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Matières premières

TABLEAU D'ANNE JALEVSKI

55 01 23

J'écris des choses très intéressantes avec de l'encre rouge mêlée à de la confiture de framboise. Domi et d'autres me lisent au fur et à mesure avec un grand respect. Je recopie même des choses en anglais, de Henry Miller : “Cesse de dire à la concierge qu'elle apprenne à parler un mélange d'anglais et d'italien, car ce que l'on souhaite devient vrai.” Il y a sur des bancs de pique-nique un camarade qui ressemble à Robespierre jeune. Il doute que la quarantaine soit un moment de faiblesse. Je dis qu'à ce moment-là j'étais déstabilisé et marchais aux calmants parce qu'Annie m'avait fait revenir “en Franfrance” - Annie à l'arrière-plan se tord les bras d'un air de dire “Le voilà qui recommence”. Moi : “J'allais au bordel” - puis je rectifie : non, c'était trop cher. Les autres vont et viennent autour de mes écrits, s'inquiètent de ce que de plus en plus de fils d'amis atteignent et fêtent leur majorité (aujourd'hui, le fils de Jeanson). Je remonte une pente sous les frondaisons, ne vais pas plus loin qu'une grille coulissante sur laquelle une jeune fills s'arc-boute pour m'ouvrir, mais j'ai promis de ne pas franchir cette grille. Elle donne sur une grande vue de Paris (ou Bombay d'après le reportage de la veille. La fille joue la blasée parce qu'elle est d'ici. Je redescends toute la pente, deux bonds à droite, deux bonds à gauche, en chantant un air sautillant. Je passe près d'un laboratoire désaffecté.

Un grand garçon brun (Steinmetz) est venu me rechercher, repart, satisfait que j'aie tenu ma promesse. Le chemin est mal entretenu et j'espère qu'on ne viendra pas sottement le rénover en lui ôtant toute son âme. Je gambade toujours, les autres occupent toujours les tables de pique-nique, ne font guère attention à moi, mais j'ai vécu intensément, dans la reconnaissance. UTILISÉ

55 01 25

A

En Hongrie, j'ai accepté d'éliminer une vieille en faisant croire à une caissière que je commandais mille exemplaires de je ne sais quoi. Impossible de me le faire avouer alors que tout le monde est à peu près sûr que c'est moi. Je finis par reconnaître la chose, chacun me félicite, un ami très cher vient me voir dans ma chambre, je deviens malgré moi une sorte de héros national. UTILISÉ

B

Pour un examen des os de la jambe le médecin convoqué à domicile par mes parents et ma femme me fait prendre J’EN SUIS ICI 670528un traitement préparatoire et me laisse à peu près à poil sous une couverture, sur un brancard, tandis qu'il examine un autre patient à côté sur un autre brancard. Mais ça s'éternise, je gueule que ce n'était pas prévu et sors dans la rue avec une serviette autour de la taille. Il y a une grosse flaque au bas d'une pente. Je remonte le boulevard, ma femme veut rejoindre la rue du Palais-Gallien, par un faux itinéraire. Je remonte jusqu'au mur du cimetière où je m'abrite dans un local de gardien. J'écris tranquillement. Un gardien qui s'exprime avec difficulté (Polonais?) me dit que je serai bien là pour travailler. Donc je m'y mets. Des enfants que j'entends dans un couloir finissent par entrer malgré moi et se chamaillent sur le lit : difficile de continuer à me concentrer… UTILISÉ

 

55 02 05

Promenade à St-Germain-en-Laye avec Annie, Sonia et David (plutôt frère et sœur, 13 et 8 ans). Nous contournons les portes du métro, en contrebas desquelles s'étendent des galeries mal aménagées. Nous perdons “les enfants” et passons plutôt par une galerie plus large ; il y a des magasins, des distractions. Un guitariste joue : c'est Gérard Manset. Annie lui pose une question sur “le supplément” qu'il trimballe, une femme qui l'accompagne parle de “petit bout de la lorgnette”. Nous mangeons des friandises très chères à un petit bistrot en plei air avec des loufiats un peu hautains. UTILISÉ

 

55 03 09

A la frontière espagnole, je dois enjamber une crevasse d'un mètre au fond de laquelle coule un torrent. La roche, en face, présente des anfractuosités où l'on doit poser les mains, comme des moufles en creux, qui vous réchauffent humainement. D'autres essayent en même temps que moi. C'est cela qui marque la frontière (côté catalan). Je me retrouve en Espagne dans une ville d'eau. Je chante en espagnol, en djungo D'où viens-tu Gitan, tout le monde danse dans une ambiance folle sur mes hurlements harmonieux. Ensuite, on fait passer un texte très bien manuscrit qui correspondrait à celui d'un élève de 3e, où il parle d'un léopard en captivité, et mal installé, avec un bassin d'eau trop petit ; on lui en fournit un beaucoup plus grand. Ce texte évoque aussi des chemins, autour de villages passablement urbanisés déjà, où l'on peut se promener pour se dépayser.

Une carte indique s'ils sont en pente ou non. L'un de ces chemins va chez Préault (ancien élève). Je l'ai déjà fait ; je confirme son pittoresque. UTILISÉ

 

55 03 17

Me promenant dans la rue je rencontre deux aimables jeunes femmes dont l'une, je le découvre avec plaisir, parle allemand. Nous prenons un pot, parfaite entente ; nous sommes rejoints par un beau grand jeune homme. Chemin faisant, il me tâte les couilles et je trouve chanceux que des femmes soient attirées par moi alors que je suis mal rasé, âgé de plus de soixante ans. Nous arrivons au logement des deux jeunes femmes, large plancher donnant sur le vide, où nous sommes parvenus par un système de tire-fesses accéléré qui m'a un peu affolé (pertes d'équilibre), mais je m'étais modelé sur les autres, qui ne semblaient pas affolés. Alors un type, de derrière un comptoir, me réclame 137 000 € ! (alors qu'il avait été question, avant le tire-fesses, de passer 10€ à deux copines étudiantes fauchées) (je m'étais finalement demandé qui allait coucher avec qui, et si nous n'allions pas nous retrouver entre hommes et entre femmes).

Je refuse de payer une somme pareille malgré les prétendues justifications, et m'enfuis sur les pentes de la montagne où se situe ce perchoir... On me tire dessus mais je m'éloigne rapidement. D'en haut, je vois défiler, emportés par une crue violente, toutes les vaches d'un village basque, puis tous les moutons, toutes les femmes, tous les enfants, tous les hommes... Il semble qu'ensuite un reflux ait remis du moins en place tous les humains… UTILISÉ

 

55 03 22

J'arrive dans une gare prétendue “de La Ciotat” ; un vieil accordéoniste joue depuis toujours derrière un comptoir, il y a des Arabes assis sur un matelas bas. Avec Annie nous avons loué une chambre, mais je veux, au bout de trois jours, en repartir. Elle tarde, je l'engueule, rien n'est prêt, nous devions partir un matin, puis le midi, puis pour le soir, puis pour le lendemain matin. Je redescends à pied après avoir gueulé qu'elle était toujours en train de dormir ; l'accordéoniste est toujours accoudé au comptoir. Je remonte avec du pain et un lourd chargement. La pente est raide, une petite vieille me suit, un clodo, un légionnaire. Tout ce monte grimpe assez lentement. Impatienté, le légionnaire descend le clochard d'une balle dans la tête. Je l'approuve. Il m'aide à transporter une armoire déglinguée que nous devons hisser au risque de nous casser la gueule. Nous parvenons au sommet de la pente, le pain se rompt petit à petit, il n'en reste plus grand-chose.

Reparvenu à notre location, je m'aperçois qu'Annie a refait le lit ; j'en fais des gorges chaudes : “Mais c'est un miracle ! C'est un miracle ! Le lit est fait !” Autour de nous des enfants rigolent...

 

55 03 23

Je me retrouve en classe de 5e, mais avec mon âge, et des élèves que je reconnais. Mon professeur est M. Giot, colosse sévère. Il ne s'aperçoit pas que je n'ai pas fait mes exercices de grammaire, et crois que j'ai recopié quelque chose qu'il ne fallait pas. Je dois refaire une 5une 4e pour atteindre je ne sais quelle spécialité. Quand il est sorti de classe pour la récré, je mange en salle de cours ; mes copains ont placé sur son bureau une cuvette pleine de linge humide, dont mon pyjama : “Il n'a pas changé de pyjama !” Furieux, je passe la tête par la fenêtre : “Si vous n'enlevez pas ça je vous dénonce, toi” (un nom) “et toi, parce que je vous reconnais” (ils n'ont pas vieilli comme moi en effet). “Je susi de Laon, moi, c'est par hasard si j'ai passé 30 ans à Bordeaux, mais je suis de Laon !” Mouvements de satisfaction chez certaines filles dans la cour (or, le lycée n'était pas mixte). Quand je reviens dans la salle, la cuvette a disparu.

 

55 04 09

Dans un château que j'ai déjà visité, avec un groupe. D'abord deux femmes plus une guide, puis d'autres. Comme ce n'est pas ouvert, on va repartir. Un homme atteint d'amabilité génésique veut flirter un peu avec toutes,mais la guide est lesbienne, comme l'a laissé supposer aux deux femmes (que ça fait rigoler) une main glissant sur les fesses. Le propriétaire du château est un paysan bougon qui ne veut pas qu'on allume la télé parce qu'il .ne peut capter que la télé bulgare et que ça lui coûterait cher... Il est question aussi d'acheter de quoi manger pour le groupe. Je plaisante, et une femme me dit sèchement que nous ne sommes pas amis et que j'ai une attitude peu liante, méprisante. Il y a sur la table des rapports en plusieurs exemplaires et sur chacun des membres du groupe, tous très critiques et désagréables. J'ai l'impression de m'être fait piéger par une structure quasi policière.

55 05 11

Avec Annie à bord d'un véhicule militaire de fort tonnage possédant un canon. Nous devons effectuer une réparation et cherchons un endroit pour nous garer, dans un village04 constitue pas une menace. Je réponds à mi-voix : “On l'a volé ; si les flics nous voient avec ça on est bon...” Nous le suivons à l'arrière d'un hôtel, mais les emplacements, envahis d'herbe, à moitié défoncés, ne se prêtent pas à un parcage. Un haut-parleur envoie de la musique arabe, du fond d'un parpaing. Annie et son père s'assoient d'un côté d'une table de pique-nique, moi de l'autre. A un moment donné ils tombent dans les bras l'un de l'autre en pleurant. Puis ils se lèvent et s'éloignent un peu, j'entends son père lui dire : “Je vais te donner de l'argent... mais je ne te donne pas tout.” Je m'éclipse, d'abord en sous-sol derrière des panneaux de plastique transparent d'où je vois une assemblée de convives entassés qui se demandent ce que je fous là, il y a des gosses aussi qui jouent en courant. Je reviens par l'arrière de l'hôtel, il fait toujours très chaud, une ancienne élève noire ricane : “Le Collignon... Le Collignon...”

 

55 05 25

Une cage d'escalier vétuste et effondrée ; j'ai mal à la plante des pieds sur des tringles à linge, . Un appartement somptueux, tout en couleurs, tapis, meubles, grande luminosité. Quatre ou cinq vieilles dont feue ma tante Raymonde, très aimables, voire entreprenantes. J'ai oublié de quoi manger, la tante s'affaire en cuisine, je reste vautré sur les tapis avec les autres. Je m'habitue à cet escalier en tringles à linge puisque les autres vieilles l'ont emprunté sans se plaindre. Je descends puis remonte avec un gros billot de bois sous le nez d'un jeune promoteur ahuri.

 

55 05 27

Je suis sur un immense bateau qui descend le Brahmapoutre et le Gange. Ça grouille. Beaucoup d'Européens. Je dépose un plat devant un saint homme et me prosterne. Je suis adopté tout de suite par les femmes de service, misérables mais pleines de dignité, en beaux saris. Elles femmes me parlent dans leur langue. Une érection me prend, je commence à pleurer, ce voyage est sans retour spirituel. Le bateau est très haut, inépuisable, avec des provisions de bois. Je vais connaître un amour infini. D'autres Européens ricanent, ou ne sont pas dignes : attitude méprisante et colonialiste. Je ne reviendrai jamais et serai transformé. Je m'exerce à la langue du pays. Tout le monde couche sur les ponts.

Je me sens complètement perdu et complètement retrouvé. Annie est quelque part sur le

bateau, dans la foule. Je laisse tout derrière moi, ma vie ne sera plus qu'une immense prière. Je COLLIGNON

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pourrai aimer sans être obligé de baiser. Les femmes m'exercent à prononcer “Brahmapoutre”, sans le “-re” final. Elles s'appellent entre elles selon un système de délinaison. Des Blancs ricanent. Il y a à peine de la place pour s'étendre ou manger. Pas d'hygiène. Je m'en fous. Je ne reviendrai plus en arrière.

55 05 28

Salle basse, qui est aussi une salle des profs. Pas de lumières sauf quelques bougies pour un groupe de privilégiés dont Junca, vers le fond. Je lâche des bordées de juron contre l'Education nationale en lui souhaitant de crever, j'insulte mes godasses en les mettant. Me retrouve élève de Descroix dans la pénombre. Je ne parviens pas à traduire du Tite-Live : ne peux consulter mon énorme traduction, qui concerne un autre auteur... Descroix est bougon, mais très aimable. Il reçoit un coup de téléphone : “Non, pas pour elle !” Sylviane et une autre secrétaire s'éclipsent le doigt sur les lèvres avec l'appareil. On habille sa petite fille à deux, elle dit : “Pas trop fort, pas trop fort !” - elle doit être emportée de l'un ou de l'autre côté, les deux habilleuses tirent dessus.

Pendant ce temps j'aurais dû faire cours, heureusement qu'il ne s'en est pas aperçu.

 

55 06 15

Je suis dans un train russe en période révolutionnaire. Je chie dans des toilettes où sont déjà assises trois personnes. Michel Polac se penche sur moi :”Essaye de chier avec trois personnes dans la pièce”, lui dis-je. Il me répond en souriant qu'en effet je suis ridicule. Surtout que j'ai attendu que l'on quitte une gare, et qu'à peine installé voici un autre arrêt. “Estime-toi heureux de ne plus être au temps où l'on s'arrêtait pour une durée indéterminée”- rien ne marchait. Il faut donc que je me retienne. Quand enfin un peu de merde sort, la puanteur fait que tout le monde se lève et s'en va. Je me “colmate la brèche” avec un bouchon de papier cul. Je pense que je parlerais le djungo pour faire semblant de m'exprimer en russe. Le djungo, avec des accents différents, servirait pour toutes les langues...

55 07 06

Réunion électorale au village, c'est en même temps la fête patronale, une petite foule se presse sur une place. Il y a Josette et Mme Dorelon. Je vote, mais sans avoir le droit. Je porte un petit COLLIGNON

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garçon, Jean-Pierre, sur les épaules, son échine présente une croûte, comme mon chat. Je recherche sa mère (Marie-France Gouat) pour signaler qu'il faudrait établir une liste électorale. A chaque fois qu'on vote on reçoit une hostie. Je dis à un participant : « Attention de ne pas avaler de travers. » Présence de chats, de boue, de joie populaire.

55 07 10

Concert donné dans une salle de spectacle dépendant de l'ancien collège de Meulan. La salle, en amphithéâtre, est complète. Un abbé dirige le chœur et l'orchestre, beau, grand, soutane noire, très XIXe siècle. Il est très applaudi. Je vais aux chiottes à côté de l'avant-scène. Java, qui est apparemment trésorière, lui révèle qu'il possède désormais une fortuben plus de trois millions de francs. Il s'étonne, fait signe qu'il n'y est pour rien. Java s'exprime par gestes et mimiques. Le prêtre serait donc sourd et muet ?... A l'énoncé de ce nombre je déclenche à moi seul une nouvelle salve d'applaudissements. Je remonte dans les gradins où j'inspecte et reconstitue maints numéros froissés du Canard Enchaîné et de Sud Ouest, afin de retrouver une photo prouvant ma non-culpabilité dans une affaire de mœurs.

Je retrouve le dessin que j'ai fait d'un visage de femme choriste, superbe, mais on ne peut bien le voir qu'en le tenant à contre-jour. Je n'ose le jeter. Mais la page manque toujours dans les journaux, y compris dans le Sud Ouest du jour, reconnaissable à une boîte vide et collante de camembert oubliée entre les pages. Impossible de me disculper : quelqu'un a fait disparaître le témoignage favorable. “Ce doit être dans le cimetière”. Un ami hongrois me dissuade d'y retourner. Je me suis aperçu en effet que j'étais nu, parce qu'il faisait très chaud là-bas dans l'amphithéâtre ; si l'on me voit dans cette tenue je risque à peu près le lynchage car il s'agit de ma supposée inconduite en collège autrefois.

Mais les voitures du public sortent à présent du cimetière abandonné où elles étaient garées, tandis qu'un vaste engin de chantier au bras d'acier puissant démolit là-bas les tombes enfouies dans le sable. Je gagne ma voiture garée non loin et renonce à retourner chercher mes habits dans l'amphithéâtre : il faudra que je conduise nu. Je manque presque dans un virage l'entrée d'un enclos délimitée par un portail de vieilles pierres, et la voiture prend de l'élan. Malheureusement elle COLLIGNON

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s'enlise en pleine pente dans le sable épais, au-dessus du vide tellement c'est devenu raide. Il me sera impossible de descendre, à poil, pour la désensabler, car de plus c'est dangereux. Je reste là coincé, voyant mon véhicule de l'extérieur, et de loin.

55 07 13

A une cantine, les femmes me servent avec mauvaise grâce : je suis un chipoteur, donc je n'ai presque rien. Et j'en renverse – il m'en reste encore moins ! On me soupçonne de savoir quelque chose au sujet de Chevènement disparu dans la Sarthe...

 

55 07 21

A

Consultant mon agenda, je constate qu'une fois de plus Anne a dessiné des caricatures, de plus en plus foisonnantes et talentueuses. Je regrette presque qu'il n'y en ait pas davantage, mais la recherche, pour lui administrer une superratatouille.

B

Sur le chemin du retour à la maison, j'aperçois en contrebas un attroupement autour d'une dizaine de femmes, les unes voilées, les autres non. Une des premières s'est fait agresser, les autres se sont rassemblées pour soutenir les premières. Elles sont très belles et dignes. Il règne une immobilité menaçante. Pour moi, je perds le souffle et m'agenouille en pleurant sur la connerie humaine. Aucun son ne peut sortir de ma bouche, on commence à me regarder.

 

55 07 23

En panne de batterie, je dois passer la nuit dans un village, et rien ne sera rechargé avant le lendemain après-midi : “Votre voiture est à 67” (ce devrait être “167”), “ça suffit pour repartir !” Je retourne finir ma salade dans un restaurant de routiers, me lève pour dire que ce sera dégueulasse et le mange debout dans un entrepièces. Ensuite, que de choses j'ai rêvées. La fin d'un bouquin sur “le corps”, dont le dernier chapitre, trop loin, était “La mort”, seul moment où enfin le corps se réalise dans son apogée. Puis je traversais un parking très boueux où les voitures démarraient, très sales, avec des passagers hilares, édentés. C'était, précisément, à Orléans, devant une église, à la place des tombes d'un cimetière.

De nouveau chez moi, après un coup de téléphone, je m'étendais, m'apercevais en me relevant que la porte du palier était restée ouverte. Alors je parcourais l'appartement tout en criant “Y a quelqu'un ? ou quelqu'une ?” Et justement, poussant une porte, je sentais une résistance, alors je balançais mon pied dans l'embrasure, et c'est Annie, en vrai, qui recevait le coup de pied dans le lit en me disant “Que ça fait mal “, et je m'excusais : “C'était en rêve”. Si je me rendors maintenant ce sera une belle série de cauchemars...

 

55 08 08

Notre appartement, mi-rue David-Johnston mi-allée des Tulipes, envahi par une famille de réfugiés, mi-maurétanienne, mi-cinghalaise. D'abord c'était Fatimatou, puis sa sœur, puis ses parents ; alors je me fâchais, ils prenaient leurs aises, bloquant les toilettes : celles du palier étaient dégueulasses, inutilisables. Je finissais par brailler, désignant tels et tels hommes à grosse tête et bons bouffeurs, disant que je n'avais pas l'argent pour nourrir tout ce monde, les autres râlant dans leur langue. Je parle même d'appeler la police, parce que ce sont peut-être des dissidents, voire des terroristes. Mais ensuite, au troisième (ailleurs), qui était tout ce qui nous restait, je parlais de vendre, en rangeant des assiettes.

Anne prétendait que, si nous vendions, nous serions accablés d'impôts. “Première nouvelle !” disais-je sans vraiment le croire.

 

55 08 09

En voiture au sommet d'une pente au pied d'immeubles formant une sorte de place sans issue, je tourne en rond, partout des sens interdits. Je suis sans doute parvenu à me garer, parmi d'autres dans le même cas que moi. Je me retrouve au sommet pelé de cette colline, dans un lieu clos à ciel ouvert, sorte de transformateur d'où s'élève comme un sifflemet menaçant de bouilloire surchauffée (c'est en fait le signal des éboueurs comme je m'en apercevrai au réveil). J'essaie d'introduire une clef mais ça ne s'adapte pas. En redescendant la côte, coincée entre deux falaises, je croise une multitude de pélerins du rien, car là-haut, ils ne trouveront que ce transformateur menaçant.

Je croise des autocars, des groupes. Des femmes se précipitent par en bas, se suicidant d'exaltation. La radio commente tout cela, émettant des doutes : accidents ou suicides collectifs ? Je croise au bord du précipice une gigantesque pyramide humaine masculine vêtue de brun, vraie muraille vivante. Tout le monde se dirige vers les hauteurs stériles et dévastatrices de l'amour, tandis que je redescends peu à peu vers la plaine, soulagé.

 

55 08 13

Dans un CDI en restructuration, une vieille documentaliste. Je dois monter un volume dans des étagères au-dessus de lits superposés. Je l'embrasse. Lippa aussi, il n'y a pas coïncidence des deux désirs. Je suis déjà venu dans cet endroit, avec Sonia transformée en vélo dans une impasse et David en automobile : village en fête, prenons congé d'une famille d'accueil chez qui nous nous sommes introduits. Ecoutons un vieil ivrogne pris d'eau-de-vie. Un phénomène survient dans le ciel. Démontage d'immenses chevaux de bois. Ce rêve, retranscrit à contrecœur, me semble très dangereux.

 

55 09 14

Nous habitons une villa, et nous entendons parfaitement avec nos voisins d'en face. Il fait beau, c'est l'été. La voisine vient me demander d'ouvrir la porte de mon cagibi, plein de cartons, que j'essaye de vider et ranger, “parce qu'il fait chaud” (bizarre...). Je vais chez elle, son mari est occupé à la même chose. Je repars sur un vélo à une roue, très haut. Je m'arrête juste en face d'un poteau dans les feuillages en précisant plaisamment que j'ai trouvé un bon moyen de stopper. Sonia se trouve avec une copine, elles ont dans les treize ans. A ce moment survient une voiture qui frappe la porte de mon cagibi en marche arrière, puis celle du voisin en marche avant, qui repart, heurte tout.

La petite voiture en question se retourne à moitié, il y a un conducteur et un passager arrière. Je demande aux filles de rentrer pour que nous nous enfermions, mais il est trop tard. Le conducteur descend, agressif, anormal, les yeux égarés, un collier de barbe roussâtre, tendant vers nous un couteau à huîtres. Il dit : “C'est aujourd'hui mon anniversaire.” Il semble complètement psychosé. Je le repousse. Fin du rêve.

 

55 12 05

Avec David dans les rues d'une ville espagnole ; je chipe une voiture postale, qui d'abord ne veut rouler qu'en marche arrière. Nous parvenons à une montée en plein cagnard, où la température atteint 32°, m'avertit le jeune garçon qui m'accompagne. Nous descendons une pente routière, faisons demi-tour devant un camion qui montait, et nous klaxonne. Nous parvenons devant une haute maison de bois et de briques, où se trouvent de nombreux tableaux. Nous montons, avec Parrical jeune fille, l'escalier extérieur de secours, très raide, très instable, qui s'effondre sous nous. Mais nous parvenons à nous rattraper, Anne Parrical si ça appartient à quelqu'un et si c'est bien fixé.

Elle se lance, avec l'escalier devenu souple, au-delà de l'angle du bâtiment, et arrive à atterrir à un niveau du sol surélevé. Nous l'imitons, mais elle a eu du courage. La maison prend feu avec tous ses tableaux ; nous pensons que cela ne fait rien, que les propriétaires en rachèteront bien d'autres. Le bon gros gardien, nommé Gardien Grillé, nous offre une collation de consolation. Nous avons tous 14 ans, j'ai à côté de moi une jeune fille du même âge, en petite robe, à qui je dis qu'elle

est belle. « C'est vrai ? » demande-t-elle en se serrant contre moi. Cependant, elle est déjà avec quelqu'un. Je vais dire que mes 14 ans à moi n'ont pas été du tout comme cela, du point de vue des filles.

Mais on propose un bal costumé, « contre les disputes d'enfants », et ma petite fiancée revêt une robe à tournure, avec deux gros élytres brun brillant à l'arrière...

 

 

56 01 07

Avec Tarche et Hostalier, rentrant chez Carole en remontant une rue, après nous être arrêtés dans une maison délabrée. Des flics nous ont suivis. Carole a préparé le déjeuner : les pièces sont vastes, claires, à l'étage. Les agents de police montent, jeunes, aimables, nous demandant des nouvelles de nos santés. Je réponds : « Un rhume de temps en temps. » Puis je m'aperçois qu'insidieusement ils orientent la conversation vers les substances illicites. Ils commencent à fouiller, me placent un bandeau de laine blanche sur les yeux, qui manque m'obstruer le nez, puis me ligotent les mains pour me faire parler – dur, le réveil...

 

56 01 13

Avec Blanchard, Annie et d'autres à cheval, nous descendons une vaste pente en sous-bois, où se trouvent de nombreuses personnes (pique-nique, etc.). Les couleurs d'automne sont magnifiques. Je me demande si les chevaux pourront emprunter une pente pareille. En bas, malgré les affirmations de mes compagnons, Mme Cholet dans un asile de fous m'impose une perfusion qui me fait très mal à la cuisse droite. Je hurle à l'injustice et j'ai très peur. Allée des Tulipes, on réveille tout le monde par des bruits divers, dont Geneviève enfoncée à l'envers dans son duvet. Dans une petite pièce, Domi, Yssev et Ranou le potier de Meulan discutent ; le potier est un ancien speaker de radio qui me témoigne beaucoup de mépris.

Je m'en vais puis reviens, tant le monde s'est débridé et déconne pleins tuyaux. Le speaker me demande alors, pour manger, « Du sel s'il vous plaît Monsieur – je dis « Monsieur », à présent ? » Seul, je rédige une lettre de rupture à Domi et Yssev.

 

56 01 18

Je suis une femme de ménage espagnole de 45 ans, maigre, petite, vêtue de noirs cheveux plaqués. Je nettoie une grande chambre d'hôtel à grande baie, un peu renfoncée, donnant sur une pelouse ensoleillée. Je repasse dans ma tête mon journal personnel, qui se termine par «nous avons été réduits à baiser dans le patio », prononcé « sio », à la française. Je pense que je faisais auparavant partie d'un groupe islamiste syrien, qui chantait des couplets religieux guerriers, et s'aiguisaient des lames les unes aux autres. Ils finissaient par s'aiguiser leurs étuis, en ronde bosse, et je me demandais comment ces étuis pouvaient bien être tranchants...

 

 

 

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