Proullaud296

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Du péché de chair pour une meilleure approche de Dieu

 

 

B E R N A R D

C O L L I G N O N

D U P É C H É D E C H A I R

 

POUR UNE MEILLEURE APPROCHE D E D I E U

PERSONNAGES

 

MAATZ Pascal, docteur, né le 23 août 1967, 36 ans. Exerce à (47) Moncap

Divorce prononcé aux torts du mari, lui-même.

Aide-manipulateur : Fat Kader Ben Zaf, patron de bar-expositions. Énorme et « jovial ».

Pascal a pour maîtresse Madeleine Bost, ancienne boulangère devenue prostituée rue H.. L'emmène avec lui à Châteauneuf-en-Bousse ; Madeleine connaît la buraliste locale, ancienne pute, comme elle. Participera, sans grande conviction, à un stage de sculpture au bord du Bassin d'Arcachon.

.

 

 

François dit Frank NAU, son demi-frère, FILS DE MEDECIN

Marchand de chaussures. Magasin à Vergt-du-Périgord. S'intéresse au tarot.

Aide-manipulateur d'Annelore Mertzmüller :

Père Duguay, espion à Châteauneuf-en-Bousse, surveille la strip-teaseuse Annelore Mertzmüller. Epie les femmes dans les couloirs obscurs de l'hôtel de Boutthes.

François dit Frank a pour maîtresse Annelore Mertzmüller – strip-teaseuse pieuse – qui connaît très bien Madeleine Bost. La strip-teaseuse est séquestrée à Châteauneuf-en-Bousse par le Père Duguay.

 

Les deux femmes ignorent, au début, que leurs deux amants respectifs sont demi-frères.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

COLLIGNON - DU PÉCHÉ DE CHAIR DANS LA CONNAISSANCE DE DIEU 3

 

 

 

 

Terra incognita

L'expression roman mort (« plus du tout de fiction, de l'information ! ») prête à rire depuis son apparition, début XIXe siècle. Voici

Du péché de chair dans la connaissance de Dieu.

Entreprise « qui n'eut jamais d'exemple » où nous avons ébauché ou dégrossi nos marionnettes.

 

Il est deux façons de rejoindre Dieu. :

1° l'orgueil mathématique : quelques initiés ou mystes, en fins d'asymptotes, effleurent Dieu sait quelle image de Dieu

2° l'humilité de a) celui qui ne mange ni ne chie

b) celui qui admire en son miroir chaque partie de son corps créé, «  rendant grâce » à mesure, puis une fois pour le tout  : « Seule et unique prière ! » - ce prêtre exagère. Tous les prêtres exagèrent.

Nous n'emprunterons ni cette voie, ni les autres.

En revanche :

- soit une strip-teaseuse  et deux hommes.

- Grand A Maatz, né juste après la dévaluation du franc malien ; son nom signifie, en germanique, « le nigaud », « le niais ». Son âge restera fixé à 36 ans, le vôtre. Il a votre taille. Lieu de naissance et signes particuliers : les vôtres. Nationalité  française. Études de médecine, externe 4 ans puis 3 ans d'internat. Thèse : « Soins primaires et Outils de veille », mention passable.

- Grand B Nau.

	






COLLIGNON - DU PÉCHÉ DE CHAIR DANS LA CONNAISSANCE DE DIEU 4




Pour NOS AMIES LES FEMMES  faisons léger. Sous forme de mots croisés par exemple. 


   1    2    3    4    5     6    7  8  9   10
1   	P    U   T     A    S    S   E   R   I    E  
2	R    +    +    C    O   U   R   E  +   N 
3	O   N   A     N     +  C    O  +   A   C
4	S    A   L     O     P   E    S   +  N   U   
5          T    +    +     N    O   R   +   C  U  L
6	I     C   H     +    +    +    L   I    S  E
7          T    R   O    N    C   H    E   R   + R
8          U    R  S     U    L    E    +   A   R  A
9          É    +   T     +    E    +   N    G   +   +
10       +      +   +    C    A    B   A   R   E   T
  1      2    3   4     5     6   7     8   9          10
  
HORIZONTALEMENT
	1. État naturel de femme 2. Qu'il se dépêche. Patron des deux sexes, honoré de maintes libations. Kéza , noblesse gasconne 4. Paradoxalement, à celles qui ne veulent pas. Comme un cul. 5. Nord sans d. Préoccupation essentielle 6. Avant liebe dich. Demoiselle de Bécaud  7. Activité fine 8. Qui rit quand on l'encule. Qui rit. 9. Nouvelle Gauche. 10. Au cabaret, c'est le bordel. . 
VERTICALEMENT
	1. Rare au masculin. 2. Demi-pute de Zola. Casimir, Raymond, Roger (dans l'ordre) 3. Aluminium. Soigne la chtouille. 4. Ce qu'elles disent toutes. A poil. 5. Syllabe d'enculage. Ne pas tourner autour. M. et Mme Pipe ont une fille. 6. Le comble de l'horreur. (...) - suie-moi le cul. 7. Prétexte à chasteté. Largeur. Fin de la pute précédente 8. Parfois du cul. Sur la bite du bizuth. 9. Pas Dei. 10. Sodomie programmée. 
	Reste à placer :  vulve, clite, con, poil.  




LE TROU DU QUIZZ
Êtes-vous une femme ? 
				Oui        _
  				Non       _
				Autres     _
Aimeriez-vous être 
				Pute         _
		        	Cultivatrice         _
			Strip-teaseuse     _  
Vous masturbez-vous ?
				Jamais      _
				Jamais      _
				Jamais      _
Aimez-vous les hommes ? 
				Ben…        _
				Euh...       _
			C'est-à-dire...      _
Votez-vous
				À droite   _
				À gauche   _
				Au centre  _
Votre mec porte-t-il 
				À droite   _
				À gauche   _
				Au centre  _
Votre tour de poitrine
				90 C         _
				85  D        _
				A   10       _
	----->    		cuirassé coulé.

COLLIGNON - DU PÉCHÉ DE CHAIR DANS LA CONNAISSANCE DE DIEU 6




	    Le docteur Pascal Maatz habite chez lui tout clos. Grand et chauve, couronne bouclée grisonnante et fêtard, nombre de partenaires sexuels imposant, du moins pour un homme. Fut également marié, puis divorcé, à ses torts : Ludovika née Hirschheimer avait accouché la quantité, considérable en Occident, de trois enfants – ce matériau fera l'objet d'une autre narration. En ayant donc par-dessus le crâne, rendue fébrile et vindicative par tant de passades extranuptiales (rien de tout cela ne semble présenter la moindre vraisemblance : je ne vois que désert sexuel tout autour de moi...), Ludovika obtint la garde exclusive des trois garçons. Certains pensent qu'elle épousa son avocat, grand amateur d'enfants. 
	Ils seraient tous partis dans le Cantal : au bout du monde. Le Dr Maatz connaît 
la route ; en remontant vers le nord-est par Fumel et Rouget, on gagne vite Aurillac, voire St-Flour. Mais à quoi bon. Confiscation donc de descendants âgés aujourd'hui de 8 à 14 ans, qui oublient leur père corps et bien. Rien dont l'homme se détache aussi aisément que des liens de paternité (Pascal Maatz ne dispose pas d'une sensibilité exceptionnelle : comment supporter, sinon, d'entrer ainsi, professionnellement, et par effraction, dans le corps des gens ? - exception faite cependant de ses émotions pieuses dans son oratoire, trop chaud l'été, trop froid l'hiver, juste sous les tuiles du toit, où nul ne doit avoir accès). Il en change lui-même les fleurs. S'y livre à des ostentations secrètes de piété : acteur
et public. Enfant déjà il installait, sous ses combles, une chapelle à Marie, nourrie
de représentations saint-sulpiciennes : fades crucifix, chromos de madones – sur le sol
un Antoine au discret cochon. Adulte à présent, Pascal célèbre son culte
sur un prie-Dieu rapetassé, face à quelques objets larcinés sur les tombes (depuis,
saisi de contrition, il demande pardon aux morts), sans oublier la grande Vierge
tout en bleu et Thérèse Gobe-Glaires (de Lisieux). Il se recueille ainsi entre deux
consultants, leur faisant croire à des urgences. Fâcheux pourtant qu'on le voie
redescendre de sa soupente en remontant, à la dérobée, sa braguette. Il fréquente
Bordeaux, 18 rue H., une habitude, selon Mauriac in Genitrix : Madeleine,
de la génération du baby-boom (45/69) : propre, rangée, en gris, pas trop physique,
la cinquantaine honnête avec un sac à main cabas  ; un peu popote, une fois par quinzaine, pour l'hygiène. Le docteur ne veut pas savoir qui passe avant, qui passe après - « quatre ou cinq fois
par jour lui dit-elle, on n'est pas des vaches tout de même » . Un jeudi sur deux.
Il pourrait aussi bien séduire n'importe quelle femme dans un délai raisonnable –
mais pas que ça à foutre [sic]

 

 

 

 

	
							X

	Grand B
François dit Frank Nau, cadet et chaussurier, naquit d'un autre père.
C'est un lunatique, à qui survint la fantaisie de transformer un jour sa maîtresse
Annemari-e (diphtongue germanique) - en pénitente du strip-tease, sans qu'elle ait pu
toutefois y renoncer tout à fait. François dit Frank a souvent traqué chez lui,
ou chez l'autre, la névrose de haut vol, sans pouvoir pourtant frôler ces hauts portails
de la folie. François dit Frank n'a pas brillé par ses études ; ce n'est pas
qu'il se soit particulièrement vautré dans la cancrerie : simplement, rien
de ce qu'on appelle choses de l'esprit (la médecine ?) ne l'a véritablement passionné.
Le choix des chaussures, après tout - l'hygiène des pieds, jusqu'aux bonnes
ou petites manières, gestes pour mettre ou ôter ses souliers, ne révèlent-ils pas
l'homme et l'âme aussi sûrement que ses furoncles ou ses rythmes cardiaques ? François dit Frank, passé vendeur après stage à Fougères (mise en place,
fichier clients), s'est porté acquéreur d'un atelier du Périgord. Tourne
sur les marchés, négocie ses ventes, ce qui lui rembourse l'essence et l'usure.
La camionnette s'ouvre à tribord par un auvent latéral, exhibant les chaussures
en boîtes carton ou transparentes : Zaramion, Lady-Top, Princesse Alyne.
Il faut bien vivre. Et, pour l'orgueil, affichant prix et délais, du sur mesures,
« couture trépointe ». Lui reviennent parfois des éclairs hors-saison sur son passé,
ou sur l'argent qu'il devrait à Pascal, s'il prenait cruauté à ce dernier
de se faire rembourser. François dit Frank ne ressemble à son frère que par
l'implantation de ses cheveux, dégagés à mi-crâne et blancs, depuis la trentaine. Outre les souliers haut de gamme et l'étude de la langue tchèque (hommage
à grand-mère Agata), François dit Frank Nau s'intéresse au tarot, sans en tirer
bénéfice, mais non sans conclure, en privé, sur certains indices : leur pléthore
démontre nécessairement une trame explicative, ou l'autre.
Le nébuleux devient déduction ; rien qui s'oppose plus aux logiques
mathématico-médicales ! D'où, chez notre cartomancien, ce flou de l'âme et
ce vice artistique : talmudiste ou catholique, marxiste ou freudien - quoi que
vous puissiez ruminer ou concevoir, quelles que soient vos restrictions les plus
personnelles - toujours l'un ou l'autre de ces vagues devins parviendra à ficher
sa flèche au milieu de vos cœurs. Chaque lame reçoit de lui seul désormais sa signification, à sa guise.
C'est pour ne pas entacher le renom de son frère, médecin généraliste !
qu'il affiche l'identité controuvée de Frank Nau. Il n'a pu le faire inscrire à l'état civil,
mais se désigne ainsi sur son auvent de camion : "Frank Nau, Fort-Saint-Jacques,
Dordogne ». François dit Frank est un homme "sensuel, sans problème" - sens. ss. pb.
Ils sont tous deux fils officiels d'un cardiologue nantais, rigoriste, qui préfère
au bâtard son légitime. Renchérissant dans le convenu, la mère adore ce petit
François, son "fils en coton" comme elle l'appelle. Bouclé avant même d'avoir blanchi.
Dès la mort de ses deux parents, voici trois et quatre ans, Frank Nau manifestera de grandes dispositions hétérosexuelles, comme si en vérité la vie lui avait ôté le capuchon des yeux ; sa maîtresse actuelle est une Germanique, issue des Mertzmüller de Rauffendorf, aus einer großen Familie. Une grande blonde à tresses postiches, strip-teaseuse « en scène et à domicile », et qui n'accorde à ses peepers que la stricte abstinence. Que François dit Frank Nau, 1m 68, savetier (s'il en reste) à St-Jacques
et Fougères soit parvenu à s'attirer les bonnes grâces d'une telle femme, une artiste !
tient du miracle : sociétal, conjugal - lui, le raté ("...ton frère a décroché son diplôme
de médecine !") baise l'une des plus belles Èves de France et d'Allemagne.
La mère, sans jalousie, demeure en excellents termes avec son fils, l'admirant même
plus que l'autre : nul ne contestera qu'il soit plus facile, à y bien regarder, d'escalader
sept années d'études après le bac, dont deux en externat même indemnisé, que
d'inscrire sur ses tablettes non seulement une femme, ce qui en soi constitue déjà
un exploit, mais l'une de ces athlètes glacées qui lèvent la cuisse en cadence
ou se déloque savamment, fût-ce de Rodez à Béziers à mille francs l'entrée
sans le champagne. X Pascal, pour sa part, exerce en contrebas d'un de ces bleds
que surmonte un axe départemental, en l'occurrence Salbez-Moncap-Faucon.
Le pharmacien occupe un recoin humide place Arbrissel (1047-1117). Potard
et toubib se renvoient leur clientèle entre catarrhes et matins de cuites : le Baron
d'Yeul se laisse boire et le brouillard tient bien la route. Entre les deux caducées,
le simple et le double, se dresse la Salle des Fêtes au fond d'une fausse impasse
- jusqu'à la chicane d'un sentier mal rembourré de tuiles, qui mène sous le nez
des vaches et plus si affinités. Moncap, sept cents habitants,  façades et pavés noirs. CHAPITRE DEUX CONFIDENCES NON DE FEMMES – PREMIER DÉVOIEMENT 9 Ne pensons pas que deux confidentes se limitent à parler de cul ; nous évoquons ici
pourtant, loin des métropoles, une horizontale en rupture de passes et son amie
dont nous parlions plus haut, Annelore Mertzmüller, strip-teaseuse. Le piquant
de l'affaire est en effet que la maîtresse du chaussurier et celle du médecin
se connaissent et se croisent depuis trop d'années : Annelore offre en scène
son cul dans une aura de compassion bouddhique, tandis qu'Madeleine Bost,
ex-boulangère, se vendait naguère en métropole bordelaise pour 3 francs 6 sous,
tarif Palais-Royal. Or les deux amies parlent le moins possible de sexe.
Leurs assises se tiennent dans un salon de thé du quartier piéton,
à Saintes (Mediolanum Santonum). Comme elles sortent d'une vie mouvementée,
elles comparent leurs voyages. Elles n'ignorent pas qu'elles possèdent chacune son homme,
sans se douter d'abord que ces deux-là soient frères, de noms différents mais
de mère unique, et lorraine. Les deux amies connaissent les itinéraires, et
s'échangent recettes et adresses de routiers : « abondants, mais si bruyants ! »
- puis vont chasser plus loin. X À Châteauneuf-en-Bousse , au pied de cette place forte aujourd'hui
renfrognée dans la neige, se cache le monument négligé de Robert du Plessis-Bertrand,
que les livres d'histoire ne mentionnent plus. Mais nos demi-frères pour leur part
découvrent un club de chasse, où se rencontrent des paysans forcément madrés,
aux yeux non moins finauds, tous inoffensifs et reposants tant qu'il ne s'agit pas
d'héritages ou de bonnes mœurs (nous disons "en-Bousse", nous excusant à l'avance auprès de l'équipe municipale, qui devra bien se résoudre à ce que l'on ne parle pas uniquement de sa commune en termes de dépliants touristiques). L'amitié entre femmes, dans l'imaginaire de l'homme, n'est trop souvent qu'une possibilité d'infinies consolations après une baise trop rude ou ratée, l'homme n'offrant souvent d'autre choix que l'allégresse du soudard ou la flaccidité de l'ivrogne… Il existe à l'écart de la route un hôtel au bas du plateau, vers le sud. Là s'est
confiné un simple client ; il a monté la butte et l'a redescendue vers le nord
dans la neige d'un chemin creux, cherchant le monument si encensé jadis
par son maître d'école, aujourd'hui cénotaphe si délabré, où Robert
du Plessis-Bertrand sur son lit de mort reçut des Bavarois les clés de la ville.
Son corps se décomposa sur les chemins, et l'on dut procéder à une totale
éviscération puis ébullition. Mais en laissant derrière soi la Tarenne, l'homme lui a
très précisément tourné le dos ; il remonte vers le bar-tabac, bredouille
et réfrigéré, face au portail roman. « Quelle température fait-il ? » demande
la patronne à la cantonade. -  Cinq sous zéro, répond-il. « Dix ! s'indigne la buraliste,
moins dix ! - Je ne pense pas répond-il. La bonne femme prend vivement l'assistance
à témoin pour fustiger ce plateau pourri coupé de tout on les voit défiler
sur l'autoroute en bas, y en a pas un qui monterait s'arrêter ici - Madame, vous habitez
un pays que vous ne méritez pas
– mais il se tait. La tenancière prend parfois
trois semaines pour arrondir sa bourse sur le trottoir de Limoges ou Bordeaux
et se fait relayer par une collègue : roulement de roulures. L'inconnu repart en sortie
de bourg, Hôtel Citarel, surchauffé ; se change, enfile son veston de curé, descend
dîner. Deux couples en table 10 ; Pascal Maatz et son ex-boulangère en rupture de tapin,
Madeleine Bost ; plus, sa meilleure amie, Annelore Mertzmüller, de noble famille
schwartzwaldienne, avec François dit Frank Nau. Tous quatre mangent,
boivent et s'agitent beaucoup ; l'ambiance vire à la baise d'après le dessert.
Le prêtre anonyme repart dans sa chambre, guette par la porte ouverte de la salle
de bain la bande son d'un coït acharné. Il se branle deux fois au-dessus du bidet,
pour éviter les saloperies des chambrières, soigneusement hurlées à voix basse :
il est dérangé çui-là tout seul la nuit et des traces dans les draps,. Les femmes, en effet,
ne laissent aucune trace. Petit-déjeuner : « Qu'est-ce qu'il m'a mis hier soir ! (chuchoté) et toi ? - Il n'a pas pu, il était trop soûl ! Madeleine rescapée du trottoir confirme l'échec du docteur Maatz. Si petite,
moche et terne - bouclée grisonnante - que c'est elle qui doit baiser le mieux.
L'ouïe exacerbée du curé gris souris chope les miettes au-dessus des tasses. - Et le corbeau ? - ...un client - il part juste après. » Telle est très souvent la coutume chez
les femmes : à tout échec au pieu, consolation lesbo. Entre femmes ça ne compte pas -
les hommes, c'est curieux, pensent très exactement le contraire. Le prêtre
paye ostensiblement. Tu vois bien ! murmure la Mertzmüller, à la limite de l'audible.
Il flâne faussement dans le hall d'entrée, voit les deux amies gagner croit-il le couloir
des chambres – pas d'issue par là – puis revient sur ses pas : moquette rouge muqueuse,
chaque porte entrouverte émet de troublants effluves. Puis la ventilation f
orcenée (-5°) décèle au loin les ombres ambiguës des femmes de service, faisant
de son cheminement toute une gynécographies ; second échec : les fesses flétries
(par trop d'hommages ou trop de négligence) l'auront éventé. Alertées par ce bon père en civil dont la fausse indifférence évite jusqu'au moindre
frôlement de pain ou de cuillère, elles se sont entendues, au quart de cil, pour un
refuge plus sûr. L'ecclésiastique fureteur se demande ce qu'elles ont toutes à jouir
d'une façon si particulière. La solution serait que Mertzmüller, Annelore,
strip-teaseuse, baise de tous ses centimètres carrés de peau, sans la moindre
extériorisation, simulatrice à rebours (feindre de ne pas jouir), tandis que l'homme
se contorsionne. C'est ainsi que les deux amies tenaient les deux frères dans
l'ignorance ; eux non plus n'ont rien révélé, aussi chaque sexe s'imagine avoir dupé
l'autre. Annelore après l'amour fait bouffer ses cheveux sur son front. Madeleine, bigote et pute, reste simplement moche ; elle baise le pendentif
en croix qu'elle n'a pas quitté, chaste ce matin-là, en dépit des assauts médicaux
plus qu'avinés. Annelore de son côté se livre dans sa solitude à la macération,
mortifiant sa chair exhibée par des jeûnes, pour éviter sur scène les traces
d'un éventuel fouet de discipline. La flagellation - expiation définitive - elle l'envisage
contre un pilier d'église, juste la veille de sa retraite. Ce qui n'est pas demain la veille.
Précisons si ce n'est déjà fait que le père Duguay (l'espion d'hôtel, c'était lui !
d'où la fuite ! ah le con!) est curé de cette paroisse. Madeleine ne l'a pas reconnu.
Annelore, bien évidemment, si. Elle ne l'a jamais décrit. Elle a rejeté tout scandale entre les petits pains et les cafés. L'impudent
François Duguay ne sera ni petit, ni chafouin - ni énorme ni maigre, ni rien de ce que
sont les curés dans les livres, mais parfaitement banal, si ce n'est un penchant
vers l'espionnage masochiste, et, jadis, une propension à faire l'original
dans les fonds de bistrots pour attirer l'attention des hommes à l'heure
de la fermeture, puis s'éclipser sans conclure… Quant à sa bonne, la soixantaine,
bigote en sauce, teint de pruneau, ex-jeannette et guide, elle n'a pas du tout le sexe
fripé, comme se le figurent les mécréants, mais une vulve à peu près vierge,
parfaitement constituée, par analogie avec le zizi qu'il nous fut donné d'apercevoir
sous les draps d'hôpital, vivement soulevés, où gisait un curé de C., agité par
les drogues. Moi qui vous parle, j'ai entrevu un zizi de curé, et il n'était pas pédophile,
je le jure. DEUXIEME DÉVOIEMENT Le but du jeu est d'établir un savant basculement, de la Vie à la Mort
(au masculin comme il se doit, der Tod), de l'ascétisme à la joie s'il se peut.
Or passant quelque jour par l'immense cimetière de Limoges, j'y fus frappé
par une épitaphe poignante, sur une plaque émaillée : "A MON MARI – A SON ŒUVRE" accompagnée d'un autoportrait à l'encre sous verre bombé, assez bon, sans plus ;
d'autres portraits ornaient trois dalles voisines, comme si les amis du défunt avaient
poussé l'abnégation jusqu'à se faire inhumer dans la même section. Mon dos fut alors
parcouru d'un frisson. Je fus aussi frappé, à Limoges, mais plus subsidiairement,
par la carte postale représentant "l'Hôtel de Ville" d'Alfred Leclerc,
"construit à l'imitation de celui de Paris" ; ce qui serait risible, si je n'avais pas
assisté à un spectacle théâtral extraordinaire, où tout s'explique : une troupe locale
avait ressuscité le sinistre cabaret du Dernier des Hommes à St-Cyr-sur-Morin, Zone crapuleuse des années 25, dans une nostalgie pathétique. Venu à Limoges pour me changer d'air (à chacun son budget), je retrouvais
le dépaysement, au creux même du dépaysement : ces comédiens limousins non plus
n'aimaient ni leur ville ni leur époque. Je voyais sur la piste des Limougeauds et
Geaudes clamant (...archifaux!) la soif inextinguible d'un Paname inexorablement
passé et dépassé - celui de Joséphine, celui de Paul Poiret ; d'un Paris aspirateur
de tous les arrière-grands-parents arrachés de leurs vertes prairies bien fauchées
d'Ambazac ou de St-Yrieix .Spectacle à tordre les entrailles, grandiose, ringard,
englué quelque part dans les marécages des second et premier degrés. Beate Hoffmann,
bonne du curé (« pute le week-end à Bordeaux rue H. » - ce serait drôle) s'enfuira
peut-être en compagnie de l'essuyeuse de verres au fond du café de La Teste (Gironde), formant l'un de ces si nombreux couples de femmes en cavale. Quant au docteur Maatz, client occasionnel, il deviendrait si bouffon
dans ses oraisons, là-haut sous les combles, qu'il s'en suiciderait. Mais les poutres
sont trop basses. Je calomnie mes personnages. X Les hommes communiqueraient par téléphone car ceci se passait en des temps
très anciens.
N'est-il pas préférable d'entendre une voix humaine au bout d'un fil ?
telle est du moins l'opinion courante. Les personnages féminins se déplacent,
personnellement, plus volontiers. Il faut de nos jours que les femmes figurent
le mouvement, après avoir symbolisé du fond des âges l'immobilité ("L'homme
est le voyageur, la femme est le clocher", disait à peu près le plus mauvais Musset).
CHAPITRE QUATRE TROISIÈME DÉVOIEMENT Ben Zaf. Tête rouge, bouche toujours ouverte comme une carpe sur la berge.
Perpétuellement vif, gros et hors d'haleine. Le docteur Maatz fait sa connaissance
à l'occasion d'une exposition, car Fat Ben Zaf tient galerie, et le toubib veut persuader
sa maîtresse autrefois pute, Madeleine Bost (9 rue H.) à présenter au public ses
productions plastiques. .Naîtra entre ces deux hommes, le médecin et le gros
tenancier, une complicité inexcusable entre deux êtres opposés, au nom de l'art.
Maatz parle donc ainsi à son complice : "Je veux que tu trouves merveilleux,
incomparables, les sculptures de mon "habitude" (il le tutoie d'emblée, lui explique
brièvement ce qu'il faut entendre par "habitude") « et que tu le fasses savoir, partout
autour de toi ». Le patron de bar-galeriste commande à travers salle un "Bourbon Quatre Roses"
pour lui et son client. Toujours haletant, toujours soufflant : Sa Vitalité est épuisante
Il boit peu. Offre des orangeades avec ou sans vodka. Madeleine, pute-sculptrice, assiste cette fois aux entretiens suivants. Il s'agit donc d'exposer ses sculptures : laides, pyramidales, cubiques ou sphériques plus ou moins barbouillées, emboîtées, râpées, lissées. Le gros Ben Zaf se montre enthousiaste. Une fois sifflés les orangeades et le bourbonsmall batch petit lot ») le contrat est signé. Madeleine Bost est tirée d'affaire, 2-64-03-05-61-0814. Elle sculptait déjà entre deux passes. Le petit studio près du lit à « deux places l'un dans l'autre » devenait exigu. « Moi, je sculpte » précise-t-elle. « Les autres ne sont que des installateurs ! des étalagistes . » - Madeleine, ôte ta poutre… Parfois même elle soude au fer Conrad 50W. Ben Zaf répète en boucle c'est inimitable - ça n'a rien à voir. Les critiques sont
assassines : "L'esthétique du panier à salade" (Les Aventuriers) -
parfois les critiques écrivent vraiment ce qu'ils pensent. « Ce qu'elle sculpte tient
debout, n'importe où, s'adapte à tout, noir ou blanc, gris, rose. »
François dit Frank Nau, chaussurier, encourage du fin fond de l'Ille-et-Vilaine
la maîtresse de son frère. Le docteur Maatz : « Surtout ne pas déprimer ! »
La médecine selon lui se tient stricto sensu entre le laisser-faire naturaliste e
t le minimum interventionniste. Pascal, dans sa pratique et dans ses goûts,
s'oppose à l'acharnement thérapeutique. Il serre dans son portefeuille
un formulaire en ce sens Mourir Dignement. Don du foie, de la rate et du cœur (ce qu'il en reste dit-il). Jamais le pieux docteur Maatze n'est parvenu à faire modeler par sa maîtresse la moindre Maternité ni Pietà. Il est vrai que certains artistes ne se font aucun scrupule de dégager, dans le creux d'un bois flotté, à coups de gouge, une boule surmontée d'un crâne : "La Vierge", déclament-ils, "avecques son Enfant" (ou ce qu'on voudra). Le docteur prie toujours quant à lui devant sa Vierge bleu ciel dès qu'il en a l'occasion. « Mais pas devant des sphères » dit-il. L'amant d'Hélène - sculptrice d'occasion - joue le bon prince et paye tout. Dans ces relations improprement qualifiées de "machistes", c'est aussi bien la femme qui protège l'homme. De l'autre côté de la table à café standard grenouillent le gros Arabe et son
bourbon : "Ben Zaf, "Fils du Vent" - « Fils de rab » rectifie le docteur –
Kader lui jette un regard noir - « ...je prends 20% à la vente. L'exposition se fait
dans le bar : rez-de-chaussée, mezzanine, à votre choix. Toute sorte de compartiments
et de recoins, bien éclairés de partout, grande surfaces exposante. » Le bar occupe
la totalité du rez-de-chaussée, mezzanine à balustres sur trois parois. Le plancher
pose sur des entrecroisements de pilotis, face au port envasé 14h/24 –
embarcations sur le flanc à marée basse. Sous le plafond se suspend une pinasse
Bonnin Frères à hélice 1909 : L'Amicale, à mi-hauteur, passée au brou de noix. Juste sous la quille, un comptoir biface en longueur alla spina (long mur
aux deux extrémités duquel viraient serré les chars de course– perchoir des parieurs
téméraires). Et de partout, Bordeaux, Lyon, Rodez, accourent peintres et sculpteurs
pour profiter des effluves de fraîchin et de brai de calfat. Ben Zaf s'essouffle, boit peu,
tend sur son ventre à bout de bras des contrats que chacun signe et parafe.
L'exposition tiennent les plus grands pans de mur auprès du bar, ou les surfaces
lambrissées sur deux niveaux. Pas question d'accéder à la pinasse qui fracasserait
tout sous sa chute. Ben Zaf de plus se flatte d'une excellente initiative : inviter
un big swing band à péter les tympans, avec piano dans le fond et sexagénaires
hilares sur la photo du site, trompette, rythmique etc ; (Ben Zaf n'y connaît rien) «
 juste pour le vernissage" - contresens aussi barbare que « Jazz en Quercy » ou de
Haute-Provence au pied des vieux murs, dont les meilleurs tutti évoquent au mieux
l'harmonie du verre pilé au fond d'une lessiveuse -ou si vous préférez, une soirée
Salsa-Clé-en-Main ?
Mais 20 % de réduction ne sont pas à négliger. Devoir se brailler
dans la gueule pour s'entendre parler pousse à l'indulgence, et les buts du Dr Pascal,
pour l'instant, restent encore obscurs.
Le Père Duguay à Châteauneuf, espion auriculaire, s'est vu précisément délégué auprès d'Annelore M., strip-teaseuse au grand cœur, qui se fait troncher en chambre après avoir offert en scène son spectacle à Dieu. Le prêtre connaît aussi Fat Kader ben Zaf à la Teste, près d'Arcachon. Tout ce petit monde bouge beaucoup. Chaque demi-frère (le médecin, le chaussurier) s'est mis en tête, un moment, de corrompre, quelle qu'en soit la manière, la maîtresse de l'autre : celle du pieux Généraliste, celle du Godassier ; comment s'y prendre ? Pascal prépare toute une casuistique, afin de paralyser petit à petit la strip-teaseuse de son frère dans le filet du péché, on ne peut plus étranger à cette dame. Or ce premier projet s'avère intenable : trop de consultations, trop de contestations, de pages à composer, trop de soi-même à jeter dans une tâche frivole ou dans un trou sans fond : devenir célèbre et rester soi-même ? un tour de force ! bien sot qui place sa survie sur une si hasardeuse barcasse - écriture, lecture, qu'est-ce donc que cela ? Chacun se borne donc, en définitive, à défigurer sa propre maîtresse, et, sans le savoir, court au désastre  : en effet, une telle individualisation des tâches les perdra tous deux. Le Père Duguay, mandaté dans un premier temps par les deux frères, ne rendra donc plus ses rapports qu'au spécialiste du pied, François dit Frank Nau. Le prêtre espère à présent voir, et non plus entendre seulement, telle ou telle femme en train de baiser, au lieu de se branler lui-même misérablement à l'abri d'une cloison au-dessus du bidet (pas de tache, évacuation immédiate). ...Après son espionnage donc des corridors d'hôtel, le Père Duguay (ni grand ni petit, ni chafouin ni ventru ; c'est déjà trop qu'il soit ordonné prêtre) a regagné son église en lave, dont le porche un peu de biais fait à peu près face au bistrot-cartes-postales, de part et d'autre de foutus courants d'air. Il ne se sent chez lui que dans son église, multipliant les signes de croix, recueillant les maigres aumônes des troncs : St-Antoine, Ste-Thérèse (qui a vraiment sur sa photographie des traits de paysanne). Il ne se rappelle plus quelle autre, ou peut-être la même, fut obsédée dans son agonie par la vision d'un grand mur gris. « Le Christ est peut-être un grand mur gris". Duguay prie à genoux bras en croix, ou de tout son long sur les dalles quand le portail est clos. Toute exubérance est en effet honnie du peuple autant que du Clergé, qui s'est bien juré de mettre au pas les visionnaires et autres saltimbanques ; Duguay a tout intérêt à se méfier des vieilles salopes qui ont viré son prédécesseur, lequel avait émis des doutes, pendant son sermon, sur la virginité de Marie ; il en avait été de même COLLIGNON DU PÉCHÉ DE CHAIR DANS LA CONNAISSANCE DE DIEU 17 CHAPITRE CINQ pour le précédent, parti visiter Nazareth avec le Denier Jubilaire, au lieu de le donner aux pauvres. Duguay passe un peu trop souvent derrière le vieil autel, celui qui ne sert plus, pestant contre les chandeliers fendus sous la crasse. Il se souvient aussi d'un soir où, de son vivant, perdu dans les Landes, il s'était réfugié en tenue laïque au fond d'un bistrot avant fermeture. Et à son insu (donnez-moi mon Dieu pleine maîtrise de mon corps) avait multiplié tics et mimiques au point d'attirer l'attention d'un client du cru. Ce dernier s'était détourné des autres, et le contemplait depuis le bar d'un air étrange. Duguay s'aperçut alors, avec un horrible malaise, qu'il avait dragué cet homme, et qu'il ne lui faudrait pas trois minutes avant que cet inconnu ne le rejoignît à sa table et ne l'invitât chez lui tous volets fermés. Duguay s'éclipsa in extremis et ne voyagea plus. Depuis, il se cloître dans son église : verrou poussé, génuflexion, traversée de la sacristie - trois marches de plus, et le voici au presbytère mitoyen. Parfois il salue l'autel en claquant des talons, bras tendu. Jamais Monseigneur n'a eu vent de lui ni de sa paroisse. Pourtant le prêtre est bien dingue. Son invention favorite était le téléphone, qui, sans posséder encore (à cette époque) la magie de l'informatique, permettait déjà de réduire les contacts au seul son de la voix : il obtenait instantanément, dans la discrétion, ce musulman du Bassin d'Arcachon qu'il avait connu jadis Dieu sait comment. Tous deux, Kader Ben Zaf, bien grossi, et lui, prêtre ordinaire, obéissent aux directives des deux frères : Pascal, médecin, et François dit Frank Nau, vendeur de chaussures. Mais ces deux-manquent d'envergure, et de résolution. Ils se contentent de prendre des nouvelles, comme un maquereau « relève le compteur », mais sans la moindre trace d'arrogance. Ben Zaf se charge donc, en définitive, de l'ancienne prostituée, Bost, et l'héberge pour rien dans sa soupente, lui faisant enchaîner stage plastique sur stage plastique : Maatz l'a persuadée, quant à elle, de se sculpter sculptrice, lui fait miroiter les prestigieux débouchés d'un café-galerie visité depuis Paris. Depuis, Madeleine ne quitte plus guère le Bassin, glaise au four après glaise au four. Cela lui convient. Son amie, la Mertzmüller, là-haut, s'effeuille encore sur les scènes de Tarbes ou Montluçon, et n'en démord pas : c'est faire œuvre pie que de montrer son cul, œuvre divine. Annelore affirme avoir préservé plus de cent trente pédophiles du passage à l'acte – à moins qu'elle ne les y ait incités, car il est formellement interdit aux effeuilleuse de se prostituer sous peine de renvoi immédiat ; elle excite, puis se dérobe. Que reste-t-il au soulagement des hommes ? pour certains pervers, la réponse va de soi. Mertzmüller Annelore apprécie pourtant l'acte de chair : à COLLIGNON DU PÉCHÉ DE CHAIR DANS LA CONNAISSANCE DE DIEU 18 CHAPITRE CINQ chaque assaut charnel du marchand de chaussures, elle émet un grand cri, comme à l'hôtel de Châteauneuf précisément où le Père Duguay appréciait, de manu, son art du cantabilé amoroso ; les injonctions de François dit Frank à son âme pusillanime et damnée restaient confuses - à moins qu'il ne se fût agi de faire toucher du doigt l'irréparable séparation de l'âme et du corps ? ...conception qui révulsait, précisément, le père Duguay. Parfois, le prêtre se prenait à détester son Église. Et tandis que son commanditaire François dit Frank s'essoufflait à suivre l'effeuilleuse de Néris à Forges-les-Eaux, le bon père, pour sa part, demeurait sur le plateau, en retrait, jaloux de reprendre pleine autorité sur elle, et craignant les pédés de rencontre. Les deux frères pensaient asservir leurs maîtresses respectives, leur faire payer ce qu'ils n'avaient jamais vécu : être femme. Il faut en vérité que ces deux-là soient bien frappés. Qu'ils aient beaucoup de temps ou des réserves sur leur compte. Leurs activités en effet s'effilochent. La demi-fraternité n'aboutit qu'à l'éventail restreint des demi-mesures. Jamais ils n'auraient songé tous deux à se concerter, à échanger de longues stratégies. Chacun pour soi : est-ce que ce sont des manières ? Les deux maîtresses ne les voient guère que de loin en loin, uniquement pour un coup, « une passe ». Les dialogues restent brefs, si les actes sont prolongés ; la corvée n'est pas coûteuse. En vérité, chacun, ici, chacune, pense à autre chose. Il faut donc nécessairement que les acolytes, Père Duguay sur le plateau et Fat Kader sur le bassin, fassent fausse route. Sinon c'est à pleurer. Les deux supposées victimes, rappelons-le, se consultent régulièrement, non seulement à Châteauneuf-en-Bousse, comme il est normal entre belles-sœurs de la main gauche (ayant fini par l'apprendre), mais aussi, ce que les hommes ignorent, dans le fameux café vieillot, religieusement conservé, de la zone piétonnière à Saintes (Charente Maritime).

COLLIGNON DU PÉCHÉ DE CHAIR DANS LA CONNAISSANCE DE DIEU 19

CHAPITRE SIX




			« Allô ? Fat Kader ben Zaf ? tout baigne à La Teste ! » C'est le mot de passe. Kader fait fête à l'autre bout du fil à son ami Duguay, prêtre et acolyte en manipulation : oui, dit le cabaretier ; mademoiselle Bost, ex-boulangère des trottoirs, mord à l'hameçon, se pose en artiste, et commence même à sourire. Des stratagèmes sont élaborés pour écouler ses œuvres, grâce à quelques habiles galeristes et commissaires priseurs. Quant au curé, là-haut sous sa Margeride, que peut-il prétendre ? Avoir persuadé Annelore de s'enterrer quelques journées par mois à Châteauneuf-en-Bousse (1280 mètres), pris d'assaut par Robert de Montbrond (1370) – tient déjà de l'exploit.  	En vérité pourtant, les  négligences et le dilettantisme des commanditaires ont abouti à ce constat : les seconds rôles ont pris le pouvoir. 

							X

	Annelore Mertzmüller, comme nombre de mystiques, éprouve souvent une nécessité de discipline et de rachat : entre ses tournées, soumises aux aléas de crépusculaires imprésarios, elle se livre à des retraites, conjugales sinon monastiques, auprès de  François dit Frank Nau, marchand de chaussures, en son hôtel Citarel chambre 8 – sans toutefois dépasser le fétichisme des jarretelles, ce que la  femme (en quelque sorte) estime dégradant - so gemein !  soupire-t-elle, so erniedrigend ! Mertzmüller jouit peu. Quant aux autres décrochages, Mertzmüller les consacre à ses bronches, pour les soustraire aux tabagies passives sous les voûtes des caveaux et autres bars à musique.  « Nous irons » dit Frank « à Châteauneuf-en-Bousse, ou bien La Chaise-Dieu ». 
	Va pour Châteauneuf. Le père Duguay se rengorge, abreuve là-haut sa victime de  casuistique, invoque les grands jésuites du XVIIIe siècle, les RR. PP. Habert et Valla. Pensée rococo dit-il. Annelore lui prête une oreille indécise ; le cadeau visuel de sa chair nudée aux messieurs (et dames) très chics et d'un certain âge lui semble encore bien plus personnel que toutes les pénitences et réconciliations. Les reproches de frivolité la laissent de glace. La translation de sa beauté (toute palpation serait du dernier déplacé) relève non seulement les virilités flapies mais aussi  à ses yeux son propre niveau de conscience, infiniment supérieur aux raisonnements vétilleux d'un jésuite. 	Cependant, Annelore étouffe. Les frères commanditaires ont laissé carte blanche à Duguay. Ils se sont fait, sur le Bassin ou sur les hauts plateaux, supplanter. Les demi-frères soudoyeurs n'ont rien pris au sérieux, ni les entraves ni leur amour. Le temps des donjons n'est plus, mais des têtes vides et des cœurs de papier. Ce que  Duguay n'a pas prévu, c'est qu'Annelore est de plus en plus attirée par Beate Hoffmann, servante et dentellière ; car l'amitié (tout sexe hors sujet) se révèle souvent plus ardente que toute autre attache de convention. Aucun rapport avec les compensations que l'on s'octroyait entre femmes, quand Pascal et Frank (calibre 420) partent en chasse. Tout reste bien compartimenté ; Annelore la strip-teaseuse consolide, au fond des campagnes, des relations plus solides qu'entre filles de salle. Elle rejoint, au second étage du presbytère, la bonne du curé, bossue d'origine allemande elle aussi, la soixantaine. Qui recoud, reprise tout, aubes, surplis réglementés par Vatican II. « Au contraire de mon métier », dit l'effeuilleuse en souriant. 
	La sexagénaire invente et brode à satiété ses vêtements sacerdotaux, comme avant la tenue du Concile. Elle en coud même de très excentriques, inspirés du cinéma (cardinaux à roulettes ?). Il règne entre ces deux femmes, Beate und Annelore, dans cette mansarde à l'armoire profonde, d'impalpables affinités. D'emblée, elles se parlent en allemand - Annelore ne trouve à l'employer sur scène que dans ses pastiches de Marlène, longue et grave - qui ne lui conviennent pas. Quel plaisir de converser avec Beatrice, qui préserve ce Hochdeutsch suranné de Luther, prononcé en lettres gothiques... Nul ne les comprend, pas même le Père Duguay, qui se targue de germanisme, niveau guide touristique : n'a-t-il pas rédigé la notice Châteauneuf-en-Bousse und seine Umgebung (« et ses environs »), dont une touriste du Mecklembourg lui a renvoyé à sa grande honte un exemplaire abondamment rectifié, qu'il dissimule mais consulte. 
	Les deux femmes baptisent leurs conversations d'un beau nom français : « Les Entretiens de la mansarde » ; ils portent sur la nomenclature des habits ou ornements, dans les deux langues ; sur les points et figures de broderies et brocarts. Ces envoûtantes litanies bilingues pourraient aussi bien tirer de l'ombre ces solides armures des combattants terrestres, reîtres et chevaliers d'Auvergne et de Dauphiné sur les rives du Rhône, entre St-Clair et Condrieu - de celles que portait précisément vers 1330 Robert du Plessis-Bertrand. … Après de longs silence où toutes les deux cousent (Mertzmüller lève ainsi de mémoire ses patrons de scène), les propos s'orientent inévitablement vers les grandes manœuvres des Mâles et des faux-culs (falschen Fünfziger, « faux quinquagénaires »…) : « Je vous sauverai de toutes ces manigances chère amie, croyez-moi ! » Beate (« Sœur Beate », dit le prêtre) se chipote souvent avec le Père Duguay, de ces petits accrochages entre cousin/cousine passé l'âge de se tripoter – comme s'ils l'étaient en vérité.
	Le sujet de ces escarmouches est souvent de savoir l'usage auquel il convient d'attribuer les grosses pièces de 10F de la quête, 


CHAPITRE SEPT



Bien que la fille Bost, prostituée rangée, participe aux orgies modérées de Châteauneuf (quand le Docteur à jeun s'y rend en vacances), il lui reste son « ouverture sur le Bassin » ;  là-bas, sa principale alliée reste la propre épouse de Fat Ben Zaf. Autant ce dernier, directeur de son stage, rouge et haletant (combien de temps encore ?) répand autour de lui le vent et l'agitation, autant sa compagne se cantonne, attentionnée, à l'office du bar. Le jour du vernissage, le swing band bien tonitruant s'était montré commode pour elles deux : par-dessous le vacarme des cuivres, elles vaitn découvert un de ces tunnels de fréquences bénies des sourds et audibles d'eux seuls. 
	Mais qu'un intrus survienne – qu'est-ce que tu peux bien entendre avec le son si bas -  et force le volume -  et tout se brouille ; le sourd ou la sourde se lève et s'en va. « BCBG » est le surnom donné par Fat Ben Zaf à sa femme. Femme aux longs cheveux blonds serrés en queue de cheval, meilleur et seul appui d'Madeleine, dont elle n'ignore pas l'ancienne vocation. 




CHAPITRE HUIT




 De pères différents, Pascal et François dit Frank Nau, ne s'étaient véritablement connus que vers leur 22e année, s'étant bornés à quelques cartes de vœux. Leur mère s'était remariée . Elle  exalta le premier fils, celui d'un avocat, aux dépens du cadet, fils de médecin, futur marchand de chaussures : « Tu te rends compte ? pour un fils de médecin ? -  Oui maman.» Quant à l'autre géniteur, celui de Pascal Maatz, il était resté seul, ombrageux ; il avait livré son fils à de sombres études de médecine, ayant pour sa part préféré le droit. Lorsque le fils Maatz eut enquillé avec succès ses trois années de DFG, il éprouva donc le besoin de connaître son demi-frère François dit Frank, le marchand de chaussures. 
	La première entrevue manqua de chaleur : le futur docteur Pascal, outre une sacrée bougonnerie, manifesta déjà les inquiétants symptômes d'une bigoterie de fraîche date : « Bigot, bougon - bien la peine de faire des études », lui reprocha François dit Frank. Lequel courait marchés et foires, du Maine-et-Loire au Tarn,  s'approvisionnant si nécessaire en cuir car il cordouanait lui-même à l'occasion, « pour  ne pas perdre la main » ; il possédait la faconde des vendeurs publics, ne la quittant que pour sa compagne, envers laquelle il se montrait, de façon très inattendue, plus réservé. Il arrivait même qu'il la corrigeât, devant son propre frère. Il reçut de ce dernier une lettre particulièrement mortifiante : « Tes plaisanteries » écrivait Pascal, « atteignent un niveau de platitude jamais égalé. Tu manques de la plus élémentaire ambition .» François dit Frank, malgré son nouveau prénom, restait mou. 
	Passé six mois de bouderie,  la correspondance reprit, mollement : santé, comptes commerciaux, ou bien, côté médecin, de fastidieuses évocations de paysages. Soudain tous deux se découvrirent, au hasard de ces confidences écrites qui surviennent en pleine indifférence, pour meubler : un goût de possession, d'emprise, sur leurs maîtresses respectives, « à moins qu'elles ne les possédassent eux-mêmes » : la seule idée d'une telle inversion jetait les deux femmes dans le fou-rire. La mère des deux grands garçons s'étant ces entrefaites entichée de secondes noces  aux bras d'un amant bolivien, les demi-frères se revirent plus librement à Fougères, puis à Moncap (Lot-et-Garonne) où Pascal exerçait obscurément, puis à Châteauneuf-en-Bousse, en Lozère, où survinrent les premières copulations plus ou moins ardues, assez souvent simultanées : cela faisait longtemps que les deux maîtresses se consolaient l'une l'autre.
	Les deux frères se découvrirent aussi, ou se forgèrent, un goût commun pour la chasse et l'ennui. Ils décidèrent, à huis clos, de briser une fois pour toutes leurs femelles, par désappointement de les faire mal jouir. « N'en disons rien », chuchotèrent-ils, « car la vie de province est dure » - les deux fils, orphelins de pères, délaissés de mère, se devaient de prendre leur revanche !  La terne pute Madeleine Bost serait promue grande artiste départementale par un Maghrébin scrupule.  Et l'autre, l'étincelante, die prinkelnde Annelore Mertzmüller, offrant sur scène un corps savamment dévoilé, apprendrait d'un curé haut-languedocien, le Père François, voyeur, l'ineptie, l'hérésie de ses  porte-jarretelles et autres ornements, et la supériorité autrement gratifiante de la prière.
	Périlleuse double manœuvre, échanges bâton-bâton avec doubles saltos. Les filets tiendront-ils ? Entraîneurs : Fat Kader Ben Zaf, en son bar du Bassin, et sur le plateau, le père Duguay. Monique, épouse du tenancier girondin, et la bonne, Beate Hoffmann, feraient tout, chacune dans son angle, pour graisser les barres, pour que les hommes tombent. Ainsi s'expient les sexes. Du fond de son antre, Fat Kader déploie toute une panse d'enthousiasmes afin de justifier l'alliance hideuse entre swing et peinture, où les brames du cuivre assassinent sans remède toute velléité de sensation plastique. 
	Parfois c'est un tableau, heurté du coude, qui s'effondre au sol. On époussette, on replace.  Dans l'ignorance de Wagner, Fat Kader accomplit le Spectacle Total. 

						X	

		Le remodelage dévolu au Père Duguay semble plus ardu : Mertzmüller dispose d'arguments liturgiques imparables : prenez et mangez-en tous, car ceci est mon corps. Un tel dévoiement ne peut s'ancrer que dans le vice ! Pascal Maatz quant à lui flagelle son esprit sous sa soupente et les yeux de sa Vierge en plâtre peint. « Je ne suis pas croyant » dit-il « j''accomplis des rites ; mes universités, mon positivisme, m'interdisent tout basculement mystique. »  Et ce qu'il mime devient ce qu'il croit. Le médecin ne veut rien prouver ; il se trouble hors de sa spécialité. Foi, doute ; médecine, échouent dans le monde réel en dépit de nombreux hybrides et de tous les cyborgs. Voilà pour le Salut. La Charité ? de nos jours, les soins gratuits, chers aux fouriéristes, ne sont plus nécessaires : la SS concrétise, cautérise toutes les légendes. 
	Le médecin prodigue à tous sa substance charitable. Peut-être manque-t-il à Maatz d'être le docteur des pauvres. L'amour terrestre enfin, comme il le mène,  empile les imperfections. Rien ne distrait donc Sa Morosité. Ses sports favoris sont portés au pinacle, puis au pilori, jusqu'au tennis « qui détraque le poignet » (« sport » vient du français « desport », « divertissement ». Madeleine Bost, ex-tapineuse de la rue H., qu'il exile et cloître non pas en Margeride à portée de griffe du Père Duguay - quelle folie de réformer celle qu'on devrait tuer – mais dans une lourde brasserie testerine, sous un ventre opaque de Tunisien. Fat Kader lance tous  produits statuaires ou picturaux, comme si leur séjour sur ces cimaises valait accession au Grand Bazar de l'Art. Pour sa part, en son cœur, même en confidence à sa Vierge, Pascal Maatz traite Madeleine de «fade  greluche ». 
	Expression tout droit inspirée par son frère François dit Frank.  Ce dernier lui suggère un certain mépris envers son ex-prostituée de maîtresse («mon Annelore, au moins, ne fait que montrer artistiquement son cul »). En retour,  docteur Maatz-Bigot englue son puîné de culpabilité religieuse : « N'as-tu pas honte de voir à quel point la Vierge a souffert pour toi ? » La question est de savoir si l'humain représentera la perfection divine. Pendant ce temps Madeleine la Pécheresse, après le modelage, se fait une réputation de fumeuse d'herbe frelatée. Les dealers de verre et de laque (on trouve de tout, même dans la coke…) adorent Madeleine, les  exposants font de même. Sa personne et ses œuvres jouissent d'une popularité croissante, mais priorité à la beuh.    
	Annelore Mertzmüller, au pied de la Margeride (Truc de Fortunio, 1554m.) vit à présent à l'hôtel choisi par Maatz, qui se mêle des affaires de son frère. Elle reçoit régulièrement le bon Père chargé de lui injecter le virus du remords. C'est le docteur Pascal (et non pas Rougon) qui les domine tous, même si François dit Frank n'est pas en reste pour la contamination rampante. 

CHAPITRE NEUF




	Le Père Duguay reçoit son médecin commanditaire dans un oratoire : ce n'est en vérité qu'un vieil autel de fond de sacristie, au coffre arrière jonché de débris : sous-verre de saint Joseph, un autre de Paul Miki supplicié à Nagasaki en mille six cent vingt-deux ; les palmes plastifiées de saintes Juste et Rufine patronnes de Séville et des potiers. Ce bric-à-brac heurte le docteur Maatz, si soigneux de son sanctuaire saint-sulpicien. Il voit aussi des colonnes en bois torses pour baldaquin, et trois chaises rempaillées par Cécile, mère vénérée  de Charles P. Mais il inspire à pleins sinus la poudre de vieille encaustique. Voyant son hôte froncer les narines, Duguay se méprend, propose de passer chez lui, mais Pascal Maatz tient à rester là, parmi les prie-Dieu et les planches de confessionnal. 
	Il confie au prêtre, qui croise les jambes (cela se tolère aujourd'hui) qu'il entretient lui-même, deux étages au-dessus du cabinet, son petit lieu de culte où il brûle, régulièrement, de petits cierges à la cire d'abeille et de l'encens vendu par boîtes de 20. Le prêtre blâme ces bigoteries. Quel est l'objet de votre visite ? - Je possède une femme… - possède, quelle drôle d'idée - que j'aimerais lancer sur le marché de l'Art. Elle expose pour l'heure au Café Ben Zaf de La Teste. Résistera-t-elle à tant de gloire ? 	
	- Je ne retourne plus jamais dans ces régions, répond le prêtre. Je ne retourne plus nulle part. Ici je suis, ici je reste » (marre d'être pris pour un dragueur à tantes dans un arrière-bistrot) « La gloire n'a jamais effleuré même de loin la moindre expo de brasserie. Fat Ben Zaf m'informe au téléphone trois fois la semaine - Madeleine Bost ne court aucun risque. »
	Assurément, l'exposition n'était que la première étape, unique en général ! D'un chemin de croix promotionnel. Mais il fallait un doux rêveur, une rêveuse invétérée quoique pute, pour imaginer une suite. Impitoyablement le Prêtre moucha un par un dans sa conversation tous les cierges fumeux de ce ciel des esthètes (« lamentablement substitué, entre parenthèses, au Ciel des catholiques »). Et les dévotions solitaires (« vous m'en aviez déjà parlé ») d'un médecin de bourgade sous le toit de son grenier ne présentent (« excusez ma rudesse ») aucun sens commun. - La religion en soi est une absurdité » réplique Pascal. « Pourquoi donc priez-vous » rétorque le prêtre. 
	- Vous n'êtes pas croyant ? 
	- Cherchant » répète Duguay. 
	Il esquisse un ricanement, puis tombe dans un de ces accès d'hilarité qui s'empare du Dalaï Lama lorsqu'il s'exhibe à la télévision en pleine prière. Car oui, le Dalaï-Lama riait. Il avait même des crises de fou-rire. Ça foutait tout par terre. Un tel ricanement de prêtre catholique, et qui plus est directeur de conscience et convertisseur d'effeuilleuse, réfutait d'emblée toute accession au transcendant, au-delà même de tout amour ou de pardon. 

	Banal, non ? Ainsi ou à peu près s'exrime Pascal (le Grand, le Blaise) dans ses Pensées. Pour ce qui est du Père Duguay, « second couteau monté en graine » (pour emprunter au Savetier François sa métaphore), la voie pavée de mystique d'un certain Abbé Darboy d'après saint Denys, ou, plus tard, les tourments d'un Ernest Hello, ne lui avaient laissé qu'un vague scepticisme dépourvu de certitudes, car le scepticisme a ses certitudes. La nature ingrate du père Duguay s'était donc prise au double nœud coulant des deux escaliers de l'Esprit : folie spéculative d'une part, folie des visions de l'autre. Effrayé de sa propre tête, tout homme et tout prêtre dit-on soupçonnent toujours tôt ou tard qu'ils ne seront plus que des os. 
	...La médecine, voilà du concret ! - le docteur objectait pourtant qu'il ne croyait pas à la médecine (le Roi te touche, Dieu te guérit!) - C'est ta première confession » ironise le prêtre ; tu n'accordes donc tes soins que dans le doute. - Médecins du corps, médecins de l'âme, même échec. » Duguay reconnut alors, tout à fait hors de propos, que Fatima (1917) et Medjougorjé (1981) n'étaient que des impostures. Comme tous deux mènent le chemin des bâtons rompus, le docteur en médecine s'avise qu'il pourrait aussi bien s'enquérir, après tout, des progrès de son frère en déstabilisation de maîtresse : « Et que dit-elle ? 
	- La Mertzmüller ? elle se tait - c'est beaucoup. 
	- Veux-tu que François dit Frank te trouve une autre mission ? Celle de la séduire ? 
	- Je ne touche plus aux femmes depuis des années. 
	- ...qu'il te laisse carte blanche ? 
	- En quelque sorte, fit l'ecclésiastique. 
François dit Frank le faisait déjà. Il manquait d'envergure pour forger les femmes, sur l'enclume de sa domination. On dit aussi con comme un enclume. Et lorsque deux entités essentielles entrecroisent leurs desseins, ils ne trouvent à parler que de Dieu et de leurs indifférences. Qu'importe la liberté des femmes et l'accomplissement des projets quels qu'ils soient, dominateurs ou esthétiques.Le docteur Maatz se rabat sur sa propre monture de jouissance : 
	- As-tu vu les productions de la Bost ? Je t'en ai envoyé par la poste. En veux-tu de meilleures ?
	- Cela ne se peut. Je connais les platitudes de ta bien-aimée ; elle ne peut pas s'améliorer. 
	- Tu es bien catégorique. Tu ne crois pas aux forces de mon amour ? Aux résolutions que j'ai prises, aux grandes choses que j'ai prévues pour elle ? 
	Le prêtre regarde le médecin sous le nez avant d'éclater de rire. 
	Pascal Maatz cède à la tentation : il prétend que Duguay est fatigué, qu'il vit dans un trou de Lozère, qu'il manque de femmes ; il ne lui faudrait qu'un bon voyage. Comment peux-tu juger de tout cela ? Duguay se vexe et repense à la tapette landaise. En réalité, Pascal Maatz vient de toucher du doigt l'inanité de sa démarche. On ne se charge plus d'une femme pour la métamorphoser. Pygmalion est bien mort. 	- Plus jamais de voyage ! s'écrie le prêtre d'une voix étranglée. Un véritable cri de terreur. Plus jamais ! » Le poursuit aussi jusqu'à l'obsession le traumatisme sensuel de ces gémissements à travers une cloison de la salle d'eau – je verrai Frank Nau mon frère dès lundi déclare le médecin en glissant 2000F de récompense au prêtre à même la main – nous ne serons que lui et moi – mais on ne retient pas des femmes évadées.

							X

 Chacune prend le large et rejoint l'ancien lieu de rencontre, le vieux salon Saintais, où l'on sert du thé fort, vert pâle, avec des pétales séchés. L'ancienne prostituée parle d'abord ; passées les premières semaines et la chute des feuilles, elle sait pertinemment que l'exposition permanente de Fat Ben Zaf rassemble et dispersera sans connaissance ni discernement les productions plastiques de tous les médiocres du Bassin. Question culinaire, Fat Ben Zaf servait d'abord des chorizos qui râpaient bien la gueule, avec des platées de fruits de mer. Progressivement les parts se sont réduites, à mesure qu'augmentait sur les murs la proportion de croûtes. Pour finir on voyait tous les cadres à touche-touche, comme au Château de  Chantilly, génie en moins : tauromachies dacquoises et abondance de pinasses arcachonnaises. « Les tableaux se tuent, tous, mutuellement !
 ...Kader a fait venir au vernissage une formation de  swing (saxos, basse, drums) aussi déplacé qu'un tablier de forgeron sur un kangourou. Je joue fort,  je joue fort bien : pas terrible.
	-  Pourtant, Charlie Parker ? dit Mertzmüller.
	- Connais pas. Mais on pouvait à peine causer. Chaque génie pictural, avec sa sainte smalah en train de bouffer. Très bruyant. Quinquagénaires et plus, tous fauchés, mal fringués » - l'âge où le velouté de la peau devient pathétique ; il faut se rappeler ce qu'était chacun d'eux, homme et femme, un par un, pour les estimer séduisants.  Seuls les conjoints de longue date parviennent à ce degré d'abnégation – comment s'appelle ce génie qui peignit sur un seul portrait l'homme à tous ses âges à la fois ? Baldung Grien ; et celle qui se déshabille demande à son amie si [elle] sculpte toujours, « à cinq mètres 20 sans filet » répond l'autre, la Stripperin enchaîne sur son catéchisme personnel, Madeleine Bost renvoie la balle : « Tu montres tes fesses et tu vois Dieu ? - Je le fais voir. Mon cul est un reflet de la divinité » ce qui se dit Mein Arsch ist ein Spiegelbild der Göttlichkeit. Elles éclatent de rire, un serveur saintongeais traverse à grands pas l'embrasure du fond.  « S'il était spectateur » dit le Mertzmüller, il entrerait au bras de son épouse, qui ferait bien semblant de s'emmerder mais qui n'en perdrait pas une miette, jouissant méchamment du moindre défaut de galbe ou de cambrure. Les messieurs boivent et s'encouragent entre les tables. Bientôt les bonnes femmes sont aussi hourdées que leurs mecs. 
-  On aime ou on n'aime pas ». 
	Un silence. 
 - Dieu se fait attendre. » dit la strip-teaseuse.  
 - Descends de ta Margeride. Ton curé en rupture d'inquisition t'excite contre ta propre chair. Il se branle pendant tes confessions. »
	Annelore Mertzmüller se récrie. Elle ne confesse rien. Du tout. On ne dit plus « confession » mais « réconciliation ». Duguay ne l'entretient que de l'âme et de ses dévoiements. Il ferme les yeux sur sa domestique, dernière tuyauteuse du Bousse : godronnage de jabots, coiffes, et collerettes. Sa langue maternelle est l'allemand. C'est très important pour moi, ne sois pas jalouse. Si tu l'apprenais aussi, nous pourrions converser. » Madeleine parle peu de sa complicité avec la femme du bistrotier. Les deux femmes de Saintes, prisonnières de leurs culs de femmes, répugnent à sortir, l'une devant l'autre, de leurs ornières : leurs deux alliées les sortent d'un rôle appris, d'un répertoire incrusté, d'une composition toute victime… 

						X

 Francis Duguay, prêtre, ne pense pas que le sexe de l'homme puisse entraîner de bien gros  péchés. La strip-teaseuse  :
 	« Les hommes ne nous sauvent pas de l'ennui. Ils peuvent aussi nous nuire. Mais il n''existe pas que des  rougeauds turgides, qui desserrent leurs cravates en sifflant comme des sphincters ». 	L'ancienne pute :   
	- Jamais le Docteur Pascal ne m'a parlé des hommes en ces termes. Je ne couche avec personne d'autre que lui, et cela ne me prive pas. Tu trouves mon ancien métier bien excitant, parce que tu sors d'une grande famille…
	- Mertzmüller von Kohn, complète Annelore, rien à voir avec les von Lark. Mais rien de plus borné que de montrer ses nibards à un premier rang de vieux lards qui bavent dans leurs coupes. 
	- Je croyais que tu ne les voyais pas ? 
	- Le premier rang, si. Heureusement, je me concentre sur le numéro – heureusement, je prie après la soirée. 
	- Tu t'astiques  le cerveau… 
	- Le numéro, c'est mon offrande. Pas aux vieux cons , mais à l'esprit, dont ils sont inconscients. Et puis ni cake ni sorbet ; ici je ne bois que du thé. Le métier tue tout ce qui se présente – tous les métiers - même le plus beau – même le mien. » 
Madeleine Bost revient sur sa vie ; petite, rue H., elle examine les passants du haut de sa lucarne, «  mon hublot » dit-elle. « Ma mansarde donne sur tous les monstres, poissons et poissonnes, Je laisse pendre un crochet au bout d'un fil ». Parfois un passant tire d'un coup sec cet hameçon qui pendouille sous son nez. » La fillette et l'adulte rient à chaque bout du fil. Madeleine, « araignée de mer », relance sa ligne. Plus tard, en classe de seconde, une petite professoresse toute sèche, répétait à ses disciples : «Rappelez-vous que vos seules perspectives d'avenir seront les souvenirs de vos rêves de jeunesse ». 
	- Tu ne veux donc plus devenir  une grande artiste ?  demande l'Allemande. 	
	- Je n'en ai plus la force. Je ne l'ai jamais eue. Le Docteur joue avec moi ; j'ai lu tout son jeu. Il me parachute chez ces ringards tartouilleux : pinasses du Bassin, vue sur le Pyla et moirures de jusant. Moi je tripote la glaise, ils me regardent en coin, je place mes petits nus bien encaustiqués sur l'étagère, on me dit que ça sent bon et tout s'arrête là. François dit Frank Nau un jour s'est déplacé pour lui tirer le Grand Jeu : calme plat. Il n'avait jamais vu ça. C'est un taré avec son tarot.  L'avenir, c'est à moi  toute seule. Qu'est-ce qu'il a bien pu te prédire à toi ? » Frank Nau, chaussurier, n'a jamais jugé bon, ni faste, ni utile, de dévoiler à sa propre maîtresse, coincée dans le Chapeauroux, la moindre parcelle d'avenir. 
	- Et c'est avec ça que tu couches ? Il te dit que ce destin n'est pas pour toi – reste comme tu es, brillante, éclatante, pour toujours ?  Verarschung !  
	- Wie Bitte ? 
	- Foutâche de gueule. Tu sais l'allemand à présent ? 
	- Frank Nau ne veut pas t'encrasser dans toutes ses magouilles, c'est ça ? - preuve de son amour, évidemment ? »
  Elles se prennent la main par-dessus la table. Dans les orgelets des vieux buveurs, dans leurs cornées nostalgiques, la fugitive du Gévaudan décrypte à livre ouvert les Inepties des Insalubres. Annelore dégage sa main - son amie s'apitoie sur ces vieux couples de tous sexes, sur le tireur de cartes aussi - c'en est trop, car depuis trop longtemps la comédienne  tamise ses émotions, tamise, sans plus savoir où elle en est : 
	« Le Père Duguay a ses raisons ; il me tire les vers du nez, je me console  en allemand avec la bonne dentellière, Beate, mais nous ne parlons que ruches et bouillonnés, Fältchen und  Bouillonen. Détours opaques pour la confidence. Langue isolée : «À toi seule je peux me confier – comment veux-tu que je parle à un homme ? pourquoi m'est-il interdit de me dénuder, splitternackt, sur une table bien payée de salon bourgeois, du Puy à Marvejols, sans me retrouver à dos avec flics et bigots ? »  De son côté, c'est Madeleine la repentie du macadam qui se dit certaine que leurs hommes de manipulations, Pascal et François dit Frank, éprouvent les mêmes abandons, les mêmes inconsistances. Leurs vies restent fixes et clouées, le premierun réduisant les anthrax, l'autre débitant et créditant bottines et baskets ?
CHAPITRE DIX




		Duguay s'entretient avec François dit Frank. Ce dernier vient seul s'enquérir de sa strip-teaseuse  - si elle  progresse en chasteté ? La bonne assiste à l'entretien mais soupire en français ; le père Duguay n'est pas fixé : les belles théories d'Annelore,  qui s'exhibe aux foules en sauvant les âmes, ne sont pas une hérésie – tout juste une ineptie. Cette oisonne qui de loin en loin désormais se déplume sous les projecteurs locaux n'attend qu'une volée de plomb dans sa cervelle-   pour peu que François dit Frank se mette à l'aimer, par hasard. S'il ne tenait qu'à moi, vous l'épouseriez. Le godassier se rebiffe : Je ne mets pas de plomb dans mes semelles.- Ne le prenez pas si à cœur s'écrie le prêtre. 
	En effet dit-il: « Un moine que je connais se place tout nu devant sa glace, énumère chaque partie de son corps jusqu'au dernier orteil, et « rend grâce à Dieu», à chaque étape, et pour le tout. Il estime dit le prêtre que c'est la plus belle et la plus complète des prières. 
	- Que faisait un miroir en pied dans une cellule…. ? répond le marchant. 
	Le Père Duguay reconnaît qu'il est en effet difficile de concevoir son corps comme une grâce. Beate baisse les yeux sur son carreau de dentellière. 

						X

	Aucune des deux ne se sent prisonnière ; leur surveillance tient compte largement de leurs convenances personnelles. Elles parcourent en voiture d'immenses et tortueuses distances pour se rejoindre. Ni l'une ni l'autre ne saurait justifier le choix de Saintes, en dépit de ses Dames et de Germanicus – monuments classés - peu  soucieuses en vérité de Romains ou d'Échevinage. On les voit se rejoindre au Grand Veneur des années trente, avec baies vitrées à moulures en stuc. Châteauneuf et ses laves décroissent à l'infini sur les plateaux venteux. « Jamais un homme n'osera nous espionner ici ». 
	Au Grand Veneur les langues ne tournent qu'entre les dents. « Jamais tu n'es venue » dit Madeleine « à La Teste » prononcé « tête »pour voir ce que j'expose ; cela te changerait de tes loges viciées... 
	- Je ne montre presque plus. Mais je répète, je répète... » (Annelore de Margeride ne voit plus ni cul ni coulisses : rien de tel encore, pour les geôles, qu'un ecclésiastique)
-  Montre-moi de tes sanguines, puisque tu en portes un plein carton. 
	- ...une pochette ! regarde mes portraits » - ils t'apprendront pourquoi je ne crois pas à mon génie . 
- Tu veux rire ? … Le gros là, c'est Fat Kader ? 
- Oui. 
- ...pourtant je ne l'ai jamais vu !  ...Tu ne te prends donc pas au sérieux ? 
- Pas plus que toi. Regarde ma série de spectateurs. Tu me les as tellement décrits : graisseux, couperosés… 
- ...sans en avoir vu non plus. 
 - Ils ne me quitteront jamais. Moi aussi j''en ai vu dans mon ancien boulot »
Elles se passent les esquisses, dans de grands froissements de raisins et de cavaliers. Bon coup de crayon, sûr et net, sans vocation pourtant à bouleverser l'art du dessin. « Je ne pourrais pas faire mieux, Annelore » Un temps. 
,  Tu atteins tes limites ? 
- ...L'écart est trop grand. » - plus bas : j'ai vu là-bas un véritable bordel…
-  ...dans ton ancienne « affectation » ? 
-  Plaît-il ? 
- Rien. 
-   ...Je ne serai plus jamais pute, Annelore…
La conversation marque une pause, entre les baies et les miroirs chromés ; l'artiste reprend doucement, évoque une tapisserie humaine de tout ce qui se peut trouver de rapins de seconde zone, épaves de Bassin, d'exploitants barbus bas du cul et autres larves : tous dépassés – comme moi : mes
modelages ont cent ans, la vie n'est plus là, mes privations me rendent dingues…
- Tes privations ?…
- Tu sais bien… »  
L'Ange Bleu germanique du Bas Rouergue décèle chez les sanguines une certaine présence, künstlerisches Niveau. « Je te les montre à toi ; mon Pascal n'y fait pas attention. Mon histoire n'intéresse plus le Docteur Maatz, avec deux a. .	
	- « Il n'y a pas de sot métier ». 
	-  Tu ne me dis que des conneries. 
	- A qui vas-tu faire croire que tu sors d'une pâtisserie, quand tu arrondis tes fins de trimestre en tapinant rue H. ? 
	- Et- toi, Fräulein Mertzmüller, tu es vraiment bavaroise, depuis que tu montres ton cul sur scène au fin fond du Gard et de l'Hérault ? ...tu parles français comme une vraie Chinonaise ! » - plus bas encore : tout se sait, tout circule.
Le silence revient sous les lourdes embrasses à tentures. Le salon désert dort. De nouveau le murmure de l'artiste : sur les logorrhées de Fat Ben Zaf, son fausset perpétuel– c'est pourtant bien lui qui m'expose -  après tout, la cuisine est bonne : paellas sur fond de tonneaux, couscous roulé aux doigts, toute la sauce réchauffée des vanités – Ben Zaf  se dandinant d'un groupe à l'autre comme un chien sur ses pattes arrière – on lui jette des bouts de chorizo qu'il bouffe au vol - 
-...Ambiance Beaux-Arts ? 
-  Tu connais ? 
- Entendu parler.
-  Attends, je ne l'aime pas, le Ben Zaf ; il pue par tous les pores. Empile n'importe quoi, chefs-d'œuvres, saloperies. Ça l'étouffe. Il écrit des powêêêmes, avec une rose sur la couverture. Il m'a demandé le prix d'un dessin pour l'illustration. Je lui ai demandé, exprès, un prix exorbitant.
	- Tu lui as fait peur ?
	- Il n'y connaît rien. »
Madeleine Bost papote. Tous tolèrent Kader. Troc des vanités, la mienne pour la tienne.Son numéro de gros, leur numéro d'artistes. Et personne ne se ruine. Ailleurs on ne vendrait rien non plus. Madeleine, qui se promène librement, découvre chez Dragade, au Moulleau, une magnifique tortue sur panneau de bois, « six pattes, très vernie, avec écailles coruscantes…
	- Was ? 
	 - ...Coruscantes - étincelantes - la concurrente m'a proposé un petit échelonnement, je repars avec la bête, 48 mois tarif raisonnable, pas plus qu'une voiture – juste une simulation chère Madame – mais le temps de faire des passes ? y en a plus...
- Tu t'y remettras ? .je veux dire - au dessin ? 
- Non. »
L'après-midi descend sur les satins de Saintes. Les deux amies reprennent leurs palpations, deux ans déjà (la vie vous prend, la vie vous lâche) si peu pour bien se retrouver - savoir si elles furent, pour de vrai, pute, effeuilleuse, ou pâtissière… ce que vient faire ici l'idiome germanique… 	Dans une autre galerie arcachonnaise, Madeleine rencontre un sculpteur autrichien prétentieux : ein Angeber. 
  - Comment ? 
-   ...quelqu'un qui « voudrait bien », ein Möchtegern – c'est bien le mot que tu m'as appris ? Je lui dis en français  j'adore votre aviateur en cuivre sur la place il fait tout ce qu'il peut pour ne pas paraître flatté…
	- ...reparle moi de Ben Zaf… 
	- ...il rabâche des trucs sans queue ni tête – le jazz, le swing (Bennie Goodman, Hines, Art Tatum)…
	- ...tu retiens bien…
	- ...mais c'est que je déteste ça ! les musiciens couvrent les voix, couvrent l'œil - personne ne voit plus les tableaux, mêmes aux chiottes du sous-sol – boum boum boum – les basses qui vibrent dans les cuvettes – figure-toi qu'en fouillant à côté de la chasse j'ai déniché des vieux catalogues de peintres et de sculpteurs : Poitou, Roussillon, de partout, dans les crottes de rats – qui suis-je… » Les satins bouffent les fins de phrases, Fat Ben Zaf gros et gras fascine les consommatrices, se superpose aux deux bourreaux absents, lointains, abstraits, sans ambitions ni vrais pouvoirs, hantés de mornes fantaisies - barreaux invisibles - bourreaux, bureaux, barreaux ? ...Madeleine et l'épouse invisible du gros s'accrochent là-bas, au sud-ouest, à leurs vies huileuses. Kader Ben Zaf poursuit ses discours fous. 
	À Lisbonne il ne parlait pas, ne s'exprimait pas. Tout le monde aurait su qu'il était arabe. Là-bas il avait joui des chuintantes portugaises, observé l'universalité de l'espagnol, lingua franca indiscutée par l'absence bénie des Deux Plaies, l'anglaise et l'allemande. ...L'italien royal, partout sonore, impérieux, fanfaresque – mais pas un mot d'arabe, disait Kader, pas un mot dans toutes les rues. Et ce qui l'avait là-bas frappé le plus, c'était cette distinction flûtée du français, filet d'aristo capable de muer les pires ordures en précieux murmures – quintessence infiniment fragile et cristalline « fin de race », en voie d'extrême extinction. Kader avait aussi sa propre théorie de la danse : « Sylvie trahit la femme » disait-il « et l'homme et toute espèce de sexe par ses angles maigres et ses contorsions de désossée. Il n'y a plus d'arrondi, ni fesses ni muscles - juste un faisceau de fibres humaines. » À son tour la modeleuse d'argile évoquait la fluide et filiforme Caroline à l'Hôtel des Gares sur ce minuscule écran aux couleurs  baveuses : c'était  à Aurillac, en errance ; elle avait joui de Carolyn Carlson en intimité -  j'ai dansé dit-elle comme une folle, face à elle, en pas-de-deux total, comme deux femmes nues jusqu'aux pieds jusqu’à deux heures - comment dites-vous «  pas-de-deux » en allemand ? 
	- Pas-de-deux. Le monde entier danse en français. Je danse aussi sur scène où la moindre hésitation, le moindre contretemps détruit tout le numéro. Il ne suffit pas de se déloquer. Nous pourrions nous associer, sans la moindre ombre masculine - leurs liens, à ces deux-là, sont de pure imaginations » Le soir est tombé sur Saintes. Les prisonnières sont assises tandis que la lumière monte peu à peu dans les angles du vieux salon de thé. L'intensité de la vie est bien la plus rongeuse angoisse. Elles poussent jusqu'à Bordeaux pour ne pas manquer Béjart.  Elles pleurent devant l'éclatante jeunesse  des  Danses grecques interprétées sans le moindre bouzouki. Sur la scène un  magnétisme tel que je me suis mise à pleurer, le souffle court; de joie et d'indignité, de  bonheur trop intense et nul ne sait qui pleure ou tient la main de l'autre et la salle entière éclata en acclamations ATHANATI criaient-ils ATHANATI  soyez-tous immortels oli athanati ! - maudits soient les plus mauvais spectacles murmuraient-elles, qui vous laissent avec la boule au ventre sans doigts ni phalanges  sur le trottoir de vos cœurs.
CHAPITRE ONZE




	Dans le sous-sol de l'hôtel à Bousse où la Déshabillée descend de sa chambre 8  s'enfonce un dancing au plafond bas et rouge où l'on se rend de très loin, sur ces plateaux de lave fractionnés. Le gérant saisonnier  s'appelle Pinky comme dans Brighton Rock (« Rocher de Brighton ») et porte des collants roses ; les spots lui taillent un profil de jouvence ; Annelore le rejoint d'un saut sur l'estrade et pose la tête sur son  épaule, tandis que jerkent plus bas dans l'éclat  d'autres possédés aveuglés  & stroboscopiques. « je promets dit Pinky d'assister aux Mystères de Grèce dont vous m'avez parlé » peut-être a-t-il mal compris. Pinky boit sans interruption sur mon plateau dit-il 10k de satanisme et 10 t de carton-pâte : . « Je possède une panoplie de spots mais rien  qui convienne à ton style » (c'est un  explorateur d'églises et de cimetières où les gardiens l'enferment de nuit sans savoir, il participe aussi aux baptêmes et  mises en terre, se farde de bistre et d'ocre, récite en scène ses fables de tombes et de pioches pliées sous les imper lorsque le sol est meuble) - Pinky, allez-vous m'autoriser un jour à me montrer dans votre cave ? Pinky se signe - « À l'envers ! » s'écrie-t-elle, À l'envers ! » L'homme en collants roses et très bavard prononce Kabbale avec 2 b, commente les Séphirot ou les noms magiques de Dieu, lit et relit Se sentir vivre. Pinky souffre aussi d'un mal de poitrine dont nous guérissons désormais, entretenant une petite toux sèche, et cite des passages du Saint Antoine de Flaubert.  Pinky, minaude l'Allemande, pourquoi ne récitez-vous pas plutôt cela en lever de rideau ? 

CHAPITRE DOUZE




	Madeleine Bost, rapatriée de la Côte d'Argent,  s'est remise à prier en compagnie de son amant  longtemps délaissé, sous les combles à Moncap (Lot-et-Garonne). La Vierge en plâtre ne l'inspire pas : Pascal Maatz prie comme on éjacule, et le moyen de se confier à cette madone de gypse comme un perroquet de vitrine – c'est tout un. Pascal ne la quitte plus d'une semelle et la tient sous sa main. Qu'importe si  frère François dit Frank, de son côté, séquestre ou non sa conquête. Les eaux baissent pour tous, Saintes même revient cher ; les voix racornies par le fil passent mal,  « ça ne va pas » répète  Annelore es paßt nicht  comme on dit d'un vêtement qu'il vous serre. La mésentente de la forme déteint sur le fond, - un généraliste suffira, dit Pascal. 

						X

	La praticienne tient consultation à  Canques, capitale des noisettes. Elle donne des conseils absurdes : reprenez la prostitution - rien ne vaut l'autonomie financière - doublez vos tarifs – votre corps vaut le maximum. - Madame » (et non « docteur ») « les tarifs ne dépendent pas de moi. » Dès la seconde consultation, la doctoresse la supplie à deux genoux en essayant de lui descendre son shorty – Madeleine s'enfuit. La Canquaise la bombarde de courriers de rappel pour le paiement des honoraires je m'en occupe  dit Pascal. Annelore restant pour sa part coincée en Margeride par un vicieux tour de vis de chiourme. Madeleine se tourne vers François dit Frank Nau  qui descend de son plateau  n'est-il pas naturel dit cet homme que deux frères se visitent régulièrement ? Ces deux-là ne se connaissaient guère, autrement que par ouï-dire. 
	La rencontre fut mémorable, Frank Nau-le-Mal-Chaussé n'eut rien de plus pressé que d'étaler son Grand Jeu de tarot tout au fond d'un vieux café reproduisant à s'y méprendre, à Villeneuve, l'établissement désuet de Charente-Maritime ; mais peut-être n'était-ce aussi qu'une illusion. Le Grand Jeu commencé dans la solennité se poursuivit par les prédictions les plus absurdes et les plus intolérables concernant la propre maîtresse de son propre frère. Aux remontrances de cette dernière, François dit Frank n'opposa que des haussements de sourcils qui se voulaient significatifs, poursuivant ses élucubrations. 
	Et bien qu'il eût payé leurs deux consommations, Annelore Mertzmüller ne souhaita pas le revoir dans l'immédiat. Le nombre de nabots se multipliait autour d'elle, si même il ne finirait point par la contaminer.  Il se peut que j'expie mes fautes, pensa-t-elle, car la langue pieuse en elle se faufilait (sauce aux cèpes) de hareng. 


						X

	Loin de s'être amendée ou repentie, Madeleine Bost retrouvait ses anciennes pratiques professionnelles. Sa chambre d'exercice à Bordeaux (que le docteur nommait cabinet de consultations) n'était qu'un réduit très propre mais qu'il fallait aérer après chaque utilisation, ce qui amoindrit l'âme. Madeleine voulait fuir. Bien plus loin que Saintes ou la Lozère. Peut-être la Roumanie. Ou bien l'Italie ; elle avait vu là-bas, dans des lointains de vitrines et des renfoncements de son passé, de ces Christs charbonnés au 6B jouissant de façon outrageusement obscène, jusqu'à cligner de l'œil entre ses bras tendus aux badauds du trottoir, Puis au mépris de toutes les attentes, Madeleine disparut pour de bon. Son amant François dit Frank Nau ne s'émut pas outre mesure : « Elle reviendra ». Vers Cuenca en Espagne, la Bost, rebaptisée Viudita ou « Petite Veuve », gagna beaucoup d'argent.

					X

	Mertzmûller Annelore, strip-teaseuse, rejoignit Madeleine, plus tard, dans une cité de la vallée du Pô. Elle s'appelait cette fois, en italien, Vedovella. Elles s'étreignirent avec transport. Aucun mâle fantôme ne les possédait plus, ne cherchait plus à les forger sur leur enclume en bite molle. L'une d'elles fit des passes, au niveau inférieur. L'autre se déshabilla sur scène, au niveau supérieur. Elles se déplacèrent ensemble vers les villes de l'Adriatique, lesquelles regorgent de lieux de loisirs et de casinos (Rimini, Riccione). Il existe là cent kilomètres et plus de plages ininterrompues, ce ne sont que chaises longues et cabines, tous pavillons frémissants aux souffles froids d'hiver ou tièdes ou chauds. Souvent la strip-teaseuse pleurait à l'issue de ses spectacles sans éclat : « Je n'ai plus envie de faire l'amour » - et l'autre prisonnière en fuite lui serrait la main sur le lit de tout son cœur : quand ça me prend, je me soulage au plus vite, et toutes deux échangeaient des sourires et des phrases crues, comme souvent tous ceux qui se flattent d'aimer le monde entier. 
	C'était tantôt dans un hôtel et tantôt dans l'autre, d'Ancône à Pescara, de Fano à Rimini. Mertzmüller avait reçu du Bon Père Duguay deux petits livres poste restante, dont elle lisait le soir une page de droite en français, puis celle de gauche en latin ; c'étaient Horace et Cicéron, qu'elle estimait peu tous deux,  trop mous, trop bavards. Passant d'une langue à l'autre, elle avait cependant éclairci progressivement les correspondances de mots et d'expressions. Elle avait découvert  d'autres auteurs, plus tardifs, plus faisandés – plus ecclésiastiques. « N'est-ce pas tout de même une curieuse créature, disait le docteur à son frère utérin, que cette strip-teaseuse de province en fuite se soit entichée des auteurs de la basse Latinité ? Bon gardien vraiment que ton curé qui lui parlait de littérature !  - Ce curé est de ton choix, Monsieur mon Docteur. De toi aussi l'idée d'échanger nos fantasmes. Elle aime tout ce qui est nomenclature, étiquetage : son effeuillage, pièce à pièce, est une véritable liturgie. Sais-tu que la moindre hésitation d'un demi-quart de seconde coule sans retour l'envoûtement et le désir du spectateur de base ? …que je suis heureux de sa fuite ! (le chaussurier baissa la voix) : elle collectionnait en français, en allemand, les termes les plus surannés de tous les habits de curé : aube, amict, chasuble – Meßhemd, Achseltuch, Kasel – première à l'examen de Communion Solennelle ! »
	Délivré de sa chimère, l'être humain meurt. Annelore Mertzmüller ne s'épanouit finalement qu'à la perspective d'un numéro double, entièrement nouveau : dévêtissement  simultané d'une vieille et d'un curé.  L'eau des femmes était passée entre leurs doigts, et maintenant les deux frères émerveillés, désappointé de leur mésaventure, scrutaient sur leurs mains humides les traces et minces gouttes qu'elles avaient laissées dans leur escapade. 
CHAPITRE TREIZE


	
	François dit Frank Nau, vaisseau minuscule en forme de mocassin, bascula le premier. La vie, dépourvue de la femme qu'il admirait, sans avoir su la plier à sa (sourde) domination, la vie lui pesait. Il revient à Châteauneuf-en-Bousse pour picoler avec le prêtre à la santé du conquérant breton, Bertrand Du Guesclin. Le chaussurier repart vers l'ouest sur les routes, lesté d'une grande provision de vins et  liqueurs. Il boit au volant, à même la bouteille. Partout où il passe il offre à boire, et chacun, en ce temps-là, le replace sur son siège : « Maintenant qu'il est assis, il ne tombera plus ». Chacun vante, bourg après bourg, sa gaieté constante, ses plaisanteries de commis voyageur à son propre compte. 
	Il tombe un jour, bien loin de Fougères, plus gris que de coutume, place Mangold à Vergt. Capitale de la fraise et du sirop d'érable. François dit Frank assène aux habitants c'est un choc irréparable : ils aiment le bon vin, du Monba aux Côtes de Vaures, mais sans s'abaisser à s'enivrer en public Les vendeurs de sa boutique font de leur mieux, forcent le train, détournent finement les grosses blagues de poivrots. Il s'installe au-dessus, pour cuver. Il prolonge l'étape à l'appartement du dessus, se montre le moins possible. Un jour il ramène chez lui, en plein centre bourg, une maîtresse, lorsqu'on le croit en prospection vers Saintes (131km à vol d'oiseau). Pour la première fois, le peuple ébahi contemple une strip-teaseuse, qui ne fait pas mystère de sa carrière : « J'étais en Italie, sur l'Adriatique. Cet homme baise mieux que son frère ». 
	Ils ne savent pas où est l'Adriatique. C'est ce qu'ils font croire. Elle le montre sur une carte épinglée dans l'arrière-boutique, ils se sont bien foutu d'elle, Annelore repart le soir même. Un jour  François dit Frank revient en voiture de Périgueux, plus ivres l'un que l'autre et miraculeusement indemnes. Ils s'engouffrent dans l'escalier en gloussant, enlacés, puis ferment bruyamment leurs volets en plein jour. « Périgourdin n'est pas cancanier, mais n'en pense pas moins. » Certains soupçonnent que le Patron a froissé de grosses coupures à l'arrêt, au-dessus du volant, avant de couper le contact.  Les ventes de chaussures accusent une baisse sensible, au point qu'il faut virer une puis deux vendeuses. 
	Plusieurs familles de Vergt en sont fortement affectées : faut-il ajouter foi aux révélations d'un demi-frère inconnu, même généraliste assermenté, sur la pédophilie supposée de Frank Nau  ? Pascal Maatz accouru de Moncap se retrouve peu après entre deux gendarmes, qui portent sous  le bras un bel assortiment de films taïwanais  -tandis que la dégringolade de l'honnête commerçant ne dépasse pas, tout de même, un certain niveau de cancans de province. Reste à régler le basculement du médecin. Mais qu'est-ce que l'originalité ? 
CHAPITRE QUATORZE




	Vous aurez noté que les revirements et basculements successifs des personnages ici barbouillés ne montrent aucun lien de cause à effet.  A cela deux explications : d'abord l'échec d'une intrigue indigente, dont que l'auteur ne s'est pas « donné les moyens » - j'adore cette expression de vulgaire finance – de nouer les fils. Une  seconde explication consiste dans l'incapacité de l'auteur, y compris dans sa vie personnelle et sociale, de consentir au moindre effort pour instituer des relations dites « efficaces ». Reprenons en effet ce fameux Pascal Maatz, généraliste du Lot-et-Garonne. Mettons-lui dans les mains non pas L'imitation de Notre-Seigneur Jésus-Christ, mais Cioran : Précis de décomposition.  
	Eh bien ! Loin de succomber aux instances pressantes de l'un ou l'autre de ces ouvrages éminemment toxiques, notre Pascal de poche s'en trouve délicieusement infecté, au point d'acquérir toute l'Œuvre du grand Roumain, que ses disciples avaient surnommé le Dément. L'efficace thérapie des sourates cioraniques le débarrasse de tout scrupule : Maatz l'installe sur une étagère, bien en vue derrière son bureau de consultation, juste à la verticale en dessous de sa chapelle. La clientèle (patientèle !) roule des yeux ronds, l'interroge parfois sur ce grand médecin, ou bien prend des airs entendus .Le docteur peu à peu se met à vaticiner, tient des propos calamiteux : il gagnerait mal sa vie, se plaint de l'excès de praticiens par rapport aux populations, prescrit des absurdités, on le quitte.  
	Les jours de garde, le secrétariat local déplore au téléphone que ce soit justement lui cette fois-ci, conseille d'attendre, ou d'appeler plutôt un remplaçant. Le lendemain, Pascal raconte sa vie aux patients, ceux qui restent. L'un d'eux propose : « Pourquoi ne partez-vous pas en Afrique ? Vous pouvez fonder un hôpital de brousse au Niger, au Congo, vous regorgeriez de suppurations jusqu'au ras des bassins ». Pascal consulte Dieu dans son oratoire, bazarde sa vierge en plâtre, et sans avertir ni frère ni maîtresse, s'engage au Congo-Brazzaville où l'ouvrage ne manque pas. L'argent, si. Très vite il se lie avec le clergé, en particulier un certain Dufouga, missionnaire, qui, de beaucoup, préfère laisser les tribus à leurs croyances ancestrales. « Nous ne servons plus à rien » dit-il. 
	Pour se consoler, le père tâte un peu de médecine et pas mal de la bouteille. Il aurait préféré se conformer à à Charles de Foucauld, perdu à Béni Abbès. Ils en parlent longuement  tous deux après leurs journées de labeur. Ils s'estiment l'un l'autre, alcool et fatigue aidant. Le Blanc convertit le Blanc. Ils désertent vers le Bérongou (973 m), à la frontière du Gabon. Tous deux partagent la même écuelle en bois. Des collègues font le voyage pour les orienter vers Linzolo, où les compétences médicales font défaut – tout le monde se fout des compétences du prêtre. Maatz et Dufouga soignent les petits pasteurs de hameaux, ils sont unis comme des deux couilles de la main. 
	La population les adore : ils réussissent toutes leurs cures, et sauveraient la fille du chef s'il en existait une. Pascal revient en Europe, arrache des subventions ; la somme reçue, nos deux Itinérants gagnent la rive du Congo, s'achètent un canot, passent au Kinshasa, se font kidnapper, libérer, boivent et meurent jeunes, en pleine forme.  Très loin de là, au pied du Bérongou, les lettres d'Europe ne sont plus ouvertes ; jamais le docteur n'aura su que Bost, Madeleine, abandonne définitivement toute prétentions artistiques, et confectionne des gâteaux en forme de cubes ou de sphères, dans le quartier chic de Tourny à Bordeaux. Ceux qui voudraient se souvenir d'elle, savoir à quoi elle ressemble, doivent se figurer une petite blonde frisottée. 
	Elle arrondit ses fins de mois en tapinant rue Fondaudège ou Huguerie, à deux pas, où la clientèle est discrète : Existe-t-il des putes épanouies ? Tel est le titre de son livre - la réponse est non, mais elle ne s'engage ni dans les ordres ni dans la gloire. Elle a rompu avec tous ceux qu'elle a connus, qui ont voulu faire d'elle un jouet pour médecin fou. Elle apprend la mort de Pascal juste la veille de Noël. Elle se marie, obtient un enfant le jour de ses quarante ans.  
CHAPITRE   QUINZE




	Le père Duguay s'est senti perdu dès qu'il s'est retrouvé sans but dans la solitude d'un petit chef-lieu de canton de montagne, 500 habitants l'hiver. Sa proie lui est échappée. Il s'engueule une bonne fois avec la tenancière du bistrot-tabac, juste en face du portail de l'église : les femmes vont à la messe pendant que les hommes se soûlent ! Le père Duguay prie à genoux, les bras en croix, de nuit, sous la voûte rougeoyante du Saint-Sacrement. Le voici assailli d'une terreur sue-bite : il fait trop noir ; la veilleuse illumine tout juste le bout de son nez. Annelore Metzmüller s'est enfuie, il se lève d'un bond, renverse un prie-Dieu en cherchant l'interrupteur, je ne recommencerai plus - ...uh ! uh !  reprend l'écho, puis Duguay hurle en sentant sous ses doigts les doigts de Béate sur le même bouton - il est trois heures, mon Père  - ...je priais, connasse !
. 
	La bonne veille sur lui. Tous deux remontent en s'engueulant l'escalier interne du presbytère. Le lendemain matin le voici roulant vers La Chaise Dieu par Langogne, Chaspuzac et Loudes, Au « Monastère et Terminus », il s'inscrit in extremis à la session de Chant grégorien, comme « participant local », ne recueille que scepticisme au vu de ses médiocres performances, vire sa servante d'un coup de téléphone : qu'elle retourne donc au Vogtland ou Bailliage, aux confins de la Bavière ! elle perpétuera la tradition dentellière et ne prononcera plus un mot de français ; dès le deuxième jour de solitude, , il bute sur la discipline du chef de stage, qui lui dénie toute illusion de choriste à moins lui dit-il que vous ne fassiez retraite à Notre-Dame de Randol, où vous pratiquerez le grégorien à longueur d'offices. Même la nuit ! Il s'ennuie, là-bas, férocement. Seuls les âmes fortes ou les athées résistent au grégorien. 
	C'est, au Moyen Âge, le pire des péchés : on l'appelle « acédie », ou dégoût des gens, de tout ce qui peut advenir – de toute la création divine, c'est donc péché mortel. « Troubles maniaco-dépressifs ». L'abbé Duguay manque donc de mourir et passe trois mois au centre Hospitalier de Laragne-Montéglin, puis on perd sa trace.  
CHAPITRE SEIZE




	Le patron de la boîte de nuit très précisément sise sous l'hôtel Citarel n'a pas tenu, dans cette histoire, de rôle majeur ; l'effondrement de Pinky (animateur de son propre établissement) diffère par son exceptionnelle profondeur. Il sombre en effet dans la délinquance la plus sordide, en invitant d'abord, au sein de ses nouvelles tentures, une patrouille de scouts, qui sèment la zone avec le soutien particulièrement efficace d'une escouade de bouteilles de gin à 37°5. Renouvellement total, d'autre part, des draperies murales : le tamisé, le violacé,  descendent leur pente naturelle jusqu'au satanisme de bazar. Étape suivante : intronisations bidon, cérémonies payantes, films floutés, émanations sulfureuses  et chasubles de brocart damassé. 
	Un soir particulier, les deux héroïnes à la fois, Annelore Mertzmüller, Madeleine Bost, revenues l'une du bordel et l'autre d'Italie, font succéder, aux camomilles rassies de Saintes, aux plages strip-teaseuses dell'Adriatica, le prétentieux foutoir de Pinky pour y vider leurs bons verres en se dévidant leurs inépuisables confidences. Pinky, séduit, les enlève toutes les deux à ses frais dès le premier vol pour sa capitale fétiche, Jérusalem. Dans le quartier des Cent Portes ou Méa Shéarim, il hante un réseau ultra-secret de boîtes sulfureuses et souterraines où les bordels pullulent, ce qui est pour le moins extravagant. Les hassidim bien entendu ignorent tout. C'est un réseau de galeries qui relient, sous les check-points les plus pointilleux, sous les terroristes ou parmi eux, ces établissements sacrilèges ; autre chose en vérité que l'ex petit écrin de Châteauneuf-en-Bousse. 	...Mais n'en croyez rien. Ainsi se parachève dans le délabrement le plus total cette embrouillade de fausses mainmises et d'affranchissements velléitaires. Pour le gros Maghrébin et son inconsistante épouse, voici bien longtemps qu'ils croupissent : Monsieur dans son cimetière, Madame au fond du Moulleau d'Arcachon. Il existe croyez-moi Dieu sait combien d'autres récits du même ordre. Nous recommandons plus particulièrement, de Malcolm Lowry,  Au-dessous du volcan sur lequel je m'égare encore de temps à autre, et qu'il vous faudra lire ou de relire plutôt que de vous être échinés sur mes conneries. Ciao. 
 
What do you want to do ?
New mail
 
What do you want to do ?
New mail
 
What do you want to do ?
New mail

 

 
What do you want to do ?
New mail
 
What do you want to do ?
New mail
 
What do you want to do ?
New mail

Les commentaires sont fermés.