Bouvard : "Les morts..."
"Des cruautés contraires aux bons sentiments me restent sur un cœur qui ne bat plus : ces guerres de religion, ces génocides, ces massacres organisés en l'honneur d'un Dieu qui, s'il existe, ne doit pas en demander tant. Quant aux lavages de cerveaux qu'on appelle évangélisations, ils ont longtemps contraint des peuples, hâtivement qualifiés de sauvages, d'adopter la religion de plus forts qu'eux.
"Enfin, je m'interroge sur les effets des hommages rendus à certaines célébrités le jour anniversaire de leur disparition. Est-ce que les vivants ne dérangent pas les morts en les distrayant de leurs méditations ou de leurs nouvelles occupations lorsqu'ils parlent d'eux ?
"André Malraux n'a-t-il pas troublé la vie de Jean Moulin lorsque, dans l'envolée d'un discours tonitruant, il l'a accueilli aux portes du Panthéon ?" Ces façons de parler cachent une grande amertume, et du pessimisme. Des lettres bien senties circulent sur internet, envoyées à des sommités politiques, attribuées à Philippe Bouvard. On ne peut tout de même pas dire que le personnage soit de goche. "Moi qui vous parle, sans aucune certtude d'être entendu, puisqu'il n'y a pas de sondages d'audience dans l'au-delà, je dois peut-être mes sursauts de conscience à un badaud qui, chez un bouquiniste des bords de la Seine, feuillette l'un de mes bouquins défraîchis.
"Le pape, la curie et tout le saint-frusquin - Dans le fonctionnement de la sainte Eglise catholique et romaine, j'ai cherché en vain le divin. Au sommet, on place un pontife dont les ennemis de l'idolâtrie, pratique condamnable des anciens Barbares, font une idole. La mise en scène est tellement bien étudiée que des centaines de millions de braves gens, appelés fidèles, s'y laissent prendre. D'abord, la désignation lors d'un conclave organisé en vase très clos ; l'élection, pour succéder à saint Pierre, d'un cardinal auquel la tradition interdit d'être candidat ; le scrutin à peine terminé, l'essayage d'une des trois soutanes (aussi blanches que la fumée venant de s'échapper du toit de la chapelle Sixtine) susceptibles d'enrober des morphologies différentes. Je passe sur le bene pendentes ritualisé depuis la supercherie de la papesse Jeanne. Bénédiction générale." Renseignez-vous, ô Bouvard, digne descendant de Voltaire : il n'y a jamais eu de papesse Jeanne, mais une succession de papes travestis, qui avaient vers l'an 980 transformé le Vatican en véritable bordel homo.
Les grandes folles ne sont pas des femmes, mais bel et bien des hommes. "Concert des cloches qui rassemblent les ouailles et font fuir les corbeaux."
Bouvard est attachant. Son livre est rigolo, sur un sujet triste, l'auteur se montre tel qu'en lui-même, sans cabotinage, en 2014, étant de 1929, soit 85 ans d'âge. Bravo, chapeau, longue vie, ici-bas et dans l'au-delà, et si ça ne vous amuse pas, lisez la Bible. Amen.