Le pedigree
COLLIGNON LE PEDIGREE 2118 08 02
Maman achète moi un petit chien !
un petit chien pour faire joujou
un petit chien pour le promener
au bord de l’autoroute derrière la rambarde je ferai bien attention
Un petit chien qui trotte la queue en l’air, qui marche dans les assiettes et qui fouille les poubelles.
Oh ça va tu vois pas que je fais la lessive ?
Maman un tout petit chien, tout noir, avec des papattes mouillées une queue en trompette qui fait diling diling je lui attacherai une clochette
Et puis je lui apprendrai à jouer de l’accordéon.
Soit. On l’a acheté, le chien. Minuscule. Anthracite.
Le chien ! il a filé dans le couloir, coincé la queue dans la porte, il dégringole tout l’escalier qui m’a poussé ? oh, ces pattes flasques !
Le chien ! sur la cheminée, sur le haut de l’armoire
« Dans le lustre ? Nicolas, ce n’est pas toi qui l’a accroché dans le lustre, par hasard ? - et les traces de pipi sur le rideau ? »
Nicolas est heureux. Il s’amuse avec son chien. Il essaye de le gonfler à la pompe à vélo, il le fait tourner dans la machine à laver, il le traîne attaché derrière sa bicyclette.
Vrai, il n’aurait jamais pensé qu’on pouvait autant s’amuser avec un simple petit chien.
Mais voilà :
chaque porte qu’on pousse laisse une trace brune sur le parquet ciré
les bibelots se raréfient
la table arbore une triomphale et gigantesque tache d’encre noire, très géographiquement découpée – et ces pattes qui cèdent mollement sous la semelle – si au moins cette bête se laissait écraser en silence ! où peut-on donc poser ses pieds, ses larges pieds de père Nom de Dieu ! dans cette baraque ?
Et un jour : les vacances !
Le ciel verse toute sa chaleur par les fenêtres ouvertes. L’air valse dans les poumons. On va voir les cousins de Nantes !
Et le chien ?
« Maman, je le prends dans les bras !
- ...Pour qu’il s’échappe ! et la fois où il voulait lécher papa au volant, qu’on a failli renverser une petite fille ! ...Tu n’aimes pas les petites filles ?
Nicolas, boudeur :
« J’pré-fère-le-chien... »
- Dans un panier, maman !
- Non ! il ne va pas arrêter de piailler. Il faut que papa entende bien quand on le double. Il étouffera, dans ton panier ! Le chien, pas ton père, imbécile…
- Et dans le coffre, maman, dans le coffre ?
- C’est toi qui va le nettoyer, le coffre ?
Alors, le petit chien, on va le perdre en forêt.
On n’en veut plus, c’est décidé.
« D’ailleurs, pour la façon dont tu t’amuses avec...
Et puis, à la rentrée, on achètera un petit chat.
- Ouais, mais faudra le faire tailler, grogne le père. Et le petit garçon s’imagine déjà avec son chat.
- Cet après-midi, ton père ira le perdre dans les bois.
- Ouais, dit le père.
Le petit chien reçoit un coup de pied dans le derrière, il tourne de grands yeux étonnés.
- Bonjour, monsieur Pouldu.
- Je suis venu vous rendre le cric… Alors, on part en vacances ?
- En Bretagne !
- ...Et votre chien ?
- On ne le prend pas, il se démerdera !
- Mais je peux vous le garder, moi ! Je ne prends pas de congés cette année.
- Ma foi vous pouvez même le garder définitivement !
Nicolas est content. Il pense à son petit chat, à la rentrée :
« Je lui apprendrai à sauter dans une cuvette.
Monsieur Pouldu rentre chez lui avec sa nouvelle acquisition. On ne peut pas dire que madame Pouldu soit enchantée mais enfin. Elle lui prépare une petite caisse capitonnée.
Soudain, des coups de sonnette. C’est Nicolas, hors d’haleine.
- Qu’est-ce qu’il y a, Nicolas ? tu viens reprendre ton petit chien ?
- C’est pas pour ça… C’est mon papa… Il dit comme ça que le chien, il avait un pied-degré… et alors, qu’il valait mille euros.