Proullaud296

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Blattes, blattes, scénario

C O L L I G N ON

 

B L A T T E S  , B L A T T E S

 

 

LES FILMS DE MERDE

 

PITCH

Deux couples rivaux aménagent une ancienne boucherie en lieu de vente pour travaux de peinture sur soie. L’ambiance tendue, l’isolation du lieu choisi, la sottise humaine généralisée, le manque de motivation, présentent une image déprimante de toute entreprise humaine.

 

THÈME

 

Tout est vain, le monde est con, toute entreprise est vouée à l’échec, se lamenter est le but ultime.

 

LE HÉROS

 

1.QUI EST-IL ?

Un homme de 48 ans, professeur profondément pessimiste, dont le seul but est de caricaturer tous ceux qu’il voit. Il déteste toute action et cultive l’inaction, l’imagination languissante.

 

2. QUE FAIT-IL ?

Il accompagne sa femme et l’amie de celle-ci dans une tentative de se faire reconnaître dans leur activité artisanale. Ses cours n’interviennent pas ici.

 

 

3. D’OÙ VIENT-IL ?

 

De Bordeaux, à 100km. Son activité consiste à transformer ses cours en perpétuel ricanement. Il n’est venu que pour suivre mollement le projet de sa femme, sans s’impliquer

réellement, car il ne croit à rien, sauf au caractère victimaire de sa précieuse et inutile personne.

 

4.OÙ VA-T-IL ?

 

Absolument nulle part, où le vent le pousse. Sa femme et l’amie de cette dernière lui demandent de transporter su matériel à Fort-St-Jacques, alors il le fait.

 

5. POURQUOI Y VA-T-IL ?

Parce que sa femme Arielle le lui a demandé, sinon il s’en fiche. Il pense que les femmes ont toujours raison, ce qui est une excellente raison pour ne jamais prendre la moindre initiative. Simplement, par la seule force de son observation ironique et morne, il créera des mots et des images à peine moins chiantes que la réalité, qui n’est qu’une toile de fond de sa douleur mineure et narcissique.

 

(« ETC. » : rien de plus. Un vrai sous-Houellebecq, une loque informe et vénéneuse)

 

xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx

 

CARTON

Tout être qui se sent persécuté

est réellement persécuté.

MONTHERLANT

Le cardinal d’Espagne

 

SEQUENCE 1

INT. JOUR

OFF

 

Les blattes sont de petits insectes dégueulasses,

hétérométaboles et dictyoptères. Ils trottent dans

les lieux obscurs en faisant cra-cra-cra

et se nourrissent de débris variés/

 

1. GP Blattes : longues et brunes

au plafond

2. GP - sur les murs

3. 4. 5. GP Blattes longues et brunes en positions différentes.

6. INSERT : une ampoules à cent watts, éblouissante

7. GP : Blattes aplaties éblouies qui font les mortes

8. GP : Certaines contractent d’un coup leurs six pattes sur le ventre

et se laissent tomber au sol.

9. GP : Blattes

qui filent sur le carrelage.

10. GP : Pantoufle rageuse écrasant les blattes

à même les parois et le plafond nus.

11. Quatre pantoufles enfilées par des mains

12. GP Blattes qui tombent.

 

OFF

« La mort la plus simple pour l’organisme le plus simple.

Un petit rectangle simple, qui craque à peine.

13. GP Cadavre écrasé contre le mur, raclé pour le faire tomber.

BRUITAGE TRES ACCENTUÉ PDT TOUTE LA SÉQUENCE

14. PLONG. SUR LES QUATRE BABOUCHES

15. PM Carnage sur le carrelage, en perspective cavalière.

16. GP sur les rescapées se cachant dans des fissures.

17. PA. Deux humains, mâle et femelle au crâne rasé, roux pour la femme.

Baladeurs sur les oreilles.

La femme en tablier bleu.

Ils comptent les cadavres en se courbant.

PASCAL SCHONGAUER dit PAPIER

Vingt-cinq.

MARQUISE DE SCHONGAU

Quarante-quatre.

PASCAL

Soixante-neuf. Quelle coïncidence.

MARQUISE

Va chercher un balai.

TRAV. AV. PASCAL de dos cherche un balai dans un placard très sale

ZOOM AV. Toiles d’araignées, très luisantes.

TRAV. AR. PASCAL charrie les blattes sur la pelle.

18. GP visage de la Marquise, surimpression STOCK : pelleteuses charriant des cadavres à

Auschwitz.

19. PA Ils enlèvent leurs écouteurs et coupent la musique.

MARQUISE JEANNE

C’était quoi pour toi ?

Elle écarte les bords d’un grand sac en plastique.

PASCAL

Schubert comme d’habitude.

PASCAL PAPIER est tout pâle. Il jette les cadavres à la pelle dans le grand sac.

 

SEQUENCE 2

EXT. JOUR

 

Dans une voiture. PASCAL et MARQUISE JEANNE de SCHONGAU côte à côte

 

MARQUISE JEANNE

Maintenant on peut y aller.

PASCAL

...avec le kilo de poudre qu’on leur a foutu dans le coquetier, les blattes…

MARQUISE JEANNE

...elles peuvent crever.

Un temps.

Tu n’as pas oublié les tréteaux ?

PASCAL

Pas de danger.

JEANNE

Tu les as bien calées, mes toiles ? Ventre à ventre, ou dos à dos.

PASCAL, bat :

Tout baigne…

 

SÉQUENCE 3

EXT. JOUR

1. PG Voiture, de dos, débouchant dans une rue étroite.

2. CONT.PLONG. Panonceau défraîchi «BOUCHERIE »

3. PM PASCAL et JEANNE, écouteurs à l’oreille, font plusieurs aller-retours de la voiture à la boucherie, transportant des paquets encombrants (tréteaux, toiles par deux).

4. GP sur des barreaux de vitrine, verticaux, très serrés, à l’ancienne.

5. TGP Intérieur des cannelures des barreaux, maculé de taches brunes indélébiles.

6. GP Visage de PASCAL reniflant.

PASCAL

Ça sent le vieux sang. Séché.

Il mâche dans le vide bouche ouverte, d’un air dégoûté.

7. PG TRAV. GD Arrière-boutique.

TRAV .AV. Cuisine en boyau.

GP Un réchaud vétuste, un tuyau à gaz à date périmée.

 

8. PM JEANNE de dos ouvrant une fenêtre crasseuse qui donne sur une ruelle à ras de caniveau, eaux sales. TRAV. BH Une fenêtre juste en face, rideaux bonne femme et cul de télévision 1992.

9. P.G. PASCAL Schongauer et JEANNE Schongau installant toue sorte de paquets, tréteaux, tableaux, premiers rangements et dispositions.

OFF :

« ...soit pour les époux Schongau-Schongauer en location indivise un bâtiment sis six de la rue des Puniques, sur trois niveaux dont une boucherie désaffectée au rez-de-chaussée plus arrière-boutique attenante, chambre et dégagement plus point d’eau et toilette au premier étage plus chambres et toilettes au deuxième et combles, le tout constituant immeuble de rapport ou hôtel déclassé pour insalubrité (arrêté préfectoral du 20 juillet 1983), chaque chambre pourvue d’une literie, d’un mobilier d’hôtellerie adéquat et de tous tuyaux, robinetterie, lavabo et bidet en bon état de marche, à charge éventuelle pour les époux Schongau-Schongauer de réaménager à leur gré exclusif tout ou partie, intérieur ou extérieur, du bâtiment décrit susdit... »

 

10. P.E. PASCAL et JEANNE remettant une forte liasse de billets entre les mains de LA FEMME AUBERGISTE (MAUD)

 

11. P.E. PASCAL et JEANNE main dans la main, écouteurs pendants, s’engage dans le grand raide escalier de bois noir qui monte à l’étage.

 

INT. JOUR.

12. P.M. PASCAL SCHONGAUER s’arrête net :

«  Douze vingtièmes de ma vie ; quatre ans par marche : 48 ans sur 80 ».

Ils se tiennent par les épaules.

 

13. P.M. Ils débouchent sur le grand palier qui comprend : une pierre à eau, un coin douche. Armoires, coffres, poussière.

 

14. P.M. TRAV. AV.

Couloir tordu ; au bout à droite une chambre en état d’abandon ;

 

LA FEMME AUBERGISTE (MAUD) par derrière. L’HOMME AUBERGISTE. Tous deux très corpulents, l’homme très grand, de type alsacien.

L’HOMME, qui les a suivis :

« C’est la plus belle ».

 

PASCAL

« Sûr ! »

15. PANORAMIQUE GD

Une cheminée sous la poussière gluante. Une table de nuit. Lit. Couvre-pied lourd.

 

16. P.M. JEANNE se tord les pieds sur les tomettes.

17.G.P. PASCAL SCHONGAUER : son visage exprime une grande satisfaction. Il se frotte les mains.

 

18. L’AUBERGISTE MÂLE

« Ça donne juste au-dessus de la porte aux bouchers. Ne vous penchez pas trop » (doctoral) Quatre mètres cinquante.

L’AUBERGISTE FEMELLE (MAUD)

« C’est mon mari qui a installé la pompe. Et des toilettes dans le boyau. V’z’avez pas vu les toilettes ?

 

JEANNE SCHONGAU

« Il y a des blattes.

MAUD

« Vos aurez du produit.

Les deux couples se comparent avec intérêt.

 

MÂLE

« On vous fait un prix parce que c’est insalubre.

 

FEMELLE

« Il faudrait des frais énormes.

 

PASCAL, s’esclaffant niaisement :

« Ha ha ! « Énormes ! »

 

JEANNE le fixe férocement. Il se tait.

 

19. P.M. Int. Jour

Vue sur une chambre désaffectée, volets mi-clos, matelas roulés.

 

AUBERGISTE FEMELLE, soufflant :

Juste au-dessus vous avez une autre chambre, qu’est pas mal non plus.

 

AUBERGISTE MÂLE

Bon, moi je r’tourne bricoler.

 

20. P.M. AUBERGISTE FEMELLE, guide les locataires

Là c’est les cabinets. (Elle tire la chasse)

Surtout vous n’en mettez pas trop. Pour le produit, vous passerez le prendre. On mange à sept heures.

 

21. Travelling avant dans l’escalier

PASCAL

Qu’est-ce qu’il y a sous ç’t’escalier ?

AUBERGISTE FEMELLE

Ben c’est un puits. (Elle dégage, en tirant une planche, un puits intérieur fermé par une grille)

À la fin de la guerre les Résistants ils ont balancé des miliciens. Alors ça remonte ! - moi je suis là que depuis trois ans.

 

SÉQUENCE 3

P.E. INT. JOUR

 

1. Intérieur d’auberge campagnarde. Six tables serrées, nappes « bonne femme ».

Représentants, camionneurs. Seule à une table, imposante, la MARQUISE DE BOUF ET BOILNŒUD. Grande, forte, blonde, 50 ans, se croit bon chic bon genre.

JEANNE SCHONGAU, de dos, attendant qu’on la serve.

PANORAMIQUE BAS DROIT vers HAUT GAUCHE

PASCAL sort des toilettes en haut de l’escalier en se rebraguettant et redescend s’assoir en face de JEANNE SCHONGAU.

 

OFF

JEANNE, à PASCAL

Je ne veux pas manger dans ce trou à rat.

PASCAL

C’est pour se faire bien voir.

JEANNE, sifflante :

Savonnette...

 

2. P.E.

L’AUBERGISTE FEMELLE (« MAUD »)

Vous prendrez bien l’apéro ? (elle fait signe à SA FILLE) Trois Marie Brizard !

 

LA FILLE s’éloigne, escortée par un PETIT AMI soumis aux cheveux d’oreilles d’épagneul.

 

« MAUD »

Il n’y a pas de clients ici. C’est pas des gens intéressants. Et puis avec tous ces putain d’impôts…

La MARQUISE DE BOUF ET BOILNŒUD tique…

 

3. INT. JOUR P.M.

LE PETIT AMI

Vous voulez de la musique ?

 

Il met en route un appareil à musique, constitué d’un corps de buffet et d’un cercle de métal blanc, sous vitre.Ce cercle présente une infinité d’aspérités correspondant au mécanisme d’une boîte à musique.

 

 

LE PETIT AMI glisse une pièce de cinq francs Napoléon III dans la fente, l’appareil se met en marche sous les yeux attentifs et dans le silence de tous ; il joue La marche des petits Pierrots.

 

SÉQUENCE 4

 

1. CUT – P. M.

CARLOS, SOPHIE LA BLATTE

Couples de touristes, lui : corpulent, type latino-américain, barbe de zapatero. Bagues, lunettes noires de comédie.

SOPHIE LA BLATTE en robe légère et très démodée.

 

CARLOS, sur le pas de la porte, écoutant :

C’est vraiment chouette !

 

SOPHIE, voix très aiguë :

Patronne ! Deux menus très simples…

 

MAUD

Ici Madame, y a que du très simple.

 

SOPHIE & CARLOS s’installent au milieu d’une attention respectueuse. Ils sont disposés de face avec PASCAL et JEANNE , légèrement décalés.

Musique. On voit CARLOS s’enfiler trois ou quatre apéritifs, faire rigoler toute l’assistance avec de grands gestes ;

 

2. GP visage de SOPHIE

 

3. P.M.

PASCAL SCHÖNGAUER - JEANNE SCHÖNGAU, CARLOS ET SOPHIE LA BLATTE parlent ensemble avec animation, la glace est rompue.

 

4. P.M.

JEANNE SCHÖNGAU, naïve, à CARLOS

Ah ? Ils ont aussi des néonazis en Norvège ?

 

SOPHIE LA BLATTE À JEANNE, pour changer de conversation :

Je fais de la peinture sur soie : signes du zodiaque, symboles maçonniques…

 

 

PASCAL, coupant maladroitement la parole à JEANNE /

Ma femme attent cent quatre-vingt six échantillons de parfums, par le prochain car de Bajac. Et sur les murs, nous exposerons des instruments en miniature.

 

JEANNE, qui peut enfin placer un mot :

...de musique.

 

CARLOS parle bas à l’oreille de PASCAL en étouffant un fou-rire gras.

Bitte…

 

PASCAL rit sans façons.

 

6. G.P.

 

CARLOS

Je suis un envoyé d’Oliver Blatt Blattstein - ne me regardez pas avec ces yeux-là.

 

7 P.M.

PASCAL se ressaisit.

Une crème brûlée !

 

CARLOS

Nous allons exposer ensemble tous les quatre.

 

JEANNE,à mi-voix :

Pas de police surtout , pas de police !

 

CARLOS

Patronne ! Trois cognacs !

 

JEANNE

Quatre !

 

CARLOS, à mi-voix

Tant que je suis là, rien à craindre.

 

SOPHIE tire d’un sac à main des reproductions, qu’elle fait admirer. Des représentants retournent bientôt ses photographies dans tous les coins gras du local

 

 

SÉQUENCE 5- INT. JOUR

Intérieur de l’ancienne boucherie aménagée en salle d’exposition.

 

CARLOS

Mesdames, Monsieur, nous voici tous en Mission d’Art, chargés…

 

JEANNE

...et très éméchés…

 

CARLOS lui jette un regard terrible

...chargés de faire luire en cette basse bourgade les Arts et leurs supports. La tâche sera malaisée, car nul ici à Fort-Saint-Jacques , ne voit l’intérêt d’acquérir un flacon de parfum, une clarinette miniature, que sais-je ; il faudra conquérir les populations.

 

PANORAMIQUE DR. G. sur la boutique

 

CARLOS

Répartissons les tâches : les Hintzelstein, ou aubergistes, fournissent lessive, peintures, brosses et seaux.

 

SOPHIE

Et les pinceaux…

 

CARLOS lui lance aussi un regard terrible.

 

2. INT. JOUR

CARLOS s’empare du meilleur pinceau, de la plus large cuvette ; on voit les autres, et spédialement PASCAL, se contenter de rogatons avcc des mines de dépit.

 

3. P. E.

Musique.

 

Tout le monde au boulot, gueulantes devinées de CARLOS en train de morigéner tout le monde, il n’y a que lui visiblement qui saurait bien mieux faire que tous les autres.

 

4. P. R. sur PASCAL, perché sur un escabeau, qui tartine sa peinture n’importe comment, ne sachant même pas tenir un pinceau, dans un angle encombré de tuyauteries.

 

5. P. Américain sur CARLOS, perché sur l’escabeau juste en dessous, inspectant le travail de PASCAL.

« T’es vraiment le bureaucrate, toi... »

 

6. CARLOS a pris la place de PASCAL et se livre, ostensiblement, à un travail minutieux.

PASCAL, entre ses dents

« Démerde-toi, pauvre con ».

 

7. P.¨M. SOPHIE, JEANNE, admiratives ; PASCAL les rejoint, plein de hargne

JEANNE, lui tendant un cabas

« Tiens, va faire les courses. C’est tout ce que tu sais foutre.

 

SÉQUENCE 6 INT. JOUR

Une supérette. PASCAL, VIEILLE ÉPICIÈRE, JEUNE ÉPICIÉRE en minijupe. CLIENT(E) S

VIEILLE, accent du Sod-Ouest

LA JEUNE passe auprès de PASCAL en tortillant

« Vous désirez ? »

 

PASCAL

« Oui je désire, je désire euh… du thon… des œufs… un double-litre…

 

La JEUNE ÉPICIÈRE le sert à mesure. PASCAL n’ose pas s’intéresser à la JEUNE et flaire LA VIEILLE.

 

SÉQUENCE 7 INT. JOUR

Dans la boucherie aménagée, tout le monde travaille, les tabliers blancs se souillent à grande vitesse, et CARLOS peinturlure avec enthousiasme.

PASCAL, voix piteuse

«  « Qu’est-ce que je peux faire ?

 

Geste de JEANNE, il pose le sac à manger sur la table de l’arrière-boutique.

 

2. Tous travaillent à la peinture. PASCAL, off, chante d’une voix avinée.

 

3.

PASCAL ressort de l’arrière-boutique, tourne autour des escabeaux en brandissant son

double-litre sous plastique :

« J’vais vous raconter une histoire drôle…

 

TOUS

Non ! Non ! Surtout pas ! Pitié !

 

CARLOS du haut de son escabeau

Tu vas la fermer ta gueule ?

 

PASCAL, à JEANNE, désignant CARLOS :

«T’aimes ça toi, les gros bras… Ça te change des p’tites bites…

 

5.

(Il boit au goulot) C’que vous pigez pas, c’est le désespogne, le désespoir de l’ivrogne.

 

6. EXT. JOUR P.M.

PASCAL fait le zouave sur le seuil de la boutiques

 

7.

PASCAL retourne dans la Supérette, se livre à un comportement théâtral

Y a qu’moi qui travaille ici : Tiens filez-moi un fromage.

 

LA VIEILLE ÉPICIÈRE, très digne

Vous les avez derrière vous, Monsieur.

 

8. INT. JOUR P. M.

PASCAL revient en titubant, se raccroche à l’échelle double ;

JEANNE, sur l’échelle, descend :

Maintenant, ça suffit.

 

9. PASCAL brandit sa bouteille :

Au moins avec moi on se mââârre…

CARLOS

Tu nous casslek. Putain avec toi y a pas besoin de radio, on n’entend que tes conneries, tu fais chier.

PASCAL

Il est grossier, le monsieur qu’on ne connaissait pas tout à l’heure.

SOPHIE

Arrêtez quoi merde ! - Non, vous tout seul, monsieur Pascal.

JEANNE

Tu peux le tutoyer !

 

PANORAMIQUE H – B

JEANNE descend de son escabeau, le pinceau à la main, saisit la bouteille et la tord dans la main de PASCAL, l’arrache, passe dans l’arrière-cuisine.

 

10. JEANNE, de dos, vidant la bouteille dans l’évier.

11. G.P. sur PASCAL désappointé.

12. P.M. PASCAL

Regarde-moi tous ces bouffons le pinceau à la main, bande de prolos, même pas foutus de penser à la bouffe.

Personne ne l’écoute.

J’ai besoin de vin, moi. Ça ne vous vient pas à l’esprit bande d’enclumes que j’aie besoin de vin. Je suis un intellectuel, moi, je pense ! Et qu’est-ce que je vais faire, moi, sans pinard ?

CARLOS

Surtout pas de la peinture !

13. G.P. PASCAL, larmoyant

Tout le monde veut m’empêcher de peindre !

TOUS poussent des cris ; confusion.

Arrête de gueuler ! ...Braille pas si fort !

Ils crient plus fort eux-mêmes que celui qu’ils veulent faire taire.

 

14. P.M. PASCAL nettoie le vin et les débris de plastique avec une serpillière

Ma bouteille… Ma petite bouteille…

JEANNE

Tu salis le ciment avec ta vinasse…

PASCAL

Tu n’vois pas que j’nettoye ?

 

S É Q U E N C E 8 - EXT. JOUR

 

1. P. G. Arrivée d’un autocar brimballant. Le chauffeur en descend, monte sur le toit et balance les colis aux gens qui attendent en bas.

 

SOPHIE, en bas, tendant les bras :

Mes flacons ! … c ‘est fragile !

Elle montre des petits mollets tout maigres sous des chaussettes blanches.

 

LE CHAUFFEUR 

Il y a encore un paquet pour l’autre dame.

Il le décharge précautionneusement.

 

2. G.P. en gros plan sur des reproductions sur toile d’instruments anciens, d’icônes, etc.

3. SOPHIE déballe, étale, et installe ses foulards et ses flacons vides.

Elle fait flairer ses flacons autour d’elle :

Sentez-moi ça !

4. G.P. sur CARLOS, grommelant :

Tout ça c’est de la connerie.

6. G.P. sur SOPHIE

Je vendrai tout, je vais tous vous nourrir, PASCAL pourra s’acheter du vin, du meilleur.

 

TRAV. G.D.

JEANNE, glaciale : ...Quel humour…

7. PANORAMIQUE D.G. sur toutes formes de flacons, fantaisistes et contournées : cochons, grosses merdes bien moulées, etc.

 

FONDU ENCHAÎNÉ

 

SÉQUENCE 9 INT. JOUR P.M.

 

1. JEANNE

À mon tour.

PASCAL déballe des trompettes, accordéons, violons, le tout de 15cm de haut.

2. G.P. CARLOS

Tout ça, c’est des conneries.

 

3. PASCAL se rapproche de CARLOS

Qu’est-ce que vous disiez sur Blatt et Blattstein ?

CARLOS réticent

Tout ça, c’est des conneries. Ça ne rapporte pas un rond.

 

4.  P.E., PANORAMIQUE D.G.

Vue sur les deux étalages, côte à côte et face à face, en forme d’U. Les deux tenancières, JEANNE et SOPHIE, semblent jouer à la marchande, et sont ravies.

 

JEANNE

Que c’est beau ! Elle minaude en tournant un foulard entre ses mains.

 

SOPHIE

Ce que vous faites est magnifique aussi.

 

JEANNE, humant un flacon

Qu’est-ce que c’est ?

 

SOPHIE

Du patchouli. Oh, et ça, qu’est-ce que c’est ?

 

JEANNE, minaudant

Une trompette.

SOPHIE fait semblant de jouer sur une minuscule viole.

 

JEANNE

On ne peut pas en jouer !

 

5. G.P. CARLOS

Tout ça c’est de la connerie.

 

6. P.M. SOPHIE s’extasie sur de grandes Vierges peintes en or sur fond d’or, un peu trop déshabillées

JEANNE

Oh vous savez, il n’y a pas de popes dans ce village.

 

PASCAL, regard appuyé vers CARLOS

Des Colombiens peut-être…

 

P.M. CARLOS, qui se tape sur les cuisses

Tout ça c’est des conneries.

 

SÉQUENCE 10

À plusieurs reprises, ACCÉLÉRÉ, JEANNE et SOPHIE exposent leurs étals, et tantôt l’une, tantôt l’autre, essaie d’empiéter sur l’étal de l’autre.

SOPHIE

La soie faut que ça se déplie.

 

JEANNE

Oh les jolis chats ! les jolis taureaux ! les jolis beuffes !

 

SOPHIE

C’est un tigre.

 

JEANNE : Ou un bœux.

SOPHIE

Enfin quoi, tire un peu sur la soie, là, on voit bien que c’est un tigre, tout de même, il aurait fallu 50cm de plus pour bien voir la queue dans tout son développement.

« Vous… - tu me donneras bien une vierge ?

 

JEANNE lui tend un cornet à piston en laiton,modèle 1883

 

SÉQUENCE 11 INT. JOUR

 

1. SOPHIE, JEANNE

JEANNE

Des instruments miniatures : jamais personne n’a eu l’idée d’exposer ça avant moi.

SOPHIE

C’est comme mon cul ; on ne l’a jamais exposé non plus.

JEANNE

Ça ferait fuir le client.

Elles se battent, les hommes les séparent – PASCAL est fin bourré.

 

2. CARLOS, PASCAL

P.M.

CARLOS

Les icônes m’ont toujours bien consolé dans ma cellule.

PASCAL

Et qu’est-ce qu’il veut au juste, le Blatt-Blattstein ?

 

3. Nouvel assaut entre les deux femmes, nouvelle intervention.

CARLOS

Eh merde, vous ne pouvez pas tout simplement vous mettre l’une dans l’autre ?

JEANNE

Justement, allez vous faire mettre.

 

4. EXT. JOUR Attroupement devant la vitrine.

5. CARLOS, PASCAL

PASCAL, pâteux

Et pis t’arrêtes de soutenir ma femme, toi…

CARLOS

J’en veux pas d’ta femme ; même au lit elle garde ses godasses, comme Van Gogh.

PASCAL, à JEANNE

T’es pas prête d’en faire, du Van Gogh.

JEANNE

Et toi c’est pas l’oreille que tu d’vrais t’couper.

 

SÉQUENCE 12 INT. JOUR

1. P. M. Les DEUX FEMMES s’envoient leurs productions à la figure, les DEUX HOMMES essaient de les séparer

 

2.

PASCAL bourré veut rattraper les objets, mais il fait plus de dégât qu’autre chose.

 

SÉQUENCE 13 EXT. JOUR P.E.

Les AUBERGISTES et les villageois se sont attroupés devant la boutique, d’où proviennent des bruits de casse et des cris.

 

L’ÉPICIÈRE JEUNE

C’est peut-être pas des vrais artistes.

LA VIEILLESSE

Pt’êt’ ben juste des commerçants.

LE TABAC

Quoi, quoi, « des commerçants ?

 

SÉQUENCE 14 INT. NUIT

L’auberge.

1. P.M.

CARLOS, SOPHIE, JEANNE, PASCAL, LES DEUX AUBERGISTES

AUBERGISTE FEMELLE

Pour les chiottes, faudra vous méfier, pas en mettre trop, pas bourrer le papier.

AUBERGISTE MÂLE, sentencieux

Moduler le serrage des fesses, pour chier fin.

PASCAL

Pourquoi vous êtes toujours sur notre dos comme ça ?

AUBERGISTE MÂLE

On rend service, et on veut pas s’faire emmerder tout le temps pour du débouchage.

AUBERGISTE FEMELLE

C’est votre merde, pas la nôtre.

SOPHIE

Là n’est pas la question, c’est l’eau qui r’monte, on tire la chasse et on a le cul qui baigne.

PASCAL

Bravo le paysage quand on s’retourne.

AUBERGISTE FEMELLE

Et les douches c’est pour les chiens ? Mon mari en a passé des heures à bricoler un coin pour vous laver l’cul.

AUBERGISTE MÂLE

On parle jamais de ce qui marche.

CARLOS

Ouais les douches y a tout l’confort, on s’aperçoit que c’est occupé quand on voit la serviette sur la porte.

AUBERGISTE MÂLE

Putain jamais contents, je vous ai prévenus dix fois aussi que la flotte c’était pas terrible, venez pas vous plaindre pour les amibes, il faut chercher l’eau fraîche à la fontaine dehors.

AUBERGISTE FEMELLE

On vous en aurait bien passé du restau mais vu comment qu’vous êtes aimables…

JEANNE, hurlant

On va pas s’mettre à hurler, non plus ?

PASCAL, gluant d’amabilité

On pourrait peut-être manger chez vous, ce soir ?

 

SÉQUENCE 15 INT. NUIT

Les étages de la boutique vus depuis l’auberge

1. P.M. TRAV. AV.

PASCAL parcourt toutes les chambres, d’étage en étage

 

2. P.R.

Matelas rayés enroulés sur eux-mêmes.

 

PAN. G.D.

Volets qui se déglinguent, espagnolettes rouillées.

 

3. INT. NUIT

Visions de baise grotesque sur les matelas, (c’est ce qui passe dans la tête de PASCAL). Bruiitage de ressorts.

 

4. P. M.

PASCAL se jette sur un matelas ; boules de cuivre ; contorsions.

 

5. P.M.

PASCAL ouvre la lumière dans une autre chambre abandonnée, jour jaunâtre, ZOOM AV. sur le matelas rayé enroulé.

 

6. G. P. PASCAL se prend le jus en tournant un commutateur en papillon de faïence. Hurlement :

Erremmel !

Cri soudain, atroce et tout proche, d’une dame blanche (c’est un rapace nocturne).

 

7. STOCK

Un enfant qu’on égorge, ou qui passe sous un camion.

 

SÉQUENCE 16 INT. JOUR

 

La salle d’auberge.

L’AUBERGISTE FEMELLE

Tu aurais pu tout de même les prévenir, pour la dame blanche dans la toiture…

 

SÉQUENCE 17 INT. NUIT

1. P.M. Salle à manger de l’auberge. TOUS.

L’AUBERGISTE FEMELLE,buvant une Marie-Brizard

 

Faudrait pas croire ! Tiens,moi, ben je baise quand même !

 

L’AUBERGISTE MÂLE, se rapprochant de la table en fourrageant dans sa braguette

Et comment qu’on baise.

 

TRAV. G.D., PASCAL explique à JEANNE avec des gestes que la copulation doit s’effectuer par derrière vu la corpulence de la femme.

 

2. P. E.

TOUTE LA CLIENTÈLE dans le restaurant.

3., 4., 5. : P.M.

Diverses figures, le BURALISTE et sa bosse, l’ ÉPICIÈRE et ses cuisses nues, la MARQUISE de BOUF et BOILNŒUD un peu à l’écart mais condescendante avec son

gros chignon blond pisseux.

 

6. P.M.

LE TABAC

Tout de même, le communisme ça donnait de l’espoir aux gens.

 

7. P.M.

Regards lubriques de CARLOS cherchant à voir la culotte de l’ÉPICIÈRE quand elle croise les jambes. Il se passe la main dans la barbe. Il la tire, les yeux exorbités.

L’AUBERGISTE FEMELLE ramasse l’argent de tous et soupire

Vivement la foire tiens, qu’on gagne un peu plus de pognon.

 

SÉQUENCE 18.

INT. JOUR

 

SOPHIE essaye d’allumer le réchaud avec des allumettes détrempées.À la fin une grande explosion qui la fait sursauter :

Erremmel !

 

SÉQUENCE 19

INT. JOUR

Arrière-boutique

CARLOS bouffe à table comme un porc.

 

SÉQUENCE 20

EXT. JOUR

PASCAL se paie la corvée d’eau, maintes bouteilles de plastique vides sous les bras. Il en laisse tomber une pleine au retour. Elle éclate.

TRAV. AV.

PASCAL pose les bouteilles sur la table. CARLOS engloutit des spaghettis, se soulève pesamment pour péter.

P.M. TRAV. D.G.

Entrée des DEUX FEMMES

JEANNE

Putain, encore des nouilles !

CARLOS, la bouche pleine

Nouilles, encore des putains !

SOPHIE

Bonjour le régime !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

.

 

 

;

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 
What do you want to do ?
New mail

 

 
What do you want to do ?
New mail

Les commentaires sont fermés.