Le chemin parcouru
COLLIGNON LE CHEMIN PARCOURU
L'EFFONDREMENT DE ROSSENBERG PREPARATION
1) Nuit à Rossenberg
a) les lieux (trois pages)
1) le bâtiment et ses entours (une page)
2) chambre blanche, petit lit de camp, portrait d'Henri V de Chambord. (une page)
3) ma compagne à côté (une page)? et l'impression étrange des volets hermétiquement clos. (une page)
b) les raisons pour lesquelles nous y sommes, (trois pages) le froid ou le chaud selon les saisons,
c) élargissement de l'espace, sorte de vaste palombière aux ramifications immenses, cf. l'hôtel d'I. à l'horizontale.
DIX PAGES (EN FAIT, SIX SEULEMENT)
2) L'effondrement
a) alors que je me balade, effondrement d'une aile, je sais qu'il y a qq dessous, je décris les bâtiments, cf. une illustration de la collection "tremblements de terre et catastrophes naturelles"
b) les hommes vont sur le terrain (torchis, colombages), (laine de verre, masques) - moi, je suis méprisé, on ne me confie que le nettoyage de la vaisselle, aidé par des fillettes, puits à chadouf, bien préciser à ce moment la situation d'humiliation et d'infériorisation dont je suis l'objet dans ce groupe de merde.
c) Evocation effectivement d'O. qui me traite de Gugusse et de L. qui me remet le moteur en marche. Ne pas hésiter à dévoiler alors leur peu glorieux avenir (digeridoo, Uruguay)
3) Mes lectures, destinées à bien montrer combien je suis supérieur (Musset aux chiotttes à la caserne, chapitre sur Ulysse dans "Si c'est un homme", ceci avec l'une des fillettes. Mais, "après-midi vaseux".
a) mon bouquin, sa découverte dans les décombres, mon rafistolage, ce que je m'en promets
b) un commentaire là-dessus
c) ma transmission, très chaste, pendant la nuit à la petite fille, cf. Nuit de Mai, "Que c'est beau !"
4) Ma soûlographie en mémoire de l'ermite
a) le menu pantagruélique "Au Paléolithique", "Au Grand Béarnais" à Sarlat, les sauveteurs se restaurent
b) Je suis ridicule et hargneux, cf. le barak hongrois, les cinq litres de vin avec L.
c) Une agressivité sauvage, ma paranoïa n'ayant cessé de croître
5) Le voyage du retour
a) Le trajet à travers le Bocage, avec la petite fille dont nous ne savons pas tous les deux qui est le père ; petite route et cimetière de G., pélerinage ultra-lent car nous n'y reviendrons plus.
b) le peintre Manolo, les adieux à tous.
c) engueulade magistrale devant la petite fille pour savoir qui de nous deux est le père.
6) Il faut pourtant larguer la fillette chez sa mère
a) l'accueil plus que mitigé, cf. Machinchose à Kekpar.
b) accueil dégueulasse de la fillette, cf. fille de V. à Villaras, écoeurant.
c) elle nous annonce qu'elle va l'abandonner chez une autre copine
7) Achat de bouffe cours Dr Lambert
a) je médite ma vengeance en achetant des produits avariés
b) je me lamente sur ma vie ratée, en retraçant la vie antérieure de mon compagnon et de moi
c) le repas est dégueulasse, avec la radio qui hurle sur le jambon d'York
8) Toujours la soirée studieuse
a) Je reviens sur Musset
b) je fais le tour de tous mes bouquins
c) je fais effondrer à mon tour toute ma cabane
9) Coincé dans ma poche d'air, j'attends les sauveteurs.
a) je me sortirai de là, j'irai à St-Flour
b) je ne pourrai jamais, jamais vivre seul
c) j'entends la voix de mon compagnon qui demande qu'on arrête les recherches, on m'arrose de créosote avant de mettre le feu.
Pendant ce temps-là je creuse, pour m'évader, deux cents mètres plus loin.
JE JE JE JE JE JE JE JE JE JE JE JE JE JE JE JE JE JE JE JE JE JE JE JE JE JE JE
I, 1, a (une page)
Il est sur une bosse un lieu nommé « Calvitie de Vénus », où se dresse une maison de bois.: chalet. Trois étages haussés par-dessus les cimes en tous points comparables aux maisons de fermiers de l’Ouest canadien (aux environs de Calgary, ou de Mouse Jaw) – où croissent à l’infini les beaux blés de printemps. Une sorte de fenil aménagé. Juste devant l’entrée règne une calvitie d’herbe sans trace de soins ni de jardinage : le propriétaire, Stoffer Jyves, pousse de plus en plus loin sa débroussailleuse automobile, entassant les débris comme une barricade entre les troncs de pins. Si bien que le sous-bois se trouve parfaitement dégagé, propres à conjurer le feu.
Sec et décharné le tondeur, utilitaire et monotone, semble tout droit sorti de l'Apocalypse de Dürer,. Il remise l’engin sous un appentis, en lisière. Son épouse Jamie est tout son contraire : une joyeuse boule dont le sourire efface la disgrâce, accueillant du mieux qu'elle peut les visiteurs, à l'endroit s’achève le chemin tortueux de l’ermitage conjugal.
L'extérieur consiste en ces ingénieux recouvrements ou volants de lattes goudronnées, se chevauchant l'un l'autre, mieux ajustées encore vers le nord-ouest. Gitane grise tournant sur place dans une verticalité figée, gâteau de bois garni de divers enduits dont l’entêtant parfum de bitume redouble à chaque badigeonnage. Les rares ouvertures s’abritent sous les auvents, munies jusqu'au sol de ces raides escaliers de fer imposés par la législation anti-incendies.
L'intérieur retrace l'histoire d'une lutte contre la verticalité : échelles de meunier, trappes périlleuses et rampes vernies, où règnent cependant des teintes blond de miel : il fait toujours bien chaud passé le premier étage.
I, a, 2
Les deux êtres décrits plus hauts détestent autant qu'il se peut les visites, qu'ils appellent "intrusions". Jeanne et moi bénéficions seuls de leur hospitalité ; ils nous logent alors dans une chambre du rez-de-chaussée, à gauche, donnant de plain-pied sur la pelouse. Il y règne un froid glacial, à moins que nous n'y transportions un de ces chauffages d'appoint, aux résistances électriques rougeoyantes, à l'odeur entêtante : rien qui s'épuise plus vite que ces minuscules bouteilles de gaz compact, riches d'explosions absolument impossibles. Nous dormons dans un petit lit de fer luthérien qui grince lorsque nous y sautons, pour nous rejoindre et nous réfugier sous l'édredon. Les deux panneaux du lit, à la tête et au pied, présentent des ferronneries industrielles remarquablement conçues ; il n'y manque pas une volute, apparenté sans doute au mot volupté : le creux du matelas forme une étroite gouttière, et nulle nuit ne me revient en mémoire sans que je ne l'associe à d'intenses courbatures érotiques dues à l'emmêlement obligé des membres, tant supérieurs qu'inférieurs.
Mais nous aimons bien notre lit, qui fleure bon le puritanisme et ses douilletteries. Ce n'est cependant pas un crucifix qui le domine, mais un portrait de Napoléon par David, avec tout ce qu'on peut imaginer de plâtreux, ce profil gauche empâté, au menton engagé dans la graisse, majestueux mais déjà déchéant, le jaune cru, "gros jaune", et les écaillures lézardant l'esquisse. Rien d'officiel. Que du cruel, malgré le projet de "portrait équestre". Dormir sous le portrait de Napoléon deviendrait obsédant, si nous ne nous endormions tout de suite elle et moi, sous son poids justement.
Nos nuits sont encombrées de lourdeurs impériales propices aux infarctus. Le matin, lorsque sont enlevées les lourdes barres de fer qui closent le volet, nos regards se posent sur une affiche décharnée, occupant cette fois le verso de la porte : un horrible Christ aux Souffrances, chantourné par la douleur, ce qui veut dire creusé du dedans. Sur sa peau friable coulent des larmes de sang, comme autant de rubis malsains. Les couleurs sont donc : jaune impérial, rouge christique, gris d'agonie, et nous.
Puis la clairière, dégagée juste sous nos fenêtres, dont il nous suffirait d'enjamber les bords pour fouler l'herbe des Rocheuses. Les volets de bois lourd résonnent en s'ouvrant sur les bardeaux superposés, comme autant de volants d'une lourde gitane noire et goudronnée, figée dans une verticalité digne d'Edith, femme de Loth : une figure de bitume.
L'odeur stagne. Celle d'un bateau calfaté poupe en terre, comme un bloc de goudron fissuré.
1 a 3 Ma compagne
La femme qui est dans mon lit devrait être un homme. Un maigre à moustache, qu'il ne peut ni couper ni tailler. C'est bien plus facile de se faire enculer : comme une femme, rien à foutre et se laisser faire. On sait qu'on jouira plus tard, toute seule, tranquille, à la branlette. En attendant que le mec ait fini de se secouer comme un porc, on se sent utile, on sait où l'on va. Pourquoi n'ai-je jamais été de force à concevoir ce que c'est qu'une femme ? La mienne a des besoins tellement plus énormes que moi, tant en sexe qu'en sommeil, que je puis aussi bien me promener dans les sentiers de prairie pendant plus d'une heure, dans la rosée, avant qu'elle ait songé à s'éveiller.
La femme qui est dans mon lit est une femme. Elle ne dort, en vérité, jamais vraiment : du sein de sa torpeur et quelles que soit les questions que je lui pose, elle sera capable d'émettre un soupir ou une opinion pertinente. Je ne sens plus son odeur. Nous emmêlons nos membres au petit matin, au début de notre liaison je m'étouffais sous le poids de ses jambes, puis j'en ai redemandé, ce jour-là j'ai compris à quel point nous formions un vieux couple comme on dit d'un cheval de retour.
Je me suis plaint d'elle, c'était mon sujet de conversation : preuve d'amour, de même qu'un blasphème prouve l'existence de Dieu.