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Peyrefitte en Grèce

« Nous faisons des comptes d'apothicaires, au lieu de méditer ce compte-ci, qui a été fait par Platon : la journée du juste est sept cent vingt-neuf fois plus heureuse que celle de l'injuste. Il va sans dire que le juste selon Platon ne pèche pas en proportion, malgré l'exemple du juste selon l'Ecriture. »
Laissant à gauche la colline du Sphinx, qui évoquait d'autres légendes béotiennes, les voyageurs empruntèrent, à droite, le chemin indiqué par cette plaque prétentieuse : « Thespies ».
Rien de plus raboteux que ce chemin : on n'allait pas à la ville de l'Amour par un chemin de roses. » Que je plains ceux qui visitent la Grèce sans la moindre érudition. « Rien de plus triste non plus : la vallée encaissée que l'on suivait était digne des bords du Copaïs. Un mauvais pont enjambait une pauvre rivière. » Le lac Copaïs fut asséché à la fin du XIXe siècle. « Enfin, on approchait des hauteurs où s'élevait le village moderne de Thespies, et le paysage, peu à peu, se transforma. La vallée desséchée s'ouvrait sur des champs verdoyants, coupés de ruisseaux, qui s'étendaient au bas de ces hauteurs et rejoignaient le territoire de Leuctres » (bataille du 6 juillet – 371). Des fontaines, maçonnées en frontons, versaient leurs cascades devant des bouquets d'arbres. Des ruines, semées çà et là, pouvaient être celles des temples d'Hercule, des Muses et de l'Amour » - nous rappellerons que les neuf Muses étaient vierges.

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« Dire que nous ne nous arrêtons pas à Thespies ! » fit Jean Guibert. C'est comme si, croisant dans le golfe de Laconie, nous ne faisions pas escale à Cythère. Encore aurions-nous là une excuse, puisque Cythère n'est plus que Cérigo, comme l'a fait remarquer le poète de L'enfant grec, tandis que Thespies est toujours Thespies » - le poète, c'est Victor Hugo ; l'enfant grec, à la fin du poème, réclame de la poudre et des balles, contre lesTurcs, mais il ne faut pas stigmatiser, n'est-ce pas.
- Détrompez-vous, dit Annie : Thespies n'existe que sur la plaque indicatrice, au croisement de la grand-route. Le village moderne est baptisé « Château-Désert » - c'est de cette façon que j'ai raté la visite du temple de Delphes, nombril de l'univers, renommé sottement « Les marbres », Marmaria ; tout l'autocar y est allé sauf ma femme, une autre femme et moi – fatigués ; si j'avais su, je m'y serais traîné à quatre pattes, car maintenant, je ne suis plus près d'y retourner, en Grèce... « Les noms historiques ornent les plaques des routes ou des gares, pour le plaisir des étrangers, mais les lieux mêmes se nomment tout autrement : « Les Figurines », c'est Tanagra ; « Les Ossements », c'est Platées, de même que le Parnasse est en réalité « le mont Loup » et l'Hymette « le mont Fou ».
« Malheureusement, ajouta-t-elle en riant, le « château désert » ne l'est pas assez ; sans quoi il mériterait bien une visite. »
- Encore une fois, comme ce pays est admirable ! dit Guibert. Tout s'y enchevêtre savamment et simplement ». Oui, mais pour l'authentification archéologique, peau de balle. « On est partout à Cythère, sans avoir pris la peine de s'embarquer. »
Nouvel arrêt près d'un autre village. Mais c'était l'arrêt prévu. » Vous ne viendrez pas dire que ce n'est pas un road-movie. « Sous un rocher étincelait une source où se miraient des plantes légères, symbole de Narcisse, qui s'y était miré beaucoup trop. Quelques arbrisseaux protégeaient les bords et invitaient à un arrêt plus mémorable. » On se croirait dans un guide Bleu, celui du géographe Pausanias, par exemple (115-180 après Jésus-Christ). «Hélas ! un chevrier, poussant son troupeau, parut dans le voisinage. C'était peut-être le gardien du musée de Thespies, mais il était moins réservé que son collègue de Tanagra » - l'endroit des fameuses statuettes. « Il se dirigea vers la source, sans s'occuper s'il troublait une idylle  ou si ses chèvres et son bouc allaient troubler le reflet du visage de Narcisse » poil aux cuisses. « Il était écrit que cette matinée serait chaste » - et maintenant on est bien fatigué, on se souviendra de ce voyage érudit en compagnie de Roger Peyrefitte, mais moins de son intrigue vaseuse. L'oracle, livre de Poche 4006.    

Commentaires

  • Par Dieu sait quelle entourloupe je parviens à rejoindre mon blog anémique. Il paraît que l'on ne reconnaît pas mon indicatif en gmail ? Pourquoîîîî ? Parvient-ce ?

  • Encore un texte, après tout...
    Nous sommes tous en lutte contre la corruption, contre l'inéluctable que nous connaissons sans l'aide de la moindre pythonisse. La scène que nous lisons est on ne peut plus bourgeoise : "Les astres le proclament dans leurs constallations, clamant hoc sidera signis, je dirais "dans leurs dispositions", les hommes le réclament dans leurs vœux". V, 146, 2060 07 21 "Pourquoi" poursuit-il, "évoquer les astres, quand l'amour lui a fait un destin plus beau ?" L'amour des peuples. L'espoir du guerrier salvateur. Le petit peuple, si vilement flatté aujourd'hui, nepossédait en ce temps nulle préoccupation politique. Peu lui important qui le gouvernait, pourvu qu'il pût vivre en paix, sans compter les pièces dans sa bourse.
    C'est pourquoi l'histoire des populations et de leurs mœurs, pour passionnantes qu'elles soient, ne doit pas se substituer à cette autre mathématique de la succession des princes et des héritages territoriaux. Infinie fluctuation des usages, dans un récipient clos, infinie fluctuation des dynasties, dans un autre récipient plus luisant mais clos, telles doivent être les deux pôles de l'activité humaine, dans l'Histoire. Et que les astres ou l'amour interviennent, les liens de l'homme et de l'univers, mécanique ou sensible, s'en trouvent renforcés. Rien qui doive là susciter l'hostilité des points de vue : "rien n'est plus fort que l'affection des peuples". Nous irons donc chercher "les éminentes qualités de Majorien", puisque cet intertitre apparaît dans nos marges. Nous
    ignorons qui les a conférées, si c'est Loyen André lui-même, ou si cela provient d'un autre. Attendons-nous aux tartines obligées, sur les glorieux ancêtres, l'éducation spartiate, l'endurance au chaud et au froid, les premiers succès ; je plonge :
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    "Bien qu'adolescent, il ne se montre jamais avide de posséder : est cupidus nunquam. Est-ce donc un privilège de l'adolescence ? Ne pas oublier que ce mot n'est pas chargé du respect que nous lui attribuons aujourd'hui, en phase avec "masturbation", "fragilité", "sensibilité". Il s'agit d'un âge de pleine jeunesse, ardent, puéril encore, à l'instar des enfants qui font un caprice dès qu'ils en voient un autre avoir quelque chose qu'ils n'ont pas. Le christianisme est passé par là, et se vautre depuis suffisamment de temps sur les cœurs pour les avoir modelés : "il est au contraire modéré dans ses désirs". Ce brave chrétien, sans que Jésus l'Imaginaire soit mentionné, distribue ses biens aux pauvres et ne désirera pas le commandement pour les avantages matériels qu'on en peut tirer : grosses payes, beaux vases et blondes à gros seins : "encore pauvre, il distribue déjà des richesses" – la largesse, largition, sera toujours appréciée au Moyen Âge, pourvu que ce ne soient pas sur les fonds d'Etat.
    Il serait d'ailleurs intéressant d'étudier la modification du sens de l'amitié : quand devient-elle désintéressée ? Quand les hommes ont-ils commencé à blâmer le gaspillage clientéliste ? ...Louis XVI et Marie-Antoinette... Nous avons encore le temps : Majorien "ne se contente pas de conseiller de grandes entreprises : il s'y attache". Conseilleur, mais payeur. Lieux communs assurément, habilement utilisés pour un empereur qui n'hésitera pas à courir en tête de ses troupes, au lieu d'intriguer du fond de son palais ; au fait, a-t-on vu Ricimer charger à cheval depuis qu'il tire les ficelles à Rome ? Il était ami de Majorien, sous le commandement d'Aétius. Avec Majorien, il renversa Avitus, qui avait transféré la capitale à Ravenne.
    Flatter Majorien, c'est pour l'instant flatter Ricimer : Sidoine loue les "pensées élevées" de l'empereur, qui "presse la réalisation de ses espoirs". "Faut-il à nouveau décrire ses jeux ?" Non, Sidoine, nous t'en supplions. "Une seule de tes journées" – Sidoine passe de la troisième à la deuxième personne – "a surclassé tous les exploits que l'on prête à ton javelot". Notre bellâtre aux invincibles pectoraux se lance dans l'archerie : "trois flèches lui ont suffi pour faire trembler devant lui un serpent, un cerf, un sanglier", anguis, ceruus, aper. On a bien rigolé entre potes, de ce gros rire collectif des peplums que poussent des acteurs rougeauds de l'Ohio.

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