrés. Dix avril 2002. 900 mètres d’altitude.

     

    Description (le personnage)

    Un nez, dont le bord inférieur (de profil) évoque la courbe d’un canif ou ganivet a écaler les noix. C’est emmerdant les descriptions. Toutes les filles me l’ont dit. Elles qui passent bien vingt minutes par jour à se branler ne vont tout de même pas en perdre dix à lire une description.

     

    Âge – Domicile

    53 ans. A toujours habité mettons rue St-Jean, n° 43, Flambourg, quartier Banclou, sur le plateau. À Banclou, pas de conflit. Juste une petite envie d’assassiner sa tante, quatre-vingt six ans, sur son lit. Tous félicitent Ripa de son dévouement, il ne lui reste qu’elle, grabataire, exigeant des soins constants ; il a obtenu de l’hôpital Montieux (Fermons-l’Écran) un lit médicalisé qui se monte, s’abaisse, s’incline, comme chez Nègre, le dentiste. Ripa aime bien sa tante : rien que du matériel de pro. Il compte bien qu’elle durera le plus de temps possible (indépendamment de sa pension, qui passe toute en soins) ; il ne chauffe que la pièce, à gauche, où elle végète, avec le feu dans l’âtre – et comme il a bien refermé dans son dos, le voici qui prend l’air, en pantoufles, sur le pas de sa porte.

     

    Menus

    Ses menus ne varient pas. Longtemps, un employé apporta de petits repas tout cuits. À soulever successivement les couvercles, l’odeur s’élevait, délectable :  « On en a bien assez pour deux. » Le plateau vide était repris le soir, sans corvée de vaisselle. Mais Ripa s’est vexé. Il a fini par refuser « la charité ». Il s’est mis à la cuisine. La tante en sera peut-être bien morte (adhérences intestinales ? ...ravioli à tous les repas.

     

    CHAPTER THE SECOND

     

    Organisation

    Ripa se paye une infirmière à mi-temps, à mi-coût avec les Services Sociaux. Il ne pourrait se passer de Firmine, quand on soulève la tante paralysée, qu’on la repose sur sa couche bien propre. 

     

    Culture

    La Maison de la Presse est sise au coin de la rue du Gu, entre deux murs en angle et trois tourniquets de cartes. Le proprio, c’est Servandeau. Ripa fait son entrée, son chat sur l’épaule : pur bâtard qui crache, noir et blanc à longs poils, Louksor. « La Montagne ! - Un euro 10. Qu’est-ce que c’est ? - Un autre chat, pour remplacer celui d’avant. Perdu à Pampelune, coursé par un chien fé-roce. Foutu pour foutu, il a préféré sauter par-dessus le mur de terrasse dans les branches d’arbres, en contrebas. Je ne l’ai jamais revu. »

    Ici tout le monde se connaît.

    Le chien de Servandeau se redresse en gueulant : pas le même fumet. Servandeau tend le journal et rend la monnaie.

     

    Description, II

     

    Julien Servandeau : grand, mou, 56 ans, lunettes "Haphine-Monture" made in Clermont. De celles qui vous renvoient,, sur du tain blanc, votre propre image :

    insupportable. Sa femme Greta, petite rousse et maniaque, se précipite pour vous rajuster sous le nez, dans l’étalage la revue que vous venez de feuilletere.

     

    Vie privée

    Les Servandeau habitent sur place, un petit réduit avec canapé, réchaud. La maison de campagne est loin. Ils ont fait venir une table, un buffet bas. La nuit, Servandeau pose son bijou de poitrine en argent (le bijou) sur le dessus du buffet couvert de linoléum. Le lit n'a pas de pieds. Il est à même le sol, dans une pièce sans fenêtre.

     

    CHAPTER THE THIRD

     

     

    Servandeau at work

    Servandeau travaille dur. Les journaux sont reçus à sept heures. Il les place en rayons, les pose à l’endroit s’il y pense. La boutique ferme à 7heures. « Me voilà en retraite » dit-il. « Ça me laisse plus de temps pour visiter ma tombe. » La dalle porte son nom, né le tant, tiret d'attente - et l'épitaphe, plagiée sur un tombeau de Quinsac : HOMME DE LETTRES. A cent francs la lettre; 1400F ("plus de deux cents-z-euros" (il fait la liaison) "en monnaie d'Occupation" (sic). Des contes moraux de Servandeau paraissent dans Feuilles d'Auvergne. Mais il n'a garde d'abandonner son comptoir. Il reçoit le client, lui vend, le remercie : "On ne prend jamais sa retraite", dit-il, "dans le commerce".

     

    Dessin, lecture

    Derrière son comptoir, aux heures creuses, il dessine des tombes. "Désir d'indépendance" disent les pédopsy. Mais à cinquante-six ans ? Ripa cependant, sortant de sa chambre-hôpital, achète sa Montagne. SERVANDEAU s'est plongé dans un "Poche".

    RIPA

    Fais voir ?

    SERVANDEAU, présentant la couverture :

    Ernst Jünger.

    "C'est bien", pense Ripa ("...pour un marchand de journeaux").

    Le lendemain, Servandeau lit un autre livre. Mais il se dérobe : "C'est sans importance" - il ferait beauvoir qu'un Ripa contrôlat ses lectures ! Servandeau collectionne aussi les grands titres de journaux : "Coup de grisou en Chine", "Tsunami en Indonésie", "Ecrasé sous son tracteur retourné". Il colle ces manchettes dans un classeur.

    Sur un carnet à part il note les Prophéties de Nostradamus ; beaucoup servent plusieurs fois. Servandeau et Ripa se connaissent depuis quinze ans. Ils haussent les épaules l'un de l'autre.

     

    CHAPTER THE FOURTH

     

     

    La Toile

    Flambourg a trois Cybercafés, en sursis : chacun s'équipe, ici comme ailleurs. Serrvandeau choisit le plus sombre. Au fond d'un boyau garni de "moniteurs" gris (en français : screenplays) officient deux prêtresses géantes, suceuses des indigents de la com' . La première a des lunettes d'écaille, la tête à droite, elle apprend le mandarin. La seconde, tifs queue-de-vache et menton galoché : de la présence, du piquant. Servandeau découvre tout. Courriel l'enthousiasme. Restons français. Des Françaises en interface, des Belges, des Comoriennes : "Relations discrètes - Race indifférente".

     

    The girls

    Servandeau truque sa date de naissance. Pas de photo non plus - no webcam. Sa femme Greta, née Gus, jalouse et maniaque (celle qui replace les journaux) - avare ! p as prête d'investir dans l 'achat d'un P.C. (Portable Computer). Servandeau va au cyber comme on va au bordel. Il dit : "Rupture de ramettes A4 ! je fais une virée à Fermont.

    - Passe donc ta commande par téléphone, comme tout le monde !"

    Elle croit les prêtresses du Cyber-Point [saïbeur-poïnnt] incorruptibles : impardonnable... Servandeau se les tape dans l'arrière-boutique. "Autre chose que les parlotes sur la Toile."

     

    CHAPTER THE FIFTH

    Coquart and C°

    Ripa s'est organisé un roulement d'aides-soignantes. Ça permet de sortir avec Coquart, que je sais même plus qui c’est. Coquart, ex-notaire, pousse des bordées de jurons tout bas : « Quarante ans que je me suis retenu. Je vais me gêner ». Coquart est tout petit, tout jaune, comme Feu Mitt’rand. Il n’est ni prêtre défroqué, ni fils de prêtre (des bruits courent ; les mêmes que sur Baudelaire ; Coquart tient des fiches sur tous les bruits qui courent).

    Il habite une magnifique maison place Ste-Ischrine avec de splendides caissons de plafond, qu’on regarde en contre-plongée de l’extérieur, par les fenêtres.

     

    Distraction

    Promenade avec Ripa place des Brilles, face à l’Institut Selvat. Ils s’assoient tous les deux sur le banc, tous journaux dépliés (La Montagne, Le Centre, La Pinachval) devant les yeux, matant les filles à travers les trous. Des journaux. Ils se relèvent en craquant des genoux, replient leurs envoilures en grognant contre les culs-bénits. Chez Coquart ils boivent de bons coups de Floch de Gasc, Me Coquart jure. La place des Brilles donne en terrasse, vers l’est, sur le ravin de Serres-Salles aux flancs couverts d’arbres et de prés. Tout au fond c’est la Maronne, affluent de la Cèze. À l’horizon, le Cantal qui s’étage, mauve, pourpre, poulpe.

    Par temps de neige tout étudiant transgenre serait transporté, pas la peine de rester perclus sous La Montagne en bandant vaguement. J’sommes ben d’accord dit le notaire.

    Autres distractions

    Ce n’est pas ce qui manque. Ni ce qui abonde. Ex-Maître Coquart, de mèche avec « Jean-Claude Auxbois, Biens et Propriétés », se fait confier des trousseaux de clés. Bien des vieux crèvent, dont les enfants ne se dérangent même pas pour l’héritage : « Trop de frais, trop de réfections ! » Alors Coquart et son con plisse, nuitamment, s’introduisent comme des gueux dans les demeures branlantes : « Un pays qui crève ! - Eh ben tant mieux !  - Je quitterais bien ma vieille tante ! dit Ripa. « Achève-là ! » jure Coquart. Passant devant l’agence Auxbois, Ripa salive devant ce qu’on vend, et les prix hors de prix, émoluments compris : « Tout croule dedans bordel » avertit le notaire, déchargé de son devoir de réserve.

    Ex-Me Coquart ne sous-prête pas ses clés. De nuit les fentes des volets tracent des raies sur les parquets, les murs vides résonnent, Ripa se sent chez soi. Il ne se confie pas au marchands de journaux (Le Centre, Bitachval), Marcel Servandeau : ce dernier préfère les tombes, à chacun ses manies ! Les retraités occupent à présent la place et l’emploi des princes et princesses de jadis, qui avaient tout loisir de vivre des tragédies d’amour. « Je ne veux rien savoir des jeunes de Frambourg » dit Ripa. Les visites clandestines se prolongent. Les lattes de parquet craquent. « Et le chat sur l’épaule ? » Il ne bronche pas.

    Son nom est « Kraków », prononcez « -kouf » à la polonaise : « Cracovie ».

    Un gros chat gris à longs poils, avec de grands yeux dorés.

     

    Dernière distraction, « la plus nulle mais pas la dernière », least but non last

    Ripa, dans les appartements déserts, joue à l’aveugle, déambulant de long en large, Kraków sur l’épaule. Le maître du chat repère le notaire à sa résistance magnétique, à la crispation des griffes sur l’épaule : »Si je me crevais les yeux, cela m’avantagerait ». À dix ans il lisait Contes et légendes tirés de l’Antiquité classique : « Je serais » dit-il, « aveuglé comme Œdipe » - il prononce « é- », comme il convient (ésophage, fétus, Édipe ; écuménisme, énologue.

     

    CHAPTER THE SIXTH

     

    Dévotions

    Servandeau fait ses dévotions ; lui l’athée, à Ste-Istrine-Bas-de-Pente,il s’agenouille et il croit croire. Une église « Napoléon III », aux vitraux laids, pour prier les yeux clos. À genoux bras en croix sans voir ni être vu dans l’absidiole, pas même du curé qui joue au foot à St-Bastien avec les minimes. Ou à plat ventre sur le pavé. L’inconvénient est de ne pas savoir où tourner la tête, car, sur le bout du nez, c’est intenable : à droite comme à gauche on attrape des crampes, sans pouvoir jouir de son sentiment de déréliction (« sentiment d’abandon, de privation de tout secours »). Il faudrait un bourrelet de tête, qui laissât sur le devant un espace pour l’appendice nasal, qu’il porte long et bourguignon. ; s’il était vu ne fût-ce qu’une fois par Servandeau, adieu vente de journaux. Mais où qu’il soit, fût-ce au comptoir, Servandeau récite trois Je vous salue aux trois angélus, matin, midi et soir, trois fois trois coups suivis d’une courte volée de cloches enregistrées ; l’angélus fut institué l’an quatorze cent soixante-et-un par le bon roi Louis XI, classé parmi les Pères de l’Église à la Bibliothèque monacale de Belloc (Pyrénées-Atlantiques).

     

    Autres superstitions

    À Nuestra Señora del Pilar de Zaragoza, le notaire en veston, l’avocat, touchent au matin l’énorme clou sanglant des pieds du Christ et se signent, la bouche, le front, pour dès l’aurore être inspiré de Dieu. À la Basilique de St-Antoine à Padoue, les fidèles font des vœux, priants et tête basse, la main plaquée de toute la paume sur la paroi tombale du saint. Servandeau se rend Pont du Drer où pendent au-dessus de l’eau les poivrières. C’est là qu’en treize-cent soixante s’enclosaient les pénitentes, juste nourries par un jour-de- souffrance, pissant er pourrissant sur place pour expier les péchés du monde. Servandeau fasciné s’accoude au parapet, regardant sous ses pieds filer l’affluent païen, tandis que « nos curés jouent au foot et répètent « Dieu veut que nous soyons heureux ».

    Car si en vérité corps et crampons de foot sont rédimés par l’Incarnation, à quoi bon les religions. Le pont du Der conserve deux cellules en pierres noyées par les crues avec leurs occupantes. Certains ans de grâce le courant ne montait qu’à lèche-fesses, de quoi nettoyer la sainte merde. Et c’est ainsi que Dieu est grand.

     

    Massacres

    À dénoncer : l’abbaye romane d’Urbanville (Oise) est défigurée par une pyramide de gobelets de plastique sales, juste devant le porche.

    À Cormilly, un sombre connard a bouché les abat-sons du clocher avec des planches de chantier : les  « vitraux » de Soulages, obstruant de leurs fades laideurs lesbaies médiévales. Et 4€ la crêpe.

    Malgré cela, à St-Flour, s’incline en porte-à-faux une magnifique, fine et provisoire forme en fil d’acier, gracile, inaltérable, inclinée là de toute éternité ; éphémère au seuil de l’inaltérable.

     

    CHAPTER THE SEVENTH

    Réunion

    Chez Coquart se réunissent Madame et Monsieur Coquart ; les Servandeau, quatre hommes et femmes scrutant toujours l’Homme au Chat sur l’Épaule, Ripa. Forte circulation de bons vins et de Verveine du Puy. Un chat se porte sur l’épaule ou en terre. « Plus jamais de chat », dit l’épouse Servandeau qui souffrit tant lorsqu’elle inhuma, en fond de jardin, son regretté Birman mort faute de soins : Greta Servandeau née Güs, d’Abyssinie. Amélie Coquart née Guibaud révèle ou confie : « Ripa cherche femme ».

     

    Mariage

    À plus de 50 ans, la chose est plus facile qu’à 25 ou 30 : « Il n’y a plus de jeunesses. À 25 ans, elles sont toutes en ville. On ne trouve plus ici que des hommes. Culs-terreux costauds et célibataires,voir ces bites à l’air devant les K7 porno ». « L’homme au chat trouvera », c’est la sentence admise. La revue des princesses à prendre est vite faite : ce sont des rougeaudes, grasses et laides. D’autant plus difficiles et revêches, comme il est de rigueur, qu’elles tiennent à être aimées pour elles-mêmes, comme au bon vieux temps. « Ce qu’il faudrait à Ripa, c’est une infirmière » dit Greta, « qui le prenne par la main jusqu’à la Section J » (cimetière Ville Haute).

    - Je n’aimerais pas justement » coupe Coquart, « une infirmière qui m’aide à mourir. Elle ne voudrait pas se toucher devant moi. Elle m’angoisserait jusqu’au dernier moment, comme elles font toutes ». Il se souvient avec émerveillement de la séquence de What ? (1972 Polanski) où le vieillard expire en contemplant de près l’origine du monde : « Que c’est beau » murmure-t-il, avant de retomber mort. Amélie née Guibaud le fait taire.

     

    CHAPTER THE EIGHTH

    De la femme. Des hôtels.

    Ripa se détache de sa grabataire. Tout l’héritage en effet file dans les soins et frais de garde. Il part coucher au Terminus, en face (l’établissement n’ouvre plus que quinze jours par an, pour causes touristiques) – une chambre avec le chauffage et l’eau, juste la place pour un lit et le lavabo. S’il déplie ses jambes ses pieds sont dans le lavabo. La tenancière et sa fille survivent méfiantes et seules, grosses et rouges. Retranchées à l’entre-sol derrière leur comptoir à rabattant, sur l’escalier juste après le tournant des chiottes en montant. Ripa ne les connaît que par ouï-dire. Il entreprend mère et fille – il fait l’aimable. Mademoiselle de 23 ans coince un sourire dans sa gueule de graisse : « Tous les étés je vais au Club Med c’est facile pour les rencontres. Le reste de l’année je me branle ». Ça se défend.

    Les femmes gèrent leur sexe. Ripa ne s’y fait pas. Ça le désappointe. C’est un homme comme les autres. Tant de sang-froid. Tant de calcul. L’homme se sent sale. Obscur. Abandonné. Anormal. l’homme qui se branle, ça, oui, c’est de la solitude. Plus tard l’hôtelière introduit des amies, des cousines, en contrebas, par une rue où personne ne passe. « Les chats sont interdits Monsieur Ripa. Depuis six ans que vous passez devant chez moi ! ...c’est bien parce que c’est vous. N’oubliez pas votre litière ». Les deux hôtelières ont beaucoup d’amies. Ripa s’imagine bien des choses. Mais pas toutes.

     

    Photographies coquines

    Chez Coquart il montre ses photos : « Chambre 6 ». L’hôtelière a des caméras cachées. Le secret sera bien gardé. Il faut bien que la ville s’amuse. St-Flour est petite et ses habitants ternes.

    Aucune pécheresse en porte-à-faux ne prie plus dans sa cellule au-dessus du Der. On se montre en ville certains couples, divorcés, sans avoir, ni l’un ni l’autre, déménagé. Se côtoyant comme si de rien n’était. Inertes. « Et l’on s’étonne, dit Servandeau, que les ventes de fictions soient en chute libre ? » Lorsque Ripa n’est pas là, chacun regarde les autres photos, les clandestines, celles qui sont prises du plafonnier : « Ripa drage », « Ripa se couche », « Ripa s’endort ». Greta, née Gus, épouse Servandeau ; Amélie Coquart, née Guibaud, entre elles, après le dessert, jugent ce client d’hôtel immariable. « Imbaisable », dit Servandeau.

     

    CHAPTER THE NINTH

    De la retraite

    Rien, du comportement de Ripa, n’implique dépression ni souci : pour lui un chat d’épaule, quand d’autres se contentent d’une casquette de marine à galon dédoré, achetée en brocante : c’est Coquart. Ils vivent retirés du monde, c’est toujours vivre au même endroit. On n’imagine pas l’horreur que c’est de toujours vivre au même endroit. Le bienfait, aussi. La douceur curative de l’argile natale. Ces prolongations que l’on joue, ces arrêts de jeu, jusqu’à la fusion du moi, jusqu’à l’aplanissement de la tombe : l’extrémité du monde est une Sous-Préfecture. Avec jardin public pour le chien.

    Ripa ne bouge pas. Le chat grogne et détourne la tête. Acculé à Saint-Flour, coincé au fond de soi, même pas malheureux : Je n’ai pas cet honneur, dit-il. Ses interlocuteurs ne comprennent pas bien. On le prend pour un modeste. Ou un orgueilleux. « Vaniteux », dit Servandeau. Fuir loin devant soi ? « C’est bon pour les gros budgets » . Ripa ne s’abîme que dans ses contemplations – je ne contemple rien dit-il aux femmes trop curieuses, j’habite Hôtel Terminus. Les épouses échangent un coup d’œil.

     

    Hôtel Terminus

    Il en existe un peu partout en France : « Enfin on se sent chez soi ». Au bout du monde. Il n’y a pas d’ « Hôtel Bout du Monde » - on appelle ainsi des culs-de sac ou reculées, terminées dans le Jura par un demi-cercle de falaises. Le Terminus de Saint-Flour a pour grave défaut la dureté des lits. De vrais battants de portes, sous des matelas raides et maigres. Ripa y transporte une couche de rab, en mousse, et cale dans son dos les deux oreillers de l’armoire. La télé là aussi a tué toute solitude. Le grand nivellement commence avec l’écran dans l’angle en haut à gauche, au-dessus de la salle de bains « avec un s, parce qu’on prend plusieurs bains » - nous ne sommes plus au temps du crottin de chevaux.

    Il allume, éteint, somnole, se promène en ville à l’heure du ménage, revient parfois chez lui où l’entretien du lit médicalisé lui coûte un bras – Ripa fuit par tous les trous. « Irresponsable » dit Servandeau. St-Flour comme ville étrangère, aux Éditions des Trois Colonnes. Il ne rit pas, au fait.

     

    Ce qu’il voit

    Je vois des fantômes, confie-t-il aux commerçants. À Servandeau, amateur de tombeaux. Qui n’est entré chez lui qu’une fois, jetant sur la gisante un œil effaré (« je ne fais que passer ») (quatre bosses sur un lit, juste les yeux ardents et noirs, balayant ou fixant dans la terreur spectrale de ceux qui bientôt ne verront plus rien). Plus, pour l’homme-au-chat (la bête calme, en équilibre) des fantômes de soi, de tous ses âges, surtout quarante et cinquante ans, depuis qu’il s’est collé là, pour l’interminable, dispendieuse agonie.

     

    Ce qu’il ne dit pas

    Spectres, chaînes, linceuls, portes ouvertes d’un coup ? « activités sismiques » plutôt où Ripa sauverait des victimes, imposition des mains, refoulant la presse, aidant à naître des morses en bassins, renflouant des baleines échouées) – sommeils endoloris sur la plancje atrocement mal matelassée.

     

    Lectures

    Assis quand il fait beau sur le banc de la place, le seul qui soit de bois non de ciment, avec de vraies échardes, la planche du milieu juste affaissée, tournant le dos à la Sainte Institution de l’Assomption, sans les filles, Ripa ne lit pas La Montagne sur le banc de bois mais des romans de Blouses Blanches, internes et toubibs de la Salpêtrière ou de Cochin : Corps et Âmes, Van der Meersch, 1943. Toute un tradition de romans médecins, Slaughter, Konsalik, jusqu’aux Nous Deux pour branlotines. Et pas de grabataires : rien qu’un beau nœud de conflits d’influences, de successions de mandarins. Entre audace et routine (substituer aux suralimentations de tubards le seul vrai traitement qui sauve ; lutter contre l’hydre Sécurité Sociale, qui permettrait aux pauvres, même immoraux, de contracter syphilis et blennos en toute impunité.

    Tout le monde crèverait. On s’habituerait. On enjamberait les cadavres. Comme à Calcutta. Ce serait le progrès. « Je confonds les personnages » dit Ripa au boulanger, qui ne sait pas de quoi il parle. Ripa dédaigne de préciser. « Un original ! Un orgueilleux ! - C’est à cause de la Vieille Infirme ! - Moi je l’enverrais en établissement. - À Aurillac. - À Montpellier. - Elle serait déjà morte. - Pour ce qu’elle vit... » Ripa lit sur son banc.

    Les fantômes de la Résistance

    Dans le coin sud-ouest du foirail, le monument aux morts, des plaques de marbre de bric et de broc. On a résisté ici : Mont Mouchet, 120 morts, sans compter les civils fusillés. Quarante noms ici dans la pierre noire : EUGÈNE PAPON. Sans lien de parenté. Il n’est pas de St-Flour ce Papon. Tous les noms regroupés sur le foirail, à côté du banc. Dans Corps et Âmes un toubib fait l’opération de trop, celle qu’on n’a pas su refuser à sa « grande expérience », qui tue la femme d’un confrère. « Docteur, tu trembles, ton bistouri n’est pas un hachoir » ;

    Effractions

    Pensez, avec des lectures pareilles. Avec une vie pareille. Tous ces fantômes. Ripa visite les maisons vides, par effraction, le chat sur l’épaule comme empaillé de salon désert en chambre morte au papier cloqué de moisi, sous les biseaux parallèles des persiennes closes. « Tu les verras Coquart mes fantômes, si la lumière baisse. Quand passent les nuages. » Coquart pouffe : « Je suis là, un mère soixante et tout vaillant ! ...Si tu venais la nuit, je ne dis pas ! » Coquart visite de nuit, pour lui seul et sans lampe, ce que Ripa appelle « hors piste ». C’est pour ne pas alerter les gendarmes.

    Qui achèterait des maisons où des dingues se baladent pour l’émotion ? « Des Hollandais, des Anglais » Coquart, au commissaire. « On vous relâche Maître Coquart, tout le monde se connaît, mais faites attention ». Les Van der Meersch par exemple, emménagés depuis juin au-dessus de St-Ferrol, ils n’en ont jamais ressenti, de « présences », eux, mystérieuses ou non. « Les présences, c’est nous ». Avec leur accent Gouda-Mimolette. « On va, on vient, on claque les volets le matin, on va chercher notre lait, notre beurre. On est très heureux ici. Vous habitez un superbeau pays ». Bien assimilés, bonne langue française, aucun lien de parenté.

     

    Un monde dans la tête

     

    Corps et âmes est nul. Je n‘en lirai pas d’autres – ainsi La maison dans la dune. Un grand succès de 1932. Van der Meersch mourut en 51, à 44 ans et demi – tubard ? « Et Servandeau est pire que moi » confie Ripa aux infirmières. « Servandeau » (baissant la voix) « va dans les cimetières, il note tous les morts sur un carnet, il fait des statistiques : les dates, les âges, les sexes… un malade ! » Nul ne fait plus attention à ce que dit Ripa, ni à ce que dit Servandeau. Des originaux. Il y en a plein des comme eux. Les gens qui sont choqués passent leur temps à dire qu’ils ne le sont pas.

    Ils pourraient le faire interner. Le jour où Servandeau a fait le tour de la gare, qu’il est régulièrement question de fermer, avec son carnet, son stylo, son appareil photo. Il a tout épluché, tout photographié, les guichets, les quais, en prenant des notes et même des mesures. Peut-être qu’il va partir ? ...que la gare va fermer, définitivement, et qu’il s’en porte acquéreur à titre privé ? « ...et les rails ? » - rumeurs, rumeurs…

     

    CHAPTER THE TENTH

     

     

     

    Personne à St-Flour ne visite le Dieu Vert, à Notre-Dame-des-Laves ; on ne va pas voir ça, c’est pour les touristes – mais on sait qu’il est là, Protecteur : le Christ d’Émeraude exhibé dans sa crypte, 50 centimes la minute la Très Sainte illumination. Les Sanflorains n’entrent jamais là. Ripa, Servandeau, Coquaart, n’ont aucun don particulier de la prière. Ils n’obtiendraient rien : anticléricaux, ils matent à la sortie les externes et demi-pensionnaires du Polyvalent ou de la Conception rebaptisée l’Anticonception. Vautrés sur les bancs. Le 23 décembre, quinze Espagnols paumés descendent de leur car en frissonnant, flanqués d’un guide, et nos trois compères les suivent, graves, emmitouflés, tout ouïe.

    Greta née Gus, épouse Servandeau, vend des souvenirs dans le courant d’air, près de la sacristie de St Nicolas. « Vous ne venez jamais me voir, lâcheurs, instruisez-vous un peu ! Visite pour tout le monde, je reprends le stand tout à l’heure. Allez, Palais du consul, Musée populaire : tous de corvée ! » Le Palais des Consul(s) a des pièces très sombres. Greta commente pour les trois Français, à peine auvergnats, tandis que l’interprète trompette le cervantès comme un canard. Les lits d’époques sont solennels et rechignés, tendus de vert lourd et de dorures passées. Les lissiers savaient ce qu’ils faisaient. Ils vivaient ceints de murs ou de falaises : du solide. Nos lascars pris au piège laissent un maigre pourboire ; Greta joue le jeu : « Au musée ! » Tous s’y rendent, Espagnols compris.

     

    Musée

    Sur des clichés sépia trônent de sombres rangs de carcasses cantalaises, viellant, guinchant, s’amourachant et s’accouplant, non sans passions épiques et enlèvements cavaliers, vengeances et palpitations de cœur, comme au pays de Gaspard des Montagnes : Ripa se souvient, pour la vie, de la belle Anne-Marie, en ces temps où déjà les peaux des femmes, chose incroyable ! étaient aussi souples qu’aujourd’hui (momies de Thérèse ou de Soubirous sous leurs bières transparentes), aussi sucrées, cédant aussi volontiers sous le pouce de l’amant. Comme à présent.

    Telles sont les pensées qui vous fixent devant ces photographies raides aux sels corrompus, racornies sous leurs triangles de maintien.

     

    Cire et cercueils

    La salle des armoires bruit d’échos retenus, tous meubles alignés comme au magasin, rapetassés, vétustes et capturant sous l’encaustique le tenace effluve du vermoulu. Les charognes des aïeux tenaient à l’aise dans des cercueils étiquetés « Coffre à linge Pierrefort 1842 », « Chiffonnier Condat 1775 ». Le planchers rebondit sous les talons castillans qui les parcourent comme autant de pontons fléchissants. Les trois retraités de France n’en font plus qu’un, tels ces trois messagers de Dieu chez Loth le patriarche. Ainsi s’instruisent les sexagénaires de St-Flour.

     

    Le retour du guide

    Gréta née Gus après son service descend l’escalier monumental prenant derrière St-Ganzon, par où l’on dévale du Haut-Saint-Flour : larges pans de ciment, marches plates ménageant les vieux et claquant les jarrets : vaste construction venteuse ou broyée de soleil avec lacets, paliers aux bancs publics de ciment, portes opaques en planches ATTENTION AU CHIEN cachant des jardins – l’exact envers de cette ascension du Puch par le Puceau du même nom (Éditions du Tiroir

    Montée du Ganzon

    Soleil ou pluie

    Le jour et le nuitamment

    Fait crever l’vieux con

    dit le dicton. D’où la navette Haut-Bas (Autocars Ben Murat, 1980)

    Greta descend les 125 degrés. Elle est maigre et garde les cheveux en brosse. On ne la drague pas.

     

    Guillemets

    « Tant de grouillements ne sauraient rendre la vraie vie de St-Flour, sous-préfecture dynamique et regorgeant de toutes sortes. Qui suis-je, qu’un putain de défigurateur ?

     

    Panorama

    Ripa, gardien de Tante, se fait épier. Je crois, volontairement. Ne prends toujours pas femme. Rappelons que la courbure inférieure de son nez figure exactement le ganivet poitevin. L’habitation de cet « homme au chat » comprend trois pièces, dont une à l’étage. Personne n’y est admis. Près de l’âtre en bas, enflammé l’hiver et l’été, gît la vieille paralytique sur son lit orientable, financé par la SS, en français « Sécurité Sociale ». La pièce à main droite croule de livres où surnage un piano immobile et muet. Un soir qu’il fait bien sombre, Servandeau et son compère, Coquart, s’introduisent dans le vestibule : à gauche l’âtre donc et ses ombres mouvantes, la Tante endormie respire bruyamment.

    Montant sans bruit l’escalier dans l’ombre, ils sont surpris à mi-volée par le soudain tintamarre d’un accordéon : musique joyeuse et déplacée, avec trilles et tremblotements fébriles du Folklore Serbe. Ils se figent. De l’autre côté de la porte en bois, Ripa chante soudain, nasillard et métallique, poussant sa voix de toutes ses forces. « C’est du serbe », décide Coquart qui n’en sait rien. Le chanteur invisible se fait pathétique, l’accompagnement se résume à de gros soupirs de basses rythmées sur main gauche.

     

     
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  • Réserves

     

    62 06

     

    Ce n'est que fort tard que j'ai appris - ô candeur des profs ! - qu'un mot grec ne pouvait avoir qu'un seul accent, sauf si un enclitique le suivait.

    Il a fallu que je le découvrisse moi-même. C'était « évident », chers professeurs. Ben voyons. De même qu'il était « évident » que le do, le ré, possédaient chacun leur fréquence : c'était « évident ». Pour moi, « do » pouvait aussi bien être n'importe quelle note, puisque de n'importe quelle note on pouvait, effectivement, faire partir une gamme... dont la première note ne pouvait être qu'un « do », arbitrairement ! J'ai passé de onze ans jusqu'à vingt ans à ne pas pouvoir comprendre ce système des gammes, de do, de ré, de mi.. Dans l'impossibilité donc de faire la moindre dictée musicale, où mes seules notes justes étaient celles qui étaient fausses, par étourderie. Car je faisais des efforts, je vous le jure. Mais voilà : les hauteurs des notes, c'était « évident ». Un seul accent par mot grec, c'était « évident ». Pédagogues de mes couilles...

     

     

     

    62 11 11

    Seigneur accorde-moi juste un vers, une expression qui puisse 'm'immortaliser, “les moutons de Panurge”, “l'œil du maître” "daffodils" : car ce n'est que par là que l'homme survit, juste un fragment de phrase.

    Il ne me reste plus le temps que d'inventer, de découvrir, une simple formule qui me rappellerait,.

    A présent l'écriture me fait ressentir. Prenez leçon de moi, écrivains ratés.

     

    62 11 19

    .D'autres qui découvraient l'existence d'Aix-en-Provence, ou du Puy-en-Velay – sauf une : “Ah oui ! J'y suis allée en vacances !”Alors Jeanne d'Arc, pffff ! Cette foutaise...

     

    62 11 22

    Il nous en vient d'ailleurs tant d'autres (« Tu te sers, Viêt”, à un copain de Saïgon, dont la sœur (pourquoi pas) répétait « moi j'écarte et tu enfonces” - volontiers ma foi : il s'agissait de forcer entre deux mâchoires de pince les deux plaques d'un sous-verre...)

    62 12 04

    Bonjour.

    Je souhaiterais vous renvoyer l'article dont le n° de facture est le 9267236, mon numéro de cliente est le 503 556 20, mon adresse est Anne-Marie NOGARET-COLLIGNON, 4 avenue Victoria 33700 Mérignac. Malheureusement, le relai "Opticien Chanteur" ne consent pas à vous renvoyer le paquet en cause, disant qu'il lui faut une icône de type "smartphone" (appareil que je n'ai pas) afin qu'il puisse cliquer dessus. Je trouverais dit-il ce symbole "en regardant sur internet". Or, en explorant votre site, il m'est impossible de repérer une telle icône (ou une "clé"). Malgré les documents en ma possession et que je présente, rien ne convient, trois fois de suite, et le délai de rétractation se trouve atteint. Pourriez-vous me préciser ce que je pourrais faire.

    Avec mes salutations les meilleures.

    Anne-Marie NOGARET-COLLIGNON Téléphone 0556979957.

    62 12 07

    Le monde est comme ça depuis la nuit des temps et sera comme ça jusqu'à la nuit des temps. Parce que la seule vérité, la seule de chez Tout Seul, c'est qu'un jour ou l'autre on va tous CREVER. Alors on fait tout ce qu'on peut pour ne pas y penser, car un monde habité par la VERITE serait un asile de fous où tout le monde hurlerait d'horreur. On prend donc un peu de hauteur, au lieu de débiter des vérités à deux balles. Tenez, moi, par exemple, je ne me gêne pas pour vous faire de la métaphysique à deux balles.

    xxx 62 12 11 xxx

     

    61 08 30 (?)

    C'était encore le temps où nous descendions la rue Paul-Louis Lande pour déboucher sur la faculté des Lettres, qui fut transférée trois ans plus tard, progressivement, au centre des terrains vagues talençais. Les bus en direction du campus grouillèrent. Puis nos étudiants se motorisèrent : tâchez-voir de trouver une place libre dans les parkings, à l'Universite Michel-Montaigne : les roues trébuchent sur les racines au pied des grands arbres plantés là pour faire joli, et qui ne tarderont pas à encombrer, pour peu que les édiles s'en mêlent, ou s'emmerdent.

     

    62 01 17

    Exactement ce que j'avais demandé à mon directeur de maîtrise, qui fut nommé à Lille. Puis je me suis rendu compte que potasser une maîtrise se faisait au petit bonheur la chance, et que le prof se contrefoutait totalement de vous suivre dans vos travaux : l'étudiant français travaille sans filet avant de se planter devant un jury d'inspecteurs de travaux finis.

    Alors j'ai calé. Mais non sans une nostalgie tenace pour tout ce que cette préparation de bientôt 40 ans m'aura permis de côtoyer

     

    62 01 29

    Je préfère alors renoncer à la liberté, car la tyrannie me manquerait trop (pour l'exercer). Maintenant, qu'on l'exerce sur moi, pas de problème, j'ai d'ailleurs toujours plus ou moins eu l'impression d'en subir. Les frontières dues à la liberté d'autrui sont trop subtiles, mouvantes d'un individu à l'autre et même d'une heure à l'autre. Respecter la liberté d'autrui, c'est se soumettre je ne dis pas à la tyrannie mais au moins à l'arbitraire, aux caprices, aux humeurs d'autrui, c'est chiant comme la mort, c'est se fatiguer toujours à jouer au funambule, parce que personne ne respecte exactement l'autre comme l'autre voudrait être respecté, on appelle ça "les rapports humains", ça fait chier, et j'ai autre chose à foutre, alors j'évite les autres le plus possible. Tout le monde n'a pas l' "instinct" des frontières, on m'a toujours engueulé pour mes gaffes, alors je me replie, je parle à 4 ou 5 gens et à mes fournisseurs, et ceux qui ont le sens des relations humaines eh bien tant mieux pour eux, quant à moi j'ai assez gigoté sur mon fil en faisant le guignol et en me cassant sans arrêt la gueule, alors maintenant stop, rideau, walou, point barre.

     

    62 02 09

    Mme Thérèse n'a sans doute jamais vu de film porno : ce sont toujours les femmes qui font les avances, et jamais je n'ai vu de violences. C'est un vrai paradis : des femmes qui veulent, et qui ne prennent pas les hommes pour des salopards violeurs et vicelards. Donc des films très éloignés de la réalité. Mme Hargot, dépassez donc le générique, et cessez de prendre les hommes pour des porcs et des bourreaux. De toute façon maintenant j'évite les femmes le plus possible, et je ne m'en porte pas plus mal. Vous avez gagné, Vous êtes (re)devenues carrément dissuasives,moralistes, puritaines et repoussantes. Vous nous méprisez. Au moins comme ça vous êtes libres. Eh bien, pour votre gouverne, nous aussi.

     

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    Il s'agit en fait d'une copie de votre blog que vous pourrez regarder sur votre ordinateur, même en étant déconnecté d'Internet.

    ...C'est on ne peut plus clair. Vous n'avez rien en caractères hébreux ?

    ...

    avez-vous observé combien l'agglomération bordelaise s'étend désormais très exactement autour de son cimetière ?) - 63 02 26

    63 03 24

    La "table du temps et des fêtes mobiles" sur mon missel ne va pas au-delà de 1960, considéré sans doute en ce temps-là comme le comble de l'avenir, au-delà duquel il eût été dangereux, indécent, de porter l'esprit.

     

    Je m'en fous de la Grande Librairie. Djian n'est capable que de sortir des conneries niveau Sud OUest Dimanche ("rendre aux autres ce que j'en ai reçu", on dirait le curé de ma paroisse). Les autres ne sont que des parvenus convenus devenus cons. Des écrivains qui fabriquent du pâté de campagne pour Carrefour. Et que je te vante ma petite cuistance, et que je te fais le modeste, et que je ramène ma petite tronche de gonzesse à claques... La semaine précédente, c'étaient Onfray et Lucchini, alors "Plus dure sera la chute" comme ils disent. Mais vraiment, quand je vois ces énergumènes de la platitude, je ne me sens pas, mais alors pas du tout écrivain. Pourtant je le suis, dans mon fond de tiroir. Seulement, ceux-là ne sont pas de ma bande. Ma bande à moi tout seul. Et zobi cake.

     

    Travailler quinze heures par jour, je ne vois pas en quoi ça forme l'esprit. On a juste le temps d'aller chier et de courir se coucher. Les médecins, les hommes d'affaire, et autres, font des métiers passionnants, je ne dis pas. Mais 9 métiers sur 10 sont ultrachiants, tu passes ta vie à gagner des clopinettes pendant que le patron et les sous-chefs n'arrêtent pas de t'engueuler parce que tu ne vas pas assez vite. Alors un avenir de zombie comme ça, la jeunesse n'en veut pas. "Le travail" n'est pas une valeur en soi. Merde alors.

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    Ka mate, ka mate! ka ora! ka ora!

     

    Ka mate! ka mate! ka ora! ka ora!

     

    Tēnei te tangata pūhuruhuru

     

    Nāna nei i tiki mai whakawhiti te rā

     

    Ā, upane! ka upane!

     

    Ā, upane, ka upane, whiti te ra!

     

    Vais-je mourir, vais-je mourir ! Vais-je vivre vais-je vivre !

     

    Vais-je mourir, vais-je mourir ! Vais-je vivre vais-je vivre !

     

    C’est l’homme aux cheveux long

     

    Qui est allé chercher le soleil et l’a fait briller à nouveau

     

    Je marche vers le haut, je marche à nouveau !

     

    Un pas vers le haut, un autre… le soleil brille !

     

    J'aime pas les anniversaires j'aime pas les gens j'aime pas mes amis j'aime pas ma femme je m'aime pas j'aime pas le suicide. Alors je couche avec ma femme je reçois mes amis je fréquente des gens je souhaite des anniversaires, et quand je me regarde dans la glace je me tutoie. Quand même. Et toujours pas de suicide, tiens, là, ça ne marche pas. Et à force de se faire enculer, on y prend goût, on se met à aimer la vie (car la vie n'est qu'un grand boyau anal), et l'un dans l'autre on se démerde, oui, bon, c'est c'lààà ouiiii, et si je me tais ça ne dérange personne, ILS continuent à discuter sans moi, et même, de choses intéressantes, qui ne sont pas moi, ce monde me surprendra toujours.

    14 05 16

     

    non, la culture n'est pas en recul. Ce sont les projecteurs qui se braquent toujours et de plus en plus sur les plus cons. Nous avons toujours été une minorité, une ELITE, parfaitement, je répète une ELITE. Dont 99% des "gens" se foutaient et se sont toujours foutus. Mais qui ont fait l'histoire du monde.

    21 05 16

    - je me demande si cette famille Norel ne serait pas descendue d'anciens juifs, d'où leur piété ostentatoire ; je me souviens que tout le monde avait récité la prière avant de se coucher, à genoux sur les tommettes roses de la cuisine ; après quoi j'étais allé coucher avec mon camarade, et nous avions échangé fait sous les draps des concours de pets. Ensuite, j'avais dû me relever en pleine nuit pour vider sur le fumier le contenu d'un pot de chambre plein à ras bord, croupissant depuis des jours sous la grande armoire ; impossible de se rendormir vu la puanteur intacte -

     

    Les maîtres à penser de Nuit debout sont des bolcheviks d'occasion, des Che Guevara bas de gamme dont la vraie passion n'est pas la liberté mais la servitude. S'ils arrivaient au pouvoir, ils commenceraient par enfermer tous les opposants dans des camps, ce que le communisme a su faire de mieux. La radicalité est toujours une preuve d'impuissance. Ils sont archi-minoritaires et ne représentent rien.''

    - Pascal Bruckner - A NOTER 21 MAI 16 FAIT

    Je ne suis peut-être pas génial, même que je viens d'annuler d'un coup de pouce huit lignes extraordinaires surtout question modestie. Mais enfin j'aimerais bien que la fermeture sans cesse repoussée de ces blogs privés stoppe ses effets délétères : une connexion, zéro, une, zéro, c'est un peu trop binaire tout de même, au point de ressembler à l'électro-cardio d'un agonisant, ou à l'électro-encéphalo de Ribéri. Nous étions nombreux à demander la glaire, euh la gloire, alors ne nous déceptionnativisez pas. Vous êtes déjà nombreux devant la Phynale, à humer les relents d'aisselles moites, de crampons terreux et de couilles écrasées. Bientôt vont retentir les harmonieux "Paris, Paris, on t'entube !" ( oui, bon, il y a des enfants sur la toile), je regarderai une mi-temps, sur mon ordi de bureau, comme ça ma femme ne viendra pas me ferche. Allez, bande de mégalo, joyeuse joie de vivre, et revenez me donner la joie de donner. Je m'en fous de mon nom, il ne me plaît pas, j'aurais préféré Tartempion ou Crachouillard. Monsieur et Madame Tête-en-Feu ont une fille, comment l'appellent-ils ? Macha. Je vous laisse réfléchir là-dessus.

     

    Hardt Vandekéén von Kohn, Graf von Hüttelsdorf und Barstatt-Mandegen. Sieg, ZOB! Sieg, ZOB !

    • Croyez-moi, quelque amour qui semble vous charmer,
    • On n'aime point, Seigneur, si l'on ne veut aimer. Burrhus, I, 1 de Britannicus A NOTER 63 05 22 F ITR

    Bataille, comme Foucault; comme Baudrillart, comme Barthes, m'ont toujours profondément indifféré. Ce sont des philosophes qui parlent qui parlent qui parlent. DE quoi, on s'en fout, ils s'en foutent, ils ronronnent comme un chauffage central, ils pourraient parler de la cachexie des bêtes à corne ou du céleri rémoulade, je m'en fous, ils s'en foutent, ils font du bruit, pas la moindre passion, pas la moindre personnalité, ils font cours, parfaitement interchangeables, ils répandent la poussière, on ne sait pas ce qu'ils pensent au juste, eux non plus, quand ils ont fini on referme son classeur, on secour sa poussière et on va au bordel.

     

     

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    63 6 27

     

    Tiens, je m'en fous totalement de cette fermeture inique (sa mère) sur la plate-forme Sud Ouest. Rien ne sert à rien puisque de toute façon vous devez mourir, on connaît, j'en ai fait mon pain sec de tous les jours. Mais j'aime aussi la devise de Sarah Bernhardt : "Quand même !" que mon grand-père meusien prononçait "quante même). Que feriez-vous si vous étiez en train de jouer à la balle et qu'on vous annonçât la fin du monde dans vingt minutes ? Question posée à St Louis de Gonzague : "Je, dit-il, continuerais à jouer à la balle". Ce "Je, dit-il", n'est-il pas admirable ? Ledit saint mourut à 22 ans dans l'extase pour ne pas dire dans l'éjaculation. A chacun sa connerie la mienne c'est de continuer coûte que coûte, même si j'ai manifesté une grande passivité, car la passivité "pour avoir la paix", la "lâcheté" si souvent dégainée par des  crétins qui  ne vous arrivent pas à la semelle (à se demander de quoi Allah se mêle), eh bien ça se paye, comptant, très gros, très douloureux, au moins autant que toutes ces merdes à couilles qui vous balancent sans se gêner leur propre exemple à la gueule, en toute modestie. J'ai appris une chose, moi qui me suis toujours comporté comme tout le monde, c'est-à-dire comme un génie méconnu dont on s'arracherait plus tard les documents biographiques, c'est qu'il suffit ("y a qu'à, faut qu'on, vrai con) de laisser parler sa personnalité ou faute de mieux sa personne, et alors, alors mon pote, tu peux écrire tout ce que tu veux, ce sera bon de toute façon, parce que ce sera toi. Turanzin. Car il ne suffit pas d'être refusé par tous les éditeurs pour être excellent. Et je m'arrête, parce que je vais dire des conneries. CETTE PHOTO EST DE VINCENT PEREZ. LE DANSEUR QUI SAUTE, LE PHOTOGRAPHE N'A PAS COMMUNIQUE SON NOM. IL EST RUSSE ET VIT TRES LOIN D'ICI, PERSONNE N'EN A RIEN A FOUTRE.

    XXX 63 07 01 XXX

    63 07 02 l'incapacité de l'auteur, y compris dans sa vie personnelle et sociale, de consentir au moindre effort pour instituer des relations dites « efficaces ». « J'y suis bien arrivé », « Comment on a fait nous autres » - eh bien, ramassis d'ignares, lorsqu'on a bien une fois pour toutes constaté que tous ses efforts ou prétendus tels ce qui revient au même aboutissent rigoureusement au même résultat, à savoir infinitésimal, on laisse tomber, je laisse tomber. Immaturité ? Parfaitement. Paranoïa puérile ? Oui. 63 07 08 noter : shakespeare fait

    We are such stuff
    As dreams are made on; and our little life
    Is rounded with a sleep.

    The Tempest Act 4, scene 1, 148–158



    63 07 13

    Et qu'on m'ôte donc ce disgracieux scrotum, ce fétu ridicule - coupez ! » - au nom, disait-il, des promesses non tenues - les femmes, que je sache, n'ont jamais rien promis. XXX 63 08 01 XXX

    Dans un bar de Bagnères-de-Bigorre j'observais un jour un ancien para qui paradait au bar ; il tenait en laisse eût-on dit un petit homme de son âge, qui buvait ses paroles, suivait ses regards avec la dévotion dévorante d'un véritable chien, prêt à bondir à la gorge de quiconque sur le moindre signe de son maître.

    Il y avait là quelque chose de bouleversant, d'insondable, et de profondément pitoyable. Je pensais aussi à ce Philippin asexué, chevalier rampant, Anaclecto (Reflets dans un œil d'or) : soumis, servile, adulé comme un chiot familier ; de tout le film je demeurai fixé sur ce second rôle où je m'identifiais sans distance ni restriction, au détriment de l'intrigue essentielle, que j'estime encore inimaginablement invraisemblable. Bonheur hypnotisant de la cette intense soumission. De cette garde extatique en piteuse déroute devant la folie meurtrière - je n'approchais pas d'une telle extase. J'étais grand, lourd, blanc. Le jour où mon ami Landry, calquant toutes mes expressions à m'en exaspérer, m'avait mystérieusement traîné derrière les chiottes pour m'exhiber son petit bout de chair grêle et visqueux, je m'étais esquivé sans un mot dans la gêne la plus extrême ; pourtant nous avions tous les deux treize ans.

    Jamais nous n'avons par la suite évoqué cette erreur. Mais se rouler dans l'herbe comme un chien ventre à l'air devant les cousins Gine que je trouvais beaux (morts alcoolos côte à côte au cimetière à St-Lys), je l'avais fait. Déculotter Jean-Guy Rabot dans le fossé pour le sucer, je l'avais fait. Les garçons de mes classes auraient décelé sans faillir ce désir non de sexe mais de soumission. Seule une extrême connaissance de soi doit toujours corriger la vocation, et sans relâche y présider.

     

    63 09 06

    Quand je vois tous ces ingénieurs hautement diplômés qui se précipitent généreusement sur l'Europe pour résoudre le problème du chômage, j'en ai les larmes aux yeux.

    XXX 63 09 10 XXX

     

    63 10 10

    Bientôt nous allons élire les présidents en fonction de leurs coutumes sexuelles. On n'a qu'à faire comme l'empereur Héliogabale : il mettait devant lui à poil tous les candidats à de hautes fonctions, et il choisissait celui qui avait la plus grosse. Comme ça tout sera résolu. Et pour les femmes, on prend le tour de nichons. Et allez hop !

     

    Je suis désolé, l'Education Nationale ne fait pas EXPRES d'orienter les élèves en fonction de leurs résultats. Les matières dites "bourgeoises" sont des matières fondamentales, et quelqu'un de nul qui ne veut pas travailler n'aura qu'une "mauvaise" orientation. Ou alors, on étudie aussi d'autres matières, mais sans culture générale. DONC, une orientation pour ceux qui ne savent rien de culturel. J'ai fait 39 ans de "conseils de classe", et JAMAIS nous n'avons orienté QUI QUE CE SOIT en fonction de son origine sociale. Mais à 4 en maths et 2 en français, forcément, on ne devient pas PDG. C'est quoi, ce mépris des "petites professions" ? Un maçon, c'est plus con qu'un ingénieur ? Un jardinier, plus crétin qu'un notaire ? L'Education Nationale fait son boulot, il faudrait que les journalistes arrêtent depuis 40 ans de tirer dessus à boulets rouges avec des griefs parfaitement ineptes. Après, les parents embrayent et répètent à leur enfant que ce qu'ils apprennent c'est de la merde "bourgeoise" qui "ne sert à rien". Ensuite, ces élèves-là sèment le bordel en classe et prétendent qu'ils ont de mauvais profs. Y en a marre de l'hypocrisie. C'est la vie qui fait le tri, si ce n'est pas les profs d'abord, c'est le patronat, et un coup de pied au cul, un !!

    55 02 01

     

    Mais moi, l'auteur, l'indécent, dont l'intervention ici même est le comble de l'indécence, je suis passé directement de ma campagne axonienne (de l'Aisne) à Tanger, urbaine, exotique, sans rien de commun avec Paris. Enfance à la campagne, adolescence marocaine. Ni paysan, ni Pied-Noir, auparavant changeant de village, extérieur à tout, vivant reclus chez ma grand-mère, et les fils du fermier – puis, d'un coup, filles espagnoles et juives de Tanger, sexe et nombril, seul.

     

    le brequin vit avec la brequine dans une petite grange a flanc de montagne----il y neige depuis hier et on ne le reverra caracoler au bord des torrents que lorsque reviendra le printemps avec le retour des oies sauvages----le brequin en profitte pour brequiner joli et refaire son poil d'hiver et la brequine pour tricotter coudre tresser la paille en faire des paniers et des chapeaux pour quand viendra l'été----ils dorment plus longtemps car avec  le changement d'heure et la neige qui a cassé les poteaux électriques il n'y a plus de courant dans l'étable------en plus il a perdu sa carte bleue et n'a donc plus un sou pour faire venir les dépanneurs ou s'acheter un groupe électrogene--------encore???????????????? (Françoise D.)

     

    Descriptions "en l'air", sans illustrations. Comme un match de football à la radio, et ça marche encore très bien. Vous imaginez. C'est précis, c'est vivant, et je donne mon avis de façon outrecuidante. Et ce n'est pas long. Allez-y.

     

    64 01 31

    Elle s'en va : « Ciao, bonne émission » avec un accent néo-aztèque à couper au couteau. Voir un homme s'escrimer sur un cahier n'incite pas à la conversation. Je veux une efficacité immédiate. « S'intéresser à elle » ? Navré. Je ne sais plus si je souffre ou si j'en prends mon parti. Les « moi » seraient donc successifs ? Voyons voir comment les moi sont. Ma cohérence est donc : « Moi, vivre ? Ça va pas non ? Avec tous ces risques ?

    Plutôt rester morpion, plutôt toute sa vie, râler contre le monde entier. » - est-on naturellement introverti ? ¿ Mexicana, me quieres ? De l'intérieur de ma voiture, et vitres relevées, je demande cela aux femmes que je croise sur les trottoirs. Et je me réponds en chantonnant sans fin, sur l'air de Papa maman la bonne et moi : « T'es vieux t'es moche t'es con tu pues / Tu crèves t'es vieux t'es moche t'es con... », etc... Donc: j'ai eu peur. Mais : l'ai décontracté surtout, l'air de s'en foutre, consentir à perdre mon temps, à ne pas « faire mes devoirs » pour Papa l'Instite, il me reste à tourner en troisième personne pour composer le personnage. XXX 64 02 5 XXX

     

    64 02 13

    Mon épicier arabe m'appelle « chef ». Moi, jamais je n'oserais appeler qui qui ce soit « chef » (malgré mon gendre qui m'a dit que tous « ces gens-là » nommaient « chef » les personnes qui leur semblaient sympa). Il m'a toujours semblé à moi que c'est l'expression du plus grand mépris, et il m'est arrivé si souvent de prendre publiquement des tronches de chien battu que je me demande pourquoi les autres en ont ainsi profité, au lieu de m'avertir fermement de reprendre, sur les traits de mon visage, mes esprits, ma dignité.

     

    64 03 03

    N'importe quel candidat peut être accusé de n'importe quoi. Moi-même, si n'importe qui fait une enquête sur n'importe quoi, je puis être jugé justiciable de quoi que ce soit. Le monde est UNE NOUVELLE DE KAFKA. Je ne crois pas à la justice, quelle qu'elle soit, de quelque époque ou de quelque pays que ce soit. Exemple : j'ai le nez au milieu de la figure ; or, un nez ressemble plus ou moins à un pénis. Des enfants peuvent le voir en pleine rue. DONC n'importe qui peut m'accuser de pédophilie, et il se trouvera toujours quelqu'un pour le faire, surtout si je suis candidat à la présidence de la République. Fermez le ban.

     

    64 03 23

    La Grande librairie, toujours aussi fausse et banale. L'enfance comme pureté... Je me suis toujours senti sale, double, insincère, d'aussi loin que je puisse remonter dans l'enfance. Toujours l'impression de ne rien faire ou dire de ce qu'il fallait, et pire, toujours l'impression que je ne pensais pas, que je ne sentais pas ce qu'il fallait. Croyez-moi, c'est atroce. Et ça ne m'a jamais quitté. Et en plus, certains connards viennent me dire que je l'ai fait exprès, et que je ne vais tout de même pas me mettre à me plaindre. FUCK YOU ALL.

    ILV, 64 05 04

    Madame, Monsieur,

    Un nouveau ticket vient d'être créé.

    Vous pouvez le consulter à l'adresse http://www.inlibroveritas.net/ticket-public.html?open=kpWXZA%3D%3D.

    Si vous avez des questions, consultez notre FAQ http://www.inlibroveritas.net/faq.html

    12 05 17

     

    Bon, encore une interdiction. Pas les Noirs, pas les Belges, pas les pédés, pas les bonnes femmes, pas le gouvernement, pas le pape, pas les vieux, pas les esquimaux, pas les enfants, pas papa, plus rien, on ne rigole plus, du tout du tout du tout. C'est vilain de rire. C'est pas beau. Ca fait de la peine. Bouhouhouhou. On va tous chialer, et après, eh ben on se foutra sur la gueule au nom de la morale et de la pitié compassionnelle.
    . Pas les chiens, pas le sexe, pas les oiseaux, pas la merde, pas Dieu, plus rien on vous dit, plus rien plus rien plus rien. Merde ! Putain ! Chiottes ! Cul de curé, pine d'ours et bonne d'enfants !

     

    64 6 3

    aller sur moteur de recherche DERNIERE HARKA ... pour sauter comme eux faut du poil au .. et bien entendu du poil aux f... oyez gentilshommes qui sont ces manants etc ...
    ou alors ELOGES DU PARA www. apophtegme .com
    ou héritage/symbo4 camp d'idron c'est le lieutenant R.MAIRE qui avait adapté ce chant de la légion .. sur la route près d'un vieux chène , pour sauter comme eux etc ... hémanridron.com paroles paillardes ..
    Amitiés MCM

    Écrit par : MARECHAL | 30/05/2017

    3 juin 2017 ilv, présentation du « Péché de chair ».

    Ce qu'il advient lorsque des machos sans énergie veulent faire de leurs maîtresses des créatures sans volonté propre.

     

     

    30 09 2017

    Je constate depuis plusieurs années que le moindre universitaire auteur d’une thèse poussive se voit désormais ouvrir largement les portes de l’édition dite savante, alors même que plus aucun écrivain contemporain ou presque ne serait capable, et ne parlons pas de dignité, d’évoquer l’œuvre d’un de ceux dont il a hérité. Qui voudrait d’une préface de Yannick Haenel sur Melville, ou d’un texte de Mathias Enard sur Balzac ? Pas moi ! ASENSIO, noter

     

    64 10 04

     

     

    Quand j'étais gosse je voulais me libérer de mes parents, et mes rêves étaient de déclencher une guerre mondiale. Puis en grandissant je le suis aperçu que tout le monde était contre moi et me mettait des bâtons dans les roues parce que j'étais un peu bizarre et même complètement dingue. A présent j'ai compris que je me prenais pour un aigle et que je n'étais qu'une poule ou le roi des cons. Alors qu'on arrête de nous bassiner avec des histoires à la graisse de kangourou. Parce que les aigles, de là-haut, eh bien ils vous chient dessus.

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    Mon agence immobilière exigeait une indemnité après désistement, et je prétendais au téléphone qu'on m'avait volé mes papiers d'identité ; ils veulent me voir en personne, je réponds que je pars au Nicaragua (incohérent d'ailleurs : comment aurais-je pu, sans papiers ?) ; puis c'était mon propriétaire à Rostren, ce gros plein de barbe, qui entendait se faire payer pour un mois de plus (j'étais parti sans préavis), demandant à mon principal de me retenir mon loyer sur ma paye !

     

    Hélas, pour un Camus il y a cent crétins fils du "poheuple" qui foutent le bordel dans la classe en empêchant les autres de bosser, voire en l'empêchant de le faire parce que c'est un lèche-cul du prof. Les "enfants de pauvres" sont persuadés que"ça ne sert à hhien " de faire des études et qu'il vaut mieux se mettre à trouver un boulot au lieu d'aller flemmarder à la fac. Quand on n'a pas les bases on n'a pas les bases point barre. C'est une fatalité, parce qu'on n'a pas les documents sous la main d'une part, parce qu'on hérite d'une culture qui nie absolument la nécessité du savoir, et qui emboîte le pas derrière tous les contempteurs de l'enseignement qui aboient et chient sur tous les profs qui sont tous des crétins par principe. Je suis pour le retour au préceptorat, et pour ceux qui ne le peuvent pas, il y a le téléenseignement qui marche très bien aux USA et en Australie. Sans qu'on ait besoin de passer la moitié du cours à empêcher les fils du peuple de se bagarrer entre eux en faisant le plus de bordel possible. Quelqu'un qui veut s'élever dans la condition sociale doit d'abord s'isoler et bosser. Mais aller dire et répéter que la salope d'Education Nationale et les pauvres cons de profs FONT EXPRES de perpétuer l'ordre établi sont des criminels de la pensée.En sport, il y a les premiers et les derniers,quelle que soit la façon de s'entraîner. Pour le sport, on trouve ça très bien. Pour l'éducation, c'est l'abomination de la désolation. L'éducation procède par "élimination", et alors ? comment voulez-vous faire autrement ? Il faut mettre 18 à tout le monde au nom de la démocratie ? Il faut délivrer des diplômes de math sup à des prétentieux qui ne savent même pas faire une division ? Et je ne parle pas de la littérature, qui ne sert mais alors là absolument à rien de rien ! Il y a 95% des gens qui refusent la culture sou prétexte que c'est la "culture bourgeoise" - mille excuse, je préfère Mozart à Mireille Mathieu et Voltaire à Cyril Hanouna.

     

    3 1 2018

    C'est vague comme la mer ce que tu réponds. J'estime que tout le monde sans exception prend exactement les mêmes risques que le voisin, et que si on ne risque pas sur un plan, on risque sur un autre. Simplement, les uns exhibent leurs risques et les autres risquent sans le montrer. Un fonctionnaire pépère risque autant, en ennui, en monotonie, en vie conjugale, en soucis financiers, avec ses fils qui se droguent, que Untel qui grimpe sur l'Himalaya. A la fin on meurt tous, et c'est le risque supérieur, et sans filet pour personne. Exemple, je n'ai rien risqué pour "la sécurité de l'emploi", mais j 'ai risqué ma santé mentale en faisant un métier universellement méprisé, à me faire engueuler par des gamins qui n'hésitaient pas à répandre partout le bruit que je ne savais pas faire mon métier, avec le soutien de tous les journalistes. Je n'admets pas que certains estiment, unilatéralement, avoir pris "plus de risques" que moi. Changer de partenaire conjugal, d'accord, c'est un risque, mais conserver toujours le même contre vents et marées, eh bien c'est un putain de risque aussi, et j'en ai pris autant plein la gueule que d'autres.

     

    5 janvier 2018

     

    Il n'y a pas la moindre trace d'antisémitisme dans Voyage au bout de la nuit, qui est d'une fraternisation universelle. Ce n'est pas Céline, l'auteur, c'est le génie, par la bouche dégueulasse de Céline. Maudissons le trou du cul de Céline qui a chié cette oeuvre, mais bénissons la merde fécondante qui en est sortie. Quand j'écris, ce n'est pas moi qui écrit. Il serait temps de faire la différence entre ce qui est écrit par la bouche de Dieu et le salopard dans lequel, que vous le vouliez ou non, Dieu a choisi de s'incarner. Cela dit, je n'ai JAMAIS défendu l'antisémitisme. Les chefs-d'Oeuvre, SI.

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    Didier Blum Vous cautionnez avec une analyse tordue très celinienne. C'est votre choix, je ne le respecte pas.

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    Bernard Collignon Hugo était un salaud, il a provoqué la folie de son frère en lui chipant sa fiancée. Claudel était une pourriture, qui a laissé sa soeur croupir à l'asile. Voltaire était une pouffiasse, qui a maudit les juifs dans son Dictionnaire philosophique. Shakespeare était un antisémite forcené. Je serais très obligé à vos Seigneuries de bien vouloir daigner m'indiquer les ouvrages qu'il me serait bien permis de lire, avec ma plus profonde révérence.N'oublions pas non plus que Villon a poignardé un prêtre, et que Vigny en a dénoncé un autre pour le bagne, afin de profiter de sa propriété. Et vidons, vidangeons toutes les bibliothèques infectées par cette bande de dégueulasses immondiciels.

     

     

    Sans propagande, un pouvoir ne peut rien faire, vu le nombre d'opposants qui vont toujours lui aboyer aux basques, quoi qu'il fasse. Pour qu'un gouvernement soit efficace, il faut museler l'opposition, qui sinon devient hystérique (voir tout ce que l'on a déversé sur Sarkozy, Hollande, Trump,Poutine). Et quand tout le monde est dans la rue, on change le gouvernement, qui de l'opposition passe, cette fois, aux manettes, et à son tour musèle l'opposition. La démocratie est paralysante. Tout le monde braille, et rien ne se fait. C'est tantôt les uns, tantôt les autres qui ont le pouvoir et le pognon, les hommes sont comme ça, et de temps en temps le peuple ramasse tout de même quelques miettes, lesquelles seront remises en cause bien entendu par une opposition, etc... C'est la nature humaine, et qu'on ne vienne pas nous bassiner avec la perfection de la vertu : elle n'a donné que des catastrophes.Gérer

    65 04 28

    L'édition, c'est réservé aux colosses de la communication humaine. Et rien 'exaspère autant que de voir ces athlètes s'efforcer de démontrer qu'ils sont aussi de petites choses fragiles et secrètes... Le pire, c'est qu'en même temps, ils le sont. Il faut être né comme ça. Voir Céline qui a joué les persécutés alors qu'il entraînait des autocars entiers de médecins spécialistes d'hôpital en hôpital à travers tous les Etats-Unis et le Canada en une frénésie de tournées de chanteurs de rocks...Et que je te baratine, et que je te pousse tout le monde au cul,  et que je te fais des conférences en anglais devant les plus hautes sommités médicales... Je t'en foutrais, moi, du petit toubib souffreteux de banlieue ! à la fin, peut-être,  mais celui qui a pu le plus peut le moins. Et Lamartine amoureux transi qui courait tous les bordels d'Italie ! ça fait du monde je te jure... Etc, etc... Bref, si on n'est pas menteur, tricheur, parano et schizo, on ne devient rien, mais rien du tout, en littérature.

     

    65 06 16

    Si tu veux de la concurrence, depuis des mois j'entends le sang circuler dans ma tête, un bruit sourd et aigu à la fois, plus des vertiges. Mais je ne vais pas passer ma vie chez le médecin, qui va me déclencher un traitement du tonnerre de Dieu avec de la chirurgie, de la chimio et tout le bataclan, et une fin de vie de larve entre fauteuil et hôpital, pour la plus grande gloire de l'héroïsme médical et de la Sécurité Sociale.

    65 06 17

    3

    65 07 20

     

    Une bonne dose de don pour l'intrigue, aussi. Ceux qui réussissent jouent tous un DOUBLE JEU. C'en est même répugnant. "Ah que je suis malheureux ! ...pourriez-vous me présenter à Untel ? ...et me préciser le montant de mon compte en banque svp ? Aaaah, quelle souffrance que la condition humaine ! De quel côté la caméra ?

     

    65 08 08

    Sur Facebook, on peut râler contre tout et n'importe quoi, on se sent vachement important, et quand quelqu'un ne vous plaît pas on peut l'allumer comme une bête ou le saquer. Et franchement, je ne peux plus m'en passer. Il y a eu "avant Facebook" et "après Facebook". C'est fini, la timidité, les interrogations sur la manière dont il faut parler, diriger son regard, faire attention à ses mimiques, avoir peur de tout le monde et de soi-même, fini tout ça. Merci Facebook d'avoir transfiguré ma vie. Et je peux même me foutre de ma propre gueule. Merci.

    A noter de mon Liégeois :

    On médit de la pornographie mais c'est la pornographie qui m'a sauvé de l'amour. S'il n'y avait pas eu ça, je crois que je serais devenu fou... 

     

    Pas du tout, pas du tout... J'ai erré en jouant à touche-touche,
    "tiens, si j'essayais ça... tiens, si j'essayais ça". Et à un moment
    donné, "ça" c'est débloqué, mais je serais bien emmerdé de te dire
    comment. J'ai eu de la chance dans mon errance, c'est tout. Je
    n'appelle pas ça "vouloir", en serrant les poings, en serrant les
    dents, avec la logique et les coups de poings sur la poitrine
    "gourou-gourou c'est moi que j'ai les plus grosses". Je trouve
    parfaitement ridicules les gens qui parlent de leur "vvvvolonté" alors
    que c'est le hasard et la Grâce de Dieu (tout de suite les gros
    mots...) qui font tout le boulot. Il faut bien que les faibles
    arrivent aussi à se démerder, de temps en temps.

    65 12 02

    Oui, désolé, je marche, je cours, je galope. Chez les gilets jaunes, je discerne la volonté de hurler sans y remédier, jusqu'à ce qu'on en crève en tourbillonnant sur soi-même. La rage d'imputer aux autres tous les malheurs du monde n'a d'égale que la rage de certains autres à vouloir vous démontrer que tout est forcément de votre faute à vous. Les deux positions sont aussi connes l'une que l'autre, et je les renvoie dos à dos. Non pas en face à face,mais en fesse à fesse. Face au néant, que veut dire "avoir raison" ? Le raisonnement mène aux mêmes abîmes autodestructifs que l'hystérisme. L"hystérisme étant bien fatigant, je me permets de choisir la flemme.

     

    65 12 02

    C'est emmerdant, mais que j'offre mes faiblesses à tout vent, Katy me l'a déjà sorti. Fâcheux. Réponse : ce n'est pas parce qu'un masochiste se tortille en gueulant "Vas-y fais moi mal mets-la moi bien profond je jouiiiis" que l'on doit obtempérer en s'acharnant sur le connard. Quand je vois quelqu'un qui a l'air con, ou boiteux, ou nègre, je ne vais pas lui gueuler dessus "ah le négro, ah le boiteux, ah le con". Non. Je m'abstiens, je me détourne, je le laisse tout seul avec sa merde, ou bien j'essaie de trouver un remède, un adoucissant, et non pas "ah, tu jouis des coups de poings dans la gueule ben tiens connard en v'là une dizaine"... Désolé.

    Décembre 2018 :

     

    C'est de LUI que je parle là, pas de moi. J'ai été comme ça plus ou moins il y a fort longtemps, la préhistoire. Oui le cerveau peut des choses, mais par définition il ne peut rien contre l'irrationnel. "je sais bien, mais quand même", c'est ce que je le fais, c'est ma devise.Si je me soumets au pire c'est parce que je sais qu'il sera remplacé par pire encore parce que je n'ai pas l'envergure pas la résistance et que je préfère les catastrophes connues aux catastrophes inconnues. Je n'ai pas envie de me retrouver dans un poste de police ou à l'asile de vieux parce que j'aurai voulu être libre, planquer ma femme et me retrouver à brailler sur un trottoir. Quand je fais l'intéressant je résiste parce que je sais que je me rends ridicule ou odieux je sais de quoi je parle merde j'ai 74 ans si je n'ai toujours pas compris c'est en effet que je suis con. J'attends des autres qu'ils me foutent la paix si ce n'est pas trop demander. Tu me vois aller faire des scènes de ménage dans un bureau d'éditeur, me casser la gueule dans une manifestation, voyager et arriver complètement claqué avec la tourista dans les boyaux, partir au Tibet et devenir un glaçon qui délire ? Vivre avec un mec et assassiner une pute pour compenser ? Tripoter une petite fille et me retrouver en taule ? Faire de la politique et me faire insulter ? Conquérir une connasse et me retrouver sous une avalanche de coups de téléphone insultants ? Enfin quoi merde ! Me ruer sur des islamistes et finir égorgé avec les couilles dans la bouche ? C'est confus ce que tu dis ; des généralités généreuses. Moi, c'est clair, concret, désastreux et destructeur. Alors pour le peu de temps qui me reste, NON, MERCI, NON, MERCI. Je continue exactement comme j'ai commencé, je connais le chemin, j'irai jusqu'au bout de ma ligne sciemment réfléchie et pesée archipesée avec mon cerveau et mon affectivité, advienne que pourra, n'advienne rien du tout, d'ailleurs, n'en déplaise aux esprits chagrins, merde, con, putain, chiottes.
    SI VOUS AVEZ LU JUSQU'ICI SANS RIGOLER, VOUS AVEZ GAGNE UNE BRANLETTE GRATUITE. De Schubert.

    devise.si

    http://devise.si/

     

    65 12 26 :

    J'ai lu, j'ai lu, mes poumons sont vides, je ne peux plus crier, ça m'arrivera de temps en temps, comme un chien qui fait couic-couic sous les roues des connards. Je ne peux pas être "pour le peuple". J'ai toujours détesté les travailleurs, les pue-la-sueur qui ne respectent rien de rien, qui rotent à table et qui conspuent les arabes, les juifs, les femmes et les pédés. Qu'ils se bagarrent avec les bourgeois si ça les arrange, moi je suis du côté des érudits qui à travers les siècles, les guerres et les épidémies, dissertaient sur une virgule chez Lucrèce ou les significations d'hiéroglyphes. Et quand je réagis, c'est comme à des piqûres de moustique. A bas les idéologies, vive les langues mortes, moi je travaille sur ce que je connais. Les crève-la-faim sans culture me font chier, les bourgeois qui les assassinent m'écoeurent à dégueuler, vive la Divinité, vive les Bouquins.

     

    66 01 14

     

    Re: bco

    Les ballades avec toi au ralenti sur les petites routes de l'Entre-Deux-Mers sont de véritables petits joyaux de bonheur et de respiration. Les femmes sont magnifiques à regarder, à adorer, à se masturber devant des images, mais dans la vie quotidienne ce ne sont que des soucis, des récriminations d'éternelles victimes, quand on baise on est un salaud et quand on ne baise pas on est un pédé, de toute façon on est un homme DONC on a tort, tu n'as qu'à lire les médias, alors non, excuse-moi, les femmes, c'est PAS un bonheur. Toujours à se foutre de votre gueule ou désireuses de profiter de la situation, non, merci. Sauf toi, bien entendu. Les femmes ne sont supportables que si l'on évacue totalement la notion de sexe et de sentiment. A ce moment-là, ce n'est plus la peine qu'il y ait des femmes, ou des hommes, évidemment.

     

    20 01 19

    Exact. J'attends que les choses se simplifient, que Dieu se mette entre parenthèses par exemple et que la Tout Eiffel se dresse sur sa pointe. Et si je regarde froidement, "je ne sais pas toi" comme on  jargonne, mais moi je vois la mort, et ceux qui voient autre chose c'est qu'ils se sont mis un bandeau sur les yeux pour voir l'intérieur du bandeau et pas la mort ; quand je regarde "froidement", c'est "froidement", pas avec des fioritures socio-psycho-éthiques et je ne sais quoi. La seule vérité c'est la mort point barre. Le cabotinage est mon expression naturelle, je suis un acteur qui se regarde jouer, et il  n'y a pas de honte à chercher la justesse de ton pour ne pas emmerder les autres et ne pas s'emmerder soi-même. Le manque de cabotinage s'observe chez les pierres et chez les grenouilles, et je me sens plutôt humain, tu vois. Dès que je me réveille je dois surveiller mes pensées qui commencent à galoper comme un hamster dans son tambour et sous les projecteurs. Je suis calme ne t'en fais pas, j'explique. Je me défends toute la vie contre le malheur justement, c'est-à-dire contre moi, et contre la sottise, la mienne et celle des autres.

    14 02 19

    Les ouvriers sont des connards, impossible à cultiver. Ils m'ont tiré
    les cheveux longs pour  voir si c'étaient des vrais. Ils détestent les
    arabes,les juifs et les pédés.Vous n'arriverez jamais à en faire lire
    un. Je préfère de loin les intellos, on a au moins un langage commun.
    Vive la culture, bordel, vive la culture. Mais, je suis incapable
    aussi, comme les ouvriers, d'écouter un raisonnement suivi : je trouve qu'il y
    a des "sautes" du raisonnements, des incohérences, des "logiques" qui
    n'en sont pas. Exemple typique : "Les hippopotames ont la peau verte,
    DONC le vent vient de l'est. "DONC" ? "DONC" ? ...et quand vous ne
    comprenez pas, les intello se fâchent ! vous faites exprès de ne pas
    vouloir comprendre ! non : je n'aime que les dingues et les
    illogiques.

     

    16 02 2019

     

    Oh que oui que c'est dur, toujours les regards ironiques, les petits airs entendus et supérieurs, les moues de mépris, les ricanements, les "Tu parles !" déchiffrés sur les lèvres des passantes dès que je les regarde, ça te fabrique un climat de rancune et de haine que je ne te décris pas. J'adore ce que tu me dis : "La sacralisation de leur petit con ou leur liberté sexuelle". Leur liberté consiste essentiellement à refuser tous les hommes sauf les 2% qui de toute façon s'envoie qui ils veulent, et à pouvoir se branler en soufflant comme des locomotives. Les fachos espagnols commencent à se repositionner contre le "Fffféminisme". Redresserions-nous enfin, faute de mieux, la tête ??

    18 02 19

    La raison démissionne. Pour ma petite pomme prétentieuse : il y a désormais pour moi deux catégories : la mauvaise, qui veut tuer du juif, et la bonne, qui ne veut pas tuer du juif. Oui, je me classe dans la première catégorie, parfaitement, et je vous emmerde.

    21 02 19

    Je ne crois pas que l'humain détienne la clef de l'humain... A un moment donné, c'est la force des choses, le destin, appelez ça comme vous voulez, qui décide. Quand un homme tombe, il bat des ailes dans le vide avec ses bras. Mais il se casse la gueule. Combattons quand même, pour l'honneur..

     

    12 03 19

    Pascal Taintignies Les femmes comme vide couilles pour protéger les enfants

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