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SIDOINE APOLLINAIRE 2

Nous devons reprendre à IX, 254 68 07 26

 

ZOHAR SIDONIENSIS DEUXIÈME PARTIE

 

R. 110

VII 1 / 11

C'était un geste traditionnel des consuls : couronner le dieu Janus "d'un double laurier" sur ses deux têtes. Ils promettaient tous la même chose. Être consul n'était plus rien. sanctuaireJuste une titulature décernée par l'Empereur, lui-même consulaire et crépusculaire.

Voici enfin le premier panégyrique, celui d'Avitus, où Sidoine reluit encore de sève fraîche. C'est de loin notre carmen préféré, celui que nous avions failli étudier tout d'abord, privilégiant l'ordre chronologique. Ô Phébus, toi qui vas voir enfin dans ta course - « visurus in orbe » - un homme que tu puisses souffrir comme ton égal, garde tes rayons pour le ciel ; Avitus suffit à la terre. Y avait-il de l'humour dans l'assemblée ? Non, juste des sourires de connivences, envers ce prestigieux poète. Je voudrais entendre sa voix, savoir s'il déclamait à la Rachel, à la Guillaume Apollinaire, s'il était clair, cuivré, s'il y avait du vent, des nuages, ce 1er janvier 456, à Rome ; le consul élu en juillet prenait ses fonctions le premier janvier, et donnait son nom à l'année. On vivait au temps de tel et tel consul, et le numéro de l'an n'apparaissait que dans les Annales.

Doublon, à traiter ultérieurement : prend ses panégyriques pour des exercices sans foi, et prête à leur auteur une mélancolie romantique peu compatible avec ce que nous pressentons dans ses premiers textes (la Correspondance nous amène à moduler cette impression). VII, 8 / 9 "Oui, Sénateurs, il vous plaît de voir le cumul des dignités et de confier la chiasse encule, pardon, la chaise curule, associée au sceptre" - comment croire en cela, comment ne pas pouffer ? Existait-il encore seulement des chaises curules ? ou quelques débris dans un coin de débarras ? "Croyez-moi, vous donnerez davantage : des chars de triomphe." VII, 10 Le Sénat en effet accordait les honneurs du triomphe – le dernier datait de Dioclétien, mort en 311…

"Et maintenant, Janus aux deux visages, tresse les chevelures de tes deux fronts et couronne-les d'un double laurier." VII 11 Qui croit encore en ces légendes janusiennes ? Ouvrait-on encore son temple en cas de guerre, et le fermait-on en temps de paix ? N'étions-nous pas chrétiens depuis longtemps, quel que fût le sens donné à ce mot ? L'assemblée, chrétienne, sourit-elle de ces pesants enfantillages… ?

Avitus promet des triomphes : ce sera la guerre. Dans la biographie d'Azaïs, Apollinaire prête à son beau-père un esprit serein et contemporain ; que de réformes n'allait-il pas entreprendre, administratives, judiciaires, sociales, un vrai programme de Cinquième république ! je préfère encore les aspérités, les inconnues de mes premières sources à la guimauvisation généralisée d'un vieux diplomate.

Je crois en un Sidoine déconnecté, candide et convaincu. Le nouveau consul plaçait des lauriers sur le double front du dieu.

VII  1/11

 

 

 

R. 111

VII, 12 / 14

Il concluait, il inaugurait. "L'année écoulée tirait son éclat (coruscat) de l'empereur, le lustre de celle-ci lui vient du consul" : le verbe n'est pas répété en latin. ("L'année précédente étincelle du Prince, et celle-ci, du consul".) Notre langue française. n'est plus lapidaire. Ici même le terme de « lustre » proposé par le traducteur n'a rien à voir avec la période de cinq années des censeurs de la République.Mais nous ne voyons pas en quoi l'empereur Avitus, nommé chef des armées gauloises par son prédécesseur, eût été plus enclin à restaurer Dieu sait quelle république aussi enterrée que de nos jours la bataille de Marignan : "...et la trabée rehausse le prestige d'un diadème bien gagné". VII 13

Le consul ouvre les portes du temple de Janus revêtu de cette trabée ou toge pourpre, très ornée ; la guerre sera victorieuse. Sidoine peut-il croire à de tels hochets ? "Tu t'alarmes en vain, Muse, parce que l'Auster a frappé les voiles de notre esquif" - vent du sud ? invasion de Genséric, roi des Vandales, qui s'incruste en Afrique du Nord, et vous allez voir ce que vous allez voir ? plausible en effet. Redisons-le : Avitus est déjà Empereur, et ce premier janvier 456, il "prend les faisceaux", comme faisaient les consuls, en effet, de la grande époque. De juillet à janvier, l'année précédente s'est écoulée ; dorénavant, la dignité impériale sera augmentée de la dignité consulaire, comme si le général en chef (imperator) montait encore en grade en parvenant au sommet de l'État.

Mais c'est véritablement se tromper d'époque. Au Ve siècle, la situation s'est inversée. Le consulat n’était qu’une formalité : l’empereur ne pouvait être intronisé sans consulat... "C'est avec des hochets qu'on gouverne les hommes", dira Bonaparte. Prestige mythique : manque seulement la mythologie- la voici : "Tu t'alarmes en vain, Muse, parce que l'Auster a frappé les voiles de notre esquif" VII, 14 non, elle s'en fout, la Muse. L’esquif n'est plus seulement celui du petit poème jeté à la mer, mais, ici, le char de l’État, qui « navigue sur un volcan », comme chacun sait.

VII, 12 – 14

R. 112

VII 12 / 15

Et, gonflé d'honneur familial, notre jeune Sidoine déclame : "si nous sommes au début de notre course sur la mer de la Renommée, pelago famae, voici l'astre qui sur l'azur des flots veillera sur nous." L'astre, c'est le beau-père, Avitus, le Gaulois, le wisigophile.

Dans la biographie d'Azaïs, Apollinaire prête à son beau-père un esprit serein et contemporain ; que de réformes n'allait-il pas entreprendre, administratives, judiciaires, sociales, un vrai programme de Cinquième république ! je préfère encore les aspérités, les inconnues de mes premières sources à la guimauvisation généralisée d'un vieux diplomate.

Je crois en un Sidoine momentanément déconnectéVII, 16 Soupir de tant d'enflure. Impossibilité d'imaginer le moindre second degré.

 

VII, 17

"Un jour, le père des dieux jeta du haut de l’éther ses regards sur la terre" : début digne de La Fontaine, qui eût évoqué Jupin. Lisant Ammien Marcellin, nous nos apercevons à quel point cet homme révélait aux générations futures des faits qui demeureraient à jamais ignorés, inintéressants. Apprenant par les éditeurs à quel point l’historien Marcellin se montre irrégulier, profus en digressions, recourant à des informateurs de plusieurs siècles (aurions-nous l'idée de nous référer à Voltaire pour connaître les mœurs des Allemands d'aujourd'hui ?), et constatant, malgré tout, sa relative survie, nous concluons d'une part que le progrès du temps n'était pas contradictoire avec la stagnation des représentations ; d'autre part, que le manque de rigueur, de plan et de composition n'affecte pas l'accession à la petite gloire, que nous perpétuons vaille que vaille... Plût au ciel, quilles renversées des obscurs naufrages. La fraternité, la démocratie, passent par le repêchage de l'oubli, et non par l'égalité, car ce dernier idéal fauche toute joie de vivre : que peut-on espérer en effet, quand on est homme, sinon d’atteindre son sommet par la réussite de sa personne ? L'ambition est la plus noble des passions, pourvu qu'elle ne soit pas la morgue. Hélas, elle est souillée par ses moyens : l'entregent, l'excellence des rapports humains et la confiance, assurément – mais rachetée par l’excellence issue du travail et du creusement de soi.

VII 17.

 

 

R. 113

 

VII, 18 / 23

Jupiter se penche sur nous : mais nous ne voyons jamais son visage, partagés que nous sommes entre l'expectative du dieu, et la reconnaissance méfiante de nos propres mérites : à nous de moduler ces deux justifications sans être dupe d'aucune, et remettons-nous au mystère, et surtout, au travail : "aussitôt tout ce qu'il voit prend vigueur : pour ranimer le monde, il a suffi de son regard (aspexissé) ; un seul signe de sa tête réchauffe l'univers".

Si Dieu ferme les yeux, la terre s'effondre ; le regard de Dieu n'étant que la force qui maintient la terre, nous nageons dans le truisme jusqu'aux mamelles. Sidoine croyait en ses clichés : imbibé des préjugés séculaires de son époque, il les accepte comme siens. Mais nous ne savons pas si ce ne sont pas ici de simples ornements sans poids. "Bientôt, pour rassembler les dieux, l'Arcadien de Tégée s'envole, à la fois des talons et du front", "l'Arcadien de Tégée" VII 20, n'est-ce pas, nous n'allons pas nous abaisser à l'appeler Mercure ! laissons les érudits se délecter de leurs devinettes ! VII 21 : "l'Olympe ! l'Olympe !" gémissait l'éditeur.

Encore n'est-ce là qu'une éclipse, car Giraudoux, Camus, remirent la mythologie dans leurs pages, après les derniers feux des peintres pompiers, rions à notre tour. Chacun salua ce retour des dieux, comme les commentatrices de mode les retours de l'ourlet ou de la ruche. Suivons donc ce messager zélé quadruplement ailé : "A peine a-t-il atteint la plaine, et descendu toute la montagne de son aïeul que la mer, la terre et l'air ont envoyés leurs divinités propres." VII 23 Hermès descend quant à lui de Maïa, fille d'Atlas, qui symbolise tous les monts connus. La note érudite précise que Sidoine imite Virgile : rien décidément chez notre homme qui ne soit de pièces et de morceaux, surtout en ces jeunes années où Monsieur Gendre passe en Classe Impériale.

Il ne faut rien de moins que les dieux pour annoncer l'ascension du beau-père au trône. Cataloguons : notre époque a bien la manie des dictionnaires ! Chateaubriand, plus tard, lassera retrancher de son Atala tel débat entre les anges et les démons,l'une de ces réunions homériques où se décide le sort de Troie ou des Achéens. Je vois plutôt Sidoine au sommet de sa vanité, de son enivrement : gendre de l'Empereur, cela pouvait permettre d'accéder au trône : une adoption suffisait.

Où l'on en est encore à se demander "à quoi sert" le latin - mais à quoi sers-tu donc toi-même ? En pleine assemblée des Olympiens, convoquée par Sidoine et par Jupiter. Mercure / Hermès lui même, Hermès-Mercure descend de l'Atlas, dans les deux sens du terme : le géant Atlas était le père de sa mère, Maïa, l'Accouchante, et non pas l'abeille ! ô culture ! avec ses ailettes , tantôt d’une tête,  tantôt du peton, volette à travers les cieux pour les rameuter tous :

VII, 18-23

R. 114

et tous les dieux d'accourir, de la mer, de toutes les contrées de la terre, de la mer même, et tout dégouliunznts, gardons ce beau lapsus ordinatoris ! "C'est ton frère (...), qui vient le premier VII 23 toi qui as coutume de sillonner les flots doriens, Dorida, », autrement dit grecs, mot oublié ; monsieur Loyen, mot oublié ! Il a fallu que je consultasse la traduction Jean-François Grégoire et François-Zénon Collombet (1837 !) pour le retrouver ! Comment peut-on négliger Jean-François Grégoire et François-Zénon Collombet ? la mythologie n'est plus à présent qu'un magasin d'accessoires, si jamais elle fut autre chose... D'abord Neptune, "frère du Tonnant", sur un char vert océan, précurseur du yellow submarine, qui "fend Doris", autrement dit "sillonne la mer, répandant aussitôt la sérénité parmi les vagues étonnées !– cela m'eût bien étonné, justement, que les éléments inanimés, les premiers venus, n'éprouvassent pas ces exaspérants sentiments qui les rendent si fades, si platement prévisibles - lecteurs de se débattre dans cet aquarium renversé.

Sidoine manie les cartes gondolées d'un trop vieux jeu, à grands coups de pinceaux détrempés. "Phorcus accompagne les nymphes ruisselantes, et là vous venez aussi, Glaucus, vêtu de glauque", glaucus, Glauce, VII 27

On y trouve Phorcus («le Monstrueux »), les nymphes mouillées de partout, et "le glauque Glaucus", si si, il a osé !"ancien pêcheur, belle promotion ! A se demander s'il reste encore de l'eau pour garnir cette vaste piscine ! Protée, "le plus vrai des devins ? présent ! et sous ta vraie forme ! quel grouillement ! ça sent la marée !

Ici se mêlent les tics de la jeunesse, parsemant ses écrits de jeux de mots usés, car la jeunesse répète en croyant innover : c'est ainsi que Sisyphe est heureux, s'imaginant qu'il invente alors qu'il vomit "Puis, s'avance un long cortège d'autres divinités : Liber couvert de pampres, Mars farouche, le Tirynthien tout velu" VII 29 – dormez un peu, tous vont y passer ; le Panthéon romain comptait plus de 30 000 dieux. Étiquettes, tampons, estampilles de garantie ? "Vénus nue, la féconde Cérès" – VII, 30, "Diane avec son carquois, Junon majestueuse, la sage Pallas" : ne restent plus que des attributs ou des attitudes sur un char de Carnaval. "Cybèle couronnée de tours, Saturne l'exilé »(du ciel par Jupiter), la vagabonde Cynthie" VII, 32 qui est Diane - les deux prénoms redeviennent à la mode.

Les références renvoient, précisément, à ce passage de Sidoine, lui-même imitateur d'Ovide. Nous nous passerons donc d'en savoir davantage. "L'éphèbe Phébus", beau jeu de mots ! j'ironise... "Pan qui sème la panique", récidive, "les Faunes en érection, les Satyres bondissants". Quelle foule. Quelle froide pagaïe. Que d'esprit de bazar. Cela bondit de toute part.

 

... Passons de l'eau au vin avec le "pampreux Liber", Bacchus qui libère la langue, au sang versé avec "le farouche Mars" VII 29 "ordine" en mot 17... 62 05 21 Nous poursuivons par "le Tirynthien tout velu" (nous avons vu de loin ce monticule natal depuis l'autocar) - Hercule bien sûr, qui aurait servi Eurysthée, commanditaire des Douze Travaux "Vénus nue, la féconde Cérès, Diane et son carquois, Junon majestueuse, la sage Pallas, Cybèle couronnée de tours" - tout tombe en vrac, mais rien ne manque. C'est une avalanche sans fin ni trêve, Sidoine serait-il payé au nombre de vers ? "Pan" sème la "panique", les "Faunes" sont "rigides" d'où vous pensez, les "Satyres pétulants" autrement dit "bondissants". VII 23 33

R.115 (« mot 8 »)

"Prirent part aussi à l'assemblée ceux qui par leur valeur ont mérité le ciel" VII 34 – suit une autre énumération de remplissage, celle des héros : "Castor illustré par le cheval", grand chasseur de sangliers, Pollux caestu, "Pollux par le ceste", ancêtre du « poing américain ». VII 35 Nul ne croit plus en ces choses ; mais les lettrés comprennent toutes les allusions. Un fin sourire entendu accompagne les soupirs de lassitude. "Persée par son cimeterre", harpe, ce qui ne signifie pas la harpe ; "Vulcain par la foudre", puisqu'il la forgeait - jamais nous n'ouîmes dire qu'il eût été un héros, mais toujours un dieu - "Tiphys » (pilote de Jason) « par son navire", "Quirinus par sa race" - le représentant des Romains figure ici en bonne et flamboyante compagnie. Romulus était appelé "Quirinus", "l'homme du chêne", et tous les Romains descendent de lui. Avant de nous moquer, rappelons-nous combien les Français s'imaginent encore appartenir au Pays des droits de l'Homme, et non pas des privilèges... VII 36

Il serait profitable après tout de consulter une bonne thèse sur les panégyriques antiques, afin de voir s'ils ont évolué, si les mêmes éléments se retrouvent ainsi chez eux de siècle en siècle, à quelles règles strictes ou souples ils pouvaient obéir. Notre métier, vécu hélas comme une contrainte, nous dissuadait de tout fardeau supplémentaire de documentation. Il n’aurait plus manqué que cela. À présent nous voici tout barbouillés sans possibilité d’infiltration profonde : "Qui pourrait chanter ici-bas la cour céleste dont les astres eux-mêmes forment l'étincelant pavage ?" VII 38. Texte ingrat, qui ne peut se sauver que par la digression : il faudrait se référer aux cosmologies antiques, à la notion de "firmament" comme "pavé solide", voûte crânienne interne où les astres ne sont que des escarboucles enchâssées. Mais ce serait bien de l'érudition pour tant de carton-pâte versifié, sur lequel roupillent pour moitié ou deux-tiers de Goths, peu versés en mythologie romaine - combien de temps avant le festin ? c’est quand qu’on bouffe ? vv. VII, 34-38

"Le Père des dieux, plein de sérénité, prend place sur son trône" VII, 39 : courbette au beau-père ? "...puis, s'assoient les principales divinités", priores consedere dei, voir plus haut. "Il fut même donné aux fleuves de siéger en ce lieu, mais seulement aux anciens - senibus." Aurons-nous du moins des indications sur l'étendue de l'autorité romaine ? Parions : le Tibre, le Rhin dont on brise la glace pour boire, le Danube et l'Euphrate : "à toi, Eridan, au cours majestueux" – VII 42 c'est le Pô, où se couche le soleil, dont nous trouvons ici l'ancien nom ; "à toi, Rhin impétueux, que les blonds Sicambres brisent pour emplir leurs coupes" - le commentateur précise après tant d'autres que ces derniers sont depuis longtemps fondus dans la fédération des Francs. Et combien nos vieux cuistres n’auront-ils pas radoté ! Remi baptisant Clovis, en disant Courbe-toi, fier Sicambre : l’authenticité de ces paroles n’est pas plus à remettre en cause que si nous appelions notre président "le Gaulois". Et le dernier fleuve est l' "Ister" ou Danube gelé bord à bord foulé par les chevaux des hordes vagabondes foulant la Scythie – l'Ukraine ?... VII, 43 - un certain 31 décembre 406 – leurs descendants sont là, devant toi, et un instant se désassoupissent…

Ce sont là d'impénétrables visions, des tableaux féeriques, d'un exotisme échevelé s'il n'avait pas déjà plusieurs couches de fards versifiés - bien que cette fameuse traversée n'ait peut-être eu lieu qu'une fois., du moins à même la glace : les Romains s'avisent à nouveau d'un monde extérieur hostile. Coincé entre la sauvagerie nordique et celle du monde brûlé de l'Afrique - encombré de légendes terribles - jusqu'à l'asphyxie. Nulle évasion n'est possible. Le traducteur semble toujours interpréter, boursoufler ses phrases. Sidoine déclamait-il en chantant comme un âne, ou s'exprimait-il avec mesure ? Hélas… Faut-il lui supposer un « second degré » ? (il ne gagnerait rien au rapprochement avec nous, que le "second degré" pourrit - « et le Nil est connu pour sa source inconnue. » Il suffisait de ne plus craindre les Nègres, et de traverser le lac Victoria, en amont duquel plusieurs cours d'eau revendiquent le nom de Nil. Mais une stèle pharaonique avertissait que tout Noir franchissant la limite boréale serait mis à mort, par sa couleur seule. Les Anciens ne risquaient donc pas de découvrir de sitôt les sources du Nil (au Burundi).

VII 34 / 44

 

R. 116 (« mot 9 »)

Reste le Nil, "connu surtout pour ta source inconnue", détestable pointe, VII 44 - désert plus aride que celui de Lybie. Voici qu'on nous annonce une "Prosopopée de Rome ": la ville éternelle sous vos yeux, comme si vous y étiez. Prise en 410 par Alaric, en 455 par les Vandales C'est alors qu'on vit au loin, procul, descendre des hauteurs célestes Rome au pas traînant » dans ses pantoufles de mémé avachie jusqu'aux seins, tête baissée, les yeux à terre" VII 45 47 – atterrant - Claudien nous dit-on figurait déjà cette prosopopée de Rome divinisée, mais elle ne s’adressait qu’à elle-même… Chez Sidoine, considérer la vieille Rome suppliant l’Aurore d'envoyer Anthémius à la tête de l'Empire nous comble à l'avance d'une immense cendre à venir - "ses cheveux pendent du sommet de sa tête, couverts de poussières et non d'un casque – tecti puluere non galea ; à chacun de ses pas chancelants, elle heurte son bouclier et sa lance n'est qu'un poids mort, non plus un objet d'effroi" – pitoyable, mais épuisant. À présent le dessin seul exhiberait de telles décrépitudes ; nous ne décrivons plus ces « crins pendant » d'une « tête » couverte « de poussière et non d'un casque » : les accusés se présentaient ainsi devant les tribunaux, ce que nous jugerions indigne - Rome plie le genou devant Jupiter - voilà bien 200 ans que l'Empire est en proie aux chrétiens – Rome alors condamnée par l'Histoire.

VII, 39-49

C'est ainsi que le néant des dieux tutoie le nôtre, Sidoine et Rome ont eu nos âges : nous glosons, nous épiloguons, nous mesurons la profondeur de nos erreurs - nous aurons toujours essayé d'agir.... La déesse s'embarrasse dans sa lance, « qui transporte son poids et non plus la terreur » (« n'est qu'un poids mort, non un objet d'effroi » - VII 48/49 que mes descendants se la transmettent car c'est ainsi que le déclin voit les choses : « le bouclier se colle à ses pas chancelants », ô guerrière vaincue. C'est dans ce peu glorieux appareil que Rome se va jetant aux pieds de Tonnant le Juste VII, 50 (plus tard aux pieds de l'Aurore, afin d'obtenir le brillant Graeculus Anthémius : voyez avec ma secrétaire…)

Voici longtemps que son territoire n'est plus au nord qu'une passoire à Goths, Hunniques et autres. Ne faut-il pas aussi la montrer dans un état pitoyable afin de rehausser le prestige de Celui qui la relèvera. Mais Sidoine ne saurait se dispenser d'un remplissage tout trouvé : il ne sera pas le premier à caricaturer une vieille, qui se terre "aux genoux du Tonnant le Juste", auquel personne ne croyait plus - reste encore à lire "Les Grecs croyaient-ils à leurs mythes ?" de Paul Veyne. "Ils y croyaient et n 'y croyaient pas - comment croire au corps même du Christ dans l'hostie ? en tout cas, nos chrétiens sourient en leur for intérieur.

Pour le poète ce ne sont plus que des ornements, dont on nous rebattra les oreilles des siècles et des siècles : « Je te prends à témoin », dit Rome, « Père sacré(sancte parens) et toute cette puissance divine que moi, Rome, j'ai possédée », VII 51 /52 - « Je te prends à témoin, dit-elle, Père sacré (gros bruit de ferraille - la panoplie olympienne va nous boucher la vue pour plus de dix siècles), « et toute cette puissance divine que moi, Rome, j'ai possédée » : la tournure grammaticale est bien plus alambiquée : illud quicquid Roma fui - « et tout ce que je fus, moi Rome ». Rome ainsi se présente comme une déléguée, un double, un reflet, une équivalence ! de la volonté divine de Jupiter. VII Mes biens représentaient les dieux, aujourd’hui Dieu. "Ecrasée par ma haute destinée, j'envie les humbles", plains-toi, Rome, abondamment. "Une étroite demeure n'a pas à soutenir le poids d'un vaste toit et la foudre ne menace pas les vallées" – VII 53 54

Vastes étalements de lieux communs. Elle est rompue par le sort le plus cruel, « envie les humbles », non qu'elle soit envahie de compassion, mais parce qu'ils sont les chéris de Jésus : les basses couches toujours ont été basses couches, ils n'ont pas à regretter leurs grandeurs passées ! Mais combien plus à plaindre, n'est-ce pas, les classes supérieures déchues !« Une étroite demeure ne soutient pas le poids d'un toit trop lourd et la foudre ne menace pas les vallées », VII 54 mais les frontons des plus hautes demeures ! une fois en haut, une fois en bas : cliché compris de tous.

Heureux les humbles ? Que non pas. Car l'homme veut s'élever. C'est de sa nature. A la fin il aspire à ne voir que la face de Dieu, et persécute le tout venant.

VII, 44/54

 

R. 117

À moi l'anecdote ! Des histoires, surtout fausses ! "Que m'annonça, dis-moi, l'haruspice toscan avec ses douze vautours ?" - vision obsédante, source jadis de joie et de fierté,les temps pour Rome, en ces années crépusculaires, semblent révolus. Les vautours ont fini de tourner. Depuis peu nous savons, ô beurreur de tartine ! que Romulus avait triché, peut-être triché, en déclarant le double de vautours porte-chance que son frère : c'est dans Plutarque. Le légendaire Vettius, qui prédit douze siècles de puissance à Rome, inquiétait les consciences du temps de Sidoine. C'étaient des siècles de 120 ans, parfois. Au maximum donc 1440 ans. Mais qu'est-ce que deux cent quarante ans de sursis ?

De même, les sept jours de la Bible ne se sont-ils pas dégradés en sept périodes ? Non, douze siècles sont douze siècles, pas un de plus, ni de moins. "De toute manière, la fin de la Romania n'était pas loin, au temps de Sidoine, si Vettius devait avoir raison. Cette crainte était assez répandue."

. Suivent les crottes référentielles, dont l'éminentissime Ferdinand Lot, que je tire du lot, parce que je l'ai lu... Macte animo ! "Ah ! pourquoi me suis-je enorgueillie des présages quand j'ai jeté les premiers remparts de mon peuple" (à présent de regrets) VII 56 et que tu ouvris, humble Romulus, le sillon de mon enceinte sur les hauteurs de la colline étrusque ?" VII 56/58 - oui pourkvââââ ? Mais nous aurions honte, nous autres Français, de seulement rappeler la victoire d'Austerlitz ! "Mon épée m'assurait plus de tranquillité, "Je fus plus sûre par le glaive" – Plus gladio secura fui, lorsque les assauts conjugués des Rutules, des Èques, des Herniques et des Volsques cherchaient à m'écraser." Nous ne trouvons nulle part à notre époque les regrets du bon vieux temps de la gloire.

Si : chacun parle du "déclin" de l'Europe, de la France – nul n'oserait plus consacrer des vers à qui que ce soit, sauf l'inénarrable Lalanne, poète comme un Léopold d’Uranus Seulement, ils sont aussitôt contredits par les chantres, les thuriféraires de tout ce qui est nouveau, meilleur : nous avons, nous autres, le sens du progrès, et nous connaissons le sens du vent de l'Histoire.

Mon épée m'assurait plus de tranquillité, quand le tourbillon joint (et non pas les très plats "assauts conjugués") "des Rutules, des Véiens, puis de l'Auronque, de l'Èque au totem de cheval, sans oublier l'Ernique et le Volsque." VII, 59/ 61

"J'étais déjà bien grande, même à tes yeux, et tibi, quand une femme perça d'un poignard son corps souillé et que par cette chaste blessure, ad castum (…) vulnus, tu revins, Honneur perdu." Allusion à Lucrèce, pas Borgia, l'autre, la violée. "J'étais déjà bien grande, même à tes yeux" (ceux de Jupiter) quand une femme rompit son corps par le fer ("perça d'un poignard son corps souillé"; et que, joint à cette chaste blessure tu revins, honneur perdu" - le viol de Lucrèce, bien sûr ! par Sextius Tarquin, fils du tyran ! VII 61/63 Les mythes ressassés finissent par lasser ; Rome redressait son petit bouton comme une dingue, outrée de vertu, quand une femme qui se croyait souillée L'honneur public, honor, est intact pour la violée ; du moins dans les mythes modernes ; mais l'honneur privé, honra, est détruit. Au Grand Siècle, nous parlerions de gloire ; "C'était déjà le temps où Tarquin et ses alliés étrusques" ( forcément, Tarquin l'était lui-même...) "m'enfermèrent dans mes remparts" – avocat, ah ! passons au Déluge. Tes lamentations me font chier, entends-tu le vol lourd des étrons dans la fosse ! VII 65

Nous aurons droit, je le sens bien ! au bouclier d'Horatius Coclès, au métacarpe grillé de Mucius Ces Veaux-Là - en sommes-nous à rabâcher les exploits du chevalier Bayard du Terrail !

Non : nous sommes bien supérieurs, nous autres modernes, à ces anciens-là, mais nos ouvrages sur le Déclin pullulent : "Ah ! brasier de Mucius ! Ah ! flots de Coclès !" - qui combattit sur un pont très étroit, comme Bayard au Garigliano ! Tous dans l'assistance soupirent, car le déjeuner nous attend ! "Ah douleur ! Pro dolor ! "Où donc est celui qui soumit le Samnite à ses lois : Gurgès ?" ma foi je ne connaissais pas celui-là.

Entonner la Complainte des Preux du temps jadis, ou ricaner, ou rouvrir les livres poussiéreux, notre choix n'est guère vaste. Ces luttes m'intéressent moins que l'Empire."Et Coriolan qui massacra le Volsque en fuite, et le dictateur sorti d'exil qui mit en déroute les Sénons ?" Les exploits de ces grands hommes, tous militaires, spartiates en quelque sorte, s’enseignaient aux enfants romains comme autant d'articles de foi - en bas de page, on me souffle : Camille (qui mit en déroute les Gaulois récupérant de leur soûlerie, car dans les défaites Rome toujours sut relever la tête.) oui, le second Romulus, grâce à qui Rome fut fondée une seconde fois).

VII, 55-65

R. 118 MOT 13 : mea redde principia

 

"Ah ! " ou "Oh" ! brasier de Mucius ! pro Muci ignes ! pro Coclitis undae ! VII, 65 étranges exclamations ! noblesse exaspérante ! pompeuse distribution des prix ! Gurgès, "qui soumit à mes lois le Samnite", qui ne se lavait jamais l'arthrite ! Marcius Coriolan, qui refusa de fouler le corps de sa mère, Ludwig opus 62, Sidoine VII 68 ! - et le défilé continue "Je revoudrais, dit-elle, "la vie de Fabricius’ (il refusa de faire empoisonner son ennemi Pyrrhus), la mort des Decius" (le père, le fils et le petit-fils : les Decius Mus, les Trois Souris, Mickey Mice, des Romains) –(aussi rebattu que notre "France, Patrie des Droits de l'Homme », aussi loin désormais que les Decius et Fabricius, VII 69, il est loin, Waterloo, qui valut plus de gloire à l’Empereur déchu qu'aux épiciers triomphateurs.

"Je voudrais » clame-t-elle, « ces victoires ou ces nobles défaites", VII, 70 bel et rare alexandrin sous la plume de notre traduttore Loyen. Le texte est en effet passé en effet du catalogue botanique à l'énumération chronologique, lieux communs des périodes à bout de souffle – de même s’épanouissent de nos jours les inépuisables dictionnaires – nous commémorons à tout va - "rends-moi mes principes", mes fondamentaux, "mes enfances" eût-on dit jadis : redde mihi principia.

Il s'échappe d’Apollinaire, Sidonius, des bonheurs d'écriture. "Hélas ! où sont maintenant les pompes « et les riches triomphes du consul pauvre ?" Cela finit par devenir émouvant. La distribution des prix vire au monument aux morts : "Cincinnatus le Bouclé, ce richard qui jamais de sa vie ne toucha la charrue ? Jeanne d'Arc, répétant comme au théâtre quatre fois la scène de reconnaissance à Chinon ?... "La pointe de ma lance » poursuit Rome  « a porté l'effroi sous le ciel libyen" – à présent la géographie – au-dessus des "greniers à blé" de Rome – VII 73 ; « au perfide Carthaginois  j'ai imposé trois fois le joug » - c'est bien à Rome en vérité d’invoquer la perfidie, elle qui proposa que la ville portuaire fût reconstruite 40km à l'intérieur des terres… "Le Gange de l'Inde, » hulule Rome - l'Araxe d'Arménie, le Ger d'Ethiopie et le Tanaïs des Gètes ont tremblé devant mon Tibre". Franchir un fleuve s’expie par des sacrifices aux dieux ainsi enjambés. À y bien penser, jamais les eaux n'auraient dû creuser des vallées, mais indéfiniment croupir ou ruisseler VII, 65-76

 

 

 

 

R. 119 (« mot 14 ») (« portare » v 78) VII 76/85

Et Rome énumère ses triomphes, dans une mélancolie bien plus forte que les amateurs de déclin d'aujourd'hui. À vous, Rome ! Il ne reste plus à Rome que la gueule et le carton-pâte "C'est moi que tu as subi, jadis, avec ton allié Teuton, ô Cimbre" : rappel de Marius, dont le nom fut glorieux avant d'être marseillais - "et tes mains alourdies par le glaive, j'ai ordonné qu'elles fussent chargées de chaînes". et ton bras, jusqu'alors chargé du poids des épées, sur mon ordre, ne porta plus que des chaînes" – portare catenas ! qui contestera l’énergie de Sidoine ? ces formules creuses, inadaptées : n'ont-elles aucune grandeur ? Les Teutons, « Teutsch », les Cimbres ou Kimmériens, n'apprirent-ils pas à Aix ou à Verceil en – 101 que la terre qu'ils exigeaient se trouvait justement sous leurs pieds, où il faudrait les enfouir ? Sidoine et ses contemporains, et tout Rome, étaient lucidement persuadés de leur plus profond déclin, et nul démocrate alors ne venait leur démontrer qu'ils se trouvaient en pleins progrès et que le noir était blanc. L’illusion des Romains venait d'un prétendu héros, qui reviendrait remettre de l'ordre - déni pathétique. Il ne reste plus que les noms; coruscants, et vides. Le signifiant qui ne renvoie qu'au signifiant, comme un entrechoc de coquilles creuses : "Malheur à moi !" poursuit Rome, Vae mihi ! remettez-moi une couche protectrice de tous ces noms qui firent jadis ma gloire jusqu'au Calvados, épandez sur ma tombe les fleurs et couronnes qui m'ont transformés à jamais en vaste mausolée ! ce Gange des Indiens, ce Phase des Colchides, l'Araxe d'Arménie, le Ger d'Ethiopie dont même Wikipedia ne parle pas, le Tanaïs des Gètes (c'est le Don, celui des cosaques) et le Tibre, orthographié Thy, vainqueur de tous ces éponymes fluviaux, ne renvoyant à aucun peuple, mais au seul affectueux possessif : "mon". VII 78 : "Hélas !quelle était ma puissance lorsque Scipion l'Asiatique, Curius, Paulus, Pompeius "imposaient à Tigrane, Antiochus, Pyrrhus, Persée, Mithridate, la paix, l'abdication, l'exil, la rançon, les chaînes, le poison." Soyez assurés que chaque souverain, dans l'ordre, a subi le châtiment correspondant : Et là, Sidoine se surpasse.

Par un vibrant appel aux morts,il oppose, un par un, les chefs de jadis vaincus, tandis que le troisième vers énumère les immenses bienfaits ou châtiments correspondants : à Tigrane la paix, l'abdication à Antiochus III de Syrie, et ainsi de suite, qui reçut l’inestimable présent de la domination romaine, bienfait des bienfaits ; Curius (Dentatus, le Dentu) cuisait des navets, et préféra commander à ceux qui avaient de l'or, plutôt que d'en acquérir par lâcheté : celui-là, c'est le grand, l'empanaché Pyrrhus qu'il vainquit ; ce dernier s'enfuit, car, "une victoire de plus, et il était vaincu". en de belles énumérations, comme on lit les victoires sur l'Arc de Triomphe. Achevons par Paul (-Émile) et Pompée, le premier sur le dos de Persée, le second sur Mithridate, qui reçut le poison par un suicide extrêmement laborieux - nous avions oublié Persée, et connut aussi les fers de la captivité. L'impôt fut imposé à tous : belle allitération en v-, prononcé à la moderne depuis Néron. VII 82. Que d'autres fassent la fine bouche. Pourtant, où du Bellay se limitera au sonnet, Sidoine s'enlise dans ses propres tartines de saindoux, et lorsqu'il a fini, il en rajoute encore, dût-il pour cela recourir à l'inusable prétérition - versifier pour ne rien dire, sans omettre de confirmer ce que l'on sait déjà, ou que l'on s'imagine savoir, sur toutes ces tribus dont le seul nom fait frémir. : "Je ne dis rien du Sarmate (Sauromatem, du Don à l'Oural), ni du Mosque, sans oublier les Gètes qui tètent du sang, " accoutumés (à ouvrir) les veines de leurs chevaux pour en teindre leurs coupes" : (nous chercherons en vain les chevaux dans le texte, Loyen s'autorise sans doute d'une source extérieure) VII, 82 "pour en rougir leurs coupes, ni des Parthes - quant aux Parthes, ils partirent : mais c'est surtout alors qu'il faut les fuir, car ils décochent leurs flèches en arrière : non pas en tirant à l'envers à l'aveugle (dommage), mais en se retournant sur leurs selles.qu'il est bon de fuir, surtout lorsqu'ils s''enfuient" – toujours la pointe... VII, 76 – 85

R 120

VII, 86-98

(« mot 15 ») 5VII 86 « sole » v. 88

. J'ignore si les panégyriques étaient scandés d'applaudissements enthousiastes, mais ces deux énumérations eussent pu l'être, voire debout ; "Et ce ne sont là que mes exploits terrestres : aussi nombreuses sont les mers et les nations lointaines, sous le soleil couchant, sole sub occiduo, où ont pénétré, sous ta conduite, mes armes étincelantes" . VII, 88 Rome se gargarise de ses exploits passés et ressassés. Les sentiments humains, ou divins ; réactions, évènements, tout n'est que tautologie. Le monde, nous le savons déjà, n'est qu'une immense tautologie.

Il y faut une pénétration que je n'ai point. Mais, poursuit Rome, nostalgique au sein flétri, la Terre entière ne te suffit pas : tu franchis les océans, toutes armes flamboyantes, jusqu'aux peuplades du soleil couchant. VII 88 Cependant tu n'as pas découvert l'Amérique. Juste l'Angleterre et les Calédoniens.

Ce sont les Césariens, qui ont découvert de nouveaux rivages. ."César a porté mes armes victorieuses jusque chez les Bretons de Calédonie, Caledonios (...) ad usque Britannos", VII 89 entendez l'Écosse, où César ne parvint pas, non plus que les suivants. Ils étaient roux et verts, les weps à l'air et la peau tavelée – "et, bien qu'il ait mis les Scots en déroute et les Pictes et les Saxons, il cherchait encore des ennemis, quand les bornes de la nature lui interdisaient de trouver désormais des hommes" VII 92 il y en avait, mais trop coriaces… Et tout là-bas aussi la terre avait des habitants. Il a mis les Scots en déroute? enquêtons : les Scots sont venus d'Irlande vers l'Écosse, après le retrait des troupes romaines, au Ve siècle.

...Les Pictes ? les "peinturlurés" ? en celtique, on disait "brith". Sans doute les Romains les ont-ils affrontés. Mais devant ces grands roux aux yeux verts, il fallut édifier un mur, derrière lequel ces derniers demeurèrent insoumis. Dans un sens, c’était bien la nature qui interdisait à l'homme de peupler des contrées si lointaines. Elle défendait à César de trouver des ennemis. VII 92 "L'ennemi est bête. Il croit que c'est nous, l'ennemi, alors que c'est lui". Desproges. Rome a mentionné aussi "le Saxon" : à l'origine, un Germain établi dans l'île de Grande-Bretagne au début du Ve siècle également. Il semblerait que Sidoine, et Rome, qu'il fit parler, aient transposé aux peuplades anciennes le nom des peuplades plus contemporaines. VII 90

Songez cependant à la vénération qui entoura Scott et Amundsen, Charcot et Peary, à leur retour (et pas toujours) de leurs exploits polaires.

Ce passage est "farci", dit-on note 20, "d'anachronismes et d'erreurs géographiques et historiques". Sans nul doute. César ne dépassa pas le nord de Londres. Passons à Octave Auguste : "Leucade t'a vu, farouche Auguste, briser la puissance du Phare", nous dirions de l’Égypte cléopatrique - Auguste, farouche ? qu'il avait donc changé, ce petit jeune homme bègue et boiteux... -"lorsque les soldats de ta flotte ébranlèrent les eaux d'Actium et que, par la déroute de ses armes, Antoine l'ivrogne dépouilla l'incestueuse Ptolémaïde ( Cléopâtre, toujours) du royaume de ses pères" les Pharaons. C'est beau, Leucade. Il y a un musée. De son rivage, en clignant bien des yeux, on a pu voir Auguste, le "farouche", écraser sur la mer la trop belle Cléopâtre, ultime pharaonne.

Elle a rejoint son "paro", ses "parois", son "palais", pour panser ses plaiplaies d'amour propre. Du Nord-Ouest au Sud-Est, tout tremble devant Rome ! devant le soldat maritime, qui ne se battait bien que sur deux vaisseaux bien amarrés par l'abordage ! la mer était calme et stagnante, c'était au large d'Actium, un certain 2 septembre de l'an -31. Nous sommes aussi en -31 : mais avant qui ? Rappelons que la victoire d'Actium fut due à d'habiles manœuvres de voiliers ; que Marc-Antoine aimait le vin au point d'avoir vomi sur le bureau du tribunal qu'il présidait ; que la pharaonne Cléopâtre avait épousé son frère, comme il était coutume en Égypte ancienne, sans que nul y trouvât à redire, car les Dieux aussi se mariaient entre frères et sœurs, et leurs enfants n'étaient pas plus tarés pour autant. Cléopâtre entraîna dans sa fuite l'ivrogne Antoine, VII 94 qui aimait siroter la vinasse, mais pas l'eau salée, que d'humour, que d'humour, Signora Roma ! Notre Antoine tourne poupe pour ne pas perdre sa bien-aimée ! Il avait "dépouillé l'incestueuse Ptolémaïde du royaume de ses pères" ! Il avait pourtant bien gonflé ses petits pectoraux, le mâle, mais c'était lui, le suiveur... VII, 86, 95.

Les Ptolémées avaient régné près de trois cents ans, soit l'espace qui nous sépare du Régent. "Et alors qu'autrefois je me plaignais des limites trop étroites du monde, stricto (...) cardine mundi, pensez aux points cardinaux, aujourd'hui la ville même de Rome n'est plus pour moi un rempart." VII 97 Mais "nous avons changé tout cela", et nous croupissons dans la honte de nos victoires : personne au deuxième centenaire d'Austerlitz. Ces Romains ! quels fascistes ! Sidoine Apollinaire, malgré ses prétendues infériorités, n'en est pas moins l'un des témoignages du sentiment d'abandon qui régnait sur notre monde. "Prise en 410 par Alaric, Wisigoth, en 455 par Genséric, Vandale", qui a pillé tous les temples, jusqu'aux toitures en or.

Les Vandales n'étaient pas les seuls à le faire. Après cela, seuls les Papes relevèrent le prestige de cette bourgade ruinée. L'Empire Romain ne pourrait plus être que bigot. Il ne comprendrait plus la partie sud du Mare Nostrum, s'étant en revanche agrandie de toute la Germanie, d'où le Saint-Empire Romain Germanique, anéanti d'un trait de plume par Napoléon... VII 86 98

 

R. 121

ICI, VII 98 – 103 mot 38, vers 102, "tota in principe"

 

Anton Bruckner perdit un temps considérable à rafistoler ses anciennes symphonies, pour les mettre au goût du jour. De combien d'œuvres puissantes nous aura-t-il privés ?

Se rappeler deux choses : Alexandre jadis, tenant entre ses mains une carte du monde (ou peut-être une sphère déjà) se plaignait qu'il fût trop restreint pour son ambition. Deuxième rappel : la limite de Rome fut un jour franchie d'un bond, par-dessus le sillon fondateur ; le sauteur sacrilège, Rémus, fut occis sur-le-champ par son frère Romulus. D’aucuns prétendent que Rémus, blessé, parvient à s'enfuir et fonda la ville de Reims. Mais cette version n'apparaissant que sur les emballages de biscuits Rem, nous sommes en droit d'en douter. "Sans doute, ô le plus grand des dieux, as-tu trouvé ma puissance excessive" : car Jupiter foudroie les sommets - "le jour où le Parthe Sapor de lui-même me rendit mes enseignes" VII 99 « et, en ôtant sa tiare » couronne exotique ! « pleura sur la mort des Crassus  pour se faire pardonner" l’écrasement de ses propres ennemis. Sapor, en persan "chahpour", comme Bakhtiar, assassiné en France : on prend pour un nom ce qui n'est qu' un titre en –20, et non pas une identité. Il s'appelait en fait Phraatès. Crassus est ce général très intelligent qui oublia l'eau pour traverser le désert, et mourut dans le désert. C'est en - 20, par une température glaciale, que Phraatès IV a restitué à Auguste les zenseignes perdues par les Crassus père et fils à la bataille de Carres 33 ans auparavant. Ils avaient en effet traversé un désert, mais n'étaient pas morts de soif. "Il faudrait vérifier / les sources de Montaigne". Quant au roi Phraatès IV, il ne "pleura" certes pas sur quelques enseignes restitues. Il n'avait pas non plus à se faire pardonner quoi que ce fût. Belle revanche en vérité de récupérer les trophées...

VII, 97-100.

sC'est ainsi qu'un poète écrit l'histoire. Pourtant, il a raison dans ce qui suit : "C'est dès cet époque, hélas ! qu'ayant arraché leurs droits au peuple et au sénat, je suis tombée dans la condition que je redoutais". La destinée de Rome ne fut plus républicaine mais confondue avec son Chef :: je suis toute dans le Prince", sum tota in Principe, tota principis, "j'appartiens au Prince". Le Prince était le Premier du Sénat. Les rois furent chassés, les rois sont revenus. Ce pouvoir n'est pas tombé tout seul: excusso populi iure suppose que ce sont les droits du peuple qui se sont effondrés d'eux-mêmes, comme frappés de caducité. VII 101-102

Les Romains de Sidoine ne sauraient reconquérir cette gloire passée. Nous nous gargarisons de même, nous autres Françaouis du XXIe siècle, avec nous fameux "Droits de l'homme" dont nous serions les initiateurs. Les Romains, pour l'éternité, restent les troupes casquées de la liberté disciplinaire. "

"Et depuis César, je deviens un lambeau d'empire"... VII, 103.

 

..."moi qui en fus la reine". Ici l'expression devient compacte et mystérieuse, à la Tacite. La difficulté de l'historien le cède aux délices de la devinette. La langue latine aime à faire deviner, comme Brutus offrait des branches creuses, mais contenant des lingots d'or.

VII, 98/103

 

 

R. 122 mot 39 « sero » vers 110

VII, 104 / 110

Chaque empereur à cet endroit est rappelé par un tout petit détail, mais qui fait mouche, tant l'auditoire s'est mûri dans la science historique. A moins que seuls ces détails en questions n'en soient venus à obturer les livres d'histoire : Tibère à Capri se faisant sucer dans sa piscine, Caligula chaussé de caligules, Claude et sa censure.

Mentionnons tout de même ce miracle de concision : vir morte Nero, "Néron qui ne fut homme qu'à sa mort". Il faut qu'une telle concision se soit accompagné d'une grande science des modulations, vocales et manuelles. Et le défilé continue, remontant à quatre cents années ; trouvez aujourd'hui un public susceptible de se souvenir de quoi que ce soit d'antérieur à la Révolution... Galba et Pison, qui n'ont joui que si peu du pouvoir, trouvent aussi leur place en cette évocation. Othon a renversé Galba, par bascule de dominos. C'était un "compagnon de débauches de Néron". Il se faisait des mines dans un miroir.

L'adjectif turpis veut dire aussi bien que "laid", "honteux". Rome se trouvait laide, et le commentateur paraphrase. Quel récapitulatif. Quelle barbarie. Ce récitatif englue. Tu connais, aussi bien que tous, les faits et règnes qui viennent ici battre les parois du cœur comme un assaut féroce de courtes lames. Nous apprenions naguère à nos disciples toute cette série d'empereur, nos traces garnissent encore des classeurs soigneusement conservés, si d'autres les ont jetés. Ici notre lamento s'entrecroise à celui de Rome à devenir gâteux.

Savoir si le ressassement désespère au lieu d’espérer ; Vitellius ne faisait qu'engraisser : "hideuse goinfrerie", « un ventre qui malgré la brièveté de son règne périt trop tard encore, sero perit » - chacun en eut son morceau, déchiqueté qu’il fût par la foule - tant ce pittoresque fait litière des profondeurs ; sans doute une armée entraînée remporte-t-elle des victoires, quelle que soit la nullité qui la dirige. Que d'heures nous avons passé à rabâcher l'histoire des Romains, en dépit des crétines interdiction ministérielles.

 

 

 

 

R. 123

VII 110/118

MOT 40, « capta » 116

Tout s'écroule, Vespasien, Titus, Pompéi et les murs de Jérusalem, d'où la peut-être imaginaire diaspora. L'Histoire est un contes de faits - « je fus alors la chose de Vespasien" - "Vespasien m'a eue, fatiguée" – lui qui ne nous laissa que les vespasiennes à ronger, tout en ayant la tête de pousser pour chier – il eut deux fils dont Titus, qui eut Pompéi, son frère . Domitien n'est pas mentionné : sa mémoire fut maudite. Ô combien de tyrans pour combien de braves ! Claude, Vespasien, Titus, "les Délices du genre humain" - depuis quand le bonheur dépend-il des puissants ? Mais enfin, passées les convulsions, vint l'apogée : Nerva adopta Trajan. Comment passa-t-on du tyran Domitien (que sa mémoire soit exécrée) au brave et bon Nerva ? VII, 112. 63,04, 3 On adoptait même des adultes. La paternité se comprenait mieux sous forme juridique et religieuse que sous forme spermatique.

Trajan fut adopté à 44 ans. Mais qui me lit sait tout cela. Sinon depuis longtemps il m’a laissé tomber. C'est le meilleur des princes (on ne disait pas « l'empereur », on disait « le prince ») - à Cologne proclamé, « colonie Agrippine ». Puis ce nom même disparaît, et l'on ne retint plus que Cologne - si longue en histoire, si haute en cathédrale, avec ses sex-shops au sein des ruelles. Trajan ne fut pas fou. Au moins un. Il avait toutes les qualités, « honnête, infatigable ». Tout le monde s'accordera sur les louanges (prabanges) de Trajan. C'est où, Trajan ? Il mourut à Sélinonte, chez une vieille femme qui refusa de croire que ce fût lui. Ô province conservatrice des tombeaux. Rome regrette encore ce règne béni. Captive de son âge plus encore que des Barbares – talem captam precor, « telle, captive, je supplie » - de sa décrépitude, comme le laissent prévoir nos propres symptômes.

Sidoine voit son beau-père en Trajan, vainqueur, poussé par le souffle de la Gaule, qui refoule les Goths aux gros renvois d’ognon : souvenez-vous d’Avitus, collabo. St-Germain du Qatar – priez pour nous. Ce ne sont plus des hommes qui naîtront, mais des foules. Dans nos larmes nos voix s’étrangleront comme en cauchemar, « étouffant la voix de la suppliante », vocem precantis.

VII 110 / 118

 

 

 

R . 124

mot 41 « celsa » 124 ???

VII 118/128

Nous habiterons la douleur et le deuil, et nous serons priés de penser aux bonnes choses, sans plus. Les dieux sur nous se pencheront, Mars et Vénus ligotés en plein coït, Romulus déifié, tous ceux à tout hasard dont nous ignorons les noms, non pas ainsi qu'à la Toussaint nous les aimons tous nos saints. « La Saturnienne se laisse fléchir » : qui est-elle ? Junon, fille de Rhéa et de Saturne, sœur et femme de Jupiter., qui jusqu’ici poursuivait le pieux Énée sur son esquif. Voici sur ton empereur, ton Avitus, le tampon de certification vétérinaire. Cessons de réclamer aux dieux des miracles, des accomplissements de destinée, ou autres fariboles.

Tu as su repousser maintes fois l'ennemi, consulte tes statistiques, enchaîne les calculs de probabilité : je vais (dit le poète) récapituler toutes les fois où tu as vaincu : après les triomphes, les beaux redressements. Tout reviendra. » Ô gyroscope emballé des hommes – sat celsa laborant, les sommets sont toujours tourmentés. La résilience jamais ne revint.

Second catalogue, Porsenna l'Etrusque en fuite, le soldat qui nage dans le Tibre en s'aidant de son bouclier (Horatius Coclès!) ô comme tout me sort de la bouche. VII, 128

 

R. 125

VII 129 143

 

La falsification perce à jour au vers 129, car Brennus (« Malheur aux vaincus ! ») ne s'est pas retiré de Rome : après avoir massacré les sénateurs, il avait obtenu le poids de son butin, sans être inquiété. Les Romains, invaincus sur leur Capitole, n'auraient jamais, malgré leur faim, bouffé les oies sacrées. Les Senons (de Sens?) n'étaient que des pillards, sans foi ni loi. Mais Hannibal, plus tard, nous l'avions bien vaincu, lui. Pourtant il avait soulevé contre nous les forces entières du ciel et de la terre. « Nous l'avons repoussé ».

Déjà Rome tardive avait succombé aux attractions cosmopolites. Le destin n'est pas dans la pureté. C'est à chacun de nous d'entraîner la roue qui détruit et recrée. N'accusons pas la cruauté de la nature et du temps : nous les mouvons nous mêmes de nos mains. Le temps d'Hannibal n'est plus. La modélisation du passé ne garantit en rien l'avenir. Déjà le camp carthaginois « se tenait tout proche de nos murs », quand « la foudre accourut devant la porte Colline ». Jupiter craint pour son pouvoir. « La nature redouta que Jupiter épouvanté (paventem Jouem) ne prît part de nouveau au combat ». VII, 129-135 « comme à Phlégra » : les dieux, là-bas, combattirent les Titans, l'ordre enfin régna en lieu et place du Chaos. Mais notre dieu avait eu chaud. TELLUS CLARA VERS 140. Nous sommes dieux. Nous vaincrons le chaos. Nous réorganiserons l'univers, et l'intérieur de chacun de nous. Lutte contre le double, épinglé par Bonnefoy, illustre mort tout récent. Rome doit se relever. Elle n'a pas cessé de le faire et règne encore, avec ou sans Vatican, féroce, dévoratrice, mais plus jamais guerrière. A présent dépositoire où les gens courent, et roulent, parmi les vapeurs de pétrolettes. « Lève tes lumières torpides » ô Rome, « tes yeux languissants » VII 134- car c'est ainsi que l'on s'exprime en vers, et les rescrits de Clovis emprunteront bientôt leur langue à ces images-là, jusqu'à en devenir incompréhensibles, car le latin ne sert à rien. « La suie délaisse ton esprit purifié ».. vii  135

Rome, on s'étonne de tes défaites ; mais que tu te redresses, rien d'étonnant. Apprends, je te l'enseignerai ! pour que se révèle à toi, morte de lassitude, l'endroit où tu pourrais du moins te redresser. VII 136 137« En peu de mots ». VII 138 De nos gaucheries gauloises émane une expressive conviction, Le poète soulève à lui seul de ses mots la Déesse-Ville abattue sur le sol, et la redresse étourdie. Que notre mère encore trouve assez de force, mais il est , nous dit l'infirmier, des phénomènes naturels contre lesquels nous ne pouvons rien. La patrie s'affaiblit. Mais l'Auvergne, issue du sang des Latins (« osant se prétendre frères du Latin et nés du sang troyen » disait Lucrèce (Bourgery traducteur se surpasse : Enée du sang troyen, trop drôle!) l'Auvergne, donc, terre illustrée par de vrais hommes tellus clara viris) VII 140 redonnera du sang neuf à tes veines épuisées, terre comme jamais auparavant la nature ne t'en avait offert.

Apprenons de combien les trahisons de traduction peuvent enrichir et renouveler le texte original : ainsi la Pléiade jadis a-t-elle rénové les anciens Italiens et Romains. Ennius a tiré des Grecs ses vers encore empreint de balourdises. Ici d'un suc épuisé s'extrait l'inspiration nouvelle, et nous découvrirons un jour le renouvellement grâce aux vieilleries soigneusement dépoussiérées. Ainsi nos humanistes ont-ils retoiletté Plutarque et tant d'autres. Jusques à quand, renaissance, mort, jusqu'à épuisement du samsara et du karma, mélange et touillage. Loin de la ville prospère le sol fécond : reverdis-toi, Rome, France, prends appui sur tes campagnes, comme jadis l'Empire sous Vespasien, du pays des Sabins. Mais la greffe arverne jamais ne reféconda la souche romaine, ou si peu. Sol qui sitôt fendu par le soc a soif des semences… VII, 129-143 - 63 07 05.

 

 

R. 126

VII 143/162

Semences donc « trop lentes à leur gré. « Ces « champs fertiles » (VII, 143) « découvrent à la vue une glèbe noire d'une fécondité mystérieuse, même si les bœufs s'abandonnent à la paresse » - il ne s'agit pas de la Colchide, mais de la Limagne, à l'est de Clermont. Pour les Romains, la vaste étendue cultivée reste le paysage de référence. Les montagnes attendront le romantisme. Pour nous les champs cultivés constituent le banal, il est vrai que nous ne mourons plus de faim. Que nous ne sentons plus par ici la menace du désert. [hic sqq, vers 151] et n'admirons plus la nature, du tout ; nous la plaignons, nous la préservons, nos extases ont quelque chose de la pitié au chevet du mourant. L'Auster, (145) on s'en fout. Nous ne confondons plus le Nil et la Libye, Toulouse et Mulhouse. Rien ne nous semblerait plus « épicier » que d'admirer une plaine, une vallée, à proportion de la bouffe qu'elles produisent. Le Gargare est une autre terre célèbre pour sa fertilité, aux alentours de Troie, l'antique. Mieux encore, la Phrygie ou Mygdonie, aux environs de Salonique. Passage particulièrement aride pour le lecteur. « L'Apulie et la Calabre lui cèdent le pas ». Enterrez-vous dans la Limagne, bande de bouffe-poireaux : l'Arverne (149) est l'unique espoir du monde, et non pas la Croix. Jamais nous ne serons assez surpris que Sidoine ait à ce point basculé dans le proto-sulpicien, alors qu'il n'a pas fait la moindre allusion au christianisme durant toute la première période de son âge adulte.

L'Arverne ou Auvergnat sera donc le sauveur du monde, comme jadis l'âme de la résistance gauloise. Mettons que Sidoinedissimule sa vanité locale sous des louanges agricoles ou ethniques. La vaillance guerrière des Gergoviens (152) fut bien connue, les voici à présent sous Avitus, et avec lui, pour régénérer le Latium. A pied, à cheval. Enfin le patriotisme éclate, enfin César vaincu montre ses vraies syllabes : je n'en veux pour preuve testis mihi Cesaris hic, ici, nimium Fortuna pauens, « que (l'extrême peur) l'effroi de la Fortune de César » (150-151) : nos Gaulois peuvent-ils renverser le sens de la faveur divine, à eux seuls !

Que ne feront-ils pas, eux qui furent capables de refouler dans leur camp les meilleurs soldats d'il y a cinq cents ans, s'ils deviennent à présent les chefs de leurs anciens vaincus ! Nous tremblons. Gergovie, en tête de vers (152) s'appelle aujourd'hui Merdogne. Grandeur et décadence. Les Romains, « résistant avec peine », faillirent se faire déloger de leur propre camp. Mais un autre site revendique le haut lieu ; à 6km de là. Il est donc indiqué, à présent, de célébrer « les ancêtres d'Avitus ». « Mais si j'ai voulu que les Arvernes fussent si forts, c'est que je destinais Avitus à marcher sous ta loi, ô Rome. » Beau sens de la hiérarchie. J'ai lu aujourd'hui une remarque de bon sens : les Arvernes, derniers à accepter le joug de Rome, furent aussi les derniers à le défendre, lassés de tant d'empereurs successifs et mortifères. Avec Avitus, il pouvait encore se faire illusion. Nous avons remonté le cours du temps. Sidoine rappelle tous les ancêtres de son glorieux beau-père ainsi qu'il l'exprime en vers allusifs, d'abstruse construction - enfin démêlée. Que d'ancêtres ici entremêlés, dont Philagrius fut le premier maillon. Mais Sidoine est seul à le citer. Nous voici aux Enfers, où les fronts des illustres reluisent. VII, 143-162

 

 

 

R. 127

VII 162/175

Mot 40 : gesta viri v. 163

Et rassurons-nous : tu seras Marcellus, tu succéderas à tous tes aïeux tu les dépasseras de trois coudées, on n'appelleras plus tes aïeux par leur nom, mais par rapport à toi : nom plus Untel ou Tel, mais le grand-père ou le grand-oncle d'Avitus. Ô rengorgements ! Tu as toute tirée la couverture à toi. Loin de te glorifier de la gloire de tes ancêtres, c'est toi qui fais rejaillir sur eux ton éclat d'à présent, VII 162 et de qui suis-je l'obscur arrière-grand-père ? Avant quel Jésus-Christ vivons-nous ?) - foin des vanités périmées. Assez ri, renvoyons dans les cordes ces coquardeaux : « Je chante les armes et l'homme » : « toi seul , Avitus, ennoblis tes aïeux. Je veux faire connaître les exploits d'un si valeureux héros, tanti / gesta viri, et retracer brièvement ses premières années ».

Belle exergue. Il faudra se reporter au Panégyrique de Trajan par Pline le Jeune, puisqu'il a fourni le modèle (ou « le moule ») d'un tel exercice de style : le panégyrique…

63 08 28, VII, 162. Et soyons bien pompeux. Encensons le ventre rond de sa mère, car « la valeur n'attend pas le nombre des années ». Sombrons dans l'emphase. Laissons à Jupiter le premier rôle (nous l'avions oublié : la première personne du singulier, c'est lui) ; Sidoine l'incarne et rappelle en son nom les faveurs précoces du dieu. Personne n'y croyait plus. Le père lui-même d'Avitus fut « effrayé » VII 166 des présages rabâché par les siècles. On prit les augures. Rome avait cependant changé sa religion. Sa panoplie olympienne encombrE les poètes pour plus de mille années encore. Si le père est effrayé, c'est de voir son tout petit enfant promis à la gloire, car la gloire est sanglante et son parquet glissant. Mieux valait encore un destin obscur. Mais voilà : tant de signes sont transparents. Plaise aux dieux que pour une fois Sidoine nous en dispense : serpents, torrents de feu et tremblements de terre, que tout cela ne fasse que l'objet d'une allusion – Zeus merci, il n'est question que des réactions paternelles. Celui-ci obéit à Jupin comme Abraham à Dieu : mais il va forger son fils à la dure, et c'est ainsi que des clichés cèdent la place à d'autres, aussi prégnants : il l'endurcit au froid, il lui glace les pieds à courir dans la gelée blanche et à casser la glace.( VII 172/3

La similitude des « enfances de chef » mène à confirmer cette audacieuse assertion : nous vivons tous, en gros, en somme, la même vie. Il n'est que de vagues circonstances à mettre en relief, pour donner l'illusion de destins individuels. En ce temps-là, tout militaire et tout sportif (c'est tout un) apprenait les vers et la prose, et la déclamation cicéronienne. Jupiter et Avitus se tiennent par la main, car le dieu ambitionne de grands desseins pour son si visible protégé. VII, 162-175

 

 

 

R. 128 Mot 41 : lupam, 181

VII 176/197

Ô connerie, inspire-nous. Marche avec nous dans l'ornière, et pousse à la roue. C'est Jupiter, tout de même, qui parle à Rome, et ces fictions résonnaient encore dans les cœurs circoncis de frais. Le futur empereur, dont rien en fait n'avait laissé entrevoir l'avenir, commence par les codices, « codiquès », avant de se lancer dans les combats de massues. Gargantua doit beaucoup aux enfances héroïques et romaines, et tout notre passé vient de là, des racines qu'on piétine. À défaut de la guerre, c'est la chasse qui sert d'exutoire, on tue des fauves, on s'exerce les muscles. Et ceci dès l'enfance. VII 178

Sidoine ici se surpasse : il nous apprend d'abord que l'animal est enragé, que c'est une femelle aux « babines ensanglantées », VII 179 qu'elle s'efforce d'apporter leur « repas » à ses petits tout en restant jeun : animal particulièrement féroce, attaqué près de ses petits, méritant d'être embroché à la lance, et qui surgit devant notre jeune homme à peine sorti de l'enfance. VII 180 Or justement, notre Avitus, futur beau-père et futur empereur, n'a pas d'armes : « Trop petit ! » Mais comme « des fragments » (de rocher) se trouvaient là, sur le sol, ce héros précoce en balança un bon bloc sur la tronche d'une louve, enfin nommée : rabidam, parantem, lupam enfin au septième vers : rageuse, en chasse de bouffe, une louve. VII 181

Qu'importent les petits ? les cœurs de pierre éclatent le crâne de cette mère infortunée, à l'ancienne, à la rude, à la préhistorique, la chair de la mère, et si vous y tenez, Sidoine ou Jupiter nous le montreront avalant la chair crue près d'une dépouille palpitante, mais au moins, « le roc demeura dans la blessure ». Une bouillie de cervelle surexcitait la vaillance des champions, les droits de l'homme et de la louve n'étaient pas encore gravés. VII 182 Ce que Sidoine n'a pas relevé (le voilà déjà dévié sur Hercule, brute proto-humaine) c'est que la louve, avant d'être un fauve, représente aussi la nourrice de Rémus et Romulus : ceux-là tétaient le lait, Avitus en aurait-il tété le sang ? 69 09 22, VII, 182 Hercule, c'est la force humaine défrichant toute chose, ronce, épines, monstres.

On l'appelle aussi Alcide, petit-fils d'Alcée, roi de Tirynthe. J'ai vu de loin, depuis l'autocar, ces ruines indistinctes. Je n'ai pas jugé bon d'en informer les connards qui nous servaient de compagnons de voyage. Ici je fais du Carrère. Alcide, « alkè », « la force », erre parmi les replis buissonneux de la montagne ; il rencontre un monstre, lequel ? Comme un indien sans cervelle, il a oublié jusqu'à la moindre de ses armes. Haha ! Que va-t-il faire ?

99 mot 42 : « feras », v. 189

L'étrangler à mains nues, parbleu. Le soulever par les couilles jusqu'à ce que sa barbe ne touche plus le sol. Hercule n'a pas sa massue de chêne. Ne pas oublier que je le connais depuis mes dix ans, car mes parents veillaient à mon éducation. Il n'a pas non pus de carquois, car, quoi ? Il est venu comme il était, à poil ou à peu près. VII 184 Tremblons, lecteurs assoiffées de lutte. Il tremble de colère notre chien, VII 185 l'ennemi est proche, il l'a flairé, il n'est d'autre Dieu que Zeus. Son courage est piégé ? castame directe. La fin de l'histoire est connue. Avitus le Gaulois règne son compte au sanglier, l'étrangle et l'encule. Des guillemets apparaissent : qui parle, et à qui ? « L'éloquence, c'est de dire quelque chose à quelqu'un ». Françoise DOUAY-SOUBLIN, « RHÉTORIQUE  », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 17 octobre 2016. URL : http://www.universalis.fr/encyclopedie/rhetorique.

Moi aussi, je sais faire chier le lecteur. Il reste peu de chose à dire, mais je les dirai, nous assure l'ouvreur de guillemets. Suivons nos humeurs. Étranglons le sanglier, enculons-le. Lonlaire. Avitus subjugue les dogues avec un collier de chaîne et non pas de chapine, et leur enseigne à débusquer les fauves, feras, de leurs tanières, où putain de bordel de Dieu y a pas moyen de roupiller tranquilles. JAMAIS PERSONNE N'A ÉCRIT AUSSI MAL ET JE VOUS EMMERDE. La truffe permet de repérer à l'odeur, sans traces matérielles : miracle du nez de chien ! Vous rendez-vous compte des conneries où s'abaisse le louangeur ! Le chien est obstiné, ne s'appelle pas Humbert mais provient d'Ombrie. VII 191

La seule tache de poésie est ici de nommer les boutoirs de la bête les « lunes », blanches sous la gorge noire, traduite par «hure ». C'est un jeu de les briser : faut-il viser entre les dents ou les épaules ? On tend le bras, comme ça, on le fait bien lutter, bien gonfler le muscle, et han ! dans les dents ! L'arme du chasseur, c'est l'épieu qu'on enfonce, en un coït mortel et prétauromachique. La bête n'est qu'une proie. Ça lui fait mal de se faire transpercer, mais l'antique est cruel, le futur empereur et beau-père est un homme, un vrai, on bouffera du sanglier ce soir. VII, 194 63 10 17. Alors, en un raccourci prodigieux à travers les siècles, Sidoine nous présente l'idyllique, le préhistorique tableau du mâle qui revient de la chasse, ô Lucrétius ! sous les regards admiratifs de sa famille, présentant la sotte hure hérissée de sa proie, qui ne fit plus peur car le chasseur au gros épieu l'a réduite à la mutité.

VII  176/197

 

 

R. 129 mot 43, per nubila vers 205

VII 198 / 204

Vite, vite, une comparaison, de la mythologie, de l'héroïsme versifié, de l'étiquetage : qu'il soit question des « champs Pandoniens » VII 198 c'est-à-dire de l'Attique, et de la chaste Tritonide, c'est-à-dire Pallas, née près du lac Triton. C'était notre question superbanco, poétique autant qu'un pet en plein Wagner. Athéna, carrément. Né à Mézy-Moulins, je serais à ce compte un Marnais, ou Mézymoulinois. Carrère, tu composes comme un con, tes interventions personnelles relèvent du plus pur fléau. Hippolyte rayonnait de sueur parmi tout son visage, alors comme ça, la sueur, c'est la sérénité ? Une mère et une belle-mère, dès le plus jeune âge ? Une fureur crétoise qui le poursuit ? Quoi ? C'est la Crétoise qui brûle d'une double ardeur, et « dépasse les mères par la tendresse et les marâtres par le mensonge ? VII 201 Phèdre ! Fille de Minos et de Toute-Lumière, Pasiphaé ! Amoureuse d'Hippolyte, dont elle est à la fois la mère et la belle-mère ! Mais bien entendu ! Ma belle-mère était ma mère ! Et quel rapport peut-il y avoir je vous prie entre Avitus le moche et Hippolyte le beau ? Notre empereur bougnat resplendissait-il au point d'exciter les glandes femmes ? Plus besoin du vol des oiseaux ! Sera-t-il dit que tout matamore paradant avec une tête de sanglier (pas la sienne) nécessairement montera sur le trône !

Oiseaux divins que la nature donne et divulgue afin que le peuple connaisse l'avenir ! Mais c'est lui, Avitus, qui aime les oiseaux, les volatiles, pour les tirer ! Quand on aime les animaux, on les tue ! « La chasse aux faucons », nous dit la note, devenue courante en ce temps-là, mais inconnue de Rome dans le temps… Des oiseaux deviennent des rapaces, des ravisseurs, contre leurs propres races ! Tartarinus Avitus de Beaucaire améliora la chasse au vol, au point de l'avoir inventée ! Re-carrément ! Procès, condamnation aux coups de becs à travers les nuages, per nubila ! Que je devienne fou, pourvu que ce soit moi ! « Le combat dans les nuées », vous dis-je - Avitus Imperator ? - Présent !

VII 198 /204

 

R . 130, mot 44 : praestat, vers 211

VII 206/211

Avitus « vainc les oiseaux par le vol », à tire d'ailes, imitant la rumeur des applaudissements de plumes, « mieux que lui, l'empereur, aucun lutteur ne l'emporte par ses griffes. Ensuite, par ici la caisse, le chasseur lui subtilise sa proie. Le futur chef d'État est bon chasseur, bon oiseleur : à coup sûr, il sera le meilleur pour diriger l'Empire. Quand on sait chasser à ce point, les Grands de ce monde ne peuvent que venir vous trouver pour monter sur le trône.

Si j'avais su j'aurais chassé. Pêché. Empalé d'innocents asticots, preuve de virilité. 63 11 14, VII, 206 .

63 12 09

Annonçons déjà que plus tard, lorsqu'il fut évêque, Sidoine a joui de la plus grande admiration, que l'on devait au plus grand poète de ce siècle-là, Redorons notre idole si souvent, si aigrement contestée. Ici, Avitus intervient. Le voici jeune, isolé, l'année 418 règne, et le voici qui obtient, malgré tout, l'abolition d'un impôt qui grevait le budget des Gaules : une amende, pour avoir soutenu l'usurpateur Jovin, aristocrate gaulois, qui n'a régné que quelques mois en 411, exécuté à Narbonne par le préfet des Gaules. Et l'incapable Honorius put continuer son règne. Mais le jeune Avitus obtint la levée de cette punition fiduciaire, qui ne s'exerça que pendant cinq années ; Honorius devait associer à l'empire le mari de sa sœur, Constantius, qui avait abandonné ce fameux Jovien, prétendant éphémère. « On n'est jamais trahi que par les siens ». Et c'est le même Constantius qu'Avitus osa affronter : ce traître qui a livré son complice Jovin pour se réconcilier avec Honorius. Traître à la fois à son souverain, puis à son complice.

Un cambrioleur qui livre son complice à la police, et puis devient policier : Constantius est le plus puissant dignitaire, « il fait droit à toutes ses demandes », omnia praestat.

 

VII 206/211

 

 

R. 131, mot 45 : Theodore, v. 218.

VII 212 / 220

Notre grand dignitaire, traître mais majestueux, admire un tel talent (on décapitait vite en ce temps-là), admire un tel jeune homme aussi sage qu'un vieux : Sidoine s'identifie à ce futur beau-père, comme lui jeune, sincère et talentueux. Il a même embouché la propre trompette de Jupiter, qui répond à Rome depuis des dizaines de vers. Donc, Rome, sèche tes larmes de grand-mère, et reprends espoir : tu as devant toi un chef, un Duce, VII 214 qui sait négocier assurément, mais aussi balancer des mandales en pleine gueule. La Gaule est en pleine tempête : l'ennemi, ce sont les Goths, les « Gétiques ». Ils s'installent, ils sont encore là, il faut les ménager, ils viennent de convaincre Avitus d'escalader le trône. VII, 217, 63 12 09.

Mais Sidoine fait l'historien. L'histrion historien. Il mentionne en accord d'installation, où Théodorus, « pas autrement connu » dit Loyen, servit d' « otage de haut lignage » : nobilis obses ,tu, Theodore, venis,VII 218 « toi, tu viens », chacun voyant alors très bien de qui l'on parle. C'est lui qu'Avitus réclame, car il serait de sa famille, au sens étendu de ce mot. Avitus, vêtu paraît-il à la romaine (qui peut l'affirmer?) se tient devant toute une cour en peaux de bêtes. Il affronte des fauves domestiqués de frais JAvitus encore notable incouronné se fie à ces Barbares sur leur parole. Face à lui, Théodoric premier, à Toulouse, to loose.

Pourrais récupérer mon otage siouplé.

 

VII 212 /220

 

 

R. 132, mot 46 : Pyrrhus, v. 226. Attention, vers 422 en attente plus bas

VII 220 / 235

Théodoric VII 220adopte la forme grécisée de Théodoris. Il a déjà mérité son égalité, avec ce que les gréco-romains présentent de plus noble. Partout dans le monde, even apud Barbaros, la parole donnée est sacrée, la vie sauve jurée se respecte religieusement, id est scrupulozé. Tu es beau, Avitus. Beau-papa, je t'admire. L'agneau se jette dans la gueule du noble loup. Magnifique spectacle, grandeur et gloire, esthétisme de tableau pompier. « C'est ta tendresse qui plut au roi farouche » - VII 222 Sidoine construit, Loyen badigeonne : «  (chose admirable…) que que pour avoir été délicat, tu aies plu à ce roi féroce ». « Peu à peu il apprend à t'apprécier pleinement » « et du fond de son cœur et de ses sens il veut que tu soies à lui » - qu'il est facile de dire « je fais mieux que lui », quand le travail est défriché. Peut-être devrait-on là borner son effort, quand ne viennent à l'éponge que des traits convenus. Tout est reconstitué. Avitus s'était-il confié à son beau-fils. Quels rapports existait-il vraiment.

Étaient-ils corsetés. « Mais tu méprises de traiter un ami plus haut qu'un Romain ».VII 225 Ce roi vêtu de peaux de bête ne t'empêche pas de le considérer du haut de ta condescendance. Tu n'es pas un collabo, « tu te refuses à placer l'amitié au-dessus de Rome ». Badigeonnage encore. Était-ce alors perçu comme rodomontade, ou comme outrance tolérée ? Comment pensaient-ils ? Cette retenue le stupéfie, augmentant son respect. C'est une retenue, non pas un échec. Deux hommes s'apprécient, mais craignent de le laisser paraître. Il ne faut pas que la diplomatie perde la face pour autant. Le privé se heurte au public, bien que les relations personnelles ne soient jamais absentes des contacts officiels.

L'analyse marivaudale, à bout de subtilité, se laisse submerger par la crue historique : caution doit être prise dans l'héroïsme du passé. « C'est ainsi, Pyrrhus, que tu voyais Fabricius tout raide » (et non pas « inflexible ») - rigidum sic, Pyrrhe, videbas / Fabricium.VII 227 Mais Fabricius était vainqueur, tandis qu'Avitus vient en réclamateur. De même chacun aujourd'hui se réclame du général De Gaulle - « comme le pauvre repousse, d'une âme riche, les richesses que tu as amoncelées » VII 228, 64 01 07.Tu es pauvre, ô mon ennemi. Tu mendies. Tu n'es qu'un roi, le roi des pires.

Ton or est sans valeur, « pour un Romain », ajoute Loyen ignoré d'Anglade (« pas même entendu parler », à chacun ses sources bien sûr, mais tout de même… Ignorer Loyen… sur son portrait de centenaire, Anglade arbore un sourire béat, épaté, alzheimerien. Paix à lui ; il nous a tous honorés - possède-t-il encore sa belle chevalière ?) Alors Majorien passe sous les ordres d'Aetius, qu'il faut lire « Écius ». Depuis longtemps les troupes ne sont plus constituées que de mercenaires « Scythes », dont Sidoine utilise le nom comme générique de tout barbare, car ça sonne mieux. Mais ils n'ont pas conscience de ce qu'ils défendent, ils ne le ressentent pas.

Majorien change de père, de chef d'armée. Le colonel est père de son régiment. La paraphrase se poursuit. Présentez – armes. Reposez – armes. Je n'ai pas su m'y faire. Le saut de la girafe. Ne rien laisser perdre. Rigueur mystique et non factuelle. Aétius avait vaincu maintes peuplades aux noms retentissants : les Juthunghen (habitants du Jutland danois, descendus en Bavière ? leur nom signifie « les Descendants »), les Vindélices qui sont un peuple et non pas un nom, également en Bavière. Alors surgit le Belge, résidu de gloire, que tu « délivres », « envahie par le cruel Burgonde ». Les pompiers courent d'un feu à l'autre en vitesse, à la frontière et non pas au lointain Danemark. Là, tout près, à proximité. Ô humains, dans vos bacs à sable.

VII 220/235

 

R. 133, mot 47 : gerens, vers 243

VII 236 / 244

 

 

Chaque tribu défile encore, longue chute de mortels, malgré la course de l'un, les javelots de l'autre, la natation des Francs, le bouclier cliquetant des Sauromates, race de lézards ? VII 236 Non, mais à l'origine des Amazones, au nord du Pont-Euxin. Ils avaient même vaincu les Scythes, juste bons à se réfugier comme alliés dans les rangs des Romains, qui tenaient en laisse des races multiples ; les Sauromates, aussi, à la trappe ! Devenus invincibles depuis qu'ils sont sous les ordres romains ! Le Salien est de pied solide : vaincu lui aussi, enrôlé ! Et « le Gélon », fameux par le maniement de la faux : komm mit uns ins grosze Heer ! Passage de sève molle dans la sève dure romaine ! En vérité, la chose est plaisante.

Les Romains assimilent, digèrent toutes les supériorités d'autrui ! Mais leurs germes et autres cysticerques les contaminent, Leurs arêtes vous resteront dans la gorge après gonflement, vous ne pourrez plus les extraire. Ils sont dehors, ils sont dedans. Ils se combattent l'un l'autre, mêmes armes ici ou là, et Rome suffoque sous ces haleines mêlées, s'imaginant les dompter – les Gélons, voyons voyons : ils mélangeaient le scythe et le grec. Des Scythes bâtards… Peuple des faucilles ? Étymologie de « Scythes » ??? 64 01 21, VII, 237. « Tu surpasses enfin, pour l'endurance aux blessures, ces guerriers qui, dans l'affliction, cachent leurs larmes dans le sang de blessures volontaires »  - ici le latin échappe à ma science, l'ellipse atteint des sommets, et ce n'est pas sans une longue tradition qu'un moderne a pu le surmonter. VII 240

Le reste est assez enfantin et furieux, puisqu'ils « se labourent les joues de leur lance et rouvrent, sur leur visage menaçant, les rouges cicatrices de leur plaie. » Ainsi les Amérindiens chantent-ils avant de mourir. Le texte est beau, C'est ainsi, « pour conclure », que l'armée romaine joue au « creuset des nations », ce dont on nous rebat les oreilles. Et ce qui risque d'amener le même résultat que le « vivre-ensemble ».

Voici à présent un morceau de bravoure, tant il est vrai que deux hommes se foutant sur la gueule jusqu'à ce qu'un seul survive, de l' Iliade aux westerns spaghetti, reste le motif favori de toutes les déclamations. Adoncques, à grands renforts de trompettes, oyons le « Combat singulier contre un guerrier hun de l'armée de Litorius ». Plus de 50 vers, o porca miseria : « Dès ces premières campagnes » ne correspond pas du tout au texte latin. C'est bien à moi vraiment de faire observer cela. « On lui confère à lui, tout fier, le titre d' « illustre ». autant dire de Haut Dignitaire, ce qui ne veut rien dire, mais fait très bien sur la carte de visite. VII 241« Avec sa cuirasse d'écailles » si commune ensuite, et « portant le visage blafard » - livida (…) ora gerens – sous la rouge aigrette (voici de l'Andromaque) (mais c'est avant tout «l'insigne d'un grade élevé dans la hiérarchie militaire »), Avitus « rapporte chez lui ses armes ternies par la vie des camps ».

VII 236/244

 

R. 134

mot 1 : nova bella

VII 244 / 260

Mais il rebondira. « De nouvelles guerre » - noua bella – VII 244 « éclatent « , Superman reprend du service. Le barbare, celui du moins qui n'a pas été engagé dans l'armée « romaine », s'est permis de pisser sur les murailles de sa ville natale, « Arverna ». Avitus va donc remporter l'étape. Il sert, ce jour-là, dans l’armée de Litorius : qui est-ce ? VII, 245 Il a vaincu la « bagaude » armoricaine (le « bagad ») - parfois des bandes ainsi s'agglutinent, attaquant d'abondants magasins, assemblées mouvantes de vagabonds armés. Tels sont alors les triomphes des généraux… Combattre aussi des barbares avec une armée d'autres barbares, ici, les Wisigoths, grâce à ses cavaliers « scythes », traduisez « hunniques »VII 246. Et ces Huns ne se gênent pas pour piller, pour incendierle pays des Arvernes.

L'armée dite « romaine », « qui ne fait que passer », apporte bientôt plus de ravages que si l'ennemi. Et pourtant, Litorius est un lieutenant d'Aétius, vrai Romain de la Bulgarie romaine. Il va donc falloir se prémunir de ces barbares auxiliaires qui se comportent « comme en pays conquis ». Un grand gaillard, « plus brute que les autres », cogne un Serviteur d'Avitus l'Arverne - VII 251 tu apprendras, « romain » ou pas, ce que vaut un Gallo-Romain Arverne. À tes dépens. Le serviteur s'abat, crevé, « quand mon Seigneur et Maître saura ça, tu peux compter tes abatis. » VII 253 - c'est comme si déjà sa vengeance était prête, un lien médiéval déjà unit le vassal à son maître.

Parvenu sur les rives du Styx (plus solennel qu'un enfer chrétien) il sait déjà que l'autre part de son propre corps, Avitus lui-même, viendra régler ce point de détail meurtrier. Avitus plus Arverne que Romain. Ce n'est qu'un « fait divers ». Il appartient au poète 'en faire une énorme chose, à grand renfort d'emphase et de figures de rhétorique : six verbes en un hexamètre, assez ridicule succession de mimiques dessinées, le gros violent qui rougit, qui pâlit, qui « frissonne » et qui « bout ». « Mes armes ! Mes armes et mon cheval ! » Médiéval, disions-nous.

Le haut gradé passe par toutes les couleurs et grimaces, se sent personnellement atteint, aime plus sa moitié perdue que sa moitié vivante, son serviteur tué que lui-même blessé, mais « au cœur »... VII, 244/ 260, 64 03 06.

 

 

R. 135

VII 261/269

Le héros se déchaîne, bondit (prorumpit), crie « aux armes ! », dégouline de sang, s'essore la cuirasse, s’émousse le glaive sur les Barbares et bref, ce n'est plus un sanglier cette fois, mais un rustaud vêtu de sanglier. La lance ne perce plus mais il va la faire percer, l'épée est crantée comme une scie mais on va la faire scier, les ennemis sont non pas même des autres, mais un collectif neutre, un pluriel informe, il faut tailler dans la viande. C'est avec ça, et rien d'autre qu'on va, ni plus ni moins, sauver l'Empire Romain. Nous avons admiré les viandards, de la Rome Antique à la Rome catholique. Juste une chair que nous avons serrée entre nos bras et qu'à présent nous écartons avec horreur.

Mais auparavant, il a faut s'armer, car c'est un sacrifice, de tuer : la chose est religieuse. Du fer pour serrer les mollets bien irrigués d'artères, bien luisant sur le crâne bien dur, le casque sur la tronche rouge, où la chair du boucher imbibe la ferraille. Et à cheval  ! Pauvre bête, qui sautait en l'air aux moindres mouches ! Le tableau s’anime, les portes s'écartent – que dis-je, « il arrache les portes de leurs gonds », carrément, c'est le Vulturne en crue, et mieux : « le Courage, la Douleur et l'Honneur lui font escorte ».

Pour les nombreux lecteurs du Roman de la rose, rien d'étonnant, sauf la date : 700 ans d'avance au bas mot. À Rome, il est héroïques d'affronter la mort, surtout quand on va la donner, que va donc devenir la pauvre porte elle aussi sortie de ses gonds et si lamentablement arrachée derrière soi… VII, 261/269, 64 04 02.

 

 

R. 136

VII 269/278

mot 3

« Sans répit il attaque (pétit, « il recherche », avec ap-pétit) du bout de sa pique les escadron armés, cherchant le combat en combattant, et à travers l'armée tremblante, par le trépas d'un grand nombre, il la récompense, de ce qu'un seul lui reste caché ». Un seul coupable évidemment ; donc il la punit... C'est ainsi qu'on devient héroïque. L'envers, c'est la mort donnée. Ce n'est pas seulement s'efforcer de troquer le victimat contre la bourrellerie. C'est aussi passer du côté de la force, du côté de l'Univers inhumain, transhumain, dépassant l'humain. Le Tout ne fait pas de sentiment. Pourtant nous éprouvons des sentiments, qui proviennent d'un autre pilier de la Kabbale, du Tout.

Cet homme pourtant qui fonce entre les bataillons recherche un insulteur. Et comme rien ne se fait sans modèle, c’est le petit-fils d’Éaque, juge aux Enfers, que l’on évoque, Achille en personne, « en quête du Phrygien Hector » : sa lance provient de Macédoine, pays sanglant de l’Émathie. Tout nom se voit ainsi relevé d'une épithète géographique. Une fois fois donc son ami vengé, Achille a rassasié sa douleur. Mais à présent, ces « viles hordes », il se contente de les bousculer, de les culbuter, comme du bétail : il les « rue à bas », seul contre « une amplitude de peuples», en vrac : le combat noble se livrera face à face, à égalité de respect.

Le sol nage dans le sang répandu, et la foule massacrable « hébète », « émousse » son arme pesante.

VII, 269/278

 

 

 

R. 137, mot 4

VII 279/294

Le critique se doit d'éviter à tout prix la paraphrase. « Dans chaque blessure », « à chaque coup », traduit Loyen, « il croyait voir tomber Hector absent ». Mot à mot : « Hector, pour lui (sibi) tombe absent ». Le français a besoin de béquilles compréhensorielles. Le guerrier dont il est ici question cherche un homme à abattre, et massacre tout ce qu'il voit. On livre au grand Avitus le fauteur de trouble, le grand massacreur qui tape dans le tas. Nul doute que notre grand homme et beau-père ne manifeste un jugement digne de Salomon. « Eh bien, ô toi nourri sous le pôle arctique, qui te mets en fureur... » - très bien commencé ! « et qui tues un homme désarmé, «viens (donc) te mesurer à un homme armé ». Avitus, futur empereur, va montrer à ce barbare boréal de quel bois gaulois il se chauffe. Et encore », ajoute-t-il,  je suis bon : « Déjà ma colère t'a beaucoup accordé ; et si j'avais écouté ma paire virile, tu serais déjà dans les choux, que tu arroses de ton sang surgelé. » « j'ai accepté que tu te battes, espèce de con indiscipliné. Maintenant je t'ordonne de cesser. Il est bon de tuer quelqu'un qui se bat. »

Notons que le future empereur se bat contre un auxiliaire hun, de l’armée dite romaine, mais qui se comporte « comme en pays conquis ». Ce sont les Goths qui vont remettre de l’ordre. Mieux que les Romains, même pas capables de commander leurs troupes. Viens te battre, si tu es un homme. Tu vas crever. Du wirst sterben ! « Il (me) plaît de (ne) tuer (qu') un combattant. » Le latin est tout dans l'ellipse. « Ainsi dit-il » Il saute en plein milieu, l'homme équitable ; celui qui combat d'égal à égal, Et l'adversaire, d'un coup, voit tomber sa propre férocité. Est-ce qu'il renonce ? s'adoucit, ou même, s'enfuit ? Ou bien consent à lutter loyalement ? Chaque mot est un carrefour. Dessine une menace, propose une voie. Déjà, l'empereur saute en terrain découvert. L'adversaire ne se dérobe pas. Il reste donc en pleine forme, il relève le défi. Et sitôt que les poitrails s'affrontent, la foule frémit de désirs adverses » (peut-être bien que l'on parie), et, suivant de près tous les coups, « elle reste suspendue à l'évènement ».

Les humains se battent, s'aiment, se défient. Les vers suivants sont violents : malheur à l'homme qui a peur ! Premier assaut, deuxième assaut, troisième assaut 'à moins qu'ils ne se tournent seulement autour), « voici qu'il vient » - qui, « il » ? Le futur beau-père. Il transperce de sa lance haut levée l'homme sanglant – sanglant de son sang, ou de celui qu'il a répandu avant, quand il tapait comme un sourd ? «Il atteint les confins du dos, « ayant rompu son thorax deux fois transpercé » (à l'entrée, à la sortie). Courage. Ils se sont tourné autour, on appelle cela des « voltes »,

Et ce n'est pas Avitus qui vient, mais sa lance, comme animée d'une force propre. L'influx du maître passe dans le bois. Et ce n'est pas seulement le thorax, mais bel et bien la cuirasse qui se trouve transpercée. Et tandis que le sang, par le double trou – sanglote, glougloute, la double blessure s'empare de cette vie hésitante. Obligeamment, le traducteur précise que cette vie-là se demande par quelle blessure elle va s'échapper. Ô sens de la précision, de la concision, des sous-entendus implicites ! Forcément implicite. Avitus a passé l'épreuve physique. Reste l'épreuve administrative. VII, 279/ 294, 64 06 02.

 

R. 138

VII 295/308

Avitus devint donc préfet des Gaules, quelque chose comme gouverneur. C'est assez dire son prestige. Et c'est toujours Jupiter qui parle, et prononce le serment par le Styx : « Je t'en prends à témoin, sombre Styx » - temet, Styx livida, testor - « le héros fut l'un de mes Préfets » - la Gaule, la vraie, ma Vlást, « pâlissait devant la colère des Gètes » le préfet honore les années 430. Ætius n'était-il plus qu'un homme brisé ? Non, mais lointain.

Avitus, toujours lui, va nous remettre tout cela en ordre. Ordem e progreso. Accumulons juste encore un peu les catastrophes : les dommages de territoire (l'invasion) s'étendaient librement. Les troupes romaines, composées de Huns, ne sont pas les dernières à tout ravager. Les ascendants de Théodoric et Théodoric lui-même fixaient leurs prétentions à la frontière du Rhône, et les Goths, les Gètes, tout ça par-dessus bord, y parvinrent sans coup férir, juste en déménageant, sournoisement, un peu plus vers l'est.

Mais les Goths ont vu les Huns, les « Scythes », sous leurs propres murailles à Toulouse, ils ont éprouvé de profondes chocottes, et « rien n'est plus redoutable qu'un homme qui a eu peur », formule à graver dans mes tablettes. Litorius en effet s'était efforcé de reprendre Toulouse aux Goths, avec des troupes de Huns. Il fut capturé, exécuté en 439. Il ne te reste rien, ô Rome. Ta couronne est tombée dans le crottin hunnique de tes propres alliés. Mais Avitus « est arrivé » : du haut de son tabouret, d'un moulinet de sa grande épée, il va te disperser tout ça, malgré l'absence de garnison.

D'abord, ô ruse, « il renouvelle le traité » : celui de 418, qui donnait l'Aquitaine aux Wisigoths ; et cette capitulation sera bien vue par les occupants Mais certaines astuces vont limiter (on ne sait jamais) les prétentions de ces derniers. La lecture de tes pages finit par apaiser Théodoric bien fâché d'avoir eu peur. Mais Avitus ne doit pas vraiment en être la cause…

VII 295/308

 

R. 139

VII 309/321

  • «Il suffit que tu aies ordonné ce que sollicite le monde », quod rogat orbis. Tu es, ô grand chef Beau-Papa, l'incarnation de l'ordre-des-choses, du bon-sens, et de la Ville, de Rome, qui elle seule concentre la volonté de l'univers, tout rond tout complet ! VII, 309, 64 06 30

  • « Une lettre d'un Romain annule tes victoires, ô Barbare. » Le papier contre l'épée. C’est trop beau. « Que les armes le cèdent à la toge ». Très beau. En attendant, ledit Barbare terrifié se cure les dents à la pointe de son épée. Avitus fut aussi important contre les Wisigoths que Sarkozy dans le conflit géorgien… Le brave Avitus, Hollande d'époque, se pavane sur ses chiffons de papyrus. Il applique les lois, il les inspire. Le voici Préfet du prétoire. Autant dire de nos jours Général de Division de la garde républicaine. Trompette en bois chef. En ce temps-là, ou de nos jours en Afrique, c'est encore quelque chose, et cela peut renverser un président. Avitus Beau-Papa sera prince, chef, empereur et même impérateur. Il faut que Rome, que l'auteur, se redressent. Avitus, connaisseur des combats cruels ? Ou marionnette de ce Théodoric II ? incapable ? Un docte spécialiste du Grand Siècle, j'entends le XIXe , assène que les Panégyriques ne furent que zéro, littérairement parlant.

  • Certes. Mais encore fallait-il préciser que nombre de détails historiques, même vus par le Beau-Fils, nous restituent malgré la brume une vérité narrative, effective. Juste avant Attila. Et ce n'est qu'une fois ce mandat accompli et non pas pendant, que Monsieur Gendre put s'adonner non pas à la culture des choux, mais au retrait à la campagne, dans ses terres, pour se livrer au fameux cher otium. Lettres, lectures,poésie. Et dans ce ciel à peine voilé, l'invasion de ces monstres pourtant abondamment utilisés comme auxiliaires, les Huns.

  • Heureusement Beau-Papa de temps en temps se soulevait la couenne et s'exerçait aux moulinets de métal. Et glouglou, le raz-de-marée. Voici les Nords, les Ours, les Arctiques – jusqu’au XVIIIe siècle, « l’Est », diplomatiquement, c’est « le Nord » . VII, 309/321, 31 juillet 2017.

 

R. 140 MOT 7

VII 322/330

C'est une avalanche, une précipitation de Barbarie : le « Ruge », le « Gépide » qui suit, sequitur, le « Gélonien », tous au singulier, autant d'individus vagues, affublés d'adjectifs aussi vagues que rugueux, autant de métaphores incarnées autrement dit d'allégories, tous issus de l'infernal chaudron des malheurs : qu'importent s'ils ne sont pas géographiquement repérés ou nominalement justifiés : ça débaroule, ça débacule, le Hun (le Hhhounousss) , le Bellonote (d'où sort-il?), le Neurien de (pas encore) Namur, si difficultueusement par César écrasé, « le Bastarne » (entre Carpathes et Dniepr) – mais tout cela, c'est du Barbare, de l'Autre-en-Soi.

Ils se mêlaient voyez-vous, sécessionnaient, obéissaient à tel chef puis tel autre, demande-t-on à chaque insecte son essaim d'origine ? Nous faisons grief à Sidoine d'une indécision qui manquait de pertinence : « le Bructère se déchaîne », il sera plus facile de vaincre tous ceux-là s'ils sont incarnés chacun par un seul guerrier fortement caractérisé, chacun avec son défaut, son arme, sa tactique, son point faible. Tibère avait vaincu les Bructères. Rome, c'était l'Un. Les Barbares, c'était l'Autre. Nécessairement vaincu, victible. Mais voici que l'Un-Dispersé, par son pullulement, souille et renverse l'Unicité.

Rome l'Unifiante cédait à l'assaut des vermines aux noms hérissés de mandibules et de consonnes. Le Franc (déjà Clovis est en vie) se voit attribuer un vers entier, lui « dont le pays est baigné par l'eau du Neckar couvert d'ulves » - un trait de nostalgie, c'est bien beau, le pays des Francs, bien traître, enveloppé d'algues ». Abattons leurs arbres, comme l’ont fait les colonisateurs d'Énée. VII, 321-325. Les dryades et hamadryades furent inventées afin qu'on n'abattît pas les arbres en trop grand nombre. Ils ne devaient céder à la hache que si des prêtres, ou druides, déclaraient que leur nymphe les avait abandonnés. Un pont de bateaux fut construit sur le Rhin, plus exactement tissé, comme du lin. L'expédition de César fut retenue par la légende. Mais nous sommes au temps d'Attila, répandu parmi les « campagnes » belges. Alors « le grand » Aétius, « le beau » Aétius, en tête de vers et de ses armées, avait quitté les Alpes, et se dirigeait plein nord ouest à étapes forcées, à la rencontre du petit méchant à moustaches. Mais il n'était pas bien fort, notre Aétius , sans même un légionnaire dans ses troupes. VII, 322-330

 

R. 141

VII 330/342

 

MOT 8 adfore v 331

 

Il était bien malencontreusement crédule, notre brave Aétius : l'armée des Goths allait lui manquer, elle ne se joindrait pas (adforé) à ses propres troupes (les Goths ou Gétiques seraient écrasés par Clovis en 507 ; le fils de Sidoine y trouverait la mort, ce collabo, qui désola son père.) Pour l'instant, les Wisigoths tiennent tout le pays. Les Romains les utilisent ; vont-ils se déclarer contre les Huns ? non : prudemment, les Goths se retranchent dans leur camp. Attila n'a pas de camp. Il n'est pas du genre à se calfeutrer en attendant l'assaut. Pour le Romain, une seule solution : rassembler «tous les notables » (de son armée peu nombreuse ? mais où les trouver ?  ...du lieu où il se trouve  à sa première étape?) et tendre le dernier ressort de l'énergie romaine : l’éloquence.

Notables d’applaudir, et de pousser leurss troupes en avant.

  • Parmi eux, svelte et jeune encore, se trouve Avitus, le salut », «qui n'a [pas] attendu les prières d'Aétius pour obtenir la gloire ». Viens leur en fourrer un petit coup dans le manchon : « Tu as voulu ? l'ennemi ne nuit plus. Tu veux ? il nous servira » Avitus retourne les situations comme un doigt de gant, puisque les ennemis, les Goths, sont finalement redevenus nos alliés ! donc, l'assemblée de notables s'est déroulée dans un camp militaire ostrogoth. Avitus est le précepteur du dauphin ostrogoth. Il convaincra les Goths dont il est l'homme de confiance : et c'est bien grâce à sa gloire que les anciens barbares ont cessé de se ruer sur nous. VII, 330-342, 64 09 29

  •  

R. 142

VII 343/350

 

MOT 9 prome v. 344

Et s'il est vrai que les Goths, ou les Gètes, « toujours hostiles aux Romains », à toi accordent la paix, c'est que les peuplades accordent davantage à l'homme qu'à la nation. De même en fin de vie nous ignorons ce qui n'est pas d'un seul individu. Cette propension des vieux rejoint l'inclination des jeunes tribus. «Va, assure à nos aigles la victoire, victrices, i, prome aquilas. Fais en sorte », poursuit Jupiter, qui a bien du souffle depuis le vers 123 ce qui en fait 213, « que les Huns, dont la fuite a naguère ébranlé notre puissance, servent cette fois mes intérêts en subissant une seconde défaite ». L'habileté oratoire implique ici de bien opposer la défaite des Huns auxiliaires, en 439 devant Toulouse, et la défaite à venir des Autres Huns, les Mauvais Huns, ceux qui ne se sont pas enrôlés dans l'armée « romaine ».

...C'est ainsi que les Huns repousseront les Huns… mauvais calcul ? Non : Aétius repoussera les hordes (c'est ainsi qu'on les appelle) d'Attila, en 451. Et sur cette prophétique allusion, Jupiter ferme sa gueule : telles furent ses paroles. Et comme Avitus, beau-père pourtant chrétien, donne à l'ancienne divinité ne « réponse favorable », les « vœux » divins devinrent «  une espérance » humaine. Regonflé, Avitus « part comme l'éclair », ce que confirme Jordanès (il incorpore Priscos à ses propres textes, pillage ou plagiat) : mais c'est bien Avitus qui « excite au combat la furie de nos nouveaux serviteurs » - preuve s'il en était besoin que Rome sait parfaitement apprivoiser et discipliner, ingérer (funeste illusion !) les éléments barbares les plus hétérogènes.

Mieux encore  le Hun et surtout le Goth, marchant « derrière les trompettes «romaines » « accourt à l'appel de son nom » : il est en rang, il est enrôlé, en ordre – simplement, on tolère à ses escadrons de cavalerie, « romains », d'être « vêtus de peaux ».

VII 343-350

R. 143

VII 351 / 361

Voici que les mercenaires s’attellent au patriotisme : ils serviraient même s’ils n’étaient pas payés - quel triomphe ! «Ce sont eux, hos, qu’Avitus entraîne au combat, lui qui avant même d’être empereur incarnait l’espoir du monde ». Sidoine invoquant le Phénix, « oiseau de Phébus », préfigure fâcheusement nos interruptions publicitaires contemporaines. Attendons que la poudre aux yeux se dissipe. Le « peuple des oiseaux » s’agglomère autour du plus glorieux d’entre eux.

Le phénix renaît de ses cendres, en Érythrée, le pays des têtes brûlées autant dire noire, ce miracle s’accroissant par l’éloignement géographique. Toujours est-il qu’Attila se pousse de l’épaule au portillon, de plus en plus près, lui… Majorien se trouve, pour sa part,

bien éloigné des champs de bataille, et Rome sent le vautour de la fin des temps plonger

du ciel. Cantat Valentinien, « l’eunuque », il fait poignarder l’excellent généralissime Aétius, « le 21 septembre 454 », par jalousie militaire : c’est bien le cas de dire que de sa main gauche, il s‘était tranche la main droite » - « et tu avais à peine, Pétronius, posé le diadème sur ta tête, qu’aussitôt la Barbarie se déchaîne »… du 17 mars au 31 mai 455 – voyez le misérable de nos convulsions, à lire ces pitoyables histoires…

Valentinien s’étant fait trucider à son tour, Pétronius, son bref successeur, avait pourtant épousé Eudoxie, veuve dudit Valentinien. Mais voilà : elle avait appelé Genséric, lequel a pris Rome, on le lui en demandait pas tant. Le milieu impérial faisait chier tout son monde. Ramassis de dégénérés. Ce qui restait d’honorable en aristocratie ne pensait plus qu’à recruter des chefs, des vrais, nobles ou pas. Et des diplomates, des vrais. Seulement, l’Empire voulait crever.

Le cycle des vautours, 12, un par siècle, s’achevait… VII, 351 / 361

 

R.144

 

VII 362/367

 

« ...et les Goths de s’imaginer qu’ils ont déjà pris Rome et que la terre entière va céder à leur frénésie », suo cessura furori. Sur ces Goths, ancêtres des Gueux, avaient régné Théodoric Ier (on dit aussi Thierry), puis Thorismond, assassiné pour cause d’hésitations, puis Théodoric II son petit frère affectueux. Mais nos Gueux vont éprouver l’intelligence exceptionnelle de leur grand Thierry II. Ce ne sera pas sans une longue périphrase appelée « comparaison homérique » : cette dernière est souvent empruntée à la chasse, à laquelle Valentinien III lui-même, tout assassin efféminé qu’il fût, n’était pas indifférent. En avant donc pour la chasse aux loups,

« Infecte digression mille fois rebattue » :

d’abord nous voyons bien les loups Tex Avery baver devant « les lourds effluves », les pets grassement parfumés des mignonnes brebis des deux sexes : « leur appétit en est stimulé, aiguisé », ils portent sur leurs visages, les loups, la réalisation de leur rapine de loups, trompant leur jeûne de leur rictus tombant, ce qui veut dire leurs sales mâchoires large ouvertes. Touchants, ridicules loups qui courent à leur mortification ! Les petits enfants se serrent l’un à l’autre en frémissant de peur et d’aise !   (v. VII, 362/367)

 

R. 145 mot 12, praeda v 368/387

Entendez craquer dans l’imagination prématurée des méchants loups la proie absente (absens...praeda) contre le palais : et passez sans transition aux vaisseaux de guerre des pirates, « fendant sur un esquif cousu la mer verte ». VII 369 371 et au sale Boche, l’Alaman, qui, chose curieuse, est un guerrier conquérant sur la rive droite, et un citoyen sur la gauche. Subtile analyse de la situation ! Demandez en braillant, et il vous sera donné satisfaction : une vraie stratégie d’islamiste ! Noter que sous Sylla, à l’issue de la Guerre Sociale, les villes qui ne s’étaient pas révoltées obtinrent le droit de cité, tandis que les autres ne l’obtenaient que plus tard… Ici, tu fanfaronnes, tu obtiens ; et tu fanfaronnes, en devenant citoyen de Rome.

Cela rappelle d’une part « si on te frappe la joue droite, tends la joue gauche » (la plus belle claque maternelle de ma vie), et d’autre part le fameux « il a voulu me casser la gueule, mais t’as vu comment j’ai paré avec le nez ? » « Avitus, maître de la milice » claironne le titre en marge : et même, « Maître de l’Infanterie et de la Cavalerie », comme on disait dans le temps, avant Constantin : « c’était le seul remède à la situation. Hors de question de rater un cliché: Avitus (après tant d’autres) se voit affublé d’une pioche (un « hoyau ») et d’une « courbe charrue », hagne donc, et revoilà Cincinnatus, le Bouclé, le Frisé, pourvu de « ses riches domaines » et qui n’avait pas plus touché un mancheron que Jeanne d’Arc ou Colonna n’ont gardé de moutons.

Nous aurions aimé en connaître un peu plus sur ces mutations effectuées de part et d’autre du Rhin, apprendre ce que pensait Sidoine de cette mascarade, plutôt que de récapituler cette éternelle et fausse image du « pauvre laboureur » » aux « portes d’osier », revêtu de sa « trabée », passant directement de la condition paysanne la plus misérable à la seconde magistrature de l’Empire : c’était le paysan qui avait semé, c’était le dictateur, titre de gloire, qui rapportait le grain sur son épaule, puisqu’il avait été surpris, le pauvre, en plein boulot de bon sang de bonsouiare… VII, 368/387

 

R. 146

VII 388/400

Avitus, pas encore empereur, mais « investi d’une lourde charge », obtient la soumission des Alamans (all – Mann, invariable ici), « Les attaques du Saxon (Saxonis incursus) faiblissent, et l‘Elbe contient le Chatte prisonnier de ses eaux marécageuses ». La question est de savoir si la seule nomination d’Avitus a provoqué cette prétendue obtempération des Barbares… il semble que des causes purement germaniques en aient été cause. Le coq s’imagine faire lever le soleil. Réglons maintenant leur sort aux « Chattes », à prononcer avec un son de jota pour éviter de fâcheuses astuces sur « la guerre des chattes ». On écrit aussi « les Cattes ».

Ce sont les ancêtres des Hessois d’à présent, et du temps de Sidoine,

« Ils ont depuis longtemps disparu de la carte ».

Loyen souligne qu’ « Avitus n’a pu remporter jusqu’ici que des succès diplomatiques ». Avitus a seulement « renouvelé le contrat de fédération », il a confirmé les « conquêtes » des Germains, le tout en trois « pleines lunes », trois petits mois, et « dirige ses pas vers les peuples et les campagnes tenus par le Goth farouche ». Ce qui signifie que les « Gètes » ou les « Gaux », les « gueux », dominent l’ancien peuple gallo-romain. Mais cette fois-ci, c’est vers un peuple ami qu’il marche, les islamistes modérés de l’époque. Sidoine confond tout, car il se veut poète - cet Avitus, quel homme !

Les Goths occupaient alors la Gironde. Et Sidoine rapporte ici ce phénomène aquatique appelé « mascaret », où surferont un jour les amateurs d’eau sale : « L’Océan, poussé par la marée, fait refluer la Garonne et la répand à travers champs » - pas de digues à l’époque. Certains avaient deviné le mécanisme de la marée. Les Romains, et avant eux les Grecs et les Phéniciens, considéraient avec l’effroi de l’ignorance cet impressionnant phénomène. Pythéas avait conclu aux influences de la lune ; mais d’aucuns s’imaginaient de gigantesques cavernes engloutissant ou rejetant les eaux. « La mer envahit le fleuve ; le flot amer escalade les eaux douces, et, jetée avec force dans le lit de la rivière, l’onde salée vogue sur des profondeurs qui lui sont étrangères ».

On ne saurait mieux décrire. « Avitus donc » nous dit la note « est passé par Bordeaux », car il serait peu probable de s’être borné à Bourg-sur-Gironde. Sidoine reviendra sur ce phénomène hydrologique dans un autre poème. Et de même que la mer couvrait la Gironde, de même les Germains recouvraient les peuples et les terres. Mais Avitus est arrivé ! Quels exploits diplomatiques va-t-il encore perpétrer ? Empêcher une guerre, évidemment ! « les chefs wisigoths allaient lui lâcher la bride » ! Avitus n’a pas même eu le temps d’arriver : par appréhension, les Vèses (ce sont les mêmes) « répriment leur courroux » ! VII 388-400

 

R. 147, VII 401/413

 

Et de quoi sont-ils « courroucés », les méchants « Vèses Goths » ? ...de ne pas pouvoir repousser les Burgondes ? Reprenons en vitesse les louanges de Beau-Papa : de militaire le voici « revêtu des pouvoirs d’ambassadeur, legati jura. En un tournemain, notre héros va vous dénouer ce vilain nœud gordien à lui tout seul. Il nous étonnerait beaucoup que l’assemblée « scythe » - !!! - restât paralysée, suffoquant de crainte ! ...qu’on ne lui refusât la paix et l’alliance ! Nous aimerions savoir qui fut le plus arrogant, du conquérant ou du conquis. S’il y eut même de l’arrogance. S’il y eut de l’humilité de part et d’autre, du respect. De le simple technicité. Sil y avait des dupes de cette fantasmagorie, de ces falbalas mythologiques.

Sans doute. Phaéton fut précipité de son char zigzagant : « déjà le jour pâlissait », il s’égarait, ce fils du Soleil, et le monde se décomposait, les éléments se déchaînaient, badigeonnons d’indigence la nullité des circonstances, combattons la torpeur, tandis qu’ailleurs « la chaleur trop proche s’acharne sur les étangs desséchés ». Les Scythes, ou pour mieux dire les Wisigoths (transposition : les Japonais, ou pour mieux dire les Chinois) auraient donc suffoqué « dans le fond de la mer changé en poussière » : que va dire l’immense, l’incommensurable fondé de pouvoir de l’invincible Rome ?

Mais c’est « Phébus », « dans sa clémence », qui « éteignit l’étrange embrasement ». Avit va parler ! Rome dicte sa loi ! C’est elle et son empire hélas qui depuis bien longtemps branlent dans le manche. C’est tout autour que le monde s’ébranle, entraînant Wisigoths, Scythes et Romains – voyez l’inversion , voyez le déni de réalité. Nos manifestations détournées de leur sens. Rien n’a plus de sens. Sidoine chante. Le jeune. Beau-Papa de Sidoine va donc se diriger vers Toulouse, avec escorte et faste, alors que ce serait aux invasifs d’implorer leur grâce à à l’Empereur. «Le hasard voulut qu’un Goth d’une certaine importance, après avoir reforgé sa faux » - les chefs participaient aux travaux les plus humbles, dont dépendaient leur vie, s’occupaient «à façonner sur l’enclume » leurs « épées » et à les « aiguiser avec un silex » : variante barbaresque de Cincinnatus derrière ses bœufs.

La convention l’emporte : l’inconnu, « prompt à s ‘échauffer aux éclats de la trompette », ne rêve que plaies et bosses » : mais, bordel de Dieu !

VII 401/413

 

R. 148 MOT 15 : replico

VII 414-434

voici le chef, contre lequel notre gorge gronde - moi je voulais reprendre le combat, mais pour moi, pour les Goths ! « Finie la guerre, rendez-nous nos charrues ! » Nous avons déjà fait la paix de 439 à 451 ! (il ne compte pas les années comme nous) - « si je me rappelle la période d’inaction, otia si replico qui a suivi l’ancien traité de paix, « ce n’est pas la première fois que celui-là m’arracha mon épée » des mains ! Putains de négociateurs qui font tout capoter ! C’est assez bien vu, mon Sidoine : ce soldat roume comme un malade, mais il n’est pas le chef en chef. Il éprouve de la « honte », « ô dieux ! » - chrétien de peu de foi… une fois de plus le glaive cède à la toge ! « quand ton amitié à mon égard s’exerce à mes dépens ! » Au lieu d’agrandir sa part, le peuple des Goths se soumet à son roi, qui se soumet à Rome ! au nom d’une amitié personnelle, je vous demande un peu ! ...autrement, pourquoi aiguiserait-il sa faux, son épée, son silex ? ô Avitus en grande pompe qui s’entend avec notre roi dans notre dos !

Ne t’en fais pas, brave Wisigoth, en démocratie, tout se passe de la même façon, mais dans l’huile et dans le sirop… c’est bien parce que nous laissons faire ! « Qui l’aurait jamais cru ? Voici que les rois goths veulent obéir » - la note de Loyen indique une résignation pleine de rancune… « Il est moins glorieux de régner », pouah und wieder pouah ! Ici intervient une articulation, un revirement : « Je ne peux même pas dire que si tu refuses le combat, c’est pour masquer ta lâcheté »- dommage,je te trancherais bien la gueule avec cette ferraille. « Avitus est en train d’apaiser le conflit » : ce grand Gallo-Romain représente plus que lui-même, il est impressionnant, cet abruti, son pote Messianus vient avec une armée beaucoup moins aimable, Vraiment, très intimidant : « une fois de plus nous déposons les armes ». Mais c’est bien parce que c’est toi, fils de pute. « Que te reste-t-il à désirer ? Que nous ne soyons pas ennemis ? » Et c’est ainsi, parce qu’il le faut bien, parce que l’ennemi romain avec son armée germaine brandit l’estime qu’on lui porte et accessoirement la menace, que l’aiguiseur de tranchant « juge » son adversaire : « je serai ton auxiliaire ; ainsi me sera-t-il permis de combattre ». Tant que tu es vainqueur, même vainqueur de nous - mais gaffe à la première défaillance !

Ainsi se formaient et se reformaient les groupes tribaux. À présent donc Rome régnera sur ses fidèles grognards…

« Tandis que le Wisigoth (Vesus) roulait ces pensées en son cœur insensible » - du moins jusqu’alors, car là, Bruni, il se montre réfléchissant - « l’entrevue avait eu lieu ». Il ne s’agissait que de renouveler le traité d’alliance, et nullement de refuser à l’envahisseur quoi que ce soit. Mais priorité à la flagornerie. « Le roi et le généralissime s’étaient arrêtés l’un près de l’autre » - Avitus et Théodoric II, « qui avait » (galamment) assassiné son frère Thorismond pour prendre sa place ». Place à l’enflure. Nous ne saurons jamais ce qu’il en fut.

VII , 415 - 434

R. 149

VII, 434/443

La mode actuelle est de bien dénigrer la notion d’invasion : « tout cela » nous dit-on « est bien relatif ». L’Histoire serait donc si malléable ? Des ouvrages paraissent sans cesse à propos de la Chute, les polémiques font rage, la Guerre ne s’est-elle pas réduite, n’est-ce pas, à une succession d’escarmouches, le révisionnisme n’aurait-il donc plus de grain à moudre ? « ...celui-ci portant haut la tête » (et l’autre) « rougissant de joie » : nous atteignons là les limites du ridicule. Le petit Paul chez la Ségur, digne représentant de la race blanche ! toise le sachem avec la tête à claques d’un morveux appelé à régner, tandis que la noblesse du Peau-Rouge se grandit encore de l’indulgence qu’il éprouve à l’égard du petit, du tout petit Paul.

L’Amérindien ne survivra pas aux massacres, mais ici, c’est Petit-Paul Avitus qui veut péter plus haut que son cul d’Auvergnat Et la rougeur du roi ne vient pas du plaisir qu’il éprouve de se faire distinguer par un hochet, comme un chiot qui court à perdre haleine après sa queue. Et de ce tableau idyllique Sidoine tire une comparaison incongrue : cette jonction des mains diplomatique « rappelle » que les Sabines se sont précipitées à poil entre les soldats qui s’entretuaient pour elles. Dieux merci, ces deux-ci n’étaient pas à poil ; et juste pour un jeu de mots : Toulouse et le Palatin se targuant d’être «de Pallas ». VII / 440 65 07 21

Le chant VII se poursuit, à rebours du temps : "le Vandale, profitant de la surprise, par une attaque brusquée, s'empare de toi, [ô Rome] » (ajouté par clarté) - n'était-ce pas Eudoxie qui les avait appelés, pour épouser Genséric, ce gnome ? N'est-ce pas le moine Boniface qui déjà leur avait ouvert les portes de l'Afrique du Nord ? la pourriture est dans le fruit – c’était en l’an 450, quarante ans sans plus après le sac d’Alaric – et la seconde fois fut ressentie moins scandaleuse que la première - "...et un Burgonde, par ses perfides excitations, te fout une telle rogne que tu trucides ton empereur" - foin du beau style, "éveille en toi un tel accès de fureur", mais, grandiloquence ou point, plus personne n'y entrave que dalle ! Trepidas iras, ce sont des colères qui trépignent, et non pas les "accès de fureur" ! VII, 443

...Qui est ce Burgonde, ou plutôt ce Burgondion (20% de Burgondes, 80% de surimi) ? quel intérêt aurait-il eu à soulever ainsi la lie du peuple ? nous ne le saurons jamais. Quant à l'empereur, ce trouillard, ce Petronius Maximus, qui n'a pas suffisamment anticipé la défense de Rome ; il fut massacré par trouille : « Petronius Maximus fut lapidé par la populace, affolée par l’approche des Vandales », donc avant la prise de l’Urbs. Combien tout cela éternue dans la poussière ! ...la note est du professeur Courtois, correcteur de mes devoirs d'étudiant, que je surpris en pleine vaisselle, ce grand homme… Il écrivit "en des temps très anciens" Les Vandales et l'Afrique – j’ai besoin à tout prix d’une monographie de ce Genséric, ce nabot soudé sur sa selle..

VII 434/443

R. 150

V 444/457

Lapidation impériale du 31 mai, pillage consciencieux, méticuleux, des Vandales, du 2 au 16 juin 455, qui dépassa de loin celui des Goths en 410. Poste ô combien exposé ! Ô combien justifiée cette exclamation surannée, "lamentable forfait" ! il faut blâmer cette lapidation ! Et c'est à cette lavette que Petronius Massacratus que beau-papa Avitus doit succéder ! Bonne occasion d’évoquer la revanche de Carthage et de la Dérouleuse, alias Didon, Élissa ! Quatrième guerre punique ! VII 444 - alors que les véritables Carthaginois sont désormais fondus dans les marmites de l’Histoire  sonnez, « perfides trompettes » ! VII 445. "Ô destins, quelles calamités nourrissiez-vous !" VII 446 Assauts épiques, Massyles d'Afrique, géants et péripéties de carton pâte se voient enjoints de danser la panade, et Carthage trois fois vaincue récupérait enfin sa mise, comme un Germanicus récupéra quelques enseignes rouillées de Varus  ! combien l’Historien n’eût-ilpas préféré ces détails de batailles, sublimes soubresauts de l’honneur ! Ici, les Romains, contraints et forcés, restituent le stipendium, la rançon des anciens vaincus. Ce sont les Gétiques, les Goths, qui apprennent "l'exil du Sénat, les malheurs du peuple, le meutre de l'empereur, la captivité de l'Empire" VII 451

Plus encore que les détails d’un improbable combat, c’est le retentissement de la seconde catastrophe qui fracasse la muse de Sidoine, jusqu’auprès des Wisigoths donc à Toulouse. Et si jadis les échos des victoires emplissaient de respect ses voisins immédiats, ce sont maintenant ses défaites qui aiguisent les convoitises du Nord et du Midi. Il faudra donc que ce soit un Arverne, téléguipar « le sénat wisigoth » et « la coutume des Goths », qui vienne de Beaucaire, afin de substituer au ventre mou romain juste capable de se faire lapider. À Beaucaire donc se tient une assemblée sale, grumeleuse du dos, mais vigoureuse, régénérescente : « les tissus ternis se graissent sur les maigres échines’ (belle traduction), bel exotisme, péronés de cheval, genoux nus, vaillants vieillards VII 444-457

 

R. 151

VII 458/488

Le Sénat des Barbares se tient. Il est pauvre, celui-là. Respectable.Ce peuple est sujet d’un roi, mais s’honore d’une sorte de sénat consultatif. Le roi wisigoth prend la parole : : « Je préférerais, je l’avoue, goûter encore dans la tranquillité du domaine paternel (patriis in arvis, VII 460) un repos bien gagné » - après une carrière qu’il se complaît à récapituler : « trois commandements militaires » et quatre fois préfet ; choses vérifiables – mais c’est plutôt le général Litorius qui agissait, Avitus jouant les mouches du coche diplomatique.

Silence gêné aussi sur Petronius, lapidé par la populace. Est-ce Petronius qui appela le beau-père de Sidoine « du prétoire à l’armée » ? Le prétoire des Gaules s’entend, car Avitus chevauche de là-bas vers Rome, et non pas à l’intérieur de Rome. Sidoine élargit le rôle de son beau-père, qui fut mandé, mandaté, adoubé pourtant par Pétronius le Gros Veau. Mais celui dont Avitus était l’homme lige, ce sera Théodoric Ier le Wisigoth, le « noble vieillard », « l’ami ». Le tout dans l’expression la plus grand siècle qui soit : Sidoine passe aisément de l’histoire réinterprétée au mielleux étincelant  : «Je vous demande de respecter l’ancien traité » - qui stipulait que ledit Théodoric ou Thierry ne franchirait pas les limites de la Narbonnaise.

Une fois de plus, Zorro est arrivé ; bonasse, modeste, pépère, Avitus le Ventru (il me plaît de l’imaginer tel) tient le premier rôle dans le discours. Il traitait, n’en doutons pas, « les affaires des Goths »VII 471, c’était un brave homme désireux d’honneurs modérés, décernés (pourquoi non) par un Barbare à peu près savonnetté. Discret, avisé, Avitus ! l’Avisé, excellent pour les petites améliorations appréciables, et appréciées, « mais la Fortune m’a ravi mon bon génie » : Mais « toute mon influence s’en est allée avec ton père » VII 475 - voilà qui serait bien impardonnable.

Nous avons aussi oublié la façon dont le pouvoir passa du Premier, mari de la reine Pédauque, au Deuxième Théodoric...

65 11 12 VII, 475.

Avitus s’adresse à son faiseur Théodoric des Wisigoths ; il rappelle que le paternel de Théodoric avait assiégé Narbonne, dont les habitants criaient famine en bouffant n’importe quoi ; la merde donne mauvaise haleine. VII 475 477 Mais il ne sert à rien de régner sur un tas de ruines et de mourants. Alors, prétend Avitus, l’orateur, « ses conseils » ont fait leur effet, le siège fut levé. Voit-on qu’un Avitus , :même  respecté ! parvenir : àdéstabiliser :un :souverain :isigoth ? :VII, :479- :480 ? notre :Loyen :lui-même en parle dans sa glose : « la part, minime sans doute, d’Avitus dans (la) délivrance de Narbonne ».

Partout le pas du touriste insouciant, du travailleur borné, foule les traces de la guerre. Avitus frappe au-dessous de la ceinture, agite les arguments affectifs et larmoyants, le geste de la nourrice à qui l’enfant Théodoric II le préférait lui-même, bien qu’il ne donnât point de lait. Des larmes coulent. Des tétons suintent. Me voici moi, ton papa nourricier, ton biberon adjoint, et je vais t’aider, mon petit Théodoret, comme quand tu nous chiais dessus. Beau spectacle, pommade ascensorielle. Et comme je suis ton allaiteur pendant que ton papa va se faire bugner la gueule à la guerre, tu dois obéir au défunt et me placer sur un trône. Sinon, c’est que tu « restes insensible à ma prière et refuse(s) la paix ». Applause, please, la foule réprouve les combats ». Très très émouvant. VII, 488

Et comme de tout temps nos brav’z’histori-iens

Ont aimé les discours qui ne servent-à-rien,

voici la belle Raiponce de Thierry II des Wisigoths :

VII 458/488

 

R. 152

 

 

VII 489-512

 

« Ahem, Brrem, Brrgoumpf : Ben voilà, tu fais chier, tu demandes la paix comme si j’étais mon papa. Ça fait trop longtemps que ça dure, mais puisque c’est toi, on va te la donner, ta paix péteuse, afin que tous les paysans puissent bouffer leurs légumes arrosés à la pisse. Mais c’est toi le plus fort, toi le Romain dont on voit le trou du cul à cent mètres quand il fuit. Alors comme c’est nous to-day qui pourrions demander à te suivre, nous autres, les alliés. Quant au rappel de papa-Ranci, il me fèche aussi. Ton argument est bas de gamme.

« Tu vois, Pépère, j’adore t’obéir. Ça me fait frémir du coccyx aux omoplates. Je fais semblant de te le tendre, encule, vas-y ». Mais, c’est répugnant, de voir ainsi Doine subvertir mots et circonstances, et s’amuser « à inverser les rôles » On dirait du pur Hollande, qui souille la mémoire. Ô le bas personnage. Qui transforme Théodoric II en solliciteur d’enculage : « Tu peux m’entuber, je t’obéirai comme un roquet, au garde-à-vous sous la saillie, c’est grâce à tes lois que nous avançons, bref tu es notre pion poussé sur l’échiquier mais nous t’obéirons comme de bas Barberes. « et si tes désirs se trouvent contrariés, c’est que les Goths l’ignoraient ». « Car c’est de toi, que j’ai appris « les antiques propos de Virgile », la jurisprudence et la poésie. Ainsi s’amollit ma rudesse scythique » Loyen ne remet pas en cause ces faits : au lieu de m’apprendre la politique, pense plutôt à raffiner mon fils. « Et aujourd’hui tu m’apprends que tu veux la paix ». VII, 499 mot 18 socium v 502

Et Théodoric II, en bon flatteur, évoque son « obéissance », l’ancêtre commun aux deux peuples (socium de Marte genus, il s’agit du dieu Mars ; « pour cette prétention, voir Jordanès, III, 1 » - voilà qui est précis… mais inexact ; nulle mention de cela en cet endroit) - Loyen vérifiait-il ses sources ? horrible soupçon. Déguisement des faits. Il serait bien étonnant que le roi des Wisigoths se préoccupât de lécher les bottes des Romains. Les versions officielles cabotent de contresens en mauvaise foi. Théodoric propose un marché : mais il l’enveloppe d’un long foulard circonstancié.

Une autre louche de louanges (cela se peut) : « en dépit des siècles écoulés, le monde ne possède rien de meilleur que toi », passe encore, « et rien de meilleur que ton sénat » VII 503 - c’est vouloir couillonner l’aveugle ; le sénat n’est plus rien, il règle les affaires courantes et discourt dans le vide. Il règle la profondeur des rainures de pneus et la température des sandwiches. Tout en vantant ses valeurs. Dont il ne reste plus que les slogans vides. Germanicus jadis avait rendu à Rome les aigles de Varus, et celles de Crassus revirent leur patrie sous le même empereur Auguste. Fibre sensible s’il en fût ! Le Wisigoth ne veut rien de moins qu’effacer la prise de Rome en 410 par son aïeul Alaric. Ce raid nocturne et victorieux n’avait eu pour motif qu’un retard de pognon. Tant Rome était depuis longtemps ravalée. Mais ce mépris du vaincu, cet écrasement de vermine, devient « forfait » : ce qui ternit Alaric, « c’est de t’avoir prise », ô « Rome ». VII 506

Les rôles sont inversés : avec impudence : nous te restituerons les signes, les aigles impériales, mais la Ville, nous l’aurons prise et pillée en vrai. Tu seras empereur, Avitus, mais ton pouvoir ne sera plus que du discours. C’est un os que jeté au fantôme de Rome : « je vais pouvoir expier les ruines d’autrefois en te vengeant des ruines présentes ». VII 508 Oui : Rome vient d’être reprise et repillée par Genséric, roi des Vandales. Tu en prends plein le cul, Rome, seulement, on te rends tes drapeaux pour te torcher (excusez l’anachronisme, mais c’est à peu près cela).

Et tout est inversé de la façon la plus impudente : c’est donnant-donnant : « Je donne mon alliance ; mais à condition seule que ce soit toi, l’Empereur »

Et l’empire impuissant récupéra ses tronçons de bois et de ferrailles. « Pourquoi détournes-tu les yeux ? » VII, 509 - Seigneur, je ne suis pas digne, disait le prophète. Aucune allusion à la Bible (heureusement ; Sidoine se rattrapera plus tard...). Les dieux d’antan sont toujours seuls considérés comme représentatifs, garants plus ou moins efficaces des serments. Avitus ne sera qu’une image au bout d’un manche. « La réserve, il est vrai, te convient mieux » - mais il se sentait honoré. Les sénateurs, même à Rome, étaient ornés de marques visibles pour mieux masquer leur indigence d’autorité. « Si tu refuses, nous attaquons ta grand-mère patrie ; si tu veux bien jouer le fantoche, nous n’attaquerons pas ta vieille. « Je suis l’ami de Rome, quand tu es généralissime;si tu es Empereur, je suis son soldat »

Tout à fait conforme au droit germanique : on ne s’allie que de chef à chef. C’est substituer le protocole germain au protocole romain. Voilà Avitus allié de la tribu wisigothe.

 

VII 489-512

 

R. 153

VII 513-519

Il existe un trône vacant. Tu ne seras donc pas, ô Avitus, un usurpateur. Je te suggère, moi Wisigoth, de t’en emparer pour le plus grand bien de la patrie romaine. Il existait donc encore un palais impérial. L’intelligence encore soufflait dans les coins. « Non, ce n’est plus pour moi un but suffisant (non sufficit istud) que d’éviter le mal ». Protège-toi, pauvre Rome, tes coupoles s’écroulent sur toi. Vit-on jamais un vainqueur s’abaisser devant le vaincu, et lui rendre les armes ? le Wisigoth demander humblement « est-ce que je peux t’aider à éplucher les patates? » - patathétique. La Gaule persuade fortement le beau-père de sauver « le monde ». La Gaule ? Oui, wisigothique. Le monde ? Oui, dit « romain ». Et cet imbécile qui va le croire. C’en est obscène.

Alors, le traité d’alliance est renouvelé. Sidoine nous présente un beau-père pensif. Le voilà réduit à se servir des Wisigoths contre les Vandales. Rome n’est plus qu’un croupion. Comment l’esprit avisé d’Avitus ne se rendrait-il pas compte du désespoir glacé de toutes ces entraves ? Où vont nos lois ? Aucune lucidité ? Propagande tenue pour de la propagande ? Les Gaulois accourent, et dressent un tertre d’acclamation et de proclamation ?

Jusqu’au bout, nous autres humains, nous combattons, redressons nos membres perclus, envisageons une fusion, un « vivre ensemble » entre Gaulois et envahisseurs. Les Wisigoths envahiront l’Auvergne. Euric, dans son coin, à 30 ans, voit déjà clair. Théodoric II a déjà liquidé son propre frère Thorismond, ou ne tardera pas à le faire. Les arguties de Théodoric II sont transparentes. Avitus-Beau-Papa se rend aux Gaulois, qui viennent de partout, Alpes-Maritimes d’aujourd’hui, pourtour septimanien, la chose est sûre, Narbonne est toute proche.

Les Pyrénées aussi, mais le Rhin ? qui aurait jamais entendu parler d’une délégation germaniques ? À moins que ne comptent pour germaines les troupes wisigothiques ici présente ? Y eut-il trois pelés et un tondu ? Ou une foule pleine d’effervescence ?

VII 512/529

 

 

R. 154

mot 19, 66 01 28. « sub puero »

 

VII 530

« Approchez Mesdames et Messieurs, dans un instant, ça va commencer ». Des gens se démènent, s’imaginent habiles politiciens : « Tonantius Ferreolus », « préfet du prétoire des Gaules » en 451. Il commence un beau discours historique, accepte le déclin – à quel degré en sommes-nous parvenus, « nous autres chevaliers du XXIe siècle » ? Y pouvons-nous encore quelque chose ? Sommes-nous sous un Prince Enfant, principe sub puero – V 534 car les Romains parlaient de « Prince » et non d’empereur.

Nous voici sous Valentinien III, qui avait 7 ans lorsqu’il parvient au trône, et s’est retrouvé à 33 ans face à l’empire fissuré, lézardé de toute part. Il et s’est même retrouvé assassiné pendant une revue. Et les Gaulois « sont dans la plaine », plus ou moins séparatistes, sensibles à toutes « les blessures de la patrie » - c’est-à-dire, sous Attila, non plus Rome, mais notre Gaule… Avitus, au secours - ah !… Rome nous dédaigne… Nous revenons, nous autres Gaulois ! Ce sont « les funérailles du monde », quel décliniste aura jamais ces accents ? « la vie fut semblable à la mort » : ne nous plaignons pas, c’est obscène, suivons le char funèbre de l’empire », c’est beau, c’est funèbre, collons au texte comme une tique, « satisfaits de supporter même les vices d’une maison décrépite » : ce thrène semble sincère.

Chez nous les déclinistes inspirent moins de peine et de croyance. Chez nous le peuple est las de tout un système économiste et népotique. Chez eux, on cherche un chef, d’autres familles. Ici quiconque est chef est maudit. Gaule, redresse la gaule, tu tu fus punie, tu te prépares à le refaire, nous ne suivrons plus le cortège funèbre, mené par Maximus, ce gros lard, de mars à juin, massacré.

Pourquoi Avitus est-il resté fidèle à Petrus Maximus ? parce que ce dernier avait fait tuer Valentinien III, meurtrier Aétius ? Quels étaient tes liens avec ce fantoche ? Ceux de la stricte légalité ? Les empereurs se succédaient par assassinat ? Toi, mon beau-père, tu aurais fait mieux que lui ? Tu as réuni toutes les contrées frontalières de la Gaule ? Dois-je le craire ? Tu es juste l’ami d’un roi wisigoth qui a trucidé son frère !

Écoute, Ducon, accepte : tu as pu repousser les Huns grâce aux Goths de Théodoric le Fratricide mais qu’importe, tu vas enfoncer les portes ouvertes de l’Empire et virer les Vandales ! « Après de tels exploits, nous nous sommes effacés devant vous, illustre [chef] ». D’abord Avitus est chef des Gaulois. Ensuite il a les Wisigoths dans sa manche. « Les plus hautes destinées t’appellent ». Hélas : Avitus est un avocat devenu ministre de la guerre, comme le dit si bien Loyen. VII, 530/551

 

R. 155, mot 20 « ad » (Fabium)

VII 552/564

À présent, ivre de gloire passée, Rome ressasse : nous ne sommes plus rien. Les défaites nous tiennent lieu de cauchemars. Lorsque tout s’effondre, personne n’est là pour « briguer » ni même « postuler », ni même « candidater » : il faut une éternelle paire de burnes astiquées de frais. Souvenez-vous, Rome fut vaincue et 33 000 couillons après la déculottée de Tessin, sauve qui peut ! La république, ou plus exactement l’État, vient « en hâte chercher Fabius », ad Fabium. VII 554 - venez à notre secouille ! Quelle tristesse, quel marasme ! Cannes, avec un s, acheva la déroute romaine : les chevaux n’avaient pas vu les fossés d’irrigation, sous l’herbe : badaboum ! Salaud d’Hannibal ! On élit le nommé Livius Salinator, le Saulnier, Il a cassé les cannes, rompu les roseaux, et ceci en trois mots latins, en tête de vers. VII 556

On étouffe là-dessous. L’Histoire, c’était quelque chose. Comme une merde au cul,

momifiée, qui n’arrive plus à tomber. Et d’un coup, de façon saisissante tout de même, Sidoine ou sa porte-parole passe au présent. Sa lucidité accable : l’orbe est dans l’Urbs. Le monde est, gît dans Rome. VII 557

La tête capitale est un capitaine endormi. « L’empereur est mort » - c’est Maximus,

vite lynché : les foules brillent par leur lâcheté. « la populace trahit le peuple ». Sobriété. « Montez sur ce tribunal », VII 558 ce petit tertre gazonné d’où le chef harangue ses troupes.

Napoléon s’en remettra de même à la Grandeur Britannique. Il aura tort. Reprenez votre amour. Mettez-le moi bien profond, que je renaisse. Émouvant, non. « N’allez pas vous figurer que vous n’êtes pas à la hauteur – du pouvoir. VII 560/561

« Seigneur, je ne suis pas digne » et toute cette sorte de choses. Mais pas de biblisme chez Sidoine-l’Éponge. Juste une longue lamentation digne, paupières sèches ;

La Patrie renâitra

Maréchal, Maréchal, nous voilà !

- sacré Dassary…

...adoncques, nous l’avons eu dans le culum, nosotros Romani, et tout à recommencé, en mieux qu’avant ! Mais un jour, on ne s’en remet pas, on tombe de l’échelle comme un vieux juge « au temps du choléra », « il y a des phénomènes naturel contre lesquels la médecine ne peut rien », on vit comme ça, douze siècles bien sonnés, et l’horloge sonne, ça fait des bulles, elle sonne en bulles.

VII 552/564

 

R. 156, mot 21 « redemptae » VII, 564/575

Alors parut, jadis, vachement jadis, Camillus le prédestiné, qui réduisit en cadavres les Gaulois agresseurs et les jeta sur les ruines de Rome. VII 564 Ça étouffe bien les cendres, les cadavres. Et pas besoin de pognon : une bonne paraphrase, pas de soldes mirifiques attribuées à des tribus rétribuées barbares, redemptae (…) tribus, VII 566/567 les vieux Romains vont ressusciter, leurs beaux mollets velus, leurs vieux kaskakrinières, cacaturumst, ça va chier ! Personne n’achète les votes du Sénat. Les dieux (et non le Christ) sauveront le monde grâce à la pauvreté ! « Tu es choisi pauvre » ! VII 568

La Patrie t’ordonne d’ordonner – mieux encore,  le chef barbare ne voudra t’obéir que si tu es loin au-dessus de lui. De même, le valet ne condescendait à servir que si le maître était à la hauteur. Quitte à lui en emprunter la morgue. La morgue d‘Avitus ? ...n’existe pas « Si tu commandes, je serai libre ! » VII 571 L’argutie est jouable. Misères du discours ! les soldats sont des Wisigoths, et l’assemblée du peuple, des Gaulois. « Le fracas des applaudissements emplit la cité d’Ugernum ».

Et tous ceux qui défilent en train au large de la Tour de Beaucaire ignorent que là, quelque part sous le sol, Avitus a reçu son diadème impérial. « Assemblée préparatoire », précédée elle-même d’une entrevue à Toulouse, où Théodoric a fait semblant d’apprendre au Beau-Père que Pétrus venait de se faire massacrer, et qu’il pourrait bien être, lui Avitus, le suivant sur le trône en attendant pire. Empire. Aussitôt dit, aussitôt fait. Les Gaulois, enthousiastes, recrutent des gardes du corps, en français, des body guards.

VII, 564-575.

 

 

R. 157 VII, 576/ 591

L’enthousiasme domine chez les donateurs, toujours prêts à refiler la patate chaude du pouvoir au noble Avitus, par exemple et tout à fait par hasard, « toujours sombre ». VII 579 Voici notre beau-père pourvu du « collier militaire ». à lui seul, il devra soutenir le ciel, comme Atlas - ornement mythologique de rigueur, mais en dépit des meilleures bonnes volontés, il est difficile et même impossible d’apercevoir la moindre trace de second degré chez les compositeurs de vers. Ne porte-t-il pas désormais «les insignes de la souveraineté », insignia regni », ce qui n’est plus guère qu’une allitération. Mais Il faisait déjà tout ; c’était déjà lui l’empereur. Une prédestination. Sous lui ? Non, sous Théodoric II, dont le dernier souci est bien l’Empire : l’année suivante, il se trouve en effet au bout de l’Espagne, incapable de secourir son impérial poulain qui s’est fait battre en Italie...

Avitus « était à la peine, il est bien juste qu’il soit à l’honneur », il enfourche sa plus belle haquenée, sur le chemin de Rome. Quel homme.

Ne viendra plus désormais, passé cette crête sommitale, qu’une péroraison, ainsi que l’écrit Loyen dans son texte : un dernier ronflement de tambour, Étaient-ils donc à ce point, ces auditeurs, détachés de l’observation objective ? Ne s’agissait-il pas aussi d’une fierté gauloise, in extremis et one more time confortée dans ses aspirations d’indépendance ? « Le vent du Nord, nous dit Loyen, « apporte au Midi, (c’est-à-dire aux Vandales), des nouvelles peu rassurantes pour eux ». VII 587Modestement, je n’avais pensé qu’à Rome. Mais il est bien question de « tumulte », levée en masse en cas de « patrie en danger » (soupir lointain d’une république momifiée), ainsi que de Libye, qu’il faut « rendre » à Rome après quatre incursions germaniques…

Devons-nous vraiment les rappeler… Une négociation a remis sous l’autorité romaine les Pannonies, autant dire Vienne et la Hongrie d’aujourd’hui, que ne fera donc pas notre Avitus de toute l’Afrique du Nord… (VII 589/ 591) Mais l’Afrique est un gros morceau, tonton Avite, bien autrement coriace que des peuplades improductives aussi bien que nordiques. Une petite promenade militaire, et Genséric le Gnome, Genséric le Hideux, repliera bagage vers le Rhin.

VII, 576-591

 

 

 

 

R 158, mot 23 « laetior » 592/597

Haussez-vous sur vos pourries cothurnes. Muses grasses de la fin des Temps, évoquez ces aigles entrechoquées, ces victoires à peine ébauchées, et que les divinités puissent réamorcer la pompe, car (il n’est pas question de chrétiens) les plus grands présages païens t’avaient tracé le destin. En ce temps-là, les dieux moribonds coïncidaient avec la politique, il n’était pas question de « Rendez à César »… Tu as fui ces excellents augures, ô discret, trop discret Avitus – comment tes diplomaties pourraient rivaliser avec les chevaux barbares ? « Un vol d’oiseaux favorables fit tomber de tes épaules ton manteau de citoyen » : où voit-il des oiseaux, notre bon traducteur ? « Un mouvement favorable » ! Ce présage a-t-il eu déjà lieu, eet Sidoine calque-t-il sur les célébrations anciennes ?

Un tel présage aussi bien pouvait prédire une catastrophe personnelle, une perte des droits civiques, ou ce que l’on voulait. Rien ne manque aux oripeaux de gala. « Et toi, tout heureuse, laetior, de posséder aujourd’hui un tel prince » - l’empereur se désignait, depuis Auguste, sous le nom de « Prince », « Premier » des sénateurs sans plus ; «Rome notre mère » (emphase à la Nisard) « relève tes joues » de vieille peau chialative, et dépose ta honteuse décrépitude…

vii, 592/597

R. 159, VII 597 ad finem

Je revois cette couverture où un Arcadius, olivâtre et vide chancelle des avant-bras surchargés du sceptre et de Dieu sait quel autre hochet. Son regard ne reflète rien, qu’une immense lassitude de mioche. Avitus a 60 ans. L’âge de déposer les armes à cette époque. Mais Avitus reçoit la bénédiction du père des Dieux, c’est assez. Répond un hurlement de joie, aussi disproportionné que celui d’une fin de meeting rochelais. VII 599

Un petit coup de Parques fileuses ne saurait nuire « pour tes règnes », imperiis...tuis, à grand renfort de « fuseaux volubiles », qui tournent, en mouvement perpétuel, infatigable rotation de la sphère céleste. C’est leste ! Mais une belle expression toutefois : « Voici un souverain d’âge mûr qui te rendra la jeunesse quand des empereurs enfants t’ont rendue vieille ». Ô vœux pieux !

VII, 597-602

 

R. 160, CARMEN VIII vers 1 à 18

Ici s’éteint une grande voix, poussée par le souffle lyrique. Ne subsistent que des braises pieusement recueillies, parmi lesquelles palpitent les vers superflus refroidis sur la pelle des siècles. Aux formules et titulatures s’enchaîneront es commentaires pompeux et précipités sous les précipitations - combien n‘avons-nous pas perdu. Le poète à présent s’adresse à ses vers, à l’occasion de leur dédicace. Il les traite d’ « essaims », ce que le traducteur ne semble pas avoir compris. Les abeilles sont compagnes des muses. Les fastes impériaux n’auront duré qu’un petit an et demi : « Restez donc sur place, ô bagatelles ; vers où vous hâtez-vous ? Le dédicataire, Priscus Valérien, nous aime. Amat. VIII 4

Il nous tient en sa dilection, en sa préférence / Qui donc est Priscus Valerianus .  ? Le préfet du prétoire des Gaules ». « La tendre amitié vous lit d’un front sévère » . Mais Priscus jugera ces vers en éminent professeur : « Tous mes nouveaux titres de gloire », nous confie l’auteur, « ne me servent à rien » : la suite nous éclaire : il s’agit de « mon airain », ma statue de bronze, que je suis modeste de mentionner pour affirmer, en trois vers, que je n’en parle pas. Et versiculets de s’exclamer : « Partons, partons ! tu ne nous retiendras pas » - c’est aussi con que moi, en 5: « Un wagon est là, qui nous tend les bras : partons ! partons ! »

Mais les distiques de Sidoine se soumirent volontiers au jugement d’un « connoisseur » : Priscus, de la belle-famille - « il sait apprécier un poème et, s’il est prompt à juger, il est lent à mépriser ».

Ô lents effritements de la gloire, ô Bouvard, ô Pécuchet. « Une fois lus, je t’en prie (hoc rogo, livre-les au bûcher (rogo) – le premier rogo a tout l’air de signifier « je t’en prie », mais en lisant le second rogo, qui, lui, signifie vraiment « je t’en prie », nous nous rendons compte que le premier signifiait, en fait, « le bûcher » - Ah ! laissez-nous, de grâce, respirer !

vv. VIII, 1- 16

FIN DES PANÉGYRIQUES

chant IX À FÉLIX

R. 161

Commence alors un douloureux supplice : 346 vers pour énumérer tout ce dont Sidoine ne va pas parler. L’univers n’y suffirait pas. L’en-tête lui-même est pompeux, distendant à plaisir l’épithète et le nom, « un laarge (…) salut », ce que le traducteur mondain nous aplatit :  son salut le plus cordial ».Loyen parfois suit les traces de Nizard et de tant d’autres qui font dans le Fénelon bien ouaté.

Mais si l’on traduisait à ma fantaisie cela tournerait au grotesque, dont Sidoine serait absolument dépourvu. Ne tombons pas jusqu’aux extravagances de la forme,qui peut-être n’en sont pas : « Réponds, réponds à ma question, Magnus, je t’en prie » « mot à mot : « dis, dis ce que je demande, et je t’aimerai », « toi qui es Félix par le nom » : cela signifie « chanceux » - « par l’intelligence, par ton rang, par ta beauté » - « tes enfants » - toute la famille ici va défiler, entre deux haies de virgules, jusqu’au « plus noble de tes cousins, Camille ». Le camille, c’est l’enfant de chœur des sacrificateurs.

La d’note 1 est aussi complète qu’une farine de kugelhof. Nous apprenons que ce Magnus fils de Magnus était condisciple de Sidoine, et l’admirait. Le même Magnus fils, dédicataire, fut le « confrère » de Sidoine (ils écrivaient tous deux) à l’académie de Narbonne, alors capitale intellectuelle.

Les petits vers sans importance n’en susciteront pas moins de la jalousie, plus par leur destinataire que par leur valeur ! alors que leur papier sera douceur d’anus ! Ce serait charmant, si ce n’était si convenu. Peut-être devons nous révérer chacun de ces clichés comme les pas d’une chorégraphie rituelle. « Je t’avertis » nous dit l’auteuil « de ce que tu souffriras de cahots », de sursauts. Nous connaissons la suite, qui n’est que la plus sotte et la plus plate prétérition que j’aie jamais lu : Sidoine énumère tout ce dont il ne va pas parler, 346 vers durant, supplice atroce. Ce que j’écris est si chiant que jamais tu n’auras la force de le lire en son entier – voilà ce qu’il aurait pu versifier, s’il avait eu de l’humour – hélas, il en avait.

...Hélas, nous pouvons en douter. « Nous ne courons pas dans les sentiers battus » : ma foi si ! « ...et tu ne trouveras nul passage où Thalie foule les traces anciennes des devanciers » - oh que si ! Mais que proposera-t-il donc de neuf, notre Sidoine ? Rien. De rien. Des singes grimacent, et ne proposent rien que des grimaces. Il n’y a là qu’étalage de vide, motivations qui nous échappent, qui peut-être n’existent pas.

À quoi servent après tout les contorsions des cirques, les angles droits sur les anneaux, les excroissances du baroque, les records du Guinness Book ? Sidoine cherchait-il en ces badinages une ivresse de même nature que celle du plongeur en apnée ? ...toutes proportions gardées… Nous nous garderons de toute lassitude, mais sans nous préserver de piques venimeuses. Nous ne ferons pas, mais nous ferons.

VIII 1/18

R 162

 

Voici le catalogue de tout ce qui se savait, mais dit « autrement » - je cherche des excuses. Ne pas oublier que Valerius Flaccus au Ier siècle de notre ère avait choisi de mettre en vers l’histoire la plus rebattue disait-il (les Argonautes) justement pour la renouveler ; n’oublions pas que Flaubert ne voulait plus qu’il y eût de sujet à sa prose. Notre monde est devenu plus vaste – qu’en savons-nous. L’antiquité, pour nous, c’est la mesure, les préjugés les plus plats, la sagesse la plus rebattue.

Revoici « les antipodes et la mer Rouge » - vous étiez loin des antipodes mais vous saviez ou pressentiez que la terre était ronde. Vous étiez  limités mais pas pervers comme sera le Moyen Âge, pour qui le monde se limite au nombril de Jésus sous peine de mort. Abîmons-nous de modestie. Que Sidoine énumère les villes, « Artaxata » d’Arménie, « Bactres » d’Afghanistan, « Carrhes » en Turquie, désormais trois bourgades, et Babylone-Baghdad « s’ouvrant largement au fleuve  largum fluvio patens l’enferme dans ses remparts et boit ainsi l’eau du Tigre sur ses deux rives » - faisons comme si c’était la première fois.

« Ninus » fut « le premier roi des Assyriens : ...fils de Sémiramis – on parie ? - non, son mari, fondateur de Ninive, et tué par sa femme, qui voulut régner seule. Eh bien non, nous n’en parlerons pas. Jouet suivant : « Arbacès, fondateur de la dynastie Mède. Non pas celui qui achetait Alix, tout faux, mais un gouverneur de Sardanapale – Sidoine ignorait sans doute qu’il maniait les débris d’un vrai jeu de massacre, et serait le dernier à les mentionner pour des siècles et des siècles. Sardanapale lui-même se fit périr sur un bûcher. Delacroix imagina que son glorieux modèle voulut également brûler tous ceux qui lui appartenaient… Merci Byron, sans vous, Sardanapale tombait dans l’oubli. Merci, Delacroix. … Sidoine consentira-t-il à s’arrêter dans son étourdissante fièvre massacreuse ? Non. Sidoine ne s’arrête jamais. Quand il a trouvé un sujet à traiter, il l’exploite, il le traite jusqu’à la lie, jusqu’à la nausée.

IX, 24 - 29

 

R. 163

vers 29 à 43

Passons au Déluge. Il ne sera pas question de Cyrus. Par ordre chronologique, surtout n’oublions rien. Ce fut « le petit-fils d’Astyage », nourri au lait de chienne et le cul bourré de piment. Cyrus demande à Crésus brûlé vif pourquoi il ne cesse de beugler (en Lydien) « Solon, ô Solon ! » Crésus répond : « Il m’a dit, ce Solon, qu’un homme ne devait pas être appelé heureux tant qu’on ne l’avait pas connu jusqu’à sa mort. » Tout le monde connaissait cette anecdote. Au vieux temps du fascisme. Cyrus gracie Crésus pour en faire son conseiller. J’espère qu’on a gracié aussi les 14 jeunes qui devaient brûler avec le roi vaincu.

Cyrus perdit 200 000 hommes au combat, avant de finir décapité : il y eut un avant, puis il y eut un après. Sa tête fut enfermée dans une outre pleine de sang humain . Même ça, Sidoine n’en parle pas. Ce serait du rabâchage. Plus que 900 ans à récapituler, des Perses aux Grecs jadis civilisés jadis par Cécrops. Marathon ? « Tu ne liras pas cela ici ». L’auteur emmêle Xerxès dans ces fleuves qu’il avait taris, du moins détournés , pour y faire passer son million d’hommes.

IX, 29 à 43

 

R. 164

Il ne parlera pas non plus des Thermopyles, du moins les premières. Les vers s’embrouillent de références en énigmes ; Xerxès « méprise les obstacles du soleil et du sel » v 45 avec ses « escadrons fous  v. 46 - le galop effréné retentit dans le vers, et, tiens, j’ai pondu un alexandrin. « il  admit dans l’Athos le flot gonflé » v. 47 (en creusant le rocher au niveau de la mer, un autre), «près du sommet alpestre » (est appelé « alpestre » tout sommet quel qu’il soit), « à travers des cavernes scalpées », v 49 entendez un étroit couloir maritime, tel qu’on en voit aujourd’hui à Corinthe. « Scalpée », « sculptée », « taillées », c’est tout un, et tout à l’avenant.

«...Non plus que du  fils du « Jupiter Garamante » - Hiarbas, qui voulut épouser Didon. Carton-pâte cul par-dessus tête… autant de légendes mortes - Alexandre « vola[nt] par-dessus les vastes terres de l’Asie, régnant sur les royaumes et sur les princes » (le pauvre mort bin ich). Rassemblons à grands coups d’escopette nos sciences défaillantes : Alexandre, qui rit quand il se fait prendre, eut la révélation qu’il était fils de Zeus dans le temple de Jupiter Hammon. Ce temple était situé dans une vaste oasis, Siouah, non loin du territoire garamante : nous n’allons pas chipoter Sidoine pour quelques dizaines de kilomètres au milieu d’une vaste cavalcade de syllabes si étroitement imbriquées dans le désordre, d’où le déplacement du traducteur qui en rajoute dans la pagaïe.

C’est comme de recevoir une poignée de bijoux et de verroteries dans la gueule en plein soleil. On ne distingue plus rien. Il faut rattraper au vol les pierres qui volent dans la jonglerie, c’est de la pailletterie, du feu d’artifice, inutilissime, rabâchantissime, écume à la crête des lames, pêle-mêle, sublime vrac, métaphores entassées projetées par l’éternuement, il dit qu’il n’en parle pas, mais il en parle si bien, voyons : cette civilisation d’après Loyen s’était lassée de tous ses souvenirs, stock inrenouvelable : et nous, pas encore ? Nous aurions vécu plus longtemps, renouvelé nos provisions plus vivacement, pourtant, quelle fatigue je sens dans nos idées, qui volent en éclats, notre barrage se rompt et çà et là basculent dans les flots les fondements de nos structures cimentées.

D’abord « de Darius les tumultueux préfets et satrapes » carrément « percutés » - c’est au garamantéen Alexandre que Sidoine consacre son plus large plat, les vers les plus soignés : Darius « lui-même, fier du trône de ses pères » à son tour , « se réclamant de cousins divins », « redescendant à la condition humaine », « femme, enfants, maman prisonniers »…

VERS IX 44 -63 66 09 09

 

R. 165 66 09 09 mot 30 « armatas » vers 71

VERS IX 65 – 75

Cette brochette de 10 vers se voit qualifiée par Maître Loyen de « comble du mauvais goût ». Il faudrait recourir à tous les tropes. Le navire est appelé « forêt », comme d’habitude allais-je dire. Vu chez les élégiaques et peut-être même chez Lucrèce. Mais ensuite, en vrac:le navire n’a pas « fait escale » à l’embouchure du Phase, mais il venait exprès, pour la conquête de la Toison d’Or ; ce navire était parlant, il s‘appelait l’ Argo, d’où semble-t-il est venu « l’argot », langage codé. Une fois de plus – pitié ! pitié ! - la « femme intrépide », Médée, à toutes les sauces. « Son amant » est « devenu laboureur », parce qu’il a semé les dents du dragon gardien. Il faut suivre.

« Tremblant au milieu des jeunes pousses en armes », armatas (c’étaient des guerriers, nés du sol, sans aucune ressemblance avec du blé vert. Ou alors, les pousses ont poussé (à mon tour…) très vite, « les épis » se sont mis à « lutter l’un contre l’autre », les «mottes » furent « belliqueuses » puisqu’elles ont accouché de guerriers, les « tiges sœurs » ont ruisselé « d’un sang vert » - au secours… Il ne s’agit pas de « mauvais goût », car chacun le voit à sa porte. Flottes à Bordeaux trouvait de mauvais goût le Comte de Lautréamont en personne, qui n’est pas à beaucoup près un modèle d’académisme… Ici notre Sidoine, cherchant à se justifier par Ovide et Lucrèce, mélange et superpose les différentes étapes de métamorphoses: les mottes, les pousses, les tiges vertes et les épis, les guerriers armés,  en appliquant indifféremment les qualifications des unes à l’aspect des autres.

C’est du même ordre que les portraits informatiques, se transformant d’une personne en un autre, ou passant très vite d’un âge à l’autre, ou que les portraits de Picasso montrant à la fois la face et le profil. Sans talent cette fois, Sidoine, sans le moindre talent. Mais qu’est-ce que le talent ? Il ne s’agit pas de « mauvais goût ». Mais cela « percute » ou « ne percute pas ».Les floraisons « en accéléré » sont cohérentes, mais ce passage du minéral au végétal à l’animal humain ne parviennent pas à nous toucher, nous. Eux, si.

IX, 65/75 66 09 09

 

R. 166 MOT 31 tellurem v. 83

 

Apparemment très satisfait de son petit tableau, Sidoine veut pousser plus loin ses horreurs. Il ne semble pas que ce soit un pastiche. Il joue la surenchère, augmentant la taille de ces serpents, leur prête le « venin », les fait non pas volumineux mais enroulés, non pas des corps mais de véritables jambes : les Titans, car ce sont eux, difformes, sans membres mais eux-mêmes les membres d’un corps inexistant, absurdités effroyables ! « Une bouche à la place des pieds », nous voici en plein Gourmelin ! « Du surréalisme chez les Romains... » - chez les Celtes… Chez les Scythes... » Ils « foulent la terre d’un pied dévorant », tellurem pede proterens voraci, parfaitement, pédé, du traducteur saluons l’audace, à moi Vicomte Ducasse.

Nous nous mélangeons les reptiles… Voici la raison, la science juste, les corps parfaits et fonctionnels, contre les corps mélangés d’une fécondité horrible et folle - IX, 84…

J’ai trouvé… ce qu’il y aurait encore à dire sur ce sac à déchets : c’est un répertoire en folie, un récapitulatif, un compressé, de tout ce qui formait la littérature du temps depuis si longtemps. Je fus moi aussi un homme qui passe, hors de propos, hors de toute perspective. Avant de mourir, une culture s’en vient récapituler toutes ses grandeurs - « et comme sonnaient les trompettes des dieux, bientôt faisant écho au grondement des cieux, ses pieds sifflants défiaient les nuées » - c’est à peu près cela, Faut-il vous l’envelopper, « tu ne lis pas non plus les plaines IX, 88

 

R. 167

IX, 89 mot 32 « excolam », vers 94

Les monts projetés dans les airs ménagent une vision surréaliste ; penchons-nos sur chaque expression, de même que tout mot d’une prière nécessite d’y méditer précisément. Telle peut être notre piété. Les monts sont énumérés, le Pinde, monts albanais nourriciers de Pindare ; L’Ossa et le Pinde, côte à côte selon qu’ils sont tombés ; l’Olympe, ébranlé seulement, non déraciné si ma mémoire est bonne ; l’Othrys, capitale des Titans, d’où ils lançaient leurs assauts contre les Dieux. Ici Claudien est imité, « de près » nous dit Loyen. Puissè-je avoir le temps de lire ce Claudien, de la même famille sans doute que Claudien Mamert, grand ami de Sidoine et philosophe platonicien. À cette énumération géogaphique va répondre  une accumulation de tout ce que porte une montagne : alternance de désinences en -is et ibus, « forêts, troupeaux, fauves, frimas, roches, sources et places fortes » : les paumes des géants les « balancent » mais pas « dans le ciel », , monsieur Loyen, vous ajoutez du texte, après les avoir « soulevées », mais pas « de terre »…

Le récapitulaire ne connaît pas de fin, nous entretient encore des travaux d’Hercule, qu’ « icije ne vais point polir », non hic Herculis excolam, ce qui est cultiver avec le plus grand soin. Un petit jeu encore, une petite pirouette : c’est confondre le jeu poétique avec « le jeu des sept différences » des journaux pour enfants, ou la rubrique des mots croisés. La vastitude de ce déversement de betteraves fades nous épouvante : comment ne pas s’apercevoir du bourbier, de l’océan de déchets où l’on traîne le lecteur jusqu’à suffocation douloureuse et totale ? Peut-on à ce point manquer de la plus microscopique étincelle de conscience ? « le porc », c’est le sanglier ; la biche celle de Cérynie, le lion, celui de Némée, dont la peau sur l’épaule pend (moi aussi quand je veux).

Les notes de Loyen nous sont un rafraîchissement, comme l’eau saumâtre d’une oasis rafraîchit le mourant desséché : le Géant, c’est Typhée ; rendez-nous nos récits d’antan, lorsque nous lisions, sur un lit, les collections Contes et Légendes ; ramenez-nous au pays des Amazones, à « l’hôte » Busiris : Hercule le tua ainsi que tous les prêtres qui voulaient le transformer en sacrifice humain. Voilà du récit, voilà de quoi rêver, s’instruire (je ne connaissais plus l’histoire de ce roi dingue), et « le taureau » me rappelle peu de choses…

IX, 96

 

Éryx : nous devons consulter. Les Monti Erici existent encore en Sicile de l’ouest. Abritaient-ils un monstre, un taureau, quelque géant bien terrible ? Et un géant vaincu, un, mort et enterré. Nous n’avons plus cette culture. Lycus, « le Loup » : usurpateur à Thèbes : tué. Tant de légendes qui débaculent, cul par-dessus-tête, dans la fosse commune, dans les coulisses, dans le bric-à-brac. Faut-il à tous leur faire un sort. Nessus, et sa tunique empoisonnée ; Antée le Lybien, lointain prédécesseur de Khadafi :cadavéré ; ancêtre des Français d’après Jean Lemaire de Belges et la tapisserie qu’il inspira (énigmes…) - la vierge ? ...la ceinture de l’Amazone… déjà citée… adoncques une autre vierge… Oeta, c’est le bûcher dans lequel Hercule se jeta… « le fleuve lutteur », c’est le fleuve Achéloüs, afin de conquérir sa dernière femme, Déjanire…

IX 99

 

R. 168 mot 33, 67 01 16, « atque » vers 104.

« ...et d’avoir porté le pôle lui donna le pôle ». Tous savaient que la terre était ronde. À présent les platistes la croient plate et le répandent. Et nous avons oublié Cerbère, toute énumération se devant d’être exhaustive. Even exhaustive, et même épuisante. Sautons par-dessus l’apparat critique. J’aurais aimé revivre ce cours de Duclos, dans l’ancienne faculté de lettres. Ô sombres crétins, qui nous avez si loin exilés ? « L’Élide » fut « fameuse par ses quadriges » : tougoudoup, tougoudoup. Le cours continue. Il est question d’un fleuve, « l’Alphée », qui traverse la mer jusqu’à l’île aux Cailles, Ortygie, et rejoint la fontaine Aréthuse à SyracuseSession de rattrapage mythologique ! - « et, sur la rive opposée », , atque transmarina, « va se jeter dans les flots de son épouse ». Passons à Tantale et à sa « maison »…Sidoine brode et tisse. Il blâme l’inceste du père profanant sa propre fille, même tabou enfreint qu’Édipe, mais inversé : c’est ainsi qu’Égisthe, futur assassin d’Agamemnon, naquit à la fois fils et petit-fils de Thyeste ; race maudite ! détournons nos vers de semblables cochonneries,  comme disait notre guide en Grèce, mais rajoutons-en pour évoquer ce répugnant festin : le père incestueux bouffant tous ses autres enfants, et ne s’en rendant compte...qu’après coup – merci du festin, mon frère ! mais ceci… ne nous regarde pas. Le père a mangé ses enfants.

Le Soleil repart à l ‘envers et se couche à l’est, « pour fuir un tel convive » - Édipe a crevé ses yeux, l’Œil du ciel, souillé, se replie. Nous pourrions croire la mécanique enrayée : pas du tout. Sidoine alterne visions d’horreur et badinage bucolique. C’est la règle des bergers d’idylles. Aux sanguinolences vomitives font suite d’obscures allusions vers IX, 117.

 

R. 169 67 03 02

IX, 117 mot 34 : « Pergama » IX 124

« Le pasteur phrygien » : petite devinette – Pâris ! le ravisseur d’Hélène ! ...qui veut gagner des millions ? « Le bronze chantait dans le marbre » voudra dire « les cloches sonnaient dans le clocher ». Triomphe de l’esprit de commis voyageur, ou du cruciverbiste : « comment le mont Dindyme a-t-il perdu de sa hauteur ? - En se faisant couper tous ses arbres ! Avec lesquels il a charpenté des navires ! » - ne pas oublier de placer « l’Ébalie » et la ville d’ «Amyclées », exotique géographie ! Ceci vient du poète Statius ou Stace, car nulle part je ne vois d’allusion à ces lieux dans l’histoire de Pâris. L’Ébalie n’est que le surnom du pays de Sparte. Il ne sera bien sûr pas question de cette geste dans les vers de Sidoine.

Mais ! « je ne raconterai pas non plus Pergame », nec Pergama, nom de Troie persequar, « je ne poursuivrai pas tout du long », Apollon nous en préserve ! IX, 126. Rome radote et s’enlise, en une interminable indigestion de ses deux passés, l’hellène et l’italien : le traître nommé Sinon persuada la ville de Troie de faire entrer en grande pompe le cheval bourré de guerriers dans ses murailles : « ce traître enjôleur par qui fut ouverte la citadelle consacrée à la statue de Pallas ». Eh bien de cela nous ne parlerons pas non plus. Hélas, deux cents vers nous séparent encore d’une sortie de tunnel, rongeant notre temps. C’en est au point qu’il suffirait de faire lire ce poème entier pour initier l’ignorant au panorama de toutes les fumées romaines : la Muse méonienne, c’est l’activité d’Arachnée, qui fut métamorphosée en araignée, mon dieu comme c’est curieux.

Il ne faut pas rivaliser avec Pallas, protectrice de Troie, faute de quoi la tapissère prodige se voit transformée en hideuse araignée. Sidoine, pour ne pas encourir la jalousie des dieux, ne parlera pas de ces « héros de Thessalie et de Doulichion ». Suit une interminable énigme. Doulichion (« Doulikionne », monsieur Busnel, « Doulikionne ») ferait partie des possessions d’Ulysse ; quant à la Thessalie, sur la côte opposée, elle a produit tant de héros ! Nous découvrirons celui-ci à travers ses exploits : c’est tout à fait le jeu de Lepers je suis… je suis...Nos yeux remplis de fausse avidité parcourent la suite ; un guerrier déguisé en femme ? Tilt : Achille. Bravoooo ! « Instruit à la chasse, à la musique, à la lutte », la belle affaire ! Tout le grand monde en faisait autant... « à la connaissance des simples », voilà qui sent son pharmacien : le centaure Chirôn ? (« Kirônn », monsieur Busnel, « kirônn », et non pas « Chie-Rond ») ( ô effondrement de la culture, ô ceci, ô cela…) - « fils de Saturne » et ancêtre des… chirurgiens, prononcés différemment…

Achille le Jeune, Brad Pitt en jupette, « foulant de ses pas tout enfant les tanières des bêtes sauvages », mais oui, mais oui… Comment les Anciens ne s’apercevaient-ils pas qu’ils radotaient ? Facile : voyez-nous ressasser nos mêmes obsessions, depuis des décennies… « tantôt se reposant au hasard dans la neige du Pholoé » - haute colline où fut enterré cet autre centaure, Pholos. Depuis, les auteurs latins se demandent quel héros, quel plouc, ne s’est pas roulé tout petit dans la neige pour y faire son somme. Mais Achille, lui, Achille, « dormait plus confortablement sur la crinière de son maître ». Doux tableau. À vos pinceaux, artistes…

 

R. 170 mot 35 « redire » v. 147 67 03 25

Achille alors se déguisa en femme, être lâche et méprisable. Déidamie lui apprit à filer. Mais elle engendra Néoptolème, car la jeune fille, c’était Achille, ô la grosse surprise ! la grosse différence ! Elle croyait fleureter entre fille, avec Pyrrha. Ulysse-le-Fatigant le débusqua, l’entraîna, car la gloire de l’homme est de tuer. Sa mère avait cru le sauver, mais ce grand héros s’est précipité sur une épée, révélant sa noble bite. Que c’est beau. Ulysse va suivre, brillant colporteur d’épée, ouh le futé ! Petit Jésus, que ce soit bref. Impossible. Sidoine inépuisable mitraillette à mollards tient son rabâchage, il ne nous en épargnera pas une miette : il remontera le temps, depuis le retour du guerrier absent vingt années : « revenir à Ithaque », Ithacam redire, jamais je n’aurai éprouvé de toute ma vie la moindre miette de nostalgie : « Le volume même de Smyrne ne conte pas toutes ses aventures » : Quintus !

Je possède ces deux volumes reliés plein cuir. Lisons-les vite avant le grand saut. Souvenons-nous des inépuisables exploits d’Ulysse ; impossible de les énumérer tous, bonne occasion d’essayer – voyons – il compte sur ses doigts : « le rapt du palladium » - c’était une statue, honorée par les Troyens ; Ulysse la rapporta sur les navires grecs. Ainsi la déesse Pallas changeait-elle de camp. Ensuite il découvrit Ulysse, caché parmi les fileuses, ainsi qu’il nous est dit quelques vers plus haut. « la capture de Dolon aux pieds ailés » : espion sous une peau de loup, il est débusqué par Ulysse mais décapité par Diomède. IX, 152

mais c’est pas tout mais c’est pas tout ! Horreur et putréfaction ! ...suite des aventures d’Ulysse ! Les chevaux de Rhésus : Troie « devait être sauvée si les coursiers de Rhésos buvaient l'eau du Xanthe, mais il est tué la nuit même de son arrivée par Diomède, qui le surprend pendant son sommeil, tandis qu'Ulysse dérobe ses chevaux », copions Wikipédia. Le carquois de Philoctète : ces légendes couraient les rues, même avant Homère ; du diable si je me souviens du vol de son carquois. J’apprends simplement que ce héros avait hérité des flèches d’Hercule, et qu’il descendit Pâris. Le jour est venu où ces légendes seront aussi inconnues que les arcanes du Mahabharata. Il nous complaît de supposer des millénaires d’ignorance.

« Ajax fils de Télamon » était le grand, le petit était fils d’Oïlos, car Télamon suggère l’étirement, Oïlos le recroquevillement. Devint-il fou en ratant un concours d’éloquence ? au point de massacrer un troupeau de bestiaux  qu’il prenait pour des hommes ? ...souvenir : on lui avait préféré Ulysse pour hériter des armes d’Achille. ...comme il en fallait peu ! « Prière sur l’Acropole » de Renan…

IX, 159 67 06 12

 

R. 171 « un éloquent porta la couronne du pugnace » - on dirait, en avance, du Gabriele d’Annunzio : « le bronze s’agite dans le marbre » pour « on sonne les cloches ». Traduction ? « un orateur remporta la palme du combattant ». « Un bavasseur supplante un gros bras » : de quoi devenir fou en effet. Ulysse l’emporte sur Ajax. Excellente occasion pour énumérer en vers plus beau que les autres l’interminable file des exploits de l’Ithaquois:entassons le Cyclope, Circé, le roi des Lestrygons : ce dernier mangeait de la chair humaine, c’est une manie… L’infini défilé n’en es qu’à son printemps.

Rendre hommage à tout ce qui existe, exista et existera. Ulysse a tout évité, les six reines, tiens ? Du nouveau ? Nauplius, qui échappa aux appétits de nos savoirs pédants ? Consulter l’encyclopédie devient la seule distraction possible. C’est le père de Palamède. Ulysse a tué Palamède par incompatibilité d’humeur. Le papa de Palamède veut se venger d’Ulysse. Il a placé des torches sur le rivage pour le faire naufrager. Carrrramba, encore raté. On ne parle pas beaucoup de lui. Les textes sont perdus. Charybde et Scylla nous sont mieux connus, malgré nos incertitudes géographiques : Scylla, c’est le chien, skilo en grec moderne. Six compagnons d’Ulysse y finirent bouffés.

Charybde de Tauroménium : IX, 166 – autant dire de Taormine. La note nous rappelle que « Toutes ces aventures d’Ulysse (…) sont bien connues. « Je ne chante pas des divinités qui réservent leurs faveurs à tel pays, telle ville et telle île » IX, 168

Supportons donc cette table des matières, et renseignons-nous. Les derniers soupirs de notre et de leur civilisation passeront bien dans nos caissons étanches : « Saturne » « rséerve ses faveurs au Latium ? OUI, car il a rassemblé » des hommes féroces et le convertit à l’agriculture. Jupiter favorisa la Crète : c’est là que les Corybantes jouaient de la musique guerrière pour couvrir ses pleurs de bébé. C’était le b-a ba des cultivés de l’époque. À présent nous répétons cela. Nous ne sommes pas instruits. Au pays des aveugles les borgnes sont rois. À deux rappels par vers… Junon favorise son île ? « Samos », à prononcer comme brosse, et non comme grosse. Ce serait dans l‘île de Samos que Junon aurait épousé son frère Jupiter.

Et comment pouvaient-ils faire autrement ? il n’y avait qu’eux… L’inceste est la marque des dieux ; donc, sacrilège aux mortels. Le Soleil à Rhodes, l’île des rhododendrons ? Et du colosse ? Avec sa face de tournesol ? ...solution trouvée… « Perséphone », alias Proserpine de cheval, serait donc honorée à Henna : « le nombril de la Sicile », où notre déesse fut enlevée par le roi des Enfers… À partir du moment où l’écrit se résume à l’entassement de connaissances fragmentaires ; où le fait de publier devient aussi banal que de faire cuire des baguettes, sans aucun apport de notoriété – la création de mots et de phrases se voit frappée d’obsolescence, et descend aux Enfers avec Perséphone.

Il ne subsiste plus qu’une inépuisable Encyclopédie, dont il est impertinent de repêcher à l’épuisette, çà et là, des fragments déformés par les eaux. Comptons sur l’indulgence fouineuse des successeurs pour nous dégager des amibes . Nous avons tous fait cela ; poètes disparus. Cataloguons nos glorieux débris : Minerve réservera ses faveurs à l’Hymette – quelle salade… Ménerva est une déesse étrusque ; l’Hymette est le mont des Abeilles en Atique ; les abeilles sont les attributs de la sagesse. Rien de plus piquant que la salade aux abeilles. Même si ces dernières bourdonnent autour d’Athéna, ou Pallas, ou Minerve, comme il vous plaira : que pourrais-je bien dire d’intelligent ? «Vulcain à Lipari » agite sa forge sous le Stromboli, « Dionè à Paphos » (à Chypre) reçoit les hommages dus à la maman de Vénus, tandis qu’Argos remémore Persée vainqueur de la Méduse : fils de Zeus, il est donc le neveu de Persée.

Mais la logique de Sidoine semble moins proche de la filiation que du vagabondage. « Priape à Lampsaque » exhibe son épuisant zob. Et « Euhion », c’est Bacchus, bien entendu.

 

R. 172 mot 37 (« per », vers 183) IX, 175

 

Vesta, c’est le feu, Ilion, c’est la citadelle de Troie, qui périt par le feu. Le temple de Vesta recueillit le Palladium, statue de Pallas Athéna, rapporté par Énée : rappel ici du mythe fondateur de Rome. Félix, dédicataire de ce poème, devait en savourer les délices. Le jeu des longues et des brèves, la musique heurtée des mots et des coupes, enchantaient ces lettrés, disparus comme disparaîtront les nôtres. « Le Délien », autrement dit Apollon, réserverait ses bolducs – ses faveurs – à Thymbra : décidément, c’est le Jeu des Mille Euros ! question rouge : à quel épisode de la vie d’Apollon se rapporte le site de Thymbra ? ...ce serait le temple où Achille fut blessé au talon… l

Le but de cette énumération est-il de proposer des pistes de recherche, ou de stimuler l’hippocampe ? n’est-il pas aussi le dévidoir « marabout-de-ficelle-de cheval » ? Admiration, mépris, perplexité ? Réception érudite sans aucun doute. « L’Arcadien » (réserve ses faveurs) « au Lycée » : c’est Zeus, né sur le mont Lycée, le Mont aux Loups, dans le Péloponnèse. Zeus y avait un temple. Mars pour sa part est associé aux Thraces, vaillants guerriers, Diane à la Scythie, rien d’étonnant pour la reine des chasseresses. Tous ces dieux et déesses le sont devenus par « la dédicace de temples, par l’encens, le sel, la galette et la farine sacrée, et la consécration de cérémonies vaines ».

Le voici donc, le point commun de tous ces couples : rappeler que le polythéisme n’est que l’agrégat de croyances locales, et la transformation de rites liturgiques en fausses croyances ! Unique occasion, si ma mémoire est bonne, d’un dénigrement des vieux mythes ! À peine exprimée cette faible allusion, rembrayage sur les mythes grecs, aussi mêlés aux latins que de nos jours la musique américaine à nos tympans : « La vénérable Èleusis » est aussi familière aux Romains qu’un sanctuaire latin.

IX, 181-189 :

Introuvable occasion de consolider nos connaissances : « Triptolème », révélateur du trigo, « le blé » d’Hispanie. Ce Triptolème a fondé le rite d’Éleusis. Avant, on « bouffait des glands » « dans les chênaie » de C’haonie, vers l’Albanie, qui est à l’opposé mais qu’importe. Et sans transition, « je ne chanterais pas » « l’agitation de l’Égyptien » - charmant… - « au son des sistres de Memphis », Bamboula et compagnie. Le traducteur ici transcrit les allitérations expressives, les sons dépaysants, les zigzags géographiques (on revient à « la jeunesse lacédémonienne » ; elle est issue de Tyndare, mari de Léda (celle du cygne…) et roi de Sparte, ancêtre de Ménélas lui même époux de la belle Hélène, infidèle comme sa mère ; sa jumelle fut Clytemnestre assassine d’Agamemnon.

Étourdissant.

 ...Insoumises donc, les épouses grecques, infidèles et vachardes meurtrières… Se méfier des femmes… Bien les brimer… Feuilletant nos lexiques aux pages fatiguées, nous abordons « les oracles de Lycie (« Patara » en Turquie) et de Céré » (VII 190) (où l’on tirait les sorts). Rappelons que c’est la déesse de la justice, Thémis, « qui enseigna à Apollon l’art de la divination ; elle possédait déjà, bien avant Apollon, le sanctuaire de Delphes. Énumérons encore et toujours : le Toscan (d’origine étrusque dit la légende) « voulant conjurer les effets de la foudre, cherche dans le clôture du putéal » - c’est quoi ce cirque? Le putéal est un lieu frappé par la foudre. Donc on y creuse un puits, on édifie une margelle, un « putéal ». On sacrifie une brebis de deux ans, avec deux dents proéminentes…

Ce temple « bidental » comprend quelques colonnes, autour du putéal proprement dit, qui n’est que la margelle du puits… IX 180 / 193…

 

R. 173

 

IX 194 mot 38 « Hammon » v. IX 201

 

Nous pourrions comparer ces deux catalogues des carmina VII et IX : le VII est un panégyrique, le IX une « bagatelle » (nuga) et de façon frappante, les deux naviguent dans les mêmes eaux. Ici, rappel historique de la bataille de Pharsale, déclenchée par les dieux, selon Lucain… et Sidoine, qui a des lettres. Dans ce Carmen IX, dédié à Félix, Métellus a sauvé des flammes les statues des dieux, au prix de la cécité ; le vers plus court allège les cabrioles phonétiques(IX, 200)

Mais le poète n’est pas lassé de nous énumérer ce qu’il ne chantera pas, quitte à citer l’Univers tout entier : une belle image du dieu « Cinyphius Hammon » (IX, 201) « élevant sa mitre au-dessus des sables » ; lequel ? Le « cinyphien » des Syrtes – ce qui nous place à mi-distance du dieu Carthaginois et du dieu Égyptien… Cent bœufs pour un bout de mitre au-dessus des sables. Un dieu qui coûte cher. Belle vision, éphémère et gratuite. Je montre, et je dérobe. Le désir est attisé, puis vite transféré sur un autre objet, un autre, puis un autre. Nous avons nous aussi nos clips et nos strip-teases. Nos grands mots évocateurs, nos boîtes à fantasmes. Le « Dindyme » par exemple : on y fêtait Cybèle, au-dessus de la Marmara, rêve inassouvi des agences de voyage.

Nous ne verrons jamais la Marmara. Eux non plus. Nous n’entendrons pas les « buis bruyants » (les flûtes en bois dur!) ni les Curètes, ceux qui frappaient sur les boucliers pour couvrir les beuglements de bébé du grand Dieu Zeus - que c’est dommage ! Ne nous rappelle pas Bacchus, non plus crétois celui-là mais venu de l’Inde : autres visions de rites exotiques, avec vins et fureurs sacrées. Les Bassarides ! Avec leurs robes couleur de faon ! Ou Bacchantes, si sympathiques avec leurs furies érotiques ; on les appelle aussi Ménades. Elles sont folles. Hystériques. La barre creuse dans le ventre.

Elles tremblent, elles hululent. Ô monotonie. Beaucoup de « t », beaucoup de « r », beaucoup de transes. Sur l’autel brûle l’encens. Fin des religions. Début, hélas, hélas ! des « grands auteurs grecs et latins ». Ce ne sont plus que des hommes. Un découragement nous prend. Sidoine assurément n’est pas Hésiode. C’est très beau, mais en grec. Très lointain. Comme des panaches au loin fondus dans le soleil couchant. Pindare, extraordinaire Pindare, incompréhensible sans texte adjoint, paillettes crépitant dans les flammes, nous t’avons connu, lu sous le soleil gascon, Ménandre, combien tu fus absent, avec tes socques en bois, clap-clap, c’est comique on applaudit très fort. IX 213

 

R. 174

mot 39 epodon v. 222

IX 214

Nous déterrons les vieux corps « d’Archiloque outragé » : archiloque, vraiment ? À dictionnaire antique, lexique moderne : il ne nous reste plus que des fragments de ce soudard sentimental. Poussons de légers sanglots ; les « muses » de Stésichore seraient-elles plus nobles, célébrissimes en moins cinq cent cinquante ? Il ne reste rien de ce poète homérique. En revanche, les poèmes « lesbiens » de Sapho nous sont parvenus au point d’avoir été pastichés par Pierre Louÿs, qui réussit à mystifier les hellénistes de l’époque (Chansons de Bilitis, reprises en musique par Debussy…) Et d’un coup, Jovi gratias ! 500 ans de pages blanches venant s’éclater sur Virgile comme bourrin sur clôture : quatre vers sur le Cygne de Mantoue, Virgile, ici nomme [Publius Vergilius] Maro, le Dante des Latins.

Opposition des deux sépulcres, bientôt reliquaires… Le panier-repas suivant concerne Horace, avec le catalogue de ses œuvres : il fut savoir qu’il a composé des Épîtres, des Satires, des Épodes, et le Chant Séculaire. Nous atteignons le catalogue des quatrièmes de couvertures : « Ronsard, Mignonne allons voir si la rose… Du Bellay, Heureux qui communiste… Pascal, ...est un roseau pensant » - 5 vers pour Flaccus (Horace), 4 pour Stace (Papinius, ça fait mieux, on se tape sur le ventre, il est à moi, il est à toi) – capable, celui-là, de chanter les « Labdacides » (Éééédipe et ses fils) aussi bien que « les prairies » des Silves – quel homme ! quel homme ! En vérité nous parcourons des aridités pires que les pentes de l’Etna,

N’y a-t-il donc rien de mieux à dire sur Sénèque, élève » de « l’hirsute Platon » ( Platon, « hirsute « ??? !!!) qu’il est de Cordoue, et qu’il a donné d’inutiles conseils à « son élève Néron », dont il a bien couvert les crimes (nous avons nos sources…) avant de célébrer deux autres Cordouans : Sénèque le Tragique, bien distinct du philosophe, Le drame ici – justement ! - est qu les remplissages s’accumulent, alors que bien plus haut, c’était l’avalanche de fragments qui nous suffoquait… Suivra Lucain, neveu de Sénèque le philosophe. Ce qui compte, c’est qu’ils étaient tous trois de Cordoue… eh qu’importe !

IX, 239…

R. 175

Le reste suit sans trêve, de vers en vers, « le gendre et le beau-père » - César ayant donné sa fille à Pompée – entraînent « Rome dans des luttes fratricides ». Le cortège défile irrésistiblement comme autant de visions d’agonie, gros plan accéléré sur Lucain, le narrateur, en larmes devant les deux effondrements de la République à l’ouest de Philippes. C’est Lucain à présent qui se tait, étouffé de sanglots, sur toutes les défaites passées de Rome : elles n’ont pas manqué, mais du moins la République romaine s’en est elle relevée plus forte – mais en Macédoine, à Philippes, elle meurt, sans plus aucun recours…

...Et, suprême astuce ! C’est le neveu de Sénèque, Lucain en personne, qui se tait sur les échecs passés, de même que Sidoine, à 400 ans de distance, se tait sur l’Histoire de Rome ! Prétérition dans la prétérition ! Effet d’abyme ! ...avec la différence énorme que Lucain se tait en effet, tandis que Sidoine répète sans cesse qu’il se tait, ce qui est l’équivalent de parler, de parler, inépuisablement, à faire hurler d’exaspération. Qui claquera la gueule de ce vieux con ? qui reprend les accessoires et les oripeaux les plus encroûtés pour les relancer à la tête du lecteur – tout en disant qu’il ne le fait pas, absolument pas ?

...C’est un pêle-mêle, une résurrection de zombies militaires, depuis le massacre des 300 Fabius devant Véies, la déroute au bord de l’Allia devant Brennus qui massacre les sénateurs de Rome ; puis on passe à la Trebbie, à Cannes d’Apulie devant les Puniques et les Gaulois. Et pourquoi je vous prie Lucain n’en a-t-il pas parlé ? Parce que le sujet de son poème, c’était la bataille de Pharsale, et celles de Philippe (3 et 23 octobre – 42). Ce ne sont pas les larmes de Lucain, mais le choix, d’un sujet et non pas d’un autre, qui bien évidemment n’ont pas permis que l’on parle d’autre chose.

Sidoine donc ne parlera pas de ce dont Lucrèce lui-même, ce grand homme, n’a pas parlé…

R176, mot 41. « trophaea » v. 255

IX, 247...

Même Trasimène sera omise : atroce embuscade en plein brouillard. Ne craignons pas d’accumuler nos défaites. Plus on en comptera, plus elles témoigneront de l’éternelle récupération romaine : le sort des Scipions à Tartesse nous restera obscur. Nous avons découvert qu’ils sont tués par les Carthaginois en – 211. Notre honte s’accroît : quelle ignorance ! Quelle récapitulation ! Ne s’en cache-t-il pas d’autres, aussi rabâcheuses, dans l’interminable pensum sidonien ? Il est question de « funestes convoitises » sur l’Euphrate : Apollinaris parle de « mauvais appétit », car Notre Traducteur fait dans le pompier – pompös… En effet les Romains, fût-ce à leur apogée, n’eurent jamais mainmise bien longtemps sur le «Transeuphrate »…

Ils se défendaient bien, les Perses… Leur histoire n’est pas enseignée ici. N’est pas reconnue. De nos jours, est un grand politique celui qui veille au bonheur de son peuple. En ces temps-là, les patriotes ne souhaitaient rien tant que d’en reculer les frontières. Il a suffi aux Romains de se faire tailler à Carrhes, défaite engloutie, qui « met fin à la conquête romaine de la Mésopotamie » en – 53. Le vaincu s’appelait Crassus. Ainsi couleront derrière nous tant de préoccupations mortelles à jamais. Les Romains, si fiers, plièrent bien plus tôt sous le joug des gladiateurs esclaves, et Spartacus fut crucifié le long de la voie publique.

Devrions-nous toujours avoir devant les yeux tant de sang prétendu glorieux, comme tant de lollards et moines àtout jamais coagulés devant les caillots du Christ ?

Faut-il en crevant toujours ramener sur soi les souvenirs brodés dans nos tissus-souvenirs ? Spartacus n’avait-il qu’un poignard contre les consuls ? N on, mais dans l’arène, tel était son arme professionnelle. Et tant de bellicisme sur un seul poème, incessamment rappelé en sujet des verbes:Mon Poème « ne déplore pas la guerre »…

IX, 254

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

XV, 126/147

Ah ! passons aux versets, je vous prie :

Le temple des fileuses

“D'un autre côté se trouve l'atelier de tissage de Minerve. Au premier plan y brille le manteau royal de Jupiter dont la pourpre sidonienne” - tiens donc - « deux fois recuite dans l'airain teignait les fils de soie. Le rouge tissu gorgé de teinture ne révèle pas seulement l'action du murex : il porte un éclair enchâssé et les points de la broderie faisaient étinceler la pourpre alourdie des carreaux de la foudre. Là pendait aussi un Glaucus vert sur le manteau de son père (note 19 en fin de volume - la 18 est en bas de page, pourquoi ? - “il s'agit du manteau de Neptune, dont Glaucus, son fils, est un des motifs ornementaux”) ; “on y voyait rouler des vagues artificielles et dans une tempête figurée un orage tissé engloutissait des carènes ventrues. Le troisième vêtement qui s'offrait aux regards glorifiait le fils d'Amphitryon” - Hercule, qui rit quand il recule. “L'enfant, entouré par les deux serpents de sa marâtre, y sourit aux monstres en toute innocence et prenant cette menace pour un jeu, dans son ignorance les trouve aimables et avec un visage affligé déplore la mort des reptiles qu'il tue de ses mains” - profonde niaiserie. “D'autres broderies présentent, répandus sur le tissu, les sujets suivants :” - ce sont les douze travaux d'Hercule, plus d'autres exploits : “le sanglier, le lion, la biche, le Géant, le taureau, les “Colonnes”, Cerbère, l'hydre, l'hôte,” (Augias ?) “Nessus, Eryx, les oiseaux, le Thrace, Cacus, l'Amazone, le Crétois, le fleuve, le Lybien,” - non, pas Kadhafi - “les pommes, Lycus, la vierge, le ciel, Oeta” - note 20 : “cf. c. IX, 95 et c. XIII.” - c'est ça mon vieux, on s'y rue - “Thrax : Diomède”. “Cet ouvrage et tous les autres vêtements que portent les dieux ont été déposés là par des mains de jeunes filles. Mais dans l'ensemble de la troupe, parmi les vierges d'Athènes et d'Ephyre, brille Araneola.” Laissons-là cette Araneola, jeune mariée qui doit applaudir l'épithalame, autrement dit le poème de mariage, déclamé par notre Sidoine Apollinaire.

Je ne sache point que quiconque un jour viendra s'enliser dans la lecture de ce premier tome – au programme pourtant de l'Agrégation, qui disparaîtra. Mais “autant en emporte le vent”. Sidoine, s'il te plaît - un peu moins de poésie de calendrier des Postes – parle-nous de Rome qui tombe... Écris tes lettres, que nous étudierons quelque jour... Les Poèmes sont aux éditions Guillaume Budé, en bilingue. Ave, Sidoine Apollinaire...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

LETTRE VI, 1, à Loup de Troyes

 

 

 

Plus d'impression a fait sur moi telle lettre que je viens de lire, à l'évêque Loup de Troyes, véritable abjection en prose, amoncellement de flagorneries dégoulinantes à se faire souffleter. Sidoine, malgré toute mon obstination, reste infrangible, infracassable, inaccessible en français, Robert de Montesquiou, pédérastie mise à part, m'eût été tout autant insupportable. Et réciproquement. Voir ainsi notre futur évêque tortiller du cul devant ses bricolages vaseux m'ôte tout plaisir. S'il faut, pour gagner la faveur, chanter une mère, je ne suis pas en état de rivaliser avec la lyre antique. Tu l'as dit, bouffi. Nos commentaires ne parviennent pas à s'élever au-dessus du sarcasme.

 

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