Proullaud296

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Cette nuit-là

 

C O L L I G N O N

C E T T E N U I T – L À

 

" Je vis seul

" Je dors seul

" Je meurs seulement

 

"Rhacophore petite grenouille arboricole aux palmures postérieures très développées pouvant servir de parachute au cours de sauts effectués dans les arbres des forêts tropicales du Sud-Est asiatique (...) Nom usuel: "grenouille volante" (Larousse universel, t. XIII)". Chaque soir le garde m'ouvre les portes de la serre ; je trouve là, sur 30m de haut, de quoi satisfaire ma curiosité. À mes pieds les racines de palétuviers baignent dans un marécage en réduction où plongent les reflets sombres sur des profondeurs égales. Mes jumelles d'intérieur jouent sur les verticales, remontent vers les cimes où se distinguent les racophores sautant de branche en branche, atteignant même les eaux mortes à mes pieds : j'apprivoise ou du moins nourris mes petits ranidés de divers insectes tirés d'un petit coffret de santal cylindrique.

Le garde est natif de Malaisie, naturalisé – nous entendons par là "français". Distant et sec dans l'exercice de ses fonctions. Ma mère à moi provient de Battambang, près de Kok Ampil,au nord du pays khmer. On a dans ces contrées abondamment usé de cruauté, dans des grottes où se tinrent des massacres. Bien que je sois également né dans cette ville, je n'y retournerai plus. Perspective unique à cette heure nocturne, la haute verrière du Jardin des Plantes, accessible par pur privilège dans l'obscurité, après fermeture. Il en coûte bien des soins, et bien de l'argent, d'entretenir ces massifs arborés, dont les cimes se pressent aux membrures sommitales de la grande serre.

Je prends quelques clichés (800 ASA, grand angle) de ces merveilles batraciennes planantes, indiscernables à l'œil profane. Les lianes s'encordent sur les troncs moites. Il me vient l'image d'un corps aux membres soudés sous le feu des cauchemars. Cette nuit où je m'engage m'ouvrira le plus définitif des tunnels, jamais je ne replacerai mes pas dans mes empreintes ; juste avant de perdre connaissance brasenbae preah chong si Dieu veut, je

verrai sous mes paupières voleter les phosphènes étincelants de mes Créatures ; il ne me reste plus qu'à reposer en paix. Dans mon dos le Malais referme les panneaux de verre.

Je n'ai pu obtenir que la clef des grilles extérieures ; je marche au jugé dans ma nuit. Au 25 rue Buffon j'occupe au premier étage un appartement aryanisé dont l'occupant disparut à Kœnigsberg en 45. Avant d'y parvenir je dois effectuer quatorze fermetures de ma main, alternant à bout d'avant-bras les clés du pesant trousseau ; certaines actionnent jusqu'à trois serrures. Il m'en faut quatre personnelles pour ma porte, que le proprio juif a fait blinder avant sa mort. L'épreuve de la nuit constitue à proprement parler la véritable vie. Chez moi les vasistas haut placés, bridés à la façon des Génies courroucés sur les stoupas; étirés, menaçants.

Monté en chaussettes glissantessur le bureau verni, je passe à l'étroit mon bras tout entier dans le noir extérieur, tremblant qu'une main ne m'agrippe. De là je saisis et déplie sans les voir les volets de plasrique, assujettis très vite du dedans l'espagnolette.

La longévité moyenne des ranidés n'excède pas quatre ans.

Je n'aurai pas plus qu'eux accès à la vieillesse. Les trois premières lettres forment le mot "vie" – vetus/ vita : sans parenté. Poursuivant ma seconde mission de clôture, j'accède aux portes-fenêtres en balcon d'angle,où tentent de pousser 25 petites cactées en autant de petits pots, séparées de la rue par des vantaux. Quand j'ai bien tout fermé me voici à l'abri des monte-en-l'air et aures vandales. Ma mère a pu rapatrier du Kampoutchéa l'argent, les bijoux "volés au peuple". Quand elle mourut, voici dix-neuf ans, 1 mois et 9 jours) elle recommanda de ne rien investir en fermetures automatiques en dépit des publicités (bulletin météo d'Euronews).

Je suspens mon trousseau personnel à côté du compteur. Je pense aux femmes croisées dans la rue tout le jour, que j'aurais tant voulu connaître à l'instant du plaisir ; ce sont leurs mains qui s'attardent à présent sur les clôtures de leurs logis, avant que leurs yeux ne se ferment à leur tour. L'instant du coucher reste celui du plus grand courage. C'est après m'être vu au miroir, la tête entre les lampes face à moi, qu'interviennent sur mes traits les convulsions de ma virilité : demain je serai ferme. Un homme – ferme, femme, à une lettre près. Cela ne peut manquer. Dormons et reprenons des forces. Sur l'Atlas blanc Bordas, "Index des noms", j'avance de trois villes par jour, en ordre alphabétique, dans telle pays, telle contrée où jamais nulle étincelle batracienne (l'ai-je oublié) n'aurait la moindre chance de survie. Si loin de tout tropique, entre Munich et Ingolstadt, in der Hallertau – double rangée de façades blanches dans le brouillard avec frontons, larmiers, doubles vitrages.

Et par beau temps le lendemain des cultivateurs à lunettes qui partent au labour en costume de confection.

Je ne pense pas que mon sommeil affole les foules : à peine sous les draps et dans le noir, je m'adonne avec ferveur à la catholique habitude de l'Examen de conscience. Qu'ai-je fait de ce dernier jour qui me fut confié, de ma vie qui n'a plus lieu d'être. Si j'ai suffisamment souffert et bien rendu. Défilé dans mes yeux fermés des mines défaites et des habits des hommes ou de leurs rictus, éclats de voix, de rire etc. - écriture et méditation malgré le sommeil toujours en embuscade, envois de messages - moins par téléphone toutefois, où se dépense en pure perte un trésor de chaleur, plutôt par lettres, aux réponses tardives et décevantes.

Bénie soit la toile, qui sans profondeurs ni brouilles ni mort d'homme parvient à parler sans fard. Sur la toile envoyer paître tel ou tel, peu importe le tort ou la raison, les échecs viennent tous de l'autre et la sottise est réciproque. Préférence encore pour ces jours de solitude ou de compagnies légères (vendeur de journaux, cafetier qui me pose la tasse sous le nez sans un mot, manques d'égards où couve la haine, c'est la vie, je ferme les yeux. Heureux les hommes qui referment leurs tiroirs avant la nuit comme des portes ou des volets.

Je fus soupçonné du meurtre d'un vieillard locataire au fond du jardin, c'était à s'y méprendre un Gartenzwerg bien glabre et cabossé, voûté, le nez pendant et le pantalon flasque. Je l'aurais tué disait-on pour retrouver mon carré d'herbe et de plantes si rares à Paris, au fond d'un puits de murs où le soleil vient peu. J'aurais dû signaler ses grommellements, ses loyers en retard, ses incessantes allées et venues (alors je l'ai tué) – "Monsieur Truong Phan Van" ont dit les journaux "n'a rien laissé paraître" il me gâchait le paysage, de sa cambuse je ferai un pavillon d'été – le vieux a disparu. Famille introuvable (deux nièces à Lyon, qui l'ont peut-être interné au Vinatier – certains vieillards s'enfuient vers leur "âtre" comme ils disent, glacial mais où ils ont vécu trente ans.

Je me soupçonne fortement d'avoir tué ce vieux. Je ne peux rassembler ce qu'il faut d'argent pour réhabiliter son bouge, sa bauge, à mon seul profit. Peut-être qu'il n'est pas bien mort. Ce souci me taraude avant mon sommeil, puis viennent les grenouilles rhacophores, qui veille ? qui dort ? qui vit qui meurt et toutes ces choses. Puis les grenouilles s'évanouissent en pleine mangrove. Épreuve ultime : dans le lit, affronter ma mort – que philosopher, c'est apprendre à mourir à bon marché (ou à vivre ? jamais de la vie) - j'ai ouï dire qu'il existait "une forme de bouddhisme" qui laissait subsister les passions tout en s'en détachant – à vérifier – consulter Sénèque, Nazianze (Grégoire, dit le Théologien) "Sois à la fois l'athlète et le spectateur" ou mon prochain.

Mon lit de mort est le centre du monde – quoy ! N'ay-je faict suffisant exercice ? - avec mon jeu de réussites "Les Dames de la France". J'explique : si la carte que je dis à haute voix coïncide avec celle que je tire (la carte), c'est que je mourrai demain. Roy de Pique ! - l'As est sorti, je survis d'un jour et rebats trois fois. Le record est à fin avril, et quand enfin je meurs coïncidence Bouche et Main je pousse un grand cri et mon cœur bat plus fort, la roulette russe n'est pas mal mais c'est très, très dangereux. La fusion finale au sol àl'herbe ne m'effraie pas car je suis très, très loin de l'échéance (l'imminence) on dit que Charles-Quint lui-même chanta les répons du fond de son cercueil : répétition générale Monastère Cuacos de Yuste 1557.

Vitalie Cuif, épouse Rimbaud, se fait descendre ("la mère Rimbe") dans sa bière sur deux cordes au fond de la fosse "pour voir". J'ai de plus en plus peur j'expire lentement ente mes lèvres question : Suis-je le seul sommes-nous seuls à souhaiter tout au fond de soi l'exact ajustement de l'instant conscient et de l'éternel, seconde après seconde - autre chose, tout de même ! que la quête du bonheur pursuit of happiness – je refuse : yoga, zen, bouddhisme, sénéchaussée (doctrine de Sénèque) – non : c'est à moi seul, à moi seul de créer, seul membre du club, seul dépositaire de la fausse vérité. L'entrée précise dans le sommeil mesure à elle seule à quoi sert ou ne sert pas de vivre qui perd l'heure perd le jour qui perd le jour perd le mois, l'année, la vie – "Las voyez comme en peu d'espace" on passe de l'enfance à la plus blette maturité.

La mise au lit en bière est le seul instant qu'il faut retarder, puis de justifier, puis d'accomplir. Mon lit depuis que je dors seul présente l'ancien baldaquin aux piliers tordus comme un Bernin, le ciel hélas privé de couronnement ou de tissu plissé (le fameux "ciel-de-lie" en pout-de-soie épaisse et mate, avec embrasses retroussées sur les courtines ; autour de la couche court un large rebord de chêne communément nommé "châlit". Le chat prend position là pour la nuit, à tendre le bras seulement je le touche. Parfois la nuit je l'entends lourdement descendre sur le parquet ou légèrement se repercher. Il me veille. Bashtet est "la déesse chat, "aspect serein de la lionne guerrière".

Il veille le seul humain lumières closes. Alors je pense à tout. Parfois se lève en moi la Vague de Persécution, et lorsquej'ai réglé, mais pas avant, leur compte aux opposants, je dis le mot "décontraction" – figurez-vous chaque partie de votre corps abandonnée comme un chiffon au point que toute chair se détache comme dans un chaudron d'eau, sentez le frisson chaud des muscles et du bouillonnement. Passer en revue les tissus musculaires même si leur dénomination reste incertaine, tout un pan de corps qui soudain se relâche ou bien ce dessus de la jambe nommé droit fémoral ou le flanc gauche ou droit; autour du genou j'imagine un rayonnement d'aiguillettes ou losanges sans existence anatomique - je n'ai plus lu Décontraction pour tous après p.35 ch.II car on voulait m'apprendre à ralentir ou à presser mes battements de cœur je n'ai qu'un cœur [sys- et diastole] - plutôt crever.

Répéter je dors d'un profond sommeil jusqu'à la clôture des yeux intérieurs et si cela ne vient pas vous vous serez toujours apaisé me dit le médecin - rien ne me fait plus peur que de vivre ou penser lihrement ; l'animal seul incarne et mérite la liberté – le chat le chien l'oiseau – ma folie n'est pas pour demain. Au cœur de la nuit je me lève et j'urine, échec. La nuit remonte à la plus haute adolescence. Jusqu'à treize ans le sommeil d'un enfant. Réactivation de la scène où la Mère me sermonne : à 4 ans passés resté sale, Maman commande à présent je cesse de pisser au lit, parce que ça fait de la peine à papa (je le vois de côté, feignant la plus profonde afflication) (« Tu feras celui qui a un gros chagrin ») (il ne me semble pas plus chagriné que ça). Du jour au lendemain mon abstinence est totale. Ce que père et mère ignorent, c’est qu’il n’est rien de tel que ce mensonge, largement divulgué dans les années 50, pour inhiber sans remède, pour bloquer tout désir d’action quelle qu’elle soit chez l’enfant et l’adulte. Il m’est encore et pour toujours impossible d’agir. Je prenais le jour pour la nuit (errance d’horloge interne) – la vie se prend, s’obtient pendant la nuit. Le jour n’apporte que des devoirs.

Des corvées. Pas de vie. De nuit l’esprit touche et goûte au déroulement éternel. De jour on court de remords en remords. Obtention Zéro.

Réveil de nuit. Pipi faible, envie faible, peur d’avoir envie. Juse avant je rêvais que je pissais. Surplombant le pot, le seau, la cuvette douteuse, je dis un prénom, un patronyme, deux dates – naissance et mort. Je ne tue pas le père je veux l’indépendance. J’ai lu ça dans un livre. 1885-1947 : 62 ans. Le jour, le mois : 28 mai pour la naissance, 3 décembre pour la mort. Si la date de mort dépasse le jour où je suis : mort retardée, mais mort quand même. C’est un homme, très rarement une femme. Autrefois je donnais à l’homme le prénom qui est le mien. Je ne me suis jamais débarrassé du monde à éliminer : « Je ne suis pas x. Je ne suis pas x. Mon prénom seul et son nom à lui. Mort le 3 décembre 1947.

NOM EST NON. MÈRE EST MER. PÈRE EST PERD.

 

Puis je retourne me coucher. À tâtons. J’enjambe le chat, étendu comme un sphinx sur le châlit. Je rabats mon drap. Passé 5 heures inutile impossible de dormir. Transposition d’ordre littéraire inconcevable. Les ours en hivernage eux aussi se relèvent. Comme eux je ne souille pas ma couche. Bern-hart : Fort comme un Ours. Forcé à chier. Veiller, agir : non pas chier mais se retenir de chier. Jouir dans l’efficacité, oser, c’est risquer de chier. Parler c’est chier ( risquons la métaphore) jouer sur scène, lire-écrire. Déféquer pour capter l’attention de la mère. Professer pour capter l’assistance, le blâme, l’attention. Les mères d’élèves. Les jeux de mots.

Reste à établir que toute communication souille ; c’est une épreuve alors qu’il est si simple de pisser. De nuit face au miroir placé là par le précédent propriétaire, anxieux de vérifier ses attributs virils…

 

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Ne pas emmerder son interlocuteur. Ne pas lâcher une de ces gaffes qui brouillent pour vingt ans. Biaiser. Sans cesse. Blaguer sur la corde raide au-dessus des lions. Tout ce qui forme groupe, assisance, classe, public ; salle des professeurs ; corps de garde, dîner de cons, cantiques sportifs – tous adorent le rire. Les fauves aiment rire et bâiller. L’individu reste douteux, périlleux, réfractaire. Il peut n’entendre point raillerie. Renvoyer par exemple ses propres railleries – le boomerang merdeux. Voire vous prendre pour un con – pire : un fou. La façon dont les femmes ricanent en s’inclinant sur leur voieine. À quoi sert le professeur ? qui peut le dire. Ils me regardent tous et se mettent à rire.

Face à l’abîme. Si mes disciples ont ri j’aurai atteint mon but.

Dans la mollesse, et malgré moi.

Mes écrits aussi seraient excrétions. Cahiers, simple feuilles entassées dans l’armoire et jusque sous les pieds de la bibliothèque – juste un châtiment ? Tu blâmes ceux qui se sont poussés par intrigue tandis que tu ne sais qu’écrire ?… l’alpiniste a besoin du dernier de ses crampons. Le sponsor, l’œil vissé sur ses comptes en banque, est aussi indispensable – que penserait-on d’un grimpeur en espadrilles ? Pour habiller de nuit ton impéritie, tu remets ta faute sur les autres ? qui n’ont rien compris ? qui ne t’auraient pas compris ? Tu comptes donc exciter leurs rires, comme à tout le reste ?

Quant à l’amour, tu vois bien : les tendresses en bouffées ne s’adressent qu’aux ombres. L’humanité - t’est réfractaire.

 

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Lire au lit (non plus) n’est pas un plaisir. Un professeur, un pape – sont forcés de lire. Mes titres de chevet sont ceux que j’ai décidé de lire. Accumulation du savoir avant d’affronter Dieu. J’affronte Dieu. Qui ne s’abaisse pas aux interrogations. Voici les titres.

1) Virginia Woolf, dont j’adorai naguère Orlando, prodigieuse conjuration de la gloâre à travers les siècles et les sexes. Appâté, j’ai décidé de dévorer ses plus gros ouvrages. Le volume entier n’est qu’un empilement de mises au point télescopiques sur les feuilles d’arbres, les escargots et autres friselis d’écume. On n’y tient pas, on suffoque. J’entends bien que c’est de l’excellente littérature, qu’il faut avoir lue, dont il faut s’informer et s’instruire.

Il en va de même du n°2), qui signe Elias Canetti : « Écrits autobiographiques », douze cents pages de papier Bible, Nobel 81 : autre apnée, tyrannique, masculine cette fois. Rien n’est épargné au lecteur : pas un filet d’air – chaque personnage décrit jusqu’aux poils de barbe, jusqu’à la longueur de langue appliquée sur les doigts dans le livre pour tourner les pages, pas une description qui ne soit scrutée, pas une circonstance qui ne soit décortiquée, fibre à fibre, jusqu’aux lambeaux les plus insupportables. De quoi que l’on parle, de qui que l’on disserte, romans, grands hommes, forcément célèbres, nécessairement les plus passionnants, les plus palpitants, toujours l’oppressant, l’indécollable Canetti leur a consacré son attention la plus scrupuleuse, la plus admirative, la plus exclusive, au point de demeurer des heures, plusieurs jours du mois jusqu’à la fin du mois, devant telle peinture, tel infirme, telle demeure, invariablement les plus captivants, les plus éblouissants du monde. On se sent con devant l’immense Canetti. Devant ces intarissables marais explicitatifs témoignant, n’est-ce pas, d’un tel appétit de vivre et des Aûûûûtres.

Nous autres : « Il s’assit ». Canetti : « Comme il était encore debout, il prit place sur la chaise qui se trouvait devant lui, afin de se soulager de la verticalité de sa station précédente ». Assurément Stefan Zweig, Henry James et Schnitzler eux-mêmes passeraient auprès de lui pour des parangons de sobriété.

3) Lucrèce (Titus Lucretius) « De Natura rerum » n’arrange rien, à deux pages tous les quatre jours (une en français, une en latin) pour ne pas mourir d’ennui, d’exaspération. Lucrèce ou les joies de la version latine. Pour mon

4e) auteur de chevet, il doit en tout cas être vivant, « non-mort », no-sferatu. Plus frais, plus vif que les autres. Souvent aussi de style « navet froid », quand la « petite édition » me l’envoie au titre d’envoi de presse, gratis pro Deo. C’est ainsi que j’alterne Lucrèce, Elias, Virginia et Paroles d’étoiles, témoignage collectif d’enfants juifs cachés pendant la guerre : ravaudage extrêmement réconfortant, rhapsodie dantesque et très rigolote de récits défraîchis, rancis, par des contemporains vivants, immédiats, vieux et présents pour le coup, à jamais.

Le comique provient aussi d’une toute autre liste qui m’attend le lendemain, pour la vie diurne, à boire jusqu’aux dernières gouttes en vertu du principe éminemment discutable que « toute page écrite le fut par un être de chair et de sang ayant voulu te toucher, t’atteindre à travers les siècles et la mort », et que nulle goutte n’en doit tomber. Cela va de Dieu (Bible Segond) jusqu’aux fascicules « Camus (Albert) en 10 leçons » ou Calderón ou Chrestien de Troyes. Si je ne lisais que ce qui me plaît, autant tout plaquer passé la page 10, comme vous.

 

*

 

Laissé sur la table à Koustcha je pars à l’est « à St-Flour » par exemple, « à Jérusalem ».

Les livres seuls ont été sauvés, dans l’Estafette achetée comptant dont le chauffeur a disparu vers le Grand Nord. Ici les murs sont recouverts du haut en bas : toute bibliothèque est un cimetière vertical. « Livres : monde vivant, nourriture essentielle. Ne craignez rien ». « La vraie vie consiste en un processus incessant d’ingurgitation-régurgitation ». « Le miel est du vomi d’abeilles ».

Assurément Grecs et Latins tuaient au moindre soupçon de non-conformité sociale.

Mais leurs rouleaux leurs volumina jadis à l’usage d’élites protègent à présent comme ils ont été protégés. Les rôles sont inversés. Sous leur couverture saumon les Cicéron, dont les laïus émeuvent et exaspèrent, avec leur mauvaise foi leurs arguments boiteux leurs péroraisons et clausules – Clodius, tué par hasard ? à d’autres !… - Cicéron dans ses lettres, soucis familiaux, noces tardives, pucelles petits pruneaux bouclés sur les parois – cuisses de mouches et tifs en touffes, vite accouchées plus vite crevées – que peut-on dire…

Éplucher les bas de page, apparats critiques d’universitaires, abréviations décryptées par Duclos de B. qui déplorait en cours la mort de sa femme j’ai mal refermé la porte avant Jeannine est tombée ses omégas tombaient comme des couilles et je m’endors en tripotant mes omégas chauds comme un lavis de Motherwell « Il existe pour Cicéron diverses familles de manuscrits les uns dérivant de l’archétype B bien correct, les autres s’étant recopiés sans vergogne, interpolant les notes marginales toujours aller disait Duclos vers la « lectio difficilior », le texte le plus biscornu, meilleure garantie d’authenticité. Passages obscurs, Le Grec esparagraphes abscons, raisonnements obtus combattus ou prônés par Keil pour Varron, parfois Scaliger obiit 1558, Rat Maurice pour Virgile ou Catulle – notes méticuleuses mouchetant la traduction comme autant de chiures séculaires ou sacerdotales.

Je serais devenu l’un d’eux érudit aux lourdes haleines, un de ces ASSIS grêlés de loupes si faciles à ridiculiser si difficiles d’accès – admiration qu’en mil neuf cent quarante même au cœur des barbares des correspondances teigneuses s’échangeassent sur la question urgente de telle conjonction ou tel optatif oblique et la question se pose, fracassante : de savoir si l’érudition sauve de la barbarie, ou si plutôt elle l’accentuerait, par contraste – s’engager ! (vous vous souvenez?) faites de la politique ! (qu’y gueulaient) – aimez les gens ! (c’était donc ça?)

pour ma part, (ô épigones!) retenez ceci : la seule, l’unique bouée, ce sont les livres, chacun d’entre eux, au pied de mon lit, à même le sol où ils prennent sur eux la poussière car je maltraite ceux que j’aime : Collections Athéna, Budé, couleur paille ou brique – ma maison , trop de soleil décidément chez les Grecs, trop de lumière et de cigales, trop de [aï], de [oï]. Trop d’obstination à se donner raison, à toujours chercher la lumière, à respirer, à vivre. Le Grec est un peuple héliotrope – versatile disait Thucydide – je préfère mes Latins . Les Latins me semblent toujours surpris à souffler dans leurs longues flûtes funèbres ces accents tristes et descendants de l’Hécyre de Plaute (la BelleMère, titre emprunté au grec et seul vers chanté conservé de toute l’Antiquité romaine) avec des relents de tombeau mal clos .

Les Grec s’enculaient au soleil comme autant de bestioles innocentes,  les Latins dans la gêne éteignaient la lumière, par honte, par scrupule, ils me ressemblent. Sous le texte romain sourd toujours la plainte de celui qui ne croit pas mais tente malgré tout de persuader au moins le lecteur. C’est le dynamisme des Hellènes qui me répugne. C’est qu’ils croiraient à la vie, ces cons. Au soleil, au progrès, à l’été – je vais vous dire: à la Vérité, avec un grand V. Rien de plus chiant qu’un Platon, incarné par Socrate (c’est tout dire) : toujours à enfiler perle sur perle, à baiser les mouches, pour finalement sortir d’énormes banalités : obéir aux lois, obéir à papa et autres balivernes. Le tout sur fond de perpétuel ricanement de Monsieur-Je-Sais-Tout, Socrate, toujours hilare, style Bénigni qui tortille du cul sur fond d’Auschwitz

Les Grecs ont Raison. Rien de plus chiant. Rien de moins grand. Trois exceptions (pour la grandeur) et non des moindres : Eschyle, Homère (tout de même) et, one more time, Thucydide. Les romain, eux, sont fils du caveau. Proches de la mort et de la nuit. Une exception là encore : Virgile – enfin à peu près. Quant à moi, qui m’aime, j’aime ces incertitudes de compréhension, ces lacunes et ces lambeaux. J’aime ne pas comprendre tout à fait Lucrèce, ni Tacite. Les langues antiques ne sont plus sues. Un agrégé de nos jours en sait tout juste autant qu’un grimaud de seconde en 1830 – et je n’ai pas eu l’agrégation. J’aime au lit avant de m’endormir ces vagissements de langue imparfaite dont je n’entends qu’un mot de loin en loin, comme la voix d’une mère éteinte, qui percevrait aussi ma voix par les espaces détrempés.

Un accident m’a brusquement privé de femme – toujours vivante – en un passé que je voudrais toujours éloigner, en de certains instants que j’aurais peine à préciser. Tout prénom serait dérisoire. Un jour qu’elle dormait – de plus en plus souvent au point de coudre matines et vêpres – elle mourut s’éteignit en invoquant ses personnages visages rôles ou créatures. Depuis longtemps je n’existais plus m’exerçant à sa délivrance à nos envolées vers nos propres ciels, avant ma désertion – depuis je dors en enroulant autour de moi le drap plissé linceul en long non point tout à fait toutefois, car si je hais le ciel ou le soleil j’aime aussi bien la vie de nuit faite à notre image.

Car j’ai peur de la mort. La vraie – celle qui sonne en fin d’épreuve posez vos stylos je n’ai rien compris au sujet Jules 1912/99 mort à 87 ans je le dis en éliminant car l’animal risque sa peau s’il s’accroupit pisse ou défèque. Mes morts ont parfois père et mère dont je détaille à mi-voix les filiations puis je rentre à l’abri de ma braguette : vouloir éliminer le pornographe est une aberrante hérésie. Parlons pornographie. Qui n’a pas vu de fille entr’ouverte sous le ballet de ses phalanges n’est qu’un grossier butor tant l’innocence et la brutalité des éclairages ici révèle et dévoile en toute plénitude l’irréfutable visage de la seule véracité des femmes. Qu’on nous épargne la besogneuse vulgarité des pipes, l’insondable écœurement des couilles ou des anus de mâles en gros plans souillés de hideuses pilosités.

J’entends de véritables et vigoureuses branlettes de femmes, non pas de ces poses efflanquées aux effleurements chiqués ( frémissantes et fragiles langueurs…) mais de bonnes grosses paluches bien vigoureuses avec leur halètement accélérés. Ça c’est de la femme, de la vraie, de la branleuse bi-quotidienne et hardi que je te frictionne, dispensée sans problème de nos petites tripettes larmoyantes et ratatinées. Et le moment du renfilage de string avec le claquement repu de l’élastique sur la chair n’est pas de loin le moins bouleversant de tous. Après quoi elle se rhabille, reprend ses airs de faux cul et te fait embarquer par les flics à la moindre allusion : harcèlement, la main sur l’épaule : tentative de viol, c’est comme ça maintenant.

Heureusement qu’il y a le porno.Béni soit le porno. Jamais la moindre scène de viol ou de violence dans le porno. La femme aime l’homme. Elle lui tire le zgeg à la première occasion. Dans la réalité j’ai toujours l’impression de ne jamais pouvoir faire jouir une femme qu’en jouant au violeur. C’est humiliant. Si c’était la femme encore qui te montait dessus. Mais c’est rarissime. Même dans le porno hélas. Et puis dans ce cas-là tu jouis tout de suite tellement c’est bon. Au moins tu ne lui auras pas nui. Je suis un farouche défenseur du porno. Je ne vois pas ce que la défense de l’enfant vient faire là-dedans. Les enfants «susceptibles » de tomber sur un programme ?

Ils peuvent aussi bien tomber sur leurs parents. Interdisons tout acte sexuel entre adultes consentants. Sauf la femme bien entendu, salauds d’hommes ! Interdiction aussi de la photographie et du dessin. Tandis que dans les films X, même si c’est imité, c’est bien foutu, bien convaincant, et les pénétrations se font sans trucages j’espère. Fermer les boutiques spécialisées ? Ne nous trompons pas de cibles : la pornographie à l’image est parfaitement inoffensive. Les gosses réussiront bien de toute façon à tomber sur quelque chose… Les abolitionnistes me mettent hors de moi. Tant que les femmes resteront toujours farouchement opposées à toute sexualité hors liaison, que nous reste-t-il donc à faire, à nous autres salauds d’hommes ?

L’homosexualité ? La branlette ? Rien de plus facile pour les femmes, si pures, si divines, que de se gouiner entre elles ou de se frotter trois fois par jour. Seulement nous, les salopards, nous ne fonctionnons pas comme ça. Cette nuit-là. Cette nuit qui ne finit pas.

 

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Ces films toujours les mêmes. Puritanisme des stéréotypes, même calibrage de bites, même blondeur fadasse des filles, même vacuité cérébrale. Cette absence de mots tendres. Cete solitude, cette serviette souillée entassée dans la huche à linge, bien au fond. Ce cafard immense. Cette absence de femme à tout jamais. Ce retorcharge infini des doigts de la main droite. Ces promesses de ne plus recommencer, de tout recommencer, l’amour, une vraie femme qui aimerait, qui serait émue, qui donnerait et recevrait, la confiance, les yeux dans les yeux , l’épaulement, la vie et non plus la nuit… dis-moi ce que je cherche. Je me recouche lourdement. Profonde nuit trouée d’images mouvantes, movies, mieux que cinéma, kinè, plus sec, typiquement grec.

 

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Ariane Mnouchkine. N’a jamais dû voir un traître film porno. Condamne du haut de son altitude. N’a pas besoin de ça, elle. Les actrices de sa troupe lui suffisent. C’est tout de même plus propre qu’un homme. Je m’en fous. Ne sait plus ce que je pense de quoi que ce soit. Le porno porte en filigrane son désenchantement, comme la fraude en douane, le calendos et la musique de Brahms.

 

X

 

Comme à confesse. Je ne me toucherai plus. Je baiserai sans capote. Et tu sais que tu ne sauras t’empêcher de baiser, de boire, de battre tes enfants. Si tu les violes, que les flics te butent. Je peux baisser le son. Je suis mieux les dialogues. Du verbe suivre. Je me branle avec un goulot dans le cul. Pour séduire une femme, il faut la forcer dans ses derniers retranchements. Prendre le risque. La femme veut être forcée. Veut jouer. C’est ça mes nuits. Où je m’ennuie, où les sexes à poil ou sans poils m’illuminent et me foudroient. Du vrai Genet. Il ne se passe rien dans la vie. La nuit le jour. Juste que la vraie vie serait la nuit. Le vrai destin c’est la nuit.

Parce que les cloportes ont le droit de vivre. Même les plus nuls ont leurs conquêtes. Là sous leurs yeux. Les hommes font des pointes sans sombrer dans le ridicule. La faute. Et que ferais-je d’une femme. Permanent qui-vive, la vérité au-dessus de nos forces. La femme qui est dans mon lit n’a plus vingt ans depuis longtemps. C’est de Reggiani. Je couche avec une religieuse. Elle était là dans mon lit avant que je la rejoigne, déjà pendant le film, elle ne bouge pas quand je m’allonge, de tout son long osseuse, à plis raides dans sa longue robe régulière bien qu’elle ait résilié ses vœux mais sans m’écouter, sans me plaindre. Jadis elle a fondu des cierges à Belloc.

Avec un peu plus bas sur la pente les Frères au fromage de vache et de chèvre. Je reste indifférent. Je ne risque rien avec toi – une phrase de toi – vous pensiez que je vivais seul – enveloppée de la tête au pied le temps d’une longueur Voici le moment, ma nuit, croisée des chemins (ce que montrent les deux tibias croisés sous la gorge) tant il est vrai que l’amour n’est actif que discipliné et porté par la haine qu’il porte à son contraire – pense très fort qu’elle te veut du mal. Qui veut se faire aimer d’elle sombrera.

Hors de question de pouvoir si peu que ce soit soulever ces voiles nocturnes, aussi empesés que par l’eau, la pisse, ou l’art statuaire. Colère et parano sont bonnes conseillères.

La moniale est dans ton lit. Elle hait ta personne et ton corps. Que feras-tu ? il t’est interdit de sortir de la nuit. Demander à chaque femme de procurer la suivante. L’os de son coude et ses tibias, la mère qui rejette l’enfant qui prend toute la place. Rien de plus estimable au monde qu’une femme qui s’ouvre. Elle s’ouvre pour moi jusqu’à la fin des temps. Aucune pour lui succéder. Qui demande s’abaisse, qui cède sombre et déchoit. Nul ne sort de la Grande Nuit. Les nuits se dilatent et se joignent. Sans elles et sans leurs pièges – que devenir.

Les Sœurs Visitatrices sont chargées « par la maison mère de visiter les monastères d’un ordre ».

Où se trouve la légende de femmes et de filles qui se refilent leurs amants comme une bonne adresse ? Une sœur aurait-elle été la seconde mère, l’Alliée ? Aurions-nous commis – révélé – l’inceste ? Pouvons-nous concevoir une sœur qu’on ne baise pas ? Pourquoi fallait-il accepter jadis de se trouver entre deux Chastes-Gouines (« blanches », « pures ») sans toucher autre chose qu’un cul déjà plongé dans le sommeil ? ...celles qui se frottent à grand ahan de porteurs d’eau les veilles d’examens n’aiguillent pas non plus vers d’autres filles, le lit n’abrite que cadavres, American people say « girls » instead of « women » - is every nun a corpse ? toute religieuse est-elle un cadavre ?

C’est un bien étrange phénomène de sentir sous soi cette houle qui monte et s’abaisse en poussant ses notes d’oiseau tandis que l’homme panache l’onde – et lorsque la femme puisque femme il y a se fout de sa gueule parce qu’il est parti trop tôt je n’y suis pour rien enfin je crois. Tenir en haleine la femme mentir téléphoner déjouer prendre de vitesse la crise et l’attentat- au lieu de tout bonnement caboter de pute en pute – la nuit seule devant la cornée des écrans se respirer le foutre au dos de sa main – ronfle et retourne-toi je me branle à l’abri.

Nulle ne doit soupçonner tandis que je regagne à pas de loup mon lit – que je viens de plonger au plus profond des corps en gros plan.

Se tamponner avec le pantalon du pyjama pour hommes, lui présenter le dos sec et dormir. Si retourné vers elle et serre ses épaules, ma religieuse ronronne comme un cochon, chose inévitable à éviter. Le cadran lumineux marque 2h 35, la sonnerie part en vrille à 7h, il y a tricherie. La première fois je fus épouvanté de ce corps sacré, opaque. J’aurais appelé au secours – mais j’étais le premier accusé.

De quoi serait-elle morte? La décomposition n’eut pas lieu. Une dessication peut-être, progressive, sans parfum particulier. On s’habitue. Amants nocturnes prenez garde. C’est à cela que Primo L. distingue à coup sûr l’homme du sous-homme ; qui partage sa couche avec son corps mort passe au-dessous de l’animalité. Cadavre asexué, long, lourd, vêtu d’une longue bure froide de gisant. Je ne l’étreindrais pas et fuirais son contact. Nuit après nuit sa présence gardienne -

il ne ronfle jamais, forme contrepoids, de quelque part que l’on se tourne et se secoue. C’est cette immobilité raide qui me conduit à reconstruire et reconsidérer le temps, à passer tant de nuits innombrables à travers mort et sommeil, en une seule et longue nuit. Les jours paraît-il se suivent sans se ressembler, de joies de misères et puis on t’nterre et puis c’est fini. Aube et crépuscule successifs, queue du serpent qu’il déglutit, nuits de plus en plus longues et de plus rapprochées.

Rien ne se passe pendant les nuits, rien de l’une à l’autre. Tout juste si nous constatons une série de rêves suivant l’autre. Il faut pour le moins dix ans pour que les rêves se différencient. D’enveloppe en enveloppe les nuits n’en font plus qu’une, naissance et tombeau, l’essentiel en vérité ne change pas. Rien ne change.

Désormais la nuit sans femme.

J’ai connu d’autres nuits. Illuminées, clandestines - irrépétées. Ni moi ni elles ne nous connaissons. Les identités se greffent comme des organes, femmes sans description ni noms, s’étant avanturées, m’ayant tendu la main, tirant l’essentiel enfoui jusqu’aux derniers va et vient - sans verbalisations impures - combien nous aimerions que l’homme ainsi fût déchargé de tout premier pas, de toute erreur, étant bien entendu que que toute femme purifie ce qu’elle touche jusqu’à la pomme qu’elle tient.

Nous ne dirons rien de no poses ou de nos émotions, sous l’aréole jumelle des seins, dans les bouches nerveuses.

À présent j’attends toute la nuit.

Il y avait jadis espoir et succession.

Amateurs d’engloutissements s’abstenir.

Bénies les visiteuses spontanées sans victimes ni proies.

C’est un mythe qui jouit contre l’autre.

Elles partent toutes vêtues, souvent drapées dans leurs fourreaux lamés sns plus de coups de hanche ni flexions. Des rêves d’accouplements dignes sans sucs ni soupirs, où chacun garderait son altitude, où le don serait si total que rien n’en serait secrété. Je hais

- les souffles bestiaux

- les jets de vapeur où le ciné croit exalter tous les signes de la parfaite copulation.

Jamais nous ne vivons de tels égarements

Mais revivre autant de palpitations clandestines, tandis qu’industriels nocturnes, magasiniers ou soignantes de garde, somnolent, ou se pincent, aucun péché ne nous effleure.

Je revois ces lampes me transperçant des paupières à la nuque, tandis que le juge note ligne à ligne ce qu’il ignore, soupirs révélés, cris irrésistibles au fond des cours. La baise à cru sous les scialytiques. Une seule et même tonalité, connaissances, regrets et rareté. Où nous avions prévu l’explosion et l’enlacement ce ne sont plus à tiers de mots qu’éléments d’une rhétorique évitée. Tant de répétitions, d’échanges et d’évanouissements, de dix en dix ans.jene sais plus si c’était vrai ou si je l’ai rêvé tant la nuit s’est refermée comme un sexe gorgé si vite asséché. Tant de femmes nocturnes se sont détournées. Tant d’infinies raréfactions par extinctions du flair, de l’offre et de la demande.

Cris de plaisir sur trois étages, fuite éperdue des chats sur les gouttières, propos plus graves et détendus d’après l’amour, ce qu’on appelle postlude. Escapades, trains à prendre, longues pentes urbaines de nuit vers les consultations.Ou aux heures de pointe. Ma vie sera pure comme une flûte quelle flûte ? Pourquoi veux-tu me voir encore ? c’est pour mieux te sentir mon enfant, pour mieux te remettre en place. Pour que ton pas soit moins fier, que tes fesses se desserrent, et que je sois longtemps seul à savoir ce qui se passe, sous vos arrogances, dites de Femme Pure – puis – justement – l’infirmier, la puanteur des pièces chaudes et closes, la protection a posteriori, je dois me protéger, les réprmandes – tort, toujours tort – qu’est-ce que l a nuit ?

Comment désormais la nuit ne pas penser à aujourd’hui – ce jour ?

Après tant de mois d’abstinence, de propositions froides – pourquoi me troubler pour si peu ? Fantômes si faiblement étreints, si mal, entre deux heures – il y a une pièce de tes vêtements que tu n’ôtes jamais, c’est ta montre – existence de guinguois, entre deux trains dérobés, plus de quinze ans d’attente, pour que femme vive et que l’homme demeure…

Je n’ai jamais cessé de faire croire que j’aimais, par cruelle gnérosité, jamais véritablement combattu cet appel du vide – mentir à tout prix plutôt que de sombrer, ce qui me traversa d’une nuit l’autre, du premier vagissement au dernier soupir (l’amour ici sns aucun nom ni vraies circonstances- en marge de toutes vies – malgré des noces de trente et quarante ans, malgré les bons coups de hasard et ces si mystérieuses fidélités à qui n’est point toi, mais repeint, plus beau, plus noble – que tu ne seras jamais. Car le verbe n’engendre que le verbe, dieu uniquement formé de mots, que tous prieraient, qui finirait par acquérir une existence, car tu ressentirais pour lui de l’amour, à la façon des vrais vieux croyants ; les mots seraient le visage de Dieu.

Tu estimes que ta nuit serait vide si l’on n‘y faisait entrer les femmes : elles s’y sont diluées, crainte d’être connues. Au fond des mots puis des choses - les transférations se feront d’elles-mêmes. Si tu te rattaches au Verbe prends garde que cela t’engagera plus gravement, plus grièvemet que tu ne penses. Le dieu t’envahirait – prier : seule pensée que je puisse porsuivre avec quelque cohérence – durant mes insomnies ; si j’étendais le bras, je la sentais charnelle, respirant forte et régulière. Je la parcourais, l’explorais, l’étouffais en elle sexe ou visage. Je trouvais là dans ces asphyxies subliminales, une exaltation, force lumineuse dans l’obscur – par ces phosphènes tapissan le velours interne des paupières, exaltaton de la tête et du front où je rejoins, par les palpitations des muqueuses internes, le seul indice de l’accomplissement.

Les poussées de la verge ensuite sont bien peu de chose, tant l’énrgie supérieure déjà s’est déversée, l’écoulement de la semence n’étant que la confirmation maladroite et grêle de l’accession précédente. Nous avons pris un temps extrême à supporte ce prolongement de moi-même: le corps de l’autre ; ce n’est que depuis dix années, très peu à l ‘échelle humaine, que nous avons découvert sa nature et destination, me compléter. Le corps sans quoi je ne pouvais vivre, sans lequel je n’étais pas mon corps. Je l’ai longtemps senti comme un intrus. Peut-être qu’à changer de femme sans répit cette évolution ne se produit pas, de corps en corps , ce passage de soi à soi-même, révélation du corps définitif et primitif, poids éternel de mort apaisée.

 

 

 

 

 

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